Les cérémonies organisées par le Hamas en marge de la remise des cadavres des enfants Bibas glacent le monde. Malheureusement, la barbarie n’est pas uniquement le propre du Hamas mais se généralise sur la planète.
Frapper des policiers isolés à coups de barre de fer, ou jeter un cocktail Molotov dans leur voiture en mettant leur vie en danger, ne relève en rien d’une lutte héroïque contre les inégalités et les injustices sociales. Il ne s’agit pas d’un acte de résistance légitime contre la supposée violence d’État et ses prétendus « chiens de garde » au service des puissants, comme certains intellectuels gauchistes aimeraient le faire croire. Ce n’est ni un cri de révolte éclairé ni un acte d’insurrection noble : c’est une régression brutale, un retour aux instincts les plus primitifs de l’humanité. C’est la manifestation d’une barbarie contemporaine qui, sous des prétextes idéologiques ou pseudo-moraux, nie toute notion d’humanité, de respect et de justice véritable.
Retour d’un imaginaire médiéval féroce
Depuis les attentats survenus dans différentes villes d’Europe, le terme de terrorisme islamiste est devenu omniprésent dans le débat public. Les images du chef de Boko Haram justifiant, au nom d’Allah, l’enlèvement de jeunes filles nigérianes, majoritairement chrétiennes, leur mariage forcé, leur conversion à l’islam et, dans certains cas, leur vente sur des marchés, ont profondément choqué les consciences à l’échelle mondiale.
Plus récemment, les événements tragiques impliquant le Hamas ont ravivé cette horreur. L’un des épisodes les plus glaçants fut la macabre cérémonie organisée à Gaza, où des cadres contenant les photos des jeunes enfants israéliens kidnappés lors des attaques du 7-Octobre 2023 furent exhibés dans une mise en scène sinistre. Ce qui choque davantage, c’est l’accueil enthousiaste de cette démonstration : la foule des Gazaouis a applaudi cette mise en scène morbide, et des parents ont même emmené leurs enfants pour y assister. Ce spectacle macabre, loin de susciter l’indignation, a été célébré par une partie de la population, révélant à quel point la barbarie peut s’enraciner dans les sociétés plongées dans la haine et la propagande.
Pourtant, cette brutalité n’est pas unique à un contexte religieux ou géopolitique précis. Paradoxalement, des œuvres de fiction populaires, telles que Game of Thrones, encensées en Occident, plongent elles aussi les spectateurs dans un univers où la sauvagerie règne en maître. Elles dépeignent un monde médiéval féroce où clans et seigneurs s’affrontent, où les massacres, les viols et les mutilations deviennent des instruments ordinaires de pouvoir. Cette fascination moderne pour la violence crue et la domination brute reflète peut-être, sous une forme détournée, l’attrait inquiétant pour un monde régi par la loi du plus fort.
La barbarie n’est pas l’apanage d’une religion, d’un peuple ou d’une région du monde. Elle traverse les âges et les civilisations. En Afrique des Grands Lacs ou dans certaines régions d’Amérique latine, des massacres et des violences extrêmes surviennent sans le moindre lien avec l’islam. En Europe, notre propre histoire est marquée par des épisodes sanglants : des guerres de religion entre Protestants et Catholiques aux horreurs de la Terreur révolutionnaire, où, sous prétexte de justice sociale, on guillotinait à tour de bras, rasait des villes entières et exterminait des populations accusées de trahison.
Voltaire rappelait avec une ironie amère les atrocités de la Saint-Barthélemy, où les citoyens de Paris, aveuglés par le fanatisme religieux, assassinèrent sans pitié leurs compatriotes qui n’assistaient pas à la messe. Cette violence, qu’elle soit justifiée par la foi, la politique ou l’idéologie, trouve toujours ses racines dans l’intolérance et la haine viscérale de l’Autre.
Les djihadistes invoquent le Coran pour justifier leurs actes abominables, tout comme les nazis invoquaient une mythique pureté aryenne et une vision fantasmée du Saint Empire romain germanique, ou comme les gardes rouges de la Révolution culturelle s’abritaient derrière le Petit Livre rouge de Mao pour légitimer leurs exactions. Dans chacun de ces cas, l’idéologie, qu’elle soit religieuse ou politique, devient le masque d’une volonté de destruction, d’un rejet viscéral de la liberté individuelle et de la pensée critique.
Mais de quoi s’agit-il réellement ?
Lorsqu’un monde change trop rapidement, les sociétés peuvent ressentir un profond sentiment d’humiliation, d’impuissance et de peur face à des mutations qu’elles ne comprennent plus. C’est dans ces moments de fragilité que germe la violence. L’agression devient alors une réponse maladroite, une tentative désespérée de reprendre un semblant de contrôle sur une réalité qui échappe à l’individu.
Face à ces bouleversements, certains cherchent des coupables faciles. Ils fabriquent des boucs émissaires, s’enferment dans des clans, et se livrent à des rébellions désespérées contre une autorité perçue comme brutale et corrompue. Ironie cruelle : en s’alliant à d’autres formes d’autorité, souvent plus impitoyables et dogmatiques, ils espèrent trouver une vérité absolue, une cause à défendre.
C’est dans ces moments que ressurgissent les monstres de l’imaginaire collectif, les tyrans qui offrent des illusions de puissance à ceux qui se sentent dépossédés. Cet univers sombre, peuplé de violence et de pulsions destructrices, se reflète dans des récits comme Game of Thrones, où la soif de pouvoir justifie toutes les cruautés. Les faibles y deviennent des proies, les femmes des objets de conquête, et les adversaires des cibles à détruire.
Aujourd’hui, cette régression touche plusieurs régions du monde – du monde musulman à certaines zones d’Afrique et d’Amérique latine. Ce retour à la barbarie repose sur un rejet viscéral de la modernité et de ses valeurs fondamentales : la raison critique, l’éducation, l’émancipation des individus, en particulier des femmes. Le nom même de Boko Haram, qui signifie en haoussa « l’éducation occidentale est un péché », illustre ce rejet profond.
Mais, en réalité, l’idéologie n’est qu’un prétexte. Le fanatique, qu’il soit religieux ou politique, n’est guidé ni par la foi ni par la justice, mais par la haine et la peur. Il ne s’attaque jamais aux puissants véritables : il cible ceux qui représentent symboliquement une force honnie, tout en étant suffisamment vulnérables pour qu’il puisse, en lâche, frapper sans risquer de véritables représailles.
En fin de compte, cette violence n’est pas le signe d’une quête de justice ou d’émancipation, mais d’une régression vers les ténèbres, où la barbarie se déguise en vertu et où la haine se pare des habits trompeurs de la vérité sacrée. La vigilance est de mise, car ces monstres ne surgissent pas du néant : ils se nourrissent des failles de nos sociétés, des frustrations, des humiliations et des abandons, pour s’imposer là où la raison s’efface.
Retour aux sources : Guillermo del Toro n’a pas nagé de tous temps dans les superproductions aux effets visuels aussi dispendieux que spectaculaires, cf. Le Labyrinthe de Pan (2006), La Forme de l’eau (2017), etc. On avait pu déjà revoir en salles, il y a quelques années, restauré sous les auspices de Carlotta Films, cette perle du cinéma fantastique titrée L’Échine du diable (2001). Le film nous transportait à l’époque de la guerre civile espagnole, dans une économie de moyens auquel le cinéaste mexicain désormais passé sous étendard U.S nous a déshabitué depuis. Sur le registre formel superlatif auquel Guillermo del Toro sacrifie aujourd’hui jusqu’à l’excès, les aficionados, en 2025, soupirent après son Frankenstein, promis pour novembre prochain sur Netflix avec, au casting, rien moins que Christophe Waltz et la nouvelle coqueluche des réseaux, l’australien Jacob Elordi.
En attendant ressort cette semaine en salles son premier long métrage, Cronos, restauré paraît-il sous sa supervision personnelle. Je crois bien que ce film n’avait été vu à l’époque, en France, que par les fanatiques de l’Étrange Festival, autant dire personne. Ce merveilleux conte macabre, aux couleurs chatoyantes et à l’esthétique épurée, laisse déjà augurer de la suite. En 1993, Guillermo del Toro n’a même pas trente ans : d’une maturité stupéfiante, son talent de conteur éclate dans Cronos.
À Mexico, un vieil antiquaire, Jesus Gris, élève avec amour sa petite-fille, orpheline âgée de 8 ans. Dans le socle en bois d’une statue ancienne qu’il s’affairait à restaurer, il découvre un objet ouvragé, en or, une espèce de scarabée doté d’un mouvement d’horlogerie. Mais le joyau est pourvu d’un étrange mécanisme : des griffes se déploient, enserrent la main de Jesus, un dard en surgit, qui lui injecte un venin secrété par un insecte abrité dans ses entrailles.
Par l’effet de ce sortilège, Jesus sent l’envahir un fluide de jouvence. Il en garde le secret, dont seule l’enfant restera complice. Or voilà que, détenteur d’un incunable livrant le mode d’emploi du bidule, un milliardaire à l’agonie, aidé de son filandreux majordome, s’est mis sur la piste du talisman. Le grabataire est prêt à tout pour le récupérer, jusqu’à cambrioler la boutique de l’antiquaire. Sans succès. Reste que la mue de Jesus ne va pas sans souffrance : l’insecte captif a besoin de sang pour dispenser son suc réparateur, il faut donc en laper, en boire – soif inextinguible… Fatale.
Croisant le mythe de Faust et de Dracula, Cronos préfigure les motifs dont les opus ultérieurs de Guillermo del Toro feront leur miel. Dans le rôle de Jesus, feu l’acteur argentin Federico Luppi (1936-2017). Claudio Brook (1927-1995) campe ici le méchant richissime – dernier emploi de la vie professionnelle du comédien mexicain. Quant au sbire traître et sadique, incarné par l’acteur américain au visage simiesque Ron Perlman, son emploi dans Cronos contribue à asseoir cette belle carrière qui, à l’enseigne de Guillermo del Toro, le mènera jusqu’au rôle-titre de Hellboy (2004) puis de Hellboy 2 (2008), jusqu’à Pinocchio il y a trois ans…
Les premiers films n’ont pas toujours « fait leur temps », comme on dit : Cronos est captivant.
Cronos. Film de Guillermo del Toro. Avec Federico Luppi, Ron Perlman, Claudio Brook, Margarita Isabel. Mexique, couleur, 1993. Durée: 1h33 En salles le 26 février.
Le Hamas a remis ce matin à Israël les corps de quatre otages, dont ceux des deux enfants Bibas, en échange de la libération de prisonniers palestiniens. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.
L’institut médico-légal Abu Kabir de Tel-Aviv a annoncé ce soir que les travaux d’identification des corps restitués à Israël plus tôt dans la journée par le Hamas se poursuivaient pour trois d’entre eux, le quatrième – Oded Lifshitz , 85 ans – ayant déjà été identifié NDLR.
Je n’ai rien à dire. Rien que ne disent déjà les yeux rieurs de ce bébé rouquin assassiné parce qu’il était juif. Rien d’autre que l’incompréhension et l’envie de croire que nous n’oublierons pas, même si, bien sûr nous continuerons à tapoter sur nos téléphones et à faire les soldes (on a arrêté la poésie, mais pas à cause d’Auschwitz). Il y a des enfants soldats. Guillaume Erner rappelait l’autre matin que Kfir Bibas avait fait entrer dans notre vocabulaire le monstrueux oxymore « bébé-otage ».
La mémoire vit avec son temps. Les visages de Kfir et Ariel Bibas que nous garderons sont des instantanés heureux, vestiges en couleur de promesses piétinées. Pourtant, ils convoquent irrépressiblement l’image en noir et blanc de l’enfant du ghetto de Varsovie. Mis en joue par un soldat allemand, il lève les bras. À ses côtés, une femme, sans doute sa mère, dont l’amour surpasse encore l’indicible effroi. S’appelait-il Yentl, Shmouel, Moïshé, on ne sait pas. La photo, retrouvée dans l’album d’un SS, ne voulait pas dénoncer, mais prouver le sérieux de l’entreprise de déjudaïsation menée par les nazis. Le 7-Octobre, les assassins ont pris des photos et des vidéos, pour montrer au monde entier, et à leurs familles pétries de fierté, qu’eux aussi étaient capables de massacrer des juifs. Qu’ils pensent être des héros – et le soient pour beaucoup – révèle à quel point la « cause palestinienne » a perdu la tête.
Alors que l’atroce nouvelle de la mort des Bibas se répandait, distillée au compte-goutte par les sadiques du Hamas, un autre visage est arrivé dans ma boite aux lettres, celui du jeune Roman Polanski, un autre enfant du ghetto dont la mère n’est pas revenue. Sandrine Treiner publie chez Flammarion le bouleversant témoignage qu’il a livré à l’INA ainsi que celui de son père, rédigé après plusieurs décennies de silence1.
Alors que le convoi funèbre de véhicules blancs traversait Israël en deuil, comment ne pas penser aussi à Myriam Monsonego, Arié et Gabriel Sandler (8, 5 et 3 ans) assassinés dans une cour d’école, eux aussi parce qu’ils étaient juifs ? L’uniforme change, la rage d’effacer ne varie pas, comme en témoigne l’obscène mise en scène des échanges – si obscène que même la Croix-Rouge s’en est émue. Comme le rappelle Michael Prazan dans La vérité sur le Hamas et ses idiots utiles (L’Observatoire, 2025), la force maléfique du Hamas, c’est l’amour de la mort – même si ses dirigeants aiment surtout celle des autres. Qui osera demander aux Israéliens de se réconcilier avec ces foules qui dansent sur des cercueils ?
Bien sûr, toutes les vies se valent. Encore que. J’ai beaucoup de mal à penser que celle de Yahia Sinwar, qui aura laissé pour toute trace de son passage sur terre un fleuve de sang, vaut celle de Kfir Bibas. Et autant à ne pas regretter que des médecins israéliens lui aient sauvé la vie. Mais toutes les vies d’enfants se valent. Il n’y a pas de bons et de mauvais enfants morts. On doit tous les pleurer. Les enfants palestiniens tués à Gaza étaient eux aussi des promesses détruites, eux aussi avaient des mères qui ont filmé leurs premiers sourires. Combien, parmi ceux qui restent, sont détruits de l’intérieur par le bourrage de crâne et l’endoctrinement au fanatisme, on l’ignore. Peut-on en vouloir aux enfants de croire ce que leur disent les adultes ?
On n’honore pas par le mensonge. Si toutes les vies d’enfants se valent, toutes leurs morts n’ont pas le même sens. Les enfants de Gaza ont été délibérément, cyniquement sacrifiés par le Hamas, sans doute la seule « force militaire » au monde qui protège ses combattants et expose ses civils. Ne les laissons pas enrôler dans la croisade « antisioniste » de l’islamo-gauche, alors que le mensonge éhonté du « génocide » est devenu une vérité, qui sert de sauf-conduit à tous ceux qui réclament plus de liberté d’expression pour pouvoir cracher leur haine des juifs.
On croit souvent que l’injonction juive « souviens-toi » – Ytzkor – concerne les victimes. Mais il s’agit d’abord de se souvenir d’Amalek, figure fondatrice des ennemis du peuple juif. Souvenons-nous de Kfir, Ariel, souvenons-nous de Myriam, Arié, Gabriel. Que les innocents massacrés reposent en paix. Mais n’oublions jamais ceux qui profanaient leurs visages placardés sur les murs de nos villes. N’oublions pas les ricanements d’Ersilia Soudais, n’oublions pas les mensonges de Guiraud, Caron, Delogu et consorts, n’oublions pas les sous-entendus de Mélenchon. Le déshonneur ne s’efface pas avec le temps.
Notre chroniqueur est allé voir la reprise de la fameuse pièce d’Edmond Rostand
Il y a des journées qui marquent. Ce fut le cas avec le jeudi 13 février. Entre une émission passionnante et batailleuse le matin à l’Heure des pros sur CNews et, avant mes irremplaçables Vraies Voix sur Sud Radio, un film de 3 h 30 dur, âpre, éprouvant, singulier : The Brutalist. Puis un couronnement espéré le soir : Cyrano de Bergerac au théâtre Antoine, avec Édouard Baer. J’attendais avec impatience son interprétation de ce rôle mythique. J’avais lu des entretiens avec lui et avec Anne Kessler (metteur en scène, sociétaire honoraire de la Comédie-Française) et je ne doutais pas que nous échapperions à la médiocrité.
Un défi
Pourtant, quel défi ! Nous avons tous dans la tête le film magnifique de Jean-Paul Rappeneau avec un Gérard Depardieu indépassable. L’erreur aurait été de chercher à rivaliser avec ce monument artistique alors que déjà la relative pauvreté des moyens du théâtre et le nombre réduit des comédiens auraient rendu impossible une telle gageure. Nous n’avons pas été déçus parce que délibérément le Cyrano d’Edouard Baer a été sorti du champ de l’épopée pour s’inscrire dans celui de la fraternité, de la proximité. C’était non plus le Cyrano qu’à l’évidence nous n’aurions pas pu être mais un ami abordant tous les morceaux de bravoure de la pièce avec une sorte de simplicité, de familiarité. Nous étions ainsi accordés avec ce héros, ses fiertés, ses exigences et sa flamme. Il n’était plus à des années-lumière de nous !
Il me semble d’ailleurs que le terme de héros, avec ce qu’il implique de courage, d’audace, d’exemplarité et d’aura charismatique, n’est plus approprié car on cherche à nous montrer, malgré la splendeur du texte qui n’est jamais sacrifié, un Cyrano à ras d’humanité.
Cette démarche artistique révèle à quel point ces vers – tellement connus qu’ils sont consubstantiels à notre patrimoine comme la morale qu’ils expriment – peuvent cependant appeler une autre vision que celle habituelle du panache, de la gloire, de l’affirmation sourcilleuse de soi.
Il y a de la modestie dans le Cyrano d’Édouard Baer, quelque chose de doucement et de tristement pathétique dans la conscience de ce qu’il croit être sa laideur alors que « ses élégances » sont ailleurs, et dans une sorte de fatalisme jamais plaintif que ce grand acteur joue admirablement.
C’est une épopée perdant son lustre pour plus d’humanité. C’est une expression, à la fois navrée mais emplie d’allure, d’un destin que nous aurions à égaler : il y a comme une incitation subtile à nous signifier que Cyrano n’est pas si éloigné et qu’il est un frère qui ne doit pas nous intimider.
Soulagement
Tout au long de la représentation, Edouard Baer, usant finement d’une palette de sentiment, d’espérance, de mélancolie et de nostalgie contrastée mais jamais forcée, demeure dans une élocution homogène, sans s’abandonner – et c’est le parti pris du spectacle – à des débordements qui le conduiraient, pour être admiré, à se mettre en scène lui-même face aux autres.
Paradoxalement c’est sans doute la seule faiblesse de cette intelligente représentation. Gérard Depardieu, jouant la déchirante scène finale, émeut au-delà de tout parce qu’il y a un gouffre entre son verbe généralement tonitruant d’avant et les murmures affaiblis et si tendres précédant sa mort. Avec Édouard Baer, il n’y a pas ce changement de rythme. Il meurt doucement comme il a offert ce qu’il était : sans exhibition.
Je craignais tellement la trahison de ce chef-d’œuvre par des initiatives discutables que, au soir de cette journée exceptionnelle, j’ai poussé un ouf de soulagement et, mieux, de bonheur.
Cyrano de Bergerac Jusqu’au 27 avril au Théâtre Antoine, les mardis, mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 21h, les samedis et dimanches à 16h.
Alors que Richard Ferrand est confirmé à la tête du Conseil constitutionnel (malgré une candidature très fragilisée), le Conseil d’État valide la fermeture de la chaîne C8 qui diffuse les émissions de Cyril Hanouna. Sale temps pour les libertés !
