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Farishta Jami, une terroriste offusquée


Après sa condamnation pour terrorisme, la police britannique a accepté de remplacer la photo d’identité judiciaire initiale de Farishta Jami par une image où elle porte le niqab…


Jusqu’où les autorités publiques doivent-elles aller afin de respecter les sensibilités culturelles et religieuses des citoyens ? Outre-Manche, le cas de Farishta Jami pose la question sur le mode absurde. Cette mère de 36 ans habite la ville de Stratford-upon-Avon, la ville natale du grand dramaturge anglais, site du prestigieux Royal Shakespeare Theatre.

Née en Afghanistan, Jami est venue s’établir en Angleterre avec son mari en 2008. Or, le 13 février, un tribunal l’a reconnue coupable de deux chefs d’accusation selon la loi contre le terrorisme. En 2022, elle avait commencé les préparatifs d’un voyage vers son pays natal afin de rejoindre la branche afghane de l’État islamique, Daech-Khorassan.

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Son objectif ? Devenir martyre. Elle avait économisé de quoi payer un aller simple pour elle et ses enfants. Elle avait partagé en ligne des contenus ultra-violents et participé à des forums islamistes. Elle s’était renseignée sur l’obtention et le maniement des armes, notamment le montage et le démontage d’une AK-47.

Parmi les 7 000 vidéos stockées sur son ordinateur, certaines mettaient en scène des enfants auteurs d’attentats-suicides, préfigurant peut-être le sort qu’elle réservait à sa propre progéniture. Suivant la procédure routinière, la police a publié d’elle une photographie d’identité judiciaire. Cette pratique est bien sûr courante, car elle permet à d’autres services de police et à d’autres victimes éventuelles de reconnaître un suspect.

Or, l’avocat de Jami a fait savoir aux autorités que cette publication avait plongé sa cliente dans un état de « détresse considérable ». Pour cette musulmane pieuse, rendre son visage visible en public était offensant. Le lendemain, la police de la région a publié une nouvelle photo qui la montre en niqab. Ou plutôt qui ne la montre pas du tout, elle. Pudeur religieuse ou ruse de terroriste ? Comme le dit Hamlet : « Dieu vous a donné un visage, et vous vous en faites un autre ».

Ferrand au sommet, Hanouna au bûcher, L’État de droit c’est plus fort que toi!

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Qu’est-ce qui permet de fermer une chaîne de télé populaire ou d’interdire l’expulsion de terroristes étrangers ? L’État de droit ! En présentant le sujet de notre une, Élisabeth Lévy s’alarme du fait qu’une poignée de hauts magistrats biberonnés au progressisme puisse avoir prééminence sur les pouvoirs exécutif et législatif issus des urnes. L’État de droit a été conçu pour dissuader les gouvernants d’abuser de leur pouvoir mais désormais il interdit à ces derniers de l’exercer. Robert Ménard est poursuivi devant les tribunaux pour avoir refusé de marier une Française à un Algérien sous OQTF : le maire de Béziers observe que le Droit et le bon sens sont bafoués au nom des Droits de l’homme. Dans une enquête sur l’Arcom, le gendarme de la liberté d’expression, Causeur se demande de qui cette « autorité indépendante » est vraiment « indépendante ». L’instance censée « garantir une information pluraliste et indépendante » qui a décidé la fin de C8 (confirmée par le Conseil d’État) constitue un petit monde endogamique où les mantras progressistes font office de vérité. Ses salariés et dirigeants viennent du Conseil d’État, des médias publics et privés, des cabinets ministériels de gauche ou encore du CNC, bénéficiaire des amendes infligées aux chaînes… Quant aux sans-papiers et délinquants étrangers, cinq hautes juridictions françaises et européennes garantissent une batterie de droits qui insultent le bon sens. Seule la voie référendaire pourrait inverser la vapeur. Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, passe en revue ces aberrations légales. Joseph Macé-Scaron nous dresse le portrait de Richard Ferrand qui a été élu à la présidence du Conseil constitutionnel à une voix près. Ce vieux briscard du PS sans expérience juridique n’a jamais été un brillant tacticien, pas plus qu’un illustre ministre ou président de l’Assemblée nationale, et il traîne derrière lui de sérieuses casseroles. Mais il est le protégé du chef de l’État.

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Merci patrons ! D’habitude, les chefs d’entreprise encaissent les coups en silence, acceptant de se faire déplumer par le gouvernement et insulter par des élus, syndicalistes et journalistes qui les décrivent comme des profiteurs-affameurs du peuple. Pourtant, comme l’affirment Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques dans leur introduction à notre dossier du mois, il faudrait remercier ceux des patrons qui, en dépit des taxes et normes imposées par l’État et malgré les tentations de la délocalisation, continuent à produire en France – et à croire à la France. Dans un entretien avec Jean-Baptiste Roques, le milliardaire Pierre-Edouard Stérin reste convaincu que l’État serait mieux géré si le gouvernement était composé de chefs d’entreprise. Désormais le cofondateur de Smartbox promeut ses idées conservatrices libérales à travers l’ambitieuse plateforme « Périclès ». Un projet évidemment caricaturé par les médias de gauche.

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Comme le suggère l’analyse de Stéphane Germain, il doit être difficile de garder le moral quand on est patron en France, car ce pays a sûrement l’économie la plus soviétique du monde libre. Le témoignage d’un « entrepreneur en colère » dépeint un pays qui ressemble beaucoup plus à un enfer collectiviste qu’à un paradis néo-libéral. La raison en est que la classe politique ne comprend rien à l’économie et se repose sur un secteur privé exsangue pour entretenir un État qui ne regarde pas à la dépense. Pour Sophie de Menthon, qui se confie à Jean-Baptiste Roques, l’actuel Premier ministre est un exemple parfait de cette ignorance. Elle va jusqu’à affirmer que « François Bayrou n’a pas conscience du mal qu’il fait à l’économie ». Selon la présidente du mouvement ETHIC (Entreprises de taille humaine, indépendantes et de croissance), l’incapacité de l’État à se réformer et les gages continus donnés à la gauche sont un obstacle au développement des affaires. Mais l’historien Pierre Vermeren nuance ce portait élogieux de l’entrepreneur : si la hausse de la fiscalité au détriment d’économies budgétaires accélère les délocalisations et l’endettement public, la crise française est néanmoins « une coproduction de la classe politique et du patronat ».

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente le dernier coup médiatique d’Élise Lucet qui, se pointant à l’Assemblée nationale, a sommé les élus qu’elle a croisés de se soumettre à un test de dépistage de stupéfiants. Certains ont protesté, mais d’autres ont joué le jeu, « trop heureux de cette occasion facile d’exhiber leur vertu ». Cette volonté de mettre à l’épreuve la moralité des autres, ainsi que celle de faire étalage de ses propres mérites, constituent une attaque contre la vie privée, cette dernière étant « une des plus grandes conquêtes de l’humanité ».

Michaël Prazan vient de publier (aux éditions de l’Observatoire) La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles où il retrace l’histoire de la confrérie islamiste à vocation terroriste et pointe la naïveté des Occidentaux qui l’a laissé propager son idéologie mortifère et antisémite au nom de la « résistance » palestinienne. Se confiant à notre directrice de la rédaction, il affirme que l’islamisme prospère partout où l’éducation régresse. Côté international, Gil Mihaely a interrogé Pierre Lellouche. L’ancien ministre de François Fillon, excellent connaisseur des questions stratégiques, ne s’attendait pas à la brutalité de Donald Trump à l’égard de Kiev ni à ce qu’il refonde la puissance américaine sur le modèle de la Chine ou de la Russie. Il appelle les Européens, jusqu’ici grands cocus de cette affaire, au réarmement. Pierre-Jean Doriel, le Directeur général de l’Institut des Français de l’étranger, raconte comment les Australiens sont arrivés à réguler l’immigration dans leur pays. Marie Lang explique pourquoi tant de Vietnamiens choisissent le chemin de l’immigration clandestine. A la différence d’autres, le Vietnamien reste un migrant discret, travailleur et d’intégration facile.

Emmanuelle Ménard raconte sa vie après l’Assemblée. Olivier Dartigolles alerte aux dangers de l’enthousiasme pro-trumpiste de ce côté de l’Atlantique, tandis qu’Ivan Rioufol se désole du mépris affiché par les élites à l’égard de la France périphérique. Gilles-William Goldnadel revient sur les derniers actes barbares commis au nom de l’islamisme. Et Jean-Jacques Netter, le vice-président de l’Institut des Libertés, entame une nouvelle chronique sur l’actualité économique.

Nos pages culture s’ouvrent sur un hommage à Georges Liébert, décédé le 24 janvier. Elisabeth Lévy se souvient de cette grande figure de l’édition française qui était également un musicologue respecté et un collectionneur averti. Cet anar de droite érudit a arpenté l’existence avec ironie et fantaisie.

Yannis Ezziadi s’entretient avec Angelo Debarre, l’un des plus grands guitaristes manouches de notre époque. Selon lui, lorsqu’on est né dans la communauté des gens du voyage, la musique est une chose qui va de soi, c’est un miracle quasi divin, et Django Reinhardt, inventeur du « swing manouche », demeure une figure solaire. Georgia Ray a visité deux expositions parisiennes qui réécrivent l’histoire de l’art. Nos musées n’en finissent pas de mettre à l’honneur des femmes artistes victimes de l’odieux patriarcat. Pourtant, il n’est pas question de valoriser leur talent mais d’offrir une revanche à ces « invisibilisées ».

Philippe Lacoche s’est plongé avec enthousiasme dans les deux nouveaux livres de Patrick Besson ; Vincent Roy a lu un brillant essai de Philippe Raynaud sur Victor Hugo ; et Jacques Aboucaya a relu un titre classique d’Alphonse Boudard. Alexandra Lemasson nous entraîne dans le monde poétique et inquiétant du romancier japonais, Haruki Murakami. Julien San Frax, lui, nous entraîne dans une véritable Odyssée vers la ville cubaine de Trinidad, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Côté cinéma, Jean Chauvet évoque les pépites affichées par les écrans de mars. Et enfin, Emmanuel Tresmontant pose une question fondamentale : le bordeaux est-il réac ? Car depuis une vingtaine d’années, les vins de Bordeaux traversent une crise profonde. Boudé par les consommateurs branchés, ce vignoble serait passéiste et démodé, en un mot de droite ! Mais les vignerons girondins, qui en ont vu d’autres, savent se réinventer. Tout bien considéré, Causeur ressemble à un très bon bordeaux…

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Réarmement: se reposer ou être libres…

Les députés ont débattu hier de l’Ukraine à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre François Bayrou a affirmé que l’invasion de l’Ukraine par les Russes en 2022 avait marqué un « basculement entre deux mondes ». Avant cette date, il existait dans l’ordre mondial « des garde-fous qu’on pouvait évoquer, des traités qu’on pouvait brandir, des résolutions qu’on pouvait invoquer, des engagements qu’on pouvait rappeler », regrette-t-il. « Est-ce qu’il faut continuer de mettre plus d’argent pour se réarmer ? La réponse est oui, et donc il faudra forcément faire des choix politiques en la matière » a déclaré de son côté le ministre des Armées M. Sébastien Lecornu. Si la France a « bien sûr eu raison de soutenir l’Ukraine », Marine Le Pen déclare qu’il ne sera jamais question pour son mouvement de « soutenir une chimérique défense européenne ». Les Français sont-ils prêts à travailler plus, collectivement, pour fournir l’effort de défense ? Le commentaire d’Elisabeth Lévy


Il est beaucoup question de réarmement. Les Européens se réveillent d’un long sommeil. Pas sous le fougueux baiser d’un prince charmant. François Bayrou a résumé hier à l’Assemblée nationale l’illusion post-nationale et post-historique des élites dirigeantes. «Depuis 1945, l’Europe, l’Occident, la communauté des nations, vivait avec l’idée qu’une loi internationale régissait des relations internationales.» Cette illusion est encore plus prégnante depuis la fin de la guerre froide. L’avènement d’un monde pacifié par le droit et le commerce nous était promis par Francis Fukuyama (la fin de l’histoire). Main dans la main, capitalisme et démocratie devaient régner sur le monde. À l’époque, il y avait un dicton dans la communauté stratégique qui disait que les États-Unis sont le maître idéal, parce qu’ils sont riches et ils sont loin. Dans leur grande salle de gym (Peter Sloterdijk), les Européens et notamment les Français pouvaient s’adonner à la consommation financée par l’État-providence (c’est ce qu’on a appelé les dividendes de la paix). Mais ils n’ont pas voulu entendre les prédécesseurs de Donald Trump qui tous déjà exigeaient un partage du fardeau.

Il n’est pas sûr que les Américains quittent l’OTAN (et notamment l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique), mais le départ des soldats américains basés en Europe est probable. 80 000 hommes vont plier bagage. Les Européens vont devoir payer pour leur sécurité.

Mais nous ne sommes pas en guerre avec la Russie. Il ne s’agit pas de faire la guerre, ni de brailler que Poutine c’est Hitler, mais de pouvoir se défendre. Si tu veux la paix, prépare la guerre.

Nouveau, Causeur #132 : Ferrand au sommet, Hanouna au bûcher, L’État de droit c’est plus fort que toi!

