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Roms : juste une question de vocabulaire…

Je vais vous demander de faire un petit effort de mémoire. Souvenez-vous de ces années sombres où la France vivait sous le joug lugubre de Nicolas Sarkozy et de ses ministres sans scrupule. Les loups erraient dans les rues des villes moyennes. Les récoltes étaient désastreuses. La stérilité frappait les femmes. L’élite intellectuelle hexagonale quittait massivement le pays (Souvenez-vous des menaces insoutenables de Yannick Noah et de Jamel Debbouze…). Nous traversions une période obscure, marquée par des atrocités quotidiennes. Le Prince était amoureux d’une intermittente du spectacle, et le démoniaque ministre de l’Intérieur avait des cheveux rouges (Souvenez-vous de Brice Hortefeux…) L’air était vicié et l’ère glaciaire. Heureusement, grâce à l’élection de François Hollande nous sommes passés de l’ombre à la lumière – mais personne n’a encore répondu à la question que je posais dès la proclamation des résultats : mais qui va payer l’électricité ?
Dans ces temps obscurs, les Roms, comme nulle part ailleurs en Europe, étaient honteusement pourchassés par des hordes de policiers assoiffés de sang.  Les nomades et leurs zenfants étaient continuellement traqués et expulsés. La presse eut alors l’idée d’employer le mot « rafle » pour désigner ces opérations de police –  terme qui n’est pas sans évoquer, évidemment, les grandes rafles sans retour de la police française lors de la seconde guerre mondiale. Depuis que la gauche est au pouvoir, étrangement, la presse utilise moins ou même plus du tout le terme infamant de « rafle », alors que les expulsions se poursuivent. « Les évacuation continuent au même rythme qu’avant », expliquait Laurent Ghozi, cofondateur du collectif Romeurope à nos confrères du Point. Sur ce dossier, la seule rupture avec le précédent gouvernement semble être une circulaire nébuleuse imposant un « diagnostic social » avant d’évacuer un camp rom. Une circulaire « sociale » d’ailleurs non appliquée selon les observateurs. Mais, dans le grand concert médiatique, où sont passées les associations, les indignations, les jaccusations, la dénonciation des « rafles » ? Les réactions seraient donc à géométrie variable ?
Comme souvent, tout semble être une question de vocabulaire.  Une honorable correspondante de Seine-et-Marne me signale d’ailleurs la publication récente dans Le Parisien d’un article portant ce titre abyssal : « Les quelques 200 Roms du Bois de Grâce se sont auto-expulsés » ! Oui, sous François Hollande les Roms ne sont plus pourchassés et raflés… ils sont même devenus raisonnables et « s’auto-expulsent ». Le journaliste explique : « Le campement de Roms du bois de Grâce, qui a abrité jusqu’à environ deux cents personnes, s’est auto-expulsé en fin de semaine dernière. Les habitants sous le coup d’une expulsion imminente prévue en milieu de semaine, ont préféré déménager » Finies les « rafles » vive les « auto expulsions » ! Qui a dit que François Hollande n’était pas le président des miracles et des bisous ?

Post-Scriptum : Notez, par ailleurs, dans le contexte de l’affaire « Clément Méric » que le groupuscule d’extrême droite Troisième Voie et son « service d’ordre », les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), en passe d’être dissous par le gouvernement, se sont « auto-dissous », a annoncé mardi 25 juin leur chef Serge Ayoub. Décidément, tout le monde a atteint une certaine maturité depuis que Pépère est arrivé à l’Élysée…

Méric : ce que dit vraiment pour de vrai la vraie vidéo

clement meric justice

Je ne sais pas si la police partage les interprétations tirées par RTL de la vidéo du meurtre de Clément Méric, mais je sais qu’elle ne partage pas celles de Libération.
Le brave quotidien de gauche hollandiste se fendait hier d’un article tortillard pour essayer de démonter, sous un titre accrocheur, ce que révélait le matin même RTL et ce que nos propres sources policières nous avaient confirmé il y a déjà trois jours : que la vidéo de la RATP, qui n’est certainement pas au ras du bitume, mais qui permet clairement d’identifier les combattants, joue clairement en défaveur du groupuscule d’extrême gauche. Ces images infirment donc définitivement la thèse hurlée sur toutes les ondes par une gauche de bonne conscience, Jean-Luc Mélenchon en tête, d’un malheureux Clément Méric victime d’un « assassinat », donc d’un meurtre avec préméditation. Il faut d’ailleurs qu’elle soit bien dérangeante cette vidéo qui, pour avoir été entre les mains de la police depuis le 6 juin, a dû attendre presque trois semaines avant d’être évoquée publiquement. Il faut croire que la gauche qui nous gouverne, qui a déjà selon toute probabilité trafiqué les images de la Manif pour Tous du 24 mars, a un sérieux problème avec les images en général, et en particulier quand elles appuient le réel contre ses rêves.
Si l’on se résume, et toujours selon la police, Clément Méric et ses amis, cornaqués par un antifa dur-à-cuire réputé pour sa pratique des sports de combat, étaient venus spécialement à la vente privée de la rue Caumartin pour en découdre. C’est-à-dire que s’il y a eu préméditation, elle était de leur côté. Dans la boutique même, ils commencent à prendre à partie des skins peu soucieux d’en venir aux mains qui en appellent à la sécurité. Celle-ci expulse les chasseurs de skins qui, têtus, se postent en bas, dans la cour, en attendant leur proie. Quand celle-ci arrive, une deuxième fois elle requiert les services des videurs qui éloignent à nouveau Clément Méric et ses camarades. Et c’est quand les skins, rassurés, se dispersent que, dissimulée un peu plus loin dans la rue, la bande d’extrême gauche tombe à bras raccourcis sur l’un d’eux. Les autres, alertés, rappliquent : une bagarre d’une « violence extrême », selon la police, se déclenche. La tragédie se noue : alors qu’Esteban Morillo lutte contre deux assaillants, Clément Méric tente de le frapper par derrière. Morillo se retourne et lui assène deux coups en pleine figure mais, et les images le confirment, c’est sans poing américain. D’ailleurs, quand les policiers perquisitionneront chez lui, il en découvriront deux, l’un vert fluo qui serait parfaitement identifiable sur une vidéo, l’autre clouté, dont les marques auraient été trouvées sur le visage de Méric s’il avait servi. Un Méric qui, toujours selon nos informations, portait pour sa part un protège-dents, accessoire peu usité quand on est en mode shopping. La vidéo permet aussi de savoir que les mains de la  plupart des combattants étaient serties de bagues d’un genre contondant, qui ne poussent guère au pacifisme.
Ce qui est troublant dans cette sinistre histoire c’est, outre la mort absurde d’un jeune homme, que ce qu’on peut appeler la gauche en l’occurrence, c’est-à-dire un mode d’être transpartisan, se soit accrochée à tout prix à une interprétation non fondée des événements qui s’est révélée très vite fausse. Il fallait à tout prix, semble-t-il,  que ce drame démontre que le démon fasciste avait encore frappé. Et d’ailleurs peut-être y avait-il des pulsions fascistes dedans, mais certainement pas du côté que l’on imaginait. Est troublante cette volonté malikoussékinienne, voire carpentriste, de trouver des boucs émissaires immédiatement, dans un lynchage médiatique général, sans même que la justice ait rendu la moindre conclusion. On se souvient tous avec dégoût de l’émotion, peut-être non feinte et c’est sans doute le pire, de dame Clémentine Autain à la télévision, sûre de son droit à dénoncer un assassinat, et sans preuves. Il n’y a pas si longtemps, on nous rebattait les oreilles avec la présomption d’innocence, me semble-t-il. Il faut croire que lorsqu’il s’agit d’une certaine catégorie de la population française, il y a au contraire présomption de nocence, pour employer le vocabulaire de Renaud Camus. Il faut croire qu’une certaine partie des Français est suspecte par principe. Les skins aiment la violence ? Certainement. Leurs jumeaux les antifas tout autant.
Mais on est à Hollywood : il faut prouver que le bien ne peut être le mal. Selon nos informations toujours, le juge d’instruction saisi de l’affaire serait si impartial qu’on lui aurait dépêché un adjoint pour réenquêter à charge, un adjoint sûr de ne pas figurer sur le mur des cons. Il faut bien que les méchants paient. Puisqu’ils sont méchants. Comment disait Churchill déjà ? Ah oui : « Les fascistes de demain s’appelleront eux-mêmes antifascistes. » Il se peut que demain soit aujourd’hui.

*Photo : France 2.

Affaire Al-Dura : le temps de la vérité

israel mohammed al dura

Même confusément, chacun se rappelle le reportage télévisé où il a vu, où on lui a donné à voir, un enfant tué par des balles « provenant de la position israélienne », dans les bras de son père, lui-même blessé. C’était à Gaza, au 20 heures de France 2, le 30 septembre 2000, au début de la seconde Intifada. Ces images, qui ont fait le tour du monde, ont alimenté la haine contre Israël, contre les Juifs et contre ceux qui soutenaient un Etat dont les soldats tuent un enfant pour le plaisir. Ces images ont tué.
Toutes les expertises balistiques ont prouvé qu’aucune balle israélienne ne pouvait avoir été tirée en direction du père et de l’enfant. De nombreux indices suggèrent que la scène montrée n’était pas authentique. Pendant de longues années, ceux qui contestaient la version des faits présentée par France 2 se voyaient opposer le silence des autorités israéliennes. Depuis le 19 mai 2013, cet argument ne tient plus puisque le bureau du Premier Ministre israélien a rendu public un rapport officiel qui remet totalement en cause le reportage.
Il faut tirer les conséquences de ce rapport et accepter de rouvrir ce dossier pour enfin pouvoir le refermer. Il faudra expliquer comment le père et l’enfant, qui auraient reçu à eux deux 15 balles d’armes de guerre, n’ont aucune trace de sang sur leur corps, sur leurs vêtements ou sur le mur auquel ils étaient adossés. Il faudra expliquer pourquoi, après sa mort annoncée en direct, l’enfant lève le coude et tourne sa tête en direction du caméraman. Des incohérences comme celles-ci, le reportage en comporte beaucoup.
Il y a une affaire Al-Dura, controverse sur l’authenticité des images présentées le 30 septembre 2000.
Il y a un silence Al-Dura, une sorte d’omerta condamnant à l’ostracisme médiatique ceux qui pensaient mal et mettaient en doute la version officielle de France 2, tout en les attaquant ad hominem et les qualifiant de conspirationnistes extrémistes ultra sionistes. Philippe Karsenty a connu cela pendant de longues années. Moi aussi, dans une moindre mesure. Les conséquences pouvaient en être professionnellement ou personnellement destructrices. Certains ont ainsi renoncé à s’exprimer. En France, le débat est ainsi verrouillé. Mais dans la presse américaine, le terme de « hoax » (montage) est communément utilisé.
Il y a aussi une mythologie Al-Dura, génératrice de haine. à Bamako, au Mali où la France se bat contre les djihadistes de l’islam radical, la place principale est dédiée à la mémoire de « l’enfant martyr de Palestine, Mohamed Al-Dura ». Mohamed Merah, l’assassin de Toulouse et de Montauban, en prétendant « venger les enfants de Gaza », se référait à Mohamed Al-Dura. Alors qu’on ne nous dise pas que cette histoire est ancienne et qu’elle ne concerne qu’Israël.
Plusieurs contre-enquêtes ont déjà été effectuées. D’autres sont encore possibles grâce aux images détenues, aux experts mobilisables en balistique, chirurgie de guerre et analyse des images. Que ces enquêtes techniques soient neutres et internationales pour leur donner plus de poids. Si elles montrent que je me suis trompé, je saurai le reconnaître.
Au rapport qui la met en cause, France Télévisions devrait réagir constructivement. Pourquoi la télévision publique française recourt-elle au silence depuis tant d’années ? N’a-t-elle pas été elle aussi la victime d’un cameraman militant qui affirmait avoir« choisi le journalisme pour défendre la cause palestinienne », dans une région où la manipulation des images est de longue date une arme comme une autre ?
Compte tenu de son impact mondial et persistant, le dossier Al-Dura doit être rouvert et traité de façon transparente. Si France 2 ne s’y résignait pas, ce serait alors à l’échelon politique, à l’Etat français, de prendre ses responsabilités : on ne peut affirmer vouloir lutter contre l’antisémitisme en France et contre l’islam radical dans le monde si on ne l’attaque pas à la racine, la propagande de haine nourrie par des images meurtrières, probablement mensongères.

Antifas, racialistes : les années de plomb à l’envers

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antifas fn italie

Les années de plomb constituent l’une des périodes les plus traumatiques de l’Italie d’après-guerre, entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980. Pendant près de deux décennies, le terrorisme des Brigades rouges bientôt relayé par le terrorisme noir des groupes néo-fascistes a commis plus de 600 attentats (362 morts). Cette « stratégie de la tension » a fait vaciller le République italienne, tout du moins le croyait-on jusqu’à l’ouverture récente des archives concernant toutes ces affaires.
Les historiens ont progressivement mis à jour les mécanismes très complexes qui sous-tendaient cette période. Qu’ont-il découvert ? Que la « main invisible » de l’Etat, si elle n’a pas initié cette série d’attentats, s’en est très largement servi pour discréditer son principal adversaire : le Parti communiste italien en passe d’accéder au pouvoir grâce au verdict des urnes.
Le parti démocrate-chrétien (au pouvoir) a tout d’abord laissé le champ libre à l’activisme révolutionnaire des Brigades rouges pour déborder le PCI sur sa gauche, et le discréditer auprès des électeurs. Il a ensuite favorisé les actions violentes de plusieurs groupuscules néofascistes qui entretenaient, pour certains de leurs responsables, des liens avec les services secrets italiens. Certains documents font même apparaître l’intervention de la CIA. A cela il faut encore ajouter l’action occulte de la loge P2 et les exactions commises par certains groupes mafieux – voir à ce sujet l’excellent film Romanzo criminale.
En tout état de cause, l’Etat a très largement instrumentalisé tout ce petit monde pour intensifier la « stratégie de la tension » et créer chez l’électeur moyen le besoin légitime de sécurité. Ce qui a permis d’écarter définitivement le PCI des lieux du pouvoir.
La situation actuelle de la France n’est pas, bien entendu, celle des années de plomb italiennes. Mais l’on voit bien se mettre en place, de chaque côté de l’échiquier politique, des groupes radicalisés qui risquent de constituer, demain, les idiots utiles du système.
À l’ultra-gauche, il est tout de même frappant de voir que les « Antifa » peuvent défiler dans les rues, foulard sur la bouche et casque sur la tête, sous le regard bienveillant des forces de l’ordre. Sans compter les appels plus ou moins voilés au meurtre distillés sur internet. On se dit qu’avec un petit financement et une aide logistique, ces groupes galvanisés ne seraient pas loin de ressembler à nos groupes néofascistes italiens des années 70.
À l’ultra-droite, la donne n’est pas meilleure. Le développement des « blocs identitaires » dans de nombreuses régions de France prospèrent sur la haine de l’immigré et le rejet de l’islam. Leur radicalisation idéologique et le passage de plus en plus fréquent à l’action correspondrait très clairement au débordement du Front national sur sa droite, comme le PC italien des années 60 s’était fait déborder par sa gauche. Est-il besoin, par exemple, de rappeler – puisque les médias ne le font jamais – que Marine Le Pen est déjà considérée comme une « vendue au système » par tous ces groupes radicaux.
Si l’on rassemble ces éléments épars, et que l’on y ajoute encore l’insécurité galopante et l’essor de nombreuses cellules mafieuses dans les cités, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que nous vivons déjà dans un état de tension extrême. Or, cette tension que les imbéciles du système (antifascistes et racialistes) ne cessent d’attiser ferait naturellement le jeu des partis au pouvoir. Comme dans l’Italie des années de plomb, on y retrouve d’ailleurs la droite de gouvernement et la gauche raisonnable – entendre par là les forces chargées d’ajuster les peuples à la mesure du capitalisme. Et l’on sait que la propagation larvée du chaos a toujours été le meilleur moyen de ramener les citoyens dans le giron du système.
Ce serait, en tous les cas, la seule stratégie valable pour écarter le parti qui s’oppose aujourd’hui à l’ordre établi et qui s’apprête à recueillir près d’un tiers des voix des électeurs français, comme autrefois le PC italien… Avant que les révolutionnaires, les antifascistes, les néofascistes, les services secrets, les nazi-maoïstes, les brigadistes, et tutti quanti, n’entrent en scène pour jouer une partition que le chef d’orchestre (étatique) avait écrite pour eux.

