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Un peu de raison rend sage, beaucoup de raison rend fou

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union sacree arcady

Dans mon village tunisien, on connaissait une famille Zemmour. Le grand-père, Hadj Mohammed Ben Rachid Zemmour, un homme très pieux, respecté de tous, avait fait le pèlerinage à La Mecque, d’où sa dignité de hadj. Arrivé en France, je tombe un soir à la télé sur un journaliste du nom de Zemmour. Un fils, un petit-fils du hadj ? Un garçon de chez moi à la télé ! Pas mal ! Sa tronche ne faisait pas très maghrébin. Des profils en lame de couteau, c’est rare dans nos parages. Peut-être un Saoudien, ai-je tout de suite pensé. Pas saoudien de Djeddah ou de Médine, où ils sont plutôt négroïdes. Saoudien du Golfe, métissé d’asiatique comme ce gringalet de la télé. À Dhahran, j’ai rencontré un Zemmour, sosie du nôtre, professeur de chimie à la fac, islamo sur les bords mais sympa. Sûrement un Saoudien, mon Zemmour de la télé. Bizarre quand même. Pas un brin d’accent, on aurait dit un Français. Et Ruquier qui l’appelle non Ahmed mais Éric. Ils se chamaillent. Ruquier en pince pour les Arabes, Zemmour ne peut pas les sentir. Peut-être un converti. Ou alors on le paie pour raconter ces médisances. Les gens qui gagnent leur vie comme ils peuvent, moi j’ai rien contre. Il fricote avec Marine, c’est le créneau du jour, y’a pas à discuter. Mais enfin, de quelle race peut-il bien sortir ? J’ouvre Wiki et qu’est-ce que j’apprends pas ? Un Juif ![access capability= »lire_inedits »] Youpin comme une kippa. De père, de mère, de femme, d’enfants, depuis Nabuchodonosor. Pas possible, il doit se vanter. Des Zemmour juifs, j’en ai jamais vu, et pourtant je m’y connais en juifs. Je les aurais données à couper que c’était un bougnoule. Mais attention ! Un juif algérien. Avec ceux-là, on ne sait jamais sur quel pied danser. Des Berbères arabisés en l’an 800, francisés en 1870, hébraïsés sur le tard, on ne sait plus où ils en sont. Kabyles ? Arabes ? Français ? Espagnols ? Bantous ? Un sac de nœuds. Ce Zemmour, j’écoute ses boniments, plus français que lui tu meurs ! Remarquez, les origines des gens, on n’en a rien à secouer. Nous sommes des êtres humains, voilà l’essentiel. Que Zemmour soit saoudien ou non, ça ne change rien à son individualité. Vous comprenez ? Oui, mais Zemmour ne comprend pas. Il a écrit 500 pages (vous êtes au courant ?) pour nous convaincre que tout le mal de France résulte de cet individualisme mortifère. Et moi, et moi, et moi. Et la France alors, tu l’oublies ? Pourquoi la France va mal ? L’individualisme. Pourquoi la croissance à 0,5 % ? L’individu. Pourquoi le chômage, l’immigration galopante ? L’individu, toujours l’individu. Géniale cette découverte, non ? Si géniale que les rotatives s’exténuent à imprimer son livre.

Beaucoup achètent, beaucoup dénigrent. À mon avis, ils sont jaloux. Ou alors, ils sont antisémites. Ou anti-Saoudiens. Au lieu de juger la pensée philosophique si profonde qu’ils sont incapables de la saisir, ils s’intéressent à l’homme Zemmour (prononcer en arabe Zaimouououour, le « ou » comme une voyelle longue. Un petit effort, bientôt vous pourrez lire le Coran en V.O.). L’individu importe peu au regard du concept zemmourien de déconstruction de la déconstruction. Jacques Derrida (un autre juif algérien, ils sont partout) avait proposé la déconstruction, vous vous souvenez ? Zemmour déconstruit la déconstruction. Et ainsi, il construit la France française. Vous construisez en déconstruisant la déconstruction. C’est quand même simple, bon Dieu ! Qu’est-ce que vous avez à rigoler comme ça ?

J’en ai vu, ils lui reprochent son pétainisme. Et la liberté d’opinion, qu’est-ce que vous en faites ? Le maréchal Pétain, 40 millions de Français le portaient aux nues. Sauf la famille Zemmour dénaturalisée par le Maréchal, réduite à la condition d’indigène, de bicot. Eh bien, vous voyez, Éric, pas rancunier. Son esprit accorde l’absolution au Maréchal. Parce que Pétain a sauvé les juifs. En France, tout le monde le sait, mais personne ne veut le dire, la solution finale a été moins finale qu’en Hollande. Plus finale qu’en Italie (25 % en France, 15 % en Italie), mais en Italie c’est grâce au régime fasciste de Mussolini qu’ils ont survécu. Conclusion (qui n’échappe qu’aux malvoyants) : seuls les fascistes font bien les choses.

De Gaulle, il était très bien, sauf qu’il a bradé l’Algérie. Vous savez pourquoi ? Il n’était pas au courant du pétrole algérien. S’il avait su, nous serions aujourd’hui plus gras que le Qatar. Jusqu’à présent, les historiens croyaient savoir que la dernière année de guerre n’avait porté que sur le Sahara. Heureusement que Zemmour arrive pour nous révéler la vraie raison : le général « ne se doutait pas que le pétrole nous aurait assuré un destin royal d’émirat pétrolier ». Éric aurait aimé que l’Algérie reste française au nom de la « grandeur impériale, de l’héroïsme chevaleresque et d’une vision sacrificielle de l’existence ». Au lieu de quoi, de Gaulle a choisi « les douceurs de la société de consommation à l’américaine ». Il délire, le Zemmour ? Non. Il n’est pas politiquement correct, voilà ce qui vous ennuie. Ou alors, il ne sait pas de quoi il parle.

Trêve de quolibets, sors dans la rue et expliquons-nous d’homme à homme. Tu te rends compte que l’autre vendredi, tu as plus vendu en un jour que le best-seller de Plenel en deux mois ! Tu me diras, normal. Lui, c’est Pour les musulmans, toi, c’est Contre les musulmans. Au fait, qu’est-ce que tu as contre ces pauvres miséreux, pitoyables, pouilleux ? Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Tu as habité leur pays, ils s’établissent dans ton pays, où est le mal ? Un donné pour un rendu, on est quittes. Oui, mais ils t’ont chassé d’Algérie, et aujourd’hui, toi, tu veux les virer. Eux, ils ont réussi leur épuration ethnique, toi, tu vas te planter. Trop nombreux ils sont, trop forts pour toi. Tu te vois en égorger 3 000 comme ils l’ont fait des tiens au printemps 1962 ? Tu te vois mettre une bombe à Barbès ? Tu sais bien qu’ils t’en renverront 100 à Auteuil. C’est ça que tu veux ? Tu regrettes qu’en novembre 2007, à Villiers-le-Bel, les policiers n’aient pas répondu aux tirs des émeutiers par un carnage. Tu écris : « L’État, ce jour-là, a renoncé au monopole de la violence… La République (s’est suicidée) parce qu’elle n’a pas osé tirer dans le tas. » À la prochaine émeute toi et ton FN vous irez « tirer dans le tas » et déclencher une guerre civile. Ça, c’est du patriotisme !

À part ça, tu vas bien ? Tu te soignes, j’espère. Hélas, non ! Tu es contre la pilule, contre l’avortement, contre le droit des femmes à un compte en banque sans l’autorisation du mari. La disparition de la « famille patriarcale », d’après toi, est à l’origine de tous nos maux. Mon pauvre ami, ne t’a-t-on pas dit que l’autorité patriarcale n’avait plus cours nulle part, pas même au centre de l’Afrique ni en Papouasie ? Au fait, est-ce que tu es contre la pénicilline, la sécurité sociale, les autoroutes ? Les avions on les garde ou on revient à la marine à voile ? Voilà quelques idées pour ton tome II. Un grand philosophe, Platon ou Habermas, je ne sais plus, méditait ainsi : un peu de raison rend sage, beaucoup de raison rend fou.

La souveraineté nationale, dis-tu, a été enterrée par tous les gouvernements. Sais-tu que la France a gardé toute sa souveraineté ? Si elle voulait sortir de l’euro, de l’Europe, de l’OTAN, personne n’aurait les moyens de l’en empêcher. À ses risques et périls. Nous sommes royalement libres de faire ce qui nous chante. Justement, on ne le veut pas. Nous préférons renoncer volontairement à des segments de souveraineté pour assurer la paix avec nos voisins. Des négociations perpétuelles sans queue ni tête nous paraissent valoir mieux que la guerre. Toi, tu crois que la violence est au cœur des relations entre individus et entre États. Les Européens d’aujourd’hui pensent exactement le contraire. Depuis la mort de Napoléon, tu n’as plus d’interlocuteur.[/access]

Le silence des brebis

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Et si finalement Philippe Meirieu avait raison, depuis le début ? Et si notre système scolaire, avec ses notations rigides et ses examens couperets était non seulement une formidable fabrique d’inégalités mais aussi un générateur d’angoisses insoutenables ? Certes, le sinistre fait divers vient des USA mais l’on sait que ce qui se fait jour de l’autre côté de l’Atlantique, pour le pire comme le meilleur, finit inévitablement par arriver chez nous : le fast-food, le néo-libéralisme, le communautarisme, le jean, le rock, les tueurs en série ou le roman noir. Et nous pensons que l’affaire est suffisamment grave pour que Najat Vallaud-Belkacem charge quelques inspecteurs généraux d’une mission de prévention qui pourrait réunir autour d’une table ronde représentants des syndicats étudiants, SPA et éleveurs d’ovins.

En effet, dans la nuit du 14 au 15 novembre, sur le campus de Fresno , un étudiant ivre de vingt trois ans a été surpris par la police, le slip sur les chevilles, en train d’agresser sexuellement une brebis. Arrêté, le jeune homme a expliqué que la perspective de ses examens l’avait mis dans un état « de stress insurmontable » et qu’il avait décidé d’expulser son angoisse dans ce rapport non consenti.

Tétanisée, on le serait à moins, la brebis qui n’avait rien fait pour provoquer son agresseur puisqu’elle n’avait ni maquillage ni string affriolant au moment des faits, a refusé de témoigner Mais les faits sont avérés. Il ne s’agit pas, ici, bien sûr, d’invoquer la culture de l’excuse mais est-ce bien raisonnable, par exemple, d’avoir abandonné en rase campagne les ABCD de l’égalité alors que manifestement, il faudrait au contraire les élargir aux garçons, aux filles mais aussi aux brebis afin de déconstruire ces stéréotypes qui sont à l’origine de ce malheureux événement.

 

Koalas, diplomatie et misère de l’anti-poutinisme

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poutine G20 australie

Les comptes-rendus dans la presse française du G-20 qui s’est tenu en Australie ont présenté un Vladimir Poutine soi-disant isolé par la communauté internationale. C’est un cas d’école de la manipulation de l’information et de la désinformation.

Ce n’est pas la « communauté internationale » qui a cherché à isoler Vladimir Poutine, mais les Etats-Unis et les pays qui leurs sont liés comme la Grande-Bretagne, l’Australie et la France (et dans une moindre mesure l’Allemagne). Alors, oui, les relations de Vladimir Poutine avec les dirigeants de ces pays ont été tendues. Mais, les positions prises par la Russie, et par Vladimir Poutine en particulier, sont en réalité très populaires en Chine, en Inde, en Afrique du Sud et au Brésil. Le G-20 aura été l’occasion de marquer la nette divergence entre les pays que l’on appelle « émergents » et les autres. Cette divergence a été voulue par les pays de l’OTAN à ce sommet. Mais, elle constitue un véritable danger à long terme. Cette divergence construit en réalité une nouvelle coupure du monde en deux dont les conséquences dans la capacité de régler les crises futures risque d’être importante.

Le danger ici est que la politique américaine, car c’est essentiellement d’elle qu’il s’agit, est en train de cristalliser une fracture entre les pays émergents, qui tentent de s’organiser autour de la Russie et de la Chine, et les pays sous influence américaine. C’est un jeu à la fois dangereux et stupide car tout le monde sait bien que les Etats-Unis, qui restent très puissants, sont néanmoins une puissance déclinante. Ce n’est pas ainsi qu’ils gèreront leur déclin. Mais ils risquent d’empêcher le monde de régler toute une série de problème. Cette politique va aboutir, peut-être, a retarder l’inévitable. Elle ne saurait cependant l’empêcher.

De plus, ce n’est évidemment pas notre intérêt à nous Français, ni aux Européens de manière générale. Nous avons des problèmes communs à régler, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique, que ces problèmes soient militaires ou concernent le développement de ces régions, ou encore qu’ils concernent des problèmes de santé comme l’épidémie du virus Ebola l’a récemment mis en lumière. La nécessité d’une coopération à grande échelle s’impose. Il est à cet égard frappant que le communiqué final de ce sommet du G-20 fasse mention de la nécessité « d’éradiquer le virus Ebola » mais ne précise ni ne cite le moindre moyen financier alloué à cette tache. De même, la question du terrorisme est plus que jamais d’actualité. Les récentes atrocités commises par ceux qui se nomment « Etat Islamique » sont la pour nous le rappeler, tout comme elles nous rappelle le fait que ce terrorisme tue tous les jours en Syrie, en Irak, voire en Libye ou au Nigéria. Nous n’y prêtons garde que quand un « occidental », un « blanc » pour tout dire, en est victime. L’indignation du Président américain, et de notre Président, François Hollande, apparaît alors comme très hypocrite.

En fait, il y a une intense coopération militaire avec la Russie au Mali et au Niger. Il pourrait en être de même au Moyen-Orient. C’est là que l’on mesure l’imbécillité de l’opposition systématique à Vladimir Poutine, et plus encore sa « démonisation » dans la presse. Henry Kissinger a expliqué à de nombreuses reprises ces derniers mois que « l’anti-Poutinisme » hystérique des Etats-Unis et de la presse américaine, ne constituait nullement une politique mais était en réalité une réponse à l’absence de politique. Il n’y a rien de plus exact. Il le dit dans une interview qu’il a donnée à l’hebdomadaire allemand  Der Spiegel le 13 novembre. Le niveau de délire de la presse américaine a été bien analysé par Robert Parry, l’un des plus grands journalistes indépendants des Etats-Unis. Il est aujourd’hui tragique de voir que ce discours, qui est une véritable propagande de guerre, envahit les médias en France et en Grande-Bretagne.