Au-delà de Trump, Poutine, Zelenski et de l’Ukraine, dans un monde de carnivores, les herbivores seront vassalisés. Pour que la France redevienne une puissance d’équilibre comme le souhaite Marine Le Pen, elle doit être respectée, donc faire peur. Il devrait en conséquence y avoir union sacrée pour augmenter notre puissance militaire. Or, les communistes retrouvent leur pacifisme bêlant (le sympathique Fabien Roussel nous explique qu’il faut construire des écoles plutôt que des usines d’armement…). Jean-Luc Mélenchon fustige l’impérialisme américain (plus problématique selon lui que le russe ou le chinois apparemment !). La droite est divisée, le Rassemblement national aussi. Les macronistes en profitent pour ressortir la défense européenne des tiroirs, ce qui revient à sortir d’une illusion pour plonger dans une autre. Pourquoi ? La défense, c’est la souveraineté. Et la souveraineté, ce sont les nations. Il peut bien sûr exister des coopérations, des alliances, des engagements communs, peut-être même une garantie nucléaire pour certains de nos alliés – si la France décide seule. Mais nous n’allons pas décider de notre politique étrangère et nos alliances à 26. Le bouleversement diplomatique actuel devrait même être l’occasion pour nous de reprendre le leadership en Europe.

Seulement, pour passer de 2 à 3,5% du PIB en dépenses militaires, il nous faut trouver 40 milliards. Les Russes sont eux à 8%. Je ne suis pas du tout sûre que les Français soient prêts à faire l’effort nécessaire, alors que se profile un énième psychodrame sur les retraites. Ces citoyens qui passent leur temps à militer pour leur retraite, l’Etat social ou leurs avantages devraient méditer cette formule de Thucydide (citée par l’économiste Olivier Babeau[1]): « Citoyens, il faut choisir, se reposer ou être libres… »


Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio


[1] https://www.europe1.fr/emissions/L-edito-eco2/une-union-sacree-pour-financer-notre-rearmement-666299

Christofle, une brillante histoire

La maison Christofle dévoile ses plus belles ménagères au musée des Arts décoratifs de Paris. Un ruissellement d’or et d’argent pour célébrer près de deux cents ans d’orfèvrerie grandiose et délicate.


L’exposition s’ouvre sur un fantôme. Un revenant du Second Empire réchappé de l’incendie criminel qui ravagea le palais des Tuileries en 1871 : le monumental surtout de table commandé par la cour impériale pour les grands dîners de cents couverts réunissant autour de l’empereur et de l’impératrice les princes et les élites de l’Europe.

Les fastes de la cour impériale

C’est un ensemble aux dimensions du régime impérial. Et à l’image des défauts de son temps : pompeux, grandiloquent, académique et sans grâce, tout comme le seront les monuments dont le Second Empire, puis la Troisième République allaient parsemer la France. Conçu par trois sculpteurs célèbres en leur temps, Georges Diebolt (auteur du Zouave du pont de l’Alma), François Gilbert (représenté par d’innombrables ouvrages à Marseille comme à Paris) et Pierre-Louis Rouillard (Le Cheval à la Herse sur le parvis du musée d’Orsay), le surtout des Tuileries a été produit par la maison Christofle au tout début du règne. Constitué de métal argenté et non d’argent massif comme c’était la règle jusque-là, il traduit l’intérêt, sinon la passion que Napoléon III portait aux découvertes de son temps. C’est en effet grâce au procédé inventé par Henri de Ruolz et par d’autres, et dont les brevets avaient été rachetés par Charles Christofle, que l’on put réaliser de telles pièces d’apparat sans que l’on dût y consacrer des quintaux de métal précieux comme cela avait été le cas avec le mobilier d’argent massif qui ornait les Grands appartements à Versailles au temps de Louis XIV. Un procédé « incarnant la modernité qu’introduisit Christofle sur la table des princes » et qui est à l’image de ce règne impérial durant lequel la France entra dans le monde moderne.

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Que ce surtout de table hors norme ait survécu au désastre de la Commune est un vrai miracle. Toutefois, durant l’incendie du palais, tout l’argent dont il était recouvert a fondu. Il n’en reste donc aujourd’hui, parfaitement conservé et sans doute savamment restauré, qu’un vestige désenchanté de la splendeur d’antan.

Une révolution

Avec cette exposition Christofle au Musée des Arts décoratifs, ce sont des procédés révolutionnaires pour l’époque qui expliquent la renommée de ce bijoutier devenu l’orfèvre de la société d’alors. Des procédés qui ont pour nom l’électrolyse et la galvanoplastie.

En 1842, sous Louis-Philippe, qui était quelque peu avare et qui commandera tout un ensemble de couverts simplement argentés pour son château d’Eu, Charles Christofle a donc racheté à Henri, comte de Ruolz-Montchal, chimiste aussi bien que compositeur d’opéras, sa technique de dorure et d’argenture par électrolyse permettant de recouvrir d’or ou d’argent des objets d’un métal plus vil. C’est une révolution qui va marquer le XIXe siècle et dont les effets perdurent aujourd’hui. C’est le luxe qui passe des cours princières à la bourgeoisie, laquelle est devenue la principale détentrice du pouvoir à la suite de l’aristocratie. C’est l’avènement du ruolz qui n’était au fond que l’apparence de l’or et de l’argent et que l’on considérait avec un dédain appuyé au sein des antiques familles blasonnées.

Des merveilles de savoir-faire

Les manufactures Christofle qui se succèdent, de Paris tout d’abord à Yainville (Normandie) aujourd’hui, en passant par Saint-Denis au nord de la capitale, emploieront jusqu’à 1600 personnes dans les époques fastes, alors que Christofle rafle les médailles d’or lors des Expositions universelles et que l’Europe se précipite sur ses productions. Le meilleur de ces réalisations, renouvelées, réinventées jusqu’à nos jours s’exhibe de salle en salle, dans cette aile du Louvre édifiée du temps de Napoléon III.

On y voit des merveilles de savoir-faire, des réalisations aux techniques éblouissantes. Et puis des chefs-d’œuvre de ce mauvais goût tapageur qui régna aussi lors du Second Empire et, pire encore, sous la Troisième République, en contradiction absolue avec les plus nobles réalisations du XVIIIe siècle dont on se voulait pourtant les héritiers. 

Arts de la table

À l’enrichissement du pays sous Napoléon III, à l’apparition d’un nouvel urbanisme, à l’aisance de l’aristocratie et de la bourgeoisie répond la sacralisation des arts de la table et une folle prolifération des couverts et accessoires qui ornent la mise en scène des repas. En argent massif, certes, ou en vermeil pour les plus somptueux, mais surtout en métal argenté ou doré, ceux-ci répondent à des usages infinis.

Alors qu’aujourd’hui on en vient même à ignorer les cuillères à dessert et que chez le commun des mortels le métal inoxydable détrône l’argenterie, dès la seconde moitié du XIXe siècle, de celle réservée au potage à celle destinée au moka, Christofle propose vingt-et-un modèles de cuillères de toutes tailles. S’y ajoutent les cuillères à glace et tous ces accessoires que sont les cuillères à fraises, à œufs, à ragoût, à sauce, à moutarde, à olives, à compote, à sucre brésilienne, à sucre repercée… Mais aussi les fourchettes à huîtres, à escargot, à sardines, à saucisson, à cornichons, à viande froide, à fruits, à gâteau dont les effectifs pléthoriques renforcent celles qui encadrent les assiettes. On n’oublie pas la louche à lait, la louche à potage, le couteau ou la pelle à beurre, la pelle à œufs sur le plat ou à macaronis, la pelle à pâté, la pelle à sel, courte ou longue, la pelle à thon, la pelle à tarte, la pince à asperges ou la pince à sucre… et bien évidemment le service à hors-d’œuvre comprenant six pièces à lui seul… Tous ces objets aux destinations infinies que renferment les écrins familiaux et dont on a aujourd’hui bien souvent oublié l’usage.

La galvanoplastie

L’aigle de Suger, abbé de Saint Denis, datant de la première moitié du XIIe siècle ; la grande patère dite de Minerve appartenant au fabuleux trésor de Hildesheim, cet ensemble éblouissant de soixante-dix pièces d’argent massif datant du premier siècle après J.C. et qui venaient d’être découvertes en 1868… ces merveilles de l’Antiquité ou du Moyen Âge, on  allait désormais pouvoir en acquérir des copies reproduites à la perfection par la maison Christofle grâce au procédé de la galvanoplastie perfectionné dès 1852 par l’ingénieur Henri Bouilhet, un neveu du fondateur. Mais on excellait aussi à en créer de nouvelles, à l’image de cette magnifique jatte en porcelaine bleu de Sèvres montée sur cuivre doré et autour de laquelle serpente la plus délicate guirlande de feuilles d’or. Les œuvres produites par les plus grands artistes ou artisans du moment sont dès lors innombrables.

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Elles répertorient tous les styles, tous les courants artistiques qui ont eu cours au fil des siècles : de l’Empire romain au temps de Louis XV ou de Louis XVI, de l’art médiéval à l’Art nouveau et à l’Art déco, du Japon au Proche-Orient. Même si, parfois, des chefs-d’œuvre de savoir-faire (torchère de Reiber d’un baroque échevelé ou table de boudoir néo-Louis XVI (Reiber, Carrier-Belleuse, Chéret), surchargés de dorures, de cariatides, d’amours ailés, de feuillages, de roses, de frises ou de volutes, apparaissent à nos yeux comme des prodiges d’un mauvais goût ostentatoire.

Dans l’Orient Express, sur le Normandie ou le Concorde

On se divertit bien davantage en découvrant une table du restaurant de l’Orient Express, dressée dans une period room délicieusement évocatrice des voyages de jadis. Ou face à un ensemble de la plus grande élégance conçu pour les repas pris sur le paquebot Normandie, à destination duquel on fabriqua 45 000 pièces dont on reverra plus tard le modèle sur le France. Ou devant les couverts utilisés sur le Concorde du temps où il volait encore. Car, que l’on voyageât par train, par avion, par bateau, on retrouvait partout des productions de Christofle, vaisselle et couverts de métal argenté représentant le bon goût français.

S’il est évoqué ailleurs les tables d’apparat de ministères à la tête desquels de simples bourgeois parvenus au pouvoir se targuent de jouer aux grands seigneurs aux dépends du budget de la République, on s’extasie davantage devant les services à thé de tous styles qui sont des sommes de raffinement… même si le contact avec le métal est si funeste pour le thé ; devant les services de table complets de Louis-Philippe (en métal argenté) ou de Napoléon III (en argent massif ou en vermeil) ; ou face à une table à thé Art Déco tout de marbre et d’argent.

Dans un tout autre registre, un remarquable collier en argent de 2005 nommé Palmaceae (Michele Oka Doner) souligne que la Maison Christofle n’oublie pas que son fondateur fut tout d’abord un bijoutier.


Exposition Christofle, une brillante histoire.
Jusqu’au 20 avril 2025. Musée des Arts décoratifs, Paris.

De briques et de wokes

Wokisme : c’est au tour des Lego d’être attaqués. Entre personnages trop « genrés » et emboîtement de parties « mâles » et « femelles », un nouveau combat s’engage pour protéger nos enfants d’une société jugée beaucoup trop traditionnelle…


Il aura fallu un simple post d’Elon Musk le 6 février, pour que la presse britannique se penche sur cette affaire révélée par le Daily Telegraph. Depuis 2022, une exposition du musée des Sciences de Londres sur « les histoires et les expériences des communautés queer » explique aux visiteurs que les Lego sont anti-LGBT. Le principe de ce jeu consiste en effet à emboîter des briques en plastique les unes dans les autres en « accouplant », pour reprendre les mots du fabricant, des parties « mâles » dans des parties « femelles ». À en croire les commissaires de l’exposition, cette terminologie a pour effet délétère de formater l’esprit des enfants en induisant une vision du monde « hétéro-normée ». À quoi il faut bien sûr ajouter la micro-agression qu’elle constitue pour toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas dans ce schéma de vie odieusement classique. À ce compte-là, les échecs sont racistes puisqu’ils mettent en scène une guerre entre les noirs et les blancs, et le poker, qui fait gagner le carré de rois contre le carré de dames, est viriliste. Et que dire du jeu des sept familles, cette offense injustifiable à tous les couples sans enfants ? Admettons toutefois que la lecture postmoderne du musée soit recevable. Il faudrait alors pousser la logique jusqu’au bout, et se rendre à l’évidence : dans un jeu de Lego, chaque pièce est à la fois mâle et femelle. Les briques de Lego sont hermaphrodites ! Ou intersexuées si l’on veut les assimiler à des êtres humains – comme les militants queers auto-enivrés par leurs propres délires. En attendant, la société Lego fait tout pour plaire aux wokes. Depuis quelques années, elle propose un set appelé « Tout le monde est génial ». Dans la boîte, les personnages, multicolores, sont volontairement dénués de visage et de caractéristiques afin de « ne pas être assignés à un genre précis ». On notera toutefois que le personnage violet, muni d’une importante masse de cheveux pleine de féminité, a le droit de déroger à ce principe d’indifférenciation. Et pour cause : il est présenté par le fabricant comme « un hommage aux drag-queens ».

