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Varg Vikernes : Cinq ans après Tarnac, le ventre de la DCRI est encore fécond…

La chasse aux fascistes est ouverte ! Les trains déraillent comme par enchantement dans le grand élan du réel aux abonnés absents : les experts ont tranché, il ne s’est rien passé ; d’ailleurs Brétigny n’existe que dans les cerveaux malades de ceux qui ont la ridicule idée de vivre au-delà du périphérique parisien. Par contre, le ventre de la bête, lui, ne s’est jamais si bien porté : Manuel Valls a dégoté un vrai nazi criminel en puissance et norvégien de surcroît : l’aubaine !
Le voilà le Breivik français (ou presque) ! Hosanna ! Repris de justice, féru de paganisme nordique, assassin dans son pays, musicien de rock dans sa variante «  black métal » nationale socialiste dite Burzum (par pitié, ne me demandez pas de quoi il s’agit !). Bref le gaillard qui se fait appeler Varg (comme le héros des polars de Staalesen, encore un norvégien, et de Bergen comme lui !) est paraît-il une pointure dans son domaine.
Exilé en France et même en Corrèze, qui est décidément le département le plus funeste de l’hexagone, il fomentait, aux dires des barbouzes de la république, un massacre, en compagnie de sa chère et tendre et de ses trois enfants tous nazis : quatre fusils de chasse et une carabine, il préparait sans doute un massacre de chevreuils et de lapins ; le bel Anders, lui, s’était équipé d’un Ruger mini et d’explosifs, avec ça pas besoin de cinq bras pour massacrer. Heureusement, la police veille au grain face aux braconniers mal-pensants et aux terroristes d’opérette (remémorez-vous le redoutable gang de sanguinaires de Tarnac et son führer Julien Coupat le Pol Pot des Millevaches…) ils ont coffré l’affreux avant qu’il ne dézingue une centaine de bobos sur l’ile de Ré à la sarbacane…
Bronzez en paix braves gens, la reprise est là, le mage de l’Elysée l’a vue, et Varg Vikernes est entre les mains de la DCRI. Pendant ce temps, des barbus se marrent, mais c’est une autre histoire….

Femen, je vous aime

femen inna timbre

Nouveau visage timbré de Marianne, Inna Shevchenko en remontre à Brigitte Bardot pour ses déclarations au gros rouge qui tache. Décrétée réfugiée politique par la grâce des autorités françaises, la fondatrice ukrainienne des Femen n’a pas sa langue dans sa poche. Dans ce globish qui lui sert de passe-partout médiatique, la sémillante féministe 2.0 ne craint pas de verser dans l’islamophobie la plus primitive. « What can be more stupid than Ramadan ? What can be more uglier then that religion ! » (sic) lisait-on la semaine dernière sur son compte Twitter (traduction : Qu’y a-t-il de plus idiot que le Ramadan ? Qu’y a-t-il de plus affreux que cette religion !). Passons sur la syntaxe douteuse, les amoureux de la grammaire british se consoleront devant une pièce elisabéthaine.
Toujours est-il que notre chère Inna s’est fait gentiment sermonner pour cette sortie fort peu amène envers les croyants musulmans. L’indispensable Rokhaya Diallo l’a déjà publiquement houspillée, invoquant le néo-colonialisme larvé des féministes à seins nus, et lui prépare sans doute une place de choix dans la moisson 2014 des Y’a Bon Awards. Sommée de s’expliquer dans Libé, Shevchenko assume cette méchante salve, qui a mystérieusement disparu de son compte Twitter, mais fournit des explications tortueuses sur les circonstances de sa rédaction : « J’ai posté ça quand j’ai appris qu’Amina [la Femen tunisienne, NDLR] était obligée de faire le ramadan, en prison, comme les autres détenues, alors qu’elle est athée. C’était sous le coup de l’énervement.» Résolument « religiophobe » et non pas seulement « islamophobe », Inna et ses copines se sont illustrées par leurs actions musclées dans les églises – où, entre autres exploits, elles abattirent à la tronçonneuse une croix érigée en mémoire des victimes de la grande famine ukrainienne – ainsi qu’à la sortie des mosquées, à Paris et à Kairouan. Diversement appréciées, ces opérations coup de poing (ou de mamelles, diront les plus phallocrates…) s’attaquent aux derniers vestiges d’une société patriarcale qui n’existe plus que dans les esprits embrouillés de Caroline Fourest et Najat Vallaud-Belkacem. En la matière, plus la cible est médiatiquement mal en point, plus ses assaillantes se voient portées au pinacle. Comprenez que l’Eglise catholique n’est pas en odeur de sainteté sur Canal +, auprès du Syndicat de la magistrature et de la cellule CGT de France 3. Malmener Benoît XVI ou son successeur François, voire les personnalités cathos par trop ringardes comme Christine Boutin vous assure la mansuétude du ministère de l’Intérieur et des médias, tout aussi bien qu’une adhésion à  l’Action antifasciste Paris-Banlieue. Lorsqu’il s’agit de faire le zouave (navré, je n’ai pas trouvé d’équivalent féminin dans notre langue désespérément fasciste) devant une mosquée pour moquer la bigoterie mahométane, l’affaire devient soudain moins entendue. Car l’on peut claironner sans danger que Mahomet était un dangereux barbare, critiquer les sourates liberticides au nom d’une conception moderne de l’égalité. Jusque-là, la presse et la télé vous suivront, quoique d’un pas chaloupé, histoire de ne pas trop « stigmatiser ». Pourvu qu’on n’esquisse pas le moindre début de pensée critique face à l’immigration de masse, on peut tirer à l’aise sur l’islam et ses conséquences sociétales.
On chercherait en vain la moindre remise en cause du consumérisme, de la société industrielle et du capitalisme chez ces progressistes que nos gouvernants célèbrent à l’unisson. Si le pseudo-féminisme « religiophobe » a une mission, c’est bien l’occultation du réel et de sa critique. Dénoncer l’exploitation de la femme par l’homme en oubliant l’exploitation de l’homme par l’homme, voilà la dernière martingale de l’aile gauche du capital !
Chez nos amazones, point de littérature. Grâce aux tribulations de la jeune Iseul en leur sein (jeu de mots de mauvais aloi…), on sait le corpus idéologique des Femen aussi mince qu’un 75A. Oubliées Beauvoir, Groult, Butler côté jardin, l’enchanteresse Delphine Seyrig côté cour. Ces péronnelles cultivent le culte de l’action. Pour analyser leur doctrine, il faut se contenter des ersatz dont elles se repaissent sur Facebook et Twitter.
Les gardiens du temple familial auront beau jeu de honnir ces jeunes femmes. En fait d’épouvantails, la Femen est l’avenir de l’homo oeconomicus. Ni ukrainien ni français, ni chrétien, ni musulman, ni homme, ni femme, le néo-humain femenisé sera bientôt libre de toute attache. Avec un seul mot d’ordre : con-somme !
On aura beau crier à la diversion ou clamer que les Femen ont plusieurs guerres de retard, cela ne douchera pas notre optimisme. Au couchant de sa vie, Debord estimait qu’« il y a des époques ou mentir est presque sans danger parce que la vérité n’a plus d’amis »[2.  Article « Abat-faim » de l’Encyclopédie des nuisances (1984).]. Il est parfois des ficelles assez grosses pour abattre l’attelage qu’elles supportent…

Enfin, un Breivik français!

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antifa meric esteban

« Tu te rends compte qu’au XXIe siècle, on peut encore mourir sous les coups d’un nazi ! » Cette phrase n’a pas été prononcée par un adolescent pré-pubère confondant l’Histoire avec ses petites névroses, mais par un quarantenaire à la pointe de la modernité, qui éduque ses enfants conformément à la théorie du genre, porte à merveille le poncho Manu Chao et occupe un poste à responsabilité dans l’intelligentsia télévisuelle. Un gars talentueux au cerveau aiguisé, qui se trouve par ailleurs être l’un des camarades avec qui je sirote volontiers quelques mojitos sur une terrasse de la place des Abbesses.
L’odieux « assassinat politique » de l’« antifa » Clément Méric devait remettre du baume au sacré-cœur de mes amis « CSP+ mal rasés ». Ils l’attendaient depuis des années, cette parabole du héros terrassé par des salauds. Enfin, ils allaient pouvoir se rouler dans les éditos de Libération comme dans du coton soyeux, avec la fierté du devoir accompli. C’est que, des salons bourgeois où ils jouent à la Résistance, ils l’avaient vue venir avant tout le monde, la tornade fasciste.
Les médias chargés de diffuser la bonne parole allaient pouvoir recycler leur article, d’occasion mais néanmoins définitif, sur le « climat de haine insidieux » et les « idées nauséabondes » (ou « rances », au choix) propagées par une droite « décomplexée », occupée à « faire le lit » de qui on sait. Opportunité inespérée car, en mars 2012, le même article avait dû être, in extremis, ravalé par les rotatives, lorsqu’il avait bien fallu admettre que le tueur de Toulouse et de Montauban n’était pas le skinhead à front bas, le Breivik français dont rêvaient l’intelligentsia bobo, François Bayrou et le candidat François Hollande – lequel en avait profité pour sermonner l’usurpateur : « Il y a des mots qui influencent, qui pénètrent, qui libèrent ; ceux qui ont des responsabilités doivent maîtriser leur vocabulaire. » Le « mariage pour  tous » et la mini-jupe de Frigide Barjot étaient encore dans les cartons, mais on connaissait bien l’identité du fauteur de haine : de la Rolex de Nicolas Sarkozy à la kalachnikov de son bras armé, le lien de causalité était évident.
Et puis, patatras, ce fut Mohamed Merah, au grand dam des journalistes – l’un d’eux avoua, dans un tweet, qu’il était bien déçu. Ces valeureux résistants allaient-ils être contraints de réviser leurs certitudes ? Ils trouvèrent promptement la parade : le tueur était un « loup solitaire », un arbre qui ne cachait aucune forêt. On ne trouva pas trace d’un « climat » délétère ou d’un « terrain » favorable qui l’auraient « décomplexé ». La véritable menace était ailleurs, aussi s’empressa-t-on de dénoncer les « amalgames » et la « stigmatisation ».[access capability= »lire_inedits »]
Un an après, survient alors la mort tragique de Clément Méric. La gauche est au pouvoir, mais le « climat » est toujours aussi lourd et la droite, toujours aussi « décomplexée », jusqu’à ce jus de poubelle de la société prénommé Esteban. Cette fois, c’est du tout cuit, la cause est aussi inattaquable que la taxe à 75%. Du skinhead nazi : on n’en demandait pas tant ! Certes, il se prénomme Esteban et pas Jean-Pierre, mais bon, personne n’est parfait. Disons qu’il est à 95% le coupable idéal. Et après le traumatisme Merah, il fera l’affaire.
Aux terrasses du Sacré-Cœur, mes camarades CSP+ n’ont pas de larmes assez chaudes pour honorer un antifasciste qui affrontait courageusement les hordes à crâne rasé qui hantent, nuit après nuit, les rues de Paris. Quoi, vous n’en avez jamais vu ?
Avec le fascisme à nos portes, même les mojitos ont un goût amer, sans parler des vacances en Corse et de la réservation de cette villa près de Calvi, allons-y quand même, mais le cœur n’y est plus. Il reste encore des miles sur le compte Amex de ton père ? On résistera mieux à ce lourd « climat » de haine dans une paillote plantée sur une plage privée. Aux terrasses du Sacré-Cœur, la bonne conscience (c’est-à-dire la conscience de leur propre bonté) submerge mes amis. Un jeune homme est mort. La faute aux faiseurs de « climat », de Frigide Barjot à Jean-Pierre Pernaut, en passant par les « dégénérés » de la Manif pour tous : « Des cousins germains qui s’accouplent, ça se voyait tout de suite », lance ma voisine en avalant une lampée de jus de groseille antioxydant. Mes amis aiment l’Autre.
Le ciel est black comme leur carte de crédit. Vous n’auriez pas les paroles de No pasaran ? C’est pour mon statut Facebook.
Et puis, à nouveau tout s’écroule. Encore raté.
La faute au réel. Saleté de témoignage d’un vigile qui a repéré les deux bandes dans une vente privée. Saleté de juge qui poursuit pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». « Sans intention », un nazi à crâne rasé ? C’est pas une intention, ça, de se raser le crâne ? Et comme si ça ne suffisait pas, il y a cette saleté de vidéo dégotée par la police, où il semble bien qu’on voie Esteban traqué par des « antifas »… Esteban attaqué dans le dos. Et répliquant.
Le réel est une belle putain. Quand viendra le Grand Soir antifasciste, avec des vrais méchants qui permettront à mes amis de se sentir encore plus gentils ? Quand apprendra-t-on enfin aux enfants ce que tout le monde sait place des Abbesses : qu’il existe deux catégories de bourgeois, les dégueulasses de la Manif pour tous et les sympas, ceux qui, pour devenir propriétaires, préfèrent les quartiers populaires (au moins dans les films) du Sacré-Cœur aux allées décomplexées du 16e arrondissement. Quand mes amis cesseront-ils de se couvrir de ridicule pour mettre à profit ce « cerveau aiguisé » qui les rend si délicieux dès qu’on ne parle pas de politique ?
Au fait, que pouvait bien vouloir dire Winston Churchill en affirmant : « Les fascistes de demain s’appelleront eux-mêmes antifascistes. » Pas clair, le gars.
Deux mojitos et l’addition ! Tu vas voir l’exposition « Nouvelles vagues » au Palais de Tokyo ?[/access]