L’idée que la Russie voudraient reconstituer de toutes ses forces l’URSS défuntes est alors invoquée. Il faudrait faire « barrage » à un tel projet, et cela justifierait en réalité la violence de l’opposition à Vladimir Poutine. C’est une immense et considérable erreur. Les dirigeants russes, et Vladimir Poutine au premier chef, ont tiré un trait sur l’ancienne URSS. Le véritable enjeu pour les trente années qui viennent, c’est l’alliance entre la Chine et la Russie, et la question de savoir si les pays que l’on nomme les BRICS arriveront à constituer un front cohérent face à la politique américaine. Tout le reste n’est que (mauvaise) littérature.

De même, sur la question ukrainienne, la Russie a toujours considéré que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE était un problème ukrainien dans lequel elle n’avait rien à dire. Par contre, et ceci peut se comprendre, elle a affirmé à de nombreuses reprises que si l’Ukraine voulait entrer dans une zone de libre-échange avec l’UE, elle ne pourrait plus bénéficier des conditions particulières de son commerce avec la Russie. Le problème est que les dirigeants ukrainiens ont voulu gagner sur les deux tableaux. La Russie leur a rappelé que cela n’était pas possible. L’intégration économique des deux pays était sur bonne voie quand ce sont produits les événements de Maïdan. L’erreur des dirigeants russes a été de croire que cette réalité économique pèserait suffisamment lourd dans le contexte politique. Mais, ce dernier est le lieu des émotions et il est sujet à des processus de radicalisation qui ne font pas appel aux réalités économiques. De plus, le système politique ukrainiens était affreusement corrompu, ce que les dirigeants russes reconnaissent eux-mêmes. En janvier 2014 à Moscou dans des discussions avec des responsables du Ministère des Affaires Etrangères de Russie ces derniers m’ont dit être effarés du niveau de corruption de leurs homologues ukrainiens. Or, le mouvement de la place Maïdan a commencé comme une protestation contre la corruption du système politique et économique ukrainien, et cette protestation était absolument légitime. Nul ne le conteste dans les sphères officielles à Moscou. Mais, en même temps, Moscou continuait de négocier avec ces mêmes dirigeants corrompus. Il y a là une contradiction mais dont on voit mal comment elle aurait pu être dépassée. Moscou a probablement pâti du fait qu’elle était engagée dans des négociations avec Yanoukovitch. Mais, ce dernier étant le Président légalement élu de l’Ukraine, pouvait-il en être autrement ? Honnêtement, je ne le crois pas.

La question de l’OTAN est un autre problème. Il y avait un accord entre les Etats-Unis et la Russie que l’OTAN ne s’étendrait pas sur les anciens pays de l’Est et de la CEI sans l’accord de la Russie. Cet accord a été violé. Il en est allé de même au Kosovo ou les pays de l’OTAN ont couvert ce qu’ils dénoncent aujourd’hui en Crimée et en Ukraine. Les russes en tirent naturellement les conséquences et ils s’opposent à tout nouvel élargissement de l’OTAN. Mais la vérité est que nous payons au prix fort les inconséquences qui ont été les nôtres, en tant que pays dits « occidentaux », vis-à-vis de la Russie. L’instrumentalisation politique du droit international à laquelle se livrent les Etats-Unis avec l’assentiment de leurs vassaux est un véritable problème car l’on comprend bien qu’il ne peut y avoir de stabilité et de paix dans le monde que sur la base de règles respectées par tous.

Retrouvez la version originale de cet article sur le blog de Jacques Sapir.

*Photo : Andrew Taylor/AP/SIPA. AP21653719_000003.

Il faut reconnaître l’Etat palestinien

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Causeur : En Israël, la situation de tension qui règne à Jérusalem depuis des semaines suscite un vaste débat sur les responsabilités des uns et des autres. Qui a mis le feu aux poudres : la politique israélienne ou l’éventuel double discours de l’Autorité palestinienne ?

Nissim Zvili : Après un acte aussi horrible et inhumain que l’attentat de mardi dans la synagogue, les Israéliens ont traditionnellement tendance à aplanir les problèmes. On dit que l’heure n’est pas à la discussion, on attend que le temps passe, on oublie et on évite le vrai débat : l’avenir de Jérusalem et d’Israël. Mais si on veut avoir le courage de faire face à la réalité, il faut reconnaître que de facto Jérusalem n’a jamais été unifiée, n’est pas unifiée et ne sera jamais unifiée. Tant qu’on ne comprend pas cette réalité, on arrive à des conclusions totalement erronées. Aujourd’hui, on commence à payer le prix des erreurs commises par tous les gouvernements  israéliens depuis la guerre des Six-Jours. Tous se sont illusionnés en pensant qu’on pouvait obliger 300 000 palestiniens à devenir des citoyens israéliens et qu’on pouvait contraindre les Palestiniens à vivre dans une ville divisée aux niveaux politique et municipal. Il y a un écart incroyable entre les services municipaux fournis aux quartiers juifs et ceux fournis aux quartiers arabes annexés ! Bien sûr, les tensions ne sont pas de la seule responsabilité d’Israël, et je pourrais parler deux heures entières des décisions et discours palestiniens. Mais la ville et la population de Jérusalem se trouvent sous notre responsabilité. C’est donc à Israël de prendre des décisions qui s’imposent.

Causeur : La situation que vous décrivez ne date pas d’hier puisque Israël a récupéré la partie orientale de Jérusalem en 1967. Peut-on dissocier la question de Jérusalem de celle plus large des Territoires palestiniens (Cisjordanie et bande de Gaza) ?

On ne peut pas séparer complètement ces deux sujets. À Jérusalem comme dans les Territoires palestiniens, le conflit a pris un tour plus religieux que politique. C’est un tournant très inquiétant que de voir se former une guerre entre juifs et musulmans qui risque d’avoir des conséquences sur le monde entier. Aussi j’espère que les parties israélienne et palestinienne vont s’efforcer d’enrayer cette dérive. Jusqu’ici, les deux côtés ont manqué de volonté pour relancer le processus de négociation. Cela fait des années que l’on patauge et s’enfonce dans la boue. Et je trouve les discours des hommes politiques israéliens effrayants. Ils n’ont pas tiré les leçons de ce qu’il s’est passé depuis l’opération militaire de cet été dans la bande de Gaza. Ils croient toujours que la solution passe par la force, à Jérusalem, dans les Territoires ou à Gaza. Or, une telle solution n’existe pas. Maintenant, il faut prendre une décision : soit on va vers un Etat binational avec toutes les conséquences que cela comporte, soit on mène des négociations sérieuses au cours desquelles on devra faire des concessions très douloureuses pour séparer les deux peuples.

Causeur : La reconnaissance d’un Etat palestinien par la communauté internationale est-elle de nature à relancer le processus de paix ? Votre prédécesseur Elie Barnavi soutient cette initiative afin de sortir du face-à-face stérile entre Netanyahou et Abbas. Qu’en pensez-vous ?

En accusant en permanence Mahmoud Abbas d’inciter à la violence, Israël commet une erreur à dessein : montrer qu’il n’y a pas de partenaire palestinien. Le gouvernement israélien essaie de le délégitimer, tant vis-à-vis de son peuple que de la communauté internationale. S’agissant de la reconnaissance d’un Etat palestinien, je me suis rallié à la position d’Elie Barnavi. Sans intervention internationale massive, les deux côtés ne pourront pas arriver à une solution politique. Je suis arrivé à cette conclusion à force d’observer la politique du gouvernement israélien : cela fait six ans que ce cabinet de droite ne nous mène nulle part, et le terrorisme est en train de relever la tête. Au lieu de condamner les décisions des parlements européens, je les encourage à reconnaître l’Etat palestinien car Israël doit comprendre qu’il ne vit pas isolé. Notre pays veut bien appartenir à la communauté internationale et en retirer tous les avantages, mais Israël est le premier à ne pas en respecter les décisions et les résolutions. Je ne sais pas si la communauté internationale peut imposer une solution directement mais il est certain que son indifférence à l’égard de ce conflit a eu des effets déplorables.

Causeur : L’opinion israélienne est-elle disposée à élire une nouvelle majorité afin de relancer le processus de paix ?

Non, car une grande majorité de la population juive d’Israël soutient les positions du gouvernement de Benyamin Netanyahou. En quelques années, la droite et l’extrême droite israélienne sont parvenues à convaincre une grande majorité de mes concitoyens qu’il n’y a pas de possibilité de faire la paix, qu’on est obligé de continuer à occuper les Territoires et d’entrer dans des tranchées. Les gens se sont progressivement laissé gagner par le désespoir, à mesure que les gouvernements successifs, à commencer par le cabinet d’Ehoud Barak (1999-2001) leur répétaient qu’ils n’avaient pas de partenaire pour la paix. Il y a encore deux ans, l’idée de deux Etats séparés était nettement majoritaire dans l’opinion israélienne, ce dont je ne suis aujourd’hui plus sûr du tout.

*Photo : APA IMAGES/SIPA. 00688420_000016.

Les fessées du Petit Nicolas

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fessee punition education

« Mais enfin, a crié papa, que veux-tu que je fasse ? Que je fouette le gosse dès que j’entre dans la maison ? » (Les Récrés du petit Nicolas)

On fouette peu mais on fesse beaucoup dans le Petit Nicolas, l’immortel chef d’œuvre de Sempé et Goscinny. Particulièrement dans le premier volume. Les copains se prennent des dégelées impressionnantes, au retour de l’école.
Voilà qui ne ferait pas plaisir à Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la famille, qui relance le débat (refermé en mai dernier lorsque « l’amendement fessée » déposé par un Vert, François-Michel Lambert, a été repoussé par l’Assemblée) sur la constitutionnalité de la fessée.
Comme ils n’ont rien d’autre à faire, au gouvernement, que de s’occuper des parents fesseurs (et les parents gifleurs alors ? Discrimination insupportable !), Bonnet d’Âne, ne reculant devant aucun sacrifice, a résolu de s’attaquer résolument au problème.
D’abord, il n’y a fessée, stricto sensu, qu’à partir du moment où il y a répétition du geste. Une seule claque n’est pas une fessée.
Ensuite, y a-t-il fessée lorsque le derrière susdit est protégé par un tissu — couche, pantalon, jupe plissée ou shorty « Fleurs de pommier » de chez Aubade ? Y a-t-il fessée lorsqu’il ne s’agit pas d’un enfant ?
Mais Laurence Rossignol sait-elle que la fessée est un jeu d’adultes parmi d’autres ?

Et d’abord, était-elle méritée, cette fessée ? On sait grâce à Max Ernst que même le petit Jésus, qui est comme chacun sait « sage comme une image » pieuse, a pris des fessées de la main de sa Vierge de mère (l’était-elle encore après l’accouchement ? Si oui, je veux bien croire aux miracles) légèrement excédée par les turlupinades du gamin. « Jésus, je t’avais dit de ne pas changer l’eau en vin, ivrogne ! » « Jésus, qu’est-ce que c’est que cette manie de fréquenter des paralytiques — d’abord, il est même pas lavé, ce mec ! » « Jésus, tu nages comme je t’ai expliqué, tu ne frimes pas en marchant sur l’eau ! »
Insupportable, le gamin. On le lui a bien fait voir, une grosse vingtaine d’années plus tard.

Ensuite, la fessée est-elle pédagogique ? Ma foi… L’abbé Boileau (le frère de l’autre) a commis en 1700 une Historia flagellentum qui condamne fermement l’abus de fessées (particulièrement au fouet), à cause du plaisir louche que d’aucun(e)s y prennent. La vraie pédagogie serait donc de refuser la fessée ?
Rappelons au passage qu’elle n’est interdite à l’école de façon officielle que depuis 1991. On en donnait, « de mon temps »…

Allez, cessons de rire : ce n’est pas bien de fesser (et encore moins de gifler) les enfants. La seule vertu que l’on peut reconnaître à la chose, c’est un certain soulagement des parents.
Mais entre adultes consentants ? Peut-on utiliser la main, jusqu’à faire rougir les fesses — jusqu’à « fêler le postérieur en deux », comme le chantait Brassens, qui en homme cultivé revenait au sens originel de « fesse » — la fissure ? Là où nous voyons des rotondités symétriques (sauf cas de « cul rabat-joie, conique, renfrogné » — Brassens toujours), les Latins voyaient une fente, tout comme là où nous voyons la pointe du sein, ils voyaient, eux, la courbe — sinus / cosinus, c’est la raison étymologique de la paire de lolos. La fessée excite les esprits animaux, dit l’abbé Boileau. Je le crois bien ! Elle amollit les chairs, les prépare à des excès, ramène le sang en surface sans le faire couler (à l’inverse du fouet, de la canne ou de la cravache), ravive les couleurs…

Au lieu de légiférer sur des pratiques certes archaïques mais sans réelle gravité, la secrétaire d’Etat ferait mieux de s’occuper des enfants réellement battus, à coups de ceinture après les avoir attachés à la table. Elle ferait mieux de traiter les douleurs véritables, les humiliations du pain quotidien devenu hebdomadaire et du travail qui manque, les cités contrôlées par les gangs, les jeunes sans autre perspective que Pôle Emploi ou le djihad. Oui, elle ferait mieux — sinon c’est à François Hollande en particulier et au PS en général que les électeurs flanqueront une fessée, en 2017. Et une belle.

*Photo: SERGE POUZET/SIPA.00667503_000003

Baffie, abuseur public?

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laurent baffie frigide barjot

Imaginez. Un humoriste connu débarque sur le plateau d’une chaîne de télé publique alors que Vincent Autin, le « premier marié homosexuel », vient de sortir. Après avoir salué tout le monde, le farceur invité s’écrie d’une voix forte : « Il est parti, l’enculé ? »

Imaginez, prenez le temps qu’il faudra.

Voilà.

En attendant un monde de justice et de paix, où la loi s’appliquerait de la même manière « pour tous », rappelons qu’en France elle condamne théoriquement « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». C’est la définition de l’injure, par la loi du 29 juillet 1881, passible de 12.000 euros d’amende lorsqu’elle est « publique ».