*Photo : aftershow. 

Peut-on rire de Proust?

proust fioraso todd barjot

« ET CENT FOIS DANS SON SEIN CE FER A REPASSÉ ! »

25 avril. Racheté pour la énième fois À la manière de, délicieux recueil de parodies littéraires signées Paul Reboux et Charles Muller, trop souvent prêté ou perdu, ou les deux.
J’ai eu la chance de découvrir ce petit chef-d’œuvre dès l’âge de 13 ans. Grâce à mes parents, évidemment ; pas à l’école ! Pourtant, c’était exactement l’angle qu’il me fallait pour aborder la littérature. Reboux & Muller mettent en lumière les petits tics et trucs de nos grands auteurs qui, ainsi descendus de leur piédestal, paraissent aussitôt moins intimidants.
Sous leurs dehors légers, Paul et Charles donnent des conseils de lecture personnalisés : une fois qu’on a vu tout le monde par le petit bout de la lorgnette, à chacun de décider qui en sort grandi ! Sur cette base, le Reboux & Muller est vite devenu mon Lagarde & Michard à moi. Se cultiver en se moquant : une offre que je ne pouvais pas refuser.
Ce bouquin m’aura fait découvrir tout un tas d’écrivains dont je ne connaissais souvent que le nom, même pas le prénom. (Mais qui n’a jamais cru que La Rochefoucauld s’appelait Maxime ?) Tel quel, il fut, en tout cas pour moi, une excellente introduction à leurs œuvres, tant il est vrai qu’un pastiche réussi est affaire sérieuse. Il y faut non seulement une solide connaissance de l’auteur, mais une sorte d’osmose distanciée avec lui – si tant est qu’une telle chose existe.
Pour aborder Racine, rien de tel que son Cléopastre, doté d’un important appareil critique où le sérieux côtoie agréablement l’absurde. Tout l’univers de la tragédie classique tient dans la première – et interminable – tirade de l’héroïne, où elle expose à sa confidente l’ampleur de son malheur : aimée d’Antoine, mais amoureuse d’Auguste ! À l’époque, bien sûr, le potache que j’étais a surtout retenu un alexandrin : « Et cent fois dans son sein ce fer a repassé » ; mais c’est aussi comme ça qu’on apprend.
Sur le style Lamartine, tout de romantisme pompeux et de métaphores pompières, j’ai pu me faire une idée rien qu’en lisant le poème Sur la plantation d’un arbre de la liberté au milieu de la place de mon village natal. Allez, rien que le premier quatrain, pour me faire plaisir :
« Déjà l’Aurore, ouvrant sa paupière vermeille,
S’élance au firmament ; la Nature s’éveille ;
Déjà l’astre du jour, d’un rayon purpurin,
Essuie au front des bois les larmes du matin »…
Ainsi convenablement mis en garde, je n’ai guère cherché à revoir Alphonse en dehors du cadre scolaire.
Proust non plus ne fut jamais ma tasse de thé, avec ou  sans madeleine. [access capability= »lire_inedits »]Je l’ai su dès que j’ai lu Un mot à la hâte… En cinq pages de circonvolutions, incises et digressions, Rebous & Muller reconstituent l’essentiel de ce qui fait le charme du style proustien. Ou pas.
Swan, empêché par une urgence de se rendre au dîner où il est convié chez les Verdurin, avec le duc d’Endormantes et Mme de Pataty, décide d’aller leur présenter ses excuses. Mais voilà qu’en chemin, un brin de cerfeuil niché entre ses dents depuis le repas de midi « ressuscite dans sa mémoire les vastes horizons de pacages peints par Ver Meer de Delft, non moins que les solennelles frondaisons d’un Hubert Robert, sans omettre les ramures exquises où Watteau répandit les roses d’un coucher cythéréen »…
Parvenu néanmoins chez ses amis, il apprend que « Madame et Monsieur sont sortis. » Qu’à cela ne tienne ! Il se fait conduire dans un petit salon pour y rédiger « un court billet d’excuse ». On devine la suite… Emporté par l’inspiration, Swan n’en finit plus de noircir des feuillets ; même les Verdurin, une fois rentrés, n’oseront pas le déranger dans son grand œuvre…
Post-scriptum des auteurs : « Pour assister au moment où Swan achève sa lettre, lire le roman suivant, À l’ombre du fruit des jeunes gens, chapitre Douze ans après ».
Depuis lors, à chaque fois que j’ai tenté de me replonger dans Proust, j’ai vu Reboux & Muller à travers.

SUR L’ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRÉ

29 avril. Si j’ai accédé au monde des livres, comme à presque tout le reste, par la parodie, ce n’est pas un hasard ! Ça n’étonnera que ceux qui ignorent ma qualité de Président à vie de Jalons ; pas grand monde, à coup sûr, dans le lectorat de ce magazine de qualité. Qu’ils sachent quand même, ces ignares résiduels, qu’en matière d’enseignement du deuxième degré, l’école jalonienne n’a guère de leçons à recevoir. Comme dit fièrement notre devise secrète : « À l’Ouest, rien ne nous vaut ! 

CAUSEUR PARODIÉ !

5 mai (Fête des ponts).  À propos de parodie, Élisabeth Lévy évoquait dans un récent SMS l’idée d’en faire une de Causeur. Pourquoi pas ? En tant que spécialiste, l’idée qui me vient spontanément à l’esprit, c’est Tagueul Magazine – « Même si vous n’êtes pas d’accord ! » Mais le sera-t-elle ?

LE PARI PERDU DE TODD

 RACONTÉ PAR LUI-MÊME (ET MOI)

12 mai. En 2012, dans une interview au Nouvel Obs, Emmanuel Todd déclarait : « Je parie sur l’hollandisme révolutionnaire ! » Moi, j’aurais dit le hollandisme. Mais de toute façon, je n’aurais rien dit : je ne m’y connais pas assez sur ces sujets.
Pourquoi je vous raconte ça, alors ? Parce que j’aime bien Todd et son indépendance crâne, à mi-chemin du sale gosse et du Monsieur Je-sais-tout. Un an plus tard, à l’heure du premier bilan, je me suis donc inquiété de savoir où il en était avec son pari perdu.
« Dans le déni », comme dirait mon psy ? Plutôt dans le « travail de deuil »« Good bye Hollande ! » lance Emmanuel, en titre d’une interview à Marianne.net, où il dresse tristement l’inventaire des espoirs trahis. En photo, il arbore cette mine de Droopy qu’on lui voit souvent, entre un coup de sang et un grand rire.
Ce qui énerve Todd, c’est d’avoir cru si longtemps en Hollande, et surtout de ne plus trop savoir pourquoi. Il y a quelques mois encore, il était invité par le Président à un petit-déjeuner en tête à tête. Que s’est-il donc dit entre eux, s’inquiètent les journalistes ? « L’une des rares choses dont je me souvienne, c’est qu’il plaisantait sur les Finlandais, encore plus raides que les Allemands. » Apparemment donc, dès cette époque, il n’était plus guère question de « révolution ».
Ce qui amuse toujours Todd, en revanche, c’est de chahuter sérieusement. Surtout sur les plateaux télé où, après quelques tâtonnements, il a vite trouvé son emploi : la tête à claques savante. C’est aussi ça qui agace souvent chez lui : cette morgue naturelle avec laquelle il semble congédier ses contradicteurs en deux phrases, genre : « Vos opinions ne reposent que sur des Impressions d’Afrique à la Raymond Roussel. Les miennes sont fondées sur des recherches scientifiques incontestables : les miennes. »
J’ai l’air de me moquer, mais lui-même se le sert avec assez de verve. En vrai, ce n’est pas sa personne que Todd prend au sérieux ; seulement ses travaux. Vous me direz, la différence est mince, vu qu’il ne parle que d’eux…
Eh bien, pas tout à fait ! Dans cette interview, par exemple, entre deux considérations de fond sur le pouvoir financier et l’eurozone mort-née, il sait aussi être piquant. Même son dépit d’amoureux déçu à l’égard du Président, il le résume avec esprit : « Pour infléchir les choses, il aurait fallu qu’Hollande soit plus que de Gaulle. Mais il l’a dit, il n’est que normal. Ordinaire, même. »
Dans la foulée, l’artiste case aussi son grand numéro du moment, déjà testé avec succès en avril chez Taddeï : une charge germanophobe scandaleusement décomplexée, au point qu’on se demande si elle ne tombe pas sous le coup d’une quelconque loi antiraciste. « L’Allemagne, qui a déjà foutu en l’air deux fois le continent, est l’un des hauts lieux de l’irrationalité humaine ! » Dirait-on pas du Daudet ?
Mais ce qui rend le personnage définitivement sympathique à mes yeux, c’est sa capacité d’autodérision. Après avoir évoqué ses « restes d’espoir » en forme de « fantasmes », Todd conclut : « Mais peut-on prendre au sérieux quelqu’un qui a pris Hollande au sérieux ? »
Tout en plaidant coupable,  il convoque ainsi au banc des accusés, mine de rien, tous ceux qui, comme lui, ont pris un peu trop au sérieux Hollande – et même Sarkozy. Il a raison, le bougre… Que celui qui n’a jamais voté lui jette la première pierre !

JULES LE MISÉRABLE

14 mai. Puisque décidément, dans ce magazine d’actualité, on ne peut pas parler de Chesterton tous les mois, j’ai pensé à Jules Renard pour changer. Son Journal ne me quitte guère, et pour cause : les « nouvelles » qu’il y donne de la condition humaine sont indémodables.
En date du 1er avril 1895, sous le titre Examen, cet athée-là passe sévèrement en revue sa vie (il n’a que 30 ans !) avec tous ses errements, à défaut de péchés, avant de conclure : « Je ne suis qu’un misérable, je le sais. Je n’en suis pas plus fier. Je le sais, et je continuerai. » La confession, oui ; l’absolution, non !
« L’œil clair » de Jules Renard fait merveille, aussi, pour décrire les autres. Ainsi de Mallarmé, qu’il épingle en quatre mots : « Intraduisible, même en français ».
Ç’est ça, l’avantage du Journal destiné à être publié à titre posthume : on peut tout dire sur tout et tous ! En théorie du moins… Après la mort du pauvre Jules, une bonne moitié de son manuscrit sera brûlé par les soins conjugués de sa veuve et de son éditeur, pour convenances personnelles.
Reste quand même mille pages denses, toutes de finesse et de lucidité, que l’on peut ouvrir au hasard et toujours avec bonheur. « Il faut feuilleter tous les livres, et n’en lire qu’un seul », disait-il. Si c’est vrai, je vous recommande son Journal.

                  BERNADETTE EN REMONTRE À SON ÉVÊQUE

16 mai. Après l’athéisme, la foi qui soulève les montagnes, et même les prélats. Dialogue entre Bernadette Soubirous et son évêque :

– « La Dame veut que vous lui construisiez une église.

Tu veux me faire croire ça ?

La Dame ne m’a pas dit de vous le faire croire. Elle m’a dit de vous le dire. »

VIVE PÉGUY QUAND MÊME !

19 mai. Ça devait arriver : une fois retrouvé « mon » Reboux & Muller, et malgré le « bouclage » de Causeur, je n’ai pas pu m’empêcher de le relire d’une traite – c’est-à-dire pour moi en trois jours. On ne déguste pas une liqueur comme une vulgaire « 8/6 ».
Je l’ai savouré avec autant de plaisir qu’au premier jour, voire plus : un trésor d’esprit au service de la culture − et la Bible du parodiste ! Sa première publication peut bien dater d’un siècle, les chefs-d’œuvre ne prennent pas la poussière.
À la relecture, j’ai quand même trouvé nos amis un peu sévères avec Péguy, ce républicain intransigeant devenu soudain, à 33 ans, « catholique et français toujours ». Le pauvre en prend pour son grade de lieutenant de réserve du 276e d’infanterie.
Déjà, l’avertissement en exergue de ses Cahiers donne le ton : « Un abonnement donne droit au salut militaire. Dix abonnements donnent droit au salut éternel. » Quant au titre, il donne une furieuse envie de ne pas lire : Deuxième subdivision de la trente-septième série préparatoire du cinquième des Cahiers de la Neuvaine. De fait, les Litanies de sainte Barbe sont répétitives à souhait : du Hare Krishna catho !
Sur la foi de Reboux & Muller, j’ai donc considéré longtemps Péguy comme un vieil emmerdeur. Jusqu’au jour où, l’âge venant, j’ai fini par m’intéresser à ce défenseur acharné de la foi et du drapeau – déjà ringards il y a cent ans aux yeux des beaux esprits.
Bien sûr, en tentant d’en savoir plus, j’ai buté sur plein d’obstacles, dont Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc et Le Porche du mystère de la deuxième vertu (qui n’est même pas la suite !)
Mais j’ai aussi été fasciné par la beauté de certaines pièces mystico-patriotiques. L’inspiration a un peu vieilli, certes, mais c’est aussi ça que j’aime. Le plus célèbre de ses poèmes, Charles l’avait dédié en 1913 à ses ancêtres morts au front, un an avant de les rejoindre, d’une balle au front aussi :
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
 Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre […]
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles
Couchés dessus le sol à la face de Dieu […]
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ».
C’est beau, je sais, mais, pour des raisons de place, je ne vous citerai pas ici les 163 autres vers.