*Photo: Soleil

Marianne, icône timbrée

Les timbres sont de petits bouts de papier fascinants, qui permettent de payer l’affranchissement des lettres d’amour et des faire-part de décès. Les timbres font le délice des collectionneurs et la fierté de La Poste. On voit par là que le sujet est d’importance. L’information selon laquelle le visage apposé sur le nouveau timbre « Marianne », dessiné par les artistes David Kawena et Olivier Ciappa, s’inspire du visage d’Inna Shevchenko (fondatrice du mouvement Femen) ne vous aura certainement pas échappé.
Ce nouveau timbre, présenté comme une « Marianne de la jeunesse » a été « dévoilé » dimanche par François Hollande. Dévoilé, je souligne, car se sont les mots de la Présidence, et pas simplement « présenté ». Le sujet est d’importance. Le sujet est quasiment religieux. Car donner à Marianne les traits d’une Femen, est le coup de génie d’une modernité laïque qui réaffirme gaiement les contours de ses propres croyances et de son mysticisme : la jeunesse, la féminité, la contestation, la nudité, etc.
Mais qui est Marianne ? Bien avant d’être incarnée par Brigitte Bardot ou Catherine Deneuve, la figure de Marianne est celle d’une sainte laïque. Philippe Muray en parlait en ces termes dans Le XIXe siècle à travers les âges : « Tous les jours nous léchons pour les coller sur des enveloppes l’envers de timbres reproduisant la tête d’une femme coiffée d’un bonnet phrygien. On la prénomme Marianne cette créature sévère avec son bonnet frigide sur la tête. Mais d’abord pourquoi ce bonnet ? Référence en passant au culte de Mithra, le grand totémisme phrygien des baptêmes dans le sang des taureaux. Rappel aussi de l’interprétation rosicrucienne du bonnet écarlate dont on coiffait le massacreur du taureau et qui était censé symboliser le prépuce ensanglanté… La République Française, donc, gravée dans son carré de timbre avec sa verge rebroussée rouge sur la tête. On s’en met, des choses curieuses, sous la langue chaque jour…Cocarde circoncise. Avertissement répété à la castration. Chapeau de sacrifice. Souvenir sous votre salive de l’assassinat fondateur devenu couvre-chef ou béret rituel. » Un peu plus loin Muray s’interroge sur le nom même de Marianne, et propose une hypothèse allant à contre-courant des lectures habituelles : « Le nom de Marianne adopté comme prénom qui-va-de-soi de la République allégorisée vient tout simplement d’une société clandestine qui s’appelait La Marianne. Une association de conjurés de l’ouest conspirant dans le but de renverser le régime mis en place par le coup d’état du 2 décembre 1851 ». Sombre culte socialiste à mystères, dont les rites incluent des cérémonies initiatiques, la récitation de répliques apprises par cœur, des signes de reconnaissance, etc. Rituels. Religion. « Cent ans plus tard, évidemment, tout le monde a oublié ces laborieuses origines. Marianne est devenue une revenante, elle aussi, un petit fantôme dans son carré de papier crypté. La société secrète est loin. Du moins on pourrait le croire. Elle est toujours là en vérité, somnambuliquement vraie avec son bonnet pénien, elle a survécu à ses débuts camouflés  »
On pourrait croire que la Sainte-Femen-Marianne-de-la-jeunesse portait un collier de fleurs sous son bonnet phrygien ; faux : elle porte l’auréole renouvelée de notre modernité. Et le concert de louanges que l’on entend à son propos, depuis quelques jours, n’est que le chant d’amour de nos contemporains pour un symbole dévot. Et quand la ferveur religieuse envers les Femen (elles adorent d’ailleurs faire des happenings dans des églises) rencontre la dévotion envers le mystère-républicain-à-bonnet le succès est assuré. On va lécher, on va lécher… ah ça oui, on va lécher !

Droite sans domicile fixe

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alain juppe rpr ump

Le regain – très virtuel – de popularité d’Alain Juppé auprès des sympathisants de l’UMP (54 %, considèrent qu’il ferait un bon président de la République, devant Fillon et Copé) montre bien la confusion qui règne chez les électeurs du grand parti de droite. Car si aujourd’hui la droite française est en crise de positionnement, c’est en grande partie dû aux manigances du maire de Bordeaux, président fondateur de l’UMP, pour noyer l’exception gaulliste dans un grand parti taillé à la mesure de ses ambitions mais structurellement voué à être une aberration politique.
Jusqu’en 2000, et depuis les débuts de la Vème République, la droite était structurée autour d’un parti gaulliste fort, et d’une nébuleuse centriste. Cette division était pertinente et reproduisait globalement la distinction de René Rémond entre droite bonapartiste et droite orléaniste. Elle ratissait au mieux le terrain électoral. Aux centristes démocrates chrétiens l’Alsace et les bocages de l’Ouest, aux Radicaux et aux gaullo-radicaux le Sud-Ouest, aux gaullo-bonapartistes partisans de la plus grande France, la Corse et l’outre-mer…
Ce découpage partisan s’ancrait donc dans des réalités humaines et historiques profondes, et ne se résumait pas à un simple clivage droite/gauche. Beaucoup d’élus centristes, aristocrates du bocage, et autres allergiques aux RPR car girondins et européens, étaient en effet beaucoup plus à droite que les gaullistes. Au sein de la famille centriste, la plupart des Républicains indépendants, par la suite devenus membres de l’UDF, étaient très libéraux sur le plan économique et flirtaient souvent avec l’extrême droite quand ils n’en venaient pas.
À l’inverse, le RPR, c’était « le métro aux heures de pointe ». Tous les gaullistes, et pas seulement les « gaullistes de gauche » ne se disaient de droite qu’avec répugnance. De fait, la mystique de la Résistance,  la projection dans ses congrès des images de Londres et de la Libération faisaient du RPR un parti populaire, à la sociologie électorale proche de celle du grand parti radical, rassemblant bien au-delà des franges traditionnelles de la droite.
La barrière avec l’extrême droite était infranchissable. D’abord, au début, l’extrême droite, c’était l’OAS, incompatible avec les gaullistes. Ensuite, quand on répugne à se dire de droite, on est moins programmé à se rapprocher de l’extrême droite.
Cette organisation, malgré les rivalités Chirac/Giscard et les tensions RPR/ UDF, n’a jamais empêché les accords victorieux d’investiture aux législatives, mais elle a volé en éclat à cause de la stratégie personnelle d’un homme seul, ayant la mainmise sur la stratégie de Jacques Chirac, Alain Juppé.
Dès la campagne de 1995 dans laquelle il n’a joué qu’un rôle tardif et marginal, éclipsé par Philippe Séguin, Alain Juppé a compris que le RPR, qui plébiscitait à l’applaudimètre Séguin et Pasqua,  n’en ferait jamais son candidat à la présidentielle, et n’aimerait jamais un technocrate froid au cœur penchant vers Bruxelles. Il lui fallait donc un parti débarrassé des gaullistes et du gaullisme et même des chiraquiens. Comme l’a confié François Baroin à Anne Fulda à propos de  l’action de Juppé en 1995, « Je n’ai pas tout de suite compris que ce qui se tramait en fait, c’était une entreprise méthodique d’élimination des chiraquiens »[1. Anne Fulda, François Baroin, le faux discret, Jean-Claude Lattès 2011.].
Pour qu’un parti à sa main l’investisse un jour, il fallait liquider le gaullisme, expliquer que son ralliement à l’Europe rendait caduque la division entre la droite et le centre, que son ralliement au libéralisme rendait désuet le volontarisme d’Etat et caduque les différences avec l’UDF. Contrairement à ce qu’on a fait croire par la suite, Alain Juppé a aussi été un des premiers à prôner un retour dans le commandement intégré de l’OTAN. À partir de 1997, tout fut mis en œuvre pour saper l’autorité des présidents du RPR, Séguin puis Alliot-Marie. On défendait en parallèle  en s’appuyant sur des chevaux légers UDF l’idée d’un grand parti unique de la droite et du centre en expliquant que plus rien ne justifiait la survivance d’un parti gaulliste. Les gaullistes comme Pons ou Séguin  ne réussirent qu’à différer la création de ce parti « hors-sol » après la réélection de Chirac en 2002.
Mais dans cette histoire,  Juppé  a été le dindon de la farce puisque, condamné par la justice, il a été obligé de céder son parti à son pire adversaire, Nicolas Sarkozy. Or, contrairement à une idée courante, Sarkozy, adoubé par Séguin et Pons, est le vrai héritier idéologique du Chirac de 1995. Ce sont les militants gaullistes et chiraquiens, bonapartistes, qui se sont portés  en masse sur Sarkozy pendant que les centristes de l’UMP se jetaient dans dans les bras d’un Chirac vieillissant et d’un Villepin balladurisés dans un discours de consensus mou. La présidentielle de 2007 a montré, infligeant un désaveu cinglant aux analyses intéressées de Juppé,  qu’avec un UMP-RPR fort (Sarkozy 31%) et un centriste à bon étiage (Bayrou 18%), on pouvait écraser le Front National (10%) pour gagner la présidentielle et les législatives sans recourir au « parti unique de la droite et du centre » et mieux qu’avec lui.
Mais depuis que Sarkozy est sorti du jeu, l’UMP se retrouve face à ses contradictions. Comment continuer à le vendre comme parti unique de la droite et du centre alors qu’il y a un centre, l’UDI, et peut-être deux candidats à la Présidentielle (Borloo, Bayrou) ?
En essayant de conjurer la division originelle dans le pluralisme des « courants », l’UMP a perdu  l’avantage comparatif qu’avait le RPR en se rattachant à la mystique gaulliste, à celle du CNR et de la Libération. Pour utiliser le vocabulaire du marketing, on peut dire que pour son confort personnel, Juppé a liquidé une marque qui avait une histoire et qui constituait un atout, pour une marque générique d’hypermarché (« droite et centre »)  moins porteuse. Si être de droite, c’est trouver que les riches paient trop d’impôt, que les salariés coûtent trop chers, que les syndicats sont nuisibles, ce n’est pas très porteur! Il n’est d’ailleurs pas étonnant que la dérive droitière de l’UMP corresponde à une montée dans l’organigramme des transfuges du parti républicain et des conservateurs du bocage.
La véritable voie de salut pour l’UMP consisterait donc à renoncer à incarner le centre, la Gironde et l’Europe et remplacer sa référence « de droite » en redevenant gaulliste, radical, libéral et républicain afin de couvrir le vaste champ idéologique et populaire qu’elle a perdu en liquidant le RPR. Ce qui suppose notamment de renouer avec l’euroscepticisme. Comment un parti héritier du RPR dont 80% des militants et 60% des électeurs ont voté contre Maastricht peut-il ne compter plus aucun dirigeant de premier plan reprenant ce discours ?
En un mot, l’UMP doit enfin comprendre que son vice originel est d’avoir été conçue, dans  une sorte de gestation pour autrui,  par un calcul faux,  en fonction de la seule ambition personnelle  d’un homme qui ne serait jamais président et qui, depuis le gâchis de la présidence Chirac et jusqu’à ses médiations intéressées et ses tentations de retour,  n’a pas fini de miner  la droite française.