Le Conseil d’Etat a validé hier la fermeture de C8 (et de NRJ12) décidée par l’Arcom. Un média fermé sur décision du juge administratif, cela évoque plus la Russie de Poutine ou l’Iran des mollahs que la France des droits de l’homme. Pourtant, silence des belles âmes de gauche. La lutte continue puisqu’ils n’ont pas encore obtenu la mort de CNews. Selon moi, NRJ12 n’est qu’un dommage collatéral pour ne pas laisser C8 seule.
Hanouna, un trublion qui perturbe le ronron progressiste
Peu importe qu’on aime ou pas C8 et Cyril Hanouna. La chaîne avait déjà été sanctionnée lourdement à plusieurs reprises. Elle réunit deux millions de Français chaque jour, et l’émission de Hanouna a cette particularité de fédérer à la fois la jeunesse des banlieues et la jeunesse qui vote RN. Le problème serait-il la couleur politique de son actionnaire ? On observe rarement des sanctions contre les chaînes publiques qui diffusent parfois des informations très orientées ou font des dérapages. À TPMP, où il m’est arrivé de me rendre, le ronron progressiste est en réalité aussi présent qu’ailleurs, mais il n’est pas tout seul. Il ne faut pas croire qu’on y raconte que des horreurs réactionnaires ; des chroniqueurs y assurent comme partout ailleurs la même doxa – simplement, le ronron progressiste n’y est pas seul. Quant à la vulgarité, il suffit de zapper sur les autres chaînes pour comprendre qu’elle n’est pas le problème.
Si on ajoute que les fréquences libérées sont attribuées à des progressistes-bien-sous-tous-rapports et proches du pouvoir, le soupçon de politisation s’accroit. Enfin, coïncidence : C8 est fermée le jour où Richard Ferrand est confirmé à la tête du Conseil constitutionnel ! Sale journée pour l’Etat de droit et pour le respect qu’il inspire.
L’Etat de droit est pourtant parfaitement respecté, objecte-t-on. Oui, on respecte la lettre et on piétine l’esprit. L’État de droit, c’est l’impartialité, la neutralité, l’égalité de tous devant la loi. Or, à son sommet qui nomme-t-on aujourd’hui ? M. Ferrand, un ancien PS proche du président. Ou M. Chantepie, ancien directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault qui dirige la section du contentieux du Conseil d’État. Dans une enquête que je publie dans le prochain magazine Causeur, je démontre qu’il y a une certaine endogamie à l’Arcom, instance truffée de gens qui viennent du Conseil d’Etat, des chaînes publiques et de la gauche…
Petit monde
Or, toutes ces cours prétendument indépendantes fabriquent une règle jurisprudentielle, c’est-à-dire fondée sur l’interprétation, nécessairement influencée par leur vision du monde. Le minimum serait d’avoir une certaine diversité idéologique. C’est exactement le contraire. Un petit monde endogame où on pense tous pareil (multiculti et antifasciste, pour résumer) peut décider ce que j’ai le droit de regarder, qui notre pays doit accueillir et pour qui j’ai le droit de voter. Comme le dit Stéphane Germain, l’État de droit, c’est de gauche. Autrement dit, c’est ce qui enquiquine le populo et fait plaisir au Monde. On peut contester cette opinion, mais en réalité le soupçon ne devrait même pas pouvoir être formulé.
La première mission de l’État de droit n’est pas de faire des chichis sur les droits de la défense du délinquant, c’est de nous protéger contre l’arbitraire du pouvoir. Mais qu’observe-t-on actuellement ?
Le juge constitutionnel nous interdit d’avoir ces frontières que la population réclame à cor et à cri ;
La plus haute juridiction pénale du pays valide les écoutes d’un avocat et condamne un ancien président de la République sur la base d’intentions supposées ;
Le gendarme des médias et le juge administratif ferment une chaine de télévision.
Si l’État de droit est censé me protéger, j’aimerais savoir qui protègera mes libertés contre l’arbitraire des juges qui incarnent cet État de droit.
Cette chronique a d’abord été diffusée dans la matinale de Sud Radio
La dette de la France ne cesse de se creuser années après années. Depuis l’arrivée au pouvoir de celui qu’on qualifiait de « Mozart de la finance », elle n’a jamais été aussi conséquente. Retour sur le « quoi qu’il en coûte » …
La Cour des comptes a publié son premier rapport de l’année consacré à la situation d’ensemble des finances publiques, après deux années noires. En effet, en 2024 pour la deuxième année consécutive, le déficit public s’est aggravé pour atteindre près de 175 Md€, soit 6,0 points de PIB après 5,5 points en 2023 et 4,7 points en 2022. La dette publique culmine désormais à près de 3 300 Md€ et les charges d’intérêt à 59 Md€. Il s’agit d’une dégradation inédite alors que la croissance économique est restée positive pendant cette période. Si la faible progression des impôts expliquait en partie la contre-performance de 2023, c’est à l’inverse la dynamique des dépenses qui est en cause en 2024, principalement du côté des collectivités locales et de la protection sociale.
Des rapports non contraignants, Macron gagné par la fièvre dépensière
La France, seule en Europe à voir ses finances publiques continuer de se dégrader, a obtenu de ses partenaires que le terme de sa trajectoire de retour du déficit sous les trois points de PIB soit repoussé de 2027 à 2029 : après deux faux-départs, l’année 2025 est désormais déterminante pour engager l’ajustement budgétaire nécessaire que la Cour évalue à 110 Md€, soit plus du double de celui évalué à l’été 2023 avant le dérapage des derniers mois.
Il faut souligner ici que, de rapports en rapports, la Cour des Comptes a beau s’alarmer et pointer du doigt ce qui ne va pas depuis au moins Philippe Séguin (2004-2010), ses rapports n’ont aucune force contraignante et ne sont, le plus souvent, pas suivis d’effets.
Une période phare va ici retenir notre attention : 2023-2024. Annonçons clairement les choses : présidence Macron, Borne et Attal à Matignon, Le Maire à Bercy. Nous titrons cette analyse, Ali Macron et les quarante voleurs. On aurait pu dire, plus imprudemment, et les trois voleurs.
Dans son N° du 31 Octobre dernier (2726), Le Point a consacré une très intéressante et fournie analyse à « l’étrange fin de règne » de Macron. Parmi les « étrangetés », on relève celle relative à la dette française. Il est même titré : « le président de la dette : histoire d’une faute ». On le sait, en l’espèce c’est durant le mandat du locataire de l’Elysée que la dette s’est creusée de façon abyssale : plus de 1000 milliards. Avec Philippine Robert du Point, on est en droit de s’interroger « comment cet adversaire de la dette qui promettait de dézinguer tous les dogmes a-t-il été atteint par la fièvre dépensière » ? Et l’on peut rajouter plus qu’aucun autre de ses prédécesseurs ! Le successeur de François Hollande a donc consciemment laissé filer la dette en distribuant à tous crins chèques et crédits. Et, pour faire bonne mesure, il a cautionné quelques manipulations afin d’« habiller » les choses. Et il a associé à cette vilénie des Premiers ministres et un ministre de l’Economie. Il y a donc eu « faute » au plus haut sommet de l’Etat que l’on va relater. Et l’on montrera avec Joseph Joubert qu’ “il est dans l’ordre qu’une peine inévitable suive une faute volontaire.”
Le début du massacre budgétaire est daté : 2020. L’an I du « quoi qu’il en coûte ». Pas plus qu’il n’a su le gérer humainement (la France est le seul pays à avoir été confiné ainsi) et sanitairement, face au Covid Emmanuel Macron a ouvert les vannes financières. Et surtout, pas une fois il n’a provisionné (contrairement à tous nos voisins européens). Les grands reporters du Monde Davet et Lhomme viennent de publier un ouvrage au vitriol sur cette période que nous conseillons vivement à chaque lecteur : Les juges et l’assassin (Flammarion). C’est une plongée dans les six premiers mois de cette crise Covid. Un voyage fou au cœur d’un exécutif aussi défaillant que menteur.
Financièrement, en ces années 2020, pas question pour qui que ce soit de contester le roitelet de l’Elysée : « De toute façon les locataires de Bercy et de Matignon n’avaient pas le choix. Le président savait mieux qu’eux ce qu’il fallait mettre en œuvre » nous confiera un ancien haut fonctionnaire de Matignon. Le Maire, à Bercy, fut même assez zélé de ce point de vue. Le robinet de l’assistance sociale sera abondamment ouvert. Chronique chez les petits-fils de Mitterrand. Macron en est.
Bilan de la grande braderie financière du Covid ? Certes des faillites et des pertes d’emploi sont évitées. Mais à quel prix ! Un déficit qui flirte avec les 10% et une dette publique gonflée à plus de 110 % du PIB…. Record ! Comme le confesse l’économiste Gilbert Cette, très en cours à l’Elysée, « le problème c’est que nous avons débranché trop lentement ces mesures ». En cette fin 2020 la dette a augmenté de près de 280 milliards. Qui dit mieux en Europe ? Personne.
En 2021, ce devait être la fin du « quoi qu’il en coûte » disait Le Maire. Tellement faux que la dépense publique s’accroit de 2%. On constate alors que, s’il y a un frémissement économique, le déficit dépasse les 6% fin 2021. La dette augmente encore de près de 165 milliards. Eh oui mais horizon de la présidentielle oblige, il faut « arroser » l’électorat macronien (enseignants, magistrats, retraités, jeunes). A Matignon depuis 2020, précisons que Jean Castex (dit M. Crise) a tout exécuté sans sourciller. En rejetant une nouvelle fois Marine Le Pen en ce printemps 2022, les Français réélisent donc Macron. Encore une élection par défaut. Il a nommé Élisabeth Borne à Matignon qui, face à une majorité relative, va tout gérer à coups de 49-3. L’année 2022 s’achève sur un déficit qui avoisine les 5% et une dette à près de 110 % du PIB. Circonstance aggravante : l’inflation est à près de 6%.
Arrive alors 2023. L’agence de notation Fitch (la seconde plus grosse agence américaine qui évalue la capacité de remboursement des pays emprunteurs) baisse la note de la France. Dans le document produit, Fitch souligne « des déficits budgétaires importants et des progrès modestes » et évoque « l’impasse politique (ndlr : la majorité relative) et les mouvements sociaux (ndlr : grèves pour les retraites) ». C’est alors à la Cour des Comptes (présidée par Pierre Moscovici) de porter l’estocade.
Finances hors de contrôle
Dans son rapport 2024 (analysant les comptes 2023) elle parle sans ambages d’une « très mauvaise année en matière de finances publiques ». Et de dénoncer « aucun effort financier d’économie en dépense ». Surtout elle décrit ce qui peut être la meilleure synthèse des mandats Macron en matière financière : « une progression nettement supérieure à l’inflation des dépenses publiques hors charges d’intérêts et hors mesures exceptionnelles de soutien face aux crises sanitaire et énergétique ». Et Pierre Moscovici (pas macroniste pour un sou !) lui-même avertira publiquement : « Nous avons perdu le contrôle de nos finances (…) Si nous ne faisons rien, notre dette publique passerait de 110% du PIB aujourd’hui à 124% en 2027 ». Toujours selon lui : « on pourrait atteindre les 3 800 milliards d’euros de dettes, ça veut dire que chaque année, on devrait rembourser 80 milliards d’euros et plus pour financer cette dette », alors qu’« en 2021 », on dépensait « 25 milliards d’euros » (20 h de France 2, 18 Septembre 2024). Mme Borne ne dit mot. Elle gouverne à coups de 49-3. Elle a si bien servi le pays que le président la remercie purement et simplement en janvier 2024. C’est au tour d’un jeune premier, Gabriel Attal (35 ans), de s’installer à Matignon. A peine arrivé débutent les manifestations d’agriculteurs qui entraînent des blocages routiers significatifs. Macron se met habilement en retrait (sauf un accueil tendu au Salon de l’Agriculture) et laisse Attal manœuvrer. Là encore c’est le chéquier qui est utilisé : 300 millions d’euros pour les filières en difficulté, report de crédits, mesures de simplification (plateformes en ligne dans les préfectures), report d’augmentation du gazole non routier, diverses mesures au niveau européen (jachères). Un nombre incalculable de promesses dont l’immense majorité ne verront pas le jour (dissolution oblige…) au coût des centaines de millions d’euros supplémentaires.
Le mécontentement est tel dans le pays (surtout contre M. Macron), que la majorité perd les Européennes et suite à une dissolution totalement inopportune (« un caprice de gamin à l’ego surdimensionné» comme nous dira un ancien député), il subit une défaite historique aux législatives. Celle-ci plonge le pays dans l’instabilité politique la plus totale depuis 1958.
Le 5 septembre 2024 c’est la nomination du gouvernement Barnier après un pathétique bal des prétendants (jusqu’à une illustre inconnue, Lucie Castets) que le président a savamment organisé. En ce mois d’octobre 2024, le député Thomas Cazenave (ministre des Comptes publics jusqu’à Septembre), marconiste convaincu, se demande comment le déficit (au creusement duquel il a participé !) a pu se creuser en quelques mois de 4,4 à plus de 6%. La Commission des Finances de l’Assemblée nationale a décidé, face à cette situation ahurissante, d’enquêter avec une commission. L’ex-ministre sait qu’il sera auditionné. Comme Mme Borne, MM Le Maire et Attal. Ils étaient au cœur du réacteur d’où s’échappait la fumée toxique…
M. Cazenave se justifie en précisant, tel l’écolier et son « ce n’est pas moi c’est lui », « les cabinets ministériels ne font pas les prévisions de recettes ». Peut-être mais en estimant les déficits, ils doivent au moins en avoir une idée pour tendre vers un (inaccessible) équilibre. Comme le relate encore Le Point, une seconde note interne a alerté Bruno Le Maire. Le déficit va friser les 6 % (5,7). En réponse le ministre, tel Gérard Majax à sa belle époque, annule 10 milliards de crédits. Le gouvernement, par le biais de Gabriel Attal, revoit sa prévision de déficit à 5, 1%. Puis deux gros problèmes s’enchaînent : l’agence S & P (autre agence américaine de notation) dégrade la note de la France et Bruxelles lance une procédure de déficit excessif.
A son départ Bruno Le Maire annonce un « trou » à 5,6%. En octobre il adresse un SMS énigmatique à France Télévisions : « La vérité apparaîtra plus tard ». Il en dit trop ou pas assez. On ne peut que se rallier à Gauthier Le Bret sur CNews « S’il y a vérité qui doit éclater, ça veut dire qu’il y a eu mensonge ». Là encore tout est dit. A l’heure qu’il est, rien n’est apparu. Rien n’a éclaté. M. Le Maire fait des cours et des conférences en Suisse. Mme Borne est redevenue ministre. M. Attal, élu député, se prépare pour 2027.
Fin septembre, le nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin redoute que le déficit dépasse les 6%. Raisons invoquées ? Augmentation des dépenses des collectivités territoriales (David Lisnard, maire de Cannes, président de l’AFM est vent debout ; idem pour l’Assemblée des Départements de France) et recettes inférieures aux prévisions (vu le contexte il ne fallait pas être grand clerc pour s’en douter). On hésite entre amateurisme, sur-optimisme et, pire, mensonge. En tout cas le problème se situe au plus haut niveau de l’Etat : Elysée (où « Mozart » réside) ? Matignon (« Méchanta » Borne et Salieri alias Attal ?!) ? Bercy (« Iznogoud » est un surnom de Bruno Le Maire) ?
Le premier à avoir défini clairement cette situation à tout le moins douteuse, c’est Jean-François Husson le rapporteur général de la Commission des Finances du Sénat. Fin connaisseur des budgets de l’Etat. Il est allé faire une inspection sur place et sur pièces en mars 2024. Il a justifié ce déplacement (très rare sous la Ve) : « Si je suis allé à Bercy chercher des informations, c’est parce qu’on a besoin de comprendre » (Journal La Semaine, 15/11/2024). Les informations données ont, un temps, étaient réputées incomplètes voire insincères. Voire mensongères.
Parmi les conclusions tirées l’une est particulièrement significative et lourde de sous-entendu (au sens lacanien du terme) : « il y a en tout cas eu rétention d’information ». Encore cette précision d’un ex haut fonctionnaire ministériel de nos connaissances : « nous en sommes là car l’exécutif pensait mieux savoir et mieux réussir que tout le monde. Et surtout que le Parlement ». Mme Robert du Point hésite entre de l’entêtement, du péché d’orgueil ou de l’aveuglement. Nous sommes intimement persuadés que c’est les trois ! Mais nous rajouterons aussi, plus grave, le mensonge. Ce qui est grave, c’est qu’en ne faisant rien ou l’inverse de ce qu’il faut faire voire en dissimulant, ceux qui nous gouvernent ont commis des fautes caractérisées. Et nous en sommes en cet automne 2024 à 1000 milliards de dette impulsée et/ou cautionnée par Macron. Et la Commission Européenne ainsi que les marchés nous encerclent… La période critique de propagation de l’épidémie déficitaire est donc 2023-2024. Le rapport de la Cour des Comptes le cible clairement.
Bien sûr lorsqu’ils sont passés devant la commission sénatoriale des Finances le 7, 8 et 15 novembre dernier, Mme Borne, MM Attal et Le Maire ont, pour faire simple, juré grand Dieu qu’ils n’y étaient pour rien et qu’ils avaient fait au mieux ! Nous avons remarqué toutefois que les trois protagonistes, pour justifier cette dette et les choix faits, se sont réfugiés derrière une formule énigmatique répétée au mot près : « La réponse est à demander à ceux qui ont pris l’arbitrage ». M. Le Maire a osé mettre en cause ses successeurs. Répétons encore sa formule lâchée en octobre dernier : « La vérité apparaîtra plus tard »…
Mme Borne interrogée sur une note interne sensible dont elle fut destinatrice, a déclaré ne plus se souvenir…. De qui se moque-t-on ? Quant à M. Attal il a été poussé dans des retranchements qui l’ont fait apparaitre parfois comme un étudiant pris en faute. Il a essayé des tours de passe-passe mais les membres de la commission, notamment M. Husson, ne sont pas des novices. Ce genre de comportements s’assimile à ce que les rugbymen ou les boxeurs appellent s’échapper. Mais quand on s’échappe, on peut être rattrapé par la patrouille !
Cette commission sénatoriale a été suivie par une commission d’enquête, présidée par M. Coquerel, qui ne semble pas pressée du tout de faire son ouvrage. Les présidents militants ont parfois des préventions inexpliquées face à certains évènements. Il est plus important d’aller visiter l’ancien terroriste antisémite Abdallah en prison.
En conscience nous avons estimé que le comportement de Mme Borne, MM. Attal et Le Maire étaient coupables. Donc nous avons saisi, le 16 décembre 2024, arguments à l’appui, sur la base de l’art. 68-2 C, la commission des requêtes de la Cour de Justice de la République. Sans répondre à aucun de nos arguments, celle-ci a rejeté notre saisine le 23 janvier 2025. Et pourtant nous persistons à penser que ces personnalités se sont rendues coupables d’un certain nombre de fautes (de nature délictuelle ?) dans la gestion budgétaire de notre pays lorsqu’elles en avaient la charge. Il n’est nul besoin de notre modeste recours pour démontrer que cette Cour est aussi unique qu’inique. Là aussi Emmanuel Macron avait annoncé sa suppression. Là encore il s’est renié en n’en parlant plus. Mais il est vrai qu’il ne fallait pas la toucher, elle qui allait laver de tout soupçon son Garde des Sceaux, Dupond-Moretti.
