La librairie Les Cahiers Lamartine organise ce soir un débat – qui sera retransmis sur France culture lundi dans La Fabrique de l’histoire– entre Robert Paxton et Jaques Semelin, à l’occasion de la sortie du livre de ce dernier Persécutions et entraides dans la France occupée, Comment 75% des juifs ont échappé à la mort.
Paxton et Semelin, historiens de référence sur le régime de Vichy, ont éclairé deux faces opposées de cette période troublée de notre histoire. Comme on peut dire d’un verre qu’il est à moitié vide ou à moitié plein, chacun des deux historiens a choisi de regarder l’Occupation sous un angle différent : celui de la collaboration, et celui de l’entraide et de la résistance.
La « révolution paxtonienne » occasionnée à l’occasion de la sortie du livre La France de Vichy en 1973 fit trembler pour la première fois le mythe gaullien d’une France entièrement résistante, et rejeta la thèse du glaive et du bouclier qui consistait à faire de Gaulle et Pétain les deux faces d’un même Janus résistant. Le livre de Paxton révélait une France collabo, dont les élites avaient, en toute conscience, non seulement offert leur appui à l’Allemagne nazie, mais tenté d’instaurer un véritable fascisme à la française sous la forme de la « révolution nationale ». Quant au peuple français, l’auteur rappelait son antisémitisme foncier et son soutien massif à la législation raciale.
Semelin, lui, a choisi de regarder l’envers de la médaille. Certes, sur les 350.000 juifs demeurant en France, 90.000 ont été tués par les nazis, et il n’est pas question de relativiser un tel crime. Néanmoins, cela signifie que 75% d’entre eux ont réchappé – 90% pour les juifs de nationalité française : un taux exceptionnel par rapport à une moyenne européenne à 33%- à tel point qu’on a pu parler d’ « énigme française ». Jacques Semelin s’intéresse à ces 260.000 personnes qui ont pu se soustraire au sort terrible qui les attendait, et aux gens, qui, dans l’ombre on eu le courage de les aider. Quatre figures clés ressortent de ce « point aveugle » de l’historiographie de la Shoah : l’ange gardien, l’hôtesse, le faussaire et le passeur, auteurs de petits gestes d’entraide et de solidarité qui ont fait la différence, actions minimes d’anonymes souvent tombés dans l’ombre des 3500 justes officiellement reconnus par Israël.
Deux historiens de talent, deux points de vue, deux recherches approfondies : un vrai débat en perspective.
Jacques Semelin vs Robert Paxton : les juifs de France sous l’Occupation
Egypte : Mohamed Morsi, premier anniversaire
Ces douze derniers mois ont probablement été les plus longs de la vie de Mohamed Morsi, cinquième président de l’Egypte et le premier démocratiquement élu. Rétrospectivement, cette première année de mandat ressemble en effet à un tour de montagnes russes.
À la veille du premier anniversaire de son élection, Morsi est confronté à une vaste fronde, largement alimentée par une opposition qu’il a involontairement contribué à unifier. Des millions d’Egyptiens crient leur colère et leur mécontentement, non seulement à l’égard de sa politique mais aussi à l’encontre de l’homme et de tout ce qu’il représente. Mais il ne faut pas l’enterrer trop tôt. Coriace, patient et surtout chanceux, Mohamed Morsi a plusieurs fois déjoué les pronostics de ceux qui l’avaient sous-estimé.
Première surprise, sa candidature à la tête de l’Etat. Un homme devait se présenter et gagner au nom des Frères Musulmans : Mohammed Khairat al-Chater, un leader naturel qui porte bien son nom – Chater en arabe signifie « brillant », « excellent », « intelligent ». Le charismatique Khairat al-Chater et le terne Morsi n’ont rien en commun mis à part leur formation d’ingénieurs et leur engagement politique au sein de la confrérie islamiste. Mais Morsi était là, prêt et le moment venu, il a su saisir sa chance.
Si Morsi, président du Parti de la liberté et la justice – structure politique crée par les Frères après la chute de Moubarak pour pouvoir participer aux élections – est devenu le champion de son camp, c’est parce que la candidature de son aîné a été disqualifiée par le Conseil Suprême des forces Armées. Selon la loi électorale égyptienne, un ancien prisonnier ne peut se présenter aux élections présidentielles moins de six ans après sa sortie de prison. Or, Khairat al-Chater, incarcéré par Moubarak pour ses activités au sein des Frères Musulmans, n’a retrouvé la liberté qu’en mars 2011, après la chute du raïs.
Les choses n’étaient pas gagnées d’avance pour ce fils de fellah. Car Morsi est le produit de la Révolution sociale-nationaliste des officiers libres qui a mis fin à la monarchie en 1952. Aîné d’une fratrie de cinq, Mohamed a pu s’en sortir grâce à ses talents et aux opportunités qui s’ouvraient aux jeunes égyptiens dans les années 1950-1970. Comme nombre de ses petits camarades, Morsi a suivi des études de « mouhandisse » (ingénieur) un métier à l’époque prestigieux[1. Le fait que ce n’est plus le cas est d’ailleurs un des problèmes majeurs auxquels Morsi doit aujourd’hui faire face.] qui permet une ascension sociale rapide et offre des débouchés professionnels attractifs essentiellement dans le giron de l’Etat égyptien et des entreprises qui en dépendent.
Quoiqu’ayant bénéficié des bienfaits de la révolution nassérienne, le jeune Morsi reste fidèle aux traditions les plus orthodoxes et va chercher sa femme au bled. A l’âge de 28 ans, son diplôme d’ingénieur de l’université du Caire en poche, il épouse sa cousine germaine, de onze ans sa cadette, encore lycéenne au moment du mariage, tout en poursuivant sa thèse de doctorat à l’université South California à Los Angeles. Son épouse ne l’y rejoindra que deux ans après leurs noces. Selon les dires de Morsi, c’est là-bas, en Californie, au sein du centre islamique local, qu’il adhère aux Frères Musulmans, peu après la signature du traité de paix entre l’Egypte et Israël (mars 1979). Quelques années plus tard, en 1985, les Morsi referment la parenthèse californienne pour regagner l’Egypte avec leurs deux enfants nés sur le sol américain. Le docteur en science des matériaux est embauché comme professeur à l’Université de Zagzig, chef-lieu de sa province natale dans le delta du Nil. Depuis, il mène de front deux carrières parallèles : officiellement enseignant chercheur, il devient dans l’ombre un dirigeant de plus en plus important au sein des Frères. Elu au parlement en 2000 en tant qu’indépendant – la confrérie islamiste étant officiellement interdite de candidature – il grimpe les échelons puis accède finalement à la présidence du parti de la liberté et la justice, plateforme politique de la confrérie créée en 2011.
Ce brillant cursus honorum est venu pallier le manque de charisme d’un homme qui, à défaut d’un leadership incontestable réussit à frayer son chemin à force de ténacité.
Son élection à une courte majorité (51.73% à 48.27%) contre le dernier premier ministre de Moubarak Ahmad Chafiq a été accueillie avec circonspection. Même oint du suffrage universel, rien n’indiquait qu’il ferait le poids face au Conseil suprême des forces armées et son chef expérimenté, le maréchal Tantaoui. Mais Morsi a très vite repris la main. Dès le 12 août 2012, après un attentat sanglant contre l’armée égyptienne dans le Sinaï, le nouveau président abroge le décret du 17 juin attribuant les pouvoirs législatifs au Conseil suprême des forces armées, et limoge Tantaoui ainsi que le chef d’état-major des forces armées. Au faîte de son pouvoir, Morsi devient véritablement raïs ce jour-là, en faisant preuve d’un leadership ferme et d’un sens politique aigu. Mais depuis cette éclatante victoire, les ennuis s’accumulent sur son bureau. En décembre 2012, sa tentative de « voler » la constitution au nez et à la barbe des libéraux a lamentablement échoué : la situation était tellement grave qu’on a dû l’évacuer du palais présidentiel de peur qu’il ne tombe aux mains des manifestants !
Six mois plus tard, la position du président Morsi s’est tant dégradée, qu’Abdel Fattah al-Sissi, le nouveau ministre de la Défense et chef du Conseil suprême des forces armées, n’a pas hésité à le mettre publiquement en garde. Dans un communiqué publié la semaine dernière, à quelques jours du premier anniversaire de l’élection, le soldat numéro un du pays brandit clairement la menace : « les forces armées ont le devoir d’intervenir pour empêcher l’Egypte de plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles ». La perspective d’un retour du décret du 17 juin 2012 n’est plus exclue tant les généraux s’estiment en position de force. Une très mauvaise nouvelle de plus pour Morsi, déjà préoccupé par les piètres performances de l’économie nationale et le vide sécuritaire créé par la révolution en dehors des grandes villes, où bandes armées et hommes à poigne pullulent.
Seul point positif au tableau: la politique étrangère. Pour le moment, Morsi se montre un orfèvre de la realpolitik. Les slogans antisionistes et anti impérialistes qui égayaient sa jeunesse ont laissé la place à une diplomatie fondée sur une coopération étroite avec Israël (Sinaï, Gaza) et une alliance avec les Etats-Unis. L’ouverture vers l’Iran a tourné court et Morsi ancre de plus en plus l’Egypte dans le camp sunnite, au point qu’il n’y a plus d’ambassadeur syrien au Caire mais toujours une délégation israélienne !
Le genre de bilan qui vous fait gagner des prix Nobel mais bien souvent perdre les élections…
Les retards socialistes sont des chances
On en est là en matière de justice. On se contente de peu. On n’en est plus à espérer une politique pénale et une action pénitentiaire qui pourraient recueillir l’adhésion de tous les citoyens de bonne foi afin de sortir ces enjeux fondamentaux du débat partisan et donc stérile.
On se félicite seulement de ce qui, à la présidence de la République et au gouvernement, vient subtilement ou ostensiblement entraver le cours et les prévisions parlementaires de certains projets de Christiane Taubira, notamment celui sur la récidive qui semble enfin montrer, au-delà des congratulations solidaires de surface, un véritable et souhaitable antagonisme entre la garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur.
Yves Thréard qui, avec Alexis Brézet, a redonné de la tenue au Figaro – avec des convictions clairement de droite mais sans le sectarisme d’avant qui faisait douter de l’intelligence et de l’honnêteté – a parfaitement et avec roideur résumé l’essentiel de cette loi pénale. On rêverait que celle-ci n’arrivât pas comme Godot, qu’elle demeurât dans les limbes de cette gauche spéciale inventant une réalité pour ses fantasmes au lieu de se fonder sur elle pour les détruire.
« Pas de prison pour les peines inférieures à deux ans, pas de sanctions planchers pour les récidivistes, pas de peines de sûreté pour les délinquants les plus dangereux, pas de révision des ordonnances de 1945 sur les mineurs ».
Une philosophie de la mansuétude organisée et de la destruction systématique de ce qui peu ou prou pouvait s’opposer à la délinquance et à la criminalité. Pour leur faire comprendre, fût-ce sévèrement, qu’elles n’étaient pas bienvenues ni acceptables en France.
Sur le dernier point concernant les mineurs à Paris, il n’est pas sans intérêt de relever que selon l’Observatoire de la délinquance, un tiers des multirécidivistes ont moins de 16 ans, ce qui n’aurait pas rendu absurde l’instauration de dispositifs mêlant plus efficacement l’état de minorité et la constatation de changements sociologiques avec la gravité de plus en plus précoce de comportements transgressifs.
Pour la prison, je rappelle que le but d’une politique pénale n’est pas de la vider mais de mettre en oeuvre ce qui est nécessaire pour la sauvegarde de la sûreté publique – donc l’incarcération conjuguée à une palette d’autres sanctions adaptées aux délits et aux crimes. La prison si nécessaire, l’absence de prison si possible.
