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Chabal victime d’un arbitrage sans arbitre

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Alors qu’il pouvait encore en début de semaine espérer concourir pour la Coupe du Monde avec le XV de France et disputer une demi-finale de Top 14 (puis, éventuellement une finale) avec le Racing-Métro, Sébastien Chabal ne fera rien de tout cela.

Ce mercredi, L’entraîneur Marc Lièvremont l’a tout d’abord mis à l’écart de l’équipe nationale, ce qui n’était pas une surprise au vu de ses performances dans le dernier Tournoi des VI nations. Mais surtout, il a été suspendu pour soixante jours par la commission de discipline de la Ligue Nationale de Rugby. Et là, ça se corse

Car ce qu’on reproche à Chabal, ce ne sont pas des mauvais gestes sur le terrain, ni même d’avoir sniffé de la poudre de perlimpinpin dans une troisième mi-temps. C’est d’avoir accusé dans son livre les arbitres de favoriser le club de Castres, c’est-à-dire, celui de l’actuel président de la Ligue Nationale de Rugby.

Honnêtement, en spectateur plus qu’intermittent, je n’ai pas d’opinion sur le bien-fondé des accusations de Chabal. Elles sont peut-être exagérées, infondées voire diffamatoires.

En revanche, j’ai une opinion, sur une institution, sportive ou autre, qui pense qu’on peut à la fois être juge et partie, ou plaignant et bourreau : son arbitrage et donc ses décisions sont forcément … (ici , cher lecteur, tu ajouteras une grossièreté de ton choix, je te fais confiance)

« J’entame un combat de libération nationale ! »

Nicolas Dupont-Aignan est maire de Yerres et député de l’Essonne. Il est président de Debout la République ! et candidat à l’élection présidentielle. Dernier livre paru
L’euro, les banquiers et la mondialisation : L’arnaque du siècle (éditions du Rocher)

Vous êtes un des derniers hommes politiques français à vous définir explicitement comme gaulliste. Mais comment définir le gaullisme en 2011 ?

NDA : Le droit des peuples à disposer d’eux mêmes. C’est tout simple. Ce n’est pas une nostalgie. C’est simplement le rappel des principes fondateurs de la démocratie, de la nation et de la République dans une France sous tutelle. Il faut rejeter la tutelle extérieure – supranationalité européenne, OMC, multinationales -, et briser les tutelles intérieures – féodalités, centrales d’achat, oligopoles bancaires, oligarques de l’énergie -, les secondes jouant en direct avec la première pour prendre le pouvoir en étau. Aujourd’hui, le pouvoir est faible et le peuple malheureux. Pour restaurer un pouvoir non pas fort mais démocratique, j’entame un combat de libération nationale et j’en appelle à un gouvernement de salut public. Dans cette perspective, je me définis comme gaulliste mais peu importe l’appellation. Ma candidature est une candidature nationale, républicaine et sociale.

Le problème, c’est que, ce faisant, vous occupez un espace politique où vous n’êtes pas seul. N’y a-t-il pas un risque de brouillage entre vous et Marine Le Pen, d’une part, Jean-Luc Mélenchon, de l’autre ?

C’est à nous de créer notre espace. Aujourd’hui, DSK, Hollande, Aubry, Bayrou, Villepin, Borloo, Sarkozy, Hulot, Duflot évoluent dans le même marigot, proposant de fausses alternances. Les Français savent bien qu’elles ne résoudront pas leurs problèmes puisqu’aucun de ces candidats déclarés ou potentiels ne remet en cause le cadre qu’ils se sont imposés. Or, c’est précisément ce cadre qui interdit toute solution. Nous avons besoin d’alternatives politiques. La seule qui intéresse le système médiatique est celle que propose ou prétend proposer Marine Le Pen. J’entends, pour ma part, présenter une alternative gaulliste et républicaine. Quand à Jean-Luc Mélenchon, il oscille entre alternance et alternative. Du reste, s’il piétine aujourd’hui, c’est parce que les gens ont compris qu’il risquait d’être un rabatteur pour le candidat de la pseudo-alternance socialiste.

En somme, les seuls candidats du changement seraient Marine Le Pen et vous-même ?

Exactement. Et ce n’est pas par hasard si toute l’attention se focalise sur Marine Le Pen. L’UMP et le PS ne peuvent se maintenir au pouvoir qu’en jouant sur la peur que suscite, légitimement du reste, l’alternative représentée par le Front national. Voilà pourquoi je défendrai inlassablement un projet cohérent de libération nationale que je présenterai début juin à la nation. Les Français jugeront sur pièces. On voudrait nous enfermer dans le même piège que pendant la campagne du référendum de 2005 : personne ne contestait l’existence de différences considérables entre les partisans du « oui » alors que tous les défenseurs du « non » et d’une autre Europe étaient mis dans le même sac. Prétendre qu’il ne pourrait y avoir qu’une alternative, c’est, je le répète, se condamner aux éternelles fausses alternances.

Pour vous, le principal combat consiste à refuser la logique financière qui est à l’origine de la tutelle que vous évoquiez. L’un des exemples les plus frappants est ce que vous appelez le « scandale France Trésor ». De quoi s’agit-il ?

C’est un scandale, mais il n’a rien de secret : je l’ai découvert sur internet. France Trésor est une agence de Bercy chargée de gérer, c’est-à-dire de placer, la dette de la France. Son comité stratégique, autrement dit l’organe qui la conseille dans ses placements, est composé de banquiers internationaux qui en sont aussi les bénéficiaires ! C’est un peu comme si mon Conseil municipal, qui doit notamment décider des achats de la municipalité, était composé non pas d’élus mais de fournisseurs. C’est ahurissant ! C’est sans doute le plus énorme conflit d’intérêt que nous connaissions, car les sommes en jeu, c’est-à-dire le service de la dette, se montent à 50 milliards d’euros par an, soit presqu’autant que le budget de l’Education nationale. D’un côté on supprime des postes dans les hôpitaux, les commissariats, les écoles et de l’autre on paye des intérêts exorbitants à des banques privées qui ont pris le contrôle de notre dette. Or, cette situation est la conséquence de la loi de 1973 qui interdit à la Banque de France de financer directement le Trésor et qui a été sanctuarisée par les traités de Maastricht et de Lisbonne. En vérité, on a privatisé la création monétaire. La Banque centrale européenne prête aux banques au taux de 1%, et celles-ci prêtent à la France à 3%, et à la Grèce ou au Portugal à 7 %. Il s’agit d’un véritable racket de la richesse nationale organisé à grande échelle. Si on n’avait pas, depuis vingt ans, payé d’intérêts sur la dette – ou si on avait payé des intérêts raisonnables – elle aurait déjà été remboursée.

Peut-être mais n’aurait-ce pas été au prix d’une inflation bien supérieure ?

Je ne prétends pas qu’il faut faire marcher la planche à billets dans tous les cas, mais pour les grands investissements stratégiques, il est tout à fait naturel qu’on ne paye pas d’intérêt. C’est ainsi que le général de Gaulle est parvenu, entre 1958 et 1968, rétablir l’équilibre des finances publiques, en conciliant des budgets tout à fait raisonnables sur le plan du fonctionnement et des investissements dans la recherche d’environ 5 % du PIB. Or, nous vivons encore sur les retombées des programmes lancés à ce moment-là. L’enjeu est très clair : soit les gouvernements reprennent le pouvoir sur le secteur bancaire, soit notre pays entrera dans un cercle vicieux d’appauvrissement et de clochardisation. Parce que, pendant ce temps, la Chine et les Etats-Unis investissent massivement dans les technologies du XXIème siècle et nous prenons un retard colossal. Tant que ce système perdurera, nous n’aurons aucune marge de manœuvre pour investir dans la recherche, c’est-à-dire dans l’avenir, et donc, aucun résultat sur le front de l’emploi. Avec cette question du financement de la dette, nous sommes donc au cœur du réacteur nucléaire qui est en train de nous détruire.

Propos recueillis par Jérôme Leroy

Le Royal Pudding de South Park : Kate et William risquent d’être fort marris

Alors que La conquête de Xavier Durringer sort à Cannes quatre bonnes années après les faits, il n’aura fallu que 15 jours aux créateurs de South Park pour digérer le mariage royal de qui nous savons, pour le restituer à leur manière. Vendredi, les Anglais pourront profiter d’un épisode en deux parties, baptisé « Royal pudding », qui ne met pas directement en scène Will et Kate, mais un couple canadien. D’après les fuites publiés par les tabloïds, les blagues reposeront notamment sur l’accent pourri des futurs mariés et l’enlèvement de la promise la veille de la cérémonie.

Le Duc et la Duchesse de Cambridge rejoignent ainsi au panthéon de Trey Parker et Matt Stone la Reine d’Angleterre, qui s’était suicidée dans un épisode de 2007, et feue la Princesse Diana, qui, elle, avait passé un réveillon de Noël en enfer…

Le chemin de Créteil

photo : lyon.catholique.fr

« On n’arrivait pas à croire à ce qui se passait. Ils sont entrés et, immédiatement, ils ont tiré sur la foule. Dans ce lieu de culte… Ils tuaient avec haine. Ils ont tué une femme avec son bébé et ont tiré sur une autre qui était enceinte. Elle les a suppliés de l’achever, mais ils lui ont dit :  » Non, tu vas continuer à souffrir et tu iras en enfer, alors que nous, nous irons au paradis. » » C’est un récit parmi d’autres de la prise d’otages dans la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours, à Bagdad le 31 octobre 2010. Le « Massacre de la Toussaint », comme l’ont appelé les médias, a duré cinq heures et marqué un tournant. Certes, ce n’était pas la première fois que les chrétiens d’Irak étaient pris pour cible par Al-Qaïda, mais jamais la barbarie n’avait atteint un tel niveau. Jamais non plus l’hypothèse de la disparition de la communauté chrétienne du Moyen-Orient n’avait semblé aussi sérieuse.[access capability= »lire_inedits »]

Les images de l’arrivée en France des 35 rescapés de l’attaque et de leurs accompagnateurs ont suivi de près celles des murs de la cathédrale bagdadie tachés de sang et criblés de balles. Les blessés graves transportés d’urgence vers les hôpitaux, leurs proches ont rejoint un centre d’hébergement à Créteil, géré par l’association France Terre d’asile. Puis, plus rien. Plus d’images. Plus de déclarations. Plus de témoignages. Que sont devenus ces gens au terme de six mois de séjour en France ? Comment vivent-ils ? Quel avenir veulent-ils ? Pensent-ils seulement à un avenir ?