Nous restons persuadés qu’avec sa vérité, M. Le Maire a certainement les clés pour débloquer la situation. Mais comme chantait l’immense Brel,
… Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n’cause pas, Monsieur On n’cause pas On compte
Pour finir rappelons que le rapport 2025 de la Cour des Comptes met clairement en exergue une dérive budgétaire que l’on n’avait encore jamais vu, on l’a dit. Lorsqu’on réfléchit bien, le chef d’orchestre de ce fiasco n’est autre que l’actuel locataire de l’Elysée. On l’a vu plus haut, le dérapage débute véritablement avec sa gestion dispendieuse du Covid. Cette dernière n’eut d’égale que la dictature sanitaire qu’il a mise inutilement en place. Tous les experts sensés se rejoignent là-dessus quatre ans après.
Le grand responsable est donc, selon nous, le chef de l’Etat. Et quand, même « Mozart de la finance (Attali) », vous « jouez » avec les dépenses publiques, que vous appauvrissez le pays comme jamais aucun avant lui ne l’avait fait, vous êtes coupable d’une faute caractérisée à l’art. 68 C : Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.
Ce n’est pas la première fois que nous plaidons pour la destitution du président Macron. Certains députés mélenchonistes ont tenté des motions en ce sens toutes plus ineptes les unes que les autres. Aggraver de façon aussi inédite que lourde le déficit du pays par des mesures inadaptées, relève d’un manquement caractérisé aux devoirs de la fonction. D’abord celui de la malhonnêteté.
« L’impunité habituelle des actions malhonnêtes ruine le sentiment même de l’honnêteté » (Gustave Vapereau).
Les millions d’Algériens de France ne sont pas tous partisans du régime d’Alger, mais celui-ci sait faire pression pour empêcher leur assimilation. Et la propagande officielle qui alimente la haine antifrançaise est secondée par des « influenceurs » enragés. Saurons-nous mobiliser les Algériens qui aiment la France?
L’Algérie a son pétrole, son immense Sahara et sa diaspora de France. Une population estimée à 6 ou 7 millions de personnes qui contribue à atténuer la crise sociale algérienne par ses transferts de fonds. Sur le papier, cette population constitue aussi un formidable levier d’influence sur les autorités françaises. Sur le papier seulement, car elle doit être au préalable contrôlée, quadrillée et mobilisée, ce qui n’est pas encore le cas. Les Algériens de France ne sont pas tous des partisans du régime, une partie d’entre eux est indifférente à son sort, une autre milite ouvertement contre lui. Parmi eux, des islamistes, des activistes kabyles et de simples lanceurs d’alerte, révulsés par les injustices sociales.
La France n’est pas l’Algérie
Dans ce contexte, la diaspora algérienne est l’objet d’une lutte silencieuse et de tous les jours que les Français ignorent généralement. Tout résident algérien, légal ou illégal, doit vivre en métropole comme s’il n’avait jamais quitté son pays. Le binational n’est pas considéré comme un Français : il a beau être naturalisé, il sera toujours considéré comme un Algérien. L’assimilation est stigmatisée, réduite à une trahison. On veut garder les gens à portée de main tout le temps, génération après génération. La diaspora n’a pas le droit d’exister et de penser par elle-même, elle n’est rien d’autre qu’une extension de l’opinion publique algérienne. On attend d’elle l’allégeance, au mieux, et l’apathie, au pire.
Mais la France n’est pas l’Algérie, et même à Marseille, l’on n’est pas à Alger. Il y a quand même des restes de souveraineté française, il y a une société française qui, malgré son prétendu racisme systémique, attire à elle les binationaux, que ce soit à l’école, au travail ou par le biais des relations du quotidien. Alors, comment s’y prendre pour garder la haute main sur la diaspora ?
La formule n’a pas encore été découverte, ni par Alger ni par une autre capitale arabe ou africaine. L’être humain a beau être grégaire et prévisible, il ne répond pas à toutes les commandes, surtout si elles sont effectuées à distance, depuis une lointaine patrie d’origine qu’il ne visite qu’épisodiquement et durant les mois d’été, c’est-à-dire quand elle s’est assoupie.
Le problème est ancien. Déjà dans les années 1950, le FLN surveillait les travailleurs algériens de métropole, les intimidait et les obligeait à financer sa lutte. 4 000 Algériens ont été liquidés par d’autres Algériens en France à cette époque.
Les réseaux sociaux, une façon d’exister
Aujourd’hui, des appels à la violence se font entendre sur TikTok. Des anonymes issus du sous-prolétariat, souvent sans-papiers, s’érigent en gardiens de la diaspora. Ils sont à Brest, Lyon ou Montpellier. Dans leur pays d’origine, ils auraient été des citoyens de seconde zone : gardiens de chèvres, chômeurs ou travailleurs précaires sous-payés, à la limite de l’inanition. En France, ils ont grimpé quelques marches de la pyramide de Maslow, ils commencent à aspirer au prestige et à la considération de leur groupe. Dans le monde d’avant, ils auraient gardé leurs opinions pour le bar PMU du coin. Aujourd’hui, ils s’adressent à la planète entière grâce à un smartphone rendu accessible par un ouvrier chinois et à une application rendue ergonomique par un ingénieur indien.
Et cela permet d’envoyer fréquemment menaces et insultes. Les déclarations du tiktokeur de Brest, Zazou Youssef, sont glaçantes de vulgarité, mais terriblement compréhensibles. Quand on n’a rien à dire, on se limite aux gros mots. Quand on a la tête vide, on se replie sur la religion et le nationalisme, deux manières faciles d’attirer l’attention à soi dans les cultures maghrébines. Délicieux sentiment de vertige. « Moi, le déshérité, le sans-papiers, l’abonné aux petits boulots, moi j’existe maintenant sur TikTok, moi j’attire l’attention du gouvernement de mon pays ! » Cela s’appelle une consécration.
Les Algériens n’ont pas le monopole de ce raccourci vers la gloire. Mais la névrose antifrançaise qui sert désormais d’identité à une partie du peuple algérien rend ces manifestations plus exaltées. La guerre civile intra-algérienne, mal digérée et mal expliquée, y trouve un mince filet où elle peut écouler ses eaux teintées du sang et des larmes des innocents.
Interrogé dans le cadre de cet article, Axel, un Français d’origine kabyle qui a choisi de s’assimiler, estime qu’une majorité des influenceurs « influents » sont liés aux services algériens. Très probable, effectivement, mais difficile à établir avec certitude.
Au-delà de ces forces supplétives que sont les influenceurs enragés, les autorités algériennes ont d’autres moyens de faire pression sur les binationaux. Dès qu’ils remettent les pieds en Algérie, ils sont Algériens et seulement Algériens, donc propriété du régime qui fait d’eux ce qu’il veut. Axel raconte qu’il a été interpellé plusieurs fois en débarquant à Alger à cause de ses opinions pro-kabyles. Et on pense évidemment au calvaire de Boualem Sansal, arrêté lui aussi en débarquant à l’aéroport d’Alger. Cruel avertissement envoyé à la diaspora : restez dans le rang sinon on vous cueillera à la descente de l’avion lorsque vous viendrez rendre visite à vos familles.
Quand les médias algériens s’en mêlent
Mais il n’y a pas que l’intimidation pour contrôler une population et la pousser à agir de telle ou telle manière. La persuasion a aussi toute sa place.
Créée en 2022, la télévision algérienne AL24 News s’est lancée dans la bataille des cœurs et des esprits. Ses émissions, parfaitement réalisées, déversent un discours sur-mesure pour une diaspora en quête de repères. Dans une langue française plus que parfaite, ses chroniqueurs mettent systématiquement la France en accusation. Ils voient partout des nostalgiques de l’OAS et de l’Algérie française. Ils fustigent les ennemis de l’Algérie qui conspirent depuis la métropole ou depuis le « mauvais voisin », c’est-à-dire le Maroc. Ils aperçoivent le sionisme à chaque coin de rue. Ils peuvent passer une émission entière à ressasser les crimes de Bugeaud, mais ils n’ont aucun mot pour les crimes de la décennie noire.
Le talent est réel, mélange séduisant de langue de bois et d’esprit pamphlétaire. L’on fait le procès de la France en utilisant la langue française et en usant de ses propres références : gauche, droite, extrême droite, République, progrès, etc. Paradoxe inaperçu.
Xavier Driencourt y est qualifié de « serpent à lunettes qui crache son venin sur l’Algérie ». BHL, « un pauvre type, un clown triste ». Kamel Daoud et Boualem Sansal sont dépeints sans pitié en « harkis de la pensée » ou en « agents pour la déstabilisation de l’Algérie… payés par des gens qui sont nostalgiques de l’Algérie française ».
Trouble allégeance
L’Algérien qui s’exprime librement n’exerce pas son libre arbitre, il trahit. On vit encore mentalement dans le monde féodal que l’on pensait éradiqué par la colonisation, or il est toujours là, dans les esprits. Dans ce monde, il n’y a que des seigneurs et des larbins, il n’y a pas de citoyens. Soit on baise la main du caïd, soit on lui plante un poignard dans le dos. Quand Boualem Sansal dit du bien du Maroc, il ne pense pas, il se vend au plus offrant. Cette culture ignore la liberté, car elle ignore l’individu. Il n’y a que des larbins à perte de vue et, ici et là, une poignée de seigneurs. Mais l’Algérie n’a pas l’exclusivité de cette maladie nord-africaine.
Tout cela peut prêter à sourire, mais l’enjeu est sérieux. Il s’agit de l’allégeance de six ou sept millions d’Algériens, dont des binationaux, qui votent et qui se font élire. C’est ainsi que vient de naître une Coordination des élites algériennes. Son objectif : fédérer médecins, avocats, ingénieurs et hommes d’affaires algériens de France pour infiltrer nos institutions. Projet judicieux du point de vue algérien, très inquiétant du point de vue français. Seulement, à Paris, il n’y a que naïveté et ignorance, comme si les diasporas (quelles qu’elles soient) étaient des minorités comme les autres, tels les écolos ou les LGBT.
Et pourtant la France a encore la main, pour quelque temps encore. Il est encore temps de mobiliser des influenceurs franco-algériens qui aiment la France. L’un d’eux, Ben le Patriote, un ancien militaire du Sud-Est, fait un carton sur TikTok. Il ne reste qu’à convaincre RFI et France 24 de défendre la vérité historique et les intérêts de la France, en lieu et place de la doxa médiatique parisienne qui est par définition plus antifrançaise qu’autre chose. Enfin, il est encore temps de coopter les élites algériennes de France, celles qui sont conscientes des tristes réalités algériennes. Certaines sont sensibles à l’accueil reçu – comme ces réfugiés qui ont fui les massacres islamistes des années 1990. Tout cela nécessite de la volonté politique (il y en a apparemment chez M. Retailleau) et une dose d’intelligence émotionnelle, car on ne mobilise pas un Algérien comme on mobilise un Suisse.
Il n’y a pas qu’en France qu’on a les plus grandes difficultés à rendre effectives les OQTF. Au Royaume-Uni, le cas d’un Jamaïcain qui prétexte une prétendue bisexualité pour éviter l’expulsion défraie la chronique. Et l’absurdité de son cas n’a absolument rien d’exceptionnel. Jeremy Stubbs raconte…
Un des grands problèmes auxquels les démocraties occidentales font face, c’est celui de l’expulsion des criminels étrangers. Si la France connaît des taux d’exécution des OQTF très bas, le problème est aussi grave outre-Manche, où un humanitarisme excessif, dévoyé, entrave trop souvent le cours naturel de la justice. Ce verdict est illustré par l’histoire récente d’un violeur jamaïcain que le ministère de l’Intérieur considère comme un réel danger pour le public britannique. Lors d’une fête en 2018, l’homme, arrivé sur le sol anglais en 2001 à l’âge de 18 ans, a violé une femme qui s’était endormie sous l’influence de l’alcool. Au tribunal, sa défense a consisté à maintenir qu’il ne savait pas qu’avoir des relations sexuelles avec une personne qui dormait constituait un viol. Condamné à sept ans d’emprisonnement, il a été libéré précocement en 2021, mais a fait l’objet d’un ordre d’expulsion vers son pays d’origine. Il a contesté cette décision auprès d’un tribunal spécialisé dans des questions d’immigration et d’asile politique. En janvier, la presse a révélé qu’une magistrate de cette cour d’appel vient de lui donner raison au motif qu’il serait… bisexuel. L’homme prétend avoir eu des relations avec des membres de son propre sexe avant de quitter sa terre natale. Bien que le ministère de l’Intérieur n’ait trouvé que des preuves de relations hétérosexuelles depuis son arrivée en Angleterre, et que la magistrate reconnaisse qu’il représente toujours une menace pour le sexe féminin au Royaume-Uni, elle a décidé que le risque qu’il soit persécuté pour sa prétendue bisexualité en Jamaïque, où les homosexuels sont souvent stigmatisés et brutalisés, primait sur le risque qu’il récidive en Grande-Bretagne. Selon le calcul humanitaire moderne, les droits humains d’un seul homme, s’il est immigré, sont plus importants que ceux de toute une population féminine.
Par la suite et toujours au cours du mois de janvier de cette année, le cas d’un autre criminel jamaïcain a créé le scandale, soulignant de nouveau les travers et excès du droit humanitaire international, ou du moins de l’interprétation laxiste qui en est faite par certains de nos juges. Cette fois, il s’agit d’un homme de 48 ans, condamné pour trafic de crack et d’héroïne, ainsi que pour avoir agressé sa compagne, blanche, devant leurs enfants. En 2021, il a été enfermé pour trois ans, son cinquième séjour derrière les barreaux depuis son arrivée en Angleterre en 1991. A sa sortie de prison, le ministère de l’Intérieur a ordonné son expulsion vers la Jamaïque. Lors de deux jugements successifs, des magistrates ont empêché l’expulsion en invoquant son droit à une vie de famille selon la Convention européenne des droits de l’homme. D’abord, parce que sa fille adolescente a des doutes sur son genre et pourrait faire le choix de transitionner. Bien qu’habitant chez sa mère, elle ne peut apparemment discuter de sa non-binarité potentielle qu’avec son père. De plus, les enfants de l’homme étant métissés, ils auraient besoin de la présence de leur papa afin de découvrir leur héritage jamaïcain et assumer pleinement leur identité mixte. Les juges ont accepté ces arguments, malgré le fait que ce multi-récidiviste ne s’est pas montré un père idéal, est coupable de violences conjugales et est séparé de la mère de ses enfants.
Le ridicule ne tue pas, mais il sape la confiance publique
Si le questionnement d’une fille sur son identité de genre semble un prétexte assez faible pour empêcher une expulsion, que penser de la préférence d’un enfant pour le goût des « nuggets » de poulet à l’anglaise ? C’est pourtant la justification invoquée par d’autres magistrats pour suspendre l’expulsion d’un criminel albanais. Il faut d’abord comprendre que la criminalité albanaise est très importante outre-Manche. En 2022, la nationalité majoritaire des migrants traversant la Manche était l’albanaise. Seul un accord entre les gouvernements britanniques et albanais a permis de réduire les nombres. Pourtant, le rôle des Albanais dans le trafic humain et celui de la drogue reste significatif. Pourtant, le criminel en question est entré illégalement au Royaume Uni en 2001 à l’âge de 15 ans. Ce mineur non accompagné a demandé l’asile sous un faux nom, ce qui ne l’a pas empêché d’être naturalisé en 2007. Il est arrêté en 2017 avec en sa possession 250 000 livres provenant d’activités criminelles et, par conséquent, se trouve condamné à deux ans de prison ferme. A sa sortie, il est déchu de sa nationalité et son expulsion vers son pays d’origine est ordonnée. Il fait appel, et un juge décide que son expulsion serait contraire à son droit à une vie de famille. Car l’homme a un fils de 10 ans qui est d’une sensibilité excessive, surtout dans les domaines tactile et gustatif. Il ne supporte ni le port des chaussettes ni des plats auxquels il n’est pas déjà habitué, dont l’exemple cité devant le tribunal est celui des «nuggets » de poulet qui n’auraient pas le même goût en Albanie qu’au Royaume Uni. Ce jugement n’a été fondé sur aucun diagnostic de spécialiste, seulement sur le témoignage d’un psychologue en formation, d’un voisin et d’un ami de la famille. Selon la Cour, expulser le père sans le fils constituerait une trop rude épreuve pour le fils, comme le serait l’expulsion du père avec le fils, qui serait obligé de faire face aux « nuggets » de poulet albanais. Cette affaire présente une analogie avec la précédente dans la mesure où il semble qu’un malfaiteur a droit à une vie de famille même si ses activités criminelles mettent en péril la vie de famille des citoyens britanniques respectueux des lois.
Pour le moment, l’intervention d’un nouveau juge a provoqué la suspension du premier jugement et le renvoi de l’affaire devant un autre tribunal. Face au scandale public, le Premier ministre travailliste, Sir Keir Starmer, l’ancien procureur de la Couronne, et sa ministre de l’Intérieur ont tous les deux appelé à l’expulsion de notre Albanais. Au cours des six derniers mois, les autorités britanniques ont réussi à exécuter 5 704 expulsions d’étrangers dont 2 925 criminels. Ces chiffres sont en progression, mais la plupart des départs sont volontaires et les expulsés peuvent recevoir jusqu’à 3 000 livres pour les aider à se réinstaller dans leur pays d’origine. Comme en France et dans d’autres pays démocratiques occidentaux, la branche exécutive n’arrive pas à imposer l’expulsion de tous ceux qui devraient être renvoyés dans leur pays d’origine. Cette branche se trouve démunie face aux interventions de la branche judiciaire, dont certains jugements tournent en ridicule tout le système et sape la confiance publique dans l’état de droit.
Le Pape François, et son pacifisme sans faille, semble toujours privilégier les relations avec le monde musulman, estimant la réconciliation judéo-catholique un acquis du passé.
Ayant eu la chance cette semaine de m’immerger quelques heures dans ce merveilleux lieu de fraternité qu’est le monastère d’Abu Gosh et de parler des relations judéo-catholiques devant une loge B’nai B’rith1 de Tel-Aviv, j’ai été, comme chacun, frappé par une double réalité. Jamais les relations entre Juifs et catholiques n’ont été plus apaisées qu’aujourd’hui. Nous approchons des soixante ans de la Déclaration Nostra Aetate qui dans la quatrième et dernière session du concile Vatican II, a posé, malgré beaucoup d’obstacles et au prix de certaines litotes, les bases d’un nouveau dialogue.
Des polémiques qui indignent
Fruit d’un long travail de rapprochement, ce dialogue s’est approfondi et la méfiance s’est peu à peu dissipée, même si elle n’a pas disparu de partout. À nous de condamner sans réserve, comme l’ont fait les deux grands rabbins d’Israël, les misérables épisodes de crachats et d’insultes à l’égard des chrétiens dans les ruelles de la vieille ville de Jérusalem, dont les auteurs, haredim2 ou pas, ne sont que des fanatiques décérébrés.
Inversement, depuis une trentaine d’années que des liens diplomatiques ont été établis, jamais les relations entre Israël et le Vatican n’ont été aussi médiocres. Leur état est symbolisé par une photo du Pape assis près d’un petit Jésus allongé sur un keffieh. Cela se passait le 7 décembre 2024 dans la grande salle Paul VI du Vatican lors de l’inauguration d’une crèche dont la conception avait été attribuée à des artistes de Bethléem. Devant les protestations, mais seulement quelques jours plus tard, le keffieh fut retiré alors que les organisateurs avaient prétendu sans convaincre qu’il avait été déposé par surprise. Le mal était fait : le Pape, ou certains milieux du Vatican, avaient laissé s’insinuer un narratif bien connu, mensonger et toxique, celui d’un Jésus dont l’assassinat par les Juifs préfigurait l’assassinat des enfants palestiniens par la soldatesque israélienne.