*Photo : UMP Photos.

Si George Zimmerman avait été français…

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george-zimmerman-justice

George Zimmerman, agent de sécurité « amateur », accusé du meurtre, le 26 février 2012, de Trayvon Martin, un jeune noir de 17 ans, a été acquitté dans la soirée du 13 juillet par la Cour de Sanford en Floride. Ce procès qui a duré trois semaines a été retransmis en continu par la télévision. À l’annonce du verdict, des manifestations ont eu lieu qui ont dénoncé cette décision mais, apparemment, dans un calme relatif au point que les associations noires responsables se sont félicitées de cette modération. « Il y a eu de la colère mais elle s’exprime de manière réfléchie », selon François Durpaire un spécialiste des Etats-Unis (Le Monde).
On pouvait craindre le pire, notamment l’équivalent des émeutes raciales qui avaient marqué les esprits et les citoyens de cet immense pays. Si l’émotion a été vive – un million de tweets publiés, une fois la nouvelle connue -, les débordements extrêmes n’ont pas eu lieu, en grande partie parce que les parents de la jeune victime ont recommandé la non-violence, ainsi que la fille du pasteur Martin Luther King.
Le président Obama n’avait pas ménagé sa compassion en affirmant imprudemment que « s’il avait un fils, il ressemblerait à Trayvon Martin ». Confronté à l’acquittement de George Zimmerman, il a su proférer les paroles qui convenaient en appelant à l’apaisement et au respect de l’état de droit.
Le débat lui-même, réduit à l’essentiel, consistait à déterminer si l’accusé, comme il l’invoquait pour sa défense, avait agi en état de légitime défense.
Zimmerman, « qui patrouillait de son propre chef dans les rues paisibles de Sanford aurait interpellé celui qu’il suspectait d’être un délinquant sur le point de commettre un cambriolage et aurait été forcé d’abattre le jeune homme de 17 ans à bout portant, après avoir été violemment plaqué au sol » (Le Figaro).
Zimmerman était donc armé alors qu’il lui avait été conseillé de « s’abstenir de jouer les justiciers » (Le Monde) et que Trayvon Martin ne l’était pas. Il a été impossible d’identifier la voix qui appelait au secours, Zimmerman, blessé à la tête par ailleurs, affirmant qu’il s’agissait de la sienne. Il indiquait aussi avoir suivi la victime dans la rue parce qu’elle fumait de la marijuana.
Ces données ont nourri des audiences qui, au fil des jours, ont mis en évidence des problématiques de toutes sortes. Sur le port d’armes, sur les milices privées et leur place, sur le choix du procureur d’avoir poursuivi pour meurtre sans préméditation et sur le dernier point capital de la légitime défense.
Les représentants de l’accusation ont été, semble-t-il, inefficaces , n’ayant pas opté pour une qualification d’homicide involontaire qui aurait donné à leur démarche une meilleure assise.
Avec des procédures criminelles différentes, George Zimmerman, s’il avait été français, aurait pu comparaître devant une cour d’assises pour le crime de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. La légitime défense qu’il aurait alléguée aurait été discutée de la même manière et les circonstances de l’affaire examinées avec un soin et une vigilance identiques. Le hasard aurait pu composer le jury seulement de femmes comme en Floride.
Zimmerman aurait été acquitté ou non, on ne peut dire. Mais rien ne s’est produit en Floride qui n’aurait pu se dérouler à Paris.
Le procureur Bernie de la Rionda s’est déclaré déçu mais, respectant la décision du jury, il s’est en quelque sorte consolé en soutenant que leur grand système judiciaire, sans être parfait, était « le meilleur au monde ».
L’avocat de la famille Martin a prétendu que « si Trayvon Martin avait été blanc, cela aurait été une autre histoire ». « Si George Zimmerman avait été noir, il n’aurait jamais été accusé de ce crime » lui a rétorqué le conseil de Zimmerman  (Le Figaro).
Ce qui me passionne dans cette comparaison entre nos deux pays est de pouvoir relever, sans forcer le trait, la même attitude médiatique, en France, à l’égard de cette tragédie américaine que celle qu’elle manifeste face à nos grands procès sensibles et contestés.
Alors qu’il a été rendu compte de ce qui se déroulait au cours de ces débats à Sanford avec la focalisation sur la légitime défense – serait-elle retenue ou non ? -, il a suffi qu’elle le soit et que Zimmerman soit acquitté pour qu’on oublie aussi vite ce qui était en discussion et qu’on prenne le parti, forcément, de la cause du jeune homme noir de 17 ans contre un jury de six femmes ayant délibéré – on a parlé d’une durée de 16 heures – avec une obligation d’unanimité (Le Monde).
Nous savons bien mieux en France ce qu’il convenait de décréter qu’elles, qui se sont contentées de suivre avec attention le procès durant trois semaines à Sanford !
George Zimmerman pourrait faire l’objet d’une vengeance. Payer de sa vie le fait que la justice américaine l’ait estimé en légitime défense le 26 février 2012. Certains le redoutent comme Robert, le frère de George (Le Figaro).
Si George Zimmerman avait été français, je n’ose penser au sort médiatique qui lui aurait été réservé. Il aurait été condamné avant l’heure.

Brétigny-sur-Orge : le Point sur l’affaire

Après des jours de déni acharné  – de la part des autorités et de la plupart des médias – les premières avancées de l’enquête sur les « incidents » qui ont entouré l’action des secouristes et forces de l’ordre à la suite du déraillement de Brétigny semblent accréditer la thèse de tensions très sérieuses et de cas de pillage. Ce sont nos confrères du Point qui nous apprenaient hier que sur le portable de l’un des individus arrêté les enquêteurs avaient trouvé un sms disant en substance : « T’as trouvé quoi dans les bagages ? » L’enquête se poursuit. Dans l’indifférence médiatique générale…

Nouveau timbre de Marianne : Les Femen sont-elles des affranchies ?

Faute d’être un grand artiste, Olivier Ciappa est un poème. L’interview qu’il a donné à Libération pour justifier le choix d’Inna Shevchenko, bûcheronne  ukrainienne et réfugiée politique sextremiste, comme modèle  pour le timbre de Marianne est un chef d’œuvre . « Pour moi, Marianne, qui est représentée seins nus, en 1789 aurait certainement été une Femen car elle se battait pour les valeurs de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité » a déclaré celui qui se décrit comme un « activiste engagé ». Tout le monde sait que Robespierre était un militant LGBT, et que Saint-Just défendait les bébés phoques, mais là tout de même, faut pas pousser.  Dans son CAP en gender studies, il n’y avait sans doute pas de cours d’histoire de France. La vague réminiscence d’une visite scolaire au Louvre a dû lui faire prendre pour un éclair de génie le rapprochement inepte entre la militante féministe et La liberté guidant le peuple de Delacroix, où effectivement Marianne a les seins à l’air… sur les barricades de 1830. Et puis d’abord, contrairement à Inna qui voue une haine viscérale à la famille et à l’hétéro-patriarcat, tout le monde sait depuis Michel Delpech que « Marianne a cinq enfants/ Qu’elle élève de son mieux. »
Ne nous étonnons point d’un choix qui mêle inculture indignée et idéalisme pré-pubère  : ce sont les lycéens, citoyens militants aux goûts trash-lol qui ont eu la dure tâche de désigner de leurs suffrages le « symbole officiel de la France ». Inna la douce a eu heureusement la victoire modeste, elle s’est contenté d’un petit tweet , violent comme une tronçonneuse et vulgaire comme une paire de nichons dans une cathédrale :  « Femen est sur le timbre français. Maintenant les homophobes, les extrémistes et les fascistes devront lécher mon cul quand ils voudront envoyer une lettre.»
Ça ira !