L’ANGOISSE EST DANS LE PRÉ

 22 mai. « Savoir que c’est soi-même, et ne pas se reconnaître. » De qui, cette troublante expérience métaphysique, entendue en zappant à la radio ? Descartes, Spinoza, Cyrulnik ? Même pas : Karine Le Marchand chez Morandini (Europe 1), à propos de son émission de téléréalité « L’Amour est dans le pré ». Résultat : je comprends encore moins bien.

LA « MANIF POUR TOUS »… SAUF BARJOT !

26 mai. Alléluia ! Barjot a résisté jusqu’au bout à la tentation de rejoindre une dernière fois cette foule qu’elle aime, et qu’elle avait largement contribué à lever. Mais il fallait trancher : depuis plus d’un mois, cette « Manif pour tous » n’était plus la sienne.
Après le vote définitif de la loi, le 23 avril, le mystérieux « Pilotburo » aux commandes du mouvement était censé tirer les conclusions de ce fait nouveau et se tourner vers l’avenir. Voilà-t-il pas qu’au contraire, il se raidit dans le jusqu’au-boutinisme, avec un mot d’ordre de « retrait sec et sans conditions » désormais dadaïste.
Face à cette radicalisation, c’est peu dire que Barjot va faire un flop en réaffirmant les contre-propositions qu’elle porte depuis l’origine face au mariage-filiation-pour-tous. Huée par le GUD à Lyon, non sans complicités dans l’organisation, elle découvre soudain l’horrible vérité : LMPT, en fait, c’est devenu LMPTLCTFA (La Manif Pour Tous les Cathos Tradis & Fachos Assimilés).
Aux yeux de l’état-major, le « mariage pour tous » s’avère n’être en fait que la dernière métastase en date d’un cancer qui ronge depuis plus d’un siècle la Fille aînée de l’Église, du PACS à la capote et jusqu’à la loi de 1905, voire le « Ralliement ».
Un tel virage sectaire n’est pas sans me rappeler le thème des récentes « Rencontres internationales des intermittents de la pensée », organisées par Jalons sur le thème : « On va dans le mur, tu viens ? » Dès lors, les vrais amis de Barjot n’ont eu de cesse de l’encourager à sauter du train fou avant qu’il ne s’écrase.
Après avoir été la cible de la gauche pensante et des gays professionnels, elle est devenue en plus celle des excités d’extrême droite. Insultée de toutes parts, accusée tour à tour d’homophobie et d’homophilophobophobie, menacée de mort par tous moyens anonymes et soutenue par sa « hiérarchie » comme le pendu par la corde, pourquoi Frigide serait-elle donc restée, en première ligne sous ces tirs croisés ?
Ce qui l’a vraiment décidée à décliner l’invitation des gentils organisateurs, ce 26 mai, c’est d’apprendre le sort qu’ils lui réservaient sur le podium : elle n’aurait tout simplement pas la parole, elle, la porte-parole historique du mouvement !
Aux yeux des médias et de l’opinion, elle incarnait la « Manif pour tous ». Comment faire savoir qu’elle n’y contrôlait plus rien : ni la dérive intégriste des hiérarques, ni sa propre liberté d’expression, ni même sa sécurité ?
En n’y allant pas.[/access]

*Photo: Kay Harpa

Pas de liberté pour les ennemis des antifas !

Dans les rues de Paris, une foule hétéroclite (mais attention, pas hétéronormée) a défilé avant-hier en hommage à Clément Méric, « militant syndicaliste, antifasciste, antiraciste, anticapitaliste, antispéciste, féministe et engagé dans les luttes contre l’hétérosexisme et les LGBTphobies », comme le décrivent – non exhaustivement on l’espère – ses amies les GARÇES (Groupe d’Action et Réflexion Contre l’Environnement Sexiste).
Les banderoles mêlaient, pêle-mêle, lutte contre le fascisme, le racisme, l’islamophobie, l’homophobie, et autres déviances, et on pouvait voir défiler, bras dessus bras dessous, femmes voilées et féministes, trotskistes et militants LGBTQI, végétariens, défenseurs des « sans-papier.e.s » (oui, ça se décline, ne soyez pas sexistes) et autres idiots utiles tous mobilisés contre « le fascisme, l’Etat et le capital », les trois étant strictement synonymes -comme dans les années 30.
On ne voit pas trop ce qu’ont tout ces gens en commun, à part une passion pour les –ismes due sans doute à un manque de vocabulaire, et une capacité  à sonder l’âme d’autrui pour y découvrir phobies, inconscients racistes et autres haines pathologiques.
« Pas de débat sur nos vies », « le fascisme n’est pas une opinion », « pas de liberté pour les ennemis de la liberté »,  et autres « je discute pas avec un nazi » : tels sont les sophismes censés justifier l’apanage d’une violence légitime, forcément légitime.
Le mythe du grand soir est brandi comme ultime palladium des pires contradictions qu’entraîne la convergence des luttes : féministes défendant le voile et la GPA, antifascistes utilisant la violence (!), anti-capitalistes défendant l’ouverture des frontières, adeptes du « ni oubli ni pardon » partisans de l’amnistie sociale, sans parler des antispécistes d’accord avec la « nazifiante » Brigitte Bardot pour dire que l’animal est un homme comme les autres.
Mais bon, comme disait Manuel Valls après le drame qui a coûté la vie à Clément Méric, « Ce n’est pas le moment de faire des amalgames. Ce sont des groupes d’extrême droite qui depuis des mois portent des discours de haine. Il ne faut pas confondre ce discours avec ceux qui d’une manière ou d’une autre luttent contre le fascisme. »
Quant aux antifas qui ont eu le mauvais goût de joindre les actes à la parole en s’attaquant à un immeuble sur lequel était déployée une banderole de la Manif pour Tous et en brisant quelques vitrines « d’établissements bancaires, ainsi que du mobilier urbain », ils s’en sont tiré avec seulement 14 interpellations et 2 gardes à vue. Après tout, ce ne sont que «des casseurs qui ne respectent pas l’esprit de ce rassemblement». Tu l’as dit Manu !

Surnotation équitable

bac ecole niveau

C’est un concept nouveau introduit ces jours-ci par l’inénarrable et indicible SE-UNSA, qui se dispute avec le SGEN la palme de la bien-pensance .
Je ne saurais trop recommander la lecture des mails syndicaux cités en note. L’orthographe y est un peu bousculée — mais tout le monde sait que c’est la science des ânes. Mais à la revendication (plutôt juste) de Sud, qui suggérait la réunion d’une intersyndicale, le SE-UNSA répond par un refus frontal et une analyse de fond, évoquant les restrictions de postes dans l’administration (évidemment : l’UNSA syndique la plus grande partie des personnels administratifs de l’EN, autant veiller sur le moral des troupes) pour ne pas répondre.
Qu’apprenons-nous dans ce mail au ton d’évidence ? « il ne nous semble pas y avoir « gonflage » de notes mais simplement volonté d’équité pour des candidats qui auraient été stupidement pénalisés. Au final, les élèves sont bien notés sur 20 et non sur 24…quoi de scandaleux ? Nous pratiquons dans certaines disciplines la surnotation équitables [sic !] : un devoir peut être sur 20 et le barème sur 24 avec des exercices bonus. Nous ne voyons pas le mal. » Et de prendre en compte l’intérêt des élèves (des parents et du ministère — étranges priorités pour un syndicat enseignant) avant même celui de l’examen et de la conscience professionnelle des correcteurs, toujours stigmatisés par l’ineffable Fioraso : « En pleine période de bac, il nous semble inconcevable de semer le trouble chez les candidats : le bac est une épreuve trop sérieuse pour s’amuser à semer la panique. Nous ne sommes pas un syndicat qui préfère vitupérer plutôt que réfléchir et agir en conséquence de cette réflexion. Pour nous la pseudo-polémique est close…d’ailleurs les médias ont montré comment vos affirmations étaient fausses, très bien démontré par le doyen des IA IPR…»
Ah oui, j’oubliais : le SE-UNSA syndique aussi la plupart des IPR… Qui parle de clientélisme ?
Résumons.
Une ministre, imbibée de principes hérités du privé le moins performant, plaide pour une égalisation vers le haut de tous les candidats.
Un syndicat enseignant très proche du PS, soucieux d’épargner la susceptibilité de certains de ses membres — ceux qui justement ne sont pas enseignants — invente la surnotation équitable, comme le commerce du même nom : le bac chez les bisounours !
Ce qui n’en finit pas de me sidérer dans cette expression, naïf que je suis, c’est l’importation du vocabulaire de la compassion dans l’univers de la pédagogie. Au même moment, l’ineffable Peter Gumbel continue à enfoncer le clou : après On achève bien les écoliers, voici Elite Academy — une charge contre les grandes écoles.
Il faut dire que Gumbel enseigne à Sciences-Po, que l’on prenait jadis pour le fourre-tout des incapables et qui prétend dépasser l’ENS et l’X réunies : tout complexe d’infériorité se soigne en dénigrant ceux qui vous dépassent. Peter Gumbel peut donc dire du mal de tout le monde, il parviendra peut-être à un effet-talonnette à force de s’appuyer sur le cadavre du système éducatif français.
Pauvres, pauvres petits, que des enseignants hargneux accablent (si, si, il faut les noter en fonction de leurs vrais mérites — allez-y !), qu’un système tout entier stresse…
C’est curieux : je connais nombre d’enseignants qui ne détesteraient pas que certains de leurs élèves stressent un peu plus. Qu’ils les craignent un peu plus. Qu’ils transpirent un peu sur des copies enfin rendues. Qu’ils viennent en classe dans la hantise de ce qui va s’y passer, et non comme ils se rendent au supermarché, en exigeant de leurs professeurs qu’ils les amusent. Qu’ils soient là, heure après heure, pour y apprendre des choses intelligentes et nouvelles, et non pour y butiner, au gré de leurs désirs, les fragments de divertissements qui les éclatent, comme ils disent.
Dois-je suggérer à Gumbel de s’inscrire au SE-UNSA ? Il écrirait leurs communiqués — tout Anglais qu’il soit, il ne ferait peut-être pas beaucoup plus de fautes que les analphacons qui gèrent ce syndicat d’administratifs et de profs masochistes.

Villeneuve-sur-Lot, et alors ?

marine le pen fn

Le Front républicain : l’expression m’a toujours profondément agacé. Ce renvoi implicite à la Guerre d’Espagne. Si le Front National n’est pas républicain, on peut toujours l’interdire. Comme j’ai de mauvaises lectures, je feuilletais le dimanche de l’élection à Villeneuve-sur-Lot le livre posthume de Dominique Venner, Le samouraï d’occident (Ed. Pierre-Guillaume de Roux). Pour ceux qui connaissent un peu ses livres, c’est le meilleur avec Le cœur rebelle (Les Belles Lettres). C’est entre l’autobiographie et le bréviaire de ce qu’est vraiment un activiste d’extrême droite qui veut en finir avec la République. Sous De Gaulle, Venner avait tenté d’entrer avec un camion bourré d’explosifs dans la cour de l’Elysée. Et quand il a arrêté l’activisme après un peu de prison, il s’est retiré de la vie politique. Il ne s’est pas présenté aux élections, lui, comme certains de ses anciens compagnons d’armes. Il n’était pas républicain. Le FN, pour sa part, surtout depuis le ripolinage mariniste, ne compte personne dans ses rangs qui désire prendre le pouvoir par la force. Donc faire chaque jour la promotion de ce parti à longueur d’antennes et de unes de magazines parce que Marine Le Pen est une bonne cliente et seulement jouer les vertueux quand il y a des élections, ça commence à me faire rigoler. Jaune. Parce que les seuls militants qu’on voit sur le terrain, en dehors des périodes électorales, ce sont ceux du Front de Gauche. Qui s’oppose tout le temps et partout au FN, lui aussi remarquablement présent depuis quelques temps.
 « L’antifascisme ne passera pas », c’est le titre d’un célèbre article de la patronne en 2002 dans Le Figaro, après le 21 avril. C’est une des périodes où je me suis le plus engueulé avec mes camarades chevènementistes et communistes. Je faisais partie des « cocos » ralliés au Che, comme le député Auchedé du Pas de Calais et c’est comme ça d’ailleurs que j’ai rencontré Elisabeth. Je me suis engueulé parce que je refusais du jour au lendemain d’avoir à choisir entre Chirac que l’on me présentait la veille encore comme un voleur et Le Pen que le discours sécuritaire, déjà, avait fait arriver au deuxième tour. Et puis cette reddition sans condition de Jospin qui avait tout à voir avec l’orgueil et rien avec l’honneur avait achevé de me dégoûter. Il n’y avait pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que Chirac, élu comme le général Alcazar, considérerait les 82% comme sa propriété personnelle et non comme un réflexe d’union nationale. Alors au deuxième tour, après une nuit d’hésitation, je suis allé voter. Parce que je vais toujours voter, par principe, considérant la chose autant comme un droit que comme un  devoir et trouvant dans l’abstention je ne sais quoi de veulerie ou d’inconséquence qui me déplaît. J’ai donc voté mais j’ai voté blanc.
Il était où le danger d’ailleurs ? Laisser la droite et l’extrême droite en tête à tête, c’était un score du genre 70/30 pour Chirac, et avec beaucoup moins de cette légitimité artificielle qui a éclaté au moment du référendum sur le Traité de 2005. On me répondait, oui, mais tu imagines, la honte au niveau international ? La France avec 30% pour Le Pen ? Comme si la honte n’était pas déjà là, dès le premier tour…
Plus de dix ans ont passé. Le FN a décidé que la ligne antilibérale ni droite ni gauche, déjà initiée par Samuel Maréchal dans les années 90, était finalement la bonne plutôt que de coller au programme économique reagano-thatchérien de Le Pen père. Les gens qui ne sont pas contents, qui se sentent exclus, menacés, votent Front National sans complexe désormais. Je préféreraisqu’ils votent Front de Gauche parce que je ne crois pas à cette mue aussi soudaine qu’opportuniste. Apparemment, les idées du FDG sont plus compliquées à faire passer puisque le FDG refuse de jouer sur la corde toujours un peu douteuse de la préférence nationale et du danger de l’immigration. L’immigration est un problème ? Sans doute. Elle est aussi une chance… pour un bon nombre de patrons qui embauchent des clandestins. Ça, ou alors j’écoute mal, j’entends assez peu le FN le dire.
Villeneuve-sur-Lot n’est qu’une circonscription parmi plus de 500 autres. En plus, c’était la circonscription de Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Budget qui a avoué être un grand évadé fiscal. Ce n’est pas rien, tout de même. On peut penser que si des électeurs de gauche ont voté pour le jeune candidat FN, l’écoeurement y est pour quelque chose.  Mais, même avec une sympathie des plus modérées pour les élus socialistes, on peut admettre que ce ne sont quand même pas tous des Cahuzac. Et que la configuration de Villeneuve est très particulière.
Il n’y a pas besoin de s’affoler. Même si le FN avait gagné. Pour une raison simple, c’est que le FN, à moins d’être majoritaire tout seul, va se retrouver assez vite pris dans des contradictions insurmontables.