Quelques jours auparavant, on avait appris que, dans un livre d’entretiens à paraitre, le Pape évoquait le terme de génocide pour les bombardements de Gaza. Il ne prenait pas position et laissait les experts en décider, alors qu’il savait quelle était l’ignominie de la calomnie, lui dont ses amis juifs argentins avaient dit dans le passé qu’il ressentait l’horreur de la Shoah comme s’il était Juif.
Il n’avait jamais utilisé le terme de génocide pour les Rohingyas, les Yézidis et moins encore pour les Ouïgours, car il convient de ménager la Chine avec laquelle de délicates négociations de l’Église sont en cours dans lesquelles se joue le sort des chrétiens chinois.
Quelques jours plus tard, le 21 décembre, le Pape François enfonce le clou, en s’indignant, dès les premiers mots de son discours de Noël à la Curie romaine, de la mort d’enfants gazaouis sous un bombardement israélien. Il ajoute : « c’est de la cruauté, ce n’est pas la guerre » comme si ces enfants avaient été spécifiquement ciblés. C’est bien le Jésus au keffieh qui remonte à la mémoire.
Certains ont évidemment parlé d’antisémitisme, mais dans sa belle lettre de protestation, ferme et mesurée, le ministre israélien Amichai Chikli a évité à juste titre cette facilité de langage. L’ancien cardinal Bergoglio, qui a déclaré qu’un chrétien ne peut pas être antisémite, maintenait des relations chaleureuses avec la communauté juive argentine, ce que j’ai pu vérifier moi-même en participant avec leurs représentants à une audience au Vatican. Il a écrit un livre avec le respecté rabbin Massorti3 argentin Abraham Skorka et a ouvert en 2020 aux chercheurs qui le réclamaient jusque-là sans succès, les archives du pontificat de Pie XII.
D’autres accusent le Pape d’être un représentant de la culture woke. La réponse ne va pas de soi. Cet homme, dont l’humilité est une règle de vie en témoignage pour le Christ qui s’est humilié pour sauver l’humanité, n’est pas un bisounours, mais un dirigeant religieux autoritaire et tenace. C’est pour cette fermeté, et sur la recommandation de l’archevêque de Buenos Aires de l’époque, qu’il avait été choisi par Jean-Paul II pour devenir évêque auxiliaire, alors qu’il était désavoué par une partie des Jésuites argentins en raison de sa sévérité. Il avait été, malgré sa jeunesse, le provincial des Jésuites à l’époque la plus sombre de la dictature et avait manifesté une grande intransigeance contre les Jésuites qui, motivés par la misère sociale qu’ils côtoyaient dans les bidonvilles, s’étaient laissés tenter par une théologie de la libération à laquelle l’ex-cardinal Wojtyla était particulièrement hostile du fait de son passé en Pologne communiste…
Des rapprochements interreligieux, une évidence pour le Pape
C’est ainsi que Jorge Bergoglio, jésuite marginalisé, devint évêque, cardinal puis Pape sans choisir le prénom d’Ignace mais celui de François. Car s’il a combattu la théologie de la libération car elle menait au marxisme athée, il a été un disciple d’une théologie du peuple, qui, contre les élites et les porteurs de pouvoir, donnait la primauté aux victimes, aux pauvres et aux déshérités, ceux que le péronisme avait appelés les «Descamisados». Ce qui sépare aujourd’hui le Pape François de ceux des partisans de la théologie de la libération qui ont plongé dans la lutte armée anti-capitaliste, c’est son absolu pacifisme.
Dans l’encyclique Fratelli tutti de 2020, qui sera un des marqueurs de son pontificat, il a fini par rejeter la notion de guerre juste, formalisée depuis Thomas d’Aquin, pour prôner une fraternité universelle qui s’étend des plus démunis (tels les réfugiés) à la planète elle-même en danger de destruction. C’est sur cette base qu’il a condamné l’action d’Israël à Gaza, non sans avoir condamné auparavant les actions terroristes du Hamas. Dans le monde impitoyable tel qu’il est, certains chrétiens considèrent que cette position fait la part trop belle aux incitateurs à la violence et à la haine, et préfèrent les positions de Winston Churchill à celles du Pape François.
Le Pape a particulièrement tenté de se rapprocher de l’islam et a pris plusieurs initiatives spectaculaires avec des dignitaires musulmans, comme le grand imam de la mosquée Al-Azhar en 2019 et celui de la mosquée de Jakarta en septembre 2024. Parmi les cardinaux qu’il a nommés en décembre 2024, figurent Mgr Vesco, archevêque d’Alger et Mgr Mathieu, archevêque de Téhéran. Chacun dirige, en pays d’islam une communauté chrétienne minuscule soumise à de considérables restrictions sur lesquelles le silence est de mise.
Pour le Pape François, la réconciliation judéo-catholique est un acquis du passé et l’urgence est un accord avec l’islam. L’exemple historique de la visite surprise de François d’Assise rencontrant à Damiette un sultan ayyoubide4 assiégé par les Croisés et sortant de l’entretien, dit-on, avec une demande de bénédiction de la part de ce dernier, est certainement présente dans l’esprit de son Pape éponyme.
Mais alors que François engage l’Église catholique, ses interlocuteurs musulmans n’engagent pas l’islam en tant que tel. Aujourd’hui, alors qu’une grande partie des milliers de chrétiens annuellement assassinés dans le monde en raison de leur religion le sont par des islamistes radicaux, il n’y a eu aucune condamnation explicite par le Pape François : il connait d’ailleurs les accusations d’islamophobie qui se sont déchainées sur Benoit XVI quand celui-ci a effleuré le sujet.
Il considère d’ailleurs que les religions ont intrinsèquement une valeur pacificatrice et refuse de leur attribuer une responsabilité quelconque dans les différents conflits qui ensanglantent l’humanité.
Le Pape François est aujourd’hui en réanimation respiratoire et ses jours sont en danger. Il se trouve que l’un de ses derniers interlocuteurs a été le recteur de la Grande Mosquée de Paris qui, saluant son ouverture vers l’islam, lui a proposé une grande réunion à Paris de fraternité inter-religieuse (entendre islamo-chrétienne) que le Pape aurait acceptée.
Les Juifs n’auront probablement pas part à cette réunion, et c’est tant mieux, car elle servirait surtout à redorer le blason d’un Recteur qui s’est distingué par son silence au sujet du 7-Octobre, par sa perméabilité aux thèses de Mme Rima Hassan et par son obéissance envers un régime algérien qui, entre autres, interdit aux musulmans sous peine d’emprisonnement la conversion au christianisme.
Ce curieux exemple de liberté religieuse manifeste l’idée que l’islam étant venu parfaire une vérité dont les religions monothéistes précédentes n’avaient eu que des intuitions qu’elles avaient mal interprétées ou trahies, l’idée de conversion est impensable.
Je ne crois pas que ce soit par la dhimmitude que seront résolus les malheurs du monde. Ce risque est la part aveugle du pontificat du Pape François, dont l’aspiration admirable à la paix se heurte à la volonté de puissance de beaucoup de ses interlocuteurs. Ce sont pourtant des théologiens chrétiens qui ont écrit que l’enfer était pavé de bonnes intentions…
L’Ordre indépendant du B’nai B’rith est la plus vieille organisation juive toujours en activité dans le monde. ↩︎
Juifs orthodoxes ayant une pratique religieuse particulièrement forte. ↩︎
Le judaïsme Massorti est l’un des courants du judaïsme contemporain ↩︎
Face à l’offensive woke, le patrimoine architectural chrétien vandalisé, incendié, laissé à l’abandon ou carrément rasé par des promoteurs immobiliers, est en voie de disparition au Canada.
Lorsque Mark Twain, l’un des plus célèbres romanciers américains, visita Montréal en 1881, il ne put s’empêcher de s’écrier qu’il était impossible de lancer une brique dans les rues sans casser le vitrail d’une église. Et pour cause, la ville, découverte par l’explorateur Jacques Cartier en 1535 et évangélisée par les missionnaires français et les idéalistes catholiques de la Nouvelle-France, tels que Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys et Paul de Chomedey de Maisonneuve au 17ème siècle, comptait alors quelque 260 églises.
Aujourd’hui, à l’instar des édifices religieux des autres grandes villes canadiennes, les églises montréalaises sont devenues la cible des attaques conjuguées des satanistes, des promoteurs immobiliers et de la gauche woke bien décidée à effacer toute mémoire chrétienne du pays, à s’accaparer ce patrimoine architectural pour le transformer selon ses goûts ou pour carrément le détruire.
L’église du Saint-Enfant-Jesus à Montréal a été taguée avec le slogan « Brûlez les églises » par des activistes militant pour la disparition des églises et du patrimoine chrétien au Canada.
Une histoire nationale empreinte de religiosité
A la suite de la Guerre de Sept Ans (1756-1763), de la prise de la ville de Québec par les Anglais en 1759 et de la capitulation de Montréal en 1760, la France perd la majeure partie de son immense territoire en Amérique du Nord. En 1762, la France a déjà cédé la Louisiane à l’Espagne. Le Traité de Paris signé en 1763 met tragiquement fin à la grande épopée bicentenaire de la Nouvelle-France en Amérique du Nord (1534-1763). La France serait aujourd’hui dotée d’un territoire supplémentaire de 10 millions de km2, si tant est qu’elle ait été victorieuse face à l’Angleterre !
Sous la domination anglaise, avec l’Acte de Québec de 1774, un compromis est cependant trouvé en ce qui concerne le sort des Québécois, qui sont autorisés à conserver la langue française, la religion catholique, le droit des biens et le droit civil français. Si l’Eglise anglicane est désormais l’église officielle, les privilèges de l’Eglise catholique sont rétablis.
Sous l’influence conjuguée des Français, des Anglais, des Ecossais et des Irlandais, le patrimoine architectural chrétien de la colonie britannique – qui deviendra un dominion de la Couronne en 1867 (c’est-à-dire un Etat autonome au sein de l’Empire) et dont l’indépendance sera reconnue en 1931 en vertu du statut de Westminster qui lui confère une autonomie législative – va croître et prospérer. Des chefs d’œuvre d’architecture et des ensembles monumentaux vont surgir de terre au fil des époques. Les villes canadiennes sont alors animées par une profonde ferveur religieuse.
A Montréal, par exemple, les Catholiques édifient leur église-mère, la basilique Notre-Dame, la cathédrale Marie-Reine-du-Monde ou l’oratoire Saint-Joseph, ainsi que des dizaines d’églises, monastères, écoles et collèges. Les vagues d’immigration successives en provenance d’Europe accélèrent la construction de lieux de cultes chrétiens. En premier lieu, les Catholiques irlandais avec l’imposante basilique Saint-Patrick, mais également italiens, espagnols, portugais, polonais, baltes, de même que les Orthodoxes grecs, roumains, serbes, russes, ukrainiens ne sont pas en reste. Dans la ville de Québec, les églises foisonnent et les architectes et autres corps de métier rivalisent de talent.
Les Anglicans, les Presbytériens et les Méthodistes construisent des centaines d’églises à travers tout le pays, des côtes de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, dans cet immense pays qui se trouve être le deuxième plus vaste du monde après la Russie.
Le début de la fin
A partir de la fin des années 1960, la société canadienne va cependant connaître un processus de sécularisation inouï couplé avec une spéculation immobilière effrénée. D’une manière inédite dans l’histoire, les Canadiens vont, tout comme leurs cousins d’Europe occidentale, se mettre à tourner le dos à la religion de leurs ancêtres et à déserter massivement les bancs des églises. Des pédagogues de gauche révisent les manuels scolaires pour non seulement réécrire l’histoire du pays, mais également pour fragmenter son enseignement aux générations futures. Au Québec, la situation devient particulièrement préoccupante avec l’effacement délibéré de la mémoire de la Nouvelle-France.
A partir des années 2000, la situation se corse. C’est le début de la grande offensive woke qui avance avec son arme idéologique la plus performante : la repentance, à savoir, l’instillation d’un sentiment aigu de culpabilité chez le citoyen canadien, afin de provoquer chez lui un profond sentiment de honte, ce qui l’exclut d’emblée de tout débat valable et paralyse toute réaction de défense de sa part.
Le journaliste québécois Gilles Proulx dénonce dans son livre La Mémoire qu’on nous a volée1, la volonté d’effacement progressif de la mémoire du Québec par des idéologues mal intentionnés, notamment par l’utilisation d’approximations historiques. Des militants (et parmi eux des édiles) se servent ainsi des Premières nations amérindiennes dans une optique de culpabilisation massive des Québécois, notamment en véhiculant par exemple l’affirmation erronée selon laquelle Montréal serait « un territoire Mohawk non-cédé ». En ce qui concerne les colons français, Gilles Proulx insiste sur le fait que les nations amérindiennes avaient trouvé un modus vivendi avec eux et établi un régime franco-amérindien fondé sur de bonnes relations. Ce modèle aurait pu perdurer, si l’Angleterre n’avait décidé d’y mettre fin en créant des réserves pour les autochtones en vue de les couper de l’influence française. « Timidement les historiens protestent mais nul ne les entend », déplore-t-il. Tétanisés, les gens préfèrent se taire plutôt que d’affronter les attaques virulentes de la gauche woke. Cette instrumentalisation, qui a conduit récemment à une guerre culturelle sans merci et à des tensions constantes entre autochtones et descendants de colons européens, va avoir des conséquences tragiques.
Une catastrophe bâtie sur un emballement médiatique
A l’été 2021, la découverte de possibles tombes à Kamloops (Colombie-Britannique) près d’un pensionnat pour enfants amérindiens, provoque en un mois l’incendie de 68 églises chrétiennes (dont les 2/3 sont catholiques et 67 sont situées dans les provinces anglophones) au Canada2. L’enquête ne confirmera pas qu’il s’agissait de sépultures d’enfants. Le pensionnat pour Autochtones de Kamloops, fermé en 1978, était géré par la congrégation catholique des Sœurs de Sainte-Anne. Selon la politique d’assimilation décrétée par le gouvernement canadien, 139 pensionnats sous la houlette des églises anglicane et catholique, fonctionnèrent des années 1830 jusqu’aux années 1970 (le dernier fermant en 1996), avec des conséquences traumatiques pour les pensionnaires. Enlevés à leurs familles, près de 150 000 enfants des Premières Nations, inuits ou métis y furent élevés. Des milliers d’entre eux y furent victimes de maltraitance grave. La même politique, avec les mêmes conséquences, fut conduite aux Etats-Unis avec les enfants amérindiens éduqués dans 360 pensionnats pour autochtones.
Le magazine britannique The Spectator a décrit l’emballement insensé qui a conduit à une flambée de violence antichrétienne dans tout le pays avec un mot d’ordre effroyable concernant le sort des églises : « Brûlez-les toutes ! »3 : « Les politiciens ont ignoré la violence antichrétienne comme étant compréhensible. Le drapeau au-dessus du Parlement du Canada a été mis en berne pendant cinq mois. Les Canadiens ont été priés de ne pas célébrer la fête du Canada ni de porter les couleurs nationales. Au lieu de cela, ils ont été encouragés à s’habiller en orange, symbolisant la honte du passé de leur nation. Des sommes considérables sont entrées en jeu lorsqu’Ottawa s’est engagée à verser 320 millions de dollars pour aider à la recherche d’autres tombes et pour soutenir les survivants et leurs communautés. Un nouveau jour férié fédéral a été établi, la « Journée nationale de la vérité et de la réconciliation », bien que son effet ait été quelque peu gâché lorsque Trudeau a commémoré la journée en allant surfer à Tofino. Trudeau a exigé que le pape vienne au Canada pour s’excuser en personne pour le rôle de l’Église dans le système des pensionnats (organisé par le gouvernement) (et le pape a finalement accepté de venir, bien qu’il n’ait pas promis de s’excuser) ».
Résultat : « Le gouvernement canadien et les médias ont maintenant de sérieuses questions à affronter en ce qui concerne Kamloops. Pourquoi n’ont-ils pas attendu plus de preuves avant de fustiger la nation et de l’envoyer dans une spirale de colère et de violence antichrétienne ? Et vont-ils s’excuser ? Et pourquoi, après tout cela, n’est-il toujours pas prévu de faire des fouilles à Kamloops ? Après les retombées dramatiques pour tant de Canadiens et de Catholiques ordinaires, le pays tout entier ne mérite-t-il pas des réponses ? ».
Le scandale de Kamloops a été suivi par l’affaire du pensionnat indien de Marieval, dans la province du Saskatchewan, pour les mêmes motifs. Les excavations ne permirent pas non plus de produire des preuves. Mais ce qui est sûr, c’est que depuis l’été 2021, une centaine d’églises chrétiennes ont été incendiées au Canada, dont 11 en un mois à Calgary4.
Triste avenir pour les églises canadiennes
Aujourd’hui, les actes de vandalisme visant le patrimoine religieux du pays sont devenus monnaie courante. Statues religieuses déboulonnées, mutilées, détruites. Autels saccagés puis brûlés. Façades d’édifices religieux horriblement taguées comme à Montréal celle de la majestueuse église de l’Enfant-Jésus avec l’inscription en lettres géantes « Burn Them All » (Brûlez les toutes !). Des promoteurs immobiliers de tous poils ont, à partir des années 1960, racheté aux diocèses et aux confréries religieuses des ensembles architecturaux magnifiques qu’ils ont finalement entièrement rasés pour y édifier d’immenses gratte-ciels de béton et de verre. Quant aux édifices religieux vendus en raison du manque de moyens financiers pour les entretenir, si certains d’entre eux ont certes été convertis en bibliothèques municipales ou en logements étudiants, d’autres sont utilisés de manière choquante, tels l’église anglicane Saint-Jax de Montréal de style néogothique, transformée en bar de nuit et en cabaret de cirque.
À tel point que l’on se croirait de retour en France à l’époque sanglante de la Révolution française quand Notre-Dame-de-Paris servait de vaste entrepôt à vin après avoir été souillée, vandalisée et saccagée par des révolutionnaires en furie. Ou bien serait-ce plutôt réminiscent de l’époque soviétique, où la religion était sévèrement réprimée, les chrétiens persécutés et les églises transformées en granges ? Faudra-t-il bientôt, sous la pression de l’anti-culture woke que, tout comme en Union soviétique, les Chrétiens canadiens rejoignent les Catacombes ? Peut-être que finalement l’immigration en provenance de l’Amérique latine et des Philippines, par sa ferveur chrétienne et sa fréquentation assidue des églises, permettra de relever cette situation pour le moins alarmante. Ou alors, à l’instar de Trump, qui va ouvrir au sein de la Maison-Blanche un « Bureau de la Religion » et qui a signé début février 2025, un décret sur «l’éradication des partis pris antichrétiens» visant, entre autres, à stopper les actes de vandalisme contre les églises, de nouveaux responsables politiques canadiens pourraient un jour changer la donne en décidant de sauver la mémoire du pays en sanctionnant les actes de vandalisme et de pyromanie, plutôt que de chercher à l’effacer ou à la travestir.
L’historien québécois Gilles Laporte considère, à juste titre, que toutes les sociétés occidentales traversent la même crise liée à un rapport trouble à la mémoire historique et que le Canada est, à cet égard, à l’avant-garde de ce rapport culpabilisant et mortifère à l’histoire. « Difficile dans un tel contexte, écrit-il, d’invoquer l’histoire pour inspirer un peuple, d’autant que le sentiment national est jugé particulièrement toxique puisqu’on lui trouve vite une parenté avec le racisme »5. De cet avant-gardisme bien particulier, essayons donc de tirer au plus vite des leçons pour notre vieille France !
Gilles Proulx ; Louis-Philippe Messier : La Mémoire qu’on vous a volée – de 1760 à nos jours, Montréal, Les Editions du Journal, 2019, p.106. ↩︎
Les cérémonies organisées par le Hamas en marge de la remise des cadavres des enfants Bibas glacent le monde. Malheureusement, la barbarie n’est pas uniquement le propre du Hamas mais se généralise sur la planète.