Église, une nouvelle jeunesse

manif pour tous jeunesse catholique

Qui sont ces cathos qui sifflent sur nos têtes ? Après neuf mois de couvaison, de convulsions, de risques de fausse-couche, la parturition a-t-elle eu lieu ? La France s’est en tout cas colorée d’une teinte nouvelle, qui moire un peu plus son visage. La Manif pour tous a dévoilé une force que nul n’avait su voir venir et qui, même si elle a échoué dans son premier but, entend ne pas déserter le paysage. Derrière les manifestations massives et unitaires, on ne peut pas ignorer la floraison de mouvements spontanés comme les Veilleurs, le Camping pour tous, le Printemps français ou les Hommen qui témoignent d’une évidente mutation par rapport aux décennies catholiques précédentes.
Une certaine jeunesse catholique – qui n’a pas grand-chose à voir avec le cliché « lodens et mocassins », prisé par les médias – a découvert les joies et les servitudes de l’affirmation de soi, en même temps que la sensation de sa force. Mais cette génération ne vient pas de nulle part : elle est le fruit d’une lente préparation entamée il y a quarante ans.
Ce sont les enfants d’une trinité pontificale : de Jean Paul II, ils ont appris la capacité à se rassembler, à se compter (4,5 millions de personnes aux JMJ de Manille – record absolu) et à se montrer spectaculairement calmes, dignes et conviviaux ; de Benoît XVI, ils ont connu la profondeur, l’accord de la raison et de la foi, l’approfondissement aussi de la voie écologique ; enfin, de François, même tout jeune pape, la charité et l’amour du plus faible.
Ce sont les enfants du retournement de l’esprit du Concile, dans cette herméneutique de la continuité que prônait Benoît XVI. Ils aiment la liturgie, la rénovent respectueusement, et se rassemblent spontanément pour prier entre eux – ce qui étonne le contemporain. C’est d’ailleurs d’un groupe de formation et de prières, Even, lancé par un jeune prêtre étonnant autant que discret, le père Leproux, qui officie maintenant à Saint-Germain-des-Prés, que sont venus les premiers Veilleurs.
Ils luttent contre la dénaturation du mariage mais aussi contre les OGM. Ça épate le bourgeois, c’est pour eux aussi naturel que de pratiquer la non-violence. Et pourtant, d’où leur vient cette conscience politique qui détonne par sa maturité dans un monde où on est maintenant adolescent  jusqu’à 45 ans ? [access capability= »lire_inedits »] Bien malin qui le saura. Ils n’ont jamais entendu parler du Larzac et de Lanza del Vasto[1. Lanza del Vasto (1901-1981) fut disciple de Gandhi avant de fonder en France les Communautés de l’Arche, prônant la résistance à la technique et la non-violence. Poète et philosophe prolifique, il s’illustra notamment en organisant la guérilla pacifique du Larzac dans les années 1970.]. Cet été, ils projettent de marcher de Lyon jusqu’à Paris, en traversant la France des perdus, des oubliés, friches industrielles comme villages égarés. Ils se souviennent vaguement d’une marche des Beurs qui, il y a trente ans, les y précéda. Mais ils n’étaient même pas nés. « Sur les traces de la colonne Leclerc », affirment-ils naïvement, sans craindre le point Godwin. Plutôt de Lattre et la 1ère Armée, les corrige-t-on.
Bien entendu, les sociologues ont oublié des paramètres déterminants : d’abord, le baby-boom chez les cathos ne s’est jamais arrêté, au contraire, il a pris son essor après 1968 quand l’autre s’achevait ; pour une raison évidente, qui est que l’encyclique de Paul VI, Humanae vitae proscrit les moyens chimiques ou mécaniques de contraception au profit d’une contraception naturelle – un texte vent debout contre le monde qui faisait dire au philosophe post-marxiste Horkheimer : « Paul VI a plus raison même qu’il le sait. » Vient ensuite une façon de penser que l’on pourrait comparer, toutes proportions gardées, à l’esprit de revanche des Français après la défaite de 1870 : le slogan « On est chez nous ! », souvent scandé pendant les manifs, ne renvoyait pas à une dialectique du Français contre l’étranger, mais à la résistance au changement désordonné et obligatoire du monde. Pour tous ces motifs, par amour aussi de la famille en tant qu’organe protecteur, les cathos ont donc eu des enfants, beaucoup d’enfants, depuis trente ans, voire quarante. Dix frères et sœurs, soixante cousins germains, et c’est une république de France qui recommence. Car la démographie, elle, ne ment pas.
Se pose alors la question complexe de la communautarisation des catholiques de France. On peut dire qu’elle a commencé depuis quarante ans, mais pas de leur fait : les diverses lois sociétales votées dans la ferveur de la révolution des mœurs les ont peu à peu écartés des centres du pouvoir, qu’ils soient politiques, médiatiques ou culturels, se surajoutant à la vieille méfiance, d’ailleurs absurde, nourrie par les « républicains » laïcistes à l’endroit du goupillon, toujours suspecté de vouloir refaire alliance avec son ami le sabre pour menacer la paix civile. Les expulsions, la séparation et l’affaire des fiches n’ont toujours pas été digérées, des deux côtés, un siècle plus tard. Reste, chez les catholiques, l’amertume d’une injustice, tempérée par un véritable amour du bien commun, surtout dans une nation qu’ils ont construite. Alors, depuis plus d’une génération, les catholiques vivent la situation paradoxale, peut-être comparable – psychologiquement, s’entend – à celle des juifs en d’autres époques, d’être dans les faits pour moitié dans le monde commun, pour moitié en dehors. Alors, oui, ça complote, ça fantasme le retour à un ordre rêvé, ça crée des codes propres, ça finit par savoir qui est de la famille et qui n’en est pas, ça se renifle à cent mètres, à des prénoms, à des tenues vestimentaires, à des coiffures, à des goûts, à des lectures. Ça crée une contre-culture. Mais le catho a la mauvaise habitude, contrairement aux membres d’autres communautés, d’être indécrottablement exogame. La ghettoïsation ne lui convient pas et, toujours, il cherche à en sortir, et toujours il désire évangéliser la société. C’est plus fort que lui.
Il a cette autre mauvaise habitude, corrélée à la première, de ne pas répondre aux injonctions de classe, telles que Marx les a définies. Le pays a aujourd’hui la mémoire courte, mais il suffit de se pencher sur le XIXe siècle pour se rappeler qu’à d’autres moments, le catholicisme, réduit malgré lui à la bourgeoisie, a tenté, et réussi, des sorties vers le reste du monde et notamment vers les classes populaires. Dès les années 1820, derrière les Lamennais, Lacordaire et autres Ozanam, le catholicisme traditionaliste et légitimiste, défait par la Révolution française, se tournait vers les nouvelles classes ouvrières, et aussi vers les campagnes. Les enfants de l’an 13 sont en réalité nés en 1973 et ils accomplissement enfin la jonction des Lip, des paysans du Larzac et des opposants à la loi Veil. Ce qu’ils ont baptisé l’écologie humaine, celle qui se soucie du sort du chômeur, du SDF comme des OGM, des embryons, des bébés-éprouvettes et des vieux qu’on abat. L’aggiornamento que réclamait Jean XXIII est achevé.[/access]

*Photo: Mon_Tours

Ilan Halevi est mort

ilan halevi israel

La disparition d’un « classard », comme on désigne dans mon village de Haute-Savoie ceux qui sont nés la même année que vous, est toujours traumatisante. Et cela, même si ledit classard fut tout au long de sa vie, de la maternelle jusqu’au club du troisième âge, votre ennemi intime, celui que l’on adorait détester, et qui vous le rendait bien. Ces inimitiés survivent parfois au-delà de la mort, comme dans le cas du père d’Ariel Sharon, qui refusa d’être enterré dans la place de cimetière qui lui avait été attribuée par la direction de son moshav de Kfar Malal, au prétexte qu’il aurait dû côtoyer pour l’éternité un voisin auquel il n’adressait plus la parole.
Ilan Halévi, ci-devant vice-ministre des affaires étrangères de l’Autorité Palestinienne, intime de feu Yasser Arafat, était mon classard, né en  octobre 1943 à Lyon, ville où je jouissais alors, insouciant du contexte, des premiers mois de ma présence au sein des vivants. Être nés juifs la même année, dans la même ville, dans un pays où l’occupant nazi et ses auxiliaires vichystes avaient des projets très précis concernant votre avenir, cela crée un lien. Si âpres aient été les controverses qui les ont opposés, la mort de l’un de ces anciens bébés de la guerre et de la Shoah provoque chez le survivant un sentiment de manque.
C’est pourquoi je n’éprouve aucune envie de cogner post mortem sur un homme sur lequel je n’aurais eu aucun scrupule à tirer si les circonstances nous avaient revêtus d’un uniforme militaire, et pourvu d’un fusil. Nous nous fîmes seulement la guerre par le verbe et par la plume, et je lui rends les honneurs dus à l’ennemi mort au combat, même si ce dernier passe pour un traître aux yeux de nombre de mes amis.
Rien ne m’empêche, en revanche, de traiter comme ils le méritent ceux qui se sont livrés à de vibrants éloges funèbres d’Ilan Halévi, faisant de lui le modèle de ce que devraient être les juifs de France : « un métèque générique », selon Nicole Lapierre, épouse à la ville d’Edwy Plenel. Pour elle, c’est le fin du fin de l’existence humaine. « Un intellectuel juif engagé au coté des Palestiniens dans l’espoir de favoriser une paix véritable au Proche-Orient » selon Pierre Haski, co-fondateur du site Rue89. Un pacifiste, donc, dont le cœur saignait à chaque attentat anti-israélien, mais pas au point de démissionner de son poste.
Qu’Ilan Halevi ait fait de sa judéité une arme pour combattre le sionisme en la mettant au service des pires ennemis de l’Etat juif est  de bonne guerre : s’il avait gardé le nom de famille,  Alain Albert, qui lui fut officiellement attribué par la République Française après son adoption par le second mari de sa mère, sa carrière au sein du Fatah palestinien fût passée quasi inaperçue. Sa notoriété et son audience doivent beaucoup, certes, à ses indéniables qualités intellectuelles et à son incontestable habilité politique. Mais sa posture assumée d’homme public « 100% juif et 100% arabe » avait fait de lui un Ovni politico-médiatique. Qu’un juif choisisse le camp des ennemis de ceux de son peuple qui croient à la nécessité d’un royaume ou d’un Etat des juifs au sein des Nations n’est ni nouveau, ni exceptionnel. Flavius Josèphe sous l’Empire romain, et les ultra-orthodoxes juifs des Neturei Karta qui vont baiser aujourd’hui les babouches de Mahmoud Ahmadinejad en sont les emblèmes d’hier et d’aujourd’hui. C’est cela qui fait tomber en pâmoison les auteurs d’éloges funèbres d’Ilan Halévi, pour qui il n’est de bon juif que ceux qui veulent la mort d’Israël. Comme ils n’osent pas défendre en leur nom ce programme radical, ils font une standing ovation à ceux qui se réclament de leurs origines juives pour diaboliser les « sionistes ». C’est ainsi qu’un historien israélien fourvoyé dans un sujet qu’il ne maîtrise pas, Shlomo Sand, est devenu une gloire de Saint-Germain-des-Prés en prétendant que le peuple juif et Israël sont de pures inventions et en « démissionnant » à grand bruit de ce peuple…
Ce que cherchent ces antisionistes de salon, c’est moins à honorer la mémoire de leurs idoles qu’à faire honte aux juifs, intellectuels ou boutiquiers, qui ne voient aucune contradiction à aimer leur patrie et à s’y sentir bien, et à se soucier de la pérennité d’un Etat qui à la houtzpah de se vouloir juif et démocratique.
Pour que l’hommage posthume fût parfait, il fallait, de surcroît, qu’Ilan Halevi passât pour un martyr de son choix courageux. Il aurait été victime, selon Pierre Haski, d’une « haine tenace qui n’a pas disparu avec le temps ». Au risque de décevoir Haski, et tous ceux qui qui prêtent aux Israéliens des passions qu’ils n’ont pas, il faut bien constater que les responsables de l’Etat juif prenaient Ilan Halévi pour ce qu’il était en réalité : un politicien mineur du Fatah, utilisé par Arafat dans des opérations de relations publiques avec l’intelligentsia française. Seuls quelques excités marginaux de l’extrême droite israélienne francophone tombaient dans le piège grossier tendu par Arafat : faire de lui un « traître générique » c’était lui donner une importance qu’il était loin d’avoir. Quand les Israéliens « haïssent » ceux qu’ils estiment constituer un danger majeur pour leur Etat, ils prennent des mesures qui réduisent notablement leur espérance de vie.  À l’égard d’Halevi, la majorité des Israéliens, classe politique et opinion publique confondues, éprouvaient plutôt une vague curiosité : des « mauvais juifs », ce n’est pas cela qui manque sur cette terre – voir Noam Chomsky ou Richard Falk – mais on s’en est toujours accommodé. Celui-là était un peu différent des autres, car il parle hébreu, et est devenu sous-ministre chez Arafat. Et alors ? On fait avec, de minimis non curat praetor… Si les Français veulent faire de lui un héros, c’est leur affaire, pas la nôtre. On a beaucoup d’autres chats, et des plus hargneux, à fouetter.
Nos auteurs de nécrologies hagiographiques d’Ilan Halevi ont cependant pieusement passé sous silence son choix de faire célébrer ses obsèques en terre française, au Père Lachaise, et non pas à Ramallah. Tout près du lieu où il a été incinéré se trouve  la tombe d’un autre Halévy prénommé Ludovic (1834-1908), dont la gloire est, elle, immortelle : il fut, avec Henri Meilhac, le librettiste de Carmen et des plus célèbres opéras bouffes de Jacques Offenbach. Ce n’était, pour les deux derniers, pas toujours simple d’être juifs dans la France d’Edouard Drumont, mais au moins on ne leur reprochait pas sans cesse l’existence d’un petit Etat proche oriental…

*Photo : TV5.