Et ces prisons, seront-elles délaissées à vie, seulement envisagées comme un univers à désemplir de toute urgence faute de savoir les restaurer humainement, matériellement, et de garantir sécurité et ordre en leur sein, pour répondre à l’attente des surveillants et améliorer la condition des détenus ?
Le plus symptomatique reste toutefois, depuis un an, la danse gouvernementale autour de la loi ayant édicté les peines plancher, probablement l’initiative la plus cohérente et heureusement rigoureuse du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au lieu de ne considérer que l’atteinte qu’elle est susceptible de porter à la liberté des juges, on ferait mieux de s’interroger sur son principe et d’admettre la pertinence de celui-ci. Appréhender les infractions isolément sur un casier judiciaire a évidemment moins de sens que d’examiner l’entêtement mis à s’insérer dans des parcours délictuels et/ou criminels et de réprimer ceux-ci à hauteur de leur répétition.
Cette motivation qui a inspiré les peines plancher est d’ailleurs tellement fondée que le dogme socialiste dans ce domaine bat de l’aile et que promise lors de la campagne, leur suppression est différée. Au point qu’une circulaire a tenté d’en atténuer les effets bénéfiques puis que le président de la République et Manuel Valls ont fait valoir que les abolir ne serait judicieux que si on trouvait une solution pour les remplacer. Ce qui éclaire la bêtise idéologique d’une démarche qui les répudie parce que Nicolas Sarkozy les a voulues mais a conscience de devoir les garder peu ou prou sous une autre forme parce qu’elles sont utiles.
Aussi, parce que Christiane Taubira – de moins en moins icône car obligée de plus en plus à être garde des Sceaux – sera un jour à même d’obtenir ce débat parlementaire qui ne lui offrira pas la même ivresse ni le même assentiment que le mariage pour tous, je bénis les retards socialistes qui sont le signe d’une raison rendant hommage de manière indirecte à ce que l’idéologie s’acharne à défaire.
Je bénis les hésitations du président de la République et du Premier ministre. L’un comme l’autre supputent le mauvais effet de cet adoucissement envisagé. En effet, pour paraphraser Arnaud Montebourg, il ne pourra qu’être « le carburant » du FN et d’une France qui a tendance à prendre au tragique la rime entre socialisme et laxisme.
Je remercie le ministre de l’Intérieur pour avoir déclaré : « Si on supprime les peines plancher sans les remplacer, on se découvre ».
Pour lutter contre les aberrations programmées par Christiane Taubira ministre socialiste, pas d’autre choix que d’approuver les obstacles mis sur son chemin par d’autres socialistes plus lucides.
On en est là.
Les retards socialistes sont des chances.*Photo : francediplomatie.
Zyva, Merkel, libre-échange et roms: indiscrétions assurées
Les casseurs du Trocadéro étaient des « zyva », pas des ultras.
Dans l’ébullition qui a suivi les violences du Trocadéro, intervenues le 12 mai après la victoire du PSG en Ligue 1 de football, plusieurs médias ont mis en avant le conflit entre un groupe de supporters – les « Ultras » – et la direction du club. Il y a trois ans, après, il est vrai, des violences ayant entraîné la mort de deux supporters, celle-ci avait dissous les deux « kops » (tribunes) – Auteuil et Boulogne –, leur interdisant de se regrouper dans le stade. Une partie des habitués, qui se sont autoproclamés « Ultras », ont alors boycotté les matchs. Et leur banderole – « Liberté pour les Ultras » – flottait effectivement place du Trocadéro le soir des violences.
De nombreux articles, notamment celui paru dans Le Monde du 16 mai sous le titre « Les Ultras résistants », ont privilégié cette hypothèse qui contrastait singulièrement avec les images diffusées en boucle sur Internet et les chaînes d’info – jusqu’à ce que la police interdise aux reporters de filmer. À l’évidence, les assaillants n’avaient pas grand-chose à voir avec des supporters du PSG, même « ultras ». Il s’agissait plutôt d’une intervention massive et apparemment organisée de « jeunes de banlieue », comme on dit.[access capability= »lire_inedits »] Certains clamaient d’ailleurs qu’ils n’en n’avaient « rien à foutre du foot ». Ils étaient venus, disaient-ils, pour « tout casser et se battre avec les flics ». L’audience au cours de laquelle les jeunes interpellés dans la soirée ont été jugés en flagrant délit a bien confirmé que l’arbre des « Ultras » avait servi à cacher la forêt des bandes de banlieue. Il ne manquerait plus que les « cailleras » cassent autant sous Hollande que sous Sarkozy ! Voire, plus grave encore, qu’ils prennent l’habitude de brûler des voitures à Paris au lieu de s’en prendre à celles de leurs voisins de cité. Personne ne leur a dit que, maintenant, c’était le changement ?
Pour Angela Merkel, le Smic est la cause du chômage en Europe.
Quand François Hollande a, sur un ton plus que modéré, évoqué les « amicales tensions » entre la France et l’Allemagne, nous avons eu droit à un concert d’indignation. La plupart de nos éditorialistes ont évoqué, souvent sur un ton très anxieux, le spectre de la « germanophobie » montante dans le pays. Les mélenchonistes, les députés frondeurs du PS et certains élus de l’UMP étaient désignés comme les idiots utiles d’un retour à la haine du « Boche ». Au point qu’on a craint une poussée d’eczéma carabinée de Bernard Guetta qui, depuis des années, prône quotidiennement la fusion entre la France et l’Allemagne, prélude à l’avenir radieux de l’Europe une et indivisible. En revanche, lorsque, vers la fin avril, Angela Merkel est montée au créneau contre les pays qui ont instauré un salaire minimum (France, Grande-Bretagne, Espagne, Portugal), pointant une supposée corrélation – très contestée par ailleurs – entre Smic et chômage, l’information a été commentée de-ci de-là, mais nul ne s’est offusqué de ses mauvaises manières. Il s’agissait pourtant d’une ingérence maladroite dans la politique intérieure desdits pays, les politiques sociales relevant, selon les tables de la loi européennes, de la souveraineté nationale.
Le traité de libre-échange euro-américain prépare le meilleur des mondes sans frontières.
On pensait que le débat sur l’exception culturelle ou sur le bœuf aux hormones était derrière nous. Fatale erreur ! Pour Obama, tout doit être mis sur la table pour ce méga-traité, qui porte sur 30% des échanges commerciaux mondiaux, et dont les objectifs plus ou moins avoués sont de lutter contre le développement du protectionnisme et d’initier une contre-offensive des pays développés face à la montée en puissance des pays émergents. François Hollande n’en a pas dit un mot lors de sa conférence de presse. Les médias ont peu évoqué le dossier. Bref, on dirait que ce genre d’accord – qui contribue à changer notre monde au moins autant que le mariage gay – ne peut se concocter qu’à l’abri du regard des peuples dits souverains.
On aurait préféré que la coopération entre les deux continents, qui ont objectivement des intérêts communs, se développe aussi sur le front du protectionnisme industriel. Ainsi l’Amérique a-t-elle, voici deux ans – fait, là encore, peu commenté − mis en place une taxe de 250% sur les importations de panneaux solaires chinois tandis que l’UE « envisageait » une taxe de 47% – finalement écartée par Angela Merkel. Entre-temps des dizaines de PME spécialisées dans le solaire ont mis la clef sous la porte en France et en Allemagne.
L’Allemagne et l’Angleterre ne veulent plus accueillir de Roms.
Rappelez-vous l’hystérie sémantique qui s’était emparée d’une partie de la gauche française après le fameux « discours de Grenoble » de Nicolas Sarkozy. Pour commenter des expulsions du territoire accompagnées de primes – et permettant aux personnes concernées de revenir en France six mois plus tard –, on parlait de « chasse aux Roms » et de « déportations ». La commissaire européenne Viviane Reding évoqua explicitement le nazisme, pour le plus grand bonheur d’une partie de nos médias. En revanche, aucun n’a évoqué la récente et très officielle requête du ministre allemand de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich (CSU), soutenu par ses collègues autrichien, anglais et hollandais : ceux-ci souhaitent obtenir une dérogation pour ne pas accueillir les Roms qui, notamment en Allemagne, bénéficient de prestations sociales avantageuses – et donc coûteuses − accordées par les municipalités et les Länder. Quoique rédigée avec une grande pudeur – on y parle de « certaines populations » issues de Bulgarie et de Roumanie et non de Roms, cette demande constitue un véritable « forfait » contre la libre circulation des citoyens de l’Union : il ne s’agit plus de reconduire aux frontières mais de refuser d’accueillir des candidats à l’immigration de l’Union européenne. Bien entendu, la réponse de Viviane Reding a été sèche comme une bûche de Bavière : « Tous les États de l’UE, y compris le ministre allemand de l’Intérieur, sont invités à participer aux efforts et aides mis en place en direction des Roms. La dépense relève de la compétence des États. »
L’affaire méritait bien une brève dans Libé ou dans Le Monde, non ? Non ? Bon. Donc on reparlera des Roms quand Sarko sera revenu à l’Élysée.[/access]
*Photo: capture d’écran Le Figaro TV
Affaire Al-Dura : Karsenty condamné
Les juges de la 11ème chambre de la Cour d’appel de Paris ont condamné Philippe Karsenty à 7000 € de dommages-intérêts pour avoir diffamé France 2 et son correspondant à Jérusalem Charles Enderlin. Karsenty avait affirmé en novembre 2004 que le reportage diffusé au journal télévisé du 30 septembre 2000, montrant la mort d’un enfant palestinien, et les sévères blessures de son père, victime de tirs ciblés de soldats israéliens, était une manipulation. Il s’agit de la fameuse affaire Al-Dura, qui a connu de multiples rebondissements judiciaires et médiatiques au cours de ces douze dernières années.
Disons-le d’emblée : en termes de droit, la Cour avait à sa disposition tous les éléments permettant de valider le jugement de première instance condamnant Philippe Karsenty pour diffamation. À l’époque où ce dernier mettait en cause France 2, il ne pouvait arguer d’une enquête approfondie, ni de la modération de son propos mettant en cause ce reportage et ses auteurs. C’est donc le Karsenty imprécateur de 2004 qui a été condamné, et non le Karsenty de 2013, qui est parvenu, à force d’opiniâtreté, à faire surgir une vérité maintenant reconnue aussi bien par les autorités israéliennes, que par tous ceux qui, en France et à l’étranger se sont penchés sérieusement sur cette affaire. La justice française a également apporté sa pierre à cette entreprise de vérité, lorsque la Cour d’appel, présidée par la juge Trébucq[1. L’arrêt de la Cour de 2008, relaxant Philippe Karsenty, avait été cassé au motif que la jurisprudence en matière de diffamation interdisait aux juges d’apporter des éléments en faveur de la partie attaquée… ], avait exigé de France 2 la mise à la disposition de la cour des « rushes », les images non diffusées des événements de Gaza, tournées par le cameraman palestinien de la chaîne française. C’est à partir de ces images que sont apparus dans toute leur évidence les mensonges et invraisemblances de la version défendue jusqu’à aujourd’hui par Charles Enderlin. Ces documents sont accessibles sur la toile, et démontrent de manière éclatante que ce reportage relève du « bidonnage » pur et simple. Un florilège des déclarations successives de Charles Enderlin et de son caméraman Talal Abou Rahma, également disponibles sur internet, est très éclairant sur leur rapport pour le moins perturbé avec la vérité lorsqu’ils tentent de faire avaler au public leur version du meurtre délibéré de civils palestiniens par les soldats de Tsahal.
Aujourd’hui donc, et après le jugement de la Cour d’appel de Paris, je persiste à affirmer :
Que tous les éléments à notre disposition – images, témoignages, expertises balistiques et médicales – concourent à conforter la thèse d’une mise en scène orchestrée par le cameraman Talal Abou Rahma. Qu’en conséquence France 2 et Charles Enderlin se sont rendus coupables d’une faute professionnelle aux conséquences gravissimes.