Frapper des policiers isolés à coups de barre de fer, ou jeter un cocktail Molotov dans leur voiture en mettant leur vie en danger, ne relève en rien d’une lutte héroïque contre les inégalités et les injustices sociales. Il ne s’agit pas d’un acte de résistance légitime contre la supposée violence d’État et ses prétendus « chiens de garde » au service des puissants, comme certains intellectuels gauchistes aimeraient le faire croire. Ce n’est ni un cri de révolte éclairé ni un acte d’insurrection noble : c’est une régression brutale, un retour aux instincts les plus primitifs de l’humanité. C’est la manifestation d’une barbarie contemporaine qui, sous des prétextes idéologiques ou pseudo-moraux, nie toute notion d’humanité, de respect et de justice véritable.
Retour d’un imaginaire médiéval féroce
Depuis les attentats survenus dans différentes villes d’Europe, le terme de terrorisme islamiste est devenu omniprésent dans le débat public. Les images du chef de Boko Haram justifiant, au nom d’Allah, l’enlèvement de jeunes filles nigérianes, majoritairement chrétiennes, leur mariage forcé, leur conversion à l’islam et, dans certains cas, leur vente sur des marchés, ont profondément choqué les consciences à l’échelle mondiale.
Plus récemment, les événements tragiques impliquant le Hamas ont ravivé cette horreur. L’un des épisodes les plus glaçants fut la macabre cérémonie organisée à Gaza, où des cadres contenant les photos des jeunes enfants israéliens kidnappés lors des attaques du 7-Octobre 2023 furent exhibés dans une mise en scène sinistre. Ce qui choque davantage, c’est l’accueil enthousiaste de cette démonstration : la foule des Gazaouis a applaudi cette mise en scène morbide, et des parents ont même emmené leurs enfants pour y assister. Ce spectacle macabre, loin de susciter l’indignation, a été célébré par une partie de la population, révélant à quel point la barbarie peut s’enraciner dans les sociétés plongées dans la haine et la propagande.
Pourtant, cette brutalité n’est pas unique à un contexte religieux ou géopolitique précis. Paradoxalement, des œuvres de fiction populaires, telles que Game of Thrones, encensées en Occident, plongent elles aussi les spectateurs dans un univers où la sauvagerie règne en maître. Elles dépeignent un monde médiéval féroce où clans et seigneurs s’affrontent, où les massacres, les viols et les mutilations deviennent des instruments ordinaires de pouvoir. Cette fascination moderne pour la violence crue et la domination brute reflète peut-être, sous une forme détournée, l’attrait inquiétant pour un monde régi par la loi du plus fort.
La barbarie n’est pas l’apanage d’une religion, d’un peuple ou d’une région du monde. Elle traverse les âges et les civilisations. En Afrique des Grands Lacs ou dans certaines régions d’Amérique latine, des massacres et des violences extrêmes surviennent sans le moindre lien avec l’islam. En Europe, notre propre histoire est marquée par des épisodes sanglants : des guerres de religion entre Protestants et Catholiques aux horreurs de la Terreur révolutionnaire, où, sous prétexte de justice sociale, on guillotinait à tour de bras, rasait des villes entières et exterminait des populations accusées de trahison.
Voltaire rappelait avec une ironie amère les atrocités de la Saint-Barthélemy, où les citoyens de Paris, aveuglés par le fanatisme religieux, assassinèrent sans pitié leurs compatriotes qui n’assistaient pas à la messe. Cette violence, qu’elle soit justifiée par la foi, la politique ou l’idéologie, trouve toujours ses racines dans l’intolérance et la haine viscérale de l’Autre.
Les djihadistes invoquent le Coran pour justifier leurs actes abominables, tout comme les nazis invoquaient une mythique pureté aryenne et une vision fantasmée du Saint Empire romain germanique, ou comme les gardes rouges de la Révolution culturelle s’abritaient derrière le Petit Livre rouge de Mao pour légitimer leurs exactions. Dans chacun de ces cas, l’idéologie, qu’elle soit religieuse ou politique, devient le masque d’une volonté de destruction, d’un rejet viscéral de la liberté individuelle et de la pensée critique.
Mais de quoi s’agit-il réellement ?
Lorsqu’un monde change trop rapidement, les sociétés peuvent ressentir un profond sentiment d’humiliation, d’impuissance et de peur face à des mutations qu’elles ne comprennent plus. C’est dans ces moments de fragilité que germe la violence. L’agression devient alors une réponse maladroite, une tentative désespérée de reprendre un semblant de contrôle sur une réalité qui échappe à l’individu.
Face à ces bouleversements, certains cherchent des coupables faciles. Ils fabriquent des boucs émissaires, s’enferment dans des clans, et se livrent à des rébellions désespérées contre une autorité perçue comme brutale et corrompue. Ironie cruelle : en s’alliant à d’autres formes d’autorité, souvent plus impitoyables et dogmatiques, ils espèrent trouver une vérité absolue, une cause à défendre.
C’est dans ces moments que ressurgissent les monstres de l’imaginaire collectif, les tyrans qui offrent des illusions de puissance à ceux qui se sentent dépossédés. Cet univers sombre, peuplé de violence et de pulsions destructrices, se reflète dans des récits comme Game of Thrones, où la soif de pouvoir justifie toutes les cruautés. Les faibles y deviennent des proies, les femmes des objets de conquête, et les adversaires des cibles à détruire.
Aujourd’hui, cette régression touche plusieurs régions du monde – du monde musulman à certaines zones d’Afrique et d’Amérique latine. Ce retour à la barbarie repose sur un rejet viscéral de la modernité et de ses valeurs fondamentales : la raison critique, l’éducation, l’émancipation des individus, en particulier des femmes. Le nom même de Boko Haram, qui signifie en haoussa « l’éducation occidentale est un péché », illustre ce rejet profond.
Mais, en réalité, l’idéologie n’est qu’un prétexte. Le fanatique, qu’il soit religieux ou politique, n’est guidé ni par la foi ni par la justice, mais par la haine et la peur. Il ne s’attaque jamais aux puissants véritables : il cible ceux qui représentent symboliquement une force honnie, tout en étant suffisamment vulnérables pour qu’il puisse, en lâche, frapper sans risquer de véritables représailles.
En fin de compte, cette violence n’est pas le signe d’une quête de justice ou d’émancipation, mais d’une régression vers les ténèbres, où la barbarie se déguise en vertu et où la haine se pare des habits trompeurs de la vérité sacrée. La vigilance est de mise, car ces monstres ne surgissent pas du néant : ils se nourrissent des failles de nos sociétés, des frustrations, des humiliations et des abandons, pour s’imposer là où la raison s’efface.
Retour aux sources : Guillermo del Toro n’a pas nagé de tous temps dans les superproductions aux effets visuels aussi dispendieux que spectaculaires, cf. Le Labyrinthe de Pan (2006), La Forme de l’eau (2017), etc. On avait pu déjà revoir en salles, il y a quelques années, restauré sous les auspices de Carlotta Films, cette perle du cinéma fantastique titrée L’Échine du diable (2001). Le film nous transportait à l’époque de la guerre civile espagnole, dans une économie de moyens auquel le cinéaste mexicain désormais passé sous étendard U.S nous a déshabitué depuis. Sur le registre formel superlatif auquel Guillermo del Toro sacrifie aujourd’hui jusqu’à l’excès, les aficionados, en 2025, soupirent après son Frankenstein, promis pour novembre prochain sur Netflix avec, au casting, rien moins que Christophe Waltz et la nouvelle coqueluche des réseaux, l’australien Jacob Elordi.
En attendant ressort cette semaine en salles son premier long métrage, Cronos, restauré paraît-il sous sa supervision personnelle. Je crois bien que ce film n’avait été vu à l’époque, en France, que par les fanatiques de l’Étrange Festival, autant dire personne. Ce merveilleux conte macabre, aux couleurs chatoyantes et à l’esthétique épurée, laisse déjà augurer de la suite. En 1993, Guillermo del Toro n’a même pas trente ans : d’une maturité stupéfiante, son talent de conteur éclate dans Cronos.
À Mexico, un vieil antiquaire, Jesus Gris, élève avec amour sa petite-fille, orpheline âgée de 8 ans. Dans le socle en bois d’une statue ancienne qu’il s’affairait à restaurer, il découvre un objet ouvragé, en or, une espèce de scarabée doté d’un mouvement d’horlogerie. Mais le joyau est pourvu d’un étrange mécanisme : des griffes se déploient, enserrent la main de Jesus, un dard en surgit, qui lui injecte un venin secrété par un insecte abrité dans ses entrailles.
Par l’effet de ce sortilège, Jesus sent l’envahir un fluide de jouvence. Il en garde le secret, dont seule l’enfant restera complice. Or voilà que, détenteur d’un incunable livrant le mode d’emploi du bidule, un milliardaire à l’agonie, aidé de son filandreux majordome, s’est mis sur la piste du talisman. Le grabataire est prêt à tout pour le récupérer, jusqu’à cambrioler la boutique de l’antiquaire. Sans succès. Reste que la mue de Jesus ne va pas sans souffrance : l’insecte captif a besoin de sang pour dispenser son suc réparateur, il faut donc en laper, en boire – soif inextinguible… Fatale.
Croisant le mythe de Faust et de Dracula, Cronos préfigure les motifs dont les opus ultérieurs de Guillermo del Toro feront leur miel. Dans le rôle de Jesus, feu l’acteur argentin Federico Luppi (1936-2017). Claudio Brook (1927-1995) campe ici le méchant richissime – dernier emploi de la vie professionnelle du comédien mexicain. Quant au sbire traître et sadique, incarné par l’acteur américain au visage simiesque Ron Perlman, son emploi dans Cronos contribue à asseoir cette belle carrière qui, à l’enseigne de Guillermo del Toro, le mènera jusqu’au rôle-titre de Hellboy (2004) puis de Hellboy 2 (2008), jusqu’à Pinocchio il y a trois ans…
Les premiers films n’ont pas toujours « fait leur temps », comme on dit : Cronos est captivant.
Cronos. Film de Guillermo del Toro. Avec Federico Luppi, Ron Perlman, Claudio Brook, Margarita Isabel. Mexique, couleur, 1993. Durée: 1h33 En salles le 26 février.
Le Hamas a remis ce matin à Israël les corps de quatre otages, dont ceux des deux enfants Bibas, en échange de la libération de prisonniers palestiniens. Le commentaire d’Elisabeth Lévy.
L’institut médico-légal Abu Kabir de Tel-Aviv a annoncé ce soir que les travaux d’identification des corps restitués à Israël plus tôt dans la journée par le Hamas se poursuivaient pour trois d’entre eux, le quatrième – Oded Lifshitz , 85 ans – ayant déjà été identifié NDLR.
Je n’ai rien à dire. Rien que ne disent déjà les yeux rieurs de ce bébé rouquin assassiné parce qu’il était juif. Rien d’autre que l’incompréhension et l’envie de croire que nous n’oublierons pas, même si, bien sûr nous continuerons à tapoter sur nos téléphones et à faire les soldes (on a arrêté la poésie, mais pas à cause d’Auschwitz). Il y a des enfants soldats. Guillaume Erner rappelait l’autre matin que Kfir Bibas avait fait entrer dans notre vocabulaire le monstrueux oxymore « bébé-otage ».
La mémoire vit avec son temps. Les visages de Kfir et Ariel Bibas que nous garderons sont des instantanés heureux, vestiges en couleur de promesses piétinées. Pourtant, ils convoquent irrépressiblement l’image en noir et blanc de l’enfant du ghetto de Varsovie. Mis en joue par un soldat allemand, il lève les bras. À ses côtés, une femme, sans doute sa mère, dont l’amour surpasse encore l’indicible effroi. S’appelait-il Yentl, Shmouel, Moïshé, on ne sait pas. La photo, retrouvée dans l’album d’un SS, ne voulait pas dénoncer, mais prouver le sérieux de l’entreprise de déjudaïsation menée par les nazis. Le 7-Octobre, les assassins ont pris des photos et des vidéos, pour montrer au monde entier, et à leurs familles pétries de fierté, qu’eux aussi étaient capables de massacrer des juifs. Qu’ils pensent être des héros – et le soient pour beaucoup – révèle à quel point la « cause palestinienne » a perdu la tête.
Alors que l’atroce nouvelle de la mort des Bibas se répandait, distillée au compte-goutte par les sadiques du Hamas, un autre visage est arrivé dans ma boite aux lettres, celui du jeune Roman Polanski, un autre enfant du ghetto dont la mère n’est pas revenue. Sandrine Treiner publie chez Flammarion le bouleversant témoignage qu’il a livré à l’INA ainsi que celui de son père, rédigé après plusieurs décennies de silence1.
Alors que le convoi funèbre de véhicules blancs traversait Israël en deuil, comment ne pas penser aussi à Myriam Monsonego, Arié et Gabriel Sandler (8, 5 et 3 ans) assassinés dans une cour d’école, eux aussi parce qu’ils étaient juifs ? L’uniforme change, la rage d’effacer ne varie pas, comme en témoigne l’obscène mise en scène des échanges – si obscène que même la Croix-Rouge s’en est émue. Comme le rappelle Michael Prazan dans La vérité sur le Hamas et ses idiots utiles (L’Observatoire, 2025), la force maléfique du Hamas, c’est l’amour de la mort – même si ses dirigeants aiment surtout celle des autres. Qui osera demander aux Israéliens de se réconcilier avec ces foules qui dansent sur des cercueils ?
Bien sûr, toutes les vies se valent. Encore que. J’ai beaucoup de mal à penser que celle de Yahia Sinwar, qui aura laissé pour toute trace de son passage sur terre un fleuve de sang, vaut celle de Kfir Bibas. Et autant à ne pas regretter que des médecins israéliens lui aient sauvé la vie. Mais toutes les vies d’enfants se valent. Il n’y a pas de bons et de mauvais enfants morts. On doit tous les pleurer. Les enfants palestiniens tués à Gaza étaient eux aussi des promesses détruites, eux aussi avaient des mères qui ont filmé leurs premiers sourires. Combien, parmi ceux qui restent, sont détruits de l’intérieur par le bourrage de crâne et l’endoctrinement au fanatisme, on l’ignore. Peut-on en vouloir aux enfants de croire ce que leur disent les adultes ?
On n’honore pas par le mensonge. Si toutes les vies d’enfants se valent, toutes leurs morts n’ont pas le même sens. Les enfants de Gaza ont été délibérément, cyniquement sacrifiés par le Hamas, sans doute la seule « force militaire » au monde qui protège ses combattants et expose ses civils. Ne les laissons pas enrôler dans la croisade « antisioniste » de l’islamo-gauche, alors que le mensonge éhonté du « génocide » est devenu une vérité, qui sert de sauf-conduit à tous ceux qui réclament plus de liberté d’expression pour pouvoir cracher leur haine des juifs.
On croit souvent que l’injonction juive « souviens-toi » – Ytzkor – concerne les victimes. Mais il s’agit d’abord de se souvenir d’Amalek, figure fondatrice des ennemis du peuple juif. Souvenons-nous de Kfir, Ariel, souvenons-nous de Myriam, Arié, Gabriel. Que les innocents massacrés reposent en paix. Mais n’oublions jamais ceux qui profanaient leurs visages placardés sur les murs de nos villes. N’oublions pas les ricanements d’Ersilia Soudais, n’oublions pas les mensonges de Guiraud, Caron, Delogu et consorts, n’oublions pas les sous-entendus de Mélenchon. Le déshonneur ne s’efface pas avec le temps.
Notre chroniqueur est allé voir la reprise de la fameuse pièce d’Edmond Rostand
Il y a des journées qui marquent. Ce fut le cas avec le jeudi 13 février. Entre une émission passionnante et batailleuse le matin à l’Heure des pros sur CNews et, avant mes irremplaçables Vraies Voix sur Sud Radio, un film de 3 h 30 dur, âpre, éprouvant, singulier : The Brutalist. Puis un couronnement espéré le soir : Cyrano de Bergerac au théâtre Antoine, avec Édouard Baer. J’attendais avec impatience son interprétation de ce rôle mythique. J’avais lu des entretiens avec lui et avec Anne Kessler (metteur en scène, sociétaire honoraire de la Comédie-Française) et je ne doutais pas que nous échapperions à la médiocrité.
Un défi
Pourtant, quel défi ! Nous avons tous dans la tête le film magnifique de Jean-Paul Rappeneau avec un Gérard Depardieu indépassable. L’erreur aurait été de chercher à rivaliser avec ce monument artistique alors que déjà la relative pauvreté des moyens du théâtre et le nombre réduit des comédiens auraient rendu impossible une telle gageure. Nous n’avons pas été déçus parce que délibérément le Cyrano d’Edouard Baer a été sorti du champ de l’épopée pour s’inscrire dans celui de la fraternité, de la proximité. C’était non plus le Cyrano qu’à l’évidence nous n’aurions pas pu être mais un ami abordant tous les morceaux de bravoure de la pièce avec une sorte de simplicité, de familiarité. Nous étions ainsi accordés avec ce héros, ses fiertés, ses exigences et sa flamme. Il n’était plus à des années-lumière de nous !
Il me semble d’ailleurs que le terme de héros, avec ce qu’il implique de courage, d’audace, d’exemplarité et d’aura charismatique, n’est plus approprié car on cherche à nous montrer, malgré la splendeur du texte qui n’est jamais sacrifié, un Cyrano à ras d’humanité.
Cette démarche artistique révèle à quel point ces vers – tellement connus qu’ils sont consubstantiels à notre patrimoine comme la morale qu’ils expriment – peuvent cependant appeler une autre vision que celle habituelle du panache, de la gloire, de l’affirmation sourcilleuse de soi.
Il y a de la modestie dans le Cyrano d’Édouard Baer, quelque chose de doucement et de tristement pathétique dans la conscience de ce qu’il croit être sa laideur alors que « ses élégances » sont ailleurs, et dans une sorte de fatalisme jamais plaintif que ce grand acteur joue admirablement.
C’est une épopée perdant son lustre pour plus d’humanité. C’est une expression, à la fois navrée mais emplie d’allure, d’un destin que nous aurions à égaler : il y a comme une incitation subtile à nous signifier que Cyrano n’est pas si éloigné et qu’il est un frère qui ne doit pas nous intimider.
Soulagement
Tout au long de la représentation, Edouard Baer, usant finement d’une palette de sentiment, d’espérance, de mélancolie et de nostalgie contrastée mais jamais forcée, demeure dans une élocution homogène, sans s’abandonner – et c’est le parti pris du spectacle – à des débordements qui le conduiraient, pour être admiré, à se mettre en scène lui-même face aux autres.
Paradoxalement c’est sans doute la seule faiblesse de cette intelligente représentation. Gérard Depardieu, jouant la déchirante scène finale, émeut au-delà de tout parce qu’il y a un gouffre entre son verbe généralement tonitruant d’avant et les murmures affaiblis et si tendres précédant sa mort. Avec Édouard Baer, il n’y a pas ce changement de rythme. Il meurt doucement comme il a offert ce qu’il était : sans exhibition.
Je craignais tellement la trahison de ce chef-d’œuvre par des initiatives discutables que, au soir de cette journée exceptionnelle, j’ai poussé un ouf de soulagement et, mieux, de bonheur.
Cyrano de Bergerac Jusqu’au 27 avril au Théâtre Antoine, les mardis, mercredis, jeudis, vendredis et samedis à 21h, les samedis et dimanches à 16h.
Alors que Richard Ferrand est confirmé à la tête du Conseil constitutionnel (malgré une candidature très fragilisée), le Conseil d’État valide la fermeture de la chaîne C8 qui diffuse les émissions de Cyril Hanouna. Sale temps pour les libertés !