Varg Vikernes : Cinq ans après Tarnac, le ventre de la DCRI est encore fécond…

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La chasse aux fascistes est ouverte ! Les trains déraillent comme par enchantement dans le grand élan du réel aux abonnés absents : les experts ont tranché, il ne s’est rien passé ; d’ailleurs Brétigny n’existe que dans les cerveaux malades de ceux qui ont la ridicule idée de vivre au-delà du périphérique parisien. Par contre, le ventre de la bête, lui, ne s’est jamais si bien porté : Manuel Valls a dégoté un vrai nazi criminel en puissance et norvégien de surcroît : l’aubaine !
Le voilà le Breivik français (ou presque) ! Hosanna ! Repris de justice, féru de paganisme nordique, assassin dans son pays, musicien de rock dans sa variante «  black métal » nationale socialiste dite Burzum (par pitié, ne me demandez pas de quoi il s’agit !). Bref le gaillard qui se fait appeler Varg (comme le héros des polars de Staalesen, encore un norvégien, et de Bergen comme lui !) est paraît-il une pointure dans son domaine.
Exilé en France et même en Corrèze, qui est décidément le département le plus funeste de l’hexagone, il fomentait, aux dires des barbouzes de la république, un massacre, en compagnie de sa chère et tendre et de ses trois enfants tous nazis : quatre fusils de chasse et une carabine, il préparait sans doute un massacre de chevreuils et de lapins ; le bel Anders, lui, s’était équipé d’un Ruger mini et d’explosifs, avec ça pas besoin de cinq bras pour massacrer. Heureusement, la police veille au grain face aux braconniers mal-pensants et aux terroristes d’opérette (remémorez-vous le redoutable gang de sanguinaires de Tarnac et son führer Julien Coupat le Pol Pot des Millevaches…) ils ont coffré l’affreux avant qu’il ne dézingue une centaine de bobos sur l’ile de Ré à la sarbacane…
Bronzez en paix braves gens, la reprise est là, le mage de l’Elysée l’a vue, et Varg Vikernes est entre les mains de la DCRI. Pendant ce temps, des barbus se marrent, mais c’est une autre histoire….

Femen, je vous aime

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femen inna timbre

femen inna timbre

Nouveau visage timbré de Marianne, Inna Shevchenko en remontre à Brigitte Bardot pour ses déclarations au gros rouge qui tache. Décrétée réfugiée politique par la grâce des autorités françaises, la fondatrice ukrainienne des Femen n’a pas sa langue dans sa poche. Dans ce globish qui lui sert de passe-partout médiatique, la sémillante féministe 2.0 ne craint pas de verser dans l’islamophobie la plus primitive. « What can be more stupid than Ramadan ? What can be more uglier then that religion ! » (sic) lisait-on la semaine dernière sur son compte Twitter (traduction : Qu’y a-t-il de plus idiot que le Ramadan ? Qu’y a-t-il de plus affreux que cette religion !). Passons sur la syntaxe douteuse, les amoureux de la grammaire british se consoleront devant une pièce elisabéthaine.
Toujours est-il que notre chère Inna s’est fait gentiment sermonner pour cette sortie fort peu amène envers les croyants musulmans. L’indispensable Rokhaya Diallo l’a déjà publiquement houspillée, invoquant le néo-colonialisme larvé des féministes à seins nus, et lui prépare sans doute une place de choix dans la moisson 2014 des Y’a Bon Awards. Sommée de s’expliquer dans Libé, Shevchenko assume cette méchante salve, qui a mystérieusement disparu de son compte Twitter, mais fournit des explications tortueuses sur les circonstances de sa rédaction : « J’ai posté ça quand j’ai appris qu’Amina [la Femen tunisienne, NDLR] était obligée de faire le ramadan, en prison, comme les autres détenues, alors qu’elle est athée. C’était sous le coup de l’énervement.» Résolument « religiophobe » et non pas seulement « islamophobe », Inna et ses copines se sont illustrées par leurs actions musclées dans les églises – où, entre autres exploits, elles abattirent à la tronçonneuse une croix érigée en mémoire des victimes de la grande famine ukrainienne – ainsi qu’à la sortie des mosquées, à Paris et à Kairouan. Diversement appréciées, ces opérations coup de poing (ou de mamelles, diront les plus phallocrates…) s’attaquent aux derniers vestiges d’une société patriarcale qui n’existe plus que dans les esprits embrouillés de Caroline Fourest et Najat Vallaud-Belkacem. En la matière, plus la cible est médiatiquement mal en point, plus ses assaillantes se voient portées au pinacle. Comprenez que l’Eglise catholique n’est pas en odeur de sainteté sur Canal +, auprès du Syndicat de la magistrature et de la cellule CGT de France 3. Malmener Benoît XVI ou son successeur François, voire les personnalités cathos par trop ringardes comme Christine Boutin vous assure la mansuétude du ministère de l’Intérieur et des médias, tout aussi bien qu’une adhésion à  l’Action antifasciste Paris-Banlieue. Lorsqu’il s’agit de faire le zouave (navré, je n’ai pas trouvé d’équivalent féminin dans notre langue désespérément fasciste) devant une mosquée pour moquer la bigoterie mahométane, l’affaire devient soudain moins entendue. Car l’on peut claironner sans danger que Mahomet était un dangereux barbare, critiquer les sourates liberticides au nom d’une conception moderne de l’égalité. Jusque-là, la presse et la télé vous suivront, quoique d’un pas chaloupé, histoire de ne pas trop « stigmatiser ». Pourvu qu’on n’esquisse pas le moindre début de pensée critique face à l’immigration de masse, on peut tirer à l’aise sur l’islam et ses conséquences sociétales.
On chercherait en vain la moindre remise en cause du consumérisme, de la société industrielle et du capitalisme chez ces progressistes que nos gouvernants célèbrent à l’unisson. Si le pseudo-féminisme « religiophobe » a une mission, c’est bien l’occultation du réel et de sa critique. Dénoncer l’exploitation de la femme par l’homme en oubliant l’exploitation de l’homme par l’homme, voilà la dernière martingale de l’aile gauche du capital !
Chez nos amazones, point de littérature. Grâce aux tribulations de la jeune Iseul en leur sein (jeu de mots de mauvais aloi…), on sait le corpus idéologique des Femen aussi mince qu’un 75A. Oubliées Beauvoir, Groult, Butler côté jardin, l’enchanteresse Delphine Seyrig côté cour. Ces péronnelles cultivent le culte de l’action. Pour analyser leur doctrine, il faut se contenter des ersatz dont elles se repaissent sur Facebook et Twitter.
Les gardiens du temple familial auront beau jeu de honnir ces jeunes femmes. En fait d’épouvantails, la Femen est l’avenir de l’homo oeconomicus. Ni ukrainien ni français, ni chrétien, ni musulman, ni homme, ni femme, le néo-humain femenisé sera bientôt libre de toute attache. Avec un seul mot d’ordre : con-somme !
On aura beau crier à la diversion ou clamer que les Femen ont plusieurs guerres de retard, cela ne douchera pas notre optimisme. Au couchant de sa vie, Debord estimait qu’« il y a des époques ou mentir est presque sans danger parce que la vérité n’a plus d’amis »[2.  Article « Abat-faim » de l’Encyclopédie des nuisances (1984).]. Il est parfois des ficelles assez grosses pour abattre l’attelage qu’elles supportent…

Enfin, un Breivik français!

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antifa meric esteban

antifa meric esteban

« Tu te rends compte qu’au XXIe siècle, on peut encore mourir sous les coups d’un nazi ! » Cette phrase n’a pas été prononcée par un adolescent pré-pubère confondant l’Histoire avec ses petites névroses, mais par un quarantenaire à la pointe de la modernité, qui éduque ses enfants conformément à la théorie du genre, porte à merveille le poncho Manu Chao et occupe un poste à responsabilité dans l’intelligentsia télévisuelle. Un gars talentueux au cerveau aiguisé, qui se trouve par ailleurs être l’un des camarades avec qui je sirote volontiers quelques mojitos sur une terrasse de la place des Abbesses.
L’odieux « assassinat politique » de l’« antifa » Clément Méric devait remettre du baume au sacré-cœur de mes amis « CSP+ mal rasés ». Ils l’attendaient depuis des années, cette parabole du héros terrassé par des salauds. Enfin, ils allaient pouvoir se rouler dans les éditos de Libération comme dans du coton soyeux, avec la fierté du devoir accompli. C’est que, des salons bourgeois où ils jouent à la Résistance, ils l’avaient vue venir avant tout le monde, la tornade fasciste.
Les médias chargés de diffuser la bonne parole allaient pouvoir recycler leur article, d’occasion mais néanmoins définitif, sur le « climat de haine insidieux » et les « idées nauséabondes » (ou « rances », au choix) propagées par une droite « décomplexée », occupée à « faire le lit » de qui on sait. Opportunité inespérée car, en mars 2012, le même article avait dû être, in extremis, ravalé par les rotatives, lorsqu’il avait bien fallu admettre que le tueur de Toulouse et de Montauban n’était pas le skinhead à front bas, le Breivik français dont rêvaient l’intelligentsia bobo, François Bayrou et le candidat François Hollande – lequel en avait profité pour sermonner l’usurpateur : « Il y a des mots qui influencent, qui pénètrent, qui libèrent ; ceux qui ont des responsabilités doivent maîtriser leur vocabulaire. » Le « mariage pour  tous » et la mini-jupe de Frigide Barjot étaient encore dans les cartons, mais on connaissait bien l’identité du fauteur de haine : de la Rolex de Nicolas Sarkozy à la kalachnikov de son bras armé, le lien de causalité était évident.
Et puis, patatras, ce fut Mohamed Merah, au grand dam des journalistes – l’un d’eux avoua, dans un tweet, qu’il était bien déçu. Ces valeureux résistants allaient-ils être contraints de réviser leurs certitudes ? Ils trouvèrent promptement la parade : le tueur était un « loup solitaire », un arbre qui ne cachait aucune forêt. On ne trouva pas trace d’un « climat » délétère ou d’un « terrain » favorable qui l’auraient « décomplexé ». La véritable menace était ailleurs, aussi s’empressa-t-on de dénoncer les « amalgames » et la « stigmatisation ».[access capability= »lire_inedits »]
Un an après, survient alors la mort tragique de Clément Méric. La gauche est au pouvoir, mais le « climat » est toujours aussi lourd et la droite, toujours aussi « décomplexée », jusqu’à ce jus de poubelle de la société prénommé Esteban. Cette fois, c’est du tout cuit, la cause est aussi inattaquable que la taxe à 75%. Du skinhead nazi : on n’en demandait pas tant ! Certes, il se prénomme Esteban et pas Jean-Pierre, mais bon, personne n’est parfait. Disons qu’il est à 95% le coupable idéal. Et après le traumatisme Merah, il fera l’affaire.
Aux terrasses du Sacré-Cœur, mes camarades CSP+ n’ont pas de larmes assez chaudes pour honorer un antifasciste qui affrontait courageusement les hordes à crâne rasé qui hantent, nuit après nuit, les rues de Paris. Quoi, vous n’en avez jamais vu ?
Avec le fascisme à nos portes, même les mojitos ont un goût amer, sans parler des vacances en Corse et de la réservation de cette villa près de Calvi, allons-y quand même, mais le cœur n’y est plus. Il reste encore des miles sur le compte Amex de ton père ? On résistera mieux à ce lourd « climat » de haine dans une paillote plantée sur une plage privée. Aux terrasses du Sacré-Cœur, la bonne conscience (c’est-à-dire la conscience de leur propre bonté) submerge mes amis. Un jeune homme est mort. La faute aux faiseurs de « climat », de Frigide Barjot à Jean-Pierre Pernaut, en passant par les « dégénérés » de la Manif pour tous : « Des cousins germains qui s’accouplent, ça se voyait tout de suite », lance ma voisine en avalant une lampée de jus de groseille antioxydant. Mes amis aiment l’Autre.
Le ciel est black comme leur carte de crédit. Vous n’auriez pas les paroles de No pasaran ? C’est pour mon statut Facebook.
Et puis, à nouveau tout s’écroule. Encore raté.
La faute au réel. Saleté de témoignage d’un vigile qui a repéré les deux bandes dans une vente privée. Saleté de juge qui poursuit pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». « Sans intention », un nazi à crâne rasé ? C’est pas une intention, ça, de se raser le crâne ? Et comme si ça ne suffisait pas, il y a cette saleté de vidéo dégotée par la police, où il semble bien qu’on voie Esteban traqué par des « antifas »… Esteban attaqué dans le dos. Et répliquant.
Le réel est une belle putain. Quand viendra le Grand Soir antifasciste, avec des vrais méchants qui permettront à mes amis de se sentir encore plus gentils ? Quand apprendra-t-on enfin aux enfants ce que tout le monde sait place des Abbesses : qu’il existe deux catégories de bourgeois, les dégueulasses de la Manif pour tous et les sympas, ceux qui, pour devenir propriétaires, préfèrent les quartiers populaires (au moins dans les films) du Sacré-Cœur aux allées décomplexées du 16e arrondissement. Quand mes amis cesseront-ils de se couvrir de ridicule pour mettre à profit ce « cerveau aiguisé » qui les rend si délicieux dès qu’on ne parle pas de politique ?
Au fait, que pouvait bien vouloir dire Winston Churchill en affirmant : « Les fascistes de demain s’appelleront eux-mêmes antifascistes. » Pas clair, le gars.
Deux mojitos et l’addition ! Tu vas voir l’exposition « Nouvelles vagues » au Palais de Tokyo ?[/access]