Soit c’est la ligne Collard-Marion Maréchal qui s’impose.Ils trouveront bien des UMP pour s’allier avec eux. Mais alors il faudra expliquer que le programme économique « social » du Front avec la sortie de l’euro programmée, c’est compatible avec le programme européen et libéral de l’UMP. Ca va être très très compliqué à faire passer auprès de ce fameux électorat populaire. Le FN sera devenu un parti de droite comme les autres, un genre d’Alliance Nationale italienne, ces « postfascistes » de Fini qui ont terminé dans les limbes électorales.
Soit c’est la ligne Philippot et son chevènementisme dévoyé. Et là, les mariages, même de raison avec l’UMP, ça ne passera pas. La sécurité, l’islamisme, l’immigration ne font pas une plateforme commune. Le FN bondit dans les sondages et les scrutins parce qu’il parle du chômage, des délocalisations, du pouvoir d’achat et pour lutter contre tout ça, il faudrait notamment garder la retraite à 60 ans et sortir de l’euro. Or personne dans les grands partis politiques, sur l’euro, ne prône cette solution parce qu’elle est impossible à mettre en place. Le Front de Gauche, même le Front de gauche estime surtout que ce qu’il faut, c’est obtenir un contrôle des Etats sur la BCE et favoriser l’émergence d’un euro faible pour retrouver de la compétitivité sans massacrer ce qu’il reste d’acquis sociaux et d’Etat-Providence.
On peut aussi laisser le Front national prendre des mairies en 2014. Et regarder. À moins de permettre à Philippot d’être simultanément le maire de dix ou douze communes, on retrouvera le scénario de 95, notamment à Toulon. C’est à dire un très grand moment comique devant une incompétence aussi manifeste.
En attendant, si j’avais été inscrit à Villeneuve-sur-Lot, j’aurais voté. Blanc. Mais pour des raisons différentes de celles de 2002. En effet, depuis la « buisonnisation » de l’UMP, j’ai dû mal à savoir qui est de droite et qui est d’extrême droite dans ce genre de tête à tête.

*Photo : Licra.

À Villeneuve-sur-Lot, aucun électeur de gauche n’a voté FN !

philippot fn le pen

« Aucun électeur de gauche n’a voté pour le Front national au second tour. » La déclaration de Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, se veut péremptoire et performative : puisque le réel doit épouser le rationnel, l’impensable n’est pas. Contre toute évidence, malgré les vingt-deux points glanés par le candidat frontiste Etienne Bousquet-Cassagne entre les deux tours de l’élection législative de Villeneuve-sur-Lot dans son duel avec l’UMP, il semblerait que le peuple de gauche ait courageusement répondu à l’appel de ses dirigeants : No pasaran, comme dirait Joseph Macé-Scaron sur Twitter ! Ce matin, Libération emboîte le pas à Le Roux au prix d’un numéro d’équilibrisme qui nous ferait presque regretter le récent départ de la rédaction de Nicolas Demorand : l’électeur socialiste s’abstient ou vote UMP, fermez le ban ! Certes, Libé fait cracher le morceau à un mystérieux « conseiller ministériel », selon lequel « Entre le choix de diviser la droite ou de conforter l’UMP, certains ne tergiversent plus. Ils font le choix d’affaiblir l’UMP, que cela passe par une abstention ou un bulletin blanc, voire un bulletin FN ». Vade retro, le mot est lâché ! Et Christophe Borgel, inamovible secrétaire national du PS aux élections, d’enfoncer le clou : « Le refus du FN a mieux fonctionné que certains ne le craignaient mais une partie du PS ne veut pas de l’UMP de Patrick Buisson. » Il n’y a guère que Libé pour aller un chouïa plus loin dans l’euphémisme : « Quant à l’abstention, elle a singulièrement reculé hier. Mais cette participation en hausse n’a pas forcément fait le jeu de l’UMP. » L’électeur socialiste vote avec ses pieds, mais prend bien soin de ne pas toucher un bulletin FN : du coup, dans cette circonscription longtemps acquise à gauche, qui plébiscite le candidat bleu marine ? Des électeurs fantômes sans doute, les mêmes qui ne veulent pas de l’UMP buissonnisée pourtant représentée à Villeneuve-sur-Lot par un juppéiste bon teint, soutenu par l’UDI et tout ce que la droite compte d’esprits raisonnables.
La blague a assez duré. La ficelle est trop grosse pour ne pas laisser apparaître ce que « certains (…) craignaient » : la constitution d’une réserve de voix frontiste à gauche. Des légions d’électeurs de gauche, sans doute enhardis par l’affaire Cahuzac mais surtout considérablement déçus de la politique gouvernementale, se reportent au second tour sur le Front national sans autres formes de remords. À force de stigmatiser les opposants au mariage gay, de résumer le socialisme réellement existant à la marche progressiste vers le mariage et l’adoption pour tous, le PS s’est tiré une sacrée balle dans le pied. Dans l’histoire, les comptes offshore du pauvre Cahuzac agissent comme un papier pH de l’acidité populaire – populiste, diraient les autruches. La preuve qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du socialisme français, c’est que François Hollande himself est intervenu en direct d’Amman en Jordanie (où l’attendaient pourtant quelques dossiers à peine plus sensibles qu’une partielle lot-et-garonnaise : la crise syrienne, le conflit israélo-palestinien, l’instabilité de l’Irak, la question nucléaire iranienne, j’en passe…). Qu’a dit le grand manitou élyséen ? « Nous aurons à tirer toutes les leçons de ce scrutin, et du premier tour et du second tour. » Sibyllin, le propos n’en est pas moins lourd de sens pour qui connaît la faible appétence du président pour les questions sociétales, devenues malgré lui la marque de fabrique de son début de quinquennat. Message de service au groupe parlementaire socialiste : le mariage gay et l’adoption ont fait assez de dégâts comme ça, oubliez la PMA et le droit de vote des étrangers, la plèbe veut du boulot ! Parce qu’un beau jour, en dépit du déni de réel de la gauche institutionnelle et des rodomontades calibrées d’un Montebourg contre l’Europe de Barroso, le péquin de gauche exaspéré par la crise pourrait bien voter FN dès le premier tour.
La gauche pensait avoir retrouvé le peuple en 2012 : caramba, encore raté !

*Photo : Birdyphage.

Révo cul dans l’UMPop

ump sarko fillon cope

Alan Greenspan, ancien gouverneur de la « Fed », la Banque fédérale  des États-Unis, avait coutume de clore ses conférences de presse en affirmant : « Si vous avez compris ce que je viens de vous dire, c’est que je me suis mal exprimé ! » C’est un peu l’état d’esprit de celui qui ose s’essayer à exposer clairement la situation actuelle de l’UMP, principal parti de la droite française dite « républicaine », une mission quasi impossible. Les catégories usuelles de la science politique, notamment l’inévitable triptyque – légitimiste, orléaniste, bonapartiste – de feu René Rémond ne sont d’aucune aide pour comprendre ce qui se trame en ce moment à l’UMP. Un exemple : François Fillon et Jean-François Copé, qui sont engagés dans un combat sans merci, sont tous deux issus du RPR, le premier de sa branche « séguiniste », le second de sa variante chiraquienne, deux sensibilités se réclamant du gaullisme orthodoxe. On n’y verra pas beaucoup plus clair en passant en revue les courants qui ont surgi à l’occasion de la calamiteuse élection de novembre 2012[1. Résultats du vote des motions : Droite forte (Guillaume Peltier) : 28% ; Droite sociale (Laurent Wauquiez) : 21,7% ; Humanistes (Jean-Pierre Raffarin) : 18% ; Gaullistes en mouvement (Michèle Alliot-Marie) : 12,3% ; Droite populaire (Thierry Mariani) 10,8%.]. Ce volet du scrutin interne au parti avait été éclipsé par le psychodrame – qui dure toujours – de l’élection pour la présidence, emportée d’un cheveu par Copé grâce à des manipulations habiles du vote par des membres de son camp, mais aussi parce que Fillon, pensant l’élection jouée d’avance, s’était refusé à trop mouiller sa chemise.
Entre ces courants, dont certains tiennent plus du clan, la porosité est la règle : une plongée en apnée dans Google nous apprend qu’un ponte de l’UMP peut parfaitement parrainer un courant, tout en figurant sur la liste des soutiens d’un autre, et vice versa. Ainsi a-t-on vu le copéiste Jean-Pierre Raffarin et le fillonien Bernard Accoyer sonner ensemble la charge contre les chevau-légers de la « Droite forte » (copéistes) pour défendre Nathalie Kosciusko-Morizet dans la primaire UMP à Paris…
De même, la participation des dirigeants de l’UMP à la « Manif pour tous » du 26 mai exige de l’observateur des capacités de décryptage de haut niveau : entre ceux qui, comme Copé, sont descendus dans la rue pour dénoncer la politique de François Hollande, ceux qui, tel Bernard Accoyer, ont défilé pour la seule « défense de la famille », ceux qui n’y sont pas allés parce qu’ils jugent que remettre en cause une loi votée par les deux chambres et avalisée par le Conseil constitutionnel est antirépublicain, et ceux qui sont restés chez eux parce qu’ils sont favorables au mariage gay, une chatte, même inscrite à l’UMP, n’y retrouverait pas ses petits.[access capability= »lire_inedits »]
Tout cela, objectera-t-on, ne reflète que le microcosme parisien observé au miroir grossissant de médias faisant leurs délices, sinon leur beurre, de la chronique quotidienne des intrigues du sérail. Le terrain, qui lui ne ment pas, serait à mille lieues de ces empoignades au sommet. Je suis pourtant au regret de décevoir ceux qui espèrent que la sagesse du peuple de droite pourrait ramener à la raison et à l’union les hauts responsables de l’UMP. Mon terrain à moi, celui d’une Haute-Savoie indécrottablement ancrée à droite – ses six députés UMP ont survécu à la vague rose de mai 2012 – est un lieu d’observation privilégié des failles ouvertes, ou rouvertes, par la défaite de Nicolas Sarkozy. En effet, en l’absence d’une opposition de gauche capable de disputer sérieusement à la droite les principaux leviers du pouvoir local – grandes mairies et conseil général –, le jeu des ambitions personnelles, plus ou moins fondées sur des oppositions idéologiques, s’y donne joyeux et libre cours. En réalité, la fusion des gaullistes du RPR avec une partie des libéraux de l’UDF, réalisée par Jacques Chirac à l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, n’a pas survécu à la retraite politique de ce dernier.  Le rêve d’une « CDU  à la française », rassemblant de manière durable les diverses sensibilités de la droite, s’est fracassé sur les  dures réalités de la sociologie politique du pays.
Résultat : le patron de l’UMP haut-savoyarde, Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale et gaulliste pur sucre, est aujourd’hui contesté par les héritiers du courant « milloniste »[2. Charles Millon, membre de l’UDF et du Parti républicain, fut ministre de la Défense dans le gouvernement Juppé (1995-1997) et président de la Région Rhône-Alpes de 1988 à janvier 1999.], pour la plupart issus de Démocratie libérale, composante ultralibérale de l’UDF giscardienne dirigée par Alain Madelin. Ceux-là seraient prêts, au besoin, à conclure des alliances locales avec le FN, comme le fit naguère Charles Million en se maintenant à la tête de la région Rhône-Alpes grâce aux voix des lepénistes. Pour les prochaines municipales, Bernard Accoyer est partisan d’un accord départemental avec l’UDI de Borloo, qui garantirait le maintien du maire UDI d’Annecy, cité traditionnellement démocrate-chrétienne, en échange du soutien de ce parti aux candidats UMP sortants dans les autres municipalités. Cela n’empêche pas le « filloniste » Lionel Tardy, député d’Annecy, de manifester son intérêt pour le poste de premier magistrat de la ville-préfecture…
Pour comprendre ce qui se passe à l’UMP, on se reportera avec profit à l’expérience politique exotique qui, dans les années 1960 et 1970, mit aux prises Mao Zedong et ses adversaires au sein du Parti communiste chinois – d’où le titre de cet article[3. Revo cul dans la Chine pop est le titre d’un ouvrage décapant sur la révolution culturelle chinoise, paru en 1974 aux éditions 10/18, rédigé par des sinologues proches de l’Internationale situationniste de Guy Debord.]. Dépossédé de l’essentiel du pouvoir par Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, le Grand Timonier lance, en 1964, la « Grande révolution culturelle prolétarienne », dont le mot d’ordre est : « Feu sur le quartier général ! » Il parvient, au prix de millions de victimes, à rétablir son autorité absolue sur le Parti et le pays jusqu’à sa mort, en 1976. Toutes proportions gardées, et les purges sanglantes en moins, la stratégie employée par Nicolas Sarkozy pour récupérer (démocratiquement) un pouvoir qui lui fut (démocratiquement) ôté ressemble étrangement à celle de Mao. Enfermé dans sa citadelle de la rue La Boétie, parlant peu mais agissant beaucoup (un nouveau genre ?), il n’hésite pas à lancer ses « gardes rouges » de la  « Droite forte », Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, idéologiquement cornaqués par le maurrassien Patrick Buisson, contre tous ceux qui pourraient prétendre lui barrer la route du retour vers l’Élysée. C’est en se réclamant de Sarkozy, et de personne d’autre, que la « Droite forte » est arrivée en tête des motions lors du vote de novembre 2012.
L’affrontement Fillon-Copé ayant eu pour conséquence de mettre Copé hors-jeu pour la présidentielle de 2017, celui-ci s’est « reprogrammé » pour 2022, date à laquelle il aura seulement 58 ans. Pour François Fillon, de dix ans son aîné, c’est 2017 ou rien : aussi a-t-il lâché la proie de la présidence de l’UMP pour l’ombre de la candidature – qui sera issue de la primaire de 2016. Dans les couloirs du parti, rares sont ceux qui le croient capable de résister plus d’une seconde à un retour en fanfare de Nicolas Sarkozy, alors qu’il ne contrôle pas la machine UMP.  On a d’ailleurs remarqué que l’offensive des « gardes rouges » évoqués précédemment contre la candidature NKM à Paris n’a pas été désavouée par Sarkozy. À en croire les augures, cet assaut ne devrait pas la priver de l’investiture, mais l’affaiblir suffisamment pour lui passer l’envie de briguer le califat en 2017…
D’accord, objecteront ceux qui se refusent à désespérer Neuilly, mais derrière ces querelles de personnes et d’ambitions, il existe tout de même un socle solide de valeurs et de convictions qui suffira, dans les moments décisifs, à remettre le parti en ordre de combat. Rappelons ce qu’on disait des gaullistes de la grande époque : « C’est une meute de loups qui se déchirent entre eux, mais chassent en meute… ». Admettons. Encore faudrait-il que le mâle dominant finisse de lécher ses blessures avant que la meute ne s’entredévore.
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*Photo: lartdupopup