Le Conseil d’Etat a validé hier la fermeture de C8 (et de NRJ12) décidée par l’Arcom. Un média fermé sur décision du juge administratif, cela évoque plus la Russie de Poutine ou l’Iran des mollahs que la France des droits de l’homme. Pourtant, silence des belles âmes de gauche. La lutte continue puisqu’ils n’ont pas encore obtenu la mort de CNews. Selon moi, NRJ12 n’est qu’un dommage collatéral pour ne pas laisser C8 seule.
Hanouna, un trublion qui perturbe le ronron progressiste
Peu importe qu’on aime ou pas C8 et Cyril Hanouna. La chaîne avait déjà été sanctionnée lourdement à plusieurs reprises. Elle réunit deux millions de Français chaque jour, et l’émission de Hanouna a cette particularité de fédérer à la fois la jeunesse des banlieues et la jeunesse qui vote RN. Le problème serait-il la couleur politique de son actionnaire ? On observe rarement des sanctions contre les chaînes publiques qui diffusent parfois des informations très orientées ou font des dérapages. À TPMP, où il m’est arrivé de me rendre, le ronron progressiste est en réalité aussi présent qu’ailleurs, mais il n’est pas tout seul. Il ne faut pas croire qu’on y raconte que des horreurs réactionnaires ; des chroniqueurs y assurent comme partout ailleurs la même doxa – simplement, le ronron progressiste n’y est pas seul. Quant à la vulgarité, il suffit de zapper sur les autres chaînes pour comprendre qu’elle n’est pas le problème.
Si on ajoute que les fréquences libérées sont attribuées à des progressistes-bien-sous-tous-rapports et proches du pouvoir, le soupçon de politisation s’accroit. Enfin, coïncidence : C8 est fermée le jour où Richard Ferrand est confirmé à la tête du Conseil constitutionnel ! Sale journée pour l’Etat de droit et pour le respect qu’il inspire.
L’Etat de droit est pourtant parfaitement respecté, objecte-t-on. Oui, on respecte la lettre et on piétine l’esprit. L’État de droit, c’est l’impartialité, la neutralité, l’égalité de tous devant la loi. Or, à son sommet qui nomme-t-on aujourd’hui ? M. Ferrand, un ancien PS proche du président. Ou M. Chantepie, ancien directeur de cabinet de Jean-Marc Ayrault qui dirige la section du contentieux du Conseil d’État. Dans une enquête que je publie dans le prochain magazine Causeur, je démontre qu’il y a une certaine endogamie à l’Arcom, instance truffée de gens qui viennent du Conseil d’Etat, des chaînes publiques et de la gauche…
Petit monde
Or, toutes ces cours prétendument indépendantes fabriquent une règle jurisprudentielle, c’est-à-dire fondée sur l’interprétation, nécessairement influencée par leur vision du monde. Le minimum serait d’avoir une certaine diversité idéologique. C’est exactement le contraire. Un petit monde endogame où on pense tous pareil (multiculti et antifasciste, pour résumer) peut décider ce que j’ai le droit de regarder, qui notre pays doit accueillir et pour qui j’ai le droit de voter. Comme le dit Stéphane Germain, l’État de droit, c’est de gauche. Autrement dit, c’est ce qui enquiquine le populo et fait plaisir au Monde. On peut contester cette opinion, mais en réalité le soupçon ne devrait même pas pouvoir être formulé.
La première mission de l’État de droit n’est pas de faire des chichis sur les droits de la défense du délinquant, c’est de nous protéger contre l’arbitraire du pouvoir. Mais qu’observe-t-on actuellement ?
Le juge constitutionnel nous interdit d’avoir ces frontières que la population réclame à cor et à cri ;
La plus haute juridiction pénale du pays valide les écoutes d’un avocat et condamne un ancien président de la République sur la base d’intentions supposées ;
Le gendarme des médias et le juge administratif ferment une chaine de télévision.
Si l’État de droit est censé me protéger, j’aimerais savoir qui protègera mes libertés contre l’arbitraire des juges qui incarnent cet État de droit.
Cette chronique a d’abord été diffusée dans la matinale de Sud Radio
La dette de la France ne cesse de se creuser années après années. Depuis l’arrivée au pouvoir de celui qu’on qualifiait de « Mozart de la finance », elle n’a jamais été aussi conséquente. Retour sur le « quoi qu’il en coûte » …
La Cour des comptes a publié son premier rapport de l’année consacré à la situation d’ensemble des finances publiques, après deux années noires. En effet, en 2024 pour la deuxième année consécutive, le déficit public s’est aggravé pour atteindre près de 175 Md€, soit 6,0 points de PIB après 5,5 points en 2023 et 4,7 points en 2022. La dette publique culmine désormais à près de 3 300 Md€ et les charges d’intérêt à 59 Md€. Il s’agit d’une dégradation inédite alors que la croissance économique est restée positive pendant cette période. Si la faible progression des impôts expliquait en partie la contre-performance de 2023, c’est à l’inverse la dynamique des dépenses qui est en cause en 2024, principalement du côté des collectivités locales et de la protection sociale.
Des rapports non contraignants, Macron gagné par la fièvre dépensière
La France, seule en Europe à voir ses finances publiques continuer de se dégrader, a obtenu de ses partenaires que le terme de sa trajectoire de retour du déficit sous les trois points de PIB soit repoussé de 2027 à 2029 : après deux faux-départs, l’année 2025 est désormais déterminante pour engager l’ajustement budgétaire nécessaire que la Cour évalue à 110 Md€, soit plus du double de celui évalué à l’été 2023 avant le dérapage des derniers mois.
Il faut souligner ici que, de rapports en rapports, la Cour des Comptes a beau s’alarmer et pointer du doigt ce qui ne va pas depuis au moins Philippe Séguin (2004-2010), ses rapports n’ont aucune force contraignante et ne sont, le plus souvent, pas suivis d’effets.
Une période phare va ici retenir notre attention : 2023-2024. Annonçons clairement les choses : présidence Macron, Borne et Attal à Matignon, Le Maire à Bercy. Nous titrons cette analyse, Ali Macron et les quarante voleurs. On aurait pu dire, plus imprudemment, et les trois voleurs.
Dans son N° du 31 Octobre dernier (2726), Le Point a consacré une très intéressante et fournie analyse à « l’étrange fin de règne » de Macron. Parmi les « étrangetés », on relève celle relative à la dette française. Il est même titré : « le président de la dette : histoire d’une faute ». On le sait, en l’espèce c’est durant le mandat du locataire de l’Elysée que la dette s’est creusée de façon abyssale : plus de 1000 milliards. Avec Philippine Robert du Point, on est en droit de s’interroger « comment cet adversaire de la dette qui promettait de dézinguer tous les dogmes a-t-il été atteint par la fièvre dépensière » ? Et l’on peut rajouter plus qu’aucun autre de ses prédécesseurs ! Le successeur de François Hollande a donc consciemment laissé filer la dette en distribuant à tous crins chèques et crédits. Et, pour faire bonne mesure, il a cautionné quelques manipulations afin d’« habiller » les choses. Et il a associé à cette vilénie des Premiers ministres et un ministre de l’Economie. Il y a donc eu « faute » au plus haut sommet de l’Etat que l’on va relater. Et l’on montrera avec Joseph Joubert qu’ “il est dans l’ordre qu’une peine inévitable suive une faute volontaire.”
Le début du massacre budgétaire est daté : 2020. L’an I du « quoi qu’il en coûte ». Pas plus qu’il n’a su le gérer humainement (la France est le seul pays à avoir été confiné ainsi) et sanitairement, face au Covid Emmanuel Macron a ouvert les vannes financières. Et surtout, pas une fois il n’a provisionné (contrairement à tous nos voisins européens). Les grands reporters du Monde Davet et Lhomme viennent de publier un ouvrage au vitriol sur cette période que nous conseillons vivement à chaque lecteur : Les juges et l’assassin (Flammarion). C’est une plongée dans les six premiers mois de cette crise Covid. Un voyage fou au cœur d’un exécutif aussi défaillant que menteur.
Financièrement, en ces années 2020, pas question pour qui que ce soit de contester le roitelet de l’Elysée : « De toute façon les locataires de Bercy et de Matignon n’avaient pas le choix. Le président savait mieux qu’eux ce qu’il fallait mettre en œuvre » nous confiera un ancien haut fonctionnaire de Matignon. Le Maire, à Bercy, fut même assez zélé de ce point de vue. Le robinet de l’assistance sociale sera abondamment ouvert. Chronique chez les petits-fils de Mitterrand. Macron en est.
Bilan de la grande braderie financière du Covid ? Certes des faillites et des pertes d’emploi sont évitées. Mais à quel prix ! Un déficit qui flirte avec les 10% et une dette publique gonflée à plus de 110 % du PIB…. Record ! Comme le confesse l’économiste Gilbert Cette, très en cours à l’Elysée, « le problème c’est que nous avons débranché trop lentement ces mesures ». En cette fin 2020 la dette a augmenté de près de 280 milliards. Qui dit mieux en Europe ? Personne.
En 2021, ce devait être la fin du « quoi qu’il en coûte » disait Le Maire. Tellement faux que la dépense publique s’accroit de 2%. On constate alors que, s’il y a un frémissement économique, le déficit dépasse les 6% fin 2021. La dette augmente encore de près de 165 milliards. Eh oui mais horizon de la présidentielle oblige, il faut « arroser » l’électorat macronien (enseignants, magistrats, retraités, jeunes). A Matignon depuis 2020, précisons que Jean Castex (dit M. Crise) a tout exécuté sans sourciller. En rejetant une nouvelle fois Marine Le Pen en ce printemps 2022, les Français réélisent donc Macron. Encore une élection par défaut. Il a nommé Élisabeth Borne à Matignon qui, face à une majorité relative, va tout gérer à coups de 49-3. L’année 2022 s’achève sur un déficit qui avoisine les 5% et une dette à près de 110 % du PIB. Circonstance aggravante : l’inflation est à près de 6%.
Arrive alors 2023. L’agence de notation Fitch (la seconde plus grosse agence américaine qui évalue la capacité de remboursement des pays emprunteurs) baisse la note de la France. Dans le document produit, Fitch souligne « des déficits budgétaires importants et des progrès modestes » et évoque « l’impasse politique (ndlr : la majorité relative) et les mouvements sociaux (ndlr : grèves pour les retraites) ». C’est alors à la Cour des Comptes (présidée par Pierre Moscovici) de porter l’estocade.
Finances hors de contrôle
Dans son rapport 2024 (analysant les comptes 2023) elle parle sans ambages d’une « très mauvaise année en matière de finances publiques ». Et de dénoncer « aucun effort financier d’économie en dépense ». Surtout elle décrit ce qui peut être la meilleure synthèse des mandats Macron en matière financière : « une progression nettement supérieure à l’inflation des dépenses publiques hors charges d’intérêts et hors mesures exceptionnelles de soutien face aux crises sanitaire et énergétique ». Et Pierre Moscovici (pas macroniste pour un sou !) lui-même avertira publiquement : « Nous avons perdu le contrôle de nos finances (…) Si nous ne faisons rien, notre dette publique passerait de 110% du PIB aujourd’hui à 124% en 2027 ». Toujours selon lui : « on pourrait atteindre les 3 800 milliards d’euros de dettes, ça veut dire que chaque année, on devrait rembourser 80 milliards d’euros et plus pour financer cette dette », alors qu’« en 2021 », on dépensait « 25 milliards d’euros » (20 h de France 2, 18 Septembre 2024). Mme Borne ne dit mot. Elle gouverne à coups de 49-3. Elle a si bien servi le pays que le président la remercie purement et simplement en janvier 2024. C’est au tour d’un jeune premier, Gabriel Attal (35 ans), de s’installer à Matignon. A peine arrivé débutent les manifestations d’agriculteurs qui entraînent des blocages routiers significatifs. Macron se met habilement en retrait (sauf un accueil tendu au Salon de l’Agriculture) et laisse Attal manœuvrer. Là encore c’est le chéquier qui est utilisé : 300 millions d’euros pour les filières en difficulté, report de crédits, mesures de simplification (plateformes en ligne dans les préfectures), report d’augmentation du gazole non routier, diverses mesures au niveau européen (jachères). Un nombre incalculable de promesses dont l’immense majorité ne verront pas le jour (dissolution oblige…) au coût des centaines de millions d’euros supplémentaires.
Le mécontentement est tel dans le pays (surtout contre M. Macron), que la majorité perd les Européennes et suite à une dissolution totalement inopportune (« un caprice de gamin à l’ego surdimensionné» comme nous dira un ancien député), il subit une défaite historique aux législatives. Celle-ci plonge le pays dans l’instabilité politique la plus totale depuis 1958.
Le 5 septembre 2024 c’est la nomination du gouvernement Barnier après un pathétique bal des prétendants (jusqu’à une illustre inconnue, Lucie Castets) que le président a savamment organisé. En ce mois d’octobre 2024, le député Thomas Cazenave (ministre des Comptes publics jusqu’à Septembre), marconiste convaincu, se demande comment le déficit (au creusement duquel il a participé !) a pu se creuser en quelques mois de 4,4 à plus de 6%. La Commission des Finances de l’Assemblée nationale a décidé, face à cette situation ahurissante, d’enquêter avec une commission. L’ex-ministre sait qu’il sera auditionné. Comme Mme Borne, MM Le Maire et Attal. Ils étaient au cœur du réacteur d’où s’échappait la fumée toxique…
M. Cazenave se justifie en précisant, tel l’écolier et son « ce n’est pas moi c’est lui », « les cabinets ministériels ne font pas les prévisions de recettes ». Peut-être mais en estimant les déficits, ils doivent au moins en avoir une idée pour tendre vers un (inaccessible) équilibre. Comme le relate encore Le Point, une seconde note interne a alerté Bruno Le Maire. Le déficit va friser les 6 % (5,7). En réponse le ministre, tel Gérard Majax à sa belle époque, annule 10 milliards de crédits. Le gouvernement, par le biais de Gabriel Attal, revoit sa prévision de déficit à 5, 1%. Puis deux gros problèmes s’enchaînent : l’agence S & P (autre agence américaine de notation) dégrade la note de la France et Bruxelles lance une procédure de déficit excessif.
A son départ Bruno Le Maire annonce un « trou » à 5,6%. En octobre il adresse un SMS énigmatique à France Télévisions : « La vérité apparaîtra plus tard ». Il en dit trop ou pas assez. On ne peut que se rallier à Gauthier Le Bret sur CNews « S’il y a vérité qui doit éclater, ça veut dire qu’il y a eu mensonge ». Là encore tout est dit. A l’heure qu’il est, rien n’est apparu. Rien n’a éclaté. M. Le Maire fait des cours et des conférences en Suisse. Mme Borne est redevenue ministre. M. Attal, élu député, se prépare pour 2027.
Fin septembre, le nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin redoute que le déficit dépasse les 6%. Raisons invoquées ? Augmentation des dépenses des collectivités territoriales (David Lisnard, maire de Cannes, président de l’AFM est vent debout ; idem pour l’Assemblée des Départements de France) et recettes inférieures aux prévisions (vu le contexte il ne fallait pas être grand clerc pour s’en douter). On hésite entre amateurisme, sur-optimisme et, pire, mensonge. En tout cas le problème se situe au plus haut niveau de l’Etat : Elysée (où « Mozart » réside) ? Matignon (« Méchanta » Borne et Salieri alias Attal ?!) ? Bercy (« Iznogoud » est un surnom de Bruno Le Maire) ?
Le premier à avoir défini clairement cette situation à tout le moins douteuse, c’est Jean-François Husson le rapporteur général de la Commission des Finances du Sénat. Fin connaisseur des budgets de l’Etat. Il est allé faire une inspection sur place et sur pièces en mars 2024. Il a justifié ce déplacement (très rare sous la Ve) : « Si je suis allé à Bercy chercher des informations, c’est parce qu’on a besoin de comprendre » (Journal La Semaine, 15/11/2024). Les informations données ont, un temps, étaient réputées incomplètes voire insincères. Voire mensongères.
Parmi les conclusions tirées l’une est particulièrement significative et lourde de sous-entendu (au sens lacanien du terme) : « il y a en tout cas eu rétention d’information ». Encore cette précision d’un ex haut fonctionnaire ministériel de nos connaissances : « nous en sommes là car l’exécutif pensait mieux savoir et mieux réussir que tout le monde. Et surtout que le Parlement ». Mme Robert du Point hésite entre de l’entêtement, du péché d’orgueil ou de l’aveuglement. Nous sommes intimement persuadés que c’est les trois ! Mais nous rajouterons aussi, plus grave, le mensonge. Ce qui est grave, c’est qu’en ne faisant rien ou l’inverse de ce qu’il faut faire voire en dissimulant, ceux qui nous gouvernent ont commis des fautes caractérisées. Et nous en sommes en cet automne 2024 à 1000 milliards de dette impulsée et/ou cautionnée par Macron. Et la Commission Européenne ainsi que les marchés nous encerclent… La période critique de propagation de l’épidémie déficitaire est donc 2023-2024. Le rapport de la Cour des Comptes le cible clairement.
Bien sûr lorsqu’ils sont passés devant la commission sénatoriale des Finances le 7, 8 et 15 novembre dernier, Mme Borne, MM Attal et Le Maire ont, pour faire simple, juré grand Dieu qu’ils n’y étaient pour rien et qu’ils avaient fait au mieux ! Nous avons remarqué toutefois que les trois protagonistes, pour justifier cette dette et les choix faits, se sont réfugiés derrière une formule énigmatique répétée au mot près : « La réponse est à demander à ceux qui ont pris l’arbitrage ». M. Le Maire a osé mettre en cause ses successeurs. Répétons encore sa formule lâchée en octobre dernier : « La vérité apparaîtra plus tard »…
Mme Borne interrogée sur une note interne sensible dont elle fut destinatrice, a déclaré ne plus se souvenir…. De qui se moque-t-on ? Quant à M. Attal il a été poussé dans des retranchements qui l’ont fait apparaitre parfois comme un étudiant pris en faute. Il a essayé des tours de passe-passe mais les membres de la commission, notamment M. Husson, ne sont pas des novices. Ce genre de comportements s’assimile à ce que les rugbymen ou les boxeurs appellent s’échapper. Mais quand on s’échappe, on peut être rattrapé par la patrouille !
Cette commission sénatoriale a été suivie par une commission d’enquête, présidée par M. Coquerel, qui ne semble pas pressée du tout de faire son ouvrage. Les présidents militants ont parfois des préventions inexpliquées face à certains évènements. Il est plus important d’aller visiter l’ancien terroriste antisémite Abdallah en prison.
En conscience nous avons estimé que le comportement de Mme Borne, MM. Attal et Le Maire étaient coupables. Donc nous avons saisi, le 16 décembre 2024, arguments à l’appui, sur la base de l’art. 68-2 C, la commission des requêtes de la Cour de Justice de la République. Sans répondre à aucun de nos arguments, celle-ci a rejeté notre saisine le 23 janvier 2025. Et pourtant nous persistons à penser que ces personnalités se sont rendues coupables d’un certain nombre de fautes (de nature délictuelle ?) dans la gestion budgétaire de notre pays lorsqu’elles en avaient la charge. Il n’est nul besoin de notre modeste recours pour démontrer que cette Cour est aussi unique qu’inique. Là aussi Emmanuel Macron avait annoncé sa suppression. Là encore il s’est renié en n’en parlant plus. Mais il est vrai qu’il ne fallait pas la toucher, elle qui allait laver de tout soupçon son Garde des Sceaux, Dupond-Moretti.