La valise ou le cercueil

Depuis l’automne 2007, plusieurs pays-membres de l’Union européenne, dont la France, ont décidé d’accueillir les minorités religieuses vulnérables d’Irak, et notamment les chrétiens. Initialement fixé à 500, le nombre de visas délivrés par les autorités françaises serait d’environ 2000, selon l’Institut Assyro-Chaldéen-Syriaque. Est-ce trop, pas assez ? La question est plus délicate qu’il n’y paraît. Expert pour l’Alliance des civilisations des Nations unies et auteur de l’ouvrage de référence Ces Chrétiens qu’on assassine, René Guitton soutient la position des autorités religieuses d’Irak : « On a reproché à Bernard Kouchner de n’avoir donné que 500 visas, alors que l’Allemagne en avait donné 2000. Mais si on donne trop de visas, on fait le jeu des islamistes. Tous les responsables religieux, dans tout le Moyen-Orient, le disent. » Point de vue résumé en un slogan entendu lors de la manifestation de soutien aux chrétiens d’Irak, organisée à Paris en novembre 2010 : « La valise ou le cercueil, ils disent non ! Vivre en paix dans leur pays, ils disent oui ! » Beau comme de l’antique.

Mgr Yousif Petrus, recteur de la Mission chaldéenne en France, appelle au réalisme plutôt qu’à la résistance pacifique : « Je crois qu’il faut accorder davantage de visas. Il s’agit d’urgence et d’aide humanitaire. Ce n’est pas pour faire du tourisme que les chrétiens d’Irak viennent en France. » Elish Yako, responsable de l’Association d’entraide aux minorités d’Orient (AEMO) qui participe à la sélection des dossiers des personnes menacées au ministère de l’Immigration, partage ce point de vue : « L’Église d’Irak demande aux chrétiens de rester mais elle n’est pas en mesure de garantir leur sécurité et leur dignité. Nous avons reçu l’appel du frère d’un des prêtres assassinés dans la cathédrale. Il vit désormais caché et est menacé en permanence. Nous n’attendons de conseils de quiconque pour faire notre travail. » En clair, le maintien en Irak des minorités religieuses, quelles qu’elles soient, serait, sinon un vœu pieux, pour le moins un espoir lointain. Pour autant, il y a peut-être des mesures concrètes permettant d’échapper à l’alternative mortifère de la valise ou du cercueil.

Comment aider les chrétiens d’Irak à rester dans leur pays ? Avant de donner une réponse solidement argumentée à cette question embarrassante, Agnès Ide, jeune présidente de l’Institut Assyro-Chaldée-Syriaque, précise en souriant qu’elle est de nature optimiste. Les trois pistes qu’elle propose pour stopper l’exode de la communauté chrétienne et préserver la mosaïque culturelle de l’ancienne Mésopotamie paraissent presque réalistes. Pour commencer, le plus évident : sécuriser les églises, les écoles et autres lieux de rassemblement des chrétiens. Ensuite, il faut continuer à faire pression sur le gouvernement irakien pour qu’il reconnaisse le droit à l’autodétermination du peuple « chaldéen-syriaque-assyrien » avec, à la clé, l’attribution d’une région autonome et sécurisée dans le Nord du pays. « Nous ne cherchons en aucun cas à créer une enclave ethnico-religieuse, assure Agnès Ide. En revanche, nous sommes favorable à la transformation de l’Irak en un État fédéral au sein duquel les chaldéens-syriaques-assyriens disposeraient d’un territoire autonome.» Enfin, il s’agit de soutenir le développement économique de cette population en encourageant les initiatives locales dans le tourisme, l’agriculture ou les énergies renouvelables. « Le Nord de l’Irak, une région à potentiel touristique énorme, est déjà sécurisé !, poursuit la jeune femme avec un enthousiasme qui donne envie de sauter dans le premier vol pour Bagdad. « La population chrétienne qui s’y est réfugiée est urbaine. Elle ne sait pas comment tirer un profit maximal de la richesse agricole de la région ou exploiter son patrimoine historique

Les informations recensées par diverses ONG et institutions sur la situation des chrétiens au Kurdistan irakien inclinent cependant à plus de scepticisme. Selon l’Observatoire de la liberté religieuse, créé par une association dépendant du Saint-Siège, leur sécurité y est sans nul doute mieux assurée que dans le reste du pays, mais elle reste fragile. Le Parlement européen a transmis au gouvernement et au Parlement de Bagdad, ainsi qu’à l’Organisation de la conférence islamique, sa résolution du 20 janvier rappelant que les actes de violence religieuse étaient en augmentation et qu’ils visaient en majorité des chrétiens. Aussi louable soit ce geste symbolique, il a peu de chances de changer la donne sur le terrain.

La vie rêvée de la diaspora

Alors, pour beaucoup, la seule perspective d’avenir, c’est encore l’exil. « Les dimanches, nous nous retrouvons tous ici, nous partageons les repas, nous travaillons ensemble à la traduction de documents, à la constitution des dossiers. Le rôle de l’Église reste surtout celui de la prise en charge spirituelle des exilés. Mais nous mettons également nos locaux à la disposition de l’AEMO qui y tient permanence chaque samedi. Ainsi cet endroit est aussi une maison de culture et d’échange. » Mgr Yousif Petrus officie dans un modeste bureau encombré de livres et de photos jaunies d’une autre époque. Sa paroisse, Notre-Dame de Chaldée, située dans une rue sans charme du 18e arrondissement de Paris, avoisine un temple Ganesh. Au rez-de-chaussée du bâtiment moderne, quelques femmes vêtues de noir discutent en arabe. Les résolutions du Parlement européen ne changent rien au destin de ces chrétiens qui ont dû quitter l’Irak à la hâte et sans rien, ni à celui de leurs proches restés à Bagdad ou à Mossoul. Elles semblent, au contraire, susciter une vague inquiétude. « Nous ne voudrions pas que ce genre d’initiatives ait des retombées négatives chez nous, en Irak », commente Yousif Petrus. Le mot « représailles » n’est pas prononcé, mais chacun l’entend. Depuis l’intervention américaine − habilement qualifiée de « croisade » par George W. Bush −, les partisans du djihad voient chaque chrétien d’Irak comme un « élément étranger », un Occidental – un « croisé ».

Reste le plus facile : atténuer la détresse des victimes directes des persécutions. « Nous avons accueilli en urgence les personnes blessées lors de l’attaque du 31 octobre. Elles ont été accueillies en France et très bien accueillies. Mais plusieurs mois après le drame, les familles ne sont toujours pas réunies. Il faudrait vraiment que les choses aillent plus vite, dans ce cas précis », confie Yousif Petrus, toujours avec les mêmes précautions oratoires qui révèlent la crainte d’aggraver la situation « là-bas ». « Je ne voudrais pas que ce que je dis nuise à ma communauté. Les chrétiens d’Irak ne demandent pas un statut particulier en France. »

Il suffit d’assister à une messe en l’église Saint-Thomas-Apôtre, à Sarcelles, pour mesurer l’importance que les chrétiens d’Orient accordent à la famille et à la transmission de l’héritage. Entre deux offices chantés en araméen, les fidèles se croisent sur le parvis, échangent les dernières nouvelles du pays, s’enquièrent d’un travail ou d’un logement. Les garçons tout endimanchés s’attardent, observent discrètement les filles dans leurs robes en dentelle. Les couples se forment. Les enfants naissent et grandissent sans connaître la terre de leurs ancêtres, mais ils savent prier en syriaque oriental. Certaines familles rêvent de retour. « L’attentat de Bagdad a secoué la jeune génération des Irakiens vivant en diaspora. Ils retournent au pays ne serait-ce que pour de courtes périodes », affirme Agnès Ide, en connaissance de cause. Depuis 2006, elle-même se rend chaque année dans le Nord de l’Irak dans le cadre de missions humanitaires. « Les chrétiens, les chiites et les sunnites peuvent vivre ensemble. Mais pour cela, il faut défendre le principe de l’unité de l’Irak en tant qu’État laïque. La vague de solidarité qui a suivi le Massacre de la Toussaint prouve que cette idée fait consensus dans la société irakienne. Malheureusement, les médias occidentaux n’ont en pas parlé… » Le rêve d’une coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses d’Irak rapproche les générations. « Non, ce n’est pas un rêve, proteste Mgr Petrus. Une fois, j’ai été appelé à construire une église au sud-ouest de Mossoul. Son architecte était un chaldéen, le responsable du chantier était un syriaque orthodoxe, alors que l’ingénieur et les ouvriers étaient musulmans. Et tout le monde a accepté de travailler sans être payé ! » L’église construite par Mgr Petrus a été bombardée pendant la guerre.

À la sortie de la chapelle Saint-Léon, dans une ville de la banlieue parisienne, elle serre dans ses bras un minuscule balluchon dont s’échappent des cris stridents, signe de bonne santé et de vigueur chez les bébés. Les femmes se regroupent autour d’elle, regardent son enfant avec une affection particulière, comme s’il s’agissait de leur bébé à toutes. C’est un peu le cas. C’est le bébé de tous les rescapés de la cathédrale de Bagdad. Elle était enceinte de cinq mois. C’est elle que ses bourreaux avaient refusé d’achever pour qu’elle souffre avant, disaient-ils, d’« aller en enfer ». Elle est la preuve vivante de leur échec.[/access]

Hollande au pays du comté

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photo : Parti socialiste

Il y a quelques années, je n’aurais pas eu une idée si saugrenue. Figurez-vous qu’hier soir, je me suis retrouvé avec bloc et stylo en train de prendre des notes à une réunion publique dont la vedette était François Hollande. J’avais appris une grosse heure avant, par l’entremise du journal de France 3 Besançon, que le candidat aux primaires socialistes était de passage et que, peut-être, un petit reportage pourrait intéresser les lecteurs de mon blog et éventuellement ceux de Causeur.