En éructant « Elle est partie, la pute ? » à propos de Frigide Barjot sur le plateau de l’émission « C à vous », un comique face auquel Bigard passerait pour Voltaire s’est donc rendu coupable d’un délit qui relève du tribunal correctionnel. Mieux : le délinquant est un récidiviste. L’an dernier, il l’avait déjà traitée publiquement de « connasse », en son absence bien entendu.

« Heureux serez-vous si l’on vous insulte (…) car votre récompense sera grande dans les Cieux », disent les Béatitudes (Matthieu 5, 3-12). Mais revenons sur Terre. Ici-bas, c’est plutôt celui qui insulte qu’on récompense. Ni le CSA ni aucun grand média n’ont dénoncé ce dérapage autopromotionnel parfaitement contrôlé, aussi vulgaire qu’imbécile. Et accessoirement misogyne.

On suppose que les harpies de chez Macholand.fr doivent être trop occupées à traîner en justice le dernier jeune banlieusard qui les a gratifiées d’un insupportable « vous êtes trop charmante, mademoiselle » à la sortie du Biocoop. Dans la République féministe française, on peut traiter une femme de « pute » dans son dos, mais pas lui dire « mademoiselle » en face.

Evidemment, la « tête à claques » du PAF – à qui on flanquerait plus volontiers un coup de tatane dans les testicules, s’il en avait au moins un – ne s’excusera pas. Parce que, tout le monde le sait, Virginie Tellenne cache son homophobie (bien connue au Banana Café) sous le fallacieux prétexte de défendre le droit de chacun à connaître ses géniteurs. Elle mérite donc qu’on dépénalise l’injure et qu’on abroge enfin la loi abolissant la peine de mort.

A l’heure où tant de gens s’accordent sur le fait que la privation d’un lien de filiation biologique n’est pas anodine, et que l’adoption par des couples de même sexe crée une inégalité injustifiable entre les citoyens qui auront accès à leurs origines et les autres, Virginie Tellenne s’en fait simplement l’écho dans les médias. Et ne manque pas une occasion de rappeler haut et fort son attachement à l’égalité entre homos et hétéros.

Mais puisqu’il est désormais permis de stigmatiser, d’exclure, d’agresser verbalement quiconque se soucie encore que l’on naisse libres d’avoir un père et une mère, et égaux quelle que soit notre sexualité, allons-y gaiement. Que Laurent Baffie aille maintenant traiter la philosophe de gauche Sylviane Agacinski de « salope », ou l’historienne homosexuelle Marie-Jo Bonnet de « chienne ». Sa haine pure et son ignorance crasse sont la meilleure promotion qu’on puisse offrir à ces esprits généreux et brillants.

Comme à la cause que ces femmes partagent avec Virginie Tellenne et des millions de Français.

 *Photo : NIKO/BENAROCH/SIPA. 00578077_000032. 

Des États européens achètent le pétrole de l’État islamique

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L’ambassadrice de l’Union européenne en Irak, Jana Hybaskova, l’a dit devant le Parlement européen, le 3 septembre dernier : des États européens achètent le pétrole de l’État islamique. Son discours a été filmé, comme tous ceux qu’elle prononce devant le Parlement européen. Il est disponible en ligne, peut être visionné par tous. Et pourtant son accusation, proférée avec un air de reproche, est passée quasi-inaperçue dans les médias (seulement reprise par i-Télé et le Huffington Post). Plus étrange encore, aujourd’hui, il est impossible d’obtenir un quelconque commentaire d’un responsable politique sur cette déclaration.

À la minute 3:54 de cette vidéo officielle du Parlement européen, l’ambassadrice l’énonce sans détour : « malheureusement, des Etats membres de l’UE achètent ce pétrole » (celui de l’État islamique). Ensuite, à la question de savoir quels sont précisément les États européens qui se rendent coupables de cette ineptie, l’ambassadrice répond aux députés européens qu’elle ne peut répondre, car « ce n’est pas une information publique ». En effet, l’ambassadrice ne répondra jamais à nos sollicitations, pas plus que le porte-parole.

Du côté de la Mission permanente irakienne auprès des Nations unies, on préfère ne pas être cité nommément et les réponses restent évasives : « tout le monde sait que le pétrole brut de l’État islamique transitait autrefois par la Syrie, et aujourd’hui par la Turquie », « mais il est impossible de vérifier sa provenance quand l’acheteur final, un Etat européen conclut sa transaction ».

Le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, dit “ne pas avoir entendu cette déclaration” de l’ambassadrice, se contente d’une condamnation de principe de ces “sources de financement illégales du terrorisme”, et nie qu’elles soient l’objet d’un quelconque projet de résolution de la part du Conseil de Sécurité.

Le ministre des Affaires étrangères Fabius ne nous répondra jamais. Catherine Ashton, jusqu’au 1er novembre 2014, haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité restera, elle aussi, muette sur cette question, pourtant importante.

Le silence des responsables politiques sur des déclarations pourtant on ne peut plus officielles pose la question de l’intérêt de filmer les débats parlementaires.

Où vas-tu Basile?

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appartement barjot koch

Plus de deux lecteurs s’en sont émus : ma signature avait disparu de Causeur depuis le numéro d’été. Viré, le Basilou ? Que non pas ! La direction m’a juste accordé un congé exceptionnel, et motivé : vingt ans d’archives à trier d’urgence pour cause d’expulsion.

Encore sous le choc de ce coup bas venu de haut, je n’ai pas le cœur de vous parler ici, comme je l’aurais souhaité, des deux autres vedettes du mois : François et son synode, Zemmour et son Suicide. Non, décidément, rien que moi dans ce Moi ! Après tout, pourquoi mes malheurs ne vaudraient-ils pas eux aussi un petit selfie littéraire, comme dit joliment Régis Debray.

MOTEUR À EXPULSION

Vendredi 3 octobre

« Allez hop ! tout le monde à la campagne », chantait Charlotte Julian dans mes jeunes années. Voilà donc notre petite famille invitée à déguerpir dans le mois d’un immeuble où depuis trente ans, avant même de rencontrer ma future épouse, j’habitais en « bon père de famille ». Que s’est-il donc passé ?

Au risque de paraître complotiste, très vite la coïncidence entre cette procédure d’expulsion et le rôle de Barjot dans La Manif pour tous vintage m’a sauté aux yeux. Comme une intuition que « l’affaire » n’était peut-être pas seulement juridique…

Après seize mois d’enquête indépendante (vous me connaissez), cette fulgurance s’est trouvée confirmée par une série d’éléments concordants que j’aurais pu vous résumer en trois points ; mais mettons-en quatre, ça fait plus sérieux.[access capability= »lire_inedits »]

Un calendrier parlant

La première trace écrite d’enquête sur l’affaire, c’est une demande d’extrait K bis de la société Jalons. Ce document, tel que je l’ai découvert dans la jungle des p.j. aux conclusions de la partie adverse, est daté du 26 janvier 2013 – soit deux semaines à peine après le succès de la première manif nationale de LMPT – Canal historique.

Une parfaite synchronie entre enquête et médias

Les premières investigations, fort discrètes, sur le cas Barjot/RIVP coïncident avec les premières « indiscrétions » sorties dans la presse sur le mirobolant « empire immobilier » généreusement prêté à Frigide Barjot (Marianne et le Nouvel Obs, en janvier et février 2013). L’ensemble est ensuite repris par les autres titres et leurs sites Web, puis par l’ensemble de la gauchosphère, gay friendly ou même pas. Enfin, dès le printemps 2013, viendront se joindre à cette curée la réacosphère, la cathosphère et le lobby homophobe… Décidément, ma femme sait se faire des amis.

Des angles d’attaque complémentaires

Les médias mettent l’accent sur le cynisme de cette Thénardier, « voleuse de la République ». Couverte d’appartements et de maisons un peu partout, à les en croire, elle n’en occupe pas moins sans vergogne, et pour presque rien, un « logement social ». Et pas n’importe lequel : « un grand duplex dans un luxueux HLM, avec terrasse et vue imprenable sur la tour Eiffel », romance Libé. Même Century 21 n’aurait pas osé. Outre l’audacieux oxymore sur le « luxueux HLM », notons juste que, pour apercevoir la Tour de chez nous, il faudrait retourner l’immeuble.

De son côté, la Régie immobilière de la Ville de Paris, c’est à dire la Mairie en personne, joue dans ce concert la partition juridique. Après trente ans d’hibernation, la RIVP s’est réveillée en sursaut, et de fort méchante humeur apparemment, contre notre « petite famille jusque-là sans histoires », comme dirait Pierre Bellemare. Selon toute vraisemblance, elle charge alors un cabinet d’avocats de trouver d’urgence « quelque chose » pour coincer Barjot. Faute de mieux, ce sera ma SARL au capital consolidé de 304,90 €.

Un dossier accablant

À travers Jalons, nous voilà donc accusés de « graves manquements au bail » remontant, au gré des pages de l’assignation, à l’an 2000, à 1994, voire à 1986. Lesdits manquements sont au nombre de deux – mais si graves que, selon notre bailleur, un seul suffirait à justifier notre expulsion sans délai. (Et pourquoi pas il y a vingt ans ?)

–        L’autorisation écrite de domiciliation de la société Jalons serait désormais « périmée », sans qu’on sache exactement depuis quand. D’autant moins qu’elle ne mentionne, ni directement ni indirectement, aucune limitation dans le temps.

–        Nous aurions « sous-loué » une partie de notre logement à la société Jalons, qui elle-même l’aurait transformée en « local commercial » avec réception, vente et stockage de marchandises labellisées Jalons. Reste à savoir où on aurait bien pu caser ce local… Que ceux qui sont déjà venus chez nous, n’importe quand depuis vingt ans, s’avancent à la barre !

DIALOGUE AVEC LES TROLLS

Samedi 11 octobre

Contre Barjot la salope-débile-homophobe et milliardaire, la haine aveugle bouillonne depuis bientôt deux ans dans les réseaux d’égouts sociaux – dont on n’est heureusement pas tenu de soulever le couvercle.

À chaque article-charge mis en ligne par la grande presse, des milliers de trolls en folie sortent de leurs sombres forêts pour baisser un pouce givré. « À mort la Barjot ! » couinent-ils, chacun avec leur mots :

– Le troll moraliste : « Une catho bourge qui squatte une HLM, bravo ! »

– Salut, Trollmor ! On n’habite pas une HLM, mais un « logement intermédiaire », où les loyers sont fixés en fonction des revenus des locataires. Tu viens ?

 

– Le troll de comptoir : « Qu’est-ce-qu’elle fout là, la fausse blonde avec tout son fric ? »

– Hello, CompTroll ! Non seulement notre famille a droit à ce type de logement, mais en 2011, Delanoë regnante, la RIVP nous avait exemptés de la dernière hausse de loyer décidée pour les locataires les plus « aisés ».

 

– Le troll bac + 12 : « Le pire, c’est que ces gens-là prennent indûment la place de nécessiteux. »

– Comment va, Trollplus ? Notre loyer, pour ta gouverne, s’élevait quand même à 3 400 € cc, et même pour Leonarda, je doute que la RIVP eût effacé un zéro.

Dans la gestion d’un budget, tout est affaire de priorités. Certains mettent bien leur pognon dans les bagnoles, le Mondial, les Patek Philippe ou le pognon lui-même, et personne ne songe à leur en faire reproche. Alors pourquoi on n’aurait pas aussi le droit de vivre dans un duplex, quitte à rouler à vélo avec une Swatch au poignet ? Après tout, « on fait ce qu’on a envie », comme disait très bien ( ?) Véronique Sanson.

LE VENTILATEUR À CACA

Lundi 20 octobre

Tant qu’il tourne, comme chacun sait, mieux vaut la fermer. Mais là, ça fait déjà deux ans ; et jusqu’au bout, les médias auront recopié à notre propos n’importe quoi, sans oublier de présenter ce portnawak à notre désavantage. C’est sans doute ça qu’on appelle « séparer les faits des commentaires ».

Ce 20 octobre donc, l’AFP balance une dépêche historique : « Frigide Barjot a quitté son logement social (…), a-t-on appris de sources concordantes. » Aussitôt le scoop est repris partout ; moi-même, j’entends ça, entre deux sommeils sur France Info. Au début, je crois vaguement qu’ils parlent de Bardot, mais dès que j’entends « vue sur la tour Eiffel », je comprends : ça ne peut être que nous !

Le mec dans le poste a l’air si sûr de lui qu’un instant je me prends même à douter : Barjot aurait-elle déménagé sans moi ? Serais-je seul dans l’appart – avec le commissaire, l’huissier, le serrurier et les fonctionnaires en tenue ? Mais non, voyons : j’entends d’ici sa voix cristalline, et les clameurs joyeuses des enfants.

« Ce lundi matin, enchaîne la voix, cinq camions de déménagement stationnent devant chez elle, a-t-on appris auprès de la Mairie de Paris. » Allons bon ! On n’en avait pourtant commandé qu’un. Je jette un coup d’œil par la fenêtre : il est bien là, tout seul, avec dans sa roue la pimpante enquêtrice du Petit Journal. Las ! Elle n’aura guère de grain à moudre : un seul camion, au lieu des cinq promis… Et pour toute interview, les bougonnements de déménageurs qui s’en tapent.

Le pire, c’est que la pauvresse n’essaye même pas de nous harceler ; elle a lu partout qu’on était partis, donc c’est vrai ! Misère du Petit Journalisme.

LA FÊTE DE L’UNANIMITÉ

Vendredi 24 octobre

Pourquoi tant de haine ? À la rigueur, on peut comprendre Delanoë, c’est à dire Hidalgo : dans la perspective des municipales, il était sans doute opportun d’offrir une tête d’omofobe au bon peuple du Marais ; faute de mieux, Barjot a fait l’affaire.

Mais la presse unanime ? Tels les Ripolin d’antan, tous nos confrères se peignent dans le dos la même phrase connement vipérine : « Frigide Barjot quitte ENFIN son logement social. » Ces messieurs-dames étaient-ils donc si pressés ? Plus que la Mairie, la justice et la préfecture réunies ??

Pas de mystère, hélas ! Frigide est si fine politique qu’elle a réussi à se mettre à dos successivement la gauche et la droite, les homophiles et les homophobes. C’est aussi ça, le grand écart barjotien.