Lucet in the sky with diamonds

L’éditorial de mars


On connaît la formule de Guy Debord : « Je ne suis pas un journaliste de gauche. Je ne dénonce jamais personne. » On en déduit aisément qu’un journaliste de gauche se reconnaît à ce qu’il dénonce à tour de bras. Sauf qu’en langue progressiste, on ne dit plus « dénoncer » (qui sonne moins bon citoyen qu’au temps des soviets), mais « libérer sa parole » ou « lancer l’alerte ». La gauche qui vomit la police est habitée par un esprit policier qui sévit tous azimuts, de la chambre à coucher à la machine à café. Il y a cinquante ans, elle défendait joyeusement le sexe, le blasphème et la drogue. Les héritiers de Woodstock traquent inlassablement la blague grivoise, le dérapage islamophobe et le fumeur de joints. Lequel est d’ailleurs l’objet d’une détestation symétrique de la droite.

Toupet à toute épreuve

Personne n’imagine Éric Piolle se droguant, ni d’ailleurs rigolant. Début février, après l’affaire du député insoumis pincé en train d’acheter de la 3-MMC (drogue de synthèse qui fait fureur) à un mineur, le maire de Grenoble, qui laisse le narcotrafic ravager sa ville parce qu’il est allergique aux caméras de sécurité et à l’armement de la police municipale, propose de soumettre parlementaires et ministres à des tests aléatoires et anonymes de recherche de stupéfiants. Histoire de savoir si les élus qui votent des lois anti-drogue consomment de la drogue – ce qui prouverait enfin que l’Assemblée est à l’image de la population.

Élise Lucet accommode cette brillante idée à sa sauce. Il faut dire que, dans le genre « je suis le flic de mon frère », on n’a pas inventé mieux que la madone des ménagères reconvertie sur le tard en passionaria style « Occupy Wall Street ». Notre Erin Brockovich nationale (on a ce qu’on mérite) n’a pas inventé la poudre, mais elle a un toupet à toute épreuve, convaincue qu’elle est d’avoir le droit de tout savoir sur ses concitoyens. Elle se pointe à l’Assemblée, sommant les élus qu’elle croise de se soumettre à un test de dépistage de stupéfiants : « Il suffit d’humidifier cette languette avec votre salive et dans dix minutes, on saura si vous avez pris du cannabis, de la cocaïne, de l’héroïne ou de l’ecstasy. » D’après l’excellent Erwan Seznec du Point1, aucun test ne permet de détecter toutes ces substances mais peu importe, buzz garanti. Alors qu’elle brandit ses languettes de plastique vert et blanc, son sourire de tricoteuse carnassière fait froid dans le dos. En voilà une qu’on n’aurait pas aimé croiser sous Staline.

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Le pire, c’est que si certains protestent contre cette inquisition à la fois grotesque et terrifiante, suggérant à la dame d’aller plutôt tester sa rédaction, d’autres jouent le jeu, trop heureux de cette occasion facile d’exhiber leur vertu, notamment Olivier Faure qui se fend d’une blague pourrie sur la politique, sa seule drogue dure, et l’insoumis David Guiraud qui carbure plutôt à la haine antisém… pardon, antisioniste. Sur les plateaux de télé, on assiste à un défilé d’élus et de ministres empressés de se faire dépister pour faire savoir au peuple, qui n’en demande pas tant, qu’eux aussi sont clean. Ils devraient se méfier : si on exige de nos gouvernants une moralité impeccable et une vie irréprochable, pourquoi s’arrêter à la drogue ? On attend avec impatience qu’Élise Lucet invite à confesse les élus qui trompent leur conjoint ou ceux qui matent du porno (j’ai peine à croire qu’il y en ait).

Petits secrets

On pense à Benoît Hamon qui, commentant le placement sous écoute téléphonique de Nicolas Sarkozy et de son avocat, avait lâché cet aveu glaçant : « Quand on n’a rien à se reprocher, il n’y a aucun problème à être mis sous écoute. » Autrement dit, si vous refusez d’être surveillé, c’est que vous êtes coupable.

Soyons clairs, c’est très mal de se droguer. Ça détruit la santé, ça bousille le cerveau, ça détraque l’humeur et ça alimente un narcotrafic devenu un risque majeur pour la sécurité nationale. Si vous connaissez quelqu’un qui ne fait jamais rien de mal, surtout ne me le présentez pas, il doit être ennuyeux à périr. Quand on n’a rien à cacher, on n’a rien à montrer.

La condition humaine est pétrie de malodorants petits secrets. À part les saints, personne ne mène une existence totalement accordée à ses convictions. Il y a des écolos qui prennent l’avion, des cancérologues qui fument, des gauchistes qui inscrivent leurs enfants à l’École alsacienne. C’est plutôt rassurant. La vie privée, une des plus grandes conquêtes de l’humanité, est ce lieu où on a le droit d’être ce qu’on est, des êtres imparfaits, faillibles, bourrés de contradictions, vulnérables à la tentation. Même quand on est ministre. Nul n’a l’obligation de se montrer tel qu’il est à ses contemporains. Le mensonge est un droit de l’homme – et accessoirement l’huile dans les rouages de la vie sociale. Que dame Lucet se rassure. Une journée à l’Assemblée suffit pour s’en convaincre, les élus n’ont pas besoin de substances prohibées pour raconter des craques. Ou alors, c’est qu’elle est vraiment très bonne.


  1. https://www.lepoint.fr/societe/envoye-special-drogue-chez-les-elus-le-coup-d-epee-dans-l-eau-d-elise-lucet-13-02-2025-2582331_23.php ↩︎

Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

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Notre chroniqueur revient sur la vie d’Oded Lifshitz, fervent défenseur de la paix, lâchement assassiné par le Hamas dont il était otage depuis le 7 octobre.


Oded Lifshitz, dont la dépouille mortelle a été ramenée en Israël dans le cadre des négociations entre Israël et le Hamas le 20 février dernier, n’était pas seulement un des fondateurs du kibboutz Nir Oz et un militant pacifiste. Il était aussi un journaliste et une figure du mouvement kibboutzique. Son itinéraire et sa mort tragique aux mains du Hamas illustrent de manière emblématique l’erreur de ceux qui ont cru – envers et contre tout – à une paix possible avec leurs voisins de Gaza.

“Nous avons reçu un coup terrible de ceux-là mêmes que nous avions tant aidés…” a déclaré sa veuve, Yocheved Lifshitz, elle-même détenue par le Hamas et libérée au bout de 50 jours. “Oded était un combattant de la paix. Il entretenait d’excellentes relations avec les Palestiniens, et une des choses qui me font le plus de mal c’est qu’ils l’ont trahi”, a-t-elle expliqué lors d’une cérémonie organisée par le Centre Pérès pour la paix. De fait, quelle mort plus terrible peut-on imaginer pour un militant pacifiste, que d’être assassiné par ceux-là mêmes pour lesquels il s’était battu toute sa vie ?

Opposé à la colonisation

Journaliste au quotidien de gauche Al-Hamishmar, Oded Lifshitz avait ainsi protesté contre la création de localités juives en Judée-Samarie, dès le lendemain de la guerre des Six Jours. Il s’était également opposé à l’expropriation des bédouins de la région de Rafiah, au moment de la création de la localité de Yamit dans le Sinaï (laquelle fut par la suite évacuée par le gouvernement de Menahem Begin). Lifshitz était aussi, comme l’a rappelé récemment Amnon Lord dans les colonnes d’Israël Hayom, un des premiers journalistes israéliens – sinon le premier journaliste au monde – à pénétrer dans les camps de Sabra et Chatila après les massacres commis par les phalangistes chrétiens libanais.

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Toute la carrière journalistique et politique d’Oded Lifshitz était celle d’un pacifiste et d’un idéaliste invétéré. À cet égard, il incarne l’erreur de ceux qui – au sein des kibboutz frontaliers de Gaza – avaient cru pouvoir tisser des liens d’amitié avec leurs voisins de l’autre côté de la frontière, en les aidant à recevoir des soins médicaux en Israël et en leur faisant traverser la barrière de sécurité, pour les emmener à l’hôpital dans leurs véhicules personnels. L’idéalisme de Lifshitz et de tous les autres représentants du pacifisme israélien est certes sympathique en apparence, mais il est en réalité dangereux. L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme le savent bien les Israéliens depuis le 7-Octobre.

Haine inextinguible

En nourrissant et en soignant les habitants de Gaza, Oded et ses camarades n’ont nullement atténué la haine inextinguible de ceux-ci envers Israël. Les exactions commises le 7-Octobre – contre les habitants des kibboutz frontaliers de Gaza et contre les jeunes soldates observatrices non armées – ont été commises non seulement par les soldats du Hamas, mais aussi par les civils de Gaza. La leçon terrible doit être apprise pour les générations à venir : le pacifisme n’apporte jamais la paix. Il est un poison mortel, qui anéantit nos capacités de défense et nous expose aux attaques mortelles de nos ennemis, auxquels nous prêtons à tort des qualités humaines qui leur font défaut.

Le pacifisme israélien, qui réapparaît à chaque génération – depuis la lointaine époque du “Brith Shalom” dans les années 1930 et jusqu’à nos jours – repose sur la volonté fallacieuse de mettre fin au conflit à tout prix et sur la promesse illusoire de la “Der des Ders”. Mais loin d’apporter la paix, il est le plus souvent le meilleur moyen de générer de nouvelles guerres et de nouveaux massacres. “Si vis pacem, para bellum”.

Fable de la fontaine

Réarmement. Ursula von der Leyen annonce un plan pour mobiliser 800 milliards d’euros. Les actions des industries de défense s’envolent dans les bourses européennes.


Précisons-le d’emblée, il ne s’agit pas ici de notre merveilleux fabuliste du Grand Siècle, mais plus simplement de l’« eau vive qui s’épanche sur le sol par un cours continu », si l’on se réfère à la définition que Littré donne du mot fontaine. À ceci près que l’eau vive qui s’écoulerait de celle dont il est question ici s’apparente plutôt au fleuve Pactole de la mythologie grecque, dont la caractéristique la plus remarquable était de charrier sans discontinuer des pépites d’or.

Il est fort probable qu’une bonne fée dotée de merveilleux pouvoirs avait déployé jusqu’aux ultimes ressources de son art magique pour qu’il en soit ainsi, même si la version légendaire officielle y voit une autre cause, le suicide, dans ces eaux, du Dieu Pactolos, coupable d’avoir défloré à l’insu de son plein gré sa propre sœur. Passons.

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Eh bien, il se trouve que, dans les moments que nous vivons, des esprits particulièrement malicieux, caustiques, irrévérencieux, voire un tantinet pollués de complotisme facile pourrait trouver divertissant d’établir certains parallèles avec quelques-unes des fabuleuses prouesses de nos antiques légendes. Il va sans dire que me ranger parmi ces esprits évoqués ci-dessus relèverait de la malveillance la plus consternante. Je me contente ici d’imaginer ce qui pourrait effleurer de tels esprits. Que cela soit bien clair entre nous.

Ces mauvais esprits, disais-je, ne seraient-ils pas tentés, en effet de débusquer, au fil des réalités d’aujourd’hui, l’émergence soudaine et quasi magique de fontaines d’où se déverseraient opportunément des flots d’or ?

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C’était, voilà trois ans, le Covid et ses fabuleux vaccins. Un tsunami d’or, une déferlante de bon argent pour Big Pharma, avec à la manœuvre, dans le rôle de la bienfaisante magicienne, la blonde fée Ursula. De sa baguette magique, dit-on – et dans l’opacité qui sied au grand œuvre des maîtres alchimistes convertissant le plomb – voire les virus en or – elle aurait passé commande d’assez de doses pour vacciner – a-t-on prétendu – dix ou onze fois chaque citoyen de notre bonne vieille Europe. Aux corbeilles boursières de notre tout aussi bon vieux système « financiariste », les indices s’envolaient, le cours des valeurs des multinationales du secteur atteignait des sommets himalayens. Un peu, si vous voulez, comme la cote boursière des industries liées à l’armement depuis vingt-quatre ou quarante-huit heures. Depuis que la bonne fée Ursula – toujours aussi avisée et soucieuse du bien des peuples – a lâché le chiffre de huit cent milliards. Huit cents milliards d’euros à convertir sans tarder en poudre à canon, et, cela va de soi, conséquemment, en poudre d’or. Bref, exactement la bonne dose pour shooter nos économies quelque peu atones ces derniers temps. Comme quoi, on a toujours tort de faire l’esprit fort et de ne pas croire aux fées.

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Gaza aux Césars

Vendredi dernier, l’existence de l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón (notre photo) a été soigneusement gommée aux Césars malgré le triomphe du film Emilia Perez. Jonathan Glazer, lui, a électrisé la soirée en livrant un discours où l’audace consistait à renvoyer dos à dos Israël et le Hamas, sous les applaudissements d’un public conquis…


J’ai regardé la cérémonie des Césars. En accéléré, à vrai dire… Cet exercice de nombrilisme corporatiste est toujours assez ennuyeux. Mais, il nous offre un catalogue des idées reçues et poncifs du moment.
Nous avons eu droit à une année plutôt calme : ni intermittents surchauffés, ni féministe furax claquant la porte pour cette 50e édition.

Audace convenue

Du reste, le palmarès était très correct. Le cinéma français s’est payé l’audace de récompenser sept fois Emilia Perez, film destitué aux Oscars en raison de tweets passés de l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón sur l’islamisation de l’Espagne (et le film n’a finalement récupéré que deux petits Oscars secondaires cette nuit en Amérique). Reste que le film est très convenable (il y est question d’un narcocaïd qui trouve la rédemption en devenant une femme). Mais, Mme Gascon a été totalement « cancelled » de la salle, lors de la cérémonie du cinéma français. Son nom n’a pas été prononcé une fois (sur les sept fois où quelqu’un d’autre du film est venu chercher son prix), et Jacques Audiard l’a ostensiblement ignorée. C’était plutôt pénible à voir. Dans l’échelle des crimes, il faut croire que l’islamophobie supposée dépasse la transphobie. 