Que Charles Enderlin, qui n’était pas présent sur place a, sans procéder à un minimum de vérification des affirmations de son caméraman, été le complice conscient ou inconscient de cette supercherie. De plus, il a menti en affirmant qu’il avait coupé au montage les scènes de l’agonie de l’enfant, au prétexte qu’elles auraient « été trop insupportables ». Qu’il a encore menti à la télévision israélienne en déclarant qu’il « n’avait jamais dit que l’enfant était mort sous les balles de Tsahal ». Je tiens à la disposition de la justice d’autres preuves des mensonges d’Enderlin et de Talal Abou Rahma dont je fais grâce aux lecteurs de cet article.
Que le refus, après un semblant d’acceptation, de Jamal Al-Dura, le père prétendument grièvement blessé dans cet incident, de se soumettre à une expertise médico-légale indépendante, laisse penser que les cicatrices présentes sur son corps ne relèvent pas de blessures par balles israéliennes. Elles sont, selon toute vraisemblance, la conséquence de blessures à l’arme blanche reçues au cours d’une rixe à Gaza en 1992, qui ont été soignées par un chirurgien israélien, Yehuda David.
Que France 2 et Enderlin ne sauraient tirer argument de l’arrêt Karsenty pour clamer haut et fort que la thèse défendue par le second est maintenant vérité historique. Cette dernière finira bien par s’imposer.
Enfin, on peut constater que l’adage romain, transmis par Cicéron dans son Traité des devoirs , summa jus, summa injuria (Trop de droit tue le droit) a encore de beaux jours devant lui…
*Photo : xcode.
Veilleurs debout !
Il y a quelques jours, alors que la jeunesse stambouliote battait le pavé et enchaînait les manifestations au prix d’inévitables violences, un jeune chorégraphe turc de 34 ans, Erdem Gunduz, inventait une nouvelle forme de protestation consistant à rester debout, silencieux et immobile, en réponse à l’interdiction de manifester Place Taksim. Très vite, de nombreuses personnes rejoignaient l’artiste et les caméras du monde entier se pressaient pour immortaliser ce statisme inoffensif qui se révélait bien plus percutant que les tirs de projectiles et l’énergique scansion des slogans. Mardi dernier, le ministre de l’Intérieur turc, Muammer Gule, se résignait ainsi : « Si cette protestation ne nuit pas à l’ordre public ou n’influence pas la vie en général, nous ne pourrons pas intervenir dans de telles manifestations. » Le nouveau symbole de la contestation de la jeunesse turque s’expliquait quant à lui sur la BBC : « Je ne suis rien… L’idée importante est : pourquoi les gens résistent au gouvernement ? Le gouvernement ne veut pas comprendre pourquoi les gens sont dans la rue. » De Rome à Paris et de Berlin à Bruxelles, médias et politiques se retrouvaient unanimement pour saluer l’homme qui, à lui seul, résumait l’antienne de Bernanos lorsqu’il affirmait ne pas être dressé, mais simplement debout.
Autre temps, autre mœurs. Hier, au cœur de la capitale, place Vendôme, quelques jeunes opposants à la loi Taubira fixent la Chancellerie. Sans bruit, sans mouvement, parfois avec un livre ou un polycopié de droit, ils laissent passer les heures et les passants ébahis. Seul moment de distraction, ces quelques enfants qui se présentent spontanément à eux, une bouteille d’eau ou un goûter à la main. Après quelques bouchées et gorgées, ils esquissent un sourire et reprennent la pose, comme ces statues vivantes qui hantent les abords du musée du Louvre et recherchent la générosité des touristes. Ces veilleurs debout –comme on les appelle déjà – ne demandent rien. Mais ils espèrent toujours. Il y a quelques jours, un des leurs est parti vers Fleury-Mérogis sans aucune raison valable à leurs yeux, sinon celle d’afficher ouvertement son opposition au mariage homosexuel au moyen d’un polo floqué et d’avoir refusé un prélèvement ADN. Ils ont l’impression que les moyens démocratiques leur sont de plus en plus fermés. Plus de quatre manifestations leur ont déjà été refusées, certaines sont cantonnées à des lieux invisibles au public (la dernière en date a eu lieu dimanche dernier, Place Dauphine, endroit en vase clos, s’il en est), le nombre de participants est toujours minimisé et les violences souvent provoquées, sans cesse exagérées et dénoncées à outrance, jugent-ils. Alors ils sont allés chercher ces recettes qui marchent, celles que l’on vante en France et en Europe, celles qui interpellent un régime et qui appellent au pacifisme. Face à l’hôtel de Bourvallais, les voilà les Erdem Gunduz français.
L’idée était sans doute trop bonne, l’initiative prometteuse. Car au bout de quelques heures, alors que de nombreux effectifs venaient remplir les rangs, la police décidait d’intervenir et d’encercler les veilleurs debout, avant de les disperser au prix de deux arrestations. Ce que la police turque n’avait pas osé faire, la police française l’a donc fait. Ce n’était pourtant ni une manifestation (elle eût sinon été préméditée et devait être déclarée), ni un attroupement comme l’entend le Code pénal (il eût fallu qu’il trouble la tranquillité, la salubrité, la sobriété ou la dignité de la personne humaine) mais un rassemblement spontané d’individus unis en pensées par leur opposition au mariage homosexuel. Il est clair que ce rassemblement a dû troubler, voire énerver. Comme le type qui vous regarde fixement dans le bus, comme ce passant qui se plante au milieu du trottoir et retarde votre course, comme l’oisif qui flâne et paresse au milieu de la cohue, comme le bellâtre aux lunettes carrées dont on devine si facilement l’orientation politique. Mais il n’y avait aucun motif qui puisse légitimer à un seul moment que les forces de l’ordre entourent ces jeunes puis les ramènent au métro. Sauf à considérer dans un premier temps que les ballerines et les mocassins sont les caractéristiques d’un opposant au mariage homosexuel. Puis à juger dans un deuxième temps que l’opposition à un tel mariage est constitutive d’un délit. Mais dans une démocratie, cela ne se conçoit pas. Alors si ces jeunes ont été dispersés mardi dernier, si ce n’était pas pour ce qu’ils faisaient (ils ne faisaient rien), si ce n’était pas pour ce qu’ils pensaient (on est encore loin de savoir lire dans les pensées), était-ce alors pour ce qu’ils sont ? That is the question aurait dit l’autre.
*Photo : frsalefran.
Fioraso speaks globish
Comment perdre notre influence de vieille nation ? Eh bien, c’est tout simple : il suffit de mépriser les gens qui aiment encore la langue française. En France, bien sûr, mais aussi ailleurs, en passant par profits et pertes un de nos derniers atouts géopolitiques : la francophonie.
On a bien compris depuis les récentes lubies de madame Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur, que continuer à vouloir maintenir le français à l’Université relevait de l’inconscience et du provincialisme le plus crasse à l’heure de la mondialisation. Son projet de loi sur les cours en anglais à la fac rencontre quelques résistances mais on sent bien que si ce n’est pas ce coup-ci, ce sera le prochain. Depuis le livre décisif de Dominique Noguez, La colonisation douce, au début des années 90, n’importe quel observateur un peu lucide constate que nous perdons du terrain chaque jour et qu’il va de soi que l’anglais, ou son succédané à usage mercantile, le globish deviendra la langue officielle d’une Europe réduite à une zone dont la seule loi fondamentale sera la concurrence libre et non faussée. Alors, la langue française, n’est-ce pas, on va pas s’embêter avec ça. Madame Fioraso l’a bien dit, si on continue avec le français, « Nous nous retrouverons à cinq à discuter de Proust autour d’une table. »
On croyait avoir atteint sous Sarkozy le sommet du mépris pour la culture, la littérature, le « bruissement de la langue » (aurait dit Barthes), et pas seulement avec la fameuse Princesse de Clèves bolossée à plusieurs reprises par l’ex-président mais aussi avec Christine Lagarde qui, lorsqu’elle débuta à Bercy écrivait en anglais les notes pour ses collaborateurs et avait eu cette phrase mémorable : « Assez pensé, retroussons nos manches ! ».
Nous nous trompions. L’idée que se fait madame Fioraso de l’enfer sur terre et de notre décadence, c’est d’être à cinq autour d’une table pour discuter de Proust. Quand nous avons voté au second tour pour François Hollande, nous savions bien que ce n’était pas pour son programme économique qui était le même que celui de l’UMP. Mais au moins, nous disions-nous, avec les socialistes, nous serions à l’abri de ce mépris-là. Encore raté, donc. En même temps, à force d’élire des présidents qui n’aiment pas la littérature (François Hollande ayant confié qu’il ne lisait pas de romans) il est un peu normal d’avoir l’impression d’être gouverné par des épiciers qui confondent la France avec un petit commerce de centre-ville assiégé par ces grandes surfaces que sont les puissances émergentes.
Enfin, toujours est-il que parmi les cinq archaïques qui liront Proust autour d’une table dans une université française, il n’y aura pas Bousso Dramé. Pourtant elle aurait pu. Bousso Dramé est une jeune femme sénégalaise qui aime le français. Elle l’aime tellement qu’elle a participé au concours national d’orthographe 2013, organisé par l’Institut Français de Dakar dans le cadre des prix de la francophonie. Elle l’a gagné et pouvait ainsi bénéficier d’un séjour en France pour se former à la réalisation de film documentaire au centre Albert Schweitzer.
Seulement voilà, elle ne viendra pas. Elle s’en explique dans une lettre plutôt digne et émouvante au Consul de France.
On doit sans doute trouver, au consulat, que les jeunes femmes noires et francophones ne sont pas assez entrées dans l’histoire. Ou on est surpris de ne pas avoir affaire à de potentiels clandestins. En effet, Bousso Dramé a eu le droit à ce qu’elle appelle des « remarques infantilisantes » quand elle a demandé son visa. Elle est aimable, Bousso Dramé. C’est en fait du vrai Tintin au Congo. Parmi beaucoup de gracieusetés, on a par exemple recommandé à la jeune femme de se méfier des jolis magasins : « Faites attention, vous allez être tentés par le shopping, il y a beaucoup de choses à acheter à Paris. Et surtout, gardez-vous de tout dépenser et de laisser une note impayée à l’auberge de jeunesse sinon vous empêcheriez les futurs candidats de bénéficier de cette opportunité ! »
Bousso Dramé a ou aura probablement des enfants. Ils apprendront l’anglais. Comme ça, ils auront l’air plus sérieux, pas du genre à ne pas payer dans les auberges de jeunesse et ils pourront ainsi faire des études supérieures en France. Si ça se trouve, ils liront même Proust autour d’une table. Il doit sûrement y avoir d’excellentes traductions. En anglais, bien sûr, pour faire plaisir à madame Fioraso.
Indomptable angélisme
L’insécurité n’est plus un fantasme et la société n’est pas la seule coupable des délits et des crimes commis sur notre territoire.
Nous revenons de si loin en matière de philosophie pénale, nous avons tellement subi les ravages d’une idéologie qui préfère repeindre la réalité aux couleurs de sa naïveté qu’avoir à combattre les malfaisances que nous sommes aujourd’hui amenés à nous contenter de peu : la découverte, par une partie de la gauche sulpicienne et de ses bras médiatique et judiciaire, d’une France quotidiennement soumise à des transgressions de toutes sortes et le fait que la responsabilité individuelle de leurs auteurs ne soit pas entièrement diluée dans un immense salmigondis qui ferait d’eux des victimes au second degré.
Dans la lutte entre la politique de l’excuse et celle de la réalité, la première a bien été contrainte d’admettre certaines données terriblement concrètes. Aussi s’ingénie-t-elle, comme pour se consoler, à jeter la suspicion sur la seconde, accusée d’être non seulement immorale, mais aussi bien moins efficace qu’elle le prétend.