Roms : juste une question de vocabulaire…

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Je vais vous demander de faire un petit effort de mémoire. Souvenez-vous de ces années sombres où la France vivait sous le joug lugubre de Nicolas Sarkozy et de ses ministres sans scrupule. Les loups erraient dans les rues des villes moyennes. Les récoltes étaient désastreuses. La stérilité frappait les femmes. L’élite intellectuelle hexagonale quittait massivement le pays (Souvenez-vous des menaces insoutenables de Yannick Noah et de Jamel Debbouze…). Nous traversions une période obscure, marquée par des atrocités quotidiennes. Le Prince était amoureux d’une intermittente du spectacle, et le démoniaque ministre de l’Intérieur avait des cheveux rouges (Souvenez-vous de Brice Hortefeux…) L’air était vicié et l’ère glaciaire. Heureusement, grâce à l’élection de François Hollande nous sommes passés de l’ombre à la lumière – mais personne n’a encore répondu à la question que je posais dès la proclamation des résultats : mais qui va payer l’électricité ?
Dans ces temps obscurs, les Roms, comme nulle part ailleurs en Europe, étaient honteusement pourchassés par des hordes de policiers assoiffés de sang.  Les nomades et leurs zenfants étaient continuellement traqués et expulsés. La presse eut alors l’idée d’employer le mot « rafle » pour désigner ces opérations de police –  terme qui n’est pas sans évoquer, évidemment, les grandes rafles sans retour de la police française lors de la seconde guerre mondiale. Depuis que la gauche est au pouvoir, étrangement, la presse utilise moins ou même plus du tout le terme infamant de « rafle », alors que les expulsions se poursuivent. « Les évacuation continuent au même rythme qu’avant », expliquait Laurent Ghozi, cofondateur du collectif Romeurope à nos confrères du Point. Sur ce dossier, la seule rupture avec le précédent gouvernement semble être une circulaire nébuleuse imposant un « diagnostic social » avant d’évacuer un camp rom. Une circulaire « sociale » d’ailleurs non appliquée selon les observateurs. Mais, dans le grand concert médiatique, où sont passées les associations, les indignations, les jaccusations, la dénonciation des « rafles » ? Les réactions seraient donc à géométrie variable ?
Comme souvent, tout semble être une question de vocabulaire.  Une honorable correspondante de Seine-et-Marne me signale d’ailleurs la publication récente dans Le Parisien d’un article portant ce titre abyssal : « Les quelques 200 Roms du Bois de Grâce se sont auto-expulsés » ! Oui, sous François Hollande les Roms ne sont plus pourchassés et raflés… ils sont même devenus raisonnables et « s’auto-expulsent ». Le journaliste explique : « Le campement de Roms du bois de Grâce, qui a abrité jusqu’à environ deux cents personnes, s’est auto-expulsé en fin de semaine dernière. Les habitants sous le coup d’une expulsion imminente prévue en milieu de semaine, ont préféré déménager » Finies les « rafles » vive les « auto expulsions » ! Qui a dit que François Hollande n’était pas le président des miracles et des bisous ?

Post-Scriptum : Notez, par ailleurs, dans le contexte de l’affaire « Clément Méric » que le groupuscule d’extrême droite Troisième Voie et son « service d’ordre », les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), en passe d’être dissous par le gouvernement, se sont « auto-dissous », a annoncé mardi 25 juin leur chef Serge Ayoub. Décidément, tout le monde a atteint une certaine maturité depuis que Pépère est arrivé à l’Élysée…

Méric : ce que dit vraiment pour de vrai la vraie vidéo

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clement meric justice

clement meric justice

Je ne sais pas si la police partage les interprétations tirées par RTL de la vidéo du meurtre de Clément Méric, mais je sais qu’elle ne partage pas celles de Libération.
Le brave quotidien de gauche hollandiste se fendait hier d’un article tortillard pour essayer de démonter, sous un titre accrocheur, ce que révélait le matin même RTL et ce que nos propres sources policières nous avaient confirmé il y a déjà trois jours : que la vidéo de la RATP, qui n’est certainement pas au ras du bitume, mais qui permet clairement d’identifier les combattants, joue clairement en défaveur du groupuscule d’extrême gauche. Ces images infirment donc définitivement la thèse hurlée sur toutes les ondes par une gauche de bonne conscience, Jean-Luc Mélenchon en tête, d’un malheureux Clément Méric victime d’un « assassinat », donc d’un meurtre avec préméditation. Il faut d’ailleurs qu’elle soit bien dérangeante cette vidéo qui, pour avoir été entre les mains de la police depuis le 6 juin, a dû attendre presque trois semaines avant d’être évoquée publiquement. Il faut croire que la gauche qui nous gouverne, qui a déjà selon toute probabilité trafiqué les images de la Manif pour Tous du 24 mars, a un sérieux problème avec les images en général, et en particulier quand elles appuient le réel contre ses rêves.
Si l’on se résume, et toujours selon la police, Clément Méric et ses amis, cornaqués par un antifa dur-à-cuire réputé pour sa pratique des sports de combat, étaient venus spécialement à la vente privée de la rue Caumartin pour en découdre. C’est-à-dire que s’il y a eu préméditation, elle était de leur côté. Dans la boutique même, ils commencent à prendre à partie des skins peu soucieux d’en venir aux mains qui en appellent à la sécurité. Celle-ci expulse les chasseurs de skins qui, têtus, se postent en bas, dans la cour, en attendant leur proie. Quand celle-ci arrive, une deuxième fois elle requiert les services des videurs qui éloignent à nouveau Clément Méric et ses camarades. Et c’est quand les skins, rassurés, se dispersent que, dissimulée un peu plus loin dans la rue, la bande d’extrême gauche tombe à bras raccourcis sur l’un d’eux. Les autres, alertés, rappliquent : une bagarre d’une « violence extrême », selon la police, se déclenche. La tragédie se noue : alors qu’Esteban Morillo lutte contre deux assaillants, Clément Méric tente de le frapper par derrière. Morillo se retourne et lui assène deux coups en pleine figure mais, et les images le confirment, c’est sans poing américain. D’ailleurs, quand les policiers perquisitionneront chez lui, il en découvriront deux, l’un vert fluo qui serait parfaitement identifiable sur une vidéo, l’autre clouté, dont les marques auraient été trouvées sur le visage de Méric s’il avait servi. Un Méric qui, toujours selon nos informations, portait pour sa part un protège-dents, accessoire peu usité quand on est en mode shopping. La vidéo permet aussi de savoir que les mains de la  plupart des combattants étaient serties de bagues d’un genre contondant, qui ne poussent guère au pacifisme.
Ce qui est troublant dans cette sinistre histoire c’est, outre la mort absurde d’un jeune homme, que ce qu’on peut appeler la gauche en l’occurrence, c’est-à-dire un mode d’être transpartisan, se soit accrochée à tout prix à une interprétation non fondée des événements qui s’est révélée très vite fausse. Il fallait à tout prix, semble-t-il,  que ce drame démontre que le démon fasciste avait encore frappé. Et d’ailleurs peut-être y avait-il des pulsions fascistes dedans, mais certainement pas du côté que l’on imaginait. Est troublante cette volonté malikoussékinienne, voire carpentriste, de trouver des boucs émissaires immédiatement, dans un lynchage médiatique général, sans même que la justice ait rendu la moindre conclusion. On se souvient tous avec dégoût de l’émotion, peut-être non feinte et c’est sans doute le pire, de dame Clémentine Autain à la télévision, sûre de son droit à dénoncer un assassinat, et sans preuves. Il n’y a pas si longtemps, on nous rebattait les oreilles avec la présomption d’innocence, me semble-t-il. Il faut croire que lorsqu’il s’agit d’une certaine catégorie de la population française, il y a au contraire présomption de nocence, pour employer le vocabulaire de Renaud Camus. Il faut croire qu’une certaine partie des Français est suspecte par principe. Les skins aiment la violence ? Certainement. Leurs jumeaux les antifas tout autant.
Mais on est à Hollywood : il faut prouver que le bien ne peut être le mal. Selon nos informations toujours, le juge d’instruction saisi de l’affaire serait si impartial qu’on lui aurait dépêché un adjoint pour réenquêter à charge, un adjoint sûr de ne pas figurer sur le mur des cons. Il faut bien que les méchants paient. Puisqu’ils sont méchants. Comment disait Churchill déjà ? Ah oui : « Les fascistes de demain s’appelleront eux-mêmes antifascistes. » Il se peut que demain soit aujourd’hui.

*Photo : France 2.

Affaire Al-Dura : le temps de la vérité

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israel mohammed al dura

israel mohammed al dura

Même confusément, chacun se rappelle le reportage télévisé où il a vu, où on lui a donné à voir, un enfant tué par des balles « provenant de la position israélienne », dans les bras de son père, lui-même blessé. C’était à Gaza, au 20 heures de France 2, le 30 septembre 2000, au début de la seconde Intifada. Ces images, qui ont fait le tour du monde, ont alimenté la haine contre Israël, contre les Juifs et contre ceux qui soutenaient un Etat dont les soldats tuent un enfant pour le plaisir. Ces images ont tué.
Toutes les expertises balistiques ont prouvé qu’aucune balle israélienne ne pouvait avoir été tirée en direction du père et de l’enfant. De nombreux indices suggèrent que la scène montrée n’était pas authentique. Pendant de longues années, ceux qui contestaient la version des faits présentée par France 2 se voyaient opposer le silence des autorités israéliennes. Depuis le 19 mai 2013, cet argument ne tient plus puisque le bureau du Premier Ministre israélien a rendu public un rapport officiel qui remet totalement en cause le reportage.
Il faut tirer les conséquences de ce rapport et accepter de rouvrir ce dossier pour enfin pouvoir le refermer. Il faudra expliquer comment le père et l’enfant, qui auraient reçu à eux deux 15 balles d’armes de guerre, n’ont aucune trace de sang sur leur corps, sur leurs vêtements ou sur le mur auquel ils étaient adossés. Il faudra expliquer pourquoi, après sa mort annoncée en direct, l’enfant lève le coude et tourne sa tête en direction du caméraman. Des incohérences comme celles-ci, le reportage en comporte beaucoup.
Il y a une affaire Al-Dura, controverse sur l’authenticité des images présentées le 30 septembre 2000.
Il y a un silence Al-Dura, une sorte d’omerta condamnant à l’ostracisme médiatique ceux qui pensaient mal et mettaient en doute la version officielle de France 2, tout en les attaquant ad hominem et les qualifiant de conspirationnistes extrémistes ultra sionistes. Philippe Karsenty a connu cela pendant de longues années. Moi aussi, dans une moindre mesure. Les conséquences pouvaient en être professionnellement ou personnellement destructrices. Certains ont ainsi renoncé à s’exprimer. En France, le débat est ainsi verrouillé. Mais dans la presse américaine, le terme de « hoax » (montage) est communément utilisé.
Il y a aussi une mythologie Al-Dura, génératrice de haine. à Bamako, au Mali où la France se bat contre les djihadistes de l’islam radical, la place principale est dédiée à la mémoire de « l’enfant martyr de Palestine, Mohamed Al-Dura ». Mohamed Merah, l’assassin de Toulouse et de Montauban, en prétendant « venger les enfants de Gaza », se référait à Mohamed Al-Dura. Alors qu’on ne nous dise pas que cette histoire est ancienne et qu’elle ne concerne qu’Israël.
Plusieurs contre-enquêtes ont déjà été effectuées. D’autres sont encore possibles grâce aux images détenues, aux experts mobilisables en balistique, chirurgie de guerre et analyse des images. Que ces enquêtes techniques soient neutres et internationales pour leur donner plus de poids. Si elles montrent que je me suis trompé, je saurai le reconnaître.
Au rapport qui la met en cause, France Télévisions devrait réagir constructivement. Pourquoi la télévision publique française recourt-elle au silence depuis tant d’années ? N’a-t-elle pas été elle aussi la victime d’un cameraman militant qui affirmait avoir« choisi le journalisme pour défendre la cause palestinienne », dans une région où la manipulation des images est de longue date une arme comme une autre ?
Compte tenu de son impact mondial et persistant, le dossier Al-Dura doit être rouvert et traité de façon transparente. Si France 2 ne s’y résignait pas, ce serait alors à l’échelon politique, à l’Etat français, de prendre ses responsabilités : on ne peut affirmer vouloir lutter contre l’antisémitisme en France et contre l’islam radical dans le monde si on ne l’attaque pas à la racine, la propagande de haine nourrie par des images meurtrières, probablement mensongères.

Antifas, racialistes : les années de plomb à l’envers

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antifas fn italie

antifas fn italie

Les années de plomb constituent l’une des périodes les plus traumatiques de l’Italie d’après-guerre, entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980. Pendant près de deux décennies, le terrorisme des Brigades rouges bientôt relayé par le terrorisme noir des groupes néo-fascistes a commis plus de 600 attentats (362 morts). Cette « stratégie de la tension » a fait vaciller le République italienne, tout du moins le croyait-on jusqu’à l’ouverture récente des archives concernant toutes ces affaires.
Les historiens ont progressivement mis à jour les mécanismes très complexes qui sous-tendaient cette période. Qu’ont-il découvert ? Que la « main invisible » de l’Etat, si elle n’a pas initié cette série d’attentats, s’en est très largement servi pour discréditer son principal adversaire : le Parti communiste italien en passe d’accéder au pouvoir grâce au verdict des urnes.
Le parti démocrate-chrétien (au pouvoir) a tout d’abord laissé le champ libre à l’activisme révolutionnaire des Brigades rouges pour déborder le PCI sur sa gauche, et le discréditer auprès des électeurs. Il a ensuite favorisé les actions violentes de plusieurs groupuscules néofascistes qui entretenaient, pour certains de leurs responsables, des liens avec les services secrets italiens. Certains documents font même apparaître l’intervention de la CIA. A cela il faut encore ajouter l’action occulte de la loge P2 et les exactions commises par certains groupes mafieux – voir à ce sujet l’excellent film Romanzo criminale.
En tout état de cause, l’Etat a très largement instrumentalisé tout ce petit monde pour intensifier la « stratégie de la tension » et créer chez l’électeur moyen le besoin légitime de sécurité. Ce qui a permis d’écarter définitivement le PCI des lieux du pouvoir.
La situation actuelle de la France n’est pas, bien entendu, celle des années de plomb italiennes. Mais l’on voit bien se mettre en place, de chaque côté de l’échiquier politique, des groupes radicalisés qui risquent de constituer, demain, les idiots utiles du système.
À l’ultra-gauche, il est tout de même frappant de voir que les « Antifa » peuvent défiler dans les rues, foulard sur la bouche et casque sur la tête, sous le regard bienveillant des forces de l’ordre. Sans compter les appels plus ou moins voilés au meurtre distillés sur internet. On se dit qu’avec un petit financement et une aide logistique, ces groupes galvanisés ne seraient pas loin de ressembler à nos groupes néofascistes italiens des années 70.
À l’ultra-droite, la donne n’est pas meilleure. Le développement des « blocs identitaires » dans de nombreuses régions de France prospèrent sur la haine de l’immigré et le rejet de l’islam. Leur radicalisation idéologique et le passage de plus en plus fréquent à l’action correspondrait très clairement au débordement du Front national sur sa droite, comme le PC italien des années 60 s’était fait déborder par sa gauche. Est-il besoin, par exemple, de rappeler – puisque les médias ne le font jamais – que Marine Le Pen est déjà considérée comme une « vendue au système » par tous ces groupes radicaux.
Si l’on rassemble ces éléments épars, et que l’on y ajoute encore l’insécurité galopante et l’essor de nombreuses cellules mafieuses dans les cités, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que nous vivons déjà dans un état de tension extrême. Or, cette tension que les imbéciles du système (antifascistes et racialistes) ne cessent d’attiser ferait naturellement le jeu des partis au pouvoir. Comme dans l’Italie des années de plomb, on y retrouve d’ailleurs la droite de gouvernement et la gauche raisonnable – entendre par là les forces chargées d’ajuster les peuples à la mesure du capitalisme. Et l’on sait que la propagation larvée du chaos a toujours été le meilleur moyen de ramener les citoyens dans le giron du système.
Ce serait, en tous les cas, la seule stratégie valable pour écarter le parti qui s’oppose aujourd’hui à l’ordre établi et qui s’apprête à recueillir près d’un tiers des voix des électeurs français, comme autrefois le PC italien… Avant que les révolutionnaires, les antifascistes, les néofascistes, les services secrets, les nazi-maoïstes, les brigadistes, et tutti quanti, n’entrent en scène pour jouer une partition que le chef d’orchestre (étatique) avait écrite pour eux.