Deux bonnes heures après, je me demandais si ce que j’avais vu et entendu méritait vraiment un article. Hollande a la réputation d’être drôle et d’improviser quelques mini-sketches lors de ses discours. Il n’a pas franchement été à la hauteur de sa réputation. Mais peut-être est-ce cela aussi, la nécessaire mutation du candidat. Moins de rondeurs, moins de blagues, et un discours plutôt chiant, à vrai dire. Hier soir, dans le gymnase de la Malcombe et devant 250 militants et sympathisants socialistes pas du tout chauffés à blanc, l’ambiance n’était pas à la fièvre électorale.

Certes, l’homme a l’air sympathique et lorsqu’à son arrivée, il déambule parmi les participants, il n’oublie jamais le petit mot pour faire sourire et il a une poignée de main ferme et chaleureuse. Il n’empêche, le discours de François Hollande aurait pu – tout aussi bien – être prononcé par son concurrent DSK mais aussi par François Bayrou, Jean-Louis Borloo ou même François Fillon. Mise en garde face aux populismes européens, mise à l’index du protectionnisme, assimilé au repli et aux barbelés, fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, nouvelle vague de décentralisation, le rêve de Hollande n’a rien d’une révolution. On demeure dans la continuité des trente dernières années mais pouvait-on attendre autre chose de celui qui fut une cheville ouvrière du club deloriste « Témoins » au début des années 90 ?

C’est donc par le style que François Hollande entend se distinguer. Il est un candidat « normal » souhaitant devenir un président « normal ». Il explique en quoi l’exercice de la présidence de Nicolas Sarkozy demeure profondément « anormal », ce qui ne casse pas trois pattes à un canard. Tout cela est vrai mais réchauffé au micro-ondes. En fait, derrière l’évocation du Président actuel, on perçoit l’ombre de Dominique Strauss-Kahn. Pendant son discours, on sent à plusieurs reprises à quel point le souci premier de Hollande semble bien de se positionner par rapport au directeur général du FMI. On notera l’allusion à François Mitterrand largué dans les sondages par Michel Rocard à un an de l’élection dont on fête aujourd’hui l’anniversaire. On remarquera également ce tacle vicieux : « Je parcours la France depuis quelques années. Je la connais. » Plus significative encore, alors que, le discours terminé, il assure le service après-vente dans la salle, cette réponse faite à un militant qui le questionnait sur Mélenchon : « Il est très dur, Jean-Luc. Et si c’est Dominique face à lui, il sera très très dur ». Petit doigt me dit que si François Hollande tient, en tant que candidat socialiste, le même genre de discours qu’hier à Besançon, le candidat du Front de Gauche ne sera pas plus doux avec lui qu’avec DSK.

Hollande ne se voit qu’un seul adversaire dans ces primaires, c’est bien Strauss-Kahn. Il ne croit pas à la candidature de Martine Aubry et il méprise -voire ignore- celles d’Arnaud Montebourg ou de son ex Ségo , qu’il n’a pas cités parmi ses compétiteurs (« Pour l’instant, il n’y a qu’un candidat ; il y en aura bientôt deux »). Au passage, on se demande comment le député de Saône et Loire pourrait se ranger derrière François Hollande à partir de l’automne. La démondialisation qu’il prône se situe aux antipodes des conceptions orthodoxes développées hier soir.

Quel réquisitoire, me direz-vous, avec raison ! Je l’assume d’autant plus que je suis au nombre de ceux qui pensent que François Hollande est actuellement le mieux placé pour entrer à l’Elysée dans un an. Je me souviens de m’être livré en 2007 à la devinette suivante : « Savez-vous pourquoi je déteste à ce point Chirac ? Parce qu’à cause de lui, on a eu Sarkozy ».
Savez-vous pourquoi je déteste autant Sarkozy ? Parce que de sa faute, on va très probablement devoir se payer François Hollande…

Pas de lotus pour Madame Nhu

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Madame Nhu est morte le 24 avril 2011 dans cette résidence romaine qu’elle aimait, non loin de sa chapelle privée abritant une statue de la vierge Marie. Extravagante, catholique fervente, caustique, chic, féline et fragile, elle fut tout cela, et calomniée aussi, autant que Jiang Qing (et pour des raisons pas si dissemblables), une autre « Madame », mais du camp tout à fait opposé celle-là, puisqu’elle était Madame Mao.

Madame Nhu fut la première dame de la République du Sud-Viêt Nam de 1955 à 1963, mais une première dame spéciale à plus d’un titre. D’abord parce que le président Diem n’était pas son mari mais son beau-frère. Ensuite parce qu’elle ne transigeait pas beaucoup sur les choses de la religion. Des moines bouddhistes s’immolent en signe de protestation? « Barbecue », répond-elle. A son cou, une rivière de diamants… en forme de crucifix. Et à sa solde, une milice paramilitaire composée exclusivement de femmes. Féministe aussi, à sa manière particulière. Qui ne manquait ni de classe, ni de hargne, ni d’élégance, quoi qu’on en dise et pense.

Salima Rhamna est enseignante, blogueuse et romancière. Dernier ouvrage paru Chbebs ! (Editions de l’Abat-jour)

Pass contraception : just do it !

photo : rsr.ch

Le collectivisme totalitaire vient de faire un grand pas en avant dans ce pays, avec l’annonce triomphale, claironnée d’un commun accord par Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, et Luc Chatel, ministre de l’Éducation (enfin, de ce qu’on croyait être l’Éducation), de l’instauration dans tous nos lycées du « pass contraception ».

On ne s’étendra pas sur cette dénomination qui d’emblée assimile la vie affective et amoureuse de nos adolescent(e)s à l’utilisation du métro et du RER. On peut s’attarder un peu plus sur la parfaite entente qui s’est instaurée pour l’occasion entre deux responsables politiques qu’on croyait encore adversaires : le parti unique n’est pas pour demain, mais on y travaille. Et paix sur terre aux hommes de bonne volonté !

La bonne volonté est incontestablement au rendez-vous. On ne pouvait pas indéfiniment accepter d’un cœur léger que se perpétue une boucherie annuelle de plus de treize mille IVG pratiquées sur des jeunes filles mineures. C’est un droit, l’IVG, donc c’est beau, l’IVG, mais quand même, à quinze ou seize ans, on a vaguement l’intuition que ce n’est peut-être pas terrible. Il est vrai que nos adolescentes semblent plus modérées ou plus débrouillardes que les grandes, car avec ces dernières, on arrive à deux cent mille. Suggérons donc d’instaurer le « pass contraception » pour tous jusqu’à la ménopause ou l’andropause.

Bref, il fallait réagir ; c’est chose faite. Nos gamines de seconde n’auront qu’à se rendre à l’infirmerie du lycée, pendant la récré, entre le cours de français et celui de maths, pour obtenir leur kit de non-procréation. (Encore qu’il n’en ait guère été question, je suppose et veux croire que la puissance publique n’a pas oublié les MST en chemin, la pilule étant, à ce qu’il me semble, assez peu efficace contre la contamination par le VIH.) Et tout ira pour le mieux, d’autant plus que les parents n’auront plus à s’en mêler. Ça les soulagera, ces pauvres parents, et de toute façon, on le savait déjà à Sparte, ce n’est pas aux parents de s’occuper d’élever leurs enfants, de veiller à leur santé, à leur équilibre, à leurs occupations et fréquentations. C’est à la collectivité sociale de prendre tout cela en charge. L’enjeu est trop grave. Il s’agit d’édicter des règles pour le parc humain. Nos responsables ont lu Peter Sloterdijk, et ils ont su faire la part entre ce qui relève, chez ce philosophe, d’une ironie tout à fait malséante, et ce que sa pensée pouvait offrir d’utile. La pensée de Sloterdijk a été en quelque sorte rééduquée et mise à profit dans l’intérêt de tous. Cet homme avait raison sans le savoir, peut-être. Nos politiques ont su remettre sa dialectique à l’endroit. Marchons d’un pas résolu vers la stabulation libre.

Il faudra bien entendu combattre également, chez ces jeunes êtres en formation, ces garçons timides à qui l’amour fiche le trac, ces petites filles déjà jolies qui rêvent du Prince charmant, toute trace de romantisme, d’hésitation, de pudeur, de réserve. On n’allait pas leur parler indéfiniment de leur sensibilité, de leurs rêves, de leurs désirs, de leurs questionnements, de leurs émerveillements, de leurs cœurs qui battent, de tout ce vieux saint-frusquin hors d’usage dans une société pragmatique. On n’allait pas éternellement cultiver ces longues rêveries sur l’amour qui ne sont que la vitrine poétisée du vieux moralisme judéo-chrétien. On n’allait pas leur dire, à ces gosses, que peut-être, à leur âge, elles avaient le temps, et qu’il n’est pas mauvais, avec les garçons, de leur tenir un peu la dragée haute. Fini, tout ça ! La sexualité, c’est la sexualité, rien de plus. Ça ne se rêve pas, ça se réalise. Just do it ! Dans les règles de l’hygiène. Est-ce qu’on fait tant de manières avec les animaux d’élevage ?

Préservez-nous du shopping socialiste

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Emoustillé par le compte-rendu d’Aimée sur les commémorations à Solferino, je suis illico allé voir ce qu’on vendait de beau dans la boutique (quand je dis que j’y suis allé, c’est par internet, hein, et pas pédibus cum jambis, faut pas exagérer non plus).

Comme annoncé par mon accorte consœur, j’y ai trouvé le fameux T-shirt à pixels rétro annonçant que la vie, et bien elle allait changer. Voici comment il est présenté :

Je ne sais pas pourquoi le boutiquier webmaster a décapité la (jolie ?) blonde faisant office de mannequin.

Peut-être que sa maman ne sait pas qu’elle est socialiste?

Peut-être qu’elle avait un disgracieux bouton sur le front le jour de la photo ?

Peut-être qu’elle a demandé à ce qu’on l’anonymise quand elle a découvert le catalogue de bimbeloterie branchouille et centre-gauche mis en vente à ses côtés.