Les humanistes patentés ont une conception hémiplégique de l’État de droit qui place celui-ci au seul service de ceux qui ont eu la faiblesse de s’en prendre à nos existences, à notre intégrité et à nos biens. Du coup, ils ne voient pas le paradoxe dans lequel ils sont pris : ils répètent, avec une sorte de tristesse voluptueuse, qu’il est impossible d’éradiquer totalement la délinquance et la criminalité ; mais en même temps, redécouvrant les statistiques quand elles consacrent, selon eux, un échec, ils reprochent aux pragmatiques leurs résultats médiocres. Bref, à les entendre, la bataille est à la fois vaine et perdue.
Dans ce climat, le hiatus, voire le gouffre, entre d’un côté la vision des citoyens, l’inquiétude de l’opinion publique et, de l’autre, une représentation intellectuelle et médiatique qui tend non seulement à les atténuer, mais à les délégitimer, ne peut que s’approfondir. La parole est au peuple, dit-on, mais il faut surtout qu’il ne l’ait pas : cela pourrait le conduire à se mêler de ce qui le regarde.Ce précipice entre une quotidienneté anxieuse et un espace médiatique à la fois ignorant et pétri de bons sentiments – à quelques exceptions près –, explique que les analyses rassurantes, conformes au « judiciairement et socialement » correct, bénéficient d’un traitement favorable, voire exclusif, la plupart des médias ne se sentant nullement tenus, sur les questions de sécurité et de justice, de refléter le pluralisme des points de vue en présence. C’est d’autant plus regrettable que des ouvrages parus ces derniers mois consacrent l’émergence d’une pensée qualifiée d’emblée de « réactionnaire », mais qui ne le cède en rien, pour la densité, le talent et la vigueur, aux réflexions validées par Le Monde, sanctifiées par Libération et couronnées par Télérama et Le Nouvel Observateur.
Faute de cet imprimatur journalistique qui vaut brevet de bienséance éthique, ces essais qui bousculent les fausses évidences, le conformisme paresseux et les positions acquises sont condamnés par avance. Soit on les ignore, soit on les dénonce. De ce point de vue, l’accueil réservé à La France Orange mécanique[1. Laurent Obertone, La France orange mécanique, Ring, 2013.]a constitué un cas d’école. [access capability= »lire_inedits »] Certes, on en a parlé, et son auteur a été invité à de nombreuses émissions, mais je ne me rappelle pas une seule séquence qui n’ait pas tourné au réquisitoire mené par des journalistes ou des invités qui, à l’évidence, n’avaient rien compris à l’ouvrage ou n’en avaient extrait que des bribes guère éclairantes. Il y avait pourtant matière à débat dans ce pamphlet terriblement réaliste. Intéressant à maints égards, dans sa critiques des pratiques policière, judiciaire et médiatique, le livre d’Obertone souffre de faiblesses réelles : trop riche, trop profus, abusant des comparaisons animalières, il fait se télescoper, dans une globalité saisissante, le dérisoire et le gravissime. Il n’en contient pas moins quelques vérités déplaisantes – et incontestables. Du reste, personne n’a pris la peine de les contester. Comme souvent en pareil cas, on a dénoncé le messager pour pouvoir ignorer le message. Cet Obertone n’était-il pas un « fasciste », un suppôt du Front national ? Ce soupçon distillé en boucle a suffi à dissuader presque toute velléité de critique intelligente.
Admettons que le ton volontairement polémique ait rebuté des journalistes qui n’aiment pas autant qu’ils se plaisent à le dire ce qui sort des sentiers battus. Mais comment expliquer la chape de plomb – ou, dans le meilleur des cas, de condescendance – qui recouvre le remarquable essai de Xavier Bébin : Quand la justice crée l’insécurité[2. Xavier Bébin, Quand la Justice crée l’insécurité, Fayard, 2013.]? Étayée par de nombreuses statistiques, illustrée par des exemples puisés dans l’actualité, fondée sur de solides arguments, l’analyse de Bébin démolit tranquillement, sans vergogne mais sur un ton mesuré, les poncifs de la phraséologie pénale, judiciaire, pénitentiaire, sociale et médiatique. Cette démolition est d’autant plus redoutable, donc à exclure des circuits d’information et de diffusion, qu’elle est enrichie par des propositions que les politiques pourraient aisément et rapidement mettre en œuvre.
En somme, ce livre est dangereux : d’abord parce qu’il dénonce et contredit avec une « impitoyable modération », mais plus encore parce qu’il sort du registre incantatoire pour signifier aux pouvoirs, qu’ils soient de droite ou de gauche les priorités, les urgences et les remèdes.
Bien entendu, la mécanique habituelle de la disqualification s’est mise en marche. Xavier Bébin serait « de droite » et l’Institut pour la Justice (qu’il préside et dont les travaux constituent la matière de son livre), une association « très droitière ». Il faut faire litière de ces accusations. On peut discuter la focalisation exclusive de ce think tank sur le sort des victimes de crimes ou de délits – qui ne saurait être l’unique préoccupation d’une politique pénale globale. Mais il est malhonnête de le présenter comme une émanation de la droite dure – et irresponsable d’ignorer son implacable diagnostic. C’est pourtant ce que s’emploient à faire les gardiens de l’orthodoxie, simultanément irénique et stalinienne, qui entendent ne dialoguer qu’avec eux-mêmes puisqu’eux seuls ont, au sens propre, droit de cité. D’où cette aberration : l’IPJ n’a pas été convié à la conférence de consensus (!) sur la prévention de la récidive, destinée à favoriser la réflexion collective sur le sujet. Ses représentants auraient pourtant pu y faire entendre une enrichissante dissonance.
Il faut dire que, pour la gauche angélique, le choc est rude. Face à la vérité des faits et des données, ses certitudes devraient voler en éclats. Mais non, elle continue, imperturbable, à fantasmer sur les « fantasmes sécuritaires ». Et comme elle n’en est pas à une contradiction près, elle ânonne que la France est à la fois l’un des pays les plus répressifs et les plus tranquilles du monde – nous l’a-t-on assez seriné que, sur le long terme, jamais la criminalité n’avait été aussi faible et les sociétés aussi sûres. Voilà qui devrait aider les victimes à supporter leurs souffrances.
En vérité, cet idéalisme qui se ment pour survivre est une supercherie qui a des effets dévastateurs – pas pour ceux qui le professent, mais pour les citoyens qu’ils accablent de leur mépris. On aimerait savoir ce que les belles âmes qui dénoncent comme des perroquets les « politiques sécuritaires » pensent de ces quelques données extraites du livre de Xavier Bébin qui contredisent frontalement leurs slogans éculés.
Le nombre de places de prison par habitant est, en France, inférieur de près de moitié à la moyenne de l’Union européenne. Voilà pour le « tout-carcéral » !
Faute de plainte ou d’élucidation par la police, 80% des crimes et délits ne sont jamais examinés par la justice. Voilà pour le « tout-répressif » !
Par le jeu des remises de peine et de la libération conditionnelle, un détenu peut sortir après avoir effectué un peu plus d’un tiers de sa peine. Voilà pour la sévérité inouïe du régime pénitentiaire !
Les mineurs de 14 à 18 ans représentent 1% de la population carcérale et 5% de la population générale, mais ils sont responsables de 25% des viols, 24% des cambriolages et 46% des vols avec violence. Pour en finir avec la sous-estimation compassionnelle des transgressions commises par des « enfants » !
Les peines-planchers de prison ferme pour les récidivistes sont prononcées dans seulement 18% des cas – 2% à Bobigny. Cet insuccès serait, paraît-il, la preuve de leur inefficacité. En réalité, le gauchisme judiciaire a décrété qu’elles étaient inefficaces pour ne pas les employer contre la délinquance de persévérance et la criminalité de répétition !
On pourrait poursuivre la litanie, mais cela risquerait de nourrir le soupçon à l’encontre des partisans d’une politique pénale à la fois réaliste, ferme et cohérente, inspirée par le souci de sauvegarde de la cohésion sociale et l’exigence d’un État de droit qui ne protège pas seulement les suspects et les coupables. Ils seraient des obsédés de la répression et, au fond, des malades n’entretenant un rapport joyeux qu’avec la sévérité et la punition. Rien n’est plus absurde, mais le discours ressassé de la mansuétude et l’explication rabâchée par la dureté de la société ont conquis beaucoup d’esprits, en tout cas en surface, car les adeptes de la générosité sont les premiers à protester quand, dans le concret des jours et des drames, la fermeté fait défaut.
Le constat, chiffré et documenté, du désastre sécuritaire est disponible à qui veut savoir. Son examen raisonnable devrait provoquer une révolution intellectuelle, ou au moins faire émerger d’autres pratiques et d’autres discours – on a le droit d’imaginer un avenir échappant au prévisible.
Nous n’avons pas seulement besoin d’un grand ministre de l’Intérieur. L’ampleur de la tâche exige un garde des Sceaux qui ne se contente pas d’action verbale, mais sache, au contraire, laisser leur indépendance aux Parquets, notamment celui de Paris, tout en impulsant une politique pénale et une réforme pénitentiaire. Ce qui suppose de promouvoir les meilleurs, de préférer les intelligents aux complaisants, et d’instaurer un climat de confiance.
Outre le biais idéologique évoqué plus haut, la médiocre mise en œuvre des peines-planchers révèle un climat préoccupant né au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy. La manière choquante dont il a traité la magistrature, ses foucades et son improvisation dans une matière qui requiert maîtrise, réflexion et écoute, ont, par une sorte de perversion judiciaire et démocratique, suscité une opposition qui, pour certains, s’est traduite par le refus, habillé juridiquement puisque la loi le permettait, de recourir à un dispositif pourtant efficace au regard de la cessation de quelques carrières délictuelles et criminelles. On ne voulait pas des peines-planchers car, inspirées par Sarkozy, elles étaient frappées de malfaisance politique.
Il faut, enfin, examiner la cause principale de nombre de dysfonctionnements : le clivage entre l’enquête policière et le processus judiciaire, le décalage entre le regard des magistrats, qui agissent au nom d’un État de droit désincarné, et celui des enquêteurs soumis à l’urgence, accablés de bureaucratie et livrés à une quotidienneté dure, violente, difficile, parfois dramatique. D’un côté, les mots et les principes des juges, de l’autre l’empirisme, qui tente d’être aussi conforme aux règles que possible, de la police. Rien, cependant, ne ferait plus progresser la lutte contre la délinquance qu’une collaboration loyale et égalitaire des magistrats et des fonctionnaires de police. Le pire serait de considérer que les premiers ont forcément l’esprit propre quand les autres doivent se contenter d’avoir les mains sales.
Enfin, comment accepter que la majesté et les décrets judiciaires soient, par principe, amendés, infléchis, amoindris, parfois ridiculisés par les pouvoirs des juges de l’application des peines et la « cuisine » pénitentiaire ? Je ne comprends pas cet humanisme qui imposerait de faire des jugements des tribunaux correctionnels et des arrêts des cours d’assises une matière évidemment révisable. Le premier devoir d’une démocratie au nom de laquelle on juge n’est-il pas de faire respecter ses décisions, quitte à admettre que leur intangibilité soit contestée dans des circonstances particulières ? Aujourd’hui, demander une exécution totale de la peine apparaît comme une provocation, alors que cela devrait être la règle – assortie d’exceptions définies avec clairvoyance.
Alors on se surprend parfois à rêver, non pas de politique pénale, mais d’une vision qui concilierait un authentique humanisme, capable d’épouser toutes les souffrances tout en ayant l’élégance de les hiérarchiser, avec le sens de l’utilité sociale et les exigences d’une rigueur respectée parce que respectable. Je persiste à espérer qu’un jour, la droite ou la gauche incarnera cette belle synthèse républicaine. On en est loin.[/access]
*Photo: Orange Mécanique, Stanley Kubrick.