*Photo: Soleil

Marianne, icône timbrée

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Les timbres sont de petits bouts de papier fascinants, qui permettent de payer l’affranchissement des lettres d’amour et des faire-part de décès. Les timbres font le délice des collectionneurs et la fierté de La Poste. On voit par là que le sujet est d’importance. L’information selon laquelle le visage apposé sur le nouveau timbre « Marianne », dessiné par les artistes David Kawena et Olivier Ciappa, s’inspire du visage d’Inna Shevchenko (fondatrice du mouvement Femen) ne vous aura certainement pas échappé.
Ce nouveau timbre, présenté comme une « Marianne de la jeunesse » a été « dévoilé » dimanche par François Hollande. Dévoilé, je souligne, car se sont les mots de la Présidence, et pas simplement « présenté ». Le sujet est d’importance. Le sujet est quasiment religieux. Car donner à Marianne les traits d’une Femen, est le coup de génie d’une modernité laïque qui réaffirme gaiement les contours de ses propres croyances et de son mysticisme : la jeunesse, la féminité, la contestation, la nudité, etc.
Mais qui est Marianne ? Bien avant d’être incarnée par Brigitte Bardot ou Catherine Deneuve, la figure de Marianne est celle d’une sainte laïque. Philippe Muray en parlait en ces termes dans Le XIXe siècle à travers les âges : « Tous les jours nous léchons pour les coller sur des enveloppes l’envers de timbres reproduisant la tête d’une femme coiffée d’un bonnet phrygien. On la prénomme Marianne cette créature sévère avec son bonnet frigide sur la tête. Mais d’abord pourquoi ce bonnet ? Référence en passant au culte de Mithra, le grand totémisme phrygien des baptêmes dans le sang des taureaux. Rappel aussi de l’interprétation rosicrucienne du bonnet écarlate dont on coiffait le massacreur du taureau et qui était censé symboliser le prépuce ensanglanté… La République Française, donc, gravée dans son carré de timbre avec sa verge rebroussée rouge sur la tête. On s’en met, des choses curieuses, sous la langue chaque jour…Cocarde circoncise. Avertissement répété à la castration. Chapeau de sacrifice. Souvenir sous votre salive de l’assassinat fondateur devenu couvre-chef ou béret rituel. » Un peu plus loin Muray s’interroge sur le nom même de Marianne, et propose une hypothèse allant à contre-courant des lectures habituelles : « Le nom de Marianne adopté comme prénom qui-va-de-soi de la République allégorisée vient tout simplement d’une société clandestine qui s’appelait La Marianne. Une association de conjurés de l’ouest conspirant dans le but de renverser le régime mis en place par le coup d’état du 2 décembre 1851 ». Sombre culte socialiste à mystères, dont les rites incluent des cérémonies initiatiques, la récitation de répliques apprises par cœur, des signes de reconnaissance, etc. Rituels. Religion. « Cent ans plus tard, évidemment, tout le monde a oublié ces laborieuses origines. Marianne est devenue une revenante, elle aussi, un petit fantôme dans son carré de papier crypté. La société secrète est loin. Du moins on pourrait le croire. Elle est toujours là en vérité, somnambuliquement vraie avec son bonnet pénien, elle a survécu à ses débuts camouflés  »
On pourrait croire que la Sainte-Femen-Marianne-de-la-jeunesse portait un collier de fleurs sous son bonnet phrygien ; faux : elle porte l’auréole renouvelée de notre modernité. Et le concert de louanges que l’on entend à son propos, depuis quelques jours, n’est que le chant d’amour de nos contemporains pour un symbole dévot. Et quand la ferveur religieuse envers les Femen (elles adorent d’ailleurs faire des happenings dans des églises) rencontre la dévotion envers le mystère-républicain-à-bonnet le succès est assuré. On va lécher, on va lécher… ah ça oui, on va lécher !

Droite sans domicile fixe

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alain juppe rpr ump

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Le regain – très virtuel – de popularité d’Alain Juppé auprès des sympathisants de l’UMP (54 %, considèrent qu’il ferait un bon président de la République, devant Fillon et Copé) montre bien la confusion qui règne chez les électeurs du grand parti de droite. Car si aujourd’hui la droite française est en crise de positionnement, c’est en grande partie dû aux manigances du maire de Bordeaux, président fondateur de l’UMP, pour noyer l’exception gaulliste dans un grand parti taillé à la mesure de ses ambitions mais structurellement voué à être une aberration politique.
Jusqu’en 2000, et depuis les débuts de la Vème République, la droite était structurée autour d’un parti gaulliste fort, et d’une nébuleuse centriste. Cette division était pertinente et reproduisait globalement la distinction de René Rémond entre droite bonapartiste et droite orléaniste. Elle ratissait au mieux le terrain électoral. Aux centristes démocrates chrétiens l’Alsace et les bocages de l’Ouest, aux Radicaux et aux gaullo-radicaux le Sud-Ouest, aux gaullo-bonapartistes partisans de la plus grande France, la Corse et l’outre-mer…
Ce découpage partisan s’ancrait donc dans des réalités humaines et historiques profondes, et ne se résumait pas à un simple clivage droite/gauche. Beaucoup d’élus centristes, aristocrates du bocage, et autres allergiques aux RPR car girondins et européens, étaient en effet beaucoup plus à droite que les gaullistes. Au sein de la famille centriste, la plupart des Républicains indépendants, par la suite devenus membres de l’UDF, étaient très libéraux sur le plan économique et flirtaient souvent avec l’extrême droite quand ils n’en venaient pas.
À l’inverse, le RPR, c’était « le métro aux heures de pointe ». Tous les gaullistes, et pas seulement les « gaullistes de gauche » ne se disaient de droite qu’avec répugnance. De fait, la mystique de la Résistance,  la projection dans ses congrès des images de Londres et de la Libération faisaient du RPR un parti populaire, à la sociologie électorale proche de celle du grand parti radical, rassemblant bien au-delà des franges traditionnelles de la droite.
La barrière avec l’extrême droite était infranchissable. D’abord, au début, l’extrême droite, c’était l’OAS, incompatible avec les gaullistes. Ensuite, quand on répugne à se dire de droite, on est moins programmé à se rapprocher de l’extrême droite.
Cette organisation, malgré les rivalités Chirac/Giscard et les tensions RPR/ UDF, n’a jamais empêché les accords victorieux d’investiture aux législatives, mais elle a volé en éclat à cause de la stratégie personnelle d’un homme seul, ayant la mainmise sur la stratégie de Jacques Chirac, Alain Juppé.
Dès la campagne de 1995 dans laquelle il n’a joué qu’un rôle tardif et marginal, éclipsé par Philippe Séguin, Alain Juppé a compris que le RPR, qui plébiscitait à l’applaudimètre Séguin et Pasqua,  n’en ferait jamais son candidat à la présidentielle, et n’aimerait jamais un technocrate froid au cœur penchant vers Bruxelles. Il lui fallait donc un parti débarrassé des gaullistes et du gaullisme et même des chiraquiens. Comme l’a confié François Baroin à Anne Fulda à propos de  l’action de Juppé en 1995, « Je n’ai pas tout de suite compris que ce qui se tramait en fait, c’était une entreprise méthodique d’élimination des chiraquiens »[1. Anne Fulda, François Baroin, le faux discret, Jean-Claude Lattès 2011.].
Pour qu’un parti à sa main l’investisse un jour, il fallait liquider le gaullisme, expliquer que son ralliement à l’Europe rendait caduque la division entre la droite et le centre, que son ralliement au libéralisme rendait désuet le volontarisme d’Etat et caduque les différences avec l’UDF. Contrairement à ce qu’on a fait croire par la suite, Alain Juppé a aussi été un des premiers à prôner un retour dans le commandement intégré de l’OTAN. À partir de 1997, tout fut mis en œuvre pour saper l’autorité des présidents du RPR, Séguin puis Alliot-Marie. On défendait en parallèle  en s’appuyant sur des chevaux légers UDF l’idée d’un grand parti unique de la droite et du centre en expliquant que plus rien ne justifiait la survivance d’un parti gaulliste. Les gaullistes comme Pons ou Séguin  ne réussirent qu’à différer la création de ce parti « hors-sol » après la réélection de Chirac en 2002.
Mais dans cette histoire,  Juppé  a été le dindon de la farce puisque, condamné par la justice, il a été obligé de céder son parti à son pire adversaire, Nicolas Sarkozy. Or, contrairement à une idée courante, Sarkozy, adoubé par Séguin et Pons, est le vrai héritier idéologique du Chirac de 1995. Ce sont les militants gaullistes et chiraquiens, bonapartistes, qui se sont portés  en masse sur Sarkozy pendant que les centristes de l’UMP se jetaient dans dans les bras d’un Chirac vieillissant et d’un Villepin balladurisés dans un discours de consensus mou. La présidentielle de 2007 a montré, infligeant un désaveu cinglant aux analyses intéressées de Juppé,  qu’avec un UMP-RPR fort (Sarkozy 31%) et un centriste à bon étiage (Bayrou 18%), on pouvait écraser le Front National (10%) pour gagner la présidentielle et les législatives sans recourir au « parti unique de la droite et du centre » et mieux qu’avec lui.
Mais depuis que Sarkozy est sorti du jeu, l’UMP se retrouve face à ses contradictions. Comment continuer à le vendre comme parti unique de la droite et du centre alors qu’il y a un centre, l’UDI, et peut-être deux candidats à la Présidentielle (Borloo, Bayrou) ?
En essayant de conjurer la division originelle dans le pluralisme des « courants », l’UMP a perdu  l’avantage comparatif qu’avait le RPR en se rattachant à la mystique gaulliste, à celle du CNR et de la Libération. Pour utiliser le vocabulaire du marketing, on peut dire que pour son confort personnel, Juppé a liquidé une marque qui avait une histoire et qui constituait un atout, pour une marque générique d’hypermarché (« droite et centre »)  moins porteuse. Si être de droite, c’est trouver que les riches paient trop d’impôt, que les salariés coûtent trop chers, que les syndicats sont nuisibles, ce n’est pas très porteur! Il n’est d’ailleurs pas étonnant que la dérive droitière de l’UMP corresponde à une montée dans l’organigramme des transfuges du parti républicain et des conservateurs du bocage.
La véritable voie de salut pour l’UMP consisterait donc à renoncer à incarner le centre, la Gironde et l’Europe et remplacer sa référence « de droite » en redevenant gaulliste, radical, libéral et républicain afin de couvrir le vaste champ idéologique et populaire qu’elle a perdu en liquidant le RPR. Ce qui suppose notamment de renouer avec l’euroscepticisme. Comment un parti héritier du RPR dont 80% des militants et 60% des électeurs ont voté contre Maastricht peut-il ne compter plus aucun dirigeant de premier plan reprenant ce discours ?
En un mot, l’UMP doit enfin comprendre que son vice originel est d’avoir été conçue, dans  une sorte de gestation pour autrui,  par un calcul faux,  en fonction de la seule ambition personnelle  d’un homme qui ne serait jamais président et qui, depuis le gâchis de la présidence Chirac et jusqu’à ses médiations intéressées et ses tentations de retour,  n’a pas fini de miner  la droite française.