Je penche naturellement pour cette dernière option. Franchement, vous, même en étant socialiste convaincu, vous achèteriez ça ? (« Boule à neige, fabrication artisanale, édition limitée. 15 euros »)

Ou bien ça («Préservatif aux normes NF/CE Impression de la pochette en France – Vendu par lots de cinq. 4,50 euros») ?

Ou encore ça ? («Mug porcelaine 10 cm x 8 cm. Haute résistance lave-vaisselle et micro-ondes, contenu : 25 cl. Livré dans sa boîte individuelle. Fabriqué en Europe. 12 euros»)

Si vous êtes sages, la semaine prochaine, nous irons en visite guidée à la boutique de l’UMP.

Le PS laisse pas béton Tonton

photo : Parti socialiste

Dans la cour d’honneur de Solferino, au milieu des reproductions géantes des quotidiens du 11 mai 1981, les gens ont l’air un rien perdu. Militants plus que badauds, plutôt vieux, ils sont venus profiter des portes ouvertes au PS. Des affichettes les invitent à suivre un petit circuit qui monte dans les étages et slalome entre les bureaux, façon Journées du Patrimoine. Ils commentent à voix basse les affiches de la campagne électorale de l’époque, et s’extasient tous devant le chef d’œuvre des chefs d’œuvres, la table de travail en marbre de François Mitterrand.

Puis le peuple de gauche redescend par l’escalier d’honneur (à droite, chuchote notre guide, il y a le bureau de Martine) et se retrouve dans la cour. Direction la boutique qui vend des T-shirts à l’effigie du Mitterrand surpixélisé tel qu’il apparut à la télé à 20 heures, mais les philatélistes pourront aussi y trouver un carnet de timbres compilant les très riches heures du président.

Dans un escalier, attendant que Martine Aubry et les éléphants d’hier et d’aujourd’hui paraissent enfin, un étudiant lit un livre sur « l’éthique du capitalisme », c’est vrai qu’on n’est qu’à trois pas de Sciences-Po. Réflexion faite, il n’y a dans la foule que presque uniquement des militants, qui se reconnaissent, s’embrassent et causent boutique. Il y a aussi comme une gêne qui plane sur les lieux. Tout le monde se demande ce qu’il fout là finalement, comme s’il était difficile de trouver le bon ton pour cette célébration. Chacun sait bien que le vrai gros morceau arrive et que la première victoire présidentielle de la gauche d’après Mitterrand est loin d’être assurée. Alors, célébrer trop fort les exploits passés, c’est peut être un coup à se mettre les astres à dos. On devient vite superstitieux en politique, y compris à gauche -si vous ne me croyez pas, demandez à Elizabeth Teissier…

Peu avant 20 heures, tout s’agite d’un coup. Un clip commémoratif de trois minutes va être diffusé sur grand écran. Martine Aubry arrive, Lionel Jospin suit, François Hollande est là. Jean Glavany et Pierre Bergé assurent le quota de mitterrandistes historiques. Bizarrement peu de députés (sauf ceux de la Nièvre au grand complet, ça devait être contractuel), ni de Ségolène Royal. La vidéo rejoue le climax historique du l’Heure H du Jour J, ça applaudit un peu, mais mollement, en vérité. En revanche, le public s’enthousiasme au rappel de l’abolition de la peine de mort. Et c’est terminé. On apporte une brassée de roses rouges à la Première secrétaire qui les distribue gracieusement. Jospin, avec sa cravate mal nouée et son col de chemise qui baille, respire sa fleur avec contentement. Hollande, qui ne fait plus de blagues depuis qu’il est au régime, prend sa mine sérieuse n°4 et embrasse des filles. Harlem Désir et David Assouline causent avec Anne Hidalgo. Les encartés au MJS, qu’on reconnaît à leurs T-shirts commémoratifs, font mine d’être pressés d’aller écouter Yannick Noah à la Bastille. Les jeunes énarques du PS, qu’on reconnaît à leurs costumes mal coupés, repartent maussades chez eux travailler leurs dossiers.

Martine Aubry monte dans son bureau, l’air content et les chers amis et camarades se dispersent. Il n’a même pas plu. Derrière moi un monsieur râle parce que sa femme lui a fait porter un parapluie toute la journée, « sous prétexte qu’il y a 30 ans, il pleuvait ». Si ça se trouve, ça manquait à la journée…

Yes, we Cannes !

les marches de la gloire, Cannes. photo : Jérôme Briot

L’avantage, avec Cannes, c’est qu’il y en a pour tous les goûts. Pour les amateurs de cinéma de festival, il y a toujours un petit Dardenne qui traîne (cette année, ce sera Le Gamin au vélo) et, pour les amateurs de glam’, une Carla hors compétition fait très vite l’affaire (en l’occurrence, la première dame de France fait une apparition dans le Woody Allen d’ouverture du festival, Midnight in Paris). Il est vrai que ce mélange d’austérité et de légèreté fait depuis longtemps le charme du festival de Cannes. Une alliance improbable entre le sérieux de cinéastes adorés et la frivolité d’actrices adorables. Une étreinte entre l’art et les stars. Quoique, depuis quelques années, la donne n’est plus tout à fait la même. Les noms éternellement prononcés à Cannes (Pedro Almodovar, Lars von Trier, Nanni Moretti) constituent le vrai star system, à qui l’on dit poliment qu’il rajeunit chaque année. Alors que les acteurs deviennent sérieux et grisonnants, si bien qu’on les fait président du jury à la façon Robert de Niro.[access capability= »lire_inedits »]

Mais regardons de plus près ces habitués de la sélection officielle. Nous le disions, les frères Dardenne reviennent cette année, et avec eux le spectre menaçant d’une troisième Palme d’or. Après Rosetta et L’Enfant, voici Le Gamin au vélo : un film où il sera probablement plus question d’enfance que de cyclisme. En plus réjouissant, il y a la présence de Pedro Almodovar, qui nous racontera, dans La Peau que j’habite, l’histoire d’un chirurgien esthétique (Antonio Banderas) fomentant une vengeance contre le violeur présumé de sa fille. Après des Étreintes brisées aussi vaines que brillantes – le film avait un peu déçu les fâcheux en 2009 –, l’Espagnol est à nouveau dans la course avec cette libre adaptation de Mygale, un roman de Thierry Jonquet. Parmi ceux qui ont leur rond de serviette au Festival de Cannes, il y a aussi Nanni Moretti. Il présentera Habemus papam, mettant en scène un pape en devenir (Michel Piccoli) traversé par le doute au moment précis de son élection. On a dit que le film n’était pas en odeur de sainteté là où l’on sait mais, vu sa réception en Italie, il ne semble pas en odeur de scandale non plus. Quant à Lars von Trier, rejeton emblématique de la famille des empalmés, il ne sera pas en reste avec son Melancholia, drame mettant une scène une famille déchirée, sur fond d’apocalypse planétaire. Tout simplement.

Et puisqu’on jette sur le tapis le sujet de l’alliance entre l’intime et le cosmique, autant parler de Terrence Malick ! Ne tournons pas autour du pot : Tree of life, son nouveau film, s’annonce comme l’événement majeur du Festival. Avec une date de sortie repoussée depuis décembre 2009, Malick n’a pas démenti sa réputation de cinéaste patient, tendance sadique. De ce que l’on en sait, Tree of life retrace les réflexions d’un homme se remémorant l’univers familial de son enfance au point de s’interroger sur sa place dans l’univers tout court. Espérons que tout ce temps aura permis au cinéaste philosophe de peaufiner son œuvre : ses précédents films, comme La Balade sauvage ou Le Nouveau Monde, ont placé la barre très haut. Mais d’autres grands artistes pourraient aussi créer la surprise : deux ans après Irène, Alain Cavalier reviendra à Cannes pour Pater, et Aki Kaurismaki présentera son film Le Havre, avec Jean-Pierre Darroussin et Jean-Pierre Léaud (nostalgiques ne pas s’abstenir). Enfin, le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, plusieurs fois récompensé à Cannes (pour Uzak et Les Trois Singes), présentera Il était une fois en Anatolie.

Temple de l’art et cabinet de curiosités

Parfois, le Festival, qui se voudrait temple de l’art, se fait cabinet de curiosités. C’est la principale fonction des films hors compétition. Exemple de divertissement pour les festivaliers : le nouveau film de Michel Hazanavicius avec Jean Dujardin, The Artist, dont l’originalité est d’être un film muet. A voir si l’expérience est amusante ou se termine en énième facétie vintage. Dans un autre domaine, nous pouvons déjà prévoir un pôle de fixation des commentaires inutiles sur Nicolas Sarkozy et Carla Bruni. Le premier sera en effet incarné par Denis Podalydès dans La Conquête, de Xavier Durringer. Quant à la seconde, elle apparaîtra quelques instants dans le nouveau Woody Allen. Pour ne rien arranger, le petit cinéaste à lunettes a trouvé malicieux, lors d’une interview, d’imaginer notre président dans un rôle « à la Bogart ».

Enfin, s’il ne trouve pas son compte dans la sélection officielle, le public cannois aura le droit cette année à une sélection « Un Certain Regard » particulièrement prometteuse. Avec notamment Restless en film d’ouverture, le nouveau film de Gus Van Sant, qui avait tout de même obtenu avec Elephant l’une des plus belles Palmes d’or qui soit. Espérons que cette histoire d’amour entre deux adolescents hantés par l’idée de la mort s’inscrira plus dans la veine de ce précédent que dans celle d’Harvey Milk. Dans cette compétition parallèle, dont le jury sera présidé par Emir Kusturica, on retrouvera aussi Bruno Dumont pour Hors Satan, les coréens Hong Sang-soo et Kim Ki-duk pour The Day he arrives et Arirang, ainsi que Robert Guédiguian pour Les Neiges du Kilimandjaro.

Voilà, vous avez les gros traits de la sélection et le nom des jurés (De Niro, nous l’avons dit, mais aussi Johnnie To, Jude Law, Olivier Assayas et Uma Thurman). Serez-vous assez fous pour vous lancer avec une telle sélection, très ouverte, dans des pronostics de Palme d’or ?[/access]

Chabal victime d’un arbitrage sans arbitre

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Alors qu’il pouvait encore en début de semaine espérer concourir pour la Coupe du Monde avec le XV de France et disputer une demi-finale de Top 14 (puis, éventuellement une finale) avec le Racing-Métro, Sébastien Chabal ne fera rien de tout cela.

