Baffie, abuseur public?


Baffie, abuseur public?

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Imaginez. Un humoriste connu débarque sur le plateau d’une chaîne de télé publique alors que Vincent Autin, le « premier marié homosexuel », vient de sortir. Après avoir salué tout le monde, le farceur invité s’écrie d’une voix forte : « Il est parti, l’enculé ? »

Imaginez, prenez le temps qu’il faudra.

Voilà.

En attendant un monde de justice et de paix, où la loi s’appliquerait de la même manière « pour tous », rappelons qu’en France elle condamne théoriquement « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». C’est la définition de l’injure, par la loi du 29 juillet 1881, passible de 12.000 euros d’amende lorsqu’elle est « publique ».

En éructant « Elle est partie, la pute ? » à propos de Frigide Barjot sur le plateau de l’émission « C à vous », un comique face auquel Bigard passerait pour Voltaire s’est donc rendu coupable d’un délit qui relève du tribunal correctionnel. Mieux : le délinquant est un récidiviste. L’an dernier, il l’avait déjà traitée publiquement de « connasse », en son absence bien entendu.

« Heureux serez-vous si l’on vous insulte (…) car votre récompense sera grande dans les Cieux », disent les Béatitudes (Matthieu 5, 3-12). Mais revenons sur Terre. Ici-bas, c’est plutôt celui qui insulte qu’on récompense. Ni le CSA ni aucun grand média n’ont dénoncé ce dérapage autopromotionnel parfaitement contrôlé, aussi vulgaire qu’imbécile. Et accessoirement misogyne.

On suppose que les harpies de chez Macholand.fr doivent être trop occupées à traîner en justice le dernier jeune banlieusard qui les a gratifiées d’un insupportable « vous êtes trop charmante, mademoiselle » à la sortie du Biocoop. Dans la République féministe française, on peut traiter une femme de « pute » dans son dos, mais pas lui dire « mademoiselle » en face.

Evidemment, la « tête à claques » du PAF – à qui on flanquerait plus volontiers un coup de tatane dans les testicules, s’il en avait au moins un – ne s’excusera pas. Parce que, tout le monde le sait, Virginie Tellenne cache son homophobie (bien connue au Banana Café) sous le fallacieux prétexte de défendre le droit de chacun à connaître ses géniteurs. Elle mérite donc qu’on dépénalise l’injure et qu’on abroge enfin la loi abolissant la peine de mort.

A l’heure où tant de gens s’accordent sur le fait que la privation d’un lien de filiation biologique n’est pas anodine, et que l’adoption par des couples de même sexe crée une inégalité injustifiable entre les citoyens qui auront accès à leurs origines et les autres, Virginie Tellenne s’en fait simplement l’écho dans les médias. Et ne manque pas une occasion de rappeler haut et fort son attachement à l’égalité entre homos et hétéros.

Mais puisqu’il est désormais permis de stigmatiser, d’exclure, d’agresser verbalement quiconque se soucie encore que l’on naisse libres d’avoir un père et une mère, et égaux quelle que soit notre sexualité, allons-y gaiement. Que Laurent Baffie aille maintenant traiter la philosophe de gauche Sylviane Agacinski de « salope », ou l’historienne homosexuelle Marie-Jo Bonnet de « chienne ». Sa haine pure et son ignorance crasse sont la meilleure promotion qu’on puisse offrir à ces esprits généreux et brillants.

Comme à la cause que ces femmes partagent avec Virginie Tellenne et des millions de Français.

 *Photo : NIKO/BENAROCH/SIPA. 00578077_000032. 



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est journaliste.

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