Jacques Semelin vs Robert Paxton : les juifs de France sous l’Occupation
La librairie Les Cahiers Lamartine organise ce soir un débat – qui sera retransmis sur France culture lundi dans La Fabrique de l’histoire– entre Robert Paxton et Jaques Semelin, à l’occasion de la sortie du livre de ce dernier Persécutions et entraides dans la France occupée, Comment 75% des juifs ont échappé à la mort.
Paxton et Semelin, historiens de référence sur le régime de Vichy, ont éclairé deux faces opposées de cette période troublée de notre histoire. Comme on peut dire d’un verre qu’il est à moitié vide ou à moitié plein, chacun des deux historiens a choisi de regarder l’Occupation sous un angle différent : celui de la collaboration, et celui de l’entraide et de la résistance.
La « révolution paxtonienne » occasionnée à l’occasion de la sortie du livre La France de Vichy en 1973 fit trembler pour la première fois le mythe gaullien d’une France entièrement résistante, et rejeta la thèse du glaive et du bouclier qui consistait à faire de Gaulle et Pétain les deux faces d’un même Janus résistant. Le livre de Paxton révélait une France collabo, dont les élites avaient, en toute conscience, non seulement offert leur appui à l’Allemagne nazie, mais tenté d’instaurer un véritable fascisme à la française sous la forme de la « révolution nationale ». Quant au peuple français, l’auteur rappelait son antisémitisme foncier et son soutien massif à la législation raciale.
Semelin, lui, a choisi de regarder l’envers de la médaille. Certes, sur les 350.000 juifs demeurant en France, 90.000 ont été tués par les nazis, et il n’est pas question de relativiser un tel crime. Néanmoins, cela signifie que 75% d’entre eux ont réchappé – 90% pour les juifs de nationalité française : un taux exceptionnel par rapport à une moyenne européenne à 33%- à tel point qu’on a pu parler d’ « énigme française ». Jacques Semelin s’intéresse à ces 260.000 personnes qui ont pu se soustraire au sort terrible qui les attendait, et aux gens, qui, dans l’ombre on eu le courage de les aider. Quatre figures clés ressortent de ce « point aveugle » de l’historiographie de la Shoah : l’ange gardien, l’hôtesse, le faussaire et le passeur, auteurs de petits gestes d’entraide et de solidarité qui ont fait la différence, actions minimes d’anonymes souvent tombés dans l’ombre des 3500 justes officiellement reconnus par Israël.
Deux historiens de talent, deux points de vue, deux recherches approfondies : un vrai débat en perspective.
Egypte : Mohamed Morsi, premier anniversaire
Ces douze derniers mois ont probablement été les plus longs de la vie de Mohamed Morsi, cinquième président de l’Egypte et le premier démocratiquement élu. Rétrospectivement, cette première année de mandat ressemble en effet à un tour de montagnes russes.
À la veille du premier anniversaire de son élection, Morsi est confronté à une vaste fronde, largement alimentée par une opposition qu’il a involontairement contribué à unifier. Des millions d’Egyptiens crient leur colère et leur mécontentement, non seulement à l’égard de sa politique mais aussi à l’encontre de l’homme et de tout ce qu’il représente. Mais il ne faut pas l’enterrer trop tôt. Coriace, patient et surtout chanceux, Mohamed Morsi a plusieurs fois déjoué les pronostics de ceux qui l’avaient sous-estimé.
Première surprise, sa candidature à la tête de l’Etat. Un homme devait se présenter et gagner au nom des Frères Musulmans : Mohammed Khairat al-Chater, un leader naturel qui porte bien son nom – Chater en arabe signifie « brillant », « excellent », « intelligent ». Le charismatique Khairat al-Chater et le terne Morsi n’ont rien en commun mis à part leur formation d’ingénieurs et leur engagement politique au sein de la confrérie islamiste. Mais Morsi était là, prêt et le moment venu, il a su saisir sa chance.
Si Morsi, président du Parti de la liberté et la justice – structure politique crée par les Frères après la chute de Moubarak pour pouvoir participer aux élections – est devenu le champion de son camp, c’est parce que la candidature de son aîné a été disqualifiée par le Conseil Suprême des forces Armées. Selon la loi électorale égyptienne, un ancien prisonnier ne peut se présenter aux élections présidentielles moins de six ans après sa sortie de prison. Or, Khairat al-Chater, incarcéré par Moubarak pour ses activités au sein des Frères Musulmans, n’a retrouvé la liberté qu’en mars 2011, après la chute du raïs.
Les choses n’étaient pas gagnées d’avance pour ce fils de fellah. Car Morsi est le produit de la Révolution sociale-nationaliste des officiers libres qui a mis fin à la monarchie en 1952. Aîné d’une fratrie de cinq, Mohamed a pu s’en sortir grâce à ses talents et aux opportunités qui s’ouvraient aux jeunes égyptiens dans les années 1950-1970. Comme nombre de ses petits camarades, Morsi a suivi des études de « mouhandisse » (ingénieur) un métier à l’époque prestigieux[1. Le fait que ce n’est plus le cas est d’ailleurs un des problèmes majeurs auxquels Morsi doit aujourd’hui faire face.] qui permet une ascension sociale rapide et offre des débouchés professionnels attractifs essentiellement dans le giron de l’Etat égyptien et des entreprises qui en dépendent.
Quoiqu’ayant bénéficié des bienfaits de la révolution nassérienne, le jeune Morsi reste fidèle aux traditions les plus orthodoxes et va chercher sa femme au bled. A l’âge de 28 ans, son diplôme d’ingénieur de l’université du Caire en poche, il épouse sa cousine germaine, de onze ans sa cadette, encore lycéenne au moment du mariage, tout en poursuivant sa thèse de doctorat à l’université South California à Los Angeles. Son épouse ne l’y rejoindra que deux ans après leurs noces. Selon les dires de Morsi, c’est là-bas, en Californie, au sein du centre islamique local, qu’il adhère aux Frères Musulmans, peu après la signature du traité de paix entre l’Egypte et Israël (mars 1979). Quelques années plus tard, en 1985, les Morsi referment la parenthèse californienne pour regagner l’Egypte avec leurs deux enfants nés sur le sol américain. Le docteur en science des matériaux est embauché comme professeur à l’Université de Zagzig, chef-lieu de sa province natale dans le delta du Nil. Depuis, il mène de front deux carrières parallèles : officiellement enseignant chercheur, il devient dans l’ombre un dirigeant de plus en plus important au sein des Frères. Elu au parlement en 2000 en tant qu’indépendant – la confrérie islamiste étant officiellement interdite de candidature – il grimpe les échelons puis accède finalement à la présidence du parti de la liberté et la justice, plateforme politique de la confrérie créée en 2011.
Ce brillant cursus honorum est venu pallier le manque de charisme d’un homme qui, à défaut d’un leadership incontestable réussit à frayer son chemin à force de ténacité.
Son élection à une courte majorité (51.73% à 48.27%) contre le dernier premier ministre de Moubarak Ahmad Chafiq a été accueillie avec circonspection. Même oint du suffrage universel, rien n’indiquait qu’il ferait le poids face au Conseil suprême des forces armées et son chef expérimenté, le maréchal Tantaoui. Mais Morsi a très vite repris la main. Dès le 12 août 2012, après un attentat sanglant contre l’armée égyptienne dans le Sinaï, le nouveau président abroge le décret du 17 juin attribuant les pouvoirs législatifs au Conseil suprême des forces armées, et limoge Tantaoui ainsi que le chef d’état-major des forces armées. Au faîte de son pouvoir, Morsi devient véritablement raïs ce jour-là, en faisant preuve d’un leadership ferme et d’un sens politique aigu. Mais depuis cette éclatante victoire, les ennuis s’accumulent sur son bureau. En décembre 2012, sa tentative de « voler » la constitution au nez et à la barbe des libéraux a lamentablement échoué : la situation était tellement grave qu’on a dû l’évacuer du palais présidentiel de peur qu’il ne tombe aux mains des manifestants !
Six mois plus tard, la position du président Morsi s’est tant dégradée, qu’Abdel Fattah al-Sissi, le nouveau ministre de la Défense et chef du Conseil suprême des forces armées, n’a pas hésité à le mettre publiquement en garde. Dans un communiqué publié la semaine dernière, à quelques jours du premier anniversaire de l’élection, le soldat numéro un du pays brandit clairement la menace : « les forces armées ont le devoir d’intervenir pour empêcher l’Egypte de plonger dans un tunnel sombre de conflit et de troubles ». La perspective d’un retour du décret du 17 juin 2012 n’est plus exclue tant les généraux s’estiment en position de force. Une très mauvaise nouvelle de plus pour Morsi, déjà préoccupé par les piètres performances de l’économie nationale et le vide sécuritaire créé par la révolution en dehors des grandes villes, où bandes armées et hommes à poigne pullulent.
Seul point positif au tableau: la politique étrangère. Pour le moment, Morsi se montre un orfèvre de la realpolitik. Les slogans antisionistes et anti impérialistes qui égayaient sa jeunesse ont laissé la place à une diplomatie fondée sur une coopération étroite avec Israël (Sinaï, Gaza) et une alliance avec les Etats-Unis. L’ouverture vers l’Iran a tourné court et Morsi ancre de plus en plus l’Egypte dans le camp sunnite, au point qu’il n’y a plus d’ambassadeur syrien au Caire mais toujours une délégation israélienne !
Le genre de bilan qui vous fait gagner des prix Nobel mais bien souvent perdre les élections…
Les retards socialistes sont des chances
On en est là en matière de justice. On se contente de peu. On n’en est plus à espérer une politique pénale et une action pénitentiaire qui pourraient recueillir l’adhésion de tous les citoyens de bonne foi afin de sortir ces enjeux fondamentaux du débat partisan et donc stérile.
On se félicite seulement de ce qui, à la présidence de la République et au gouvernement, vient subtilement ou ostensiblement entraver le cours et les prévisions parlementaires de certains projets de Christiane Taubira, notamment celui sur la récidive qui semble enfin montrer, au-delà des congratulations solidaires de surface, un véritable et souhaitable antagonisme entre la garde des Sceaux et le ministre de l’Intérieur.
Yves Thréard qui, avec Alexis Brézet, a redonné de la tenue au Figaro – avec des convictions clairement de droite mais sans le sectarisme d’avant qui faisait douter de l’intelligence et de l’honnêteté – a parfaitement et avec roideur résumé l’essentiel de cette loi pénale. On rêverait que celle-ci n’arrivât pas comme Godot, qu’elle demeurât dans les limbes de cette gauche spéciale inventant une réalité pour ses fantasmes au lieu de se fonder sur elle pour les détruire.
« Pas de prison pour les peines inférieures à deux ans, pas de sanctions planchers pour les récidivistes, pas de peines de sûreté pour les délinquants les plus dangereux, pas de révision des ordonnances de 1945 sur les mineurs ».
Une philosophie de la mansuétude organisée et de la destruction systématique de ce qui peu ou prou pouvait s’opposer à la délinquance et à la criminalité. Pour leur faire comprendre, fût-ce sévèrement, qu’elles n’étaient pas bienvenues ni acceptables en France.
Sur le dernier point concernant les mineurs à Paris, il n’est pas sans intérêt de relever que selon l’Observatoire de la délinquance, un tiers des multirécidivistes ont moins de 16 ans, ce qui n’aurait pas rendu absurde l’instauration de dispositifs mêlant plus efficacement l’état de minorité et la constatation de changements sociologiques avec la gravité de plus en plus précoce de comportements transgressifs.
Pour la prison, je rappelle que le but d’une politique pénale n’est pas de la vider mais de mettre en oeuvre ce qui est nécessaire pour la sauvegarde de la sûreté publique – donc l’incarcération conjuguée à une palette d’autres sanctions adaptées aux délits et aux crimes. La prison si nécessaire, l’absence de prison si possible.