Le discours du réalisateur de la Zone d’Intérêt réjouit la salle

Sinon, c’était un festival d’audaces très convenues. Nous avons eu bien sûr des allusions lourdingues à Donald Trump (Jean-Pascal Zadi a ainsi proposé l’asile politique à Julia Roberts, original !). Et le documentariste Gilles Perret a fait un tabac en parlant « des milliardaires qui se plaignent » et des « dirigeants qui s’allient à l’extrême droite fasciste ». Bref, une fois encore, une indignation en tenue de gala de tout un petit monde qui baigne dans la même saumure idéologique progressiste. Mon ami Philippe Muray parlait d’anchois confis dans la saumure du Bien.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Du wokisme comme bien-pensance et déni généralisé: l’affaire Karla Sofía Gascón

Cependant, il y a selon moi une polémique plus justifiée qui monte. Il s’agit du message du réalisateur Jonathan Glazer, César du meilleur film étranger pour la Zone d’Intérêt, métrage relatant la vie paisible d’une famille d’Allemands à côté d’Auschwitz.
Le message de M. Glazer a été lu par son producteur lors de la cérémonie :
« Aujourd’hui, la Shoah et la sécurité juive sont utilisées pour justifier les massacres et les nettoyages ethniques à Gaza. Les massacres du 7-Octobre et la prise d’otages en Israël : il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, d’actes de terreur contre des innocents, rendu possible par la déshumanisation des gens, des personnes qui se trouvent de l’autre côté de nos murs. C’est la zone d’intérêt ».
On note qu’il mentionne le 7-Octobre, qui d’ailleurs n’intéresse pas beaucoup la salle quand on écoute les applaudissements. Mais, il renvoie dos à dos le Hamas et Israël. Et acclimate sans la formuler explicitement l’équation Israël=SS. La révolution en tenue de gala, c’est chouette, mais ce mensonge a des conséquences concrètes. Si les juifs sont des nazis, la haine des juifs devient un devoir citoyen. Même les juifs de gauche (ils se présentent ainsi) qui signent une tribune angoissée dans Le Monde observent que « l’explosion antisémite depuis le 7-Octobre ne trouble pas ceux qui, d’ordinaire, combattent le racisme. Rien ne nous avait préparés à la désertion des intellectuels bardés de bonne conscience[1] ».
À l’Olympia non plus, personne n’a pensé aux étudiants juifs ostracisés ou molestés, aux enfants juifs agressés ou tués, aux femmes juives violées le 7-Octobre. Apparemment, ce ne sont pas des bonnes victimes.
Personne ne comptait évidemment sur le show-biz pour régler les problèmes du pays. Mais franchement, qu’ils parlent de cinéma et qu’ils nous épargnent enfin leurs ridicules leçons de maintien.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale


[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/01/nous-francais-juifs-n-avons-rencontre-que-le-silence-le-deni-ou-l-indifference-de-la-gauche-extreme-face-a-l-antisemitisme_6570985_3232.html

Liberté d’expression ? On ferme !

Patrick Cohen se félicite de la fermeture de C8. De son côté, Jean-Michel Aphatie estime que les nazis se sont inspirés du comportement des colons français en Algérie. Didier Desrimais écoute trop la radio !


En France, une chaîne de télévision privée, regardée quotidiennement par des millions de téléspectateurs, a été interdite d’émettre sur une fréquence de la TNT. Personne n’est dupe : l’Arcom n’est pas qu’un outil de « régulation » mais aussi un appareil de censure, une officine politique à la solde du pouvoir en place. Sur CNews, Pierre Lellouche a lu, parmi les motifs invoqués par le Conseil d’État pour entériner les décisions de l’Arcom, une phrase qui semble extraite d’un roman orwellien décrivant une novlangue charabiesque permettant de justifier n’importe quelle décision autoritaire émanant d’une instance « indépendante » entièrement politisée : « Il incombe à l‘Arcom de choisir des projets qui contribuent au mieux à la sauvegarde du pluralisme du courant d’expression socio-culturelle, lequel participe de l’objectif constitutionnel de pluralisme de courant de pensée et d’opinion, et qui soit le mieux à même de répondre à l’intérêt public. » Le Conseil d’État a également argué du fait que « C8 a fait l’objet de nombreuses sanctions financières, mises en demeure et mises en garde de la part de l’Arcom pour des manquements, au cours des dernières années » – argument asséné par l’impayable Benjamin Duhamel sur BFMTV pour tenter de convaincre Michel Onfray qui ne s’en est pas laissé conter. Depuis 2012, C8 a en effet été sanctionné 38 fois par l’Arcom (dont 12 fois avec des amendes pour un montant total de sept millions d’euros !) ; l’ensemble des chaînes publiques (France TV, Radio France, Arte, France 24, RFI, LCP), seulement cinq fois (0 amende). Étrange ! Quand on consulte les motifs ayant conduit aux sanctions de C8, on comprend qu’il s’agissait surtout de charger la barque et de justifier à tout prix l’interdiction à venir. CNews reste dans le collimateur de l’Arcom – l’Agence de Répression et de Censure Officielle de certains Médias a en effet déjà sanctionné 18 fois (dont six fois avec des amendes)[1], celle qui est devenue, au grand dam de ses concurrentes et du pouvoir politique, la 1ère chaîne d’information continue.

Le parrain

Sur France Inter, Patrick Cohen se félicite, dans son éditorial du 20 février, de la décision qui a frappé C8. Il dit déceler dans les critiques contre l’Arcom un « mouvement d’allégeance à celui qui apparaît comme le parrain de toutes les droites, Vincent Bolloré ». M. Cohen est très en verve en ce moment quand il s’agit d’évoquer la liberté d’expression, liberté à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux, jure-t-il en se réjouissant de l’arrêt d’une chaîne de télévision. La moindre allusion aux journalistes des médias « bollorisés » déclenche chez lui des crises irrépressibles d’urticaire synaptique qui se traduisent par de longues diatribes enflammées contre les susdits et d’incessants appels à contrôler, réprimander, prohiber, interdire, censurer tout ce qui ressemble à une opinion différente de la sienne. « Ce n’est pas la liberté d’expression qui est bridée par l’arrêt de cette chaîne, c’est celle de propager n’importe quoi », conclut le commissaire radiophonique qui sait de quoi il parle – on se souviendra, entre autres, de la manière désinvolte et captieuse avec laquelle il présenta les événements de Crépol conduisant à la mort du jeune Thomas.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Thomas et les incrédules

Jean-Michel Aphatie a lui aussi jubilé en apprenant l’éviction de C8 de la TNT – il faut dire que l’émission Quotidien dans laquelle il officie souffrait de plus en plus de la concurrence de TPMP, l’émission de Cyril Hanouna sur C8. À propos de « propager n’importe quoi », M. Aphatie ne rate jamais une occasion de se faire remarquer. Sur RTL, devant un Thomas Sotto abasourdi par son aplomb, il a soutenu que « la France a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie » et que « les nazis se sont comportés comme nous l’avons fait en Algérie ». Ces allégations hallucinantes nous donnent l’occasion de rappeler quelques hauts faits de cet olibrius.

Dans l’émission “C ce soir”, M. Aphatie avait déjà comparé le général Louis Juchault de Lamoricière – le « père des zouaves » en Algérie – à un général SS. Il y a quelques jours, sur le plateau de Quotidien et sous le regard attendri d’un Yann Barthès resplendissant d’insignifiance, il affirmait que « ce que nous avons fait là-bas [en Algérie], c’est une boucherie que nous avons organisée ». Adepte des thèses « racialistes » et du wokisme ambiant, il n’avait pas hésité à parler sur LCI de « privilège blanc » à propos des essais nucléaires français dans le Sahara au début des années 60. M. Aphatie n’aime pas la police, se moque volontiers des catholiques, déteste l’histoire de France, en particulier le règne de Louis XIV, un « drame français », selon lui. Il y a quelques années, ce matamore agité avait confié que, s’il était président de la République, il ferait raser le château de Versailles « pour que nous n’allions plus là-bas en pèlerinage cultiver la grandeur de la France ». Pendant la dernière campagne présidentielle, il qualifia les Français prêts à voter pour Éric Zemmour de « Français de chez les Français qui puent un peu des pieds » ; quant à Zemmour lui-même, il le traita de « cochon de la pensée » – mais refusa de débattre avec lui, certain qu’il était de se faire écrabouiller. Un soir, sur LCI, il amusa la galerie en affirmant que « le soldat inconnu, on ne sait même pas s’il est Français ! Il est inconnu… ». Ce cuistre, qui se croit indocile alors qu’il est une caricature du rebellocrate décrit jadis par Philippe Muray, est parvenu à se faire une place sous les projecteurs médiatiques à force d’arrogance et de bêtise, malgré (ou grâce à ?) une culture d’une profondeur égale à la largeur de celle de Mathieu Slama, son pendant médiatico-universitaire.

Gesticulations

Ses récentes réflexions nazifiantes sur l’Algérie française ne servent qu’à masquer une ignorance naturelle et une médiocrité intellectuelle qui transcendent les standards habituels. M. Aphatie imagine qu’il suffit de gesticuler bruyamment de la bouche pour convaincre – il croit que ses postillons sont des mots. Derrière l’agitateur frénétique, l’on devine un esprit étriqué, intolérant, intellectuellement limité, aussi fin qu’un parpaing, aussi subtil qu’une bûche, aussi profond qu’un roman d’Annie Ernaux. M. Aphatie exècre ce qui est au-dessus de lui. Or, presque tout est au-dessus de lui – d’où ses nombreux excès de haine bilieuse. Certains préconisent d’interdire d’antenne cet atrabilaire belliqueux. Ce serait une erreur pour deux raisons : la première est que cela contreviendrait à l’idée, défendue par l’auteur de ces lignes, que la liberté d’expression doit être totale. La seconde est d’ordre anthropologique et historique. L’observateur assidu des phénomènes humains, y compris ceux pouvant expliquer le déclin d’une profession, ne saurait ignorer un cas comme celui de M. Aphatie, échantillon parfaitement représentatif d’un journalisme « progressiste » et sectaire ayant encore pignon sur rue. M. Aphatie est par conséquent d’une grande utilité. M. Cohen, dans un autre genre, n’est pas moins intéressant. Après avoir compulsé les parcours professionnels de ces figures emblématiques, le futur chercheur trouvera sûrement matière à disserter sur cette étrange caste médiatique n’ayant eu de cesse de vanter le pluralisme et, dans le même temps, d’interdire à ses contradicteurs de prendre la parole. Durant ses loisirs, il pourra de plus se lancer dans l’étude des phénomènes irrationnels en commençant par exemple par se demander comment un individu aussi limité et dérisoire que M. Aphatie a pu parvenir à passer pour une sommité dans certains médias…

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[1] Exemple de sanction avec amende appliquée à CNews : en août 2023, dans l’émission Punchline, l’économiste Philippe Herlin a eu l’outrecuidance de… relativiser l’existence d’un lien entre les activités humaines et le réchauffement climatique en affirmant qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le sujet. CNews s’est alors vu infliger une amende de 20 000 euros par l’Arcom qui a considéré que « l’intervenant a pu exprimer une thèse controversée sans que la position qu’il défendait ne soit mise en perspective et sans qu’une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos ». Radio France peut ne recevoir sur ses antennes que des représentants du GIEC ou des militants acquis à la version apocalyptique des écologistes – jamais l’Arcom ne lui a reproché de « manquer à ses obligations » en n’assurant pas « l’expression de différents points de vue ». Au contraire, elle l’a laissée inscrire dans le marbre une censure qui ne se cache même pas : « Nous nous tenons résolument du côté de la science, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine », peut-on lire sur le site de la radio publique, dans sa charte écolo intitulée Le Tournant. Par conséquent, aucun scientifique remettant en question le rapport de synthèse du GIEC n’est invité sur le service public. Pire, lorsqu’une radio privée (Sud Radio) invite l’un d’eux, le physicien François Gervais en l’occurence, l’Arcom, sous la pression d’une obscure officine écologiste, met aussitôt en garde ladite radio en lui indiquant avoir relevé « plusieurs déclarations venant contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel ». Rigidifiés par l’idéologie et le pouvoir, ces gens-là ne se rendent même plus compte de ce qu’ils font et de ce qu’ils disent – s’ils avaient un minimum de culture historique, ils seraient affolés de constater que leur comportement est très proche de celui des agents staliniens qui surveillaient les scientifiques en URSS du temps de l’idéologie lyssenkiste, laquelle est devenue la risée de l’histoire – et il n’est pas impossible que l’idéologie climatiste finisse par connaître le même sort.   

Farishta Jami, une terroriste offusquée

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Farishta Jami © D.R.


Après sa condamnation pour terrorisme, la police britannique a accepté de remplacer la photo d’identité judiciaire initiale de Farishta Jami par une image où elle porte le niqab…


Jusqu’où les autorités publiques doivent-elles aller afin de respecter les sensibilités culturelles et religieuses des citoyens ? Outre-Manche, le cas de Farishta Jami pose la question sur le mode absurde. Cette mère de 36 ans habite la ville de Stratford-upon-Avon, la ville natale du grand dramaturge anglais, site du prestigieux Royal Shakespeare Theatre.