Ce mercredi, L’entraîneur Marc Lièvremont l’a tout d’abord mis à l’écart de l’équipe nationale, ce qui n’était pas une surprise au vu de ses performances dans le dernier Tournoi des VI nations. Mais surtout, il a été suspendu pour soixante jours par la commission de discipline de la Ligue Nationale de Rugby. Et là, ça se corse

Car ce qu’on reproche à Chabal, ce ne sont pas des mauvais gestes sur le terrain, ni même d’avoir sniffé de la poudre de perlimpinpin dans une troisième mi-temps. C’est d’avoir accusé dans son livre les arbitres de favoriser le club de Castres, c’est-à-dire, celui de l’actuel président de la Ligue Nationale de Rugby.

Honnêtement, en spectateur plus qu’intermittent, je n’ai pas d’opinion sur le bien-fondé des accusations de Chabal. Elles sont peut-être exagérées, infondées voire diffamatoires.

En revanche, j’ai une opinion, sur une institution, sportive ou autre, qui pense qu’on peut à la fois être juge et partie, ou plaignant et bourreau : son arbitrage et donc ses décisions sont forcément … (ici , cher lecteur, tu ajouteras une grossièreté de ton choix, je te fais confiance)

« J’entame un combat de libération nationale ! »

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Nicolas Dupont-Aignan est maire de Yerres et député de l’Essonne. Il est président de Debout la République ! et candidat à l’élection présidentielle. Dernier livre paru
L’euro, les banquiers et la mondialisation : L’arnaque du siècle (éditions du Rocher)

Vous êtes un des derniers hommes politiques français à vous définir explicitement comme gaulliste. Mais comment définir le gaullisme en 2011 ?

NDA : Le droit des peuples à disposer d’eux mêmes. C’est tout simple. Ce n’est pas une nostalgie. C’est simplement le rappel des principes fondateurs de la démocratie, de la nation et de la République dans une France sous tutelle. Il faut rejeter la tutelle extérieure – supranationalité européenne, OMC, multinationales -, et briser les tutelles intérieures – féodalités, centrales d’achat, oligopoles bancaires, oligarques de l’énergie -, les secondes jouant en direct avec la première pour prendre le pouvoir en étau. Aujourd’hui, le pouvoir est faible et le peuple malheureux. Pour restaurer un pouvoir non pas fort mais démocratique, j’entame un combat de libération nationale et j’en appelle à un gouvernement de salut public. Dans cette perspective, je me définis comme gaulliste mais peu importe l’appellation. Ma candidature est une candidature nationale, républicaine et sociale.

Le problème, c’est que, ce faisant, vous occupez un espace politique où vous n’êtes pas seul. N’y a-t-il pas un risque de brouillage entre vous et Marine Le Pen, d’une part, Jean-Luc Mélenchon, de l’autre ?

C’est à nous de créer notre espace. Aujourd’hui, DSK, Hollande, Aubry, Bayrou, Villepin, Borloo, Sarkozy, Hulot, Duflot évoluent dans le même marigot, proposant de fausses alternances. Les Français savent bien qu’elles ne résoudront pas leurs problèmes puisqu’aucun de ces candidats déclarés ou potentiels ne remet en cause le cadre qu’ils se sont imposés. Or, c’est précisément ce cadre qui interdit toute solution. Nous avons besoin d’alternatives politiques. La seule qui intéresse le système médiatique est celle que propose ou prétend proposer Marine Le Pen. J’entends, pour ma part, présenter une alternative gaulliste et républicaine. Quand à Jean-Luc Mélenchon, il oscille entre alternance et alternative. Du reste, s’il piétine aujourd’hui, c’est parce que les gens ont compris qu’il risquait d’être un rabatteur pour le candidat de la pseudo-alternance socialiste.

En somme, les seuls candidats du changement seraient Marine Le Pen et vous-même ?

Exactement. Et ce n’est pas par hasard si toute l’attention se focalise sur Marine Le Pen. L’UMP et le PS ne peuvent se maintenir au pouvoir qu’en jouant sur la peur que suscite, légitimement du reste, l’alternative représentée par le Front national. Voilà pourquoi je défendrai inlassablement un projet cohérent de libération nationale que je présenterai début juin à la nation. Les Français jugeront sur pièces. On voudrait nous enfermer dans le même piège que pendant la campagne du référendum de 2005 : personne ne contestait l’existence de différences considérables entre les partisans du « oui » alors que tous les défenseurs du « non » et d’une autre Europe étaient mis dans le même sac. Prétendre qu’il ne pourrait y avoir qu’une alternative, c’est, je le répète, se condamner aux éternelles fausses alternances.

Pour vous, le principal combat consiste à refuser la logique financière qui est à l’origine de la tutelle que vous évoquiez. L’un des exemples les plus frappants est ce que vous appelez le « scandale France Trésor ». De quoi s’agit-il ?

C’est un scandale, mais il n’a rien de secret : je l’ai découvert sur internet. France Trésor est une agence de Bercy chargée de gérer, c’est-à-dire de placer, la dette de la France. Son comité stratégique, autrement dit l’organe qui la conseille dans ses placements, est composé de banquiers internationaux qui en sont aussi les bénéficiaires ! C’est un peu comme si mon Conseil municipal, qui doit notamment décider des achats de la municipalité, était composé non pas d’élus mais de fournisseurs. C’est ahurissant ! C’est sans doute le plus énorme conflit d’intérêt que nous connaissions, car les sommes en jeu, c’est-à-dire le service de la dette, se montent à 50 milliards d’euros par an, soit presqu’autant que le budget de l’Education nationale. D’un côté on supprime des postes dans les hôpitaux, les commissariats, les écoles et de l’autre on paye des intérêts exorbitants à des banques privées qui ont pris le contrôle de notre dette. Or, cette situation est la conséquence de la loi de 1973 qui interdit à la Banque de France de financer directement le Trésor et qui a été sanctuarisée par les traités de Maastricht et de Lisbonne. En vérité, on a privatisé la création monétaire. La Banque centrale européenne prête aux banques au taux de 1%, et celles-ci prêtent à la France à 3%, et à la Grèce ou au Portugal à 7 %. Il s’agit d’un véritable racket de la richesse nationale organisé à grande échelle. Si on n’avait pas, depuis vingt ans, payé d’intérêts sur la dette – ou si on avait payé des intérêts raisonnables – elle aurait déjà été remboursée.

Peut-être mais n’aurait-ce pas été au prix d’une inflation bien supérieure ?

Je ne prétends pas qu’il faut faire marcher la planche à billets dans tous les cas, mais pour les grands investissements stratégiques, il est tout à fait naturel qu’on ne paye pas d’intérêt. C’est ainsi que le général de Gaulle est parvenu, entre 1958 et 1968, rétablir l’équilibre des finances publiques, en conciliant des budgets tout à fait raisonnables sur le plan du fonctionnement et des investissements dans la recherche d’environ 5 % du PIB. Or, nous vivons encore sur les retombées des programmes lancés à ce moment-là. L’enjeu est très clair : soit les gouvernements reprennent le pouvoir sur le secteur bancaire, soit notre pays entrera dans un cercle vicieux d’appauvrissement et de clochardisation. Parce que, pendant ce temps, la Chine et les Etats-Unis investissent massivement dans les technologies du XXIème siècle et nous prenons un retard colossal. Tant que ce système perdurera, nous n’aurons aucune marge de manœuvre pour investir dans la recherche, c’est-à-dire dans l’avenir, et donc, aucun résultat sur le front de l’emploi. Avec cette question du financement de la dette, nous sommes donc au cœur du réacteur nucléaire qui est en train de nous détruire.

Propos recueillis par Jérôme Leroy

Le Royal Pudding de South Park : Kate et William risquent d’être fort marris

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Alors que La conquête de Xavier Durringer sort à Cannes quatre bonnes années après les faits, il n’aura fallu que 15 jours aux créateurs de South Park pour digérer le mariage royal de qui nous savons, pour le restituer à leur manière. Vendredi, les Anglais pourront profiter d’un épisode en deux parties, baptisé « Royal pudding », qui ne met pas directement en scène Will et Kate, mais un couple canadien. D’après les fuites publiés par les tabloïds, les blagues reposeront notamment sur l’accent pourri des futurs mariés et l’enlèvement de la promise la veille de la cérémonie.

Le Duc et la Duchesse de Cambridge rejoignent ainsi au panthéon de Trey Parker et Matt Stone la Reine d’Angleterre, qui s’était suicidée dans un épisode de 2007, et feue la Princesse Diana, qui, elle, avait passé un réveillon de Noël en enfer…

Le chemin de Créteil

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photo : lyon.catholique.fr

« On n’arrivait pas à croire à ce qui se passait. Ils sont entrés et, immédiatement, ils ont tiré sur la foule. Dans ce lieu de culte… Ils tuaient avec haine. Ils ont tué une femme avec son bébé et ont tiré sur une autre qui était enceinte. Elle les a suppliés de l’achever, mais ils lui ont dit :  » Non, tu vas continuer à souffrir et tu iras en enfer, alors que nous, nous irons au paradis. » » C’est un récit parmi d’autres de la prise d’otages dans la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours, à Bagdad le 31 octobre 2010. Le « Massacre de la Toussaint », comme l’ont appelé les médias, a duré cinq heures et marqué un tournant. Certes, ce n’était pas la première fois que les chrétiens d’Irak étaient pris pour cible par Al-Qaïda, mais jamais la barbarie n’avait atteint un tel niveau. Jamais non plus l’hypothèse de la disparition de la communauté chrétienne du Moyen-Orient n’avait semblé aussi sérieuse.[access capability= »lire_inedits »]

Les images de l’arrivée en France des 35 rescapés de l’attaque et de leurs accompagnateurs ont suivi de près celles des murs de la cathédrale bagdadie tachés de sang et criblés de balles. Les blessés graves transportés d’urgence vers les hôpitaux, leurs proches ont rejoint un centre d’hébergement à Créteil, géré par l’association France Terre d’asile. Puis, plus rien. Plus d’images. Plus de déclarations. Plus de témoignages. Que sont devenus ces gens au terme de six mois de séjour en France ? Comment vivent-ils ? Quel avenir veulent-ils ? Pensent-ils seulement à un avenir ?