Et ces prisons, seront-elles délaissées à vie, seulement envisagées comme un univers à désemplir de toute urgence faute de savoir les restaurer humainement, matériellement, et de garantir sécurité et ordre en leur sein, pour répondre à l’attente des surveillants et améliorer la condition des détenus ?
Le plus symptomatique reste toutefois, depuis un an, la danse gouvernementale autour de la loi ayant édicté les peines plancher, probablement l’initiative la plus cohérente et heureusement rigoureuse du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Au lieu de ne considérer que l’atteinte qu’elle est susceptible de porter à la liberté des juges, on ferait mieux de s’interroger sur son principe et d’admettre la pertinence de celui-ci. Appréhender les infractions isolément sur un casier judiciaire a évidemment moins de sens que d’examiner l’entêtement mis à s’insérer dans des parcours délictuels et/ou criminels et de réprimer ceux-ci à hauteur de leur répétition.
Cette motivation qui a inspiré les peines plancher est d’ailleurs tellement fondée que le dogme socialiste dans ce domaine bat de l’aile et que promise lors de la campagne, leur suppression est différée. Au point qu’une circulaire a tenté d’en atténuer les effets bénéfiques puis que le président de la République et Manuel Valls ont fait valoir que les abolir ne serait judicieux que si on trouvait une solution pour les remplacer. Ce qui éclaire la bêtise idéologique d’une démarche qui les répudie parce que Nicolas Sarkozy les a voulues mais a conscience de devoir les garder peu ou prou sous une autre forme parce qu’elles sont utiles.
Aussi, parce que Christiane Taubira – de moins en moins icône car obligée de plus en plus à être garde des Sceaux – sera un jour à même d’obtenir ce débat parlementaire qui ne lui offrira pas la même ivresse ni le même assentiment que le mariage pour tous, je bénis les retards socialistes qui sont le signe d’une raison rendant hommage de manière indirecte à ce que l’idéologie s’acharne à défaire.
Je bénis les hésitations du président de la République et du Premier ministre. L’un comme l’autre supputent le mauvais effet de cet adoucissement envisagé. En effet, pour paraphraser Arnaud Montebourg, il ne pourra qu’être « le carburant » du FN et d’une France qui a tendance à prendre au tragique la rime entre socialisme et laxisme.
Je remercie le ministre de l’Intérieur pour avoir déclaré : « Si on supprime les peines plancher sans les remplacer, on se découvre ».
Pour lutter contre les aberrations programmées par Christiane Taubira ministre socialiste, pas d’autre choix que d’approuver les obstacles mis sur son chemin par d’autres socialistes plus lucides.
On en est là.
Les retards socialistes sont des chances.*Photo : francediplomatie.
Zyva, Merkel, libre-échange et roms: indiscrétions assurées
Les casseurs du Trocadéro étaient des « zyva », pas des ultras.
Dans l’ébullition qui a suivi les violences du Trocadéro, intervenues le 12 mai après la victoire du PSG en Ligue 1 de football, plusieurs médias ont mis en avant le conflit entre un groupe de supporters – les « Ultras » – et la direction du club. Il y a trois ans, après, il est vrai, des violences ayant entraîné la mort de deux supporters, celle-ci avait dissous les deux « kops » (tribunes) – Auteuil et Boulogne –, leur interdisant de se regrouper dans le stade. Une partie des habitués, qui se sont autoproclamés « Ultras », ont alors boycotté les matchs. Et leur banderole – « Liberté pour les Ultras » – flottait effectivement place du Trocadéro le soir des violences.
De nombreux articles, notamment celui paru dans Le Monde du 16 mai sous le titre « Les Ultras résistants », ont privilégié cette hypothèse qui contrastait singulièrement avec les images diffusées en boucle sur Internet et les chaînes d’info – jusqu’à ce que la police interdise aux reporters de filmer. À l’évidence, les assaillants n’avaient pas grand-chose à voir avec des supporters du PSG, même « ultras ». Il s’agissait plutôt d’une intervention massive et apparemment organisée de « jeunes de banlieue », comme on dit.[access capability= »lire_inedits »] Certains clamaient d’ailleurs qu’ils n’en n’avaient « rien à foutre du foot ». Ils étaient venus, disaient-ils, pour « tout casser et se battre avec les flics ». L’audience au cours de laquelle les jeunes interpellés dans la soirée ont été jugés en flagrant délit a bien confirmé que l’arbre des « Ultras » avait servi à cacher la forêt des bandes de banlieue. Il ne manquerait plus que les « cailleras » cassent autant sous Hollande que sous Sarkozy ! Voire, plus grave encore, qu’ils prennent l’habitude de brûler des voitures à Paris au lieu de s’en prendre à celles de leurs voisins de cité. Personne ne leur a dit que, maintenant, c’était le changement ?
Pour Angela Merkel, le Smic est la cause du chômage en Europe.
Quand François Hollande a, sur un ton plus que modéré, évoqué les « amicales tensions » entre la France et l’Allemagne, nous avons eu droit à un concert d’indignation. La plupart de nos éditorialistes ont évoqué, souvent sur un ton très anxieux, le spectre de la « germanophobie » montante dans le pays. Les mélenchonistes, les députés frondeurs du PS et certains élus de l’UMP étaient désignés comme les idiots utiles d’un retour à la haine du « Boche ». Au point qu’on a craint une poussée d’eczéma carabinée de Bernard Guetta qui, depuis des années, prône quotidiennement la fusion entre la France et l’Allemagne, prélude à l’avenir radieux de l’Europe une et indivisible. En revanche, lorsque, vers la fin avril, Angela Merkel est montée au créneau contre les pays qui ont instauré un salaire minimum (France, Grande-Bretagne, Espagne, Portugal), pointant une supposée corrélation – très contestée par ailleurs – entre Smic et chômage, l’information a été commentée de-ci de-là, mais nul ne s’est offusqué de ses mauvaises manières. Il s’agissait pourtant d’une ingérence maladroite dans la politique intérieure desdits pays, les politiques sociales relevant, selon les tables de la loi européennes, de la souveraineté nationale.
Le traité de libre-échange euro-américain prépare le meilleur des mondes sans frontières.
On pensait que le débat sur l’exception culturelle ou sur le bœuf aux hormones était derrière nous. Fatale erreur ! Pour Obama, tout doit être mis sur la table pour ce méga-traité, qui porte sur 30% des échanges commerciaux mondiaux, et dont les objectifs plus ou moins avoués sont de lutter contre le développement du protectionnisme et d’initier une contre-offensive des pays développés face à la montée en puissance des pays émergents. François Hollande n’en a pas dit un mot lors de sa conférence de presse. Les médias ont peu évoqué le dossier. Bref, on dirait que ce genre d’accord – qui contribue à changer notre monde au moins autant que le mariage gay – ne peut se concocter qu’à l’abri du regard des peuples dits souverains.
On aurait préféré que la coopération entre les deux continents, qui ont objectivement des intérêts communs, se développe aussi sur le front du protectionnisme industriel. Ainsi l’Amérique a-t-elle, voici deux ans – fait, là encore, peu commenté − mis en place une taxe de 250% sur les importations de panneaux solaires chinois tandis que l’UE « envisageait » une taxe de 47% – finalement écartée par Angela Merkel. Entre-temps des dizaines de PME spécialisées dans le solaire ont mis la clef sous la porte en France et en Allemagne.
L’Allemagne et l’Angleterre ne veulent plus accueillir de Roms.
Rappelez-vous l’hystérie sémantique qui s’était emparée d’une partie de la gauche française après le fameux « discours de Grenoble » de Nicolas Sarkozy. Pour commenter des expulsions du territoire accompagnées de primes – et permettant aux personnes concernées de revenir en France six mois plus tard –, on parlait de « chasse aux Roms » et de « déportations ». La commissaire européenne Viviane Reding évoqua explicitement le nazisme, pour le plus grand bonheur d’une partie de nos médias. En revanche, aucun n’a évoqué la récente et très officielle requête du ministre allemand de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich (CSU), soutenu par ses collègues autrichien, anglais et hollandais : ceux-ci souhaitent obtenir une dérogation pour ne pas accueillir les Roms qui, notamment en Allemagne, bénéficient de prestations sociales avantageuses – et donc coûteuses − accordées par les municipalités et les Länder. Quoique rédigée avec une grande pudeur – on y parle de « certaines populations » issues de Bulgarie et de Roumanie et non de Roms, cette demande constitue un véritable « forfait » contre la libre circulation des citoyens de l’Union : il ne s’agit plus de reconduire aux frontières mais de refuser d’accueillir des candidats à l’immigration de l’Union européenne. Bien entendu, la réponse de Viviane Reding a été sèche comme une bûche de Bavière : « Tous les États de l’UE, y compris le ministre allemand de l’Intérieur, sont invités à participer aux efforts et aides mis en place en direction des Roms. La dépense relève de la compétence des États. »
L’affaire méritait bien une brève dans Libé ou dans Le Monde, non ? Non ? Bon. Donc on reparlera des Roms quand Sarko sera revenu à l’Élysée.[/access]
*Photo: capture d’écran Le Figaro TV
Affaire Al-Dura : Karsenty condamné
Les juges de la 11ème chambre de la Cour d’appel de Paris ont condamné Philippe Karsenty à 7000 € de dommages-intérêts pour avoir diffamé France 2 et son correspondant à Jérusalem Charles Enderlin. Karsenty avait affirmé en novembre 2004 que le reportage diffusé au journal télévisé du 30 septembre 2000, montrant la mort d’un enfant palestinien, et les sévères blessures de son père, victime de tirs ciblés de soldats israéliens, était une manipulation. Il s’agit de la fameuse affaire Al-Dura, qui a connu de multiples rebondissements judiciaires et médiatiques au cours de ces douze dernières années.
Disons-le d’emblée : en termes de droit, la Cour avait à sa disposition tous les éléments permettant de valider le jugement de première instance condamnant Philippe Karsenty pour diffamation. À l’époque où ce dernier mettait en cause France 2, il ne pouvait arguer d’une enquête approfondie, ni de la modération de son propos mettant en cause ce reportage et ses auteurs. C’est donc le Karsenty imprécateur de 2004 qui a été condamné, et non le Karsenty de 2013, qui est parvenu, à force d’opiniâtreté, à faire surgir une vérité maintenant reconnue aussi bien par les autorités israéliennes, que par tous ceux qui, en France et à l’étranger se sont penchés sérieusement sur cette affaire. La justice française a également apporté sa pierre à cette entreprise de vérité, lorsque la Cour d’appel, présidée par la juge Trébucq[1. L’arrêt de la Cour de 2008, relaxant Philippe Karsenty, avait été cassé au motif que la jurisprudence en matière de diffamation interdisait aux juges d’apporter des éléments en faveur de la partie attaquée… ], avait exigé de France 2 la mise à la disposition de la cour des « rushes », les images non diffusées des événements de Gaza, tournées par le cameraman palestinien de la chaîne française. C’est à partir de ces images que sont apparus dans toute leur évidence les mensonges et invraisemblances de la version défendue jusqu’à aujourd’hui par Charles Enderlin. Ces documents sont accessibles sur la toile, et démontrent de manière éclatante que ce reportage relève du « bidonnage » pur et simple. Un florilège des déclarations successives de Charles Enderlin et de son caméraman Talal Abou Rahma, également disponibles sur internet, est très éclairant sur leur rapport pour le moins perturbé avec la vérité lorsqu’ils tentent de faire avaler au public leur version du meurtre délibéré de civils palestiniens par les soldats de Tsahal.
Aujourd’hui donc, et après le jugement de la Cour d’appel de Paris, je persiste à affirmer :
Que tous les éléments à notre disposition – images, témoignages, expertises balistiques et médicales – concourent à conforter la thèse d’une mise en scène orchestrée par le cameraman Talal Abou Rahma. Qu’en conséquence France 2 et Charles Enderlin se sont rendus coupables d’une faute professionnelle aux conséquences gravissimes.