LE GLAIVE ET LES BALANCES

Mardi 28 octobre

Enfin dehors, les Barjot-de Koch ! Et c’est pas trop tôt, là-dessus au moins je suis d’accord avec mes ami(E)s de la LGBTUVW. Deux ans de harcèlement politico-médiatico-juridique, ça suffit.

Avec le recul, si l’on ose dire, ce qui troue le cul dans cette affaire, ça reste le timing. Vingt ou trente ans durant, la société dont je suis le gérant aurait donc impunément squatté, puis changé en boutique un logement social. Au mépris du droit bien sûr, mais aussi de la plus élémentaire morale, quand on connaît l’indécent patrimoine de mon épouse actuelle tel que je l’ai découvert dans la presse.

Et pendant ces décennies d’illégalité, pas le moindre rappel à l’ordre de la RIVP ! Jamais une question des gardiens successifs, malgré l’interphone Jalons, la boîte aux lettres Jalons (régulièrement renouvelée par la RIVP) et les innombrables paquets et lettres déposés contre signature à la loge au nom de la SARL. Pas le moindre coup de fil d’un des « responsables » juridiques de la Régie, et encore moins de lettres, recommandées ou pas, ni de mises en demeure ou exploits d’huissiers.

Le premier de ceux-là à franchir notre porte, ce sera le 10 juin 2013, et pour nous balancer la bombe H direct : une assignation devant le tribunal « aux fins d’expulsion immédiate ». Après l’incurie, l’urgence absolue ! Feu sur le quartier général (de Barjot !).

Sur le moment, ça nous a fait une drôle d’impression d’irréalité, comme si on avait raté les vingt premières saisons d’une série dont on serait finalement les méchants. Maintenant, je commence à m’habituer à l’idée : décidément, comme nous le disions dès les IVes Rencontres internationales des intermittents de la pensée, « on peut pas lutter ! ». Encore moins depuis que le juge de première instance a poussé la conscience professionnelle jusqu’à assortir sa décision d’expulsion de l’« exécution provisoire nonobstant appel ». (En bon français : « Tu te casses d’abord, on discute après ! »)

Barjot, elle, tient à tout prix à faire appel, la pauvre. « Belle Frigide, on désespère/Alors qu’on espère toujours ! » Bien sûr que je respecte ça, du moment que c’est avec son argent de poche…

Je dis « la pauvre » sans ironie, hélas ! Après avoir vendu son appart et son studio parisiens, et en attendant de sortir de l’indivision familiale, il manquait à notre grande latifundiaire la moitié de la somme nécessaire pour acheter un F4 dans le 15e.

Ce n’est qu’in extremis, donc un peu tard aux yeux du Bureau des expulsions, que nous avons enfin décroché le prêt nécessaire. La plupart des banques avaient refusé, notamment en raison de la « personnalité à risque » de Madame.

Mais à quoi bon aller raconter tout ça à la bonne presse ? Ces gens-là miment l’empathie, et publient le contraire. Comme dit à peu près le patron du Shinbone Post de L’Homme qui tua Liberty Valance : « Si la légende est plus vendeuse que la réalité, imprimez la légende ! » Nous sommes une légende imprimée, et ceci est mon Tipp-Ex.

LE COMPLOT DES OBJETS

Je ne sais pas si vous avez déjà déménagé, mais c’est dans ces moments-là qu’on perçoit le mieux la malignité des objets à notre égard. (Je profite de dire ça tant qu’on n’a pas inscrit dans la Constitution une Déclaration des droits de l’objet et de son irréductible dignité.)

En temps ordinaire déjà, qui n’a pas vu un truc se dérober à son regard en un clin d’œil ? Cinq minutes avant encore, quand on n’en avait pas besoin, l’objet trônait pourtant là, bien en évidence… Avec le temps, on apprend à ruser dans ce combat où tous les coups sont permis. Faites seulement mine d’ignorer l’objet de vos recherches, et de guerre lasse il finira par réapparaître.

Encore faut-il avoir du temps devant soi, ce qui est rare en cas d’expulsion. L’urgence et le stress qu’elle génère sont les meilleurs alliés de l’objet révolté[1. Concept post-camusien.]. Un exemple au hasard : comment rester zen comme un Matthieu Ricard quand on doit remettre les clés de l’appartement à l’huissier qui patiente sur un pouf, et qu’au dernier moment, impossible de remettre la main dessus ? Barjot a dû sortir avec…

T’inquiète !,me souffle le Ricard, au pire, elle sonnera ![/access]

Le nouveau djihadiste français est arrivé

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maxime hauchard djihad

Il est coupant, maniable, résistant, fonctionnel, efficace, increvable, d’origine incontrôlée, inventé dans nos campagnes mais reproductible un peu partout sur le globe : le djihadiste-laguiole est arrivé. Le savoir-faire français étonne une fois encore le monde. Maxime Hauchard de Bosc-Roger-en-Roumois, Mickaël Dos Santos de Champigny-sur-Marne sont presque nos petits frères, presque nos fils. Les autres aussi, quand ils s’appellent Salim Benghalem ou Mehdi Nemmouche, mais puisque Daech se revendique de l’islam, leur embrigadement paraît moins étonnant.

Le problème n’est pas que Salim Benghalem soit moins français que Maxime Hauchard, mais que Maxime Hauchard ne le soit pas plus que Salim Benghalem. À moins que ce soient eux les Français de 2014 et que nous ne soyons, nous, que les résidus d’un monde paléolithique, qui n’aurait pas vu venir le progrès. Un progrès qui s’appelle youtube ici, les chaînes satellitaires dans le monde arabe, par où les deux religions de la mondialisation que sont l’islam et l’évangélisme répandent les germes de l’adhésion à leurs idéologies simplettes. À la vague de conversions à un islam combattant ici correspond outre-Méditerranée comme dans un miroir une autre vague de baptêmes à la foi dans le Christ réduite à sa plus simple expression. Elle est difficile à estimer puisqu’elle se joue dans les marges obscures de nations qui interdisent de fait l’abandon de l’islam, quand bien même leurs lois proclament l’inverse, et brident de manière générale la liberté d’expression. Mais elle est là, elle aussi, avec son cortège de raisons angoissées qui sont autant d’angoisses pour la raison. L’écran, d’ordinateur ou de télé, est devenu ce miroir où chacun se rêve le contraire de ce qu’il est né.

Episode classique de l’adolescence qui, on le sait, à mesure que l’homme se civilise, dure plus longtemps. A un point tel qu’on se demande si l’adolescence n’est pas aujourd’hui devenue la vie elle-même.

Ce monde a le feu dans ses soutes, et il va bientôt sauter, disait Bernanos. Maintenant il a commencé de sauter et l’explosion est plus dantesque qu’on ne pouvait l’imaginer. La révolte est tellement devenue à elle-même son objet propre qu’il peut s’agir de devenir conseiller local du Front national et musulman prosélyte du même mouvement. D’être dieudonniste et raciste anti-noir ensemble. Bientôt, on verra des membres du Comité invisible s’engager dans Tsahal. Des Boubakar nés à Villiers-le-Bel combattre aux côtés des insurgés du Donbass. La phrase de Jaime Semprun n’a jamais été aussi définitive qu’aujourd’hui : « il ne s’agit plus de savoir quel monde nous allons laisser à nos enfants, mais quels enfants nous allons laisser à notre monde ».

Même Christophe Guilluy n’avait certainement pas prévu que les rejetons de sa France pavillonnaire finiraient glorieusement leurs jours les armes à la main dans un désert de Syrie, dix cadavres d’assyro-chaldéens autour d’eux qu’ils n’auront pas défendus mais assassinés.

Certainement, trois hirondelles périrubaines ne font pas le printemps islamiste. Certainement, chaque époque eut son lot d’aventuriers, de trappeurs d’absolu, de Brigades internationales, et de volontaires étrangers. Mais qu’un fils de famille catholique français élevé au scoutisme rejoigne les rangs de la phalange libanaise ou combatte avec les Karens, qu’un enfant d’instit anarchiste prenne les armes avec le POUM en Espagne, cela n’avait rien d’invraisemblable. Il y avait un certain ordre, venu de plus loin, dans ces engagements héroïques. Que l’ultime rêve de Maxime qui a peut-être ânonné rosa, rosae en 4ème B dans les champs de pommiers de la Normandie des années 2000 consiste à égorger son semblable devant des caméras en Syrie ou en Irak laisse son contemporain lui-même rêveur. Tu as bien fait de partir, Maxime Hauchard, peut-être, comme Arthur Rimbaud, si on ne t’avait laissé ici que le « skatepark » dont le maire bovaryen de ta commune d’origine se désole qu’il ne t’ait pas retenu parmi nous. Tu as bien fait de partir, maintenant que tu es entré vraiment dans ta console de jeux, que tu es devenu vraiment un personnage d’Assassin’s creed – vraiment si l’on n’oublie pas que le vrai lui-même est un moment du faux, dans ce monde complètement renversé.

Symptômes de notre échec complet, et il n’est plus temps de hurler encore contre les soixante-huitards avec trente ans de retard car il s’agit de nous en général, Maxime Machin ou Enzo Dupont témoignent définitivement contre notre civilisation. « La civilisation n’est pas une maladie incurable », disait Gandhi il y a cent ans. Le médicament n’a pourtant pas encore été trouvé. Ces jeunes gens sont des barbares et l’on voit mal comment il eût pu en être autrement parce que tous les jeunes gens du monde sont des barbares, et particulièrement les garçons, n’en déplaise à nos dégenristes forcenés, et surtout forcenées, et qui n’a pas eu envie à 20 ans de mettre le feu au monde n’est peut-être pas tout à fait vivant. Il ne faudrait laisser personne dire que ce n’est pas le plus bel âge de la vie. Mais il ne faudrait surtout laisser personne en faire le pire âge de la vie. Et c’est pourtant ce que nous avons fait, et contre notre raison de lâches, ils ont réinventé leurs légendes parce qu’ils ne voulaient pas, eux aussi, mourir de froid.

*Photo: AP/SIPA.AP21654174_000001

Reconnaître l’Etat palestinien? Bof…

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palestine israel assemblee

Les parlementaires français veulent montrer leurs muscles, et donner l’impression qu’ils sont en mesure d’influer sur la marche du monde. C’est le sens et l’objectif des deux projets de résolution, l’un présenté par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, inscrit à l’ordre du jour de la séance du 28 novembre, l’autre par le groupe communiste au Sénat, qui sera discuté le 11 décembre au palais du Luxembourg.

Le premier n’est pas encore finalisé, car les discussions sont âpres au sein du PS sur la tonalité à donner à ce texte, en raison du souci d’attirer le vote favorable d’une partie de l’opposition de droite. Celui du Sénat est la reprise pure et simple des revendications formulées par l’Autorité palestinienne sur la scène internationale, et n’a donc aucune chance d’obtenir une majorité à la Haute assemblée.

Ces initiatives s’inscrivent dans un mouvement général, où l’on a pu voir, ces dernières semaines, le gouvernement suédois reconnaître, par décret l’Etat palestinien, la Chambre des communes britannique approuver une résolution dans ce sens avec les seules voix travaillistes (la majorité conservatrice n’a pas pris par au vote), et l’approbation quasi unanime par le Congrès des députés espagnols d’un texte si édulcoré qu’il n’engage aucunement le gouvernement de Madrid à cette reconnaissance avant qu’un accord soit intervenu entre les deux parties…

C’est dire si l’on est encore loin d’un consensus européen sur une question dont la complexité surpasse celle du montage d’un meuble Ikea, comme l’a malicieusement souligné Avigdor Lieberman, le chef de la diplomatie israélienne en réponse à l’initiative suédoise.

On comprend bien le raisonnement des partisans de cette reconnaissance : le blocage des pourparlers de paix est tel qu’un signe fort doit être lancé pour qu’Israéliens et Palestiniens se remettent sérieusement à discuter d’une solution dont tous les éléments, ou presque sont déjà sur la table, désignés par l’expression « les paramètres Clinton »[1. Les « paramètres Clinton » sont ceux établis au moment des négociations de Camp David, au cours de l’été 2000, prévoyant notamment la création d’un Etat palestinien sur la base de la ligne d’armistice de 1967, avec des échanges de territoires pour tenir compte des réalités sur le terrain.]. L’urgence  d’une reprise des négociations serait d’autant plus grande que le niveau de violence sur le terrain s’accroît de jour en jour, et que la « confessionnalisation » du conflit, alimentée par la montée du djihadisme, et la radicalisation des groupes ultrareligieux juifs en transforme la nature pour le rendre totalement insoluble.

Ces arguments ne sont pas sans valeur, et l’on serait tenté de souscrire à l’analyse de notre ami Elie Barnavi : l’ancien ambassadeur d’Israël en France est persuadé que le face-à-face Netanyahou-Abbas est définitivement dans une impasse, et qu’en conséquence le seul moyen d’en sortir est que la « communauté internationale » définisse et impose aux protagonistes cette solution à deux Etats souverains, l’un juif, l’autre arabe sur le territoire de la Palestine mandataire.

Mais, à y regarder de plus près, cette solution d’apparent bon sens ne tient pas compte d’une donnée fondamentale : le caractère absolu et irréductible, par le monde arabo-musulman, du refus d’un Etat souverain juif  sur une terre considérée comme d’Islam pour l’éternité. On peut, comme l’Egypte et la Jordanie conclure des traités de paix avec «  l’ennemi sioniste », pour récupérer, par la politique et la diplomatie des territoires perdus après des défaites, ou des soutiens occidentaux à des économies en perpétuelle faillite, mais on continuera à refuser toute normalisation culturelle avec le fait étatique juif au Proche-orient.

Alors, qu’il existe ou non un Etat de Palestine solennellement admis dans le concert des nations ne changera rien aux données actuelles du conflit. Ni à la nécessité, pour Israël, d’assurer sa survie dur sa capacité de dissuasion. Si j’étais parlementaire, j’exigerais des présidents de ces honorables assemblées que, pour l’occasion,  la mise à la disposition des députés et sénateurs de bulletins «  bof… », en plus des « pour » et «  contre ».

*Photo : Mohammed Zaatari/AP/SIPA. AP21654686_000001. 