La valise ou le cercueil

Depuis l’automne 2007, plusieurs pays-membres de l’Union européenne, dont la France, ont décidé d’accueillir les minorités religieuses vulnérables d’Irak, et notamment les chrétiens. Initialement fixé à 500, le nombre de visas délivrés par les autorités françaises serait d’environ 2000, selon l’Institut Assyro-Chaldéen-Syriaque. Est-ce trop, pas assez ? La question est plus délicate qu’il n’y paraît. Expert pour l’Alliance des civilisations des Nations unies et auteur de l’ouvrage de référence Ces Chrétiens qu’on assassine, René Guitton soutient la position des autorités religieuses d’Irak : « On a reproché à Bernard Kouchner de n’avoir donné que 500 visas, alors que l’Allemagne en avait donné 2000. Mais si on donne trop de visas, on fait le jeu des islamistes. Tous les responsables religieux, dans tout le Moyen-Orient, le disent. » Point de vue résumé en un slogan entendu lors de la manifestation de soutien aux chrétiens d’Irak, organisée à Paris en novembre 2010 : « La valise ou le cercueil, ils disent non ! Vivre en paix dans leur pays, ils disent oui ! » Beau comme de l’antique.

Mgr Yousif Petrus, recteur de la Mission chaldéenne en France, appelle au réalisme plutôt qu’à la résistance pacifique : « Je crois qu’il faut accorder davantage de visas. Il s’agit d’urgence et d’aide humanitaire. Ce n’est pas pour faire du tourisme que les chrétiens d’Irak viennent en France. » Elish Yako, responsable de l’Association d’entraide aux minorités d’Orient (AEMO) qui participe à la sélection des dossiers des personnes menacées au ministère de l’Immigration, partage ce point de vue : « L’Église d’Irak demande aux chrétiens de rester mais elle n’est pas en mesure de garantir leur sécurité et leur dignité. Nous avons reçu l’appel du frère d’un des prêtres assassinés dans la cathédrale. Il vit désormais caché et est menacé en permanence. Nous n’attendons de conseils de quiconque pour faire notre travail. » En clair, le maintien en Irak des minorités religieuses, quelles qu’elles soient, serait, sinon un vœu pieux, pour le moins un espoir lointain. Pour autant, il y a peut-être des mesures concrètes permettant d’échapper à l’alternative mortifère de la valise ou du cercueil.

Comment aider les chrétiens d’Irak à rester dans leur pays ? Avant de donner une réponse solidement argumentée à cette question embarrassante, Agnès Ide, jeune présidente de l’Institut Assyro-Chaldée-Syriaque, précise en souriant qu’elle est de nature optimiste. Les trois pistes qu’elle propose pour stopper l’exode de la communauté chrétienne et préserver la mosaïque culturelle de l’ancienne Mésopotamie paraissent presque réalistes. Pour commencer, le plus évident : sécuriser les églises, les écoles et autres lieux de rassemblement des chrétiens. Ensuite, il faut continuer à faire pression sur le gouvernement irakien pour qu’il reconnaisse le droit à l’autodétermination du peuple « chaldéen-syriaque-assyrien » avec, à la clé, l’attribution d’une région autonome et sécurisée dans le Nord du pays. « Nous ne cherchons en aucun cas à créer une enclave ethnico-religieuse, assure Agnès Ide. En revanche, nous sommes favorable à la transformation de l’Irak en un État fédéral au sein duquel les chaldéens-syriaques-assyriens disposeraient d’un territoire autonome.» Enfin, il s’agit de soutenir le développement économique de cette population en encourageant les initiatives locales dans le tourisme, l’agriculture ou les énergies renouvelables. « Le Nord de l’Irak, une région à potentiel touristique énorme, est déjà sécurisé !, poursuit la jeune femme avec un enthousiasme qui donne envie de sauter dans le premier vol pour Bagdad. « La population chrétienne qui s’y est réfugiée est urbaine. Elle ne sait pas comment tirer un profit maximal de la richesse agricole de la région ou exploiter son patrimoine historique

Les informations recensées par diverses ONG et institutions sur la situation des chrétiens au Kurdistan irakien inclinent cependant à plus de scepticisme. Selon l’Observatoire de la liberté religieuse, créé par une association dépendant du Saint-Siège, leur sécurité y est sans nul doute mieux assurée que dans le reste du pays, mais elle reste fragile. Le Parlement européen a transmis au gouvernement et au Parlement de Bagdad, ainsi qu’à l’Organisation de la conférence islamique, sa résolution du 20 janvier rappelant que les actes de violence religieuse étaient en augmentation et qu’ils visaient en majorité des chrétiens. Aussi louable soit ce geste symbolique, il a peu de chances de changer la donne sur le terrain.

La vie rêvée de la diaspora

Alors, pour beaucoup, la seule perspective d’avenir, c’est encore l’exil. « Les dimanches, nous nous retrouvons tous ici, nous partageons les repas, nous travaillons ensemble à la traduction de documents, à la constitution des dossiers. Le rôle de l’Église reste surtout celui de la prise en charge spirituelle des exilés. Mais nous mettons également nos locaux à la disposition de l’AEMO qui y tient permanence chaque samedi. Ainsi cet endroit est aussi une maison de culture et d’échange. » Mgr Yousif Petrus officie dans un modeste bureau encombré de livres et de photos jaunies d’une autre époque. Sa paroisse, Notre-Dame de Chaldée, située dans une rue sans charme du 18e arrondissement de Paris, avoisine un temple Ganesh. Au rez-de-chaussée du bâtiment moderne, quelques femmes vêtues de noir discutent en arabe. Les résolutions du Parlement européen ne changent rien au destin de ces chrétiens qui ont dû quitter l’Irak à la hâte et sans rien, ni à celui de leurs proches restés à Bagdad ou à Mossoul. Elles semblent, au contraire, susciter une vague inquiétude. « Nous ne voudrions pas que ce genre d’initiatives ait des retombées négatives chez nous, en Irak », commente Yousif Petrus. Le mot « représailles » n’est pas prononcé, mais chacun l’entend. Depuis l’intervention américaine − habilement qualifiée de « croisade » par George W. Bush −, les partisans du djihad voient chaque chrétien d’Irak comme un « élément étranger », un Occidental – un « croisé ».

Reste le plus facile : atténuer la détresse des victimes directes des persécutions. « Nous avons accueilli en urgence les personnes blessées lors de l’attaque du 31 octobre. Elles ont été accueillies en France et très bien accueillies. Mais plusieurs mois après le drame, les familles ne sont toujours pas réunies. Il faudrait vraiment que les choses aillent plus vite, dans ce cas précis », confie Yousif Petrus, toujours avec les mêmes précautions oratoires qui révèlent la crainte d’aggraver la situation « là-bas ». « Je ne voudrais pas que ce que je dis nuise à ma communauté. Les chrétiens d’Irak ne demandent pas un statut particulier en France. »

Il suffit d’assister à une messe en l’église Saint-Thomas-Apôtre, à Sarcelles, pour mesurer l’importance que les chrétiens d’Orient accordent à la famille et à la transmission de l’héritage. Entre deux offices chantés en araméen, les fidèles se croisent sur le parvis, échangent les dernières nouvelles du pays, s’enquièrent d’un travail ou d’un logement. Les garçons tout endimanchés s’attardent, observent discrètement les filles dans leurs robes en dentelle. Les couples se forment. Les enfants naissent et grandissent sans connaître la terre de leurs ancêtres, mais ils savent prier en syriaque oriental. Certaines familles rêvent de retour. « L’attentat de Bagdad a secoué la jeune génération des Irakiens vivant en diaspora. Ils retournent au pays ne serait-ce que pour de courtes périodes », affirme Agnès Ide, en connaissance de cause. Depuis 2006, elle-même se rend chaque année dans le Nord de l’Irak dans le cadre de missions humanitaires. « Les chrétiens, les chiites et les sunnites peuvent vivre ensemble. Mais pour cela, il faut défendre le principe de l’unité de l’Irak en tant qu’État laïque. La vague de solidarité qui a suivi le Massacre de la Toussaint prouve que cette idée fait consensus dans la société irakienne. Malheureusement, les médias occidentaux n’ont en pas parlé… » Le rêve d’une coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses d’Irak rapproche les générations. « Non, ce n’est pas un rêve, proteste Mgr Petrus. Une fois, j’ai été appelé à construire une église au sud-ouest de Mossoul. Son architecte était un chaldéen, le responsable du chantier était un syriaque orthodoxe, alors que l’ingénieur et les ouvriers étaient musulmans. Et tout le monde a accepté de travailler sans être payé ! » L’église construite par Mgr Petrus a été bombardée pendant la guerre.

À la sortie de la chapelle Saint-Léon, dans une ville de la banlieue parisienne, elle serre dans ses bras un minuscule balluchon dont s’échappent des cris stridents, signe de bonne santé et de vigueur chez les bébés. Les femmes se regroupent autour d’elle, regardent son enfant avec une affection particulière, comme s’il s’agissait de leur bébé à toutes. C’est un peu le cas. C’est le bébé de tous les rescapés de la cathédrale de Bagdad. Elle était enceinte de cinq mois. C’est elle que ses bourreaux avaient refusé d’achever pour qu’elle souffre avant, disaient-ils, d’« aller en enfer ». Elle est la preuve vivante de leur échec.[/access]

Hollande au pays du comté

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photo : Parti socialiste

Il y a quelques années, je n’aurais pas eu une idée si saugrenue. Figurez-vous qu’hier soir, je me suis retrouvé avec bloc et stylo en train de prendre des notes à une réunion publique dont la vedette était François Hollande. J’avais appris une grosse heure avant, par l’entremise du journal de France 3 Besançon, que le candidat aux primaires socialistes était de passage et que, peut-être, un petit reportage pourrait intéresser les lecteurs de mon blog et éventuellement ceux de Causeur.