Que Charles Enderlin, qui n’était pas présent sur place a, sans procéder à un minimum de vérification des affirmations de son caméraman, été le complice conscient ou inconscient de cette supercherie. De plus, il a menti en affirmant qu’il avait coupé au montage les scènes de l’agonie de l’enfant, au prétexte qu’elles auraient « été trop insupportables ». Qu’il a encore menti à la télévision israélienne en déclarant qu’il « n’avait jamais dit que l’enfant était mort sous les balles de Tsahal ». Je tiens à la disposition de la justice d’autres preuves des mensonges d’Enderlin et de Talal Abou Rahma dont je fais grâce aux lecteurs de cet article.
Que le refus, après un semblant d’acceptation, de Jamal Al-Dura, le père prétendument grièvement blessé dans cet incident, de se soumettre à une expertise médico-légale indépendante, laisse penser que les cicatrices présentes sur son corps ne relèvent pas de blessures par balles israéliennes. Elles sont, selon toute vraisemblance, la conséquence de blessures à l’arme blanche reçues au cours d’une rixe à Gaza en 1992, qui ont été soignées par un chirurgien israélien, Yehuda David.
Que France 2 et Enderlin ne sauraient tirer argument de l’arrêt Karsenty pour clamer haut et fort que la thèse défendue par le second est maintenant vérité historique. Cette dernière finira bien par s’imposer.
Enfin, on peut constater que l’adage romain, transmis par Cicéron dans son Traité des devoirs , summa jus, summa injuria (Trop de droit tue le droit) a encore de beaux jours devant lui…
*Photo : xcode.
Veilleurs debout !
Il y a quelques jours, alors que la jeunesse stambouliote battait le pavé et enchaînait les manifestations au prix d’inévitables violences, un jeune chorégraphe turc de 34 ans, Erdem Gunduz, inventait une nouvelle forme de protestation consistant à rester debout, silencieux et immobile, en réponse à l’interdiction de manifester Place Taksim. Très vite, de nombreuses personnes rejoignaient l’artiste et les caméras du monde entier se pressaient pour immortaliser ce statisme inoffensif qui se révélait bien plus percutant que les tirs de projectiles et l’énergique scansion des slogans. Mardi dernier, le ministre de l’Intérieur turc, Muammer Gule, se résignait ainsi : « Si cette protestation ne nuit pas à l’ordre public ou n’influence pas la vie en général, nous ne pourrons pas intervenir dans de telles manifestations. » Le nouveau symbole de la contestation de la jeunesse turque s’expliquait quant à lui sur la BBC : « Je ne suis rien… L’idée importante est : pourquoi les gens résistent au gouvernement ? Le gouvernement ne veut pas comprendre pourquoi les gens sont dans la rue. » De Rome à Paris et de Berlin à Bruxelles, médias et politiques se retrouvaient unanimement pour saluer l’homme qui, à lui seul, résumait l’antienne de Bernanos lorsqu’il affirmait ne pas être dressé, mais simplement debout.
Autre temps, autre mœurs. Hier, au cœur de la capitale, place Vendôme, quelques jeunes opposants à la loi Taubira fixent la Chancellerie. Sans bruit, sans mouvement, parfois avec un livre ou un polycopié de droit, ils laissent passer les heures et les passants ébahis. Seul moment de distraction, ces quelques enfants qui se présentent spontanément à eux, une bouteille d’eau ou un goûter à la main. Après quelques bouchées et gorgées, ils esquissent un sourire et reprennent la pose, comme ces statues vivantes qui hantent les abords du musée du Louvre et recherchent la générosité des touristes. Ces veilleurs debout –comme on les appelle déjà – ne demandent rien. Mais ils espèrent toujours. Il y a quelques jours, un des leurs est parti vers Fleury-Mérogis sans aucune raison valable à leurs yeux, sinon celle d’afficher ouvertement son opposition au mariage homosexuel au moyen d’un polo floqué et d’avoir refusé un prélèvement ADN. Ils ont l’impression que les moyens démocratiques leur sont de plus en plus fermés. Plus de quatre manifestations leur ont déjà été refusées, certaines sont cantonnées à des lieux invisibles au public (la dernière en date a eu lieu dimanche dernier, Place Dauphine, endroit en vase clos, s’il en est), le nombre de participants est toujours minimisé et les violences souvent provoquées, sans cesse exagérées et dénoncées à outrance, jugent-ils. Alors ils sont allés chercher ces recettes qui marchent, celles que l’on vante en France et en Europe, celles qui interpellent un régime et qui appellent au pacifisme. Face à l’hôtel de Bourvallais, les voilà les Erdem Gunduz français.
L’idée était sans doute trop bonne, l’initiative prometteuse. Car au bout de quelques heures, alors que de nombreux effectifs venaient remplir les rangs, la police décidait d’intervenir et d’encercler les veilleurs debout, avant de les disperser au prix de deux arrestations. Ce que la police turque n’avait pas osé faire, la police française l’a donc fait. Ce n’était pourtant ni une manifestation (elle eût sinon été préméditée et devait être déclarée), ni un attroupement comme l’entend le Code pénal (il eût fallu qu’il trouble la tranquillité, la salubrité, la sobriété ou la dignité de la personne humaine) mais un rassemblement spontané d’individus unis en pensées par leur opposition au mariage homosexuel. Il est clair que ce rassemblement a dû troubler, voire énerver. Comme le type qui vous regarde fixement dans le bus, comme ce passant qui se plante au milieu du trottoir et retarde votre course, comme l’oisif qui flâne et paresse au milieu de la cohue, comme le bellâtre aux lunettes carrées dont on devine si facilement l’orientation politique. Mais il n’y avait aucun motif qui puisse légitimer à un seul moment que les forces de l’ordre entourent ces jeunes puis les ramènent au métro. Sauf à considérer dans un premier temps que les ballerines et les mocassins sont les caractéristiques d’un opposant au mariage homosexuel. Puis à juger dans un deuxième temps que l’opposition à un tel mariage est constitutive d’un délit. Mais dans une démocratie, cela ne se conçoit pas. Alors si ces jeunes ont été dispersés mardi dernier, si ce n’était pas pour ce qu’ils faisaient (ils ne faisaient rien), si ce n’était pas pour ce qu’ils pensaient (on est encore loin de savoir lire dans les pensées), était-ce alors pour ce qu’ils sont ? That is the question aurait dit l’autre.
*Photo : frsalefran.
Fioraso speaks globish
Comment perdre notre influence de vieille nation ? Eh bien, c’est tout simple : il suffit de mépriser les gens qui aiment encore la langue française. En France, bien sûr, mais aussi ailleurs, en passant par profits et pertes un de nos derniers atouts géopolitiques : la francophonie.
On a bien compris depuis les récentes lubies de madame Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur, que continuer à vouloir maintenir le français à l’Université relevait de l’inconscience et du provincialisme le plus crasse à l’heure de la mondialisation. Son projet de loi sur les cours en anglais à la fac rencontre quelques résistances mais on sent bien que si ce n’est pas ce coup-ci, ce sera le prochain. Depuis le livre décisif de Dominique Noguez, La colonisation douce, au début des années 90, n’importe quel observateur un peu lucide constate que nous perdons du terrain chaque jour et qu’il va de soi que l’anglais, ou son succédané à usage mercantile, le globish deviendra la langue officielle d’une Europe réduite à une zone dont la seule loi fondamentale sera la concurrence libre et non faussée. Alors, la langue française, n’est-ce pas, on va pas s’embêter avec ça. Madame Fioraso l’a bien dit, si on continue avec le français, « Nous nous retrouverons à cinq à discuter de Proust autour d’une table. »
On croyait avoir atteint sous Sarkozy le sommet du mépris pour la culture, la littérature, le « bruissement de la langue » (aurait dit Barthes), et pas seulement avec la fameuse Princesse de Clèves bolossée à plusieurs reprises par l’ex-président mais aussi avec Christine Lagarde qui, lorsqu’elle débuta à Bercy écrivait en anglais les notes pour ses collaborateurs et avait eu cette phrase mémorable : « Assez pensé, retroussons nos manches ! ».
Nous nous trompions. L’idée que se fait madame Fioraso de l’enfer sur terre et de notre décadence, c’est d’être à cinq autour d’une table pour discuter de Proust. Quand nous avons voté au second tour pour François Hollande, nous savions bien que ce n’était pas pour son programme économique qui était le même que celui de l’UMP. Mais au moins, nous disions-nous, avec les socialistes, nous serions à l’abri de ce mépris-là. Encore raté, donc. En même temps, à force d’élire des présidents qui n’aiment pas la littérature (François Hollande ayant confié qu’il ne lisait pas de romans) il est un peu normal d’avoir l’impression d’être gouverné par des épiciers qui confondent la France avec un petit commerce de centre-ville assiégé par ces grandes surfaces que sont les puissances émergentes.
Enfin, toujours est-il que parmi les cinq archaïques qui liront Proust autour d’une table dans une université française, il n’y aura pas Bousso Dramé. Pourtant elle aurait pu. Bousso Dramé est une jeune femme sénégalaise qui aime le français. Elle l’aime tellement qu’elle a participé au concours national d’orthographe 2013, organisé par l’Institut Français de Dakar dans le cadre des prix de la francophonie. Elle l’a gagné et pouvait ainsi bénéficier d’un séjour en France pour se former à la réalisation de film documentaire au centre Albert Schweitzer.
Seulement voilà, elle ne viendra pas. Elle s’en explique dans une lettre plutôt digne et émouvante au Consul de France.
On doit sans doute trouver, au consulat, que les jeunes femmes noires et francophones ne sont pas assez entrées dans l’histoire. Ou on est surpris de ne pas avoir affaire à de potentiels clandestins. En effet, Bousso Dramé a eu le droit à ce qu’elle appelle des « remarques infantilisantes » quand elle a demandé son visa. Elle est aimable, Bousso Dramé. C’est en fait du vrai Tintin au Congo. Parmi beaucoup de gracieusetés, on a par exemple recommandé à la jeune femme de se méfier des jolis magasins : « Faites attention, vous allez être tentés par le shopping, il y a beaucoup de choses à acheter à Paris. Et surtout, gardez-vous de tout dépenser et de laisser une note impayée à l’auberge de jeunesse sinon vous empêcheriez les futurs candidats de bénéficier de cette opportunité ! »
Bousso Dramé a ou aura probablement des enfants. Ils apprendront l’anglais. Comme ça, ils auront l’air plus sérieux, pas du genre à ne pas payer dans les auberges de jeunesse et ils pourront ainsi faire des études supérieures en France. Si ça se trouve, ils liront même Proust autour d’une table. Il doit sûrement y avoir d’excellentes traductions. En anglais, bien sûr, pour faire plaisir à madame Fioraso.
Indomptable angélisme
L’insécurité n’est plus un fantasme et la société n’est pas la seule coupable des délits et des crimes commis sur notre territoire.
Nous revenons de si loin en matière de philosophie pénale, nous avons tellement subi les ravages d’une idéologie qui préfère repeindre la réalité aux couleurs de sa naïveté qu’avoir à combattre les malfaisances que nous sommes aujourd’hui amenés à nous contenter de peu : la découverte, par une partie de la gauche sulpicienne et de ses bras médiatique et judiciaire, d’une France quotidiennement soumise à des transgressions de toutes sortes et le fait que la responsabilité individuelle de leurs auteurs ne soit pas entièrement diluée dans un immense salmigondis qui ferait d’eux des victimes au second degré.
Dans la lutte entre la politique de l’excuse et celle de la réalité, la première a bien été contrainte d’admettre certaines données terriblement concrètes. Aussi s’ingénie-t-elle, comme pour se consoler, à jeter la suspicion sur la seconde, accusée d’être non seulement immorale, mais aussi bien moins efficace qu’elle le prétend.