Un peu de raison rend sage, beaucoup de raison rend fou

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union sacree arcady

union sacree arcady

Dans mon village tunisien, on connaissait une famille Zemmour. Le grand-père, Hadj Mohammed Ben Rachid Zemmour, un homme très pieux, respecté de tous, avait fait le pèlerinage à La Mecque, d’où sa dignité de hadj. Arrivé en France, je tombe un soir à la télé sur un journaliste du nom de Zemmour. Un fils, un petit-fils du hadj ? Un garçon de chez moi à la télé ! Pas mal ! Sa tronche ne faisait pas très maghrébin. Des profils en lame de couteau, c’est rare dans nos parages. Peut-être un Saoudien, ai-je tout de suite pensé. Pas saoudien de Djeddah ou de Médine, où ils sont plutôt négroïdes. Saoudien du Golfe, métissé d’asiatique comme ce gringalet de la télé. À Dhahran, j’ai rencontré un Zemmour, sosie du nôtre, professeur de chimie à la fac, islamo sur les bords mais sympa. Sûrement un Saoudien, mon Zemmour de la télé. Bizarre quand même. Pas un brin d’accent, on aurait dit un Français. Et Ruquier qui l’appelle non Ahmed mais Éric. Ils se chamaillent. Ruquier en pince pour les Arabes, Zemmour ne peut pas les sentir. Peut-être un converti. Ou alors on le paie pour raconter ces médisances. Les gens qui gagnent leur vie comme ils peuvent, moi j’ai rien contre. Il fricote avec Marine, c’est le créneau du jour, y’a pas à discuter. Mais enfin, de quelle race peut-il bien sortir ? J’ouvre Wiki et qu’est-ce que j’apprends pas ? Un Juif ![access capability= »lire_inedits »] Youpin comme une kippa. De père, de mère, de femme, d’enfants, depuis Nabuchodonosor. Pas possible, il doit se vanter. Des Zemmour juifs, j’en ai jamais vu, et pourtant je m’y connais en juifs. Je les aurais données à couper que c’était un bougnoule. Mais attention ! Un juif algérien. Avec ceux-là, on ne sait jamais sur quel pied danser. Des Berbères arabisés en l’an 800, francisés en 1870, hébraïsés sur le tard, on ne sait plus où ils en sont. Kabyles ? Arabes ? Français ? Espagnols ? Bantous ? Un sac de nœuds. Ce Zemmour, j’écoute ses boniments, plus français que lui tu meurs ! Remarquez, les origines des gens, on n’en a rien à secouer. Nous sommes des êtres humains, voilà l’essentiel. Que Zemmour soit saoudien ou non, ça ne change rien à son individualité. Vous comprenez ? Oui, mais Zemmour ne comprend pas. Il a écrit 500 pages (vous êtes au courant ?) pour nous convaincre que tout le mal de France résulte de cet individualisme mortifère. Et moi, et moi, et moi. Et la France alors, tu l’oublies ? Pourquoi la France va mal ? L’individualisme. Pourquoi la croissance à 0,5 % ? L’individu. Pourquoi le chômage, l’immigration galopante ? L’individu, toujours l’individu. Géniale cette découverte, non ? Si géniale que les rotatives s’exténuent à imprimer son livre.

Beaucoup achètent, beaucoup dénigrent. À mon avis, ils sont jaloux. Ou alors, ils sont antisémites. Ou anti-Saoudiens. Au lieu de juger la pensée philosophique si profonde qu’ils sont incapables de la saisir, ils s’intéressent à l’homme Zemmour (prononcer en arabe Zaimouououour, le « ou » comme une voyelle longue. Un petit effort, bientôt vous pourrez lire le Coran en V.O.). L’individu importe peu au regard du concept zemmourien de déconstruction de la déconstruction. Jacques Derrida (un autre juif algérien, ils sont partout) avait proposé la déconstruction, vous vous souvenez ? Zemmour déconstruit la déconstruction. Et ainsi, il construit la France française. Vous construisez en déconstruisant la déconstruction. C’est quand même simple, bon Dieu ! Qu’est-ce que vous avez à rigoler comme ça ?

J’en ai vu, ils lui reprochent son pétainisme. Et la liberté d’opinion, qu’est-ce que vous en faites ? Le maréchal Pétain, 40 millions de Français le portaient aux nues. Sauf la famille Zemmour dénaturalisée par le Maréchal, réduite à la condition d’indigène, de bicot. Eh bien, vous voyez, Éric, pas rancunier. Son esprit accorde l’absolution au Maréchal. Parce que Pétain a sauvé les juifs. En France, tout le monde le sait, mais personne ne veut le dire, la solution finale a été moins finale qu’en Hollande. Plus finale qu’en Italie (25 % en France, 15 % en Italie), mais en Italie c’est grâce au régime fasciste de Mussolini qu’ils ont survécu. Conclusion (qui n’échappe qu’aux malvoyants) : seuls les fascistes font bien les choses.

De Gaulle, il était très bien, sauf qu’il a bradé l’Algérie. Vous savez pourquoi ? Il n’était pas au courant du pétrole algérien. S’il avait su, nous serions aujourd’hui plus gras que le Qatar. Jusqu’à présent, les historiens croyaient savoir que la dernière année de guerre n’avait porté que sur le Sahara. Heureusement que Zemmour arrive pour nous révéler la vraie raison : le général « ne se doutait pas que le pétrole nous aurait assuré un destin royal d’émirat pétrolier ». Éric aurait aimé que l’Algérie reste française au nom de la « grandeur impériale, de l’héroïsme chevaleresque et d’une vision sacrificielle de l’existence ». Au lieu de quoi, de Gaulle a choisi « les douceurs de la société de consommation à l’américaine ». Il délire, le Zemmour ? Non. Il n’est pas politiquement correct, voilà ce qui vous ennuie. Ou alors, il ne sait pas de quoi il parle.

Trêve de quolibets, sors dans la rue et expliquons-nous d’homme à homme. Tu te rends compte que l’autre vendredi, tu as plus vendu en un jour que le best-seller de Plenel en deux mois ! Tu me diras, normal. Lui, c’est Pour les musulmans, toi, c’est Contre les musulmans. Au fait, qu’est-ce que tu as contre ces pauvres miséreux, pitoyables, pouilleux ? Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? Tu as habité leur pays, ils s’établissent dans ton pays, où est le mal ? Un donné pour un rendu, on est quittes. Oui, mais ils t’ont chassé d’Algérie, et aujourd’hui, toi, tu veux les virer. Eux, ils ont réussi leur épuration ethnique, toi, tu vas te planter. Trop nombreux ils sont, trop forts pour toi. Tu te vois en égorger 3 000 comme ils l’ont fait des tiens au printemps 1962 ? Tu te vois mettre une bombe à Barbès ? Tu sais bien qu’ils t’en renverront 100 à Auteuil. C’est ça que tu veux ? Tu regrettes qu’en novembre 2007, à Villiers-le-Bel, les policiers n’aient pas répondu aux tirs des émeutiers par un carnage. Tu écris : « L’État, ce jour-là, a renoncé au monopole de la violence… La République (s’est suicidée) parce qu’elle n’a pas osé tirer dans le tas. » À la prochaine émeute toi et ton FN vous irez « tirer dans le tas » et déclencher une guerre civile. Ça, c’est du patriotisme !

À part ça, tu vas bien ? Tu te soignes, j’espère. Hélas, non ! Tu es contre la pilule, contre l’avortement, contre le droit des femmes à un compte en banque sans l’autorisation du mari. La disparition de la « famille patriarcale », d’après toi, est à l’origine de tous nos maux. Mon pauvre ami, ne t’a-t-on pas dit que l’autorité patriarcale n’avait plus cours nulle part, pas même au centre de l’Afrique ni en Papouasie ? Au fait, est-ce que tu es contre la pénicilline, la sécurité sociale, les autoroutes ? Les avions on les garde ou on revient à la marine à voile ? Voilà quelques idées pour ton tome II. Un grand philosophe, Platon ou Habermas, je ne sais plus, méditait ainsi : un peu de raison rend sage, beaucoup de raison rend fou.

La souveraineté nationale, dis-tu, a été enterrée par tous les gouvernements. Sais-tu que la France a gardé toute sa souveraineté ? Si elle voulait sortir de l’euro, de l’Europe, de l’OTAN, personne n’aurait les moyens de l’en empêcher. À ses risques et périls. Nous sommes royalement libres de faire ce qui nous chante. Justement, on ne le veut pas. Nous préférons renoncer volontairement à des segments de souveraineté pour assurer la paix avec nos voisins. Des négociations perpétuelles sans queue ni tête nous paraissent valoir mieux que la guerre. Toi, tu crois que la violence est au cœur des relations entre individus et entre États. Les Européens d’aujourd’hui pensent exactement le contraire. Depuis la mort de Napoléon, tu n’as plus d’interlocuteur.[/access]

Le silence des brebis

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Et si finalement Philippe Meirieu avait raison, depuis le début ? Et si notre système scolaire, avec ses notations rigides et ses examens couperets était non seulement une formidable fabrique d’inégalités mais aussi un générateur d’angoisses insoutenables ? Certes, le sinistre fait divers vient des USA mais l’on sait que ce qui se fait jour de l’autre côté de l’Atlantique, pour le pire comme le meilleur, finit inévitablement par arriver chez nous : le fast-food, le néo-libéralisme, le communautarisme, le jean, le rock, les tueurs en série ou le roman noir. Et nous pensons que l’affaire est suffisamment grave pour que Najat Vallaud-Belkacem charge quelques inspecteurs généraux d’une mission de prévention qui pourrait réunir autour d’une table ronde représentants des syndicats étudiants, SPA et éleveurs d’ovins.

En effet, dans la nuit du 14 au 15 novembre, sur le campus de Fresno , un étudiant ivre de vingt trois ans a été surpris par la police, le slip sur les chevilles, en train d’agresser sexuellement une brebis. Arrêté, le jeune homme a expliqué que la perspective de ses examens l’avait mis dans un état « de stress insurmontable » et qu’il avait décidé d’expulser son angoisse dans ce rapport non consenti.

Tétanisée, on le serait à moins, la brebis qui n’avait rien fait pour provoquer son agresseur puisqu’elle n’avait ni maquillage ni string affriolant au moment des faits, a refusé de témoigner Mais les faits sont avérés. Il ne s’agit pas, ici, bien sûr, d’invoquer la culture de l’excuse mais est-ce bien raisonnable, par exemple, d’avoir abandonné en rase campagne les ABCD de l’égalité alors que manifestement, il faudrait au contraire les élargir aux garçons, aux filles mais aussi aux brebis afin de déconstruire ces stéréotypes qui sont à l’origine de ce malheureux événement.

 

Koalas, diplomatie et misère de l’anti-poutinisme

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poutine G20 australie

poutine G20 australie

Les comptes-rendus dans la presse française du G-20 qui s’est tenu en Australie ont présenté un Vladimir Poutine soi-disant isolé par la communauté internationale. C’est un cas d’école de la manipulation de l’information et de la désinformation.

Ce n’est pas la « communauté internationale » qui a cherché à isoler Vladimir Poutine, mais les Etats-Unis et les pays qui leurs sont liés comme la Grande-Bretagne, l’Australie et la France (et dans une moindre mesure l’Allemagne). Alors, oui, les relations de Vladimir Poutine avec les dirigeants de ces pays ont été tendues. Mais, les positions prises par la Russie, et par Vladimir Poutine en particulier, sont en réalité très populaires en Chine, en Inde, en Afrique du Sud et au Brésil. Le G-20 aura été l’occasion de marquer la nette divergence entre les pays que l’on appelle « émergents » et les autres. Cette divergence a été voulue par les pays de l’OTAN à ce sommet. Mais, elle constitue un véritable danger à long terme. Cette divergence construit en réalité une nouvelle coupure du monde en deux dont les conséquences dans la capacité de régler les crises futures risque d’être importante.

Le danger ici est que la politique américaine, car c’est essentiellement d’elle qu’il s’agit, est en train de cristalliser une fracture entre les pays émergents, qui tentent de s’organiser autour de la Russie et de la Chine, et les pays sous influence américaine. C’est un jeu à la fois dangereux et stupide car tout le monde sait bien que les Etats-Unis, qui restent très puissants, sont néanmoins une puissance déclinante. Ce n’est pas ainsi qu’ils gèreront leur déclin. Mais ils risquent d’empêcher le monde de régler toute une série de problème. Cette politique va aboutir, peut-être, a retarder l’inévitable. Elle ne saurait cependant l’empêcher.

De plus, ce n’est évidemment pas notre intérêt à nous Français, ni aux Européens de manière générale. Nous avons des problèmes communs à régler, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique, que ces problèmes soient militaires ou concernent le développement de ces régions, ou encore qu’ils concernent des problèmes de santé comme l’épidémie du virus Ebola l’a récemment mis en lumière. La nécessité d’une coopération à grande échelle s’impose. Il est à cet égard frappant que le communiqué final de ce sommet du G-20 fasse mention de la nécessité « d’éradiquer le virus Ebola » mais ne précise ni ne cite le moindre moyen financier alloué à cette tache. De même, la question du terrorisme est plus que jamais d’actualité. Les récentes atrocités commises par ceux qui se nomment « Etat Islamique » sont la pour nous le rappeler, tout comme elles nous rappelle le fait que ce terrorisme tue tous les jours en Syrie, en Irak, voire en Libye ou au Nigéria. Nous n’y prêtons garde que quand un « occidental », un « blanc » pour tout dire, en est victime. L’indignation du Président américain, et de notre Président, François Hollande, apparaît alors comme très hypocrite.

En fait, il y a une intense coopération militaire avec la Russie au Mali et au Niger. Il pourrait en être de même au Moyen-Orient. C’est là que l’on mesure l’imbécillité de l’opposition systématique à Vladimir Poutine, et plus encore sa « démonisation » dans la presse. Henry Kissinger a expliqué à de nombreuses reprises ces derniers mois que « l’anti-Poutinisme » hystérique des Etats-Unis et de la presse américaine, ne constituait nullement une politique mais était en réalité une réponse à l’absence de politique. Il n’y a rien de plus exact. Il le dit dans une interview qu’il a donnée à l’hebdomadaire allemand  Der Spiegel le 13 novembre. Le niveau de délire de la presse américaine a été bien analysé par Robert Parry, l’un des plus grands journalistes indépendants des Etats-Unis. Il est aujourd’hui tragique de voir que ce discours, qui est une véritable propagande de guerre, envahit les médias en France et en Grande-Bretagne.