*Photo : aftershow. 

Peut-on rire de Proust?

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proust fioraso todd barjot

proust fioraso todd barjot

« ET CENT FOIS DANS SON SEIN CE FER A REPASSÉ ! »

25 avril. Racheté pour la énième fois À la manière de, délicieux recueil de parodies littéraires signées Paul Reboux et Charles Muller, trop souvent prêté ou perdu, ou les deux.
J’ai eu la chance de découvrir ce petit chef-d’œuvre dès l’âge de 13 ans. Grâce à mes parents, évidemment ; pas à l’école ! Pourtant, c’était exactement l’angle qu’il me fallait pour aborder la littérature. Reboux & Muller mettent en lumière les petits tics et trucs de nos grands auteurs qui, ainsi descendus de leur piédestal, paraissent aussitôt moins intimidants.
Sous leurs dehors légers, Paul et Charles donnent des conseils de lecture personnalisés : une fois qu’on a vu tout le monde par le petit bout de la lorgnette, à chacun de décider qui en sort grandi ! Sur cette base, le Reboux & Muller est vite devenu mon Lagarde & Michard à moi. Se cultiver en se moquant : une offre que je ne pouvais pas refuser.
Ce bouquin m’aura fait découvrir tout un tas d’écrivains dont je ne connaissais souvent que le nom, même pas le prénom. (Mais qui n’a jamais cru que La Rochefoucauld s’appelait Maxime ?) Tel quel, il fut, en tout cas pour moi, une excellente introduction à leurs œuvres, tant il est vrai qu’un pastiche réussi est affaire sérieuse. Il y faut non seulement une solide connaissance de l’auteur, mais une sorte d’osmose distanciée avec lui – si tant est qu’une telle chose existe.
Pour aborder Racine, rien de tel que son Cléopastre, doté d’un important appareil critique où le sérieux côtoie agréablement l’absurde. Tout l’univers de la tragédie classique tient dans la première – et interminable – tirade de l’héroïne, où elle expose à sa confidente l’ampleur de son malheur : aimée d’Antoine, mais amoureuse d’Auguste ! À l’époque, bien sûr, le potache que j’étais a surtout retenu un alexandrin : « Et cent fois dans son sein ce fer a repassé » ; mais c’est aussi comme ça qu’on apprend.
Sur le style Lamartine, tout de romantisme pompeux et de métaphores pompières, j’ai pu me faire une idée rien qu’en lisant le poème Sur la plantation d’un arbre de la liberté au milieu de la place de mon village natal. Allez, rien que le premier quatrain, pour me faire plaisir :
« Déjà l’Aurore, ouvrant sa paupière vermeille,
S’élance au firmament ; la Nature s’éveille ;
Déjà l’astre du jour, d’un rayon purpurin,
Essuie au front des bois les larmes du matin »…
Ainsi convenablement mis en garde, je n’ai guère cherché à revoir Alphonse en dehors du cadre scolaire.
Proust non plus ne fut jamais ma tasse de thé, avec ou  sans madeleine. [access capability= »lire_inedits »]Je l’ai su dès que j’ai lu Un mot à la hâte… En cinq pages de circonvolutions, incises et digressions, Rebous & Muller reconstituent l’essentiel de ce qui fait le charme du style proustien. Ou pas.
Swan, empêché par une urgence de se rendre au dîner où il est convié chez les Verdurin, avec le duc d’Endormantes et Mme de Pataty, décide d’aller leur présenter ses excuses. Mais voilà qu’en chemin, un brin de cerfeuil niché entre ses dents depuis le repas de midi « ressuscite dans sa mémoire les vastes horizons de pacages peints par Ver Meer de Delft, non moins que les solennelles frondaisons d’un Hubert Robert, sans omettre les ramures exquises où Watteau répandit les roses d’un coucher cythéréen »…
Parvenu néanmoins chez ses amis, il apprend que « Madame et Monsieur sont sortis. » Qu’à cela ne tienne ! Il se fait conduire dans un petit salon pour y rédiger « un court billet d’excuse ». On devine la suite… Emporté par l’inspiration, Swan n’en finit plus de noircir des feuillets ; même les Verdurin, une fois rentrés, n’oseront pas le déranger dans son grand œuvre…
Post-scriptum des auteurs : « Pour assister au moment où Swan achève sa lettre, lire le roman suivant, À l’ombre du fruit des jeunes gens, chapitre Douze ans après ».
Depuis lors, à chaque fois que j’ai tenté de me replonger dans Proust, j’ai vu Reboux & Muller à travers.

SUR L’ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRÉ

29 avril. Si j’ai accédé au monde des livres, comme à presque tout le reste, par la parodie, ce n’est pas un hasard ! Ça n’étonnera que ceux qui ignorent ma qualité de Président à vie de Jalons ; pas grand monde, à coup sûr, dans le lectorat de ce magazine de qualité. Qu’ils sachent quand même, ces ignares résiduels, qu’en matière d’enseignement du deuxième degré, l’école jalonienne n’a guère de leçons à recevoir. Comme dit fièrement notre devise secrète : « À l’Ouest, rien ne nous vaut ! 

CAUSEUR PARODIÉ !

5 mai (Fête des ponts).  À propos de parodie, Élisabeth Lévy évoquait dans un récent SMS l’idée d’en faire une de Causeur. Pourquoi pas ? En tant que spécialiste, l’idée qui me vient spontanément à l’esprit, c’est Tagueul Magazine – « Même si vous n’êtes pas d’accord ! » Mais le sera-t-elle ?

LE PARI PERDU DE TODD

 RACONTÉ PAR LUI-MÊME (ET MOI)

12 mai. En 2012, dans une interview au Nouvel Obs, Emmanuel Todd déclarait : « Je parie sur l’hollandisme révolutionnaire ! » Moi, j’aurais dit le hollandisme. Mais de toute façon, je n’aurais rien dit : je ne m’y connais pas assez sur ces sujets.
Pourquoi je vous raconte ça, alors ? Parce que j’aime bien Todd et son indépendance crâne, à mi-chemin du sale gosse et du Monsieur Je-sais-tout. Un an plus tard, à l’heure du premier bilan, je me suis donc inquiété de savoir où il en était avec son pari perdu.
« Dans le déni », comme dirait mon psy ? Plutôt dans le « travail de deuil »« Good bye Hollande ! » lance Emmanuel, en titre d’une interview à Marianne.net, où il dresse tristement l’inventaire des espoirs trahis. En photo, il arbore cette mine de Droopy qu’on lui voit souvent, entre un coup de sang et un grand rire.
Ce qui énerve Todd, c’est d’avoir cru si longtemps en Hollande, et surtout de ne plus trop savoir pourquoi. Il y a quelques mois encore, il était invité par le Président à un petit-déjeuner en tête à tête. Que s’est-il donc dit entre eux, s’inquiètent les journalistes ? « L’une des rares choses dont je me souvienne, c’est qu’il plaisantait sur les Finlandais, encore plus raides que les Allemands. » Apparemment donc, dès cette époque, il n’était plus guère question de « révolution ».
Ce qui amuse toujours Todd, en revanche, c’est de chahuter sérieusement. Surtout sur les plateaux télé où, après quelques tâtonnements, il a vite trouvé son emploi : la tête à claques savante. C’est aussi ça qui agace souvent chez lui : cette morgue naturelle avec laquelle il semble congédier ses contradicteurs en deux phrases, genre : « Vos opinions ne reposent que sur des Impressions d’Afrique à la Raymond Roussel. Les miennes sont fondées sur des recherches scientifiques incontestables : les miennes. »
J’ai l’air de me moquer, mais lui-même se le sert avec assez de verve. En vrai, ce n’est pas sa personne que Todd prend au sérieux ; seulement ses travaux. Vous me direz, la différence est mince, vu qu’il ne parle que d’eux…
Eh bien, pas tout à fait ! Dans cette interview, par exemple, entre deux considérations de fond sur le pouvoir financier et l’eurozone mort-née, il sait aussi être piquant. Même son dépit d’amoureux déçu à l’égard du Président, il le résume avec esprit : « Pour infléchir les choses, il aurait fallu qu’Hollande soit plus que de Gaulle. Mais il l’a dit, il n’est que normal. Ordinaire, même. »
Dans la foulée, l’artiste case aussi son grand numéro du moment, déjà testé avec succès en avril chez Taddeï : une charge germanophobe scandaleusement décomplexée, au point qu’on se demande si elle ne tombe pas sous le coup d’une quelconque loi antiraciste. « L’Allemagne, qui a déjà foutu en l’air deux fois le continent, est l’un des hauts lieux de l’irrationalité humaine ! » Dirait-on pas du Daudet ?
Mais ce qui rend le personnage définitivement sympathique à mes yeux, c’est sa capacité d’autodérision. Après avoir évoqué ses « restes d’espoir » en forme de « fantasmes », Todd conclut : « Mais peut-on prendre au sérieux quelqu’un qui a pris Hollande au sérieux ? »
Tout en plaidant coupable,  il convoque ainsi au banc des accusés, mine de rien, tous ceux qui, comme lui, ont pris un peu trop au sérieux Hollande – et même Sarkozy. Il a raison, le bougre… Que celui qui n’a jamais voté lui jette la première pierre !

JULES LE MISÉRABLE

14 mai. Puisque décidément, dans ce magazine d’actualité, on ne peut pas parler de Chesterton tous les mois, j’ai pensé à Jules Renard pour changer. Son Journal ne me quitte guère, et pour cause : les « nouvelles » qu’il y donne de la condition humaine sont indémodables.
En date du 1er avril 1895, sous le titre Examen, cet athée-là passe sévèrement en revue sa vie (il n’a que 30 ans !) avec tous ses errements, à défaut de péchés, avant de conclure : « Je ne suis qu’un misérable, je le sais. Je n’en suis pas plus fier. Je le sais, et je continuerai. » La confession, oui ; l’absolution, non !
« L’œil clair » de Jules Renard fait merveille, aussi, pour décrire les autres. Ainsi de Mallarmé, qu’il épingle en quatre mots : « Intraduisible, même en français ».
Ç’est ça, l’avantage du Journal destiné à être publié à titre posthume : on peut tout dire sur tout et tous ! En théorie du moins… Après la mort du pauvre Jules, une bonne moitié de son manuscrit sera brûlé par les soins conjugués de sa veuve et de son éditeur, pour convenances personnelles.
Reste quand même mille pages denses, toutes de finesse et de lucidité, que l’on peut ouvrir au hasard et toujours avec bonheur. « Il faut feuilleter tous les livres, et n’en lire qu’un seul », disait-il. Si c’est vrai, je vous recommande son Journal.

                  BERNADETTE EN REMONTRE À SON ÉVÊQUE

16 mai. Après l’athéisme, la foi qui soulève les montagnes, et même les prélats. Dialogue entre Bernadette Soubirous et son évêque :

– « La Dame veut que vous lui construisiez une église.

Tu veux me faire croire ça ?

La Dame ne m’a pas dit de vous le faire croire. Elle m’a dit de vous le dire. »

VIVE PÉGUY QUAND MÊME !

19 mai. Ça devait arriver : une fois retrouvé « mon » Reboux & Muller, et malgré le « bouclage » de Causeur, je n’ai pas pu m’empêcher de le relire d’une traite – c’est-à-dire pour moi en trois jours. On ne déguste pas une liqueur comme une vulgaire « 8/6 ».
Je l’ai savouré avec autant de plaisir qu’au premier jour, voire plus : un trésor d’esprit au service de la culture − et la Bible du parodiste ! Sa première publication peut bien dater d’un siècle, les chefs-d’œuvre ne prennent pas la poussière.
À la relecture, j’ai quand même trouvé nos amis un peu sévères avec Péguy, ce républicain intransigeant devenu soudain, à 33 ans, « catholique et français toujours ». Le pauvre en prend pour son grade de lieutenant de réserve du 276e d’infanterie.
Déjà, l’avertissement en exergue de ses Cahiers donne le ton : « Un abonnement donne droit au salut militaire. Dix abonnements donnent droit au salut éternel. » Quant au titre, il donne une furieuse envie de ne pas lire : Deuxième subdivision de la trente-septième série préparatoire du cinquième des Cahiers de la Neuvaine. De fait, les Litanies de sainte Barbe sont répétitives à souhait : du Hare Krishna catho !
Sur la foi de Reboux & Muller, j’ai donc considéré longtemps Péguy comme un vieil emmerdeur. Jusqu’au jour où, l’âge venant, j’ai fini par m’intéresser à ce défenseur acharné de la foi et du drapeau – déjà ringards il y a cent ans aux yeux des beaux esprits.
Bien sûr, en tentant d’en savoir plus, j’ai buté sur plein d’obstacles, dont Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc et Le Porche du mystère de la deuxième vertu (qui n’est même pas la suite !)
Mais j’ai aussi été fasciné par la beauté de certaines pièces mystico-patriotiques. L’inspiration a un peu vieilli, certes, mais c’est aussi ça que j’aime. Le plus célèbre de ses poèmes, Charles l’avait dédié en 1913 à ses ancêtres morts au front, un an avant de les rejoindre, d’une balle au front aussi :
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
 Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre […]
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles
Couchés dessus le sol à la face de Dieu […]
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés ».
C’est beau, je sais, mais, pour des raisons de place, je ne vous citerai pas ici les 163 autres vers.