Deux bonnes heures après, je me demandais si ce que j’avais vu et entendu méritait vraiment un article. Hollande a la réputation d’être drôle et d’improviser quelques mini-sketches lors de ses discours. Il n’a pas franchement été à la hauteur de sa réputation. Mais peut-être est-ce cela aussi, la nécessaire mutation du candidat. Moins de rondeurs, moins de blagues, et un discours plutôt chiant, à vrai dire. Hier soir, dans le gymnase de la Malcombe et devant 250 militants et sympathisants socialistes pas du tout chauffés à blanc, l’ambiance n’était pas à la fièvre électorale.

Certes, l’homme a l’air sympathique et lorsqu’à son arrivée, il déambule parmi les participants, il n’oublie jamais le petit mot pour faire sourire et il a une poignée de main ferme et chaleureuse. Il n’empêche, le discours de François Hollande aurait pu – tout aussi bien – être prononcé par son concurrent DSK mais aussi par François Bayrou, Jean-Louis Borloo ou même François Fillon. Mise en garde face aux populismes européens, mise à l’index du protectionnisme, assimilé au repli et aux barbelés, fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, nouvelle vague de décentralisation, le rêve de Hollande n’a rien d’une révolution. On demeure dans la continuité des trente dernières années mais pouvait-on attendre autre chose de celui qui fut une cheville ouvrière du club deloriste « Témoins » au début des années 90 ?

C’est donc par le style que François Hollande entend se distinguer. Il est un candidat « normal » souhaitant devenir un président « normal ». Il explique en quoi l’exercice de la présidence de Nicolas Sarkozy demeure profondément « anormal », ce qui ne casse pas trois pattes à un canard. Tout cela est vrai mais réchauffé au micro-ondes. En fait, derrière l’évocation du Président actuel, on perçoit l’ombre de Dominique Strauss-Kahn. Pendant son discours, on sent à plusieurs reprises à quel point le souci premier de Hollande semble bien de se positionner par rapport au directeur général du FMI. On notera l’allusion à François Mitterrand largué dans les sondages par Michel Rocard à un an de l’élection dont on fête aujourd’hui l’anniversaire. On remarquera également ce tacle vicieux : « Je parcours la France depuis quelques années. Je la connais. » Plus significative encore, alors que, le discours terminé, il assure le service après-vente dans la salle, cette réponse faite à un militant qui le questionnait sur Mélenchon : « Il est très dur, Jean-Luc. Et si c’est Dominique face à lui, il sera très très dur ». Petit doigt me dit que si François Hollande tient, en tant que candidat socialiste, le même genre de discours qu’hier à Besançon, le candidat du Front de Gauche ne sera pas plus doux avec lui qu’avec DSK.

Hollande ne se voit qu’un seul adversaire dans ces primaires, c’est bien Strauss-Kahn. Il ne croit pas à la candidature de Martine Aubry et il méprise -voire ignore- celles d’Arnaud Montebourg ou de son ex Ségo , qu’il n’a pas cités parmi ses compétiteurs (« Pour l’instant, il n’y a qu’un candidat ; il y en aura bientôt deux »). Au passage, on se demande comment le député de Saône et Loire pourrait se ranger derrière François Hollande à partir de l’automne. La démondialisation qu’il prône se situe aux antipodes des conceptions orthodoxes développées hier soir.

Quel réquisitoire, me direz-vous, avec raison ! Je l’assume d’autant plus que je suis au nombre de ceux qui pensent que François Hollande est actuellement le mieux placé pour entrer à l’Elysée dans un an. Je me souviens de m’être livré en 2007 à la devinette suivante : « Savez-vous pourquoi je déteste à ce point Chirac ? Parce qu’à cause de lui, on a eu Sarkozy ».
Savez-vous pourquoi je déteste autant Sarkozy ? Parce que de sa faute, on va très probablement devoir se payer François Hollande…

Pas de lotus pour Madame Nhu

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Madame Nhu est morte le 24 avril 2011 dans cette résidence romaine qu’elle aimait, non loin de sa chapelle privée abritant une statue de la vierge Marie. Extravagante, catholique fervente, caustique, chic, féline et fragile, elle fut tout cela, et calomniée aussi, autant que Jiang Qing (et pour des raisons pas si dissemblables), une autre « Madame », mais du camp tout à fait opposé celle-là, puisqu’elle était Madame Mao.

Madame Nhu fut la première dame de la République du Sud-Viêt Nam de 1955 à 1963, mais une première dame spéciale à plus d’un titre. D’abord parce que le président Diem n’était pas son mari mais son beau-frère. Ensuite parce qu’elle ne transigeait pas beaucoup sur les choses de la religion. Des moines bouddhistes s’immolent en signe de protestation? « Barbecue », répond-elle. A son cou, une rivière de diamants… en forme de crucifix. Et à sa solde, une milice paramilitaire composée exclusivement de femmes. Féministe aussi, à sa manière particulière. Qui ne manquait ni de classe, ni de hargne, ni d’élégance, quoi qu’on en dise et pense.

Salima Rhamna est enseignante, blogueuse et romancière. Dernier ouvrage paru Chbebs ! (Editions de l’Abat-jour)

Pass contraception : just do it !

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photo : rsr.ch

Le collectivisme totalitaire vient de faire un grand pas en avant dans ce pays, avec l’annonce triomphale, claironnée d’un commun accord par Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, et Luc Chatel, ministre de l’Éducation (enfin, de ce qu’on croyait être l’Éducation), de l’instauration dans tous nos lycées du « pass contraception ».

On ne s’étendra pas sur cette dénomination qui d’emblée assimile la vie affective et amoureuse de nos adolescent(e)s à l’utilisation du métro et du RER. On peut s’attarder un peu plus sur la parfaite entente qui s’est instaurée pour l’occasion entre deux responsables politiques qu’on croyait encore adversaires : le parti unique n’est pas pour demain, mais on y travaille. Et paix sur terre aux hommes de bonne volonté !

La bonne volonté est incontestablement au rendez-vous. On ne pouvait pas indéfiniment accepter d’un cœur léger que se perpétue une boucherie annuelle de plus de treize mille IVG pratiquées sur des jeunes filles mineures. C’est un droit, l’IVG, donc c’est beau, l’IVG, mais quand même, à quinze ou seize ans, on a vaguement l’intuition que ce n’est peut-être pas terrible. Il est vrai que nos adolescentes semblent plus modérées ou plus débrouillardes que les grandes, car avec ces dernières, on arrive à deux cent mille. Suggérons donc d’instaurer le « pass contraception » pour tous jusqu’à la ménopause ou l’andropause.

Bref, il fallait réagir ; c’est chose faite. Nos gamines de seconde n’auront qu’à se rendre à l’infirmerie du lycée, pendant la récré, entre le cours de français et celui de maths, pour obtenir leur kit de non-procréation. (Encore qu’il n’en ait guère été question, je suppose et veux croire que la puissance publique n’a pas oublié les MST en chemin, la pilule étant, à ce qu’il me semble, assez peu efficace contre la contamination par le VIH.) Et tout ira pour le mieux, d’autant plus que les parents n’auront plus à s’en mêler. Ça les soulagera, ces pauvres parents, et de toute façon, on le savait déjà à Sparte, ce n’est pas aux parents de s’occuper d’élever leurs enfants, de veiller à leur santé, à leur équilibre, à leurs occupations et fréquentations. C’est à la collectivité sociale de prendre tout cela en charge. L’enjeu est trop grave. Il s’agit d’édicter des règles pour le parc humain. Nos responsables ont lu Peter Sloterdijk, et ils ont su faire la part entre ce qui relève, chez ce philosophe, d’une ironie tout à fait malséante, et ce que sa pensée pouvait offrir d’utile. La pensée de Sloterdijk a été en quelque sorte rééduquée et mise à profit dans l’intérêt de tous. Cet homme avait raison sans le savoir, peut-être. Nos politiques ont su remettre sa dialectique à l’endroit. Marchons d’un pas résolu vers la stabulation libre.

Il faudra bien entendu combattre également, chez ces jeunes êtres en formation, ces garçons timides à qui l’amour fiche le trac, ces petites filles déjà jolies qui rêvent du Prince charmant, toute trace de romantisme, d’hésitation, de pudeur, de réserve. On n’allait pas leur parler indéfiniment de leur sensibilité, de leurs rêves, de leurs désirs, de leurs questionnements, de leurs émerveillements, de leurs cœurs qui battent, de tout ce vieux saint-frusquin hors d’usage dans une société pragmatique. On n’allait pas éternellement cultiver ces longues rêveries sur l’amour qui ne sont que la vitrine poétisée du vieux moralisme judéo-chrétien. On n’allait pas leur dire, à ces gosses, que peut-être, à leur âge, elles avaient le temps, et qu’il n’est pas mauvais, avec les garçons, de leur tenir un peu la dragée haute. Fini, tout ça ! La sexualité, c’est la sexualité, rien de plus. Ça ne se rêve pas, ça se réalise. Just do it ! Dans les règles de l’hygiène. Est-ce qu’on fait tant de manières avec les animaux d’élevage ?

Préservez-nous du shopping socialiste

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Emoustillé par le compte-rendu d’Aimée sur les commémorations à Solferino, je suis illico allé voir ce qu’on vendait de beau dans la boutique (quand je dis que j’y suis allé, c’est par internet, hein, et pas pédibus cum jambis, faut pas exagérer non plus).

Comme annoncé par mon accorte consœur, j’y ai trouvé le fameux T-shirt à pixels rétro annonçant que la vie, et bien elle allait changer. Voici comment il est présenté :

Je ne sais pas pourquoi le boutiquier webmaster a décapité la (jolie ?) blonde faisant office de mannequin.

Peut-être que sa maman ne sait pas qu’elle est socialiste?

Peut-être qu’elle avait un disgracieux bouton sur le front le jour de la photo ?

Peut-être qu’elle a demandé à ce qu’on l’anonymise quand elle a découvert le catalogue de bimbeloterie branchouille et centre-gauche mis en vente à ses côtés.