L’idée que la Russie voudraient reconstituer de toutes ses forces l’URSS défuntes est alors invoquée. Il faudrait faire « barrage » à un tel projet, et cela justifierait en réalité la violence de l’opposition à Vladimir Poutine. C’est une immense et considérable erreur. Les dirigeants russes, et Vladimir Poutine au premier chef, ont tiré un trait sur l’ancienne URSS. Le véritable enjeu pour les trente années qui viennent, c’est l’alliance entre la Chine et la Russie, et la question de savoir si les pays que l’on nomme les BRICS arriveront à constituer un front cohérent face à la politique américaine. Tout le reste n’est que (mauvaise) littérature.

De même, sur la question ukrainienne, la Russie a toujours considéré que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE était un problème ukrainien dans lequel elle n’avait rien à dire. Par contre, et ceci peut se comprendre, elle a affirmé à de nombreuses reprises que si l’Ukraine voulait entrer dans une zone de libre-échange avec l’UE, elle ne pourrait plus bénéficier des conditions particulières de son commerce avec la Russie. Le problème est que les dirigeants ukrainiens ont voulu gagner sur les deux tableaux. La Russie leur a rappelé que cela n’était pas possible. L’intégration économique des deux pays était sur bonne voie quand ce sont produits les événements de Maïdan. L’erreur des dirigeants russes a été de croire que cette réalité économique pèserait suffisamment lourd dans le contexte politique. Mais, ce dernier est le lieu des émotions et il est sujet à des processus de radicalisation qui ne font pas appel aux réalités économiques. De plus, le système politique ukrainiens était affreusement corrompu, ce que les dirigeants russes reconnaissent eux-mêmes. En janvier 2014 à Moscou dans des discussions avec des responsables du Ministère des Affaires Etrangères de Russie ces derniers m’ont dit être effarés du niveau de corruption de leurs homologues ukrainiens. Or, le mouvement de la place Maïdan a commencé comme une protestation contre la corruption du système politique et économique ukrainien, et cette protestation était absolument légitime. Nul ne le conteste dans les sphères officielles à Moscou. Mais, en même temps, Moscou continuait de négocier avec ces mêmes dirigeants corrompus. Il y a là une contradiction mais dont on voit mal comment elle aurait pu être dépassée. Moscou a probablement pâti du fait qu’elle était engagée dans des négociations avec Yanoukovitch. Mais, ce dernier étant le Président légalement élu de l’Ukraine, pouvait-il en être autrement ? Honnêtement, je ne le crois pas.

La question de l’OTAN est un autre problème. Il y avait un accord entre les Etats-Unis et la Russie que l’OTAN ne s’étendrait pas sur les anciens pays de l’Est et de la CEI sans l’accord de la Russie. Cet accord a été violé. Il en est allé de même au Kosovo ou les pays de l’OTAN ont couvert ce qu’ils dénoncent aujourd’hui en Crimée et en Ukraine. Les russes en tirent naturellement les conséquences et ils s’opposent à tout nouvel élargissement de l’OTAN. Mais la vérité est que nous payons au prix fort les inconséquences qui ont été les nôtres, en tant que pays dits « occidentaux », vis-à-vis de la Russie. L’instrumentalisation politique du droit international à laquelle se livrent les Etats-Unis avec l’assentiment de leurs vassaux est un véritable problème car l’on comprend bien qu’il ne peut y avoir de stabilité et de paix dans le monde que sur la base de règles respectées par tous.

Retrouvez la version originale de cet article sur le blog de Jacques Sapir.

*Photo : Andrew Taylor/AP/SIPA. AP21653719_000003.

Il faut reconnaître l’Etat palestinien

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nissim zvili israel palestine

nissim zvili israel palestine

Causeur : En Israël, la situation de tension qui règne à Jérusalem depuis des semaines suscite un vaste débat sur les responsabilités des uns et des autres. Qui a mis le feu aux poudres : la politique israélienne ou l’éventuel double discours de l’Autorité palestinienne ?

Nissim Zvili : Après un acte aussi horrible et inhumain que l’attentat de mardi dans la synagogue, les Israéliens ont traditionnellement tendance à aplanir les problèmes. On dit que l’heure n’est pas à la discussion, on attend que le temps passe, on oublie et on évite le vrai débat : l’avenir de Jérusalem et d’Israël. Mais si on veut avoir le courage de faire face à la réalité, il faut reconnaître que de facto Jérusalem n’a jamais été unifiée, n’est pas unifiée et ne sera jamais unifiée. Tant qu’on ne comprend pas cette réalité, on arrive à des conclusions totalement erronées. Aujourd’hui, on commence à payer le prix des erreurs commises par tous les gouvernements  israéliens depuis la guerre des Six-Jours. Tous se sont illusionnés en pensant qu’on pouvait obliger 300 000 palestiniens à devenir des citoyens israéliens et qu’on pouvait contraindre les Palestiniens à vivre dans une ville divisée aux niveaux politique et municipal. Il y a un écart incroyable entre les services municipaux fournis aux quartiers juifs et ceux fournis aux quartiers arabes annexés ! Bien sûr, les tensions ne sont pas de la seule responsabilité d’Israël, et je pourrais parler deux heures entières des décisions et discours palestiniens. Mais la ville et la population de Jérusalem se trouvent sous notre responsabilité. C’est donc à Israël de prendre des décisions qui s’imposent.

Causeur : La situation que vous décrivez ne date pas d’hier puisque Israël a récupéré la partie orientale de Jérusalem en 1967. Peut-on dissocier la question de Jérusalem de celle plus large des Territoires palestiniens (Cisjordanie et bande de Gaza) ?

On ne peut pas séparer complètement ces deux sujets. À Jérusalem comme dans les Territoires palestiniens, le conflit a pris un tour plus religieux que politique. C’est un tournant très inquiétant que de voir se former une guerre entre juifs et musulmans qui risque d’avoir des conséquences sur le monde entier. Aussi j’espère que les parties israélienne et palestinienne vont s’efforcer d’enrayer cette dérive. Jusqu’ici, les deux côtés ont manqué de volonté pour relancer le processus de négociation. Cela fait des années que l’on patauge et s’enfonce dans la boue. Et je trouve les discours des hommes politiques israéliens effrayants. Ils n’ont pas tiré les leçons de ce qu’il s’est passé depuis l’opération militaire de cet été dans la bande de Gaza. Ils croient toujours que la solution passe par la force, à Jérusalem, dans les Territoires ou à Gaza. Or, une telle solution n’existe pas. Maintenant, il faut prendre une décision : soit on va vers un Etat binational avec toutes les conséquences que cela comporte, soit on mène des négociations sérieuses au cours desquelles on devra faire des concessions très douloureuses pour séparer les deux peuples.

Causeur : La reconnaissance d’un Etat palestinien par la communauté internationale est-elle de nature à relancer le processus de paix ? Votre prédécesseur Elie Barnavi soutient cette initiative afin de sortir du face-à-face stérile entre Netanyahou et Abbas. Qu’en pensez-vous ?

En accusant en permanence Mahmoud Abbas d’inciter à la violence, Israël commet une erreur à dessein : montrer qu’il n’y a pas de partenaire palestinien. Le gouvernement israélien essaie de le délégitimer, tant vis-à-vis de son peuple que de la communauté internationale. S’agissant de la reconnaissance d’un Etat palestinien, je me suis rallié à la position d’Elie Barnavi. Sans intervention internationale massive, les deux côtés ne pourront pas arriver à une solution politique. Je suis arrivé à cette conclusion à force d’observer la politique du gouvernement israélien : cela fait six ans que ce cabinet de droite ne nous mène nulle part, et le terrorisme est en train de relever la tête. Au lieu de condamner les décisions des parlements européens, je les encourage à reconnaître l’Etat palestinien car Israël doit comprendre qu’il ne vit pas isolé. Notre pays veut bien appartenir à la communauté internationale et en retirer tous les avantages, mais Israël est le premier à ne pas en respecter les décisions et les résolutions. Je ne sais pas si la communauté internationale peut imposer une solution directement mais il est certain que son indifférence à l’égard de ce conflit a eu des effets déplorables.

Causeur : L’opinion israélienne est-elle disposée à élire une nouvelle majorité afin de relancer le processus de paix ?

Non, car une grande majorité de la population juive d’Israël soutient les positions du gouvernement de Benyamin Netanyahou. En quelques années, la droite et l’extrême droite israélienne sont parvenues à convaincre une grande majorité de mes concitoyens qu’il n’y a pas de possibilité de faire la paix, qu’on est obligé de continuer à occuper les Territoires et d’entrer dans des tranchées. Les gens se sont progressivement laissé gagner par le désespoir, à mesure que les gouvernements successifs, à commencer par le cabinet d’Ehoud Barak (1999-2001) leur répétaient qu’ils n’avaient pas de partenaire pour la paix. Il y a encore deux ans, l’idée de deux Etats séparés était nettement majoritaire dans l’opinion israélienne, ce dont je ne suis aujourd’hui plus sûr du tout.

*Photo : APA IMAGES/SIPA. 00688420_000016.

Les fessées du Petit Nicolas

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fessee punition education

fessee punition education

« Mais enfin, a crié papa, que veux-tu que je fasse ? Que je fouette le gosse dès que j’entre dans la maison ? » (Les Récrés du petit Nicolas)

On fouette peu mais on fesse beaucoup dans le Petit Nicolas, l’immortel chef d’œuvre de Sempé et Goscinny. Particulièrement dans le premier volume. Les copains se prennent des dégelées impressionnantes, au retour de l’école.
Voilà qui ne ferait pas plaisir à Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la famille, qui relance le débat (refermé en mai dernier lorsque « l’amendement fessée » déposé par un Vert, François-Michel Lambert, a été repoussé par l’Assemblée) sur la constitutionnalité de la fessée.
Comme ils n’ont rien d’autre à faire, au gouvernement, que de s’occuper des parents fesseurs (et les parents gifleurs alors ? Discrimination insupportable !), Bonnet d’Âne, ne reculant devant aucun sacrifice, a résolu de s’attaquer résolument au problème.
D’abord, il n’y a fessée, stricto sensu, qu’à partir du moment où il y a répétition du geste. Une seule claque n’est pas une fessée.
Ensuite, y a-t-il fessée lorsque le derrière susdit est protégé par un tissu — couche, pantalon, jupe plissée ou shorty « Fleurs de pommier » de chez Aubade ? Y a-t-il fessée lorsqu’il ne s’agit pas d’un enfant ?
Mais Laurence Rossignol sait-elle que la fessée est un jeu d’adultes parmi d’autres ?

Et d’abord, était-elle méritée, cette fessée ? On sait grâce à Max Ernst que même le petit Jésus, qui est comme chacun sait « sage comme une image » pieuse, a pris des fessées de la main de sa Vierge de mère (l’était-elle encore après l’accouchement ? Si oui, je veux bien croire aux miracles) légèrement excédée par les turlupinades du gamin. « Jésus, je t’avais dit de ne pas changer l’eau en vin, ivrogne ! » « Jésus, qu’est-ce que c’est que cette manie de fréquenter des paralytiques — d’abord, il est même pas lavé, ce mec ! » « Jésus, tu nages comme je t’ai expliqué, tu ne frimes pas en marchant sur l’eau ! »
Insupportable, le gamin. On le lui a bien fait voir, une grosse vingtaine d’années plus tard.

Ensuite, la fessée est-elle pédagogique ? Ma foi… L’abbé Boileau (le frère de l’autre) a commis en 1700 une Historia flagellentum qui condamne fermement l’abus de fessées (particulièrement au fouet), à cause du plaisir louche que d’aucun(e)s y prennent. La vraie pédagogie serait donc de refuser la fessée ?
Rappelons au passage qu’elle n’est interdite à l’école de façon officielle que depuis 1991. On en donnait, « de mon temps »…

Allez, cessons de rire : ce n’est pas bien de fesser (et encore moins de gifler) les enfants. La seule vertu que l’on peut reconnaître à la chose, c’est un certain soulagement des parents.
Mais entre adultes consentants ? Peut-on utiliser la main, jusqu’à faire rougir les fesses — jusqu’à « fêler le postérieur en deux », comme le chantait Brassens, qui en homme cultivé revenait au sens originel de « fesse » — la fissure ? Là où nous voyons des rotondités symétriques (sauf cas de « cul rabat-joie, conique, renfrogné » — Brassens toujours), les Latins voyaient une fente, tout comme là où nous voyons la pointe du sein, ils voyaient, eux, la courbe — sinus / cosinus, c’est la raison étymologique de la paire de lolos. La fessée excite les esprits animaux, dit l’abbé Boileau. Je le crois bien ! Elle amollit les chairs, les prépare à des excès, ramène le sang en surface sans le faire couler (à l’inverse du fouet, de la canne ou de la cravache), ravive les couleurs…

Au lieu de légiférer sur des pratiques certes archaïques mais sans réelle gravité, la secrétaire d’Etat ferait mieux de s’occuper des enfants réellement battus, à coups de ceinture après les avoir attachés à la table. Elle ferait mieux de traiter les douleurs véritables, les humiliations du pain quotidien devenu hebdomadaire et du travail qui manque, les cités contrôlées par les gangs, les jeunes sans autre perspective que Pôle Emploi ou le djihad. Oui, elle ferait mieux — sinon c’est à François Hollande en particulier et au PS en général que les électeurs flanqueront une fessée, en 2017. Et une belle.

*Photo: SERGE POUZET/SIPA.00667503_000003

Baffie, abuseur public?

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laurent baffie frigide barjot

laurent baffie frigide barjot

Imaginez. Un humoriste connu débarque sur le plateau d’une chaîne de télé publique alors que Vincent Autin, le « premier marié homosexuel », vient de sortir. Après avoir salué tout le monde, le farceur invité s’écrie d’une voix forte : « Il est parti, l’enculé ? »

Imaginez, prenez le temps qu’il faudra.

Voilà.

En attendant un monde de justice et de paix, où la loi s’appliquerait de la même manière « pour tous », rappelons qu’en France elle condamne théoriquement « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». C’est la définition de l’injure, par la loi du 29 juillet 1881, passible de 12.000 euros d’amende lorsqu’elle est « publique ».