*Photo : UMP Photos.

Si George Zimmerman avait été français…

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George Zimmerman, agent de sécurité « amateur », accusé du meurtre, le 26 février 2012, de Trayvon Martin, un jeune noir de 17 ans, a été acquitté dans la soirée du 13 juillet par la Cour de Sanford en Floride. Ce procès qui a duré trois semaines a été retransmis en continu par la télévision. À l’annonce du verdict, des manifestations ont eu lieu qui ont dénoncé cette décision mais, apparemment, dans un calme relatif au point que les associations noires responsables se sont félicitées de cette modération. « Il y a eu de la colère mais elle s’exprime de manière réfléchie », selon François Durpaire un spécialiste des Etats-Unis (Le Monde).
On pouvait craindre le pire, notamment l’équivalent des émeutes raciales qui avaient marqué les esprits et les citoyens de cet immense pays. Si l’émotion a été vive – un million de tweets publiés, une fois la nouvelle connue -, les débordements extrêmes n’ont pas eu lieu, en grande partie parce que les parents de la jeune victime ont recommandé la non-violence, ainsi que la fille du pasteur Martin Luther King.
Le président Obama n’avait pas ménagé sa compassion en affirmant imprudemment que « s’il avait un fils, il ressemblerait à Trayvon Martin ». Confronté à l’acquittement de George Zimmerman, il a su proférer les paroles qui convenaient en appelant à l’apaisement et au respect de l’état de droit.
Le débat lui-même, réduit à l’essentiel, consistait à déterminer si l’accusé, comme il l’invoquait pour sa défense, avait agi en état de légitime défense.
Zimmerman, « qui patrouillait de son propre chef dans les rues paisibles de Sanford aurait interpellé celui qu’il suspectait d’être un délinquant sur le point de commettre un cambriolage et aurait été forcé d’abattre le jeune homme de 17 ans à bout portant, après avoir été violemment plaqué au sol » (Le Figaro).
Zimmerman était donc armé alors qu’il lui avait été conseillé de « s’abstenir de jouer les justiciers » (Le Monde) et que Trayvon Martin ne l’était pas. Il a été impossible d’identifier la voix qui appelait au secours, Zimmerman, blessé à la tête par ailleurs, affirmant qu’il s’agissait de la sienne. Il indiquait aussi avoir suivi la victime dans la rue parce qu’elle fumait de la marijuana.
Ces données ont nourri des audiences qui, au fil des jours, ont mis en évidence des problématiques de toutes sortes. Sur le port d’armes, sur les milices privées et leur place, sur le choix du procureur d’avoir poursuivi pour meurtre sans préméditation et sur le dernier point capital de la légitime défense.
Les représentants de l’accusation ont été, semble-t-il, inefficaces , n’ayant pas opté pour une qualification d’homicide involontaire qui aurait donné à leur démarche une meilleure assise.
Avec des procédures criminelles différentes, George Zimmerman, s’il avait été français, aurait pu comparaître devant une cour d’assises pour le crime de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. La légitime défense qu’il aurait alléguée aurait été discutée de la même manière et les circonstances de l’affaire examinées avec un soin et une vigilance identiques. Le hasard aurait pu composer le jury seulement de femmes comme en Floride.
Zimmerman aurait été acquitté ou non, on ne peut dire. Mais rien ne s’est produit en Floride qui n’aurait pu se dérouler à Paris.
Le procureur Bernie de la Rionda s’est déclaré déçu mais, respectant la décision du jury, il s’est en quelque sorte consolé en soutenant que leur grand système judiciaire, sans être parfait, était « le meilleur au monde ».
L’avocat de la famille Martin a prétendu que « si Trayvon Martin avait été blanc, cela aurait été une autre histoire ». « Si George Zimmerman avait été noir, il n’aurait jamais été accusé de ce crime » lui a rétorqué le conseil de Zimmerman  (Le Figaro).
Ce qui me passionne dans cette comparaison entre nos deux pays est de pouvoir relever, sans forcer le trait, la même attitude médiatique, en France, à l’égard de cette tragédie américaine que celle qu’elle manifeste face à nos grands procès sensibles et contestés.
Alors qu’il a été rendu compte de ce qui se déroulait au cours de ces débats à Sanford avec la focalisation sur la légitime défense – serait-elle retenue ou non ? -, il a suffi qu’elle le soit et que Zimmerman soit acquitté pour qu’on oublie aussi vite ce qui était en discussion et qu’on prenne le parti, forcément, de la cause du jeune homme noir de 17 ans contre un jury de six femmes ayant délibéré – on a parlé d’une durée de 16 heures – avec une obligation d’unanimité (Le Monde).
Nous savons bien mieux en France ce qu’il convenait de décréter qu’elles, qui se sont contentées de suivre avec attention le procès durant trois semaines à Sanford !
George Zimmerman pourrait faire l’objet d’une vengeance. Payer de sa vie le fait que la justice américaine l’ait estimé en légitime défense le 26 février 2012. Certains le redoutent comme Robert, le frère de George (Le Figaro).
Si George Zimmerman avait été français, je n’ose penser au sort médiatique qui lui aurait été réservé. Il aurait été condamné avant l’heure.

Brétigny-sur-Orge : le Point sur l’affaire

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Après des jours de déni acharné  – de la part des autorités et de la plupart des médias – les premières avancées de l’enquête sur les « incidents » qui ont entouré l’action des secouristes et forces de l’ordre à la suite du déraillement de Brétigny semblent accréditer la thèse de tensions très sérieuses et de cas de pillage. Ce sont nos confrères du Point qui nous apprenaient hier que sur le portable de l’un des individus arrêté les enquêteurs avaient trouvé un sms disant en substance : « T’as trouvé quoi dans les bagages ? » L’enquête se poursuit. Dans l’indifférence médiatique générale…

Nouveau timbre de Marianne : Les Femen sont-elles des affranchies ?

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Faute d’être un grand artiste, Olivier Ciappa est un poème. L’interview qu’il a donné à Libération pour justifier le choix d’Inna Shevchenko, bûcheronne  ukrainienne et réfugiée politique sextremiste, comme modèle  pour le timbre de Marianne est un chef d’œuvre . « Pour moi, Marianne, qui est représentée seins nus, en 1789 aurait certainement été une Femen car elle se battait pour les valeurs de la République, la liberté, l’égalité, la fraternité » a déclaré celui qui se décrit comme un « activiste engagé ». Tout le monde sait que Robespierre était un militant LGBT, et que Saint-Just défendait les bébés phoques, mais là tout de même, faut pas pousser.  Dans son CAP en gender studies, il n’y avait sans doute pas de cours d’histoire de France. La vague réminiscence d’une visite scolaire au Louvre a dû lui faire prendre pour un éclair de génie le rapprochement inepte entre la militante féministe et La liberté guidant le peuple de Delacroix, où effectivement Marianne a les seins à l’air… sur les barricades de 1830. Et puis d’abord, contrairement à Inna qui voue une haine viscérale à la famille et à l’hétéro-patriarcat, tout le monde sait depuis Michel Delpech que « Marianne a cinq enfants/ Qu’elle élève de son mieux. »
Ne nous étonnons point d’un choix qui mêle inculture indignée et idéalisme pré-pubère  : ce sont les lycéens, citoyens militants aux goûts trash-lol qui ont eu la dure tâche de désigner de leurs suffrages le « symbole officiel de la France ». Inna la douce a eu heureusement la victoire modeste, elle s’est contenté d’un petit tweet , violent comme une tronçonneuse et vulgaire comme une paire de nichons dans une cathédrale :  « Femen est sur le timbre français. Maintenant les homophobes, les extrémistes et les fascistes devront lécher mon cul quand ils voudront envoyer une lettre.»
Ça ira !

Église, une nouvelle jeunesse

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manif pour tous jeunesse catholique