Née en Afghanistan, Jami est venue s’établir en Angleterre avec son mari en 2008. Or, le 13 février, un tribunal l’a reconnue coupable de deux chefs d’accusation selon la loi contre le terrorisme. En 2022, elle avait commencé les préparatifs d’un voyage vers son pays natal afin de rejoindre la branche afghane de l’État islamique, Daech-Khorassan.

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Son objectif ? Devenir martyre. Elle avait économisé de quoi payer un aller simple pour elle et ses enfants. Elle avait partagé en ligne des contenus ultra-violents et participé à des forums islamistes. Elle s’était renseignée sur l’obtention et le maniement des armes, notamment le montage et le démontage d’une AK-47.

Parmi les 7 000 vidéos stockées sur son ordinateur, certaines mettaient en scène des enfants auteurs d’attentats-suicides, préfigurant peut-être le sort qu’elle réservait à sa propre progéniture. Suivant la procédure routinière, la police a publié d’elle une photographie d’identité judiciaire. Cette pratique est bien sûr courante, car elle permet à d’autres services de police et à d’autres victimes éventuelles de reconnaître un suspect.

Or, l’avocat de Jami a fait savoir aux autorités que cette publication avait plongé sa cliente dans un état de « détresse considérable ». Pour cette musulmane pieuse, rendre son visage visible en public était offensant. Le lendemain, la police de la région a publié une nouvelle photo qui la montre en niqab. Ou plutôt qui ne la montre pas du tout, elle. Pudeur religieuse ou ruse de terroriste ? Comme le dit Hamlet : « Dieu vous a donné un visage, et vous vous en faites un autre ».

Ferrand au sommet, Hanouna au bûcher, L’État de droit c’est plus fort que toi!

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© Causeur

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Qu’est-ce qui permet de fermer une chaîne de télé populaire ou d’interdire l’expulsion de terroristes étrangers ? L’État de droit ! En présentant le sujet de notre une, Élisabeth Lévy s’alarme du fait qu’une poignée de hauts magistrats biberonnés au progressisme puisse avoir prééminence sur les pouvoirs exécutif et législatif issus des urnes. L’État de droit a été conçu pour dissuader les gouvernants d’abuser de leur pouvoir mais désormais il interdit à ces derniers de l’exercer. Robert Ménard est poursuivi devant les tribunaux pour avoir refusé de marier une Française à un Algérien sous OQTF : le maire de Béziers observe que le Droit et le bon sens sont bafoués au nom des Droits de l’homme. Dans une enquête sur l’Arcom, le gendarme de la liberté d’expression, Causeur se demande de qui cette « autorité indépendante » est vraiment « indépendante ». L’instance censée « garantir une information pluraliste et indépendante » qui a décidé la fin de C8 (confirmée par le Conseil d’État) constitue un petit monde endogamique où les mantras progressistes font office de vérité. Ses salariés et dirigeants viennent du Conseil d’État, des médias publics et privés, des cabinets ministériels de gauche ou encore du CNC, bénéficiaire des amendes infligées aux chaînes… Quant aux sans-papiers et délinquants étrangers, cinq hautes juridictions françaises et européennes garantissent une batterie de droits qui insultent le bon sens. Seule la voie référendaire pourrait inverser la vapeur. Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, passe en revue ces aberrations légales. Joseph Macé-Scaron nous dresse le portrait de Richard Ferrand qui a été élu à la présidence du Conseil constitutionnel à une voix près. Ce vieux briscard du PS sans expérience juridique n’a jamais été un brillant tacticien, pas plus qu’un illustre ministre ou président de l’Assemblée nationale, et il traîne derrière lui de sérieuses casseroles. Mais il est le protégé du chef de l’État.

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Merci patrons ! D’habitude, les chefs d’entreprise encaissent les coups en silence, acceptant de se faire déplumer par le gouvernement et insulter par des élus, syndicalistes et journalistes qui les décrivent comme des profiteurs-affameurs du peuple. Pourtant, comme l’affirment Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques dans leur introduction à notre dossier du mois, il faudrait remercier ceux des patrons qui, en dépit des taxes et normes imposées par l’État et malgré les tentations de la délocalisation, continuent à produire en France – et à croire à la France. Dans un entretien avec Jean-Baptiste Roques, le milliardaire Pierre-Edouard Stérin reste convaincu que l’État serait mieux géré si le gouvernement était composé de chefs d’entreprise. Désormais le cofondateur de Smartbox promeut ses idées conservatrices libérales à travers l’ambitieuse plateforme « Périclès ». Un projet évidemment caricaturé par les médias de gauche.

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Comme le suggère l’analyse de Stéphane Germain, il doit être difficile de garder le moral quand on est patron en France, car ce pays a sûrement l’économie la plus soviétique du monde libre. Le témoignage d’un « entrepreneur en colère » dépeint un pays qui ressemble beaucoup plus à un enfer collectiviste qu’à un paradis néo-libéral. La raison en est que la classe politique ne comprend rien à l’économie et se repose sur un secteur privé exsangue pour entretenir un État qui ne regarde pas à la dépense. Pour Sophie de Menthon, qui se confie à Jean-Baptiste Roques, l’actuel Premier ministre est un exemple parfait de cette ignorance. Elle va jusqu’à affirmer que « François Bayrou n’a pas conscience du mal qu’il fait à l’économie ». Selon la présidente du mouvement ETHIC (Entreprises de taille humaine, indépendantes et de croissance), l’incapacité de l’État à se réformer et les gages continus donnés à la gauche sont un obstacle au développement des affaires. Mais l’historien Pierre Vermeren nuance ce portait élogieux de l’entrepreneur : si la hausse de la fiscalité au détriment d’économies budgétaires accélère les délocalisations et l’endettement public, la crise française est néanmoins « une coproduction de la classe politique et du patronat ».

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente le dernier coup médiatique d’Élise Lucet qui, se pointant à l’Assemblée nationale, a sommé les élus qu’elle a croisés de se soumettre à un test de dépistage de stupéfiants. Certains ont protesté, mais d’autres ont joué le jeu, « trop heureux de cette occasion facile d’exhiber leur vertu ». Cette volonté de mettre à l’épreuve la moralité des autres, ainsi que celle de faire étalage de ses propres mérites, constituent une attaque contre la vie privée, cette dernière étant « une des plus grandes conquêtes de l’humanité ».

Michaël Prazan vient de publier (aux éditions de l’Observatoire) La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles où il retrace l’histoire de la confrérie islamiste à vocation terroriste et pointe la naïveté des Occidentaux qui l’a laissé propager son idéologie mortifère et antisémite au nom de la « résistance » palestinienne. Se confiant à notre directrice de la rédaction, il affirme que l’islamisme prospère partout où l’éducation régresse. Côté international, Gil Mihaely a interrogé Pierre Lellouche. L’ancien ministre de François Fillon, excellent connaisseur des questions stratégiques, ne s’attendait pas à la brutalité de Donald Trump à l’égard de Kiev ni à ce qu’il refonde la puissance américaine sur le modèle de la Chine ou de la Russie. Il appelle les Européens, jusqu’ici grands cocus de cette affaire, au réarmement. Pierre-Jean Doriel, le Directeur général de l’Institut des Français de l’étranger, raconte comment les Australiens sont arrivés à réguler l’immigration dans leur pays. Marie Lang explique pourquoi tant de Vietnamiens choisissent le chemin de l’immigration clandestine. A la différence d’autres, le Vietnamien reste un migrant discret, travailleur et d’intégration facile.

Emmanuelle Ménard raconte sa vie après l’Assemblée. Olivier Dartigolles alerte aux dangers de l’enthousiasme pro-trumpiste de ce côté de l’Atlantique, tandis qu’Ivan Rioufol se désole du mépris affiché par les élites à l’égard de la France périphérique. Gilles-William Goldnadel revient sur les derniers actes barbares commis au nom de l’islamisme. Et Jean-Jacques Netter, le vice-président de l’Institut des Libertés, entame une nouvelle chronique sur l’actualité économique.

Nos pages culture s’ouvrent sur un hommage à Georges Liébert, décédé le 24 janvier. Elisabeth Lévy se souvient de cette grande figure de l’édition française qui était également un musicologue respecté et un collectionneur averti. Cet anar de droite érudit a arpenté l’existence avec ironie et fantaisie.

Yannis Ezziadi s’entretient avec Angelo Debarre, l’un des plus grands guitaristes manouches de notre époque. Selon lui, lorsqu’on est né dans la communauté des gens du voyage, la musique est une chose qui va de soi, c’est un miracle quasi divin, et Django Reinhardt, inventeur du « swing manouche », demeure une figure solaire. Georgia Ray a visité deux expositions parisiennes qui réécrivent l’histoire de l’art. Nos musées n’en finissent pas de mettre à l’honneur des femmes artistes victimes de l’odieux patriarcat. Pourtant, il n’est pas question de valoriser leur talent mais d’offrir une revanche à ces « invisibilisées ».

Philippe Lacoche s’est plongé avec enthousiasme dans les deux nouveaux livres de Patrick Besson ; Vincent Roy a lu un brillant essai de Philippe Raynaud sur Victor Hugo ; et Jacques Aboucaya a relu un titre classique d’Alphonse Boudard. Alexandra Lemasson nous entraîne dans le monde poétique et inquiétant du romancier japonais, Haruki Murakami. Julien San Frax, lui, nous entraîne dans une véritable Odyssée vers la ville cubaine de Trinidad, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Côté cinéma, Jean Chauvet évoque les pépites affichées par les écrans de mars. Et enfin, Emmanuel Tresmontant pose une question fondamentale : le bordeaux est-il réac ? Car depuis une vingtaine d’années, les vins de Bordeaux traversent une crise profonde. Boudé par les consommateurs branchés, ce vignoble serait passéiste et démodé, en un mot de droite ! Mais les vignerons girondins, qui en ont vu d’autres, savent se réinventer. Tout bien considéré, Causeur ressemble à un très bon bordeaux…

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Réarmement: se reposer ou être libres…

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De gauche à droite, Volodymyr Zelenskyy, Keir Starmer et Emmanuel Macron © Justin Tallis/AP/SIPA

Les députés ont débattu hier de l’Ukraine à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre François Bayrou a affirmé que l’invasion de l’Ukraine par les Russes en 2022 avait marqué un « basculement entre deux mondes ». Avant cette date, il existait dans l’ordre mondial « des garde-fous qu’on pouvait évoquer, des traités qu’on pouvait brandir, des résolutions qu’on pouvait invoquer, des engagements qu’on pouvait rappeler », regrette-t-il. « Est-ce qu’il faut continuer de mettre plus d’argent pour se réarmer ? La réponse est oui, et donc il faudra forcément faire des choix politiques en la matière » a déclaré de son côté le ministre des Armées M. Sébastien Lecornu. Si la France a « bien sûr eu raison de soutenir l’Ukraine », Marine Le Pen déclare qu’il ne sera jamais question pour son mouvement de « soutenir une chimérique défense européenne ». Les Français sont-ils prêts à travailler plus, collectivement, pour fournir l’effort de défense ? Le commentaire d’Elisabeth Lévy


Il est beaucoup question de réarmement. Les Européens se réveillent d’un long sommeil. Pas sous le fougueux baiser d’un prince charmant. François Bayrou a résumé hier à l’Assemblée nationale l’illusion post-nationale et post-historique des élites dirigeantes. «Depuis 1945, l’Europe, l’Occident, la communauté des nations, vivait avec l’idée qu’une loi internationale régissait des relations internationales.» Cette illusion est encore plus prégnante depuis la fin de la guerre froide. L’avènement d’un monde pacifié par le droit et le commerce nous était promis par Francis Fukuyama (la fin de l’histoire). Main dans la main, capitalisme et démocratie devaient régner sur le monde. À l’époque, il y avait un dicton dans la communauté stratégique qui disait que les États-Unis sont le maître idéal, parce qu’ils sont riches et ils sont loin. Dans leur grande salle de gym (Peter Sloterdijk), les Européens et notamment les Français pouvaient s’adonner à la consommation financée par l’État-providence (c’est ce qu’on a appelé les dividendes de la paix). Mais ils n’ont pas voulu entendre les prédécesseurs de Donald Trump qui tous déjà exigeaient un partage du fardeau.

Il n’est pas sûr que les Américains quittent l’OTAN (et notamment l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique), mais le départ des soldats américains basés en Europe est probable. 80 000 hommes vont plier bagage. Les Européens vont devoir payer pour leur sécurité.

Mais nous ne sommes pas en guerre avec la Russie. Il ne s’agit pas de faire la guerre, ni de brailler que Poutine c’est Hitler, mais de pouvoir se défendre. Si tu veux la paix, prépare la guerre.

Nouveau, Causeur #132 : Ferrand au sommet, Hanouna au bûcher, L’État de droit c’est plus fort que toi!