L’ANGOISSE EST DANS LE PRÉ

 22 mai. « Savoir que c’est soi-même, et ne pas se reconnaître. » De qui, cette troublante expérience métaphysique, entendue en zappant à la radio ? Descartes, Spinoza, Cyrulnik ? Même pas : Karine Le Marchand chez Morandini (Europe 1), à propos de son émission de téléréalité « L’Amour est dans le pré ». Résultat : je comprends encore moins bien.

LA « MANIF POUR TOUS »… SAUF BARJOT !

26 mai. Alléluia ! Barjot a résisté jusqu’au bout à la tentation de rejoindre une dernière fois cette foule qu’elle aime, et qu’elle avait largement contribué à lever. Mais il fallait trancher : depuis plus d’un mois, cette « Manif pour tous » n’était plus la sienne.
Après le vote définitif de la loi, le 23 avril, le mystérieux « Pilotburo » aux commandes du mouvement était censé tirer les conclusions de ce fait nouveau et se tourner vers l’avenir. Voilà-t-il pas qu’au contraire, il se raidit dans le jusqu’au-boutinisme, avec un mot d’ordre de « retrait sec et sans conditions » désormais dadaïste.
Face à cette radicalisation, c’est peu dire que Barjot va faire un flop en réaffirmant les contre-propositions qu’elle porte depuis l’origine face au mariage-filiation-pour-tous. Huée par le GUD à Lyon, non sans complicités dans l’organisation, elle découvre soudain l’horrible vérité : LMPT, en fait, c’est devenu LMPTLCTFA (La Manif Pour Tous les Cathos Tradis & Fachos Assimilés).
Aux yeux de l’état-major, le « mariage pour tous » s’avère n’être en fait que la dernière métastase en date d’un cancer qui ronge depuis plus d’un siècle la Fille aînée de l’Église, du PACS à la capote et jusqu’à la loi de 1905, voire le « Ralliement ».
Un tel virage sectaire n’est pas sans me rappeler le thème des récentes « Rencontres internationales des intermittents de la pensée », organisées par Jalons sur le thème : « On va dans le mur, tu viens ? » Dès lors, les vrais amis de Barjot n’ont eu de cesse de l’encourager à sauter du train fou avant qu’il ne s’écrase.
Après avoir été la cible de la gauche pensante et des gays professionnels, elle est devenue en plus celle des excités d’extrême droite. Insultée de toutes parts, accusée tour à tour d’homophobie et d’homophilophobophobie, menacée de mort par tous moyens anonymes et soutenue par sa « hiérarchie » comme le pendu par la corde, pourquoi Frigide serait-elle donc restée, en première ligne sous ces tirs croisés ?
Ce qui l’a vraiment décidée à décliner l’invitation des gentils organisateurs, ce 26 mai, c’est d’apprendre le sort qu’ils lui réservaient sur le podium : elle n’aurait tout simplement pas la parole, elle, la porte-parole historique du mouvement !
Aux yeux des médias et de l’opinion, elle incarnait la « Manif pour tous ». Comment faire savoir qu’elle n’y contrôlait plus rien : ni la dérive intégriste des hiérarques, ni sa propre liberté d’expression, ni même sa sécurité ?
En n’y allant pas.[/access]

*Photo: Kay Harpa

Pas de liberté pour les ennemis des antifas !

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Dans les rues de Paris, une foule hétéroclite (mais attention, pas hétéronormée) a défilé avant-hier en hommage à Clément Méric, « militant syndicaliste, antifasciste, antiraciste, anticapitaliste, antispéciste, féministe et engagé dans les luttes contre l’hétérosexisme et les LGBTphobies », comme le décrivent – non exhaustivement on l’espère – ses amies les GARÇES (Groupe d’Action et Réflexion Contre l’Environnement Sexiste).
Les banderoles mêlaient, pêle-mêle, lutte contre le fascisme, le racisme, l’islamophobie, l’homophobie, et autres déviances, et on pouvait voir défiler, bras dessus bras dessous, femmes voilées et féministes, trotskistes et militants LGBTQI, végétariens, défenseurs des « sans-papier.e.s » (oui, ça se décline, ne soyez pas sexistes) et autres idiots utiles tous mobilisés contre « le fascisme, l’Etat et le capital », les trois étant strictement synonymes -comme dans les années 30.
On ne voit pas trop ce qu’ont tout ces gens en commun, à part une passion pour les –ismes due sans doute à un manque de vocabulaire, et une capacité  à sonder l’âme d’autrui pour y découvrir phobies, inconscients racistes et autres haines pathologiques.
« Pas de débat sur nos vies », « le fascisme n’est pas une opinion », « pas de liberté pour les ennemis de la liberté »,  et autres « je discute pas avec un nazi » : tels sont les sophismes censés justifier l’apanage d’une violence légitime, forcément légitime.
Le mythe du grand soir est brandi comme ultime palladium des pires contradictions qu’entraîne la convergence des luttes : féministes défendant le voile et la GPA, antifascistes utilisant la violence (!), anti-capitalistes défendant l’ouverture des frontières, adeptes du « ni oubli ni pardon » partisans de l’amnistie sociale, sans parler des antispécistes d’accord avec la « nazifiante » Brigitte Bardot pour dire que l’animal est un homme comme les autres.
Mais bon, comme disait Manuel Valls après le drame qui a coûté la vie à Clément Méric, « Ce n’est pas le moment de faire des amalgames. Ce sont des groupes d’extrême droite qui depuis des mois portent des discours de haine. Il ne faut pas confondre ce discours avec ceux qui d’une manière ou d’une autre luttent contre le fascisme. »
Quant aux antifas qui ont eu le mauvais goût de joindre les actes à la parole en s’attaquant à un immeuble sur lequel était déployée une banderole de la Manif pour Tous et en brisant quelques vitrines « d’établissements bancaires, ainsi que du mobilier urbain », ils s’en sont tiré avec seulement 14 interpellations et 2 gardes à vue. Après tout, ce ne sont que «des casseurs qui ne respectent pas l’esprit de ce rassemblement». Tu l’as dit Manu !

Surnotation équitable

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bac ecole niveau

C’est un concept nouveau introduit ces jours-ci par l’inénarrable et indicible SE-UNSA, qui se dispute avec le SGEN la palme de la bien-pensance .
Je ne saurais trop recommander la lecture des mails syndicaux cités en note. L’orthographe y est un peu bousculée — mais tout le monde sait que c’est la science des ânes. Mais à la revendication (plutôt juste) de Sud, qui suggérait la réunion d’une intersyndicale, le SE-UNSA répond par un refus frontal et une analyse de fond, évoquant les restrictions de postes dans l’administration (évidemment : l’UNSA syndique la plus grande partie des personnels administratifs de l’EN, autant veiller sur le moral des troupes) pour ne pas répondre.
Qu’apprenons-nous dans ce mail au ton d’évidence ? « il ne nous semble pas y avoir « gonflage » de notes mais simplement volonté d’équité pour des candidats qui auraient été stupidement pénalisés. Au final, les élèves sont bien notés sur 20 et non sur 24…quoi de scandaleux ? Nous pratiquons dans certaines disciplines la surnotation équitables [sic !] : un devoir peut être sur 20 et le barème sur 24 avec des exercices bonus. Nous ne voyons pas le mal. » Et de prendre en compte l’intérêt des élèves (des parents et du ministère — étranges priorités pour un syndicat enseignant) avant même celui de l’examen et de la conscience professionnelle des correcteurs, toujours stigmatisés par l’ineffable Fioraso : « En pleine période de bac, il nous semble inconcevable de semer le trouble chez les candidats : le bac est une épreuve trop sérieuse pour s’amuser à semer la panique. Nous ne sommes pas un syndicat qui préfère vitupérer plutôt que réfléchir et agir en conséquence de cette réflexion. Pour nous la pseudo-polémique est close…d’ailleurs les médias ont montré comment vos affirmations étaient fausses, très bien démontré par le doyen des IA IPR…»
Ah oui, j’oubliais : le SE-UNSA syndique aussi la plupart des IPR… Qui parle de clientélisme ?
Résumons.
Une ministre, imbibée de principes hérités du privé le moins performant, plaide pour une égalisation vers le haut de tous les candidats.
Un syndicat enseignant très proche du PS, soucieux d’épargner la susceptibilité de certains de ses membres — ceux qui justement ne sont pas enseignants — invente la surnotation équitable, comme le commerce du même nom : le bac chez les bisounours !
Ce qui n’en finit pas de me sidérer dans cette expression, naïf que je suis, c’est l’importation du vocabulaire de la compassion dans l’univers de la pédagogie. Au même moment, l’ineffable Peter Gumbel continue à enfoncer le clou : après On achève bien les écoliers, voici Elite Academy — une charge contre les grandes écoles.
Il faut dire que Gumbel enseigne à Sciences-Po, que l’on prenait jadis pour le fourre-tout des incapables et qui prétend dépasser l’ENS et l’X réunies : tout complexe d’infériorité se soigne en dénigrant ceux qui vous dépassent. Peter Gumbel peut donc dire du mal de tout le monde, il parviendra peut-être à un effet-talonnette à force de s’appuyer sur le cadavre du système éducatif français.
Pauvres, pauvres petits, que des enseignants hargneux accablent (si, si, il faut les noter en fonction de leurs vrais mérites — allez-y !), qu’un système tout entier stresse…
C’est curieux : je connais nombre d’enseignants qui ne détesteraient pas que certains de leurs élèves stressent un peu plus. Qu’ils les craignent un peu plus. Qu’ils transpirent un peu sur des copies enfin rendues. Qu’ils viennent en classe dans la hantise de ce qui va s’y passer, et non comme ils se rendent au supermarché, en exigeant de leurs professeurs qu’ils les amusent. Qu’ils soient là, heure après heure, pour y apprendre des choses intelligentes et nouvelles, et non pour y butiner, au gré de leurs désirs, les fragments de divertissements qui les éclatent, comme ils disent.
Dois-je suggérer à Gumbel de s’inscrire au SE-UNSA ? Il écrirait leurs communiqués — tout Anglais qu’il soit, il ne ferait peut-être pas beaucoup plus de fautes que les analphacons qui gèrent ce syndicat d’administratifs et de profs masochistes.

Villeneuve-sur-Lot, et alors ?

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marine le pen fn

marine le pen fn

Le Front républicain : l’expression m’a toujours profondément agacé. Ce renvoi implicite à la Guerre d’Espagne. Si le Front National n’est pas républicain, on peut toujours l’interdire. Comme j’ai de mauvaises lectures, je feuilletais le dimanche de l’élection à Villeneuve-sur-Lot le livre posthume de Dominique Venner, Le samouraï d’occident (Ed. Pierre-Guillaume de Roux). Pour ceux qui connaissent un peu ses livres, c’est le meilleur avec Le cœur rebelle (Les Belles Lettres). C’est entre l’autobiographie et le bréviaire de ce qu’est vraiment un activiste d’extrême droite qui veut en finir avec la République. Sous De Gaulle, Venner avait tenté d’entrer avec un camion bourré d’explosifs dans la cour de l’Elysée. Et quand il a arrêté l’activisme après un peu de prison, il s’est retiré de la vie politique. Il ne s’est pas présenté aux élections, lui, comme certains de ses anciens compagnons d’armes. Il n’était pas républicain. Le FN, pour sa part, surtout depuis le ripolinage mariniste, ne compte personne dans ses rangs qui désire prendre le pouvoir par la force. Donc faire chaque jour la promotion de ce parti à longueur d’antennes et de unes de magazines parce que Marine Le Pen est une bonne cliente et seulement jouer les vertueux quand il y a des élections, ça commence à me faire rigoler. Jaune. Parce que les seuls militants qu’on voit sur le terrain, en dehors des périodes électorales, ce sont ceux du Front de Gauche. Qui s’oppose tout le temps et partout au FN, lui aussi remarquablement présent depuis quelques temps.
 « L’antifascisme ne passera pas », c’est le titre d’un célèbre article de la patronne en 2002 dans Le Figaro, après le 21 avril. C’est une des périodes où je me suis le plus engueulé avec mes camarades chevènementistes et communistes. Je faisais partie des « cocos » ralliés au Che, comme le député Auchedé du Pas de Calais et c’est comme ça d’ailleurs que j’ai rencontré Elisabeth. Je me suis engueulé parce que je refusais du jour au lendemain d’avoir à choisir entre Chirac que l’on me présentait la veille encore comme un voleur et Le Pen que le discours sécuritaire, déjà, avait fait arriver au deuxième tour. Et puis cette reddition sans condition de Jospin qui avait tout à voir avec l’orgueil et rien avec l’honneur avait achevé de me dégoûter. Il n’y avait pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que Chirac, élu comme le général Alcazar, considérerait les 82% comme sa propriété personnelle et non comme un réflexe d’union nationale. Alors au deuxième tour, après une nuit d’hésitation, je suis allé voter. Parce que je vais toujours voter, par principe, considérant la chose autant comme un droit que comme un  devoir et trouvant dans l’abstention je ne sais quoi de veulerie ou d’inconséquence qui me déplaît. J’ai donc voté mais j’ai voté blanc.
Il était où le danger d’ailleurs ? Laisser la droite et l’extrême droite en tête à tête, c’était un score du genre 70/30 pour Chirac, et avec beaucoup moins de cette légitimité artificielle qui a éclaté au moment du référendum sur le Traité de 2005. On me répondait, oui, mais tu imagines, la honte au niveau international ? La France avec 30% pour Le Pen ? Comme si la honte n’était pas déjà là, dès le premier tour…
Plus de dix ans ont passé. Le FN a décidé que la ligne antilibérale ni droite ni gauche, déjà initiée par Samuel Maréchal dans les années 90, était finalement la bonne plutôt que de coller au programme économique reagano-thatchérien de Le Pen père. Les gens qui ne sont pas contents, qui se sentent exclus, menacés, votent Front National sans complexe désormais. Je préféreraisqu’ils votent Front de Gauche parce que je ne crois pas à cette mue aussi soudaine qu’opportuniste. Apparemment, les idées du FDG sont plus compliquées à faire passer puisque le FDG refuse de jouer sur la corde toujours un peu douteuse de la préférence nationale et du danger de l’immigration. L’immigration est un problème ? Sans doute. Elle est aussi une chance… pour un bon nombre de patrons qui embauchent des clandestins. Ça, ou alors j’écoute mal, j’entends assez peu le FN le dire.
Villeneuve-sur-Lot n’est qu’une circonscription parmi plus de 500 autres. En plus, c’était la circonscription de Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Budget qui a avoué être un grand évadé fiscal. Ce n’est pas rien, tout de même. On peut penser que si des électeurs de gauche ont voté pour le jeune candidat FN, l’écoeurement y est pour quelque chose.  Mais, même avec une sympathie des plus modérées pour les élus socialistes, on peut admettre que ce ne sont quand même pas tous des Cahuzac. Et que la configuration de Villeneuve est très particulière.
Il n’y a pas besoin de s’affoler. Même si le FN avait gagné. Pour une raison simple, c’est que le FN, à moins d’être majoritaire tout seul, va se retrouver assez vite pris dans des contradictions insurmontables.