En éructant « Elle est partie, la pute ? » à propos de Frigide Barjot sur le plateau de l’émission « C à vous », un comique face auquel Bigard passerait pour Voltaire s’est donc rendu coupable d’un délit qui relève du tribunal correctionnel. Mieux : le délinquant est un récidiviste. L’an dernier, il l’avait déjà traitée publiquement de « connasse », en son absence bien entendu.

« Heureux serez-vous si l’on vous insulte (…) car votre récompense sera grande dans les Cieux », disent les Béatitudes (Matthieu 5, 3-12). Mais revenons sur Terre. Ici-bas, c’est plutôt celui qui insulte qu’on récompense. Ni le CSA ni aucun grand média n’ont dénoncé ce dérapage autopromotionnel parfaitement contrôlé, aussi vulgaire qu’imbécile. Et accessoirement misogyne.

On suppose que les harpies de chez Macholand.fr doivent être trop occupées à traîner en justice le dernier jeune banlieusard qui les a gratifiées d’un insupportable « vous êtes trop charmante, mademoiselle » à la sortie du Biocoop. Dans la République féministe française, on peut traiter une femme de « pute » dans son dos, mais pas lui dire « mademoiselle » en face.

Evidemment, la « tête à claques » du PAF – à qui on flanquerait plus volontiers un coup de tatane dans les testicules, s’il en avait au moins un – ne s’excusera pas. Parce que, tout le monde le sait, Virginie Tellenne cache son homophobie (bien connue au Banana Café) sous le fallacieux prétexte de défendre le droit de chacun à connaître ses géniteurs. Elle mérite donc qu’on dépénalise l’injure et qu’on abroge enfin la loi abolissant la peine de mort.

A l’heure où tant de gens s’accordent sur le fait que la privation d’un lien de filiation biologique n’est pas anodine, et que l’adoption par des couples de même sexe crée une inégalité injustifiable entre les citoyens qui auront accès à leurs origines et les autres, Virginie Tellenne s’en fait simplement l’écho dans les médias. Et ne manque pas une occasion de rappeler haut et fort son attachement à l’égalité entre homos et hétéros.

Mais puisqu’il est désormais permis de stigmatiser, d’exclure, d’agresser verbalement quiconque se soucie encore que l’on naisse libres d’avoir un père et une mère, et égaux quelle que soit notre sexualité, allons-y gaiement. Que Laurent Baffie aille maintenant traiter la philosophe de gauche Sylviane Agacinski de « salope », ou l’historienne homosexuelle Marie-Jo Bonnet de « chienne ». Sa haine pure et son ignorance crasse sont la meilleure promotion qu’on puisse offrir à ces esprits généreux et brillants.

Comme à la cause que ces femmes partagent avec Virginie Tellenne et des millions de Français.

 *Photo : NIKO/BENAROCH/SIPA. 00578077_000032. 

Des États européens achètent le pétrole de l’État islamique

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L’ambassadrice de l’Union européenne en Irak, Jana Hybaskova, l’a dit devant le Parlement européen, le 3 septembre dernier : des États européens achètent le pétrole de l’État islamique. Son discours a été filmé, comme tous ceux qu’elle prononce devant le Parlement européen. Il est disponible en ligne, peut être visionné par tous. Et pourtant son accusation, proférée avec un air de reproche, est passée quasi-inaperçue dans les médias (seulement reprise par i-Télé et le Huffington Post). Plus étrange encore, aujourd’hui, il est impossible d’obtenir un quelconque commentaire d’un responsable politique sur cette déclaration.

À la minute 3:54 de cette vidéo officielle du Parlement européen, l’ambassadrice l’énonce sans détour : « malheureusement, des Etats membres de l’UE achètent ce pétrole » (celui de l’État islamique). Ensuite, à la question de savoir quels sont précisément les États européens qui se rendent coupables de cette ineptie, l’ambassadrice répond aux députés européens qu’elle ne peut répondre, car « ce n’est pas une information publique ». En effet, l’ambassadrice ne répondra jamais à nos sollicitations, pas plus que le porte-parole.

Du côté de la Mission permanente irakienne auprès des Nations unies, on préfère ne pas être cité nommément et les réponses restent évasives : « tout le monde sait que le pétrole brut de l’État islamique transitait autrefois par la Syrie, et aujourd’hui par la Turquie », « mais il est impossible de vérifier sa provenance quand l’acheteur final, un Etat européen conclut sa transaction ».

Le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, dit “ne pas avoir entendu cette déclaration” de l’ambassadrice, se contente d’une condamnation de principe de ces “sources de financement illégales du terrorisme”, et nie qu’elles soient l’objet d’un quelconque projet de résolution de la part du Conseil de Sécurité.

Le ministre des Affaires étrangères Fabius ne nous répondra jamais. Catherine Ashton, jusqu’au 1er novembre 2014, haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité restera, elle aussi, muette sur cette question, pourtant importante.

Le silence des responsables politiques sur des déclarations pourtant on ne peut plus officielles pose la question de l’intérêt de filmer les débats parlementaires.

Où vas-tu Basile?

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appartement barjot koch

appartement barjot koch

Plus de deux lecteurs s’en sont émus : ma signature avait disparu de Causeur depuis le numéro d’été. Viré, le Basilou ? Que non pas ! La direction m’a juste accordé un congé exceptionnel, et motivé : vingt ans d’archives à trier d’urgence pour cause d’expulsion.

Encore sous le choc de ce coup bas venu de haut, je n’ai pas le cœur de vous parler ici, comme je l’aurais souhaité, des deux autres vedettes du mois : François et son synode, Zemmour et son Suicide. Non, décidément, rien que moi dans ce Moi ! Après tout, pourquoi mes malheurs ne vaudraient-ils pas eux aussi un petit selfie littéraire, comme dit joliment Régis Debray.

MOTEUR À EXPULSION

Vendredi 3 octobre

« Allez hop ! tout le monde à la campagne », chantait Charlotte Julian dans mes jeunes années. Voilà donc notre petite famille invitée à déguerpir dans le mois d’un immeuble où depuis trente ans, avant même de rencontrer ma future épouse, j’habitais en « bon père de famille ». Que s’est-il donc passé ?

Au risque de paraître complotiste, très vite la coïncidence entre cette procédure d’expulsion et le rôle de Barjot dans La Manif pour tous vintage m’a sauté aux yeux. Comme une intuition que « l’affaire » n’était peut-être pas seulement juridique…

Après seize mois d’enquête indépendante (vous me connaissez), cette fulgurance s’est trouvée confirmée par une série d’éléments concordants que j’aurais pu vous résumer en trois points ; mais mettons-en quatre, ça fait plus sérieux.[access capability= »lire_inedits »]

Un calendrier parlant

La première trace écrite d’enquête sur l’affaire, c’est une demande d’extrait K bis de la société Jalons. Ce document, tel que je l’ai découvert dans la jungle des p.j. aux conclusions de la partie adverse, est daté du 26 janvier 2013 – soit deux semaines à peine après le succès de la première manif nationale de LMPT – Canal historique.

Une parfaite synchronie entre enquête et médias

Les premières investigations, fort discrètes, sur le cas Barjot/RIVP coïncident avec les premières « indiscrétions » sorties dans la presse sur le mirobolant « empire immobilier » généreusement prêté à Frigide Barjot (Marianne et le Nouvel Obs, en janvier et février 2013). L’ensemble est ensuite repris par les autres titres et leurs sites Web, puis par l’ensemble de la gauchosphère, gay friendly ou même pas. Enfin, dès le printemps 2013, viendront se joindre à cette curée la réacosphère, la cathosphère et le lobby homophobe… Décidément, ma femme sait se faire des amis.

Des angles d’attaque complémentaires

Les médias mettent l’accent sur le cynisme de cette Thénardier, « voleuse de la République ». Couverte d’appartements et de maisons un peu partout, à les en croire, elle n’en occupe pas moins sans vergogne, et pour presque rien, un « logement social ». Et pas n’importe lequel : « un grand duplex dans un luxueux HLM, avec terrasse et vue imprenable sur la tour Eiffel », romance Libé. Même Century 21 n’aurait pas osé. Outre l’audacieux oxymore sur le « luxueux HLM », notons juste que, pour apercevoir la Tour de chez nous, il faudrait retourner l’immeuble.

De son côté, la Régie immobilière de la Ville de Paris, c’est à dire la Mairie en personne, joue dans ce concert la partition juridique. Après trente ans d’hibernation, la RIVP s’est réveillée en sursaut, et de fort méchante humeur apparemment, contre notre « petite famille jusque-là sans histoires », comme dirait Pierre Bellemare. Selon toute vraisemblance, elle charge alors un cabinet d’avocats de trouver d’urgence « quelque chose » pour coincer Barjot. Faute de mieux, ce sera ma SARL au capital consolidé de 304,90 €.

Un dossier accablant

À travers Jalons, nous voilà donc accusés de « graves manquements au bail » remontant, au gré des pages de l’assignation, à l’an 2000, à 1994, voire à 1986. Lesdits manquements sont au nombre de deux – mais si graves que, selon notre bailleur, un seul suffirait à justifier notre expulsion sans délai. (Et pourquoi pas il y a vingt ans ?)

–        L’autorisation écrite de domiciliation de la société Jalons serait désormais « périmée », sans qu’on sache exactement depuis quand. D’autant moins qu’elle ne mentionne, ni directement ni indirectement, aucune limitation dans le temps.

–        Nous aurions « sous-loué » une partie de notre logement à la société Jalons, qui elle-même l’aurait transformée en « local commercial » avec réception, vente et stockage de marchandises labellisées Jalons. Reste à savoir où on aurait bien pu caser ce local… Que ceux qui sont déjà venus chez nous, n’importe quand depuis vingt ans, s’avancent à la barre !

DIALOGUE AVEC LES TROLLS

Samedi 11 octobre

Contre Barjot la salope-débile-homophobe et milliardaire, la haine aveugle bouillonne depuis bientôt deux ans dans les réseaux d’égouts sociaux – dont on n’est heureusement pas tenu de soulever le couvercle.

À chaque article-charge mis en ligne par la grande presse, des milliers de trolls en folie sortent de leurs sombres forêts pour baisser un pouce givré. « À mort la Barjot ! » couinent-ils, chacun avec leur mots :

– Le troll moraliste : « Une catho bourge qui squatte une HLM, bravo ! »

– Salut, Trollmor ! On n’habite pas une HLM, mais un « logement intermédiaire », où les loyers sont fixés en fonction des revenus des locataires. Tu viens ?

 

– Le troll de comptoir : « Qu’est-ce-qu’elle fout là, la fausse blonde avec tout son fric ? »

– Hello, CompTroll ! Non seulement notre famille a droit à ce type de logement, mais en 2011, Delanoë regnante, la RIVP nous avait exemptés de la dernière hausse de loyer décidée pour les locataires les plus « aisés ».

 

– Le troll bac + 12 : « Le pire, c’est que ces gens-là prennent indûment la place de nécessiteux. »

– Comment va, Trollplus ? Notre loyer, pour ta gouverne, s’élevait quand même à 3 400 € cc, et même pour Leonarda, je doute que la RIVP eût effacé un zéro.

Dans la gestion d’un budget, tout est affaire de priorités. Certains mettent bien leur pognon dans les bagnoles, le Mondial, les Patek Philippe ou le pognon lui-même, et personne ne songe à leur en faire reproche. Alors pourquoi on n’aurait pas aussi le droit de vivre dans un duplex, quitte à rouler à vélo avec une Swatch au poignet ? Après tout, « on fait ce qu’on a envie », comme disait très bien ( ?) Véronique Sanson.

LE VENTILATEUR À CACA

Lundi 20 octobre

Tant qu’il tourne, comme chacun sait, mieux vaut la fermer. Mais là, ça fait déjà deux ans ; et jusqu’au bout, les médias auront recopié à notre propos n’importe quoi, sans oublier de présenter ce portnawak à notre désavantage. C’est sans doute ça qu’on appelle « séparer les faits des commentaires ».

Ce 20 octobre donc, l’AFP balance une dépêche historique : « Frigide Barjot a quitté son logement social (…), a-t-on appris de sources concordantes. » Aussitôt le scoop est repris partout ; moi-même, j’entends ça, entre deux sommeils sur France Info. Au début, je crois vaguement qu’ils parlent de Bardot, mais dès que j’entends « vue sur la tour Eiffel », je comprends : ça ne peut être que nous !

Le mec dans le poste a l’air si sûr de lui qu’un instant je me prends même à douter : Barjot aurait-elle déménagé sans moi ? Serais-je seul dans l’appart – avec le commissaire, l’huissier, le serrurier et les fonctionnaires en tenue ? Mais non, voyons : j’entends d’ici sa voix cristalline, et les clameurs joyeuses des enfants.

« Ce lundi matin, enchaîne la voix, cinq camions de déménagement stationnent devant chez elle, a-t-on appris auprès de la Mairie de Paris. » Allons bon ! On n’en avait pourtant commandé qu’un. Je jette un coup d’œil par la fenêtre : il est bien là, tout seul, avec dans sa roue la pimpante enquêtrice du Petit Journal. Las ! Elle n’aura guère de grain à moudre : un seul camion, au lieu des cinq promis… Et pour toute interview, les bougonnements de déménageurs qui s’en tapent.

Le pire, c’est que la pauvresse n’essaye même pas de nous harceler ; elle a lu partout qu’on était partis, donc c’est vrai ! Misère du Petit Journalisme.

LA FÊTE DE L’UNANIMITÉ

Vendredi 24 octobre

Pourquoi tant de haine ? À la rigueur, on peut comprendre Delanoë, c’est à dire Hidalgo : dans la perspective des municipales, il était sans doute opportun d’offrir une tête d’omofobe au bon peuple du Marais ; faute de mieux, Barjot a fait l’affaire.

Mais la presse unanime ? Tels les Ripolin d’antan, tous nos confrères se peignent dans le dos la même phrase connement vipérine : « Frigide Barjot quitte ENFIN son logement social. » Ces messieurs-dames étaient-ils donc si pressés ? Plus que la Mairie, la justice et la préfecture réunies ??

Pas de mystère, hélas ! Frigide est si fine politique qu’elle a réussi à se mettre à dos successivement la gauche et la droite, les homophiles et les homophobes. C’est aussi ça, le grand écart barjotien.