Au-delà de Trump, Poutine, Zelenski et de l’Ukraine, dans un monde de carnivores, les herbivores seront vassalisés. Pour que la France redevienne une puissance d’équilibre comme le souhaite Marine Le Pen, elle doit être respectée, donc faire peur. Il devrait en conséquence y avoir union sacrée pour augmenter notre puissance militaire. Or, les communistes retrouvent leur pacifisme bêlant (le sympathique Fabien Roussel nous explique qu’il faut construire des écoles plutôt que des usines d’armement…). Jean-Luc Mélenchon fustige l’impérialisme américain (plus problématique selon lui que le russe ou le chinois apparemment !). La droite est divisée, le Rassemblement national aussi. Les macronistes en profitent pour ressortir la défense européenne des tiroirs, ce qui revient à sortir d’une illusion pour plonger dans une autre. Pourquoi ? La défense, c’est la souveraineté. Et la souveraineté, ce sont les nations. Il peut bien sûr exister des coopérations, des alliances, des engagements communs, peut-être même une garantie nucléaire pour certains de nos alliés – si la France décide seule. Mais nous n’allons pas décider de notre politique étrangère et nos alliances à 26. Le bouleversement diplomatique actuel devrait même être l’occasion pour nous de reprendre le leadership en Europe.

Seulement, pour passer de 2 à 3,5% du PIB en dépenses militaires, il nous faut trouver 40 milliards. Les Russes sont eux à 8%. Je ne suis pas du tout sûre que les Français soient prêts à faire l’effort nécessaire, alors que se profile un énième psychodrame sur les retraites. Ces citoyens qui passent leur temps à militer pour leur retraite, l’Etat social ou leurs avantages devraient méditer cette formule de Thucydide (citée par l’économiste Olivier Babeau[1]): « Citoyens, il faut choisir, se reposer ou être libres… »


Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio


[1] https://www.europe1.fr/emissions/L-edito-eco2/une-union-sacree-pour-financer-notre-rearmement-666299

Christofle, une brillante histoire

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© Les Arts Décoratifs / Luc Boegly

La maison Christofle dévoile ses plus belles ménagères au musée des Arts décoratifs de Paris. Un ruissellement d’or et d’argent pour célébrer près de deux cents ans d’orfèvrerie grandiose et délicate.


L’exposition s’ouvre sur un fantôme. Un revenant du Second Empire réchappé de l’incendie criminel qui ravagea le palais des Tuileries en 1871 : le monumental surtout de table commandé par la cour impériale pour les grands dîners de cents couverts réunissant autour de l’empereur et de l’impératrice les princes et les élites de l’Europe.

Les fastes de la cour impériale

C’est un ensemble aux dimensions du régime impérial. Et à l’image des défauts de son temps : pompeux, grandiloquent, académique et sans grâce, tout comme le seront les monuments dont le Second Empire, puis la Troisième République allaient parsemer la France. Conçu par trois sculpteurs célèbres en leur temps, Georges Diebolt (auteur du Zouave du pont de l’Alma), François Gilbert (représenté par d’innombrables ouvrages à Marseille comme à Paris) et Pierre-Louis Rouillard (Le Cheval à la Herse sur le parvis du musée d’Orsay), le surtout des Tuileries a été produit par la maison Christofle au tout début du règne. Constitué de métal argenté et non d’argent massif comme c’était la règle jusque-là, il traduit l’intérêt, sinon la passion que Napoléon III portait aux découvertes de son temps. C’est en effet grâce au procédé inventé par Henri de Ruolz et par d’autres, et dont les brevets avaient été rachetés par Charles Christofle, que l’on put réaliser de telles pièces d’apparat sans que l’on dût y consacrer des quintaux de métal précieux comme cela avait été le cas avec le mobilier d’argent massif qui ornait les Grands appartements à Versailles au temps de Louis XIV. Un procédé « incarnant la modernité qu’introduisit Christofle sur la table des princes » et qui est à l’image de ce règne impérial durant lequel la France entra dans le monde moderne.

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Que ce surtout de table hors norme ait survécu au désastre de la Commune est un vrai miracle. Toutefois, durant l’incendie du palais, tout l’argent dont il était recouvert a fondu. Il n’en reste donc aujourd’hui, parfaitement conservé et sans doute savamment restauré, qu’un vestige désenchanté de la splendeur d’antan.

Une révolution

Avec cette exposition Christofle au Musée des Arts décoratifs, ce sont des procédés révolutionnaires pour l’époque qui expliquent la renommée de ce bijoutier devenu l’orfèvre de la société d’alors. Des procédés qui ont pour nom l’électrolyse et la galvanoplastie.

En 1842, sous Louis-Philippe, qui était quelque peu avare et qui commandera tout un ensemble de couverts simplement argentés pour son château d’Eu, Charles Christofle a donc racheté à Henri, comte de Ruolz-Montchal, chimiste aussi bien que compositeur d’opéras, sa technique de dorure et d’argenture par électrolyse permettant de recouvrir d’or ou d’argent des objets d’un métal plus vil. C’est une révolution qui va marquer le XIXe siècle et dont les effets perdurent aujourd’hui. C’est le luxe qui passe des cours princières à la bourgeoisie, laquelle est devenue la principale détentrice du pouvoir à la suite de l’aristocratie. C’est l’avènement du ruolz qui n’était au fond que l’apparence de l’or et de l’argent et que l’on considérait avec un dédain appuyé au sein des antiques familles blasonnées.

Des merveilles de savoir-faire

Les manufactures Christofle qui se succèdent, de Paris tout d’abord à Yainville (Normandie) aujourd’hui, en passant par Saint-Denis au nord de la capitale, emploieront jusqu’à 1600 personnes dans les époques fastes, alors que Christofle rafle les médailles d’or lors des Expositions universelles et que l’Europe se précipite sur ses productions. Le meilleur de ces réalisations, renouvelées, réinventées jusqu’à nos jours s’exhibe de salle en salle, dans cette aile du Louvre édifiée du temps de Napoléon III.

On y voit des merveilles de savoir-faire, des réalisations aux techniques éblouissantes. Et puis des chefs-d’œuvre de ce mauvais goût tapageur qui régna aussi lors du Second Empire et, pire encore, sous la Troisième République, en contradiction absolue avec les plus nobles réalisations du XVIIIe siècle dont on se voulait pourtant les héritiers. 

Arts de la table

À l’enrichissement du pays sous Napoléon III, à l’apparition d’un nouvel urbanisme, à l’aisance de l’aristocratie et de la bourgeoisie répond la sacralisation des arts de la table et une folle prolifération des couverts et accessoires qui ornent la mise en scène des repas. En argent massif, certes, ou en vermeil pour les plus somptueux, mais surtout en métal argenté ou doré, ceux-ci répondent à des usages infinis.

Alors qu’aujourd’hui on en vient même à ignorer les cuillères à dessert et que chez le commun des mortels le métal inoxydable détrône l’argenterie, dès la seconde moitié du XIXe siècle, de celle réservée au potage à celle destinée au moka, Christofle propose vingt-et-un modèles de cuillères de toutes tailles. S’y ajoutent les cuillères à glace et tous ces accessoires que sont les cuillères à fraises, à œufs, à ragoût, à sauce, à moutarde, à olives, à compote, à sucre brésilienne, à sucre repercée… Mais aussi les fourchettes à huîtres, à escargot, à sardines, à saucisson, à cornichons, à viande froide, à fruits, à gâteau dont les effectifs pléthoriques renforcent celles qui encadrent les assiettes. On n’oublie pas la louche à lait, la louche à potage, le couteau ou la pelle à beurre, la pelle à œufs sur le plat ou à macaronis, la pelle à pâté, la pelle à sel, courte ou longue, la pelle à thon, la pelle à tarte, la pince à asperges ou la pince à sucre… et bien évidemment le service à hors-d’œuvre comprenant six pièces à lui seul… Tous ces objets aux destinations infinies que renferment les écrins familiaux et dont on a aujourd’hui bien souvent oublié l’usage.

La galvanoplastie

L’aigle de Suger, abbé de Saint Denis, datant de la première moitié du XIIe siècle ; la grande patère dite de Minerve appartenant au fabuleux trésor de Hildesheim, cet ensemble éblouissant de soixante-dix pièces d’argent massif datant du premier siècle après J.C. et qui venaient d’être découvertes en 1868… ces merveilles de l’Antiquité ou du Moyen Âge, on  allait désormais pouvoir en acquérir des copies reproduites à la perfection par la maison Christofle grâce au procédé de la galvanoplastie perfectionné dès 1852 par l’ingénieur Henri Bouilhet, un neveu du fondateur. Mais on excellait aussi à en créer de nouvelles, à l’image de cette magnifique jatte en porcelaine bleu de Sèvres montée sur cuivre doré et autour de laquelle serpente la plus délicate guirlande de feuilles d’or. Les œuvres produites par les plus grands artistes ou artisans du moment sont dès lors innombrables.

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Elles répertorient tous les styles, tous les courants artistiques qui ont eu cours au fil des siècles : de l’Empire romain au temps de Louis XV ou de Louis XVI, de l’art médiéval à l’Art nouveau et à l’Art déco, du Japon au Proche-Orient. Même si, parfois, des chefs-d’œuvre de savoir-faire (torchère de Reiber d’un baroque échevelé ou table de boudoir néo-Louis XVI (Reiber, Carrier-Belleuse, Chéret), surchargés de dorures, de cariatides, d’amours ailés, de feuillages, de roses, de frises ou de volutes, apparaissent à nos yeux comme des prodiges d’un mauvais goût ostentatoire.

Dans l’Orient Express, sur le Normandie ou le Concorde

On se divertit bien davantage en découvrant une table du restaurant de l’Orient Express, dressée dans une period room délicieusement évocatrice des voyages de jadis. Ou face à un ensemble de la plus grande élégance conçu pour les repas pris sur le paquebot Normandie, à destination duquel on fabriqua 45 000 pièces dont on reverra plus tard le modèle sur le France. Ou devant les couverts utilisés sur le Concorde du temps où il volait encore. Car, que l’on voyageât par train, par avion, par bateau, on retrouvait partout des productions de Christofle, vaisselle et couverts de métal argenté représentant le bon goût français.

S’il est évoqué ailleurs les tables d’apparat de ministères à la tête desquels de simples bourgeois parvenus au pouvoir se targuent de jouer aux grands seigneurs aux dépends du budget de la République, on s’extasie davantage devant les services à thé de tous styles qui sont des sommes de raffinement… même si le contact avec le métal est si funeste pour le thé ; devant les services de table complets de Louis-Philippe (en métal argenté) ou de Napoléon III (en argent massif ou en vermeil) ; ou face à une table à thé Art Déco tout de marbre et d’argent.

Dans un tout autre registre, un remarquable collier en argent de 2005 nommé Palmaceae (Michele Oka Doner) souligne que la Maison Christofle n’oublie pas que son fondateur fut tout d’abord un bijoutier.


Exposition Christofle, une brillante histoire.
Jusqu’au 20 avril 2025. Musée des Arts décoratifs, Paris.

De briques et de wokes

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© D.R.

Wokisme : c’est au tour des Lego d’être attaqués. Entre personnages trop « genrés » et emboîtement de parties « mâles » et « femelles », un nouveau combat s’engage pour protéger nos enfants d’une société jugée beaucoup trop traditionnelle…


Il aura fallu un simple post d’Elon Musk le 6 février, pour que la presse britannique se penche sur cette affaire révélée par le Daily Telegraph. Depuis 2022, une exposition du musée des Sciences de Londres sur « les histoires et les expériences des communautés queer » explique aux visiteurs que les Lego sont anti-LGBT. Le principe de ce jeu consiste en effet à emboîter des briques en plastique les unes dans les autres en « accouplant », pour reprendre les mots du fabricant, des parties « mâles » dans des parties « femelles ». À en croire les commissaires de l’exposition, cette terminologie a pour effet délétère de formater l’esprit des enfants en induisant une vision du monde « hétéro-normée ». À quoi il faut bien sûr ajouter la micro-agression qu’elle constitue pour toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas dans ce schéma de vie odieusement classique. À ce compte-là, les échecs sont racistes puisqu’ils mettent en scène une guerre entre les noirs et les blancs, et le poker, qui fait gagner le carré de rois contre le carré de dames, est viriliste. Et que dire du jeu des sept familles, cette offense injustifiable à tous les couples sans enfants ? Admettons toutefois que la lecture postmoderne du musée soit recevable. Il faudrait alors pousser la logique jusqu’au bout, et se rendre à l’évidence : dans un jeu de Lego, chaque pièce est à la fois mâle et femelle. Les briques de Lego sont hermaphrodites ! Ou intersexuées si l’on veut les assimiler à des êtres humains – comme les militants queers auto-enivrés par leurs propres délires. En attendant, la société Lego fait tout pour plaire aux wokes. Depuis quelques années, elle propose un set appelé « Tout le monde est génial ». Dans la boîte, les personnages, multicolores, sont volontairement dénués de visage et de caractéristiques afin de « ne pas être assignés à un genre précis ». On notera toutefois que le personnage violet, muni d’une importante masse de cheveux pleine de féminité, a le droit de déroger à ce principe d’indifférenciation. Et pour cause : il est présenté par le fabricant comme « un hommage aux drag-queens ».

Lucet in the sky with diamonds

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Elise Lucet fait passer des tests antidrogue aux députés © Capture d'écran twitter - Cash Investigation

L’éditorial de mars


On connaît la formule de Guy Debord : « Je ne suis pas un journaliste de gauche. Je ne dénonce jamais personne. » On en déduit aisément qu’un journaliste de gauche se reconnaît à ce qu’il dénonce à tour de bras. Sauf qu’en langue progressiste, on ne dit plus « dénoncer » (qui sonne moins bon citoyen qu’au temps des soviets), mais « libérer sa parole » ou « lancer l’alerte ». La gauche qui vomit la police est habitée par un esprit policier qui sévit tous azimuts, de la chambre à coucher à la machine à café. Il y a cinquante ans, elle défendait joyeusement le sexe, le blasphème et la drogue. Les héritiers de Woodstock traquent inlassablement la blague grivoise, le dérapage islamophobe et le fumeur de joints. Lequel est d’ailleurs l’objet d’une détestation symétrique de la droite.