Nous restons persuadés qu’avec sa vérité, M. Le Maire a certainement les clés pour débloquer la situation. Mais comme chantait l’immense Brel,
… Faut vous dire, Monsieur Que chez ces gens-là On n’cause pas, Monsieur On n’cause pas On compte
Pour finir rappelons que le rapport 2025 de la Cour des Comptes met clairement en exergue une dérive budgétaire que l’on n’avait encore jamais vu, on l’a dit. Lorsqu’on réfléchit bien, le chef d’orchestre de ce fiasco n’est autre que l’actuel locataire de l’Elysée. On l’a vu plus haut, le dérapage débute véritablement avec sa gestion dispendieuse du Covid. Cette dernière n’eut d’égale que la dictature sanitaire qu’il a mise inutilement en place. Tous les experts sensés se rejoignent là-dessus quatre ans après.
Le grand responsable est donc, selon nous, le chef de l’Etat. Et quand, même « Mozart de la finance (Attali) », vous « jouez » avec les dépenses publiques, que vous appauvrissez le pays comme jamais aucun avant lui ne l’avait fait, vous êtes coupable d’une faute caractérisée à l’art. 68 C : Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.
Ce n’est pas la première fois que nous plaidons pour la destitution du président Macron. Certains députés mélenchonistes ont tenté des motions en ce sens toutes plus ineptes les unes que les autres. Aggraver de façon aussi inédite que lourde le déficit du pays par des mesures inadaptées, relève d’un manquement caractérisé aux devoirs de la fonction. D’abord celui de la malhonnêteté.
« L’impunité habituelle des actions malhonnêtes ruine le sentiment même de l’honnêteté » (Gustave Vapereau).
Les millions d’Algériens de France ne sont pas tous partisans du régime d’Alger, mais celui-ci sait faire pression pour empêcher leur assimilation. Et la propagande officielle qui alimente la haine antifrançaise est secondée par des « influenceurs » enragés. Saurons-nous mobiliser les Algériens qui aiment la France?
L’Algérie a son pétrole, son immense Sahara et sa diaspora de France. Une population estimée à 6 ou 7 millions de personnes qui contribue à atténuer la crise sociale algérienne par ses transferts de fonds. Sur le papier, cette population constitue aussi un formidable levier d’influence sur les autorités françaises. Sur le papier seulement, car elle doit être au préalable contrôlée, quadrillée et mobilisée, ce qui n’est pas encore le cas. Les Algériens de France ne sont pas tous des partisans du régime, une partie d’entre eux est indifférente à son sort, une autre milite ouvertement contre lui. Parmi eux, des islamistes, des activistes kabyles et de simples lanceurs d’alerte, révulsés par les injustices sociales.
La France n’est pas l’Algérie
Dans ce contexte, la diaspora algérienne est l’objet d’une lutte silencieuse et de tous les jours que les Français ignorent généralement. Tout résident algérien, légal ou illégal, doit vivre en métropole comme s’il n’avait jamais quitté son pays. Le binational n’est pas considéré comme un Français : il a beau être naturalisé, il sera toujours considéré comme un Algérien. L’assimilation est stigmatisée, réduite à une trahison. On veut garder les gens à portée de main tout le temps, génération après génération. La diaspora n’a pas le droit d’exister et de penser par elle-même, elle n’est rien d’autre qu’une extension de l’opinion publique algérienne. On attend d’elle l’allégeance, au mieux, et l’apathie, au pire.
Mais la France n’est pas l’Algérie, et même à Marseille, l’on n’est pas à Alger. Il y a quand même des restes de souveraineté française, il y a une société française qui, malgré son prétendu racisme systémique, attire à elle les binationaux, que ce soit à l’école, au travail ou par le biais des relations du quotidien. Alors, comment s’y prendre pour garder la haute main sur la diaspora ?
La formule n’a pas encore été découverte, ni par Alger ni par une autre capitale arabe ou africaine. L’être humain a beau être grégaire et prévisible, il ne répond pas à toutes les commandes, surtout si elles sont effectuées à distance, depuis une lointaine patrie d’origine qu’il ne visite qu’épisodiquement et durant les mois d’été, c’est-à-dire quand elle s’est assoupie.
Le problème est ancien. Déjà dans les années 1950, le FLN surveillait les travailleurs algériens de métropole, les intimidait et les obligeait à financer sa lutte. 4 000 Algériens ont été liquidés par d’autres Algériens en France à cette époque.
Les réseaux sociaux, une façon d’exister
Aujourd’hui, des appels à la violence se font entendre sur TikTok. Des anonymes issus du sous-prolétariat, souvent sans-papiers, s’érigent en gardiens de la diaspora. Ils sont à Brest, Lyon ou Montpellier. Dans leur pays d’origine, ils auraient été des citoyens de seconde zone : gardiens de chèvres, chômeurs ou travailleurs précaires sous-payés, à la limite de l’inanition. En France, ils ont grimpé quelques marches de la pyramide de Maslow, ils commencent à aspirer au prestige et à la considération de leur groupe. Dans le monde d’avant, ils auraient gardé leurs opinions pour le bar PMU du coin. Aujourd’hui, ils s’adressent à la planète entière grâce à un smartphone rendu accessible par un ouvrier chinois et à une application rendue ergonomique par un ingénieur indien.
Et cela permet d’envoyer fréquemment menaces et insultes. Les déclarations du tiktokeur de Brest, Zazou Youssef, sont glaçantes de vulgarité, mais terriblement compréhensibles. Quand on n’a rien à dire, on se limite aux gros mots. Quand on a la tête vide, on se replie sur la religion et le nationalisme, deux manières faciles d’attirer l’attention à soi dans les cultures maghrébines. Délicieux sentiment de vertige. « Moi, le déshérité, le sans-papiers, l’abonné aux petits boulots, moi j’existe maintenant sur TikTok, moi j’attire l’attention du gouvernement de mon pays ! » Cela s’appelle une consécration.
Les Algériens n’ont pas le monopole de ce raccourci vers la gloire. Mais la névrose antifrançaise qui sert désormais d’identité à une partie du peuple algérien rend ces manifestations plus exaltées. La guerre civile intra-algérienne, mal digérée et mal expliquée, y trouve un mince filet où elle peut écouler ses eaux teintées du sang et des larmes des innocents.
Interrogé dans le cadre de cet article, Axel, un Français d’origine kabyle qui a choisi de s’assimiler, estime qu’une majorité des influenceurs « influents » sont liés aux services algériens. Très probable, effectivement, mais difficile à établir avec certitude.
Au-delà de ces forces supplétives que sont les influenceurs enragés, les autorités algériennes ont d’autres moyens de faire pression sur les binationaux. Dès qu’ils remettent les pieds en Algérie, ils sont Algériens et seulement Algériens, donc propriété du régime qui fait d’eux ce qu’il veut. Axel raconte qu’il a été interpellé plusieurs fois en débarquant à Alger à cause de ses opinions pro-kabyles. Et on pense évidemment au calvaire de Boualem Sansal, arrêté lui aussi en débarquant à l’aéroport d’Alger. Cruel avertissement envoyé à la diaspora : restez dans le rang sinon on vous cueillera à la descente de l’avion lorsque vous viendrez rendre visite à vos familles.
Quand les médias algériens s’en mêlent
Mais il n’y a pas que l’intimidation pour contrôler une population et la pousser à agir de telle ou telle manière. La persuasion a aussi toute sa place.
Créée en 2022, la télévision algérienne AL24 News s’est lancée dans la bataille des cœurs et des esprits. Ses émissions, parfaitement réalisées, déversent un discours sur-mesure pour une diaspora en quête de repères. Dans une langue française plus que parfaite, ses chroniqueurs mettent systématiquement la France en accusation. Ils voient partout des nostalgiques de l’OAS et de l’Algérie française. Ils fustigent les ennemis de l’Algérie qui conspirent depuis la métropole ou depuis le « mauvais voisin », c’est-à-dire le Maroc. Ils aperçoivent le sionisme à chaque coin de rue. Ils peuvent passer une émission entière à ressasser les crimes de Bugeaud, mais ils n’ont aucun mot pour les crimes de la décennie noire.
Le talent est réel, mélange séduisant de langue de bois et d’esprit pamphlétaire. L’on fait le procès de la France en utilisant la langue française et en usant de ses propres références : gauche, droite, extrême droite, République, progrès, etc. Paradoxe inaperçu.
Xavier Driencourt y est qualifié de « serpent à lunettes qui crache son venin sur l’Algérie ». BHL, « un pauvre type, un clown triste ». Kamel Daoud et Boualem Sansal sont dépeints sans pitié en « harkis de la pensée » ou en « agents pour la déstabilisation de l’Algérie… payés par des gens qui sont nostalgiques de l’Algérie française ».
Trouble allégeance
L’Algérien qui s’exprime librement n’exerce pas son libre arbitre, il trahit. On vit encore mentalement dans le monde féodal que l’on pensait éradiqué par la colonisation, or il est toujours là, dans les esprits. Dans ce monde, il n’y a que des seigneurs et des larbins, il n’y a pas de citoyens. Soit on baise la main du caïd, soit on lui plante un poignard dans le dos. Quand Boualem Sansal dit du bien du Maroc, il ne pense pas, il se vend au plus offrant. Cette culture ignore la liberté, car elle ignore l’individu. Il n’y a que des larbins à perte de vue et, ici et là, une poignée de seigneurs. Mais l’Algérie n’a pas l’exclusivité de cette maladie nord-africaine.
Tout cela peut prêter à sourire, mais l’enjeu est sérieux. Il s’agit de l’allégeance de six ou sept millions d’Algériens, dont des binationaux, qui votent et qui se font élire. C’est ainsi que vient de naître une Coordination des élites algériennes. Son objectif : fédérer médecins, avocats, ingénieurs et hommes d’affaires algériens de France pour infiltrer nos institutions. Projet judicieux du point de vue algérien, très inquiétant du point de vue français. Seulement, à Paris, il n’y a que naïveté et ignorance, comme si les diasporas (quelles qu’elles soient) étaient des minorités comme les autres, tels les écolos ou les LGBT.
Et pourtant la France a encore la main, pour quelque temps encore. Il est encore temps de mobiliser des influenceurs franco-algériens qui aiment la France. L’un d’eux, Ben le Patriote, un ancien militaire du Sud-Est, fait un carton sur TikTok. Il ne reste qu’à convaincre RFI et France 24 de défendre la vérité historique et les intérêts de la France, en lieu et place de la doxa médiatique parisienne qui est par définition plus antifrançaise qu’autre chose. Enfin, il est encore temps de coopter les élites algériennes de France, celles qui sont conscientes des tristes réalités algériennes. Certaines sont sensibles à l’accueil reçu – comme ces réfugiés qui ont fui les massacres islamistes des années 1990. Tout cela nécessite de la volonté politique (il y en a apparemment chez M. Retailleau) et une dose d’intelligence émotionnelle, car on ne mobilise pas un Algérien comme on mobilise un Suisse.
Il n’y a pas qu’en France qu’on a les plus grandes difficultés à rendre effectives les OQTF. Au Royaume-Uni, le cas d’un Jamaïcain qui prétexte une prétendue bisexualité pour éviter l’expulsion défraie la chronique. Et l’absurdité de son cas n’a absolument rien d’exceptionnel. Jeremy Stubbs raconte…
Un des grands problèmes auxquels les démocraties occidentales font face, c’est celui de l’expulsion des criminels étrangers. Si la France connaît des taux d’exécution des OQTF très bas, le problème est aussi grave outre-Manche, où un humanitarisme excessif, dévoyé, entrave trop souvent le cours naturel de la justice. Ce verdict est illustré par l’histoire récente d’un violeur jamaïcain que le ministère de l’Intérieur considère comme un réel danger pour le public britannique. Lors d’une fête en 2018, l’homme, arrivé sur le sol anglais en 2001 à l’âge de 18 ans, a violé une femme qui s’était endormie sous l’influence de l’alcool. Au tribunal, sa défense a consisté à maintenir qu’il ne savait pas qu’avoir des relations sexuelles avec une personne qui dormait constituait un viol. Condamné à sept ans d’emprisonnement, il a été libéré précocement en 2021, mais a fait l’objet d’un ordre d’expulsion vers son pays d’origine. Il a contesté cette décision auprès d’un tribunal spécialisé dans des questions d’immigration et d’asile politique. En janvier, la presse a révélé qu’une magistrate de cette cour d’appel vient de lui donner raison au motif qu’il serait… bisexuel. L’homme prétend avoir eu des relations avec des membres de son propre sexe avant de quitter sa terre natale. Bien que le ministère de l’Intérieur n’ait trouvé que des preuves de relations hétérosexuelles depuis son arrivée en Angleterre, et que la magistrate reconnaisse qu’il représente toujours une menace pour le sexe féminin au Royaume-Uni, elle a décidé que le risque qu’il soit persécuté pour sa prétendue bisexualité en Jamaïque, où les homosexuels sont souvent stigmatisés et brutalisés, primait sur le risque qu’il récidive en Grande-Bretagne. Selon le calcul humanitaire moderne, les droits humains d’un seul homme, s’il est immigré, sont plus importants que ceux de toute une population féminine.
Par la suite et toujours au cours du mois de janvier de cette année, le cas d’un autre criminel jamaïcain a créé le scandale, soulignant de nouveau les travers et excès du droit humanitaire international, ou du moins de l’interprétation laxiste qui en est faite par certains de nos juges. Cette fois, il s’agit d’un homme de 48 ans, condamné pour trafic de crack et d’héroïne, ainsi que pour avoir agressé sa compagne, blanche, devant leurs enfants. En 2021, il a été enfermé pour trois ans, son cinquième séjour derrière les barreaux depuis son arrivée en Angleterre en 1991. A sa sortie de prison, le ministère de l’Intérieur a ordonné son expulsion vers la Jamaïque. Lors de deux jugements successifs, des magistrates ont empêché l’expulsion en invoquant son droit à une vie de famille selon la Convention européenne des droits de l’homme. D’abord, parce que sa fille adolescente a des doutes sur son genre et pourrait faire le choix de transitionner. Bien qu’habitant chez sa mère, elle ne peut apparemment discuter de sa non-binarité potentielle qu’avec son père. De plus, les enfants de l’homme étant métissés, ils auraient besoin de la présence de leur papa afin de découvrir leur héritage jamaïcain et assumer pleinement leur identité mixte. Les juges ont accepté ces arguments, malgré le fait que ce multi-récidiviste ne s’est pas montré un père idéal, est coupable de violences conjugales et est séparé de la mère de ses enfants.
Le ridicule ne tue pas, mais il sape la confiance publique
Si le questionnement d’une fille sur son identité de genre semble un prétexte assez faible pour empêcher une expulsion, que penser de la préférence d’un enfant pour le goût des « nuggets » de poulet à l’anglaise ? C’est pourtant la justification invoquée par d’autres magistrats pour suspendre l’expulsion d’un criminel albanais. Il faut d’abord comprendre que la criminalité albanaise est très importante outre-Manche. En 2022, la nationalité majoritaire des migrants traversant la Manche était l’albanaise. Seul un accord entre les gouvernements britanniques et albanais a permis de réduire les nombres. Pourtant, le rôle des Albanais dans le trafic humain et celui de la drogue reste significatif. Pourtant, le criminel en question est entré illégalement au Royaume Uni en 2001 à l’âge de 15 ans. Ce mineur non accompagné a demandé l’asile sous un faux nom, ce qui ne l’a pas empêché d’être naturalisé en 2007. Il est arrêté en 2017 avec en sa possession 250 000 livres provenant d’activités criminelles et, par conséquent, se trouve condamné à deux ans de prison ferme. A sa sortie, il est déchu de sa nationalité et son expulsion vers son pays d’origine est ordonnée. Il fait appel, et un juge décide que son expulsion serait contraire à son droit à une vie de famille. Car l’homme a un fils de 10 ans qui est d’une sensibilité excessive, surtout dans les domaines tactile et gustatif. Il ne supporte ni le port des chaussettes ni des plats auxquels il n’est pas déjà habitué, dont l’exemple cité devant le tribunal est celui des «nuggets » de poulet qui n’auraient pas le même goût en Albanie qu’au Royaume Uni. Ce jugement n’a été fondé sur aucun diagnostic de spécialiste, seulement sur le témoignage d’un psychologue en formation, d’un voisin et d’un ami de la famille. Selon la Cour, expulser le père sans le fils constituerait une trop rude épreuve pour le fils, comme le serait l’expulsion du père avec le fils, qui serait obligé de faire face aux « nuggets » de poulet albanais. Cette affaire présente une analogie avec la précédente dans la mesure où il semble qu’un malfaiteur a droit à une vie de famille même si ses activités criminelles mettent en péril la vie de famille des citoyens britanniques respectueux des lois.
Pour le moment, l’intervention d’un nouveau juge a provoqué la suspension du premier jugement et le renvoi de l’affaire devant un autre tribunal. Face au scandale public, le Premier ministre travailliste, Sir Keir Starmer, l’ancien procureur de la Couronne, et sa ministre de l’Intérieur ont tous les deux appelé à l’expulsion de notre Albanais. Au cours des six derniers mois, les autorités britanniques ont réussi à exécuter 5 704 expulsions d’étrangers dont 2 925 criminels. Ces chiffres sont en progression, mais la plupart des départs sont volontaires et les expulsés peuvent recevoir jusqu’à 3 000 livres pour les aider à se réinstaller dans leur pays d’origine. Comme en France et dans d’autres pays démocratiques occidentaux, la branche exécutive n’arrive pas à imposer l’expulsion de tous ceux qui devraient être renvoyés dans leur pays d’origine. Cette branche se trouve démunie face aux interventions de la branche judiciaire, dont certains jugements tournent en ridicule tout le système et sape la confiance publique dans l’état de droit.
Le Pape François, et son pacifisme sans faille, semble toujours privilégier les relations avec le monde musulman, estimant la réconciliation judéo-catholique un acquis du passé.
Ayant eu la chance cette semaine de m’immerger quelques heures dans ce merveilleux lieu de fraternité qu’est le monastère d’Abu Gosh et de parler des relations judéo-catholiques devant une loge B’nai B’rith1 de Tel-Aviv, j’ai été, comme chacun, frappé par une double réalité. Jamais les relations entre Juifs et catholiques n’ont été plus apaisées qu’aujourd’hui. Nous approchons des soixante ans de la Déclaration Nostra Aetate qui dans la quatrième et dernière session du concile Vatican II, a posé, malgré beaucoup d’obstacles et au prix de certaines litotes, les bases d’un nouveau dialogue.
Des polémiques qui indignent
Fruit d’un long travail de rapprochement, ce dialogue s’est approfondi et la méfiance s’est peu à peu dissipée, même si elle n’a pas disparu de partout. À nous de condamner sans réserve, comme l’ont fait les deux grands rabbins d’Israël, les misérables épisodes de crachats et d’insultes à l’égard des chrétiens dans les ruelles de la vieille ville de Jérusalem, dont les auteurs, haredim2 ou pas, ne sont que des fanatiques décérébrés.
Inversement, depuis une trentaine d’années que des liens diplomatiques ont été établis, jamais les relations entre Israël et le Vatican n’ont été aussi médiocres. Leur état est symbolisé par une photo du Pape assis près d’un petit Jésus allongé sur un keffieh. Cela se passait le 7 décembre 2024 dans la grande salle Paul VI du Vatican lors de l’inauguration d’une crèche dont la conception avait été attribuée à des artistes de Bethléem. Devant les protestations, mais seulement quelques jours plus tard, le keffieh fut retiré alors que les organisateurs avaient prétendu sans convaincre qu’il avait été déposé par surprise. Le mal était fait : le Pape, ou certains milieux du Vatican, avaient laissé s’insinuer un narratif bien connu, mensonger et toxique, celui d’un Jésus dont l’assassinat par les Juifs préfigurait l’assassinat des enfants palestiniens par la soldatesque israélienne.