LE GLAIVE ET LES BALANCES

Mardi 28 octobre

Enfin dehors, les Barjot-de Koch ! Et c’est pas trop tôt, là-dessus au moins je suis d’accord avec mes ami(E)s de la LGBTUVW. Deux ans de harcèlement politico-médiatico-juridique, ça suffit.

Avec le recul, si l’on ose dire, ce qui troue le cul dans cette affaire, ça reste le timing. Vingt ou trente ans durant, la société dont je suis le gérant aurait donc impunément squatté, puis changé en boutique un logement social. Au mépris du droit bien sûr, mais aussi de la plus élémentaire morale, quand on connaît l’indécent patrimoine de mon épouse actuelle tel que je l’ai découvert dans la presse.

Et pendant ces décennies d’illégalité, pas le moindre rappel à l’ordre de la RIVP ! Jamais une question des gardiens successifs, malgré l’interphone Jalons, la boîte aux lettres Jalons (régulièrement renouvelée par la RIVP) et les innombrables paquets et lettres déposés contre signature à la loge au nom de la SARL. Pas le moindre coup de fil d’un des « responsables » juridiques de la Régie, et encore moins de lettres, recommandées ou pas, ni de mises en demeure ou exploits d’huissiers.

Le premier de ceux-là à franchir notre porte, ce sera le 10 juin 2013, et pour nous balancer la bombe H direct : une assignation devant le tribunal « aux fins d’expulsion immédiate ». Après l’incurie, l’urgence absolue ! Feu sur le quartier général (de Barjot !).

Sur le moment, ça nous a fait une drôle d’impression d’irréalité, comme si on avait raté les vingt premières saisons d’une série dont on serait finalement les méchants. Maintenant, je commence à m’habituer à l’idée : décidément, comme nous le disions dès les IVes Rencontres internationales des intermittents de la pensée, « on peut pas lutter ! ». Encore moins depuis que le juge de première instance a poussé la conscience professionnelle jusqu’à assortir sa décision d’expulsion de l’« exécution provisoire nonobstant appel ». (En bon français : « Tu te casses d’abord, on discute après ! »)

Barjot, elle, tient à tout prix à faire appel, la pauvre. « Belle Frigide, on désespère/Alors qu’on espère toujours ! » Bien sûr que je respecte ça, du moment que c’est avec son argent de poche…

Je dis « la pauvre » sans ironie, hélas ! Après avoir vendu son appart et son studio parisiens, et en attendant de sortir de l’indivision familiale, il manquait à notre grande latifundiaire la moitié de la somme nécessaire pour acheter un F4 dans le 15e.

Ce n’est qu’in extremis, donc un peu tard aux yeux du Bureau des expulsions, que nous avons enfin décroché le prêt nécessaire. La plupart des banques avaient refusé, notamment en raison de la « personnalité à risque » de Madame.

Mais à quoi bon aller raconter tout ça à la bonne presse ? Ces gens-là miment l’empathie, et publient le contraire. Comme dit à peu près le patron du Shinbone Post de L’Homme qui tua Liberty Valance : « Si la légende est plus vendeuse que la réalité, imprimez la légende ! » Nous sommes une légende imprimée, et ceci est mon Tipp-Ex.

LE COMPLOT DES OBJETS

Je ne sais pas si vous avez déjà déménagé, mais c’est dans ces moments-là qu’on perçoit le mieux la malignité des objets à notre égard. (Je profite de dire ça tant qu’on n’a pas inscrit dans la Constitution une Déclaration des droits de l’objet et de son irréductible dignité.)

En temps ordinaire déjà, qui n’a pas vu un truc se dérober à son regard en un clin d’œil ? Cinq minutes avant encore, quand on n’en avait pas besoin, l’objet trônait pourtant là, bien en évidence… Avec le temps, on apprend à ruser dans ce combat où tous les coups sont permis. Faites seulement mine d’ignorer l’objet de vos recherches, et de guerre lasse il finira par réapparaître.

Encore faut-il avoir du temps devant soi, ce qui est rare en cas d’expulsion. L’urgence et le stress qu’elle génère sont les meilleurs alliés de l’objet révolté[1. Concept post-camusien.]. Un exemple au hasard : comment rester zen comme un Matthieu Ricard quand on doit remettre les clés de l’appartement à l’huissier qui patiente sur un pouf, et qu’au dernier moment, impossible de remettre la main dessus ? Barjot a dû sortir avec…

T’inquiète !,me souffle le Ricard, au pire, elle sonnera ![/access]

Le nouveau djihadiste français est arrivé

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maxime hauchard djihad

maxime hauchard djihad

Il est coupant, maniable, résistant, fonctionnel, efficace, increvable, d’origine incontrôlée, inventé dans nos campagnes mais reproductible un peu partout sur le globe : le djihadiste-laguiole est arrivé. Le savoir-faire français étonne une fois encore le monde. Maxime Hauchard de Bosc-Roger-en-Roumois, Mickaël Dos Santos de Champigny-sur-Marne sont presque nos petits frères, presque nos fils. Les autres aussi, quand ils s’appellent Salim Benghalem ou Mehdi Nemmouche, mais puisque Daech se revendique de l’islam, leur embrigadement paraît moins étonnant.

Le problème n’est pas que Salim Benghalem soit moins français que Maxime Hauchard, mais que Maxime Hauchard ne le soit pas plus que Salim Benghalem. À moins que ce soient eux les Français de 2014 et que nous ne soyons, nous, que les résidus d’un monde paléolithique, qui n’aurait pas vu venir le progrès. Un progrès qui s’appelle youtube ici, les chaînes satellitaires dans le monde arabe, par où les deux religions de la mondialisation que sont l’islam et l’évangélisme répandent les germes de l’adhésion à leurs idéologies simplettes. À la vague de conversions à un islam combattant ici correspond outre-Méditerranée comme dans un miroir une autre vague de baptêmes à la foi dans le Christ réduite à sa plus simple expression. Elle est difficile à estimer puisqu’elle se joue dans les marges obscures de nations qui interdisent de fait l’abandon de l’islam, quand bien même leurs lois proclament l’inverse, et brident de manière générale la liberté d’expression. Mais elle est là, elle aussi, avec son cortège de raisons angoissées qui sont autant d’angoisses pour la raison. L’écran, d’ordinateur ou de télé, est devenu ce miroir où chacun se rêve le contraire de ce qu’il est né.

Episode classique de l’adolescence qui, on le sait, à mesure que l’homme se civilise, dure plus longtemps. A un point tel qu’on se demande si l’adolescence n’est pas aujourd’hui devenue la vie elle-même.

Ce monde a le feu dans ses soutes, et il va bientôt sauter, disait Bernanos. Maintenant il a commencé de sauter et l’explosion est plus dantesque qu’on ne pouvait l’imaginer. La révolte est tellement devenue à elle-même son objet propre qu’il peut s’agir de devenir conseiller local du Front national et musulman prosélyte du même mouvement. D’être dieudonniste et raciste anti-noir ensemble. Bientôt, on verra des membres du Comité invisible s’engager dans Tsahal. Des Boubakar nés à Villiers-le-Bel combattre aux côtés des insurgés du Donbass. La phrase de Jaime Semprun n’a jamais été aussi définitive qu’aujourd’hui : « il ne s’agit plus de savoir quel monde nous allons laisser à nos enfants, mais quels enfants nous allons laisser à notre monde ».

Même Christophe Guilluy n’avait certainement pas prévu que les rejetons de sa France pavillonnaire finiraient glorieusement leurs jours les armes à la main dans un désert de Syrie, dix cadavres d’assyro-chaldéens autour d’eux qu’ils n’auront pas défendus mais assassinés.

Certainement, trois hirondelles périrubaines ne font pas le printemps islamiste. Certainement, chaque époque eut son lot d’aventuriers, de trappeurs d’absolu, de Brigades internationales, et de volontaires étrangers. Mais qu’un fils de famille catholique français élevé au scoutisme rejoigne les rangs de la phalange libanaise ou combatte avec les Karens, qu’un enfant d’instit anarchiste prenne les armes avec le POUM en Espagne, cela n’avait rien d’invraisemblable. Il y avait un certain ordre, venu de plus loin, dans ces engagements héroïques. Que l’ultime rêve de Maxime qui a peut-être ânonné rosa, rosae en 4ème B dans les champs de pommiers de la Normandie des années 2000 consiste à égorger son semblable devant des caméras en Syrie ou en Irak laisse son contemporain lui-même rêveur. Tu as bien fait de partir, Maxime Hauchard, peut-être, comme Arthur Rimbaud, si on ne t’avait laissé ici que le « skatepark » dont le maire bovaryen de ta commune d’origine se désole qu’il ne t’ait pas retenu parmi nous. Tu as bien fait de partir, maintenant que tu es entré vraiment dans ta console de jeux, que tu es devenu vraiment un personnage d’Assassin’s creed – vraiment si l’on n’oublie pas que le vrai lui-même est un moment du faux, dans ce monde complètement renversé.

Symptômes de notre échec complet, et il n’est plus temps de hurler encore contre les soixante-huitards avec trente ans de retard car il s’agit de nous en général, Maxime Machin ou Enzo Dupont témoignent définitivement contre notre civilisation. « La civilisation n’est pas une maladie incurable », disait Gandhi il y a cent ans. Le médicament n’a pourtant pas encore été trouvé. Ces jeunes gens sont des barbares et l’on voit mal comment il eût pu en être autrement parce que tous les jeunes gens du monde sont des barbares, et particulièrement les garçons, n’en déplaise à nos dégenristes forcenés, et surtout forcenées, et qui n’a pas eu envie à 20 ans de mettre le feu au monde n’est peut-être pas tout à fait vivant. Il ne faudrait laisser personne dire que ce n’est pas le plus bel âge de la vie. Mais il ne faudrait surtout laisser personne en faire le pire âge de la vie. Et c’est pourtant ce que nous avons fait, et contre notre raison de lâches, ils ont réinventé leurs légendes parce qu’ils ne voulaient pas, eux aussi, mourir de froid.

*Photo: AP/SIPA.AP21654174_000001

Reconnaître l’Etat palestinien? Bof…

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palestine israel assemblee

palestine israel assemblee

Les parlementaires français veulent montrer leurs muscles, et donner l’impression qu’ils sont en mesure d’influer sur la marche du monde. C’est le sens et l’objectif des deux projets de résolution, l’un présenté par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, inscrit à l’ordre du jour de la séance du 28 novembre, l’autre par le groupe communiste au Sénat, qui sera discuté le 11 décembre au palais du Luxembourg.

Le premier n’est pas encore finalisé, car les discussions sont âpres au sein du PS sur la tonalité à donner à ce texte, en raison du souci d’attirer le vote favorable d’une partie de l’opposition de droite. Celui du Sénat est la reprise pure et simple des revendications formulées par l’Autorité palestinienne sur la scène internationale, et n’a donc aucune chance d’obtenir une majorité à la Haute assemblée.

Ces initiatives s’inscrivent dans un mouvement général, où l’on a pu voir, ces dernières semaines, le gouvernement suédois reconnaître, par décret l’Etat palestinien, la Chambre des communes britannique approuver une résolution dans ce sens avec les seules voix travaillistes (la majorité conservatrice n’a pas pris par au vote), et l’approbation quasi unanime par le Congrès des députés espagnols d’un texte si édulcoré qu’il n’engage aucunement le gouvernement de Madrid à cette reconnaissance avant qu’un accord soit intervenu entre les deux parties…

C’est dire si l’on est encore loin d’un consensus européen sur une question dont la complexité surpasse celle du montage d’un meuble Ikea, comme l’a malicieusement souligné Avigdor Lieberman, le chef de la diplomatie israélienne en réponse à l’initiative suédoise.

On comprend bien le raisonnement des partisans de cette reconnaissance : le blocage des pourparlers de paix est tel qu’un signe fort doit être lancé pour qu’Israéliens et Palestiniens se remettent sérieusement à discuter d’une solution dont tous les éléments, ou presque sont déjà sur la table, désignés par l’expression « les paramètres Clinton »[1. Les « paramètres Clinton » sont ceux établis au moment des négociations de Camp David, au cours de l’été 2000, prévoyant notamment la création d’un Etat palestinien sur la base de la ligne d’armistice de 1967, avec des échanges de territoires pour tenir compte des réalités sur le terrain.]. L’urgence  d’une reprise des négociations serait d’autant plus grande que le niveau de violence sur le terrain s’accroît de jour en jour, et que la « confessionnalisation » du conflit, alimentée par la montée du djihadisme, et la radicalisation des groupes ultrareligieux juifs en transforme la nature pour le rendre totalement insoluble.

Ces arguments ne sont pas sans valeur, et l’on serait tenté de souscrire à l’analyse de notre ami Elie Barnavi : l’ancien ambassadeur d’Israël en France est persuadé que le face-à-face Netanyahou-Abbas est définitivement dans une impasse, et qu’en conséquence le seul moyen d’en sortir est que la « communauté internationale » définisse et impose aux protagonistes cette solution à deux Etats souverains, l’un juif, l’autre arabe sur le territoire de la Palestine mandataire.

Mais, à y regarder de plus près, cette solution d’apparent bon sens ne tient pas compte d’une donnée fondamentale : le caractère absolu et irréductible, par le monde arabo-musulman, du refus d’un Etat souverain juif  sur une terre considérée comme d’Islam pour l’éternité. On peut, comme l’Egypte et la Jordanie conclure des traités de paix avec «  l’ennemi sioniste », pour récupérer, par la politique et la diplomatie des territoires perdus après des défaites, ou des soutiens occidentaux à des économies en perpétuelle faillite, mais on continuera à refuser toute normalisation culturelle avec le fait étatique juif au Proche-orient.

Alors, qu’il existe ou non un Etat de Palestine solennellement admis dans le concert des nations ne changera rien aux données actuelles du conflit. Ni à la nécessité, pour Israël, d’assurer sa survie dur sa capacité de dissuasion. Si j’étais parlementaire, j’exigerais des présidents de ces honorables assemblées que, pour l’occasion,  la mise à la disposition des députés et sénateurs de bulletins «  bof… », en plus des « pour » et «  contre ».

*Photo : Mohammed Zaatari/AP/SIPA. AP21654686_000001.