Toupet à toute épreuve

Personne n’imagine Éric Piolle se droguant, ni d’ailleurs rigolant. Début février, après l’affaire du député insoumis pincé en train d’acheter de la 3-MMC (drogue de synthèse qui fait fureur) à un mineur, le maire de Grenoble, qui laisse le narcotrafic ravager sa ville parce qu’il est allergique aux caméras de sécurité et à l’armement de la police municipale, propose de soumettre parlementaires et ministres à des tests aléatoires et anonymes de recherche de stupéfiants. Histoire de savoir si les élus qui votent des lois anti-drogue consomment de la drogue – ce qui prouverait enfin que l’Assemblée est à l’image de la population.

Élise Lucet accommode cette brillante idée à sa sauce. Il faut dire que, dans le genre « je suis le flic de mon frère », on n’a pas inventé mieux que la madone des ménagères reconvertie sur le tard en passionaria style « Occupy Wall Street ». Notre Erin Brockovich nationale (on a ce qu’on mérite) n’a pas inventé la poudre, mais elle a un toupet à toute épreuve, convaincue qu’elle est d’avoir le droit de tout savoir sur ses concitoyens. Elle se pointe à l’Assemblée, sommant les élus qu’elle croise de se soumettre à un test de dépistage de stupéfiants : « Il suffit d’humidifier cette languette avec votre salive et dans dix minutes, on saura si vous avez pris du cannabis, de la cocaïne, de l’héroïne ou de l’ecstasy. » D’après l’excellent Erwan Seznec du Point1, aucun test ne permet de détecter toutes ces substances mais peu importe, buzz garanti. Alors qu’elle brandit ses languettes de plastique vert et blanc, son sourire de tricoteuse carnassière fait froid dans le dos. En voilà une qu’on n’aurait pas aimé croiser sous Staline.

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Le pire, c’est que si certains protestent contre cette inquisition à la fois grotesque et terrifiante, suggérant à la dame d’aller plutôt tester sa rédaction, d’autres jouent le jeu, trop heureux de cette occasion facile d’exhiber leur vertu, notamment Olivier Faure qui se fend d’une blague pourrie sur la politique, sa seule drogue dure, et l’insoumis David Guiraud qui carbure plutôt à la haine antisém… pardon, antisioniste. Sur les plateaux de télé, on assiste à un défilé d’élus et de ministres empressés de se faire dépister pour faire savoir au peuple, qui n’en demande pas tant, qu’eux aussi sont clean. Ils devraient se méfier : si on exige de nos gouvernants une moralité impeccable et une vie irréprochable, pourquoi s’arrêter à la drogue ? On attend avec impatience qu’Élise Lucet invite à confesse les élus qui trompent leur conjoint ou ceux qui matent du porno (j’ai peine à croire qu’il y en ait).

Petits secrets

On pense à Benoît Hamon qui, commentant le placement sous écoute téléphonique de Nicolas Sarkozy et de son avocat, avait lâché cet aveu glaçant : « Quand on n’a rien à se reprocher, il n’y a aucun problème à être mis sous écoute. » Autrement dit, si vous refusez d’être surveillé, c’est que vous êtes coupable.

Soyons clairs, c’est très mal de se droguer. Ça détruit la santé, ça bousille le cerveau, ça détraque l’humeur et ça alimente un narcotrafic devenu un risque majeur pour la sécurité nationale. Si vous connaissez quelqu’un qui ne fait jamais rien de mal, surtout ne me le présentez pas, il doit être ennuyeux à périr. Quand on n’a rien à cacher, on n’a rien à montrer.

La condition humaine est pétrie de malodorants petits secrets. À part les saints, personne ne mène une existence totalement accordée à ses convictions. Il y a des écolos qui prennent l’avion, des cancérologues qui fument, des gauchistes qui inscrivent leurs enfants à l’École alsacienne. C’est plutôt rassurant. La vie privée, une des plus grandes conquêtes de l’humanité, est ce lieu où on a le droit d’être ce qu’on est, des êtres imparfaits, faillibles, bourrés de contradictions, vulnérables à la tentation. Même quand on est ministre. Nul n’a l’obligation de se montrer tel qu’il est à ses contemporains. Le mensonge est un droit de l’homme – et accessoirement l’huile dans les rouages de la vie sociale. Que dame Lucet se rassure. Une journée à l’Assemblée suffit pour s’en convaincre, les élus n’ont pas besoin de substances prohibées pour raconter des craques. Ou alors, c’est qu’elle est vraiment très bonne.


  1. https://www.lepoint.fr/societe/envoye-special-drogue-chez-les-elus-le-coup-d-epee-dans-l-eau-d-elise-lucet-13-02-2025-2582331_23.php ↩︎

Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

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L'enterrement d'Oded Lifschitz à Nir Oz, Israël, 25 février 2025 © MAGDA GIBELLI/EFE/SIPA

Notre chroniqueur revient sur la vie d’Oded Lifshitz, fervent défenseur de la paix, lâchement assassiné par le Hamas dont il était otage depuis le 7 octobre.


Oded Lifshitz, dont la dépouille mortelle a été ramenée en Israël dans le cadre des négociations entre Israël et le Hamas le 20 février dernier, n’était pas seulement un des fondateurs du kibboutz Nir Oz et un militant pacifiste. Il était aussi un journaliste et une figure du mouvement kibboutzique. Son itinéraire et sa mort tragique aux mains du Hamas illustrent de manière emblématique l’erreur de ceux qui ont cru – envers et contre tout – à une paix possible avec leurs voisins de Gaza.

“Nous avons reçu un coup terrible de ceux-là mêmes que nous avions tant aidés…” a déclaré sa veuve, Yocheved Lifshitz, elle-même détenue par le Hamas et libérée au bout de 50 jours. “Oded était un combattant de la paix. Il entretenait d’excellentes relations avec les Palestiniens, et une des choses qui me font le plus de mal c’est qu’ils l’ont trahi”, a-t-elle expliqué lors d’une cérémonie organisée par le Centre Pérès pour la paix. De fait, quelle mort plus terrible peut-on imaginer pour un militant pacifiste, que d’être assassiné par ceux-là mêmes pour lesquels il s’était battu toute sa vie ?

Opposé à la colonisation

Journaliste au quotidien de gauche Al-Hamishmar, Oded Lifshitz avait ainsi protesté contre la création de localités juives en Judée-Samarie, dès le lendemain de la guerre des Six Jours. Il s’était également opposé à l’expropriation des bédouins de la région de Rafiah, au moment de la création de la localité de Yamit dans le Sinaï (laquelle fut par la suite évacuée par le gouvernement de Menahem Begin). Lifshitz était aussi, comme l’a rappelé récemment Amnon Lord dans les colonnes d’Israël Hayom, un des premiers journalistes israéliens – sinon le premier journaliste au monde – à pénétrer dans les camps de Sabra et Chatila après les massacres commis par les phalangistes chrétiens libanais.

À lire aussi : Au revoir les enfants

Toute la carrière journalistique et politique d’Oded Lifshitz était celle d’un pacifiste et d’un idéaliste invétéré. À cet égard, il incarne l’erreur de ceux qui – au sein des kibboutz frontaliers de Gaza – avaient cru pouvoir tisser des liens d’amitié avec leurs voisins de l’autre côté de la frontière, en les aidant à recevoir des soins médicaux en Israël et en leur faisant traverser la barrière de sécurité, pour les emmener à l’hôpital dans leurs véhicules personnels. L’idéalisme de Lifshitz et de tous les autres représentants du pacifisme israélien est certes sympathique en apparence, mais il est en réalité dangereux. L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme le savent bien les Israéliens depuis le 7-Octobre.

Haine inextinguible

En nourrissant et en soignant les habitants de Gaza, Oded et ses camarades n’ont nullement atténué la haine inextinguible de ceux-ci envers Israël. Les exactions commises le 7-Octobre – contre les habitants des kibboutz frontaliers de Gaza et contre les jeunes soldates observatrices non armées – ont été commises non seulement par les soldats du Hamas, mais aussi par les civils de Gaza. La leçon terrible doit être apprise pour les générations à venir : le pacifisme n’apporte jamais la paix. Il est un poison mortel, qui anéantit nos capacités de défense et nous expose aux attaques mortelles de nos ennemis, auxquels nous prêtons à tort des qualités humaines qui leur font défaut.

Le pacifisme israélien, qui réapparaît à chaque génération – depuis la lointaine époque du “Brith Shalom” dans les années 1930 et jusqu’à nos jours – repose sur la volonté fallacieuse de mettre fin au conflit à tout prix et sur la promesse illusoire de la “Der des Ders”. Mais loin d’apporter la paix, il est le plus souvent le meilleur moyen de générer de nouvelles guerres et de nouveaux massacres. “Si vis pacem, para bellum”.

Fable de la fontaine

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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'adresse aux médias à l'issue d'un dialogue stratégique sur l'avenir de l'industrie automobile européenne au siège de la Commission européenne, 3 mars 2025 © Thierry Monasse/DPA/SIPA

Réarmement. Ursula von der Leyen annonce un plan pour mobiliser 800 milliards d’euros. Les actions des industries de défense s’envolent dans les bourses européennes.


Précisons-le d’emblée, il ne s’agit pas ici de notre merveilleux fabuliste du Grand Siècle, mais plus simplement de l’« eau vive qui s’épanche sur le sol par un cours continu », si l’on se réfère à la définition que Littré donne du mot fontaine. À ceci près que l’eau vive qui s’écoulerait de celle dont il est question ici s’apparente plutôt au fleuve Pactole de la mythologie grecque, dont la caractéristique la plus remarquable était de charrier sans discontinuer des pépites d’or.

Il est fort probable qu’une bonne fée dotée de merveilleux pouvoirs avait déployé jusqu’aux ultimes ressources de son art magique pour qu’il en soit ainsi, même si la version légendaire officielle y voit une autre cause, le suicide, dans ces eaux, du Dieu Pactolos, coupable d’avoir défloré à l’insu de son plein gré sa propre sœur. Passons.

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Eh bien, il se trouve que, dans les moments que nous vivons, des esprits particulièrement malicieux, caustiques, irrévérencieux, voire un tantinet pollués de complotisme facile pourrait trouver divertissant d’établir certains parallèles avec quelques-unes des fabuleuses prouesses de nos antiques légendes. Il va sans dire que me ranger parmi ces esprits évoqués ci-dessus relèverait de la malveillance la plus consternante. Je me contente ici d’imaginer ce qui pourrait effleurer de tels esprits. Que cela soit bien clair entre nous.

Ces mauvais esprits, disais-je, ne seraient-ils pas tentés, en effet de débusquer, au fil des réalités d’aujourd’hui, l’émergence soudaine et quasi magique de fontaines d’où se déverseraient opportunément des flots d’or ?

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C’était, voilà trois ans, le Covid et ses fabuleux vaccins. Un tsunami d’or, une déferlante de bon argent pour Big Pharma, avec à la manœuvre, dans le rôle de la bienfaisante magicienne, la blonde fée Ursula. De sa baguette magique, dit-on – et dans l’opacité qui sied au grand œuvre des maîtres alchimistes convertissant le plomb – voire les virus en or – elle aurait passé commande d’assez de doses pour vacciner – a-t-on prétendu – dix ou onze fois chaque citoyen de notre bonne vieille Europe. Aux corbeilles boursières de notre tout aussi bon vieux système « financiariste », les indices s’envolaient, le cours des valeurs des multinationales du secteur atteignait des sommets himalayens. Un peu, si vous voulez, comme la cote boursière des industries liées à l’armement depuis vingt-quatre ou quarante-huit heures. Depuis que la bonne fée Ursula – toujours aussi avisée et soucieuse du bien des peuples – a lâché le chiffre de huit cent milliards. Huit cents milliards d’euros à convertir sans tarder en poudre à canon, et, cela va de soi, conséquemment, en poudre d’or. Bref, exactement la bonne dose pour shooter nos économies quelque peu atones ces derniers temps. Comme quoi, on a toujours tort de faire l’esprit fort et de ne pas croire aux fées.

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Gaza aux Césars

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Karla Sofia Gascon, Paris, Cérémonie des Césars, 28 février 2025 © Thomas Padilla/AP/SIPA

Vendredi dernier, l’existence de l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón (notre photo) a été soigneusement gommée aux Césars malgré le triomphe du film Emilia Perez. Jonathan Glazer, lui, a électrisé la soirée en livrant un discours où l’audace consistait à renvoyer dos à dos Israël et le Hamas, sous les applaudissements d’un public conquis…


J’ai regardé la cérémonie des Césars. En accéléré, à vrai dire… Cet exercice de nombrilisme corporatiste est toujours assez ennuyeux. Mais, il nous offre un catalogue des idées reçues et poncifs du moment.
Nous avons eu droit à une année plutôt calme : ni intermittents surchauffés, ni féministe furax claquant la porte pour cette 50e édition.