Soit c’est la ligne Collard-Marion Maréchal qui s’impose.Ils trouveront bien des UMP pour s’allier avec eux. Mais alors il faudra expliquer que le programme économique « social » du Front avec la sortie de l’euro programmée, c’est compatible avec le programme européen et libéral de l’UMP. Ca va être très très compliqué à faire passer auprès de ce fameux électorat populaire. Le FN sera devenu un parti de droite comme les autres, un genre d’Alliance Nationale italienne, ces « postfascistes » de Fini qui ont terminé dans les limbes électorales.
Soit c’est la ligne Philippot et son chevènementisme dévoyé. Et là, les mariages, même de raison avec l’UMP, ça ne passera pas. La sécurité, l’islamisme, l’immigration ne font pas une plateforme commune. Le FN bondit dans les sondages et les scrutins parce qu’il parle du chômage, des délocalisations, du pouvoir d’achat et pour lutter contre tout ça, il faudrait notamment garder la retraite à 60 ans et sortir de l’euro. Or personne dans les grands partis politiques, sur l’euro, ne prône cette solution parce qu’elle est impossible à mettre en place. Le Front de Gauche, même le Front de gauche estime surtout que ce qu’il faut, c’est obtenir un contrôle des Etats sur la BCE et favoriser l’émergence d’un euro faible pour retrouver de la compétitivité sans massacrer ce qu’il reste d’acquis sociaux et d’Etat-Providence.
On peut aussi laisser le Front national prendre des mairies en 2014. Et regarder. À moins de permettre à Philippot d’être simultanément le maire de dix ou douze communes, on retrouvera le scénario de 95, notamment à Toulon. C’est à dire un très grand moment comique devant une incompétence aussi manifeste.
En attendant, si j’avais été inscrit à Villeneuve-sur-Lot, j’aurais voté. Blanc. Mais pour des raisons différentes de celles de 2002. En effet, depuis la « buisonnisation » de l’UMP, j’ai dû mal à savoir qui est de droite et qui est d’extrême droite dans ce genre de tête à tête.

*Photo : Licra.

À Villeneuve-sur-Lot, aucun électeur de gauche n’a voté FN !

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philippot fn le pen

philippot fn le pen

« Aucun électeur de gauche n’a voté pour le Front national au second tour. » La déclaration de Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, se veut péremptoire et performative : puisque le réel doit épouser le rationnel, l’impensable n’est pas. Contre toute évidence, malgré les vingt-deux points glanés par le candidat frontiste Etienne Bousquet-Cassagne entre les deux tours de l’élection législative de Villeneuve-sur-Lot dans son duel avec l’UMP, il semblerait que le peuple de gauche ait courageusement répondu à l’appel de ses dirigeants : No pasaran, comme dirait Joseph Macé-Scaron sur Twitter ! Ce matin, Libération emboîte le pas à Le Roux au prix d’un numéro d’équilibrisme qui nous ferait presque regretter le récent départ de la rédaction de Nicolas Demorand : l’électeur socialiste s’abstient ou vote UMP, fermez le ban ! Certes, Libé fait cracher le morceau à un mystérieux « conseiller ministériel », selon lequel « Entre le choix de diviser la droite ou de conforter l’UMP, certains ne tergiversent plus. Ils font le choix d’affaiblir l’UMP, que cela passe par une abstention ou un bulletin blanc, voire un bulletin FN ». Vade retro, le mot est lâché ! Et Christophe Borgel, inamovible secrétaire national du PS aux élections, d’enfoncer le clou : « Le refus du FN a mieux fonctionné que certains ne le craignaient mais une partie du PS ne veut pas de l’UMP de Patrick Buisson. » Il n’y a guère que Libé pour aller un chouïa plus loin dans l’euphémisme : « Quant à l’abstention, elle a singulièrement reculé hier. Mais cette participation en hausse n’a pas forcément fait le jeu de l’UMP. » L’électeur socialiste vote avec ses pieds, mais prend bien soin de ne pas toucher un bulletin FN : du coup, dans cette circonscription longtemps acquise à gauche, qui plébiscite le candidat bleu marine ? Des électeurs fantômes sans doute, les mêmes qui ne veulent pas de l’UMP buissonnisée pourtant représentée à Villeneuve-sur-Lot par un juppéiste bon teint, soutenu par l’UDI et tout ce que la droite compte d’esprits raisonnables.
La blague a assez duré. La ficelle est trop grosse pour ne pas laisser apparaître ce que « certains (…) craignaient » : la constitution d’une réserve de voix frontiste à gauche. Des légions d’électeurs de gauche, sans doute enhardis par l’affaire Cahuzac mais surtout considérablement déçus de la politique gouvernementale, se reportent au second tour sur le Front national sans autres formes de remords. À force de stigmatiser les opposants au mariage gay, de résumer le socialisme réellement existant à la marche progressiste vers le mariage et l’adoption pour tous, le PS s’est tiré une sacrée balle dans le pied. Dans l’histoire, les comptes offshore du pauvre Cahuzac agissent comme un papier pH de l’acidité populaire – populiste, diraient les autruches. La preuve qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du socialisme français, c’est que François Hollande himself est intervenu en direct d’Amman en Jordanie (où l’attendaient pourtant quelques dossiers à peine plus sensibles qu’une partielle lot-et-garonnaise : la crise syrienne, le conflit israélo-palestinien, l’instabilité de l’Irak, la question nucléaire iranienne, j’en passe…). Qu’a dit le grand manitou élyséen ? « Nous aurons à tirer toutes les leçons de ce scrutin, et du premier tour et du second tour. » Sibyllin, le propos n’en est pas moins lourd de sens pour qui connaît la faible appétence du président pour les questions sociétales, devenues malgré lui la marque de fabrique de son début de quinquennat. Message de service au groupe parlementaire socialiste : le mariage gay et l’adoption ont fait assez de dégâts comme ça, oubliez la PMA et le droit de vote des étrangers, la plèbe veut du boulot ! Parce qu’un beau jour, en dépit du déni de réel de la gauche institutionnelle et des rodomontades calibrées d’un Montebourg contre l’Europe de Barroso, le péquin de gauche exaspéré par la crise pourrait bien voter FN dès le premier tour.
La gauche pensait avoir retrouvé le peuple en 2012 : caramba, encore raté !

*Photo : Birdyphage.

Révo cul dans l’UMPop

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ump sarko fillon cope

ump sarko fillon cope

Alan Greenspan, ancien gouverneur de la « Fed », la Banque fédérale  des États-Unis, avait coutume de clore ses conférences de presse en affirmant : « Si vous avez compris ce que je viens de vous dire, c’est que je me suis mal exprimé ! » C’est un peu l’état d’esprit de celui qui ose s’essayer à exposer clairement la situation actuelle de l’UMP, principal parti de la droite française dite « républicaine », une mission quasi impossible. Les catégories usuelles de la science politique, notamment l’inévitable triptyque – légitimiste, orléaniste, bonapartiste – de feu René Rémond ne sont d’aucune aide pour comprendre ce qui se trame en ce moment à l’UMP. Un exemple : François Fillon et Jean-François Copé, qui sont engagés dans un combat sans merci, sont tous deux issus du RPR, le premier de sa branche « séguiniste », le second de sa variante chiraquienne, deux sensibilités se réclamant du gaullisme orthodoxe. On n’y verra pas beaucoup plus clair en passant en revue les courants qui ont surgi à l’occasion de la calamiteuse élection de novembre 2012[1. Résultats du vote des motions : Droite forte (Guillaume Peltier) : 28% ; Droite sociale (Laurent Wauquiez) : 21,7% ; Humanistes (Jean-Pierre Raffarin) : 18% ; Gaullistes en mouvement (Michèle Alliot-Marie) : 12,3% ; Droite populaire (Thierry Mariani) 10,8%.]. Ce volet du scrutin interne au parti avait été éclipsé par le psychodrame – qui dure toujours – de l’élection pour la présidence, emportée d’un cheveu par Copé grâce à des manipulations habiles du vote par des membres de son camp, mais aussi parce que Fillon, pensant l’élection jouée d’avance, s’était refusé à trop mouiller sa chemise.
Entre ces courants, dont certains tiennent plus du clan, la porosité est la règle : une plongée en apnée dans Google nous apprend qu’un ponte de l’UMP peut parfaitement parrainer un courant, tout en figurant sur la liste des soutiens d’un autre, et vice versa. Ainsi a-t-on vu le copéiste Jean-Pierre Raffarin et le fillonien Bernard Accoyer sonner ensemble la charge contre les chevau-légers de la « Droite forte » (copéistes) pour défendre Nathalie Kosciusko-Morizet dans la primaire UMP à Paris…
De même, la participation des dirigeants de l’UMP à la « Manif pour tous » du 26 mai exige de l’observateur des capacités de décryptage de haut niveau : entre ceux qui, comme Copé, sont descendus dans la rue pour dénoncer la politique de François Hollande, ceux qui, tel Bernard Accoyer, ont défilé pour la seule « défense de la famille », ceux qui n’y sont pas allés parce qu’ils jugent que remettre en cause une loi votée par les deux chambres et avalisée par le Conseil constitutionnel est antirépublicain, et ceux qui sont restés chez eux parce qu’ils sont favorables au mariage gay, une chatte, même inscrite à l’UMP, n’y retrouverait pas ses petits.[access capability= »lire_inedits »]
Tout cela, objectera-t-on, ne reflète que le microcosme parisien observé au miroir grossissant de médias faisant leurs délices, sinon leur beurre, de la chronique quotidienne des intrigues du sérail. Le terrain, qui lui ne ment pas, serait à mille lieues de ces empoignades au sommet. Je suis pourtant au regret de décevoir ceux qui espèrent que la sagesse du peuple de droite pourrait ramener à la raison et à l’union les hauts responsables de l’UMP. Mon terrain à moi, celui d’une Haute-Savoie indécrottablement ancrée à droite – ses six députés UMP ont survécu à la vague rose de mai 2012 – est un lieu d’observation privilégié des failles ouvertes, ou rouvertes, par la défaite de Nicolas Sarkozy. En effet, en l’absence d’une opposition de gauche capable de disputer sérieusement à la droite les principaux leviers du pouvoir local – grandes mairies et conseil général –, le jeu des ambitions personnelles, plus ou moins fondées sur des oppositions idéologiques, s’y donne joyeux et libre cours. En réalité, la fusion des gaullistes du RPR avec une partie des libéraux de l’UDF, réalisée par Jacques Chirac à l’occasion de l’élection présidentielle de 2002, n’a pas survécu à la retraite politique de ce dernier.  Le rêve d’une « CDU  à la française », rassemblant de manière durable les diverses sensibilités de la droite, s’est fracassé sur les  dures réalités de la sociologie politique du pays.
Résultat : le patron de l’UMP haut-savoyarde, Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale et gaulliste pur sucre, est aujourd’hui contesté par les héritiers du courant « milloniste »[2. Charles Millon, membre de l’UDF et du Parti républicain, fut ministre de la Défense dans le gouvernement Juppé (1995-1997) et président de la Région Rhône-Alpes de 1988 à janvier 1999.], pour la plupart issus de Démocratie libérale, composante ultralibérale de l’UDF giscardienne dirigée par Alain Madelin. Ceux-là seraient prêts, au besoin, à conclure des alliances locales avec le FN, comme le fit naguère Charles Million en se maintenant à la tête de la région Rhône-Alpes grâce aux voix des lepénistes. Pour les prochaines municipales, Bernard Accoyer est partisan d’un accord départemental avec l’UDI de Borloo, qui garantirait le maintien du maire UDI d’Annecy, cité traditionnellement démocrate-chrétienne, en échange du soutien de ce parti aux candidats UMP sortants dans les autres municipalités. Cela n’empêche pas le « filloniste » Lionel Tardy, député d’Annecy, de manifester son intérêt pour le poste de premier magistrat de la ville-préfecture…
Pour comprendre ce qui se passe à l’UMP, on se reportera avec profit à l’expérience politique exotique qui, dans les années 1960 et 1970, mit aux prises Mao Zedong et ses adversaires au sein du Parti communiste chinois – d’où le titre de cet article[3. Revo cul dans la Chine pop est le titre d’un ouvrage décapant sur la révolution culturelle chinoise, paru en 1974 aux éditions 10/18, rédigé par des sinologues proches de l’Internationale situationniste de Guy Debord.]. Dépossédé de l’essentiel du pouvoir par Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, le Grand Timonier lance, en 1964, la « Grande révolution culturelle prolétarienne », dont le mot d’ordre est : « Feu sur le quartier général ! » Il parvient, au prix de millions de victimes, à rétablir son autorité absolue sur le Parti et le pays jusqu’à sa mort, en 1976. Toutes proportions gardées, et les purges sanglantes en moins, la stratégie employée par Nicolas Sarkozy pour récupérer (démocratiquement) un pouvoir qui lui fut (démocratiquement) ôté ressemble étrangement à celle de Mao. Enfermé dans sa citadelle de la rue La Boétie, parlant peu mais agissant beaucoup (un nouveau genre ?), il n’hésite pas à lancer ses « gardes rouges » de la  « Droite forte », Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, idéologiquement cornaqués par le maurrassien Patrick Buisson, contre tous ceux qui pourraient prétendre lui barrer la route du retour vers l’Élysée. C’est en se réclamant de Sarkozy, et de personne d’autre, que la « Droite forte » est arrivée en tête des motions lors du vote de novembre 2012.
L’affrontement Fillon-Copé ayant eu pour conséquence de mettre Copé hors-jeu pour la présidentielle de 2017, celui-ci s’est « reprogrammé » pour 2022, date à laquelle il aura seulement 58 ans. Pour François Fillon, de dix ans son aîné, c’est 2017 ou rien : aussi a-t-il lâché la proie de la présidence de l’UMP pour l’ombre de la candidature – qui sera issue de la primaire de 2016. Dans les couloirs du parti, rares sont ceux qui le croient capable de résister plus d’une seconde à un retour en fanfare de Nicolas Sarkozy, alors qu’il ne contrôle pas la machine UMP.  On a d’ailleurs remarqué que l’offensive des « gardes rouges » évoqués précédemment contre la candidature NKM à Paris n’a pas été désavouée par Sarkozy. À en croire les augures, cet assaut ne devrait pas la priver de l’investiture, mais l’affaiblir suffisamment pour lui passer l’envie de briguer le califat en 2017…
D’accord, objecteront ceux qui se refusent à désespérer Neuilly, mais derrière ces querelles de personnes et d’ambitions, il existe tout de même un socle solide de valeurs et de convictions qui suffira, dans les moments décisifs, à remettre le parti en ordre de combat. Rappelons ce qu’on disait des gaullistes de la grande époque : « C’est une meute de loups qui se déchirent entre eux, mais chassent en meute… ». Admettons. Encore faudrait-il que le mâle dominant finisse de lécher ses blessures avant que la meute ne s’entredévore.
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*Photo: lartdupopup