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Liberté d’expression ? On ferme !

Patrick Cohen se félicite de la fermeture de C8. De son côté, Jean-Michel Aphatie estime que les nazis se sont inspirés du comportement des colons français en Algérie. Didier Desrimais écoute trop la radio !


En France, une chaîne de télévision privée, regardée quotidiennement par des millions de téléspectateurs, a été interdite d’émettre sur une fréquence de la TNT. Personne n’est dupe : l’Arcom n’est pas qu’un outil de « régulation » mais aussi un appareil de censure, une officine politique à la solde du pouvoir en place. Sur CNews, Pierre Lellouche a lu, parmi les motifs invoqués par le Conseil d’État pour entériner les décisions de l’Arcom, une phrase qui semble extraite d’un roman orwellien décrivant une novlangue charabiesque permettant de justifier n’importe quelle décision autoritaire émanant d’une instance « indépendante » entièrement politisée : « Il incombe à l‘Arcom de choisir des projets qui contribuent au mieux à la sauvegarde du pluralisme du courant d’expression socio-culturelle, lequel participe de l’objectif constitutionnel de pluralisme de courant de pensée et d’opinion, et qui soit le mieux à même de répondre à l’intérêt public. » Le Conseil d’État a également argué du fait que « C8 a fait l’objet de nombreuses sanctions financières, mises en demeure et mises en garde de la part de l’Arcom pour des manquements, au cours des dernières années » – argument asséné par l’impayable Benjamin Duhamel sur BFMTV pour tenter de convaincre Michel Onfray qui ne s’en est pas laissé conter. Depuis 2012, C8 a en effet été sanctionné 38 fois par l’Arcom (dont 12 fois avec des amendes pour un montant total de sept millions d’euros !) ; l’ensemble des chaînes publiques (France TV, Radio France, Arte, France 24, RFI, LCP), seulement cinq fois (0 amende). Étrange ! Quand on consulte les motifs ayant conduit aux sanctions de C8, on comprend qu’il s’agissait surtout de charger la barque et de justifier à tout prix l’interdiction à venir. CNews reste dans le collimateur de l’Arcom – l’Agence de Répression et de Censure Officielle de certains Médias a en effet déjà sanctionné 18 fois (dont six fois avec des amendes)[1], celle qui est devenue, au grand dam de ses concurrentes et du pouvoir politique, la 1ère chaîne d’information continue.

Le parrain

Sur France Inter, Patrick Cohen se félicite, dans son éditorial du 20 février, de la décision qui a frappé C8. Il dit déceler dans les critiques contre l’Arcom un « mouvement d’allégeance à celui qui apparaît comme le parrain de toutes les droites, Vincent Bolloré ». M. Cohen est très en verve en ce moment quand il s’agit d’évoquer la liberté d’expression, liberté à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux, jure-t-il en se réjouissant de l’arrêt d’une chaîne de télévision. La moindre allusion aux journalistes des médias « bollorisés » déclenche chez lui des crises irrépressibles d’urticaire synaptique qui se traduisent par de longues diatribes enflammées contre les susdits et d’incessants appels à contrôler, réprimander, prohiber, interdire, censurer tout ce qui ressemble à une opinion différente de la sienne. « Ce n’est pas la liberté d’expression qui est bridée par l’arrêt de cette chaîne, c’est celle de propager n’importe quoi », conclut le commissaire radiophonique qui sait de quoi il parle – on se souviendra, entre autres, de la manière désinvolte et captieuse avec laquelle il présenta les événements de Crépol conduisant à la mort du jeune Thomas.

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Jean-Michel Aphatie a lui aussi jubilé en apprenant l’éviction de C8 de la TNT – il faut dire que l’émission Quotidien dans laquelle il officie souffrait de plus en plus de la concurrence de TPMP, l’émission de Cyril Hanouna sur C8. À propos de « propager n’importe quoi », M. Aphatie ne rate jamais une occasion de se faire remarquer. Sur RTL, devant un Thomas Sotto abasourdi par son aplomb, il a soutenu que « la France a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie » et que « les nazis se sont comportés comme nous l’avons fait en Algérie ». Ces allégations hallucinantes nous donnent l’occasion de rappeler quelques hauts faits de cet olibrius.