Les humanistes patentés ont une conception hémiplégique de l’État de droit qui place celui-ci au seul service de ceux qui ont eu la faiblesse de s’en prendre à nos existences, à notre intégrité et à nos biens. Du coup, ils ne voient pas le paradoxe dans lequel ils sont pris : ils répètent, avec une sorte de tristesse voluptueuse, qu’il est impossible d’éradiquer totalement la délinquance et la criminalité ; mais en même temps, redécouvrant les statistiques quand elles consacrent, selon eux, un échec, ils reprochent aux pragmatiques leurs résultats médiocres. Bref, à les entendre, la bataille est à la fois vaine et perdue.
Dans ce climat, le hiatus, voire le gouffre, entre d’un côté la vision des citoyens, l’inquiétude de l’opinion publique et, de l’autre, une représentation intellectuelle et médiatique qui tend non seulement à les atténuer, mais à les délégitimer, ne peut que s’approfondir. La parole est au peuple, dit-on, mais il faut surtout qu’il ne l’ait pas : cela pourrait le conduire à se mêler de ce qui le regarde.Ce précipice entre une quotidienneté anxieuse et un espace médiatique à la fois ignorant et pétri de bons sentiments – à quelques exceptions près –, explique que les analyses rassurantes, conformes au « judiciairement et socialement » correct, bénéficient d’un traitement favorable, voire exclusif, la plupart des médias ne se sentant nullement tenus, sur les questions de sécurité et de justice, de refléter le pluralisme des points de vue en présence. C’est d’autant plus regrettable que des ouvrages parus ces derniers mois consacrent l’émergence d’une pensée qualifiée d’emblée de « réactionnaire », mais qui ne le cède en rien, pour la densité, le talent et la vigueur, aux réflexions validées par Le Monde, sanctifiées par Libération et couronnées par Télérama et Le Nouvel Observateur.
Faute de cet imprimatur journalistique qui vaut brevet de bienséance éthique, ces essais qui bousculent les fausses évidences, le conformisme paresseux et les positions acquises sont condamnés par avance. Soit on les ignore, soit on les dénonce. De ce point de vue, l’accueil réservé à La France Orange mécanique[1. Laurent Obertone, La France orange mécanique, Ring, 2013.]a constitué un cas d’école. [access capability= »lire_inedits »] Certes, on en a parlé, et son auteur a été invité à de nombreuses émissions, mais je ne me rappelle pas une seule séquence qui n’ait pas tourné au réquisitoire mené par des journalistes ou des invités qui, à l’évidence, n’avaient rien compris à l’ouvrage ou n’en avaient extrait que des bribes guère éclairantes. Il y avait pourtant matière à débat dans ce pamphlet terriblement réaliste. Intéressant à maints égards, dans sa critiques des pratiques policière, judiciaire et médiatique, le livre d’Obertone souffre de faiblesses réelles : trop riche, trop profus, abusant des comparaisons animalières, il fait se télescoper, dans une globalité saisissante, le dérisoire et le gravissime. Il n’en contient pas moins quelques vérités déplaisantes – et incontestables. Du reste, personne n’a pris la peine de les contester. Comme souvent en pareil cas, on a dénoncé le messager pour pouvoir ignorer le message. Cet Obertone n’était-il pas un « fasciste », un suppôt du Front national ? Ce soupçon distillé en boucle a suffi à dissuader presque toute velléité de critique intelligente.
Admettons que le ton volontairement polémique ait rebuté des journalistes qui n’aiment pas autant qu’ils se plaisent à le dire ce qui sort des sentiers battus. Mais comment expliquer la chape de plomb – ou, dans le meilleur des cas, de condescendance – qui recouvre le remarquable essai de Xavier Bébin : Quand la justice crée l’insécurité[2. Xavier Bébin, Quand la Justice crée l’insécurité, Fayard, 2013.]? Étayée par de nombreuses statistiques, illustrée par des exemples puisés dans l’actualité, fondée sur de solides arguments, l’analyse de Bébin démolit tranquillement, sans vergogne mais sur un ton mesuré, les poncifs de la phraséologie pénale, judiciaire, pénitentiaire, sociale et médiatique. Cette démolition est d’autant plus redoutable, donc à exclure des circuits d’information et de diffusion, qu’elle est enrichie par des propositions que les politiques pourraient aisément et rapidement mettre en œuvre.
En somme, ce livre est dangereux : d’abord parce qu’il dénonce et contredit avec une « impitoyable modération », mais plus encore parce qu’il sort du registre incantatoire pour signifier aux pouvoirs, qu’ils soient de droite ou de gauche les priorités, les urgences et les remèdes.
Bien entendu, la mécanique habituelle de la disqualification s’est mise en marche. Xavier Bébin serait « de droite » et l’Institut pour la Justice (qu’il préside et dont les travaux constituent la matière de son livre), une association « très droitière ». Il faut faire litière de ces accusations. On peut discuter la focalisation exclusive de ce think tank sur le sort des victimes de crimes ou de délits – qui ne saurait être l’unique préoccupation d’une politique pénale globale. Mais il est malhonnête de le présenter comme une émanation de la droite dure – et irresponsable d’ignorer son implacable diagnostic. C’est pourtant ce que s’emploient à faire les gardiens de l’orthodoxie, simultanément irénique et stalinienne, qui entendent ne dialoguer qu’avec eux-mêmes puisqu’eux seuls ont, au sens propre, droit de cité. D’où cette aberration : l’IPJ n’a pas été convié à la conférence de consensus (!) sur la prévention de la récidive, destinée à favoriser la réflexion collective sur le sujet. Ses représentants auraient pourtant pu y faire entendre une enrichissante dissonance.
Il faut dire que, pour la gauche angélique, le choc est rude. Face à la vérité des faits et des données, ses certitudes devraient voler en éclats. Mais non, elle continue, imperturbable, à fantasmer sur les « fantasmes sécuritaires ». Et comme elle n’en est pas à une contradiction près, elle ânonne que la France est à la fois l’un des pays les plus répressifs et les plus tranquilles du monde – nous l’a-t-on assez seriné que, sur le long terme, jamais la criminalité n’avait été aussi faible et les sociétés aussi sûres. Voilà qui devrait aider les victimes à supporter leurs souffrances.
En vérité, cet idéalisme qui se ment pour survivre est une supercherie qui a des effets dévastateurs – pas pour ceux qui le professent, mais pour les citoyens qu’ils accablent de leur mépris. On aimerait savoir ce que les belles âmes qui dénoncent comme des perroquets les « politiques sécuritaires » pensent de ces quelques données extraites du livre de Xavier Bébin qui contredisent frontalement leurs slogans éculés.
Le nombre de places de prison par habitant est, en France, inférieur de près de moitié à la moyenne de l’Union européenne. Voilà pour le « tout-carcéral » !
Faute de plainte ou d’élucidation par la police, 80% des crimes et délits ne sont jamais examinés par la justice. Voilà pour le « tout-répressif » !
Par le jeu des remises de peine et de la libération conditionnelle, un détenu peut sortir après avoir effectué un peu plus d’un tiers de sa peine. Voilà pour la sévérité inouïe du régime pénitentiaire !
Les mineurs de 14 à 18 ans représentent 1% de la population carcérale et 5% de la population générale, mais ils sont responsables de 25% des viols, 24% des cambriolages et 46% des vols avec violence. Pour en finir avec la sous-estimation compassionnelle des transgressions commises par des « enfants » !
Les peines-planchers de prison ferme pour les récidivistes sont prononcées dans seulement 18% des cas – 2% à Bobigny. Cet insuccès serait, paraît-il, la preuve de leur inefficacité. En réalité, le gauchisme judiciaire a décrété qu’elles étaient inefficaces pour ne pas les employer contre la délinquance de persévérance et la criminalité de répétition !
On pourrait poursuivre la litanie, mais cela risquerait de nourrir le soupçon à l’encontre des partisans d’une politique pénale à la fois réaliste, ferme et cohérente, inspirée par le souci de sauvegarde de la cohésion sociale et l’exigence d’un État de droit qui ne protège pas seulement les suspects et les coupables. Ils seraient des obsédés de la répression et, au fond, des malades n’entretenant un rapport joyeux qu’avec la sévérité et la punition. Rien n’est plus absurde, mais le discours ressassé de la mansuétude et l’explication rabâchée par la dureté de la société ont conquis beaucoup d’esprits, en tout cas en surface, car les adeptes de la générosité sont les premiers à protester quand, dans le concret des jours et des drames, la fermeté fait défaut.
Le constat, chiffré et documenté, du désastre sécuritaire est disponible à qui veut savoir. Son examen raisonnable devrait provoquer une révolution intellectuelle, ou au moins faire émerger d’autres pratiques et d’autres discours – on a le droit d’imaginer un avenir échappant au prévisible.
Nous n’avons pas seulement besoin d’un grand ministre de l’Intérieur. L’ampleur de la tâche exige un garde des Sceaux qui ne se contente pas d’action verbale, mais sache, au contraire, laisser leur indépendance aux Parquets, notamment celui de Paris, tout en impulsant une politique pénale et une réforme pénitentiaire. Ce qui suppose de promouvoir les meilleurs, de préférer les intelligents aux complaisants, et d’instaurer un climat de confiance.
Outre le biais idéologique évoqué plus haut, la médiocre mise en œuvre des peines-planchers révèle un climat préoccupant né au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy. La manière choquante dont il a traité la magistrature, ses foucades et son improvisation dans une matière qui requiert maîtrise, réflexion et écoute, ont, par une sorte de perversion judiciaire et démocratique, suscité une opposition qui, pour certains, s’est traduite par le refus, habillé juridiquement puisque la loi le permettait, de recourir à un dispositif pourtant efficace au regard de la cessation de quelques carrières délictuelles et criminelles. On ne voulait pas des peines-planchers car, inspirées par Sarkozy, elles étaient frappées de malfaisance politique.
Il faut, enfin, examiner la cause principale de nombre de dysfonctionnements : le clivage entre l’enquête policière et le processus judiciaire, le décalage entre le regard des magistrats, qui agissent au nom d’un État de droit désincarné, et celui des enquêteurs soumis à l’urgence, accablés de bureaucratie et livrés à une quotidienneté dure, violente, difficile, parfois dramatique. D’un côté, les mots et les principes des juges, de l’autre l’empirisme, qui tente d’être aussi conforme aux règles que possible, de la police. Rien, cependant, ne ferait plus progresser la lutte contre la délinquance qu’une collaboration loyale et égalitaire des magistrats et des fonctionnaires de police. Le pire serait de considérer que les premiers ont forcément l’esprit propre quand les autres doivent se contenter d’avoir les mains sales.
Enfin, comment accepter que la majesté et les décrets judiciaires soient, par principe, amendés, infléchis, amoindris, parfois ridiculisés par les pouvoirs des juges de l’application des peines et la « cuisine » pénitentiaire ? Je ne comprends pas cet humanisme qui imposerait de faire des jugements des tribunaux correctionnels et des arrêts des cours d’assises une matière évidemment révisable. Le premier devoir d’une démocratie au nom de laquelle on juge n’est-il pas de faire respecter ses décisions, quitte à admettre que leur intangibilité soit contestée dans des circonstances particulières ? Aujourd’hui, demander une exécution totale de la peine apparaît comme une provocation, alors que cela devrait être la règle – assortie d’exceptions définies avec clairvoyance.
Alors on se surprend parfois à rêver, non pas de politique pénale, mais d’une vision qui concilierait un authentique humanisme, capable d’épouser toutes les souffrances tout en ayant l’élégance de les hiérarchiser, avec le sens de l’utilité sociale et les exigences d’une rigueur respectée parce que respectable. Je persiste à espérer qu’un jour, la droite ou la gauche incarnera cette belle synthèse républicaine. On en est loin.[/access]
*Photo: Orange Mécanique, Stanley Kubrick.