manif pour tous jeunesse catholique

Qui sont ces cathos qui sifflent sur nos têtes ? Après neuf mois de couvaison, de convulsions, de risques de fausse-couche, la parturition a-t-elle eu lieu ? La France s’est en tout cas colorée d’une teinte nouvelle, qui moire un peu plus son visage. La Manif pour tous a dévoilé une force que nul n’avait su voir venir et qui, même si elle a échoué dans son premier but, entend ne pas déserter le paysage. Derrière les manifestations massives et unitaires, on ne peut pas ignorer la floraison de mouvements spontanés comme les Veilleurs, le Camping pour tous, le Printemps français ou les Hommen qui témoignent d’une évidente mutation par rapport aux décennies catholiques précédentes.
Une certaine jeunesse catholique – qui n’a pas grand-chose à voir avec le cliché « lodens et mocassins », prisé par les médias – a découvert les joies et les servitudes de l’affirmation de soi, en même temps que la sensation de sa force. Mais cette génération ne vient pas de nulle part : elle est le fruit d’une lente préparation entamée il y a quarante ans.
Ce sont les enfants d’une trinité pontificale : de Jean Paul II, ils ont appris la capacité à se rassembler, à se compter (4,5 millions de personnes aux JMJ de Manille – record absolu) et à se montrer spectaculairement calmes, dignes et conviviaux ; de Benoît XVI, ils ont connu la profondeur, l’accord de la raison et de la foi, l’approfondissement aussi de la voie écologique ; enfin, de François, même tout jeune pape, la charité et l’amour du plus faible.
Ce sont les enfants du retournement de l’esprit du Concile, dans cette herméneutique de la continuité que prônait Benoît XVI. Ils aiment la liturgie, la rénovent respectueusement, et se rassemblent spontanément pour prier entre eux – ce qui étonne le contemporain. C’est d’ailleurs d’un groupe de formation et de prières, Even, lancé par un jeune prêtre étonnant autant que discret, le père Leproux, qui officie maintenant à Saint-Germain-des-Prés, que sont venus les premiers Veilleurs.
Ils luttent contre la dénaturation du mariage mais aussi contre les OGM. Ça épate le bourgeois, c’est pour eux aussi naturel que de pratiquer la non-violence. Et pourtant, d’où leur vient cette conscience politique qui détonne par sa maturité dans un monde où on est maintenant adolescent  jusqu’à 45 ans ? [access capability= »lire_inedits »] Bien malin qui le saura. Ils n’ont jamais entendu parler du Larzac et de Lanza del Vasto[1. Lanza del Vasto (1901-1981) fut disciple de Gandhi avant de fonder en France les Communautés de l’Arche, prônant la résistance à la technique et la non-violence. Poète et philosophe prolifique, il s’illustra notamment en organisant la guérilla pacifique du Larzac dans les années 1970.]. Cet été, ils projettent de marcher de Lyon jusqu’à Paris, en traversant la France des perdus, des oubliés, friches industrielles comme villages égarés. Ils se souviennent vaguement d’une marche des Beurs qui, il y a trente ans, les y précéda. Mais ils n’étaient même pas nés. « Sur les traces de la colonne Leclerc », affirment-ils naïvement, sans craindre le point Godwin. Plutôt de Lattre et la 1ère Armée, les corrige-t-on.
Bien entendu, les sociologues ont oublié des paramètres déterminants : d’abord, le baby-boom chez les cathos ne s’est jamais arrêté, au contraire, il a pris son essor après 1968 quand l’autre s’achevait ; pour une raison évidente, qui est que l’encyclique de Paul VI, Humanae vitae proscrit les moyens chimiques ou mécaniques de contraception au profit d’une contraception naturelle – un texte vent debout contre le monde qui faisait dire au philosophe post-marxiste Horkheimer : « Paul VI a plus raison même qu’il le sait. » Vient ensuite une façon de penser que l’on pourrait comparer, toutes proportions gardées, à l’esprit de revanche des Français après la défaite de 1870 : le slogan « On est chez nous ! », souvent scandé pendant les manifs, ne renvoyait pas à une dialectique du Français contre l’étranger, mais à la résistance au changement désordonné et obligatoire du monde. Pour tous ces motifs, par amour aussi de la famille en tant qu’organe protecteur, les cathos ont donc eu des enfants, beaucoup d’enfants, depuis trente ans, voire quarante. Dix frères et sœurs, soixante cousins germains, et c’est une république de France qui recommence. Car la démographie, elle, ne ment pas.
Se pose alors la question complexe de la communautarisation des catholiques de France. On peut dire qu’elle a commencé depuis quarante ans, mais pas de leur fait : les diverses lois sociétales votées dans la ferveur de la révolution des mœurs les ont peu à peu écartés des centres du pouvoir, qu’ils soient politiques, médiatiques ou culturels, se surajoutant à la vieille méfiance, d’ailleurs absurde, nourrie par les « républicains » laïcistes à l’endroit du goupillon, toujours suspecté de vouloir refaire alliance avec son ami le sabre pour menacer la paix civile. Les expulsions, la séparation et l’affaire des fiches n’ont toujours pas été digérées, des deux côtés, un siècle plus tard. Reste, chez les catholiques, l’amertume d’une injustice, tempérée par un véritable amour du bien commun, surtout dans une nation qu’ils ont construite. Alors, depuis plus d’une génération, les catholiques vivent la situation paradoxale, peut-être comparable – psychologiquement, s’entend – à celle des juifs en d’autres époques, d’être dans les faits pour moitié dans le monde commun, pour moitié en dehors. Alors, oui, ça complote, ça fantasme le retour à un ordre rêvé, ça crée des codes propres, ça finit par savoir qui est de la famille et qui n’en est pas, ça se renifle à cent mètres, à des prénoms, à des tenues vestimentaires, à des coiffures, à des goûts, à des lectures. Ça crée une contre-culture. Mais le catho a la mauvaise habitude, contrairement aux membres d’autres communautés, d’être indécrottablement exogame. La ghettoïsation ne lui convient pas et, toujours, il cherche à en sortir, et toujours il désire évangéliser la société. C’est plus fort que lui.
Il a cette autre mauvaise habitude, corrélée à la première, de ne pas répondre aux injonctions de classe, telles que Marx les a définies. Le pays a aujourd’hui la mémoire courte, mais il suffit de se pencher sur le XIXe siècle pour se rappeler qu’à d’autres moments, le catholicisme, réduit malgré lui à la bourgeoisie, a tenté, et réussi, des sorties vers le reste du monde et notamment vers les classes populaires. Dès les années 1820, derrière les Lamennais, Lacordaire et autres Ozanam, le catholicisme traditionaliste et légitimiste, défait par la Révolution française, se tournait vers les nouvelles classes ouvrières, et aussi vers les campagnes. Les enfants de l’an 13 sont en réalité nés en 1973 et ils accomplissement enfin la jonction des Lip, des paysans du Larzac et des opposants à la loi Veil. Ce qu’ils ont baptisé l’écologie humaine, celle qui se soucie du sort du chômeur, du SDF comme des OGM, des embryons, des bébés-éprouvettes et des vieux qu’on abat. L’aggiornamento que réclamait Jean XXIII est achevé.[/access]

*Photo: Mon_Tours

Ilan Halevi est mort

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ilan halevi israel

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La disparition d’un « classard », comme on désigne dans mon village de Haute-Savoie ceux qui sont nés la même année que vous, est toujours traumatisante. Et cela, même si ledit classard fut tout au long de sa vie, de la maternelle jusqu’au club du troisième âge, votre ennemi intime, celui que l’on adorait détester, et qui vous le rendait bien. Ces inimitiés survivent parfois au-delà de la mort, comme dans le cas du père d’Ariel Sharon, qui refusa d’être enterré dans la place de cimetière qui lui avait été attribuée par la direction de son moshav de Kfar Malal, au prétexte qu’il aurait dû côtoyer pour l’éternité un voisin auquel il n’adressait plus la parole.
Ilan Halévi, ci-devant vice-ministre des affaires étrangères de l’Autorité Palestinienne, intime de feu Yasser Arafat, était mon classard, né en  octobre 1943 à Lyon, ville où je jouissais alors, insouciant du contexte, des premiers mois de ma présence au sein des vivants. Être nés juifs la même année, dans la même ville, dans un pays où l’occupant nazi et ses auxiliaires vichystes avaient des projets très précis concernant votre avenir, cela crée un lien. Si âpres aient été les controverses qui les ont opposés, la mort de l’un de ces anciens bébés de la guerre et de la Shoah provoque chez le survivant un sentiment de manque.
C’est pourquoi je n’éprouve aucune envie de cogner post mortem sur un homme sur lequel je n’aurais eu aucun scrupule à tirer si les circonstances nous avaient revêtus d’un uniforme militaire, et pourvu d’un fusil. Nous nous fîmes seulement la guerre par le verbe et par la plume, et je lui rends les honneurs dus à l’ennemi mort au combat, même si ce dernier passe pour un traître aux yeux de nombre de mes amis.
Rien ne m’empêche, en revanche, de traiter comme ils le méritent ceux qui se sont livrés à de vibrants éloges funèbres d’Ilan Halévi, faisant de lui le modèle de ce que devraient être les juifs de France : « un métèque générique », selon Nicole Lapierre, épouse à la ville d’Edwy Plenel. Pour elle, c’est le fin du fin de l’existence humaine. « Un intellectuel juif engagé au coté des Palestiniens dans l’espoir de favoriser une paix véritable au Proche-Orient » selon Pierre Haski, co-fondateur du site Rue89. Un pacifiste, donc, dont le cœur saignait à chaque attentat anti-israélien, mais pas au point de démissionner de son poste.
Qu’Ilan Halevi ait fait de sa judéité une arme pour combattre le sionisme en la mettant au service des pires ennemis de l’Etat juif est  de bonne guerre : s’il avait gardé le nom de famille,  Alain Albert, qui lui fut officiellement attribué par la République Française après son adoption par le second mari de sa mère, sa carrière au sein du Fatah palestinien fût passée quasi inaperçue. Sa notoriété et son audience doivent beaucoup, certes, à ses indéniables qualités intellectuelles et à son incontestable habilité politique. Mais sa posture assumée d’homme public « 100% juif et 100% arabe » avait fait de lui un Ovni politico-médiatique. Qu’un juif choisisse le camp des ennemis de ceux de son peuple qui croient à la nécessité d’un royaume ou d’un Etat des juifs au sein des Nations n’est ni nouveau, ni exceptionnel. Flavius Josèphe sous l’Empire romain, et les ultra-orthodoxes juifs des Neturei Karta qui vont baiser aujourd’hui les babouches de Mahmoud Ahmadinejad en sont les emblèmes d’hier et d’aujourd’hui. C’est cela qui fait tomber en pâmoison les auteurs d’éloges funèbres d’Ilan Halévi, pour qui il n’est de bon juif que ceux qui veulent la mort d’Israël. Comme ils n’osent pas défendre en leur nom ce programme radical, ils font une standing ovation à ceux qui se réclament de leurs origines juives pour diaboliser les « sionistes ». C’est ainsi qu’un historien israélien fourvoyé dans un sujet qu’il ne maîtrise pas, Shlomo Sand, est devenu une gloire de Saint-Germain-des-Prés en prétendant que le peuple juif et Israël sont de pures inventions et en « démissionnant » à grand bruit de ce peuple…
Ce que cherchent ces antisionistes de salon, c’est moins à honorer la mémoire de leurs idoles qu’à faire honte aux juifs, intellectuels ou boutiquiers, qui ne voient aucune contradiction à aimer leur patrie et à s’y sentir bien, et à se soucier de la pérennité d’un Etat qui à la houtzpah de se vouloir juif et démocratique.
Pour que l’hommage posthume fût parfait, il fallait, de surcroît, qu’Ilan Halevi passât pour un martyr de son choix courageux. Il aurait été victime, selon Pierre Haski, d’une « haine tenace qui n’a pas disparu avec le temps ». Au risque de décevoir Haski, et tous ceux qui qui prêtent aux Israéliens des passions qu’ils n’ont pas, il faut bien constater que les responsables de l’Etat juif prenaient Ilan Halévi pour ce qu’il était en réalité : un politicien mineur du Fatah, utilisé par Arafat dans des opérations de relations publiques avec l’intelligentsia française. Seuls quelques excités marginaux de l’extrême droite israélienne francophone tombaient dans le piège grossier tendu par Arafat : faire de lui un « traître générique » c’était lui donner une importance qu’il était loin d’avoir. Quand les Israéliens « haïssent » ceux qu’ils estiment constituer un danger majeur pour leur Etat, ils prennent des mesures qui réduisent notablement leur espérance de vie.  À l’égard d’Halevi, la majorité des Israéliens, classe politique et opinion publique confondues, éprouvaient plutôt une vague curiosité : des « mauvais juifs », ce n’est pas cela qui manque sur cette terre – voir Noam Chomsky ou Richard Falk – mais on s’en est toujours accommodé. Celui-là était un peu différent des autres, car il parle hébreu, et est devenu sous-ministre chez Arafat. Et alors ? On fait avec, de minimis non curat praetor… Si les Français veulent faire de lui un héros, c’est leur affaire, pas la nôtre. On a beaucoup d’autres chats, et des plus hargneux, à fouetter.
Nos auteurs de nécrologies hagiographiques d’Ilan Halevi ont cependant pieusement passé sous silence son choix de faire célébrer ses obsèques en terre française, au Père Lachaise, et non pas à Ramallah. Tout près du lieu où il a été incinéré se trouve  la tombe d’un autre Halévy prénommé Ludovic (1834-1908), dont la gloire est, elle, immortelle : il fut, avec Henri Meilhac, le librettiste de Carmen et des plus célèbres opéras bouffes de Jacques Offenbach. Ce n’était, pour les deux derniers, pas toujours simple d’être juifs dans la France d’Edouard Drumont, mais au moins on ne leur reprochait pas sans cesse l’existence d’un petit Etat proche oriental…

*Photo : TV5.