Quelques jours auparavant, on avait appris que, dans un livre d’entretiens à paraitre, le Pape évoquait le terme de génocide pour les bombardements de Gaza. Il ne prenait pas position et laissait les experts en décider, alors qu’il savait quelle était l’ignominie de la calomnie, lui dont ses amis juifs argentins avaient dit dans le passé qu’il ressentait l’horreur de la Shoah comme s’il était Juif.
Il n’avait jamais utilisé le terme de génocide pour les Rohingyas, les Yézidis et moins encore pour les Ouïgours, car il convient de ménager la Chine avec laquelle de délicates négociations de l’Église sont en cours dans lesquelles se joue le sort des chrétiens chinois.
Quelques jours plus tard, le 21 décembre, le Pape François enfonce le clou, en s’indignant, dès les premiers mots de son discours de Noël à la Curie romaine, de la mort d’enfants gazaouis sous un bombardement israélien. Il ajoute : « c’est de la cruauté, ce n’est pas la guerre » comme si ces enfants avaient été spécifiquement ciblés. C’est bien le Jésus au keffieh qui remonte à la mémoire.
Certains ont évidemment parlé d’antisémitisme, mais dans sa belle lettre de protestation, ferme et mesurée, le ministre israélien Amichai Chikli a évité à juste titre cette facilité de langage. L’ancien cardinal Bergoglio, qui a déclaré qu’un chrétien ne peut pas être antisémite, maintenait des relations chaleureuses avec la communauté juive argentine, ce que j’ai pu vérifier moi-même en participant avec leurs représentants à une audience au Vatican. Il a écrit un livre avec le respecté rabbin Massorti3 argentin Abraham Skorka et a ouvert en 2020 aux chercheurs qui le réclamaient jusque-là sans succès, les archives du pontificat de Pie XII.
D’autres accusent le Pape d’être un représentant de la culture woke. La réponse ne va pas de soi. Cet homme, dont l’humilité est une règle de vie en témoignage pour le Christ qui s’est humilié pour sauver l’humanité, n’est pas un bisounours, mais un dirigeant religieux autoritaire et tenace. C’est pour cette fermeté, et sur la recommandation de l’archevêque de Buenos Aires de l’époque, qu’il avait été choisi par Jean-Paul II pour devenir évêque auxiliaire, alors qu’il était désavoué par une partie des Jésuites argentins en raison de sa sévérité. Il avait été, malgré sa jeunesse, le provincial des Jésuites à l’époque la plus sombre de la dictature et avait manifesté une grande intransigeance contre les Jésuites qui, motivés par la misère sociale qu’ils côtoyaient dans les bidonvilles, s’étaient laissés tenter par une théologie de la libération à laquelle l’ex-cardinal Wojtyla était particulièrement hostile du fait de son passé en Pologne communiste…
Des rapprochements interreligieux, une évidence pour le Pape
C’est ainsi que Jorge Bergoglio, jésuite marginalisé, devint évêque, cardinal puis Pape sans choisir le prénom d’Ignace mais celui de François. Car s’il a combattu la théologie de la libération car elle menait au marxisme athée, il a été un disciple d’une théologie du peuple, qui, contre les élites et les porteurs de pouvoir, donnait la primauté aux victimes, aux pauvres et aux déshérités, ceux que le péronisme avait appelés les «Descamisados». Ce qui sépare aujourd’hui le Pape François de ceux des partisans de la théologie de la libération qui ont plongé dans la lutte armée anti-capitaliste, c’est son absolu pacifisme.
Dans l’encyclique Fratelli tutti de 2020, qui sera un des marqueurs de son pontificat, il a fini par rejeter la notion de guerre juste, formalisée depuis Thomas d’Aquin, pour prôner une fraternité universelle qui s’étend des plus démunis (tels les réfugiés) à la planète elle-même en danger de destruction. C’est sur cette base qu’il a condamné l’action d’Israël à Gaza, non sans avoir condamné auparavant les actions terroristes du Hamas. Dans le monde impitoyable tel qu’il est, certains chrétiens considèrent que cette position fait la part trop belle aux incitateurs à la violence et à la haine, et préfèrent les positions de Winston Churchill à celles du Pape François.
Le Pape a particulièrement tenté de se rapprocher de l’islam et a pris plusieurs initiatives spectaculaires avec des dignitaires musulmans, comme le grand imam de la mosquée Al-Azhar en 2019 et celui de la mosquée de Jakarta en septembre 2024. Parmi les cardinaux qu’il a nommés en décembre 2024, figurent Mgr Vesco, archevêque d’Alger et Mgr Mathieu, archevêque de Téhéran. Chacun dirige, en pays d’islam une communauté chrétienne minuscule soumise à de considérables restrictions sur lesquelles le silence est de mise.
Pour le Pape François, la réconciliation judéo-catholique est un acquis du passé et l’urgence est un accord avec l’islam. L’exemple historique de la visite surprise de François d’Assise rencontrant à Damiette un sultan ayyoubide4 assiégé par les Croisés et sortant de l’entretien, dit-on, avec une demande de bénédiction de la part de ce dernier, est certainement présente dans l’esprit de son Pape éponyme.
Mais alors que François engage l’Église catholique, ses interlocuteurs musulmans n’engagent pas l’islam en tant que tel. Aujourd’hui, alors qu’une grande partie des milliers de chrétiens annuellement assassinés dans le monde en raison de leur religion le sont par des islamistes radicaux, il n’y a eu aucune condamnation explicite par le Pape François : il connait d’ailleurs les accusations d’islamophobie qui se sont déchainées sur Benoit XVI quand celui-ci a effleuré le sujet.
Il considère d’ailleurs que les religions ont intrinsèquement une valeur pacificatrice et refuse de leur attribuer une responsabilité quelconque dans les différents conflits qui ensanglantent l’humanité.
Le Pape François est aujourd’hui en réanimation respiratoire et ses jours sont en danger. Il se trouve que l’un de ses derniers interlocuteurs a été le recteur de la Grande Mosquée de Paris qui, saluant son ouverture vers l’islam, lui a proposé une grande réunion à Paris de fraternité inter-religieuse (entendre islamo-chrétienne) que le Pape aurait acceptée.
Les Juifs n’auront probablement pas part à cette réunion, et c’est tant mieux, car elle servirait surtout à redorer le blason d’un Recteur qui s’est distingué par son silence au sujet du 7-Octobre, par sa perméabilité aux thèses de Mme Rima Hassan et par son obéissance envers un régime algérien qui, entre autres, interdit aux musulmans sous peine d’emprisonnement la conversion au christianisme.
Ce curieux exemple de liberté religieuse manifeste l’idée que l’islam étant venu parfaire une vérité dont les religions monothéistes précédentes n’avaient eu que des intuitions qu’elles avaient mal interprétées ou trahies, l’idée de conversion est impensable.
Je ne crois pas que ce soit par la dhimmitude que seront résolus les malheurs du monde. Ce risque est la part aveugle du pontificat du Pape François, dont l’aspiration admirable à la paix se heurte à la volonté de puissance de beaucoup de ses interlocuteurs. Ce sont pourtant des théologiens chrétiens qui ont écrit que l’enfer était pavé de bonnes intentions…
L’Ordre indépendant du B’nai B’rith est la plus vieille organisation juive toujours en activité dans le monde. ↩︎
Juifs orthodoxes ayant une pratique religieuse particulièrement forte. ↩︎
Le judaïsme Massorti est l’un des courants du judaïsme contemporain ↩︎
Face à l’offensive woke, le patrimoine architectural chrétien vandalisé, incendié, laissé à l’abandon ou carrément rasé par des promoteurs immobiliers, est en voie de disparition au Canada.
Lorsque Mark Twain, l’un des plus célèbres romanciers américains, visita Montréal en 1881, il ne put s’empêcher de s’écrier qu’il était impossible de lancer une brique dans les rues sans casser le vitrail d’une église. Et pour cause, la ville, découverte par l’explorateur Jacques Cartier en 1535 et évangélisée par les missionnaires français et les idéalistes catholiques de la Nouvelle-France, tels que Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys et Paul de Chomedey de Maisonneuve au 17ème siècle, comptait alors quelque 260 églises.
Aujourd’hui, à l’instar des édifices religieux des autres grandes villes canadiennes, les églises montréalaises sont devenues la cible des attaques conjuguées des satanistes, des promoteurs immobiliers et de la gauche woke bien décidée à effacer toute mémoire chrétienne du pays, à s’accaparer ce patrimoine architectural pour le transformer selon ses goûts ou pour carrément le détruire.
L’église du Saint-Enfant-Jesus à Montréal a été taguée avec le slogan « Brûlez les églises » par des activistes militant pour la disparition des églises et du patrimoine chrétien au Canada.
Une histoire nationale empreinte de religiosité
A la suite de la Guerre de Sept Ans (1756-1763), de la prise de la ville de Québec par les Anglais en 1759 et de la capitulation de Montréal en 1760, la France perd la majeure partie de son immense territoire en Amérique du Nord. En 1762, la France a déjà cédé la Louisiane à l’Espagne. Le Traité de Paris signé en 1763 met tragiquement fin à la grande épopée bicentenaire de la Nouvelle-France en Amérique du Nord (1534-1763). La France serait aujourd’hui dotée d’un territoire supplémentaire de 10 millions de km2, si tant est qu’elle ait été victorieuse face à l’Angleterre !
Sous la domination anglaise, avec l’Acte de Québec de 1774, un compromis est cependant trouvé en ce qui concerne le sort des Québécois, qui sont autorisés à conserver la langue française, la religion catholique, le droit des biens et le droit civil français. Si l’Eglise anglicane est désormais l’église officielle, les privilèges de l’Eglise catholique sont rétablis.
Sous l’influence conjuguée des Français, des Anglais, des Ecossais et des Irlandais, le patrimoine architectural chrétien de la colonie britannique – qui deviendra un dominion de la Couronne en 1867 (c’est-à-dire un Etat autonome au sein de l’Empire) et dont l’indépendance sera reconnue en 1931 en vertu du statut de Westminster qui lui confère une autonomie législative – va croître et prospérer. Des chefs d’œuvre d’architecture et des ensembles monumentaux vont surgir de terre au fil des époques. Les villes canadiennes sont alors animées par une profonde ferveur religieuse.
A Montréal, par exemple, les Catholiques édifient leur église-mère, la basilique Notre-Dame, la cathédrale Marie-Reine-du-Monde ou l’oratoire Saint-Joseph, ainsi que des dizaines d’églises, monastères, écoles et collèges. Les vagues d’immigration successives en provenance d’Europe accélèrent la construction de lieux de cultes chrétiens. En premier lieu, les Catholiques irlandais avec l’imposante basilique Saint-Patrick, mais également italiens, espagnols, portugais, polonais, baltes, de même que les Orthodoxes grecs, roumains, serbes, russes, ukrainiens ne sont pas en reste. Dans la ville de Québec, les églises foisonnent et les architectes et autres corps de métier rivalisent de talent.
Les Anglicans, les Presbytériens et les Méthodistes construisent des centaines d’églises à travers tout le pays, des côtes de l’Atlantique jusqu’au Pacifique, dans cet immense pays qui se trouve être le deuxième plus vaste du monde après la Russie.
Le début de la fin
A partir de la fin des années 1960, la société canadienne va cependant connaître un processus de sécularisation inouï couplé avec une spéculation immobilière effrénée. D’une manière inédite dans l’histoire, les Canadiens vont, tout comme leurs cousins d’Europe occidentale, se mettre à tourner le dos à la religion de leurs ancêtres et à déserter massivement les bancs des églises. Des pédagogues de gauche révisent les manuels scolaires pour non seulement réécrire l’histoire du pays, mais également pour fragmenter son enseignement aux générations futures. Au Québec, la situation devient particulièrement préoccupante avec l’effacement délibéré de la mémoire de la Nouvelle-France.
A partir des années 2000, la situation se corse. C’est le début de la grande offensive woke qui avance avec son arme idéologique la plus performante : la repentance, à savoir, l’instillation d’un sentiment aigu de culpabilité chez le citoyen canadien, afin de provoquer chez lui un profond sentiment de honte, ce qui l’exclut d’emblée de tout débat valable et paralyse toute réaction de défense de sa part.
Le journaliste québécois Gilles Proulx dénonce dans son livre La Mémoire qu’on nous a volée1, la volonté d’effacement progressif de la mémoire du Québec par des idéologues mal intentionnés, notamment par l’utilisation d’approximations historiques. Des militants (et parmi eux des édiles) se servent ainsi des Premières nations amérindiennes dans une optique de culpabilisation massive des Québécois, notamment en véhiculant par exemple l’affirmation erronée selon laquelle Montréal serait « un territoire Mohawk non-cédé ». En ce qui concerne les colons français, Gilles Proulx insiste sur le fait que les nations amérindiennes avaient trouvé un modus vivendi avec eux et établi un régime franco-amérindien fondé sur de bonnes relations. Ce modèle aurait pu perdurer, si l’Angleterre n’avait décidé d’y mettre fin en créant des réserves pour les autochtones en vue de les couper de l’influence française. « Timidement les historiens protestent mais nul ne les entend », déplore-t-il. Tétanisés, les gens préfèrent se taire plutôt que d’affronter les attaques virulentes de la gauche woke. Cette instrumentalisation, qui a conduit récemment à une guerre culturelle sans merci et à des tensions constantes entre autochtones et descendants de colons européens, va avoir des conséquences tragiques.
Une catastrophe bâtie sur un emballement médiatique
A l’été 2021, la découverte de possibles tombes à Kamloops (Colombie-Britannique) près d’un pensionnat pour enfants amérindiens, provoque en un mois l’incendie de 68 églises chrétiennes (dont les 2/3 sont catholiques et 67 sont situées dans les provinces anglophones) au Canada2. L’enquête ne confirmera pas qu’il s’agissait de sépultures d’enfants. Le pensionnat pour Autochtones de Kamloops, fermé en 1978, était géré par la congrégation catholique des Sœurs de Sainte-Anne. Selon la politique d’assimilation décrétée par le gouvernement canadien, 139 pensionnats sous la houlette des églises anglicane et catholique, fonctionnèrent des années 1830 jusqu’aux années 1970 (le dernier fermant en 1996), avec des conséquences traumatiques pour les pensionnaires. Enlevés à leurs familles, près de 150 000 enfants des Premières Nations, inuits ou métis y furent élevés. Des milliers d’entre eux y furent victimes de maltraitance grave. La même politique, avec les mêmes conséquences, fut conduite aux Etats-Unis avec les enfants amérindiens éduqués dans 360 pensionnats pour autochtones.
Le magazine britannique The Spectator a décrit l’emballement insensé qui a conduit à une flambée de violence antichrétienne dans tout le pays avec un mot d’ordre effroyable concernant le sort des églises : « Brûlez-les toutes ! »3 : « Les politiciens ont ignoré la violence antichrétienne comme étant compréhensible. Le drapeau au-dessus du Parlement du Canada a été mis en berne pendant cinq mois. Les Canadiens ont été priés de ne pas célébrer la fête du Canada ni de porter les couleurs nationales. Au lieu de cela, ils ont été encouragés à s’habiller en orange, symbolisant la honte du passé de leur nation. Des sommes considérables sont entrées en jeu lorsqu’Ottawa s’est engagée à verser 320 millions de dollars pour aider à la recherche d’autres tombes et pour soutenir les survivants et leurs communautés. Un nouveau jour férié fédéral a été établi, la « Journée nationale de la vérité et de la réconciliation », bien que son effet ait été quelque peu gâché lorsque Trudeau a commémoré la journée en allant surfer à Tofino. Trudeau a exigé que le pape vienne au Canada pour s’excuser en personne pour le rôle de l’Église dans le système des pensionnats (organisé par le gouvernement) (et le pape a finalement accepté de venir, bien qu’il n’ait pas promis de s’excuser) ».
Résultat : « Le gouvernement canadien et les médias ont maintenant de sérieuses questions à affronter en ce qui concerne Kamloops. Pourquoi n’ont-ils pas attendu plus de preuves avant de fustiger la nation et de l’envoyer dans une spirale de colère et de violence antichrétienne ? Et vont-ils s’excuser ? Et pourquoi, après tout cela, n’est-il toujours pas prévu de faire des fouilles à Kamloops ? Après les retombées dramatiques pour tant de Canadiens et de Catholiques ordinaires, le pays tout entier ne mérite-t-il pas des réponses ? ».
Le scandale de Kamloops a été suivi par l’affaire du pensionnat indien de Marieval, dans la province du Saskatchewan, pour les mêmes motifs. Les excavations ne permirent pas non plus de produire des preuves. Mais ce qui est sûr, c’est que depuis l’été 2021, une centaine d’églises chrétiennes ont été incendiées au Canada, dont 11 en un mois à Calgary4.
Triste avenir pour les églises canadiennes
Aujourd’hui, les actes de vandalisme visant le patrimoine religieux du pays sont devenus monnaie courante. Statues religieuses déboulonnées, mutilées, détruites. Autels saccagés puis brûlés. Façades d’édifices religieux horriblement taguées comme à Montréal celle de la majestueuse église de l’Enfant-Jésus avec l’inscription en lettres géantes « Burn Them All » (Brûlez les toutes !). Des promoteurs immobiliers de tous poils ont, à partir des années 1960, racheté aux diocèses et aux confréries religieuses des ensembles architecturaux magnifiques qu’ils ont finalement entièrement rasés pour y édifier d’immenses gratte-ciels de béton et de verre. Quant aux édifices religieux vendus en raison du manque de moyens financiers pour les entretenir, si certains d’entre eux ont certes été convertis en bibliothèques municipales ou en logements étudiants, d’autres sont utilisés de manière choquante, tels l’église anglicane Saint-Jax de Montréal de style néogothique, transformée en bar de nuit et en cabaret de cirque.
À tel point que l’on se croirait de retour en France à l’époque sanglante de la Révolution française quand Notre-Dame-de-Paris servait de vaste entrepôt à vin après avoir été souillée, vandalisée et saccagée par des révolutionnaires en furie. Ou bien serait-ce plutôt réminiscent de l’époque soviétique, où la religion était sévèrement réprimée, les chrétiens persécutés et les églises transformées en granges ? Faudra-t-il bientôt, sous la pression de l’anti-culture woke que, tout comme en Union soviétique, les Chrétiens canadiens rejoignent les Catacombes ? Peut-être que finalement l’immigration en provenance de l’Amérique latine et des Philippines, par sa ferveur chrétienne et sa fréquentation assidue des églises, permettra de relever cette situation pour le moins alarmante. Ou alors, à l’instar de Trump, qui va ouvrir au sein de la Maison-Blanche un « Bureau de la Religion » et qui a signé début février 2025, un décret sur «l’éradication des partis pris antichrétiens» visant, entre autres, à stopper les actes de vandalisme contre les églises, de nouveaux responsables politiques canadiens pourraient un jour changer la donne en décidant de sauver la mémoire du pays en sanctionnant les actes de vandalisme et de pyromanie, plutôt que de chercher à l’effacer ou à la travestir.
L’historien québécois Gilles Laporte considère, à juste titre, que toutes les sociétés occidentales traversent la même crise liée à un rapport trouble à la mémoire historique et que le Canada est, à cet égard, à l’avant-garde de ce rapport culpabilisant et mortifère à l’histoire. « Difficile dans un tel contexte, écrit-il, d’invoquer l’histoire pour inspirer un peuple, d’autant que le sentiment national est jugé particulièrement toxique puisqu’on lui trouve vite une parenté avec le racisme »5. De cet avant-gardisme bien particulier, essayons donc de tirer au plus vite des leçons pour notre vieille France !
Gilles Proulx ; Louis-Philippe Messier : La Mémoire qu’on vous a volée – de 1760 à nos jours, Montréal, Les Editions du Journal, 2019, p.106. ↩︎