Audace convenue

Du reste, le palmarès était très correct. Le cinéma français s’est payé l’audace de récompenser sept fois Emilia Perez, film destitué aux Oscars en raison de tweets passés de l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón sur l’islamisation de l’Espagne (et le film n’a finalement récupéré que deux petits Oscars secondaires cette nuit en Amérique). Reste que le film est très convenable (il y est question d’un narcocaïd qui trouve la rédemption en devenant une femme). Mais, Mme Gascon a été totalement « cancelled » de la salle, lors de la cérémonie du cinéma français. Son nom n’a pas été prononcé une fois (sur les sept fois où quelqu’un d’autre du film est venu chercher son prix), et Jacques Audiard l’a ostensiblement ignorée. C’était plutôt pénible à voir. Dans l’échelle des crimes, il faut croire que l’islamophobie supposée dépasse la transphobie. 

Le discours du réalisateur de la Zone d’Intérêt réjouit la salle

Sinon, c’était un festival d’audaces très convenues. Nous avons eu bien sûr des allusions lourdingues à Donald Trump (Jean-Pascal Zadi a ainsi proposé l’asile politique à Julia Roberts, original !). Et le documentariste Gilles Perret a fait un tabac en parlant « des milliardaires qui se plaignent » et des « dirigeants qui s’allient à l’extrême droite fasciste ». Bref, une fois encore, une indignation en tenue de gala de tout un petit monde qui baigne dans la même saumure idéologique progressiste. Mon ami Philippe Muray parlait d’anchois confis dans la saumure du Bien.

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Cependant, il y a selon moi une polémique plus justifiée qui monte. Il s’agit du message du réalisateur Jonathan Glazer, César du meilleur film étranger pour la Zone d’Intérêt, métrage relatant la vie paisible d’une famille d’Allemands à côté d’Auschwitz.
Le message de M. Glazer a été lu par son producteur lors de la cérémonie :
« Aujourd’hui, la Shoah et la sécurité juive sont utilisées pour justifier les massacres et les nettoyages ethniques à Gaza. Les massacres du 7-Octobre et la prise d’otages en Israël : il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, d’actes de terreur contre des innocents, rendu possible par la déshumanisation des gens, des personnes qui se trouvent de l’autre côté de nos murs. C’est la zone d’intérêt ».
On note qu’il mentionne le 7-Octobre, qui d’ailleurs n’intéresse pas beaucoup la salle quand on écoute les applaudissements. Mais, il renvoie dos à dos le Hamas et Israël. Et acclimate sans la formuler explicitement l’équation Israël=SS. La révolution en tenue de gala, c’est chouette, mais ce mensonge a des conséquences concrètes. Si les juifs sont des nazis, la haine des juifs devient un devoir citoyen. Même les juifs de gauche (ils se présentent ainsi) qui signent une tribune angoissée dans Le Monde observent que « l’explosion antisémite depuis le 7-Octobre ne trouble pas ceux qui, d’ordinaire, combattent le racisme. Rien ne nous avait préparés à la désertion des intellectuels bardés de bonne conscience[1] ».
À l’Olympia non plus, personne n’a pensé aux étudiants juifs ostracisés ou molestés, aux enfants juifs agressés ou tués, aux femmes juives violées le 7-Octobre. Apparemment, ce ne sont pas des bonnes victimes.
Personne ne comptait évidemment sur le show-biz pour régler les problèmes du pays. Mais franchement, qu’ils parlent de cinéma et qu’ils nous épargnent enfin leurs ridicules leçons de maintien.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale


[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/01/nous-francais-juifs-n-avons-rencontre-que-le-silence-le-deni-ou-l-indifference-de-la-gauche-extreme-face-a-l-antisemitisme_6570985_3232.html

Liberté d’expression ? On ferme !

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Les éditorialistes Patrick Cohen, Jean-Michel Aphatie et Benjamin Duhamel. DR.

Patrick Cohen se félicite de la fermeture de C8. De son côté, Jean-Michel Aphatie estime que les nazis se sont inspirés du comportement des colons français en Algérie. Didier Desrimais écoute trop la radio !


En France, une chaîne de télévision privée, regardée quotidiennement par des millions de téléspectateurs, a été interdite d’émettre sur une fréquence de la TNT. Personne n’est dupe : l’Arcom n’est pas qu’un outil de « régulation » mais aussi un appareil de censure, une officine politique à la solde du pouvoir en place. Sur CNews, Pierre Lellouche a lu, parmi les motifs invoqués par le Conseil d’État pour entériner les décisions de l’Arcom, une phrase qui semble extraite d’un roman orwellien décrivant une novlangue charabiesque permettant de justifier n’importe quelle décision autoritaire émanant d’une instance « indépendante » entièrement politisée : « Il incombe à l‘Arcom de choisir des projets qui contribuent au mieux à la sauvegarde du pluralisme du courant d’expression socio-culturelle, lequel participe de l’objectif constitutionnel de pluralisme de courant de pensée et d’opinion, et qui soit le mieux à même de répondre à l’intérêt public. » Le Conseil d’État a également argué du fait que « C8 a fait l’objet de nombreuses sanctions financières, mises en demeure et mises en garde de la part de l’Arcom pour des manquements, au cours des dernières années » – argument asséné par l’impayable Benjamin Duhamel sur BFMTV pour tenter de convaincre Michel Onfray qui ne s’en est pas laissé conter. Depuis 2012, C8 a en effet été sanctionné 38 fois par l’Arcom (dont 12 fois avec des amendes pour un montant total de sept millions d’euros !) ; l’ensemble des chaînes publiques (France TV, Radio France, Arte, France 24, RFI, LCP), seulement cinq fois (0 amende). Étrange ! Quand on consulte les motifs ayant conduit aux sanctions de C8, on comprend qu’il s’agissait surtout de charger la barque et de justifier à tout prix l’interdiction à venir. CNews reste dans le collimateur de l’Arcom – l’Agence de Répression et de Censure Officielle de certains Médias a en effet déjà sanctionné 18 fois (dont six fois avec des amendes)[1], celle qui est devenue, au grand dam de ses concurrentes et du pouvoir politique, la 1ère chaîne d’information continue.

Le parrain

Sur France Inter, Patrick Cohen se félicite, dans son éditorial du 20 février, de la décision qui a frappé C8. Il dit déceler dans les critiques contre l’Arcom un « mouvement d’allégeance à celui qui apparaît comme le parrain de toutes les droites, Vincent Bolloré ». M. Cohen est très en verve en ce moment quand il s’agit d’évoquer la liberté d’expression, liberté à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux, jure-t-il en se réjouissant de l’arrêt d’une chaîne de télévision. La moindre allusion aux journalistes des médias « bollorisés » déclenche chez lui des crises irrépressibles d’urticaire synaptique qui se traduisent par de longues diatribes enflammées contre les susdits et d’incessants appels à contrôler, réprimander, prohiber, interdire, censurer tout ce qui ressemble à une opinion différente de la sienne. « Ce n’est pas la liberté d’expression qui est bridée par l’arrêt de cette chaîne, c’est celle de propager n’importe quoi », conclut le commissaire radiophonique qui sait de quoi il parle – on se souviendra, entre autres, de la manière désinvolte et captieuse avec laquelle il présenta les événements de Crépol conduisant à la mort du jeune Thomas.

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Jean-Michel Aphatie a lui aussi jubilé en apprenant l’éviction de C8 de la TNT – il faut dire que l’émission Quotidien dans laquelle il officie souffrait de plus en plus de la concurrence de TPMP, l’émission de Cyril Hanouna sur C8. À propos de « propager n’importe quoi », M. Aphatie ne rate jamais une occasion de se faire remarquer. Sur RTL, devant un Thomas Sotto abasourdi par son aplomb, il a soutenu que « la France a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie » et que « les nazis se sont comportés comme nous l’avons fait en Algérie ». Ces allégations hallucinantes nous donnent l’occasion de rappeler quelques hauts faits de cet olibrius.

Dans l’émission “C ce soir”, M. Aphatie avait déjà comparé le général Louis Juchault de Lamoricière – le « père des zouaves » en Algérie – à un général SS. Il y a quelques jours, sur le plateau de Quotidien et sous le regard attendri d’un Yann Barthès resplendissant d’insignifiance, il affirmait que « ce que nous avons fait là-bas [en Algérie], c’est une boucherie que nous avons organisée ». Adepte des thèses « racialistes » et du wokisme ambiant, il n’avait pas hésité à parler sur LCI de « privilège blanc » à propos des essais nucléaires français dans le Sahara au début des années 60. M. Aphatie n’aime pas la police, se moque volontiers des catholiques, déteste l’histoire de France, en particulier le règne de Louis XIV, un « drame français », selon lui. Il y a quelques années, ce matamore agité avait confié que, s’il était président de la République, il ferait raser le château de Versailles « pour que nous n’allions plus là-bas en pèlerinage cultiver la grandeur de la France ». Pendant la dernière campagne présidentielle, il qualifia les Français prêts à voter pour Éric Zemmour de « Français de chez les Français qui puent un peu des pieds » ; quant à Zemmour lui-même, il le traita de « cochon de la pensée » – mais refusa de débattre avec lui, certain qu’il était de se faire écrabouiller. Un soir, sur LCI, il amusa la galerie en affirmant que « le soldat inconnu, on ne sait même pas s’il est Français ! Il est inconnu… ». Ce cuistre, qui se croit indocile alors qu’il est une caricature du rebellocrate décrit jadis par Philippe Muray, est parvenu à se faire une place sous les projecteurs médiatiques à force d’arrogance et de bêtise, malgré (ou grâce à ?) une culture d’une profondeur égale à la largeur de celle de Mathieu Slama, son pendant médiatico-universitaire.

Gesticulations

Ses récentes réflexions nazifiantes sur l’Algérie française ne servent qu’à masquer une ignorance naturelle et une médiocrité intellectuelle qui transcendent les standards habituels. M. Aphatie imagine qu’il suffit de gesticuler bruyamment de la bouche pour convaincre – il croit que ses postillons sont des mots. Derrière l’agitateur frénétique, l’on devine un esprit étriqué, intolérant, intellectuellement limité, aussi fin qu’un parpaing, aussi subtil qu’une bûche, aussi profond qu’un roman d’Annie Ernaux. M. Aphatie exècre ce qui est au-dessus de lui. Or, presque tout est au-dessus de lui – d’où ses nombreux excès de haine bilieuse. Certains préconisent d’interdire d’antenne cet atrabilaire belliqueux. Ce serait une erreur pour deux raisons : la première est que cela contreviendrait à l’idée, défendue par l’auteur de ces lignes, que la liberté d’expression doit être totale. La seconde est d’ordre anthropologique et historique. L’observateur assidu des phénomènes humains, y compris ceux pouvant expliquer le déclin d’une profession, ne saurait ignorer un cas comme celui de M. Aphatie, échantillon parfaitement représentatif d’un journalisme « progressiste » et sectaire ayant encore pignon sur rue. M. Aphatie est par conséquent d’une grande utilité. M. Cohen, dans un autre genre, n’est pas moins intéressant. Après avoir compulsé les parcours professionnels de ces figures emblématiques, le futur chercheur trouvera sûrement matière à disserter sur cette étrange caste médiatique n’ayant eu de cesse de vanter le pluralisme et, dans le même temps, d’interdire à ses contradicteurs de prendre la parole. Durant ses loisirs, il pourra de plus se lancer dans l’étude des phénomènes irrationnels en commençant par exemple par se demander comment un individu aussi limité et dérisoire que M. Aphatie a pu parvenir à passer pour une sommité dans certains médias…

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[1] Exemple de sanction avec amende appliquée à CNews : en août 2023, dans l’émission Punchline, l’économiste Philippe Herlin a eu l’outrecuidance de… relativiser l’existence d’un lien entre les activités humaines et le réchauffement climatique en affirmant qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le sujet. CNews s’est alors vu infliger une amende de 20 000 euros par l’Arcom qui a considéré que « l’intervenant a pu exprimer une thèse controversée sans que la position qu’il défendait ne soit mise en perspective et sans qu’une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos ». Radio France peut ne recevoir sur ses antennes que des représentants du GIEC ou des militants acquis à la version apocalyptique des écologistes – jamais l’Arcom ne lui a reproché de « manquer à ses obligations » en n’assurant pas « l’expression de différents points de vue ». Au contraire, elle l’a laissée inscrire dans le marbre une censure qui ne se cache même pas : « Nous nous tenons résolument du côté de la science, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine », peut-on lire sur le site de la radio publique, dans sa charte écolo intitulée Le Tournant. Par conséquent, aucun scientifique remettant en question le rapport de synthèse du GIEC n’est invité sur le service public. Pire, lorsqu’une radio privée (Sud Radio) invite l’un d’eux, le physicien François Gervais en l’occurence, l’Arcom, sous la pression d’une obscure officine écologiste, met aussitôt en garde ladite radio en lui indiquant avoir relevé « plusieurs déclarations venant contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel ». Rigidifiés par l’idéologie et le pouvoir, ces gens-là ne se rendent même plus compte de ce qu’ils font et de ce qu’ils disent – s’ils avaient un minimum de culture historique, ils seraient affolés de constater que leur comportement est très proche de celui des agents staliniens qui surveillaient les scientifiques en URSS du temps de l’idéologie lyssenkiste, laquelle est devenue la risée de l’histoire – et il n’est pas impossible que l’idéologie climatiste finisse par connaître le même sort.