Je penche naturellement pour cette dernière option. Franchement, vous, même en étant socialiste convaincu, vous achèteriez ça ? (« Boule à neige, fabrication artisanale, édition limitée. 15 euros »)

Ou bien ça («Préservatif aux normes NF/CE Impression de la pochette en France – Vendu par lots de cinq. 4,50 euros») ?

Ou encore ça ? («Mug porcelaine 10 cm x 8 cm. Haute résistance lave-vaisselle et micro-ondes, contenu : 25 cl. Livré dans sa boîte individuelle. Fabriqué en Europe. 12 euros»)

Si vous êtes sages, la semaine prochaine, nous irons en visite guidée à la boutique de l’UMP.

Le PS laisse pas béton Tonton

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photo : Parti socialiste

Dans la cour d’honneur de Solferino, au milieu des reproductions géantes des quotidiens du 11 mai 1981, les gens ont l’air un rien perdu. Militants plus que badauds, plutôt vieux, ils sont venus profiter des portes ouvertes au PS. Des affichettes les invitent à suivre un petit circuit qui monte dans les étages et slalome entre les bureaux, façon Journées du Patrimoine. Ils commentent à voix basse les affiches de la campagne électorale de l’époque, et s’extasient tous devant le chef d’œuvre des chefs d’œuvres, la table de travail en marbre de François Mitterrand.

Puis le peuple de gauche redescend par l’escalier d’honneur (à droite, chuchote notre guide, il y a le bureau de Martine) et se retrouve dans la cour. Direction la boutique qui vend des T-shirts à l’effigie du Mitterrand surpixélisé tel qu’il apparut à la télé à 20 heures, mais les philatélistes pourront aussi y trouver un carnet de timbres compilant les très riches heures du président.

Dans un escalier, attendant que Martine Aubry et les éléphants d’hier et d’aujourd’hui paraissent enfin, un étudiant lit un livre sur « l’éthique du capitalisme », c’est vrai qu’on n’est qu’à trois pas de Sciences-Po. Réflexion faite, il n’y a dans la foule que presque uniquement des militants, qui se reconnaissent, s’embrassent et causent boutique. Il y a aussi comme une gêne qui plane sur les lieux. Tout le monde se demande ce qu’il fout là finalement, comme s’il était difficile de trouver le bon ton pour cette célébration. Chacun sait bien que le vrai gros morceau arrive et que la première victoire présidentielle de la gauche d’après Mitterrand est loin d’être assurée. Alors, célébrer trop fort les exploits passés, c’est peut être un coup à se mettre les astres à dos. On devient vite superstitieux en politique, y compris à gauche -si vous ne me croyez pas, demandez à Elizabeth Teissier…

Peu avant 20 heures, tout s’agite d’un coup. Un clip commémoratif de trois minutes va être diffusé sur grand écran. Martine Aubry arrive, Lionel Jospin suit, François Hollande est là. Jean Glavany et Pierre Bergé assurent le quota de mitterrandistes historiques. Bizarrement peu de députés (sauf ceux de la Nièvre au grand complet, ça devait être contractuel), ni de Ségolène Royal. La vidéo rejoue le climax historique du l’Heure H du Jour J, ça applaudit un peu, mais mollement, en vérité. En revanche, le public s’enthousiasme au rappel de l’abolition de la peine de mort. Et c’est terminé. On apporte une brassée de roses rouges à la Première secrétaire qui les distribue gracieusement. Jospin, avec sa cravate mal nouée et son col de chemise qui baille, respire sa fleur avec contentement. Hollande, qui ne fait plus de blagues depuis qu’il est au régime, prend sa mine sérieuse n°4 et embrasse des filles. Harlem Désir et David Assouline causent avec Anne Hidalgo. Les encartés au MJS, qu’on reconnaît à leurs T-shirts commémoratifs, font mine d’être pressés d’aller écouter Yannick Noah à la Bastille. Les jeunes énarques du PS, qu’on reconnaît à leurs costumes mal coupés, repartent maussades chez eux travailler leurs dossiers.

Martine Aubry monte dans son bureau, l’air content et les chers amis et camarades se dispersent. Il n’a même pas plu. Derrière moi un monsieur râle parce que sa femme lui a fait porter un parapluie toute la journée, « sous prétexte qu’il y a 30 ans, il pleuvait ». Si ça se trouve, ça manquait à la journée…

Yes, we Cannes !

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les marches de la gloire, Cannes. photo : Jérôme Briot

L’avantage, avec Cannes, c’est qu’il y en a pour tous les goûts. Pour les amateurs de cinéma de festival, il y a toujours un petit Dardenne qui traîne (cette année, ce sera Le Gamin au vélo) et, pour les amateurs de glam’, une Carla hors compétition fait très vite l’affaire (en l’occurrence, la première dame de France fait une apparition dans le Woody Allen d’ouverture du festival, Midnight in Paris). Il est vrai que ce mélange d’austérité et de légèreté fait depuis longtemps le charme du festival de Cannes. Une alliance improbable entre le sérieux de cinéastes adorés et la frivolité d’actrices adorables. Une étreinte entre l’art et les stars. Quoique, depuis quelques années, la donne n’est plus tout à fait la même. Les noms éternellement prononcés à Cannes (Pedro Almodovar, Lars von Trier, Nanni Moretti) constituent le vrai star system, à qui l’on dit poliment qu’il rajeunit chaque année. Alors que les acteurs deviennent sérieux et grisonnants, si bien qu’on les fait président du jury à la façon Robert de Niro.[access capability= »lire_inedits »]

Mais regardons de plus près ces habitués de la sélection officielle. Nous le disions, les frères Dardenne reviennent cette année, et avec eux le spectre menaçant d’une troisième Palme d’or. Après Rosetta et L’Enfant, voici Le Gamin au vélo : un film où il sera probablement plus question d’enfance que de cyclisme. En plus réjouissant, il y a la présence de Pedro Almodovar, qui nous racontera, dans La Peau que j’habite, l’histoire d’un chirurgien esthétique (Antonio Banderas) fomentant une vengeance contre le violeur présumé de sa fille. Après des Étreintes brisées aussi vaines que brillantes – le film avait un peu déçu les fâcheux en 2009 –, l’Espagnol est à nouveau dans la course avec cette libre adaptation de Mygale, un roman de Thierry Jonquet. Parmi ceux qui ont leur rond de serviette au Festival de Cannes, il y a aussi Nanni Moretti. Il présentera Habemus papam, mettant en scène un pape en devenir (Michel Piccoli) traversé par le doute au moment précis de son élection. On a dit que le film n’était pas en odeur de sainteté là où l’on sait mais, vu sa réception en Italie, il ne semble pas en odeur de scandale non plus. Quant à Lars von Trier, rejeton emblématique de la famille des empalmés, il ne sera pas en reste avec son Melancholia, drame mettant une scène une famille déchirée, sur fond d’apocalypse planétaire. Tout simplement.

Et puisqu’on jette sur le tapis le sujet de l’alliance entre l’intime et le cosmique, autant parler de Terrence Malick ! Ne tournons pas autour du pot : Tree of life, son nouveau film, s’annonce comme l’événement majeur du Festival. Avec une date de sortie repoussée depuis décembre 2009, Malick n’a pas démenti sa réputation de cinéaste patient, tendance sadique. De ce que l’on en sait, Tree of life retrace les réflexions d’un homme se remémorant l’univers familial de son enfance au point de s’interroger sur sa place dans l’univers tout court. Espérons que tout ce temps aura permis au cinéaste philosophe de peaufiner son œuvre : ses précédents films, comme La Balade sauvage ou Le Nouveau Monde, ont placé la barre très haut. Mais d’autres grands artistes pourraient aussi créer la surprise : deux ans après Irène, Alain Cavalier reviendra à Cannes pour Pater, et Aki Kaurismaki présentera son film Le Havre, avec Jean-Pierre Darroussin et Jean-Pierre Léaud (nostalgiques ne pas s’abstenir). Enfin, le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, plusieurs fois récompensé à Cannes (pour Uzak et Les Trois Singes), présentera Il était une fois en Anatolie.

Temple de l’art et cabinet de curiosités

Parfois, le Festival, qui se voudrait temple de l’art, se fait cabinet de curiosités. C’est la principale fonction des films hors compétition. Exemple de divertissement pour les festivaliers : le nouveau film de Michel Hazanavicius avec Jean Dujardin, The Artist, dont l’originalité est d’être un film muet. A voir si l’expérience est amusante ou se termine en énième facétie vintage. Dans un autre domaine, nous pouvons déjà prévoir un pôle de fixation des commentaires inutiles sur Nicolas Sarkozy et Carla Bruni. Le premier sera en effet incarné par Denis Podalydès dans La Conquête, de Xavier Durringer. Quant à la seconde, elle apparaîtra quelques instants dans le nouveau Woody Allen. Pour ne rien arranger, le petit cinéaste à lunettes a trouvé malicieux, lors d’une interview, d’imaginer notre président dans un rôle « à la Bogart ».

Enfin, s’il ne trouve pas son compte dans la sélection officielle, le public cannois aura le droit cette année à une sélection « Un Certain Regard » particulièrement prometteuse. Avec notamment Restless en film d’ouverture, le nouveau film de Gus Van Sant, qui avait tout de même obtenu avec Elephant l’une des plus belles Palmes d’or qui soit. Espérons que cette histoire d’amour entre deux adolescents hantés par l’idée de la mort s’inscrira plus dans la veine de ce précédent que dans celle d’Harvey Milk. Dans cette compétition parallèle, dont le jury sera présidé par Emir Kusturica, on retrouvera aussi Bruno Dumont pour Hors Satan, les coréens Hong Sang-soo et Kim Ki-duk pour The Day he arrives et Arirang, ainsi que Robert Guédiguian pour Les Neiges du Kilimandjaro.

Voilà, vous avez les gros traits de la sélection et le nom des jurés (De Niro, nous l’avons dit, mais aussi Johnnie To, Jude Law, Olivier Assayas et Uma Thurman). Serez-vous assez fous pour vous lancer avec une telle sélection, très ouverte, dans des pronostics de Palme d’or ?[/access]