Dans l’émission “C ce soir”, M. Aphatie avait déjà comparé le général Louis Juchault de Lamoricière – le « père des zouaves » en Algérie – à un général SS. Il y a quelques jours, sur le plateau de Quotidien et sous le regard attendri d’un Yann Barthès resplendissant d’insignifiance, il affirmait que « ce que nous avons fait là-bas [en Algérie], c’est une boucherie que nous avons organisée ». Adepte des thèses « racialistes » et du wokisme ambiant, il n’avait pas hésité à parler sur LCI de « privilège blanc » à propos des essais nucléaires français dans le Sahara au début des années 60. M. Aphatie n’aime pas la police, se moque volontiers des catholiques, déteste l’histoire de France, en particulier le règne de Louis XIV, un « drame français », selon lui. Il y a quelques années, ce matamore agité avait confié que, s’il était président de la République, il ferait raser le château de Versailles « pour que nous n’allions plus là-bas en pèlerinage cultiver la grandeur de la France ». Pendant la dernière campagne présidentielle, il qualifia les Français prêts à voter pour Éric Zemmour de « Français de chez les Français qui puent un peu des pieds » ; quant à Zemmour lui-même, il le traita de « cochon de la pensée » – mais refusa de débattre avec lui, certain qu’il était de se faire écrabouiller. Un soir, sur LCI, il amusa la galerie en affirmant que « le soldat inconnu, on ne sait même pas s’il est Français ! Il est inconnu… ». Ce cuistre, qui se croit indocile alors qu’il est une caricature du rebellocrate décrit jadis par Philippe Muray, est parvenu à se faire une place sous les projecteurs médiatiques à force d’arrogance et de bêtise, malgré (ou grâce à ?) une culture d’une profondeur égale à la largeur de celle de Mathieu Slama, son pendant médiatico-universitaire.

Gesticulations

Ses récentes réflexions nazifiantes sur l’Algérie française ne servent qu’à masquer une ignorance naturelle et une médiocrité intellectuelle qui transcendent les standards habituels. M. Aphatie imagine qu’il suffit de gesticuler bruyamment de la bouche pour convaincre – il croit que ses postillons sont des mots. Derrière l’agitateur frénétique, l’on devine un esprit étriqué, intolérant, intellectuellement limité, aussi fin qu’un parpaing, aussi subtil qu’une bûche, aussi profond qu’un roman d’Annie Ernaux. M. Aphatie exècre ce qui est au-dessus de lui. Or, presque tout est au-dessus de lui – d’où ses nombreux excès de haine bilieuse. Certains préconisent d’interdire d’antenne cet atrabilaire belliqueux. Ce serait une erreur pour deux raisons : la première est que cela contreviendrait à l’idée, défendue par l’auteur de ces lignes, que la liberté d’expression doit être totale. La seconde est d’ordre anthropologique et historique. L’observateur assidu des phénomènes humains, y compris ceux pouvant expliquer le déclin d’une profession, ne saurait ignorer un cas comme celui de M. Aphatie, échantillon parfaitement représentatif d’un journalisme « progressiste » et sectaire ayant encore pignon sur rue. M. Aphatie est par conséquent d’une grande utilité. M. Cohen, dans un autre genre, n’est pas moins intéressant. Après avoir compulsé les parcours professionnels de ces figures emblématiques, le futur chercheur trouvera sûrement matière à disserter sur cette étrange caste médiatique n’ayant eu de cesse de vanter le pluralisme et, dans le même temps, d’interdire à ses contradicteurs de prendre la parole. Durant ses loisirs, il pourra de plus se lancer dans l’étude des phénomènes irrationnels en commençant par exemple par se demander comment un individu aussi limité et dérisoire que M. Aphatie a pu parvenir à passer pour une sommité dans certains médias…

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[1] Exemple de sanction avec amende appliquée à CNews : en août 2023, dans l’émission Punchline, l’économiste Philippe Herlin a eu l’outrecuidance de… relativiser l’existence d’un lien entre les activités humaines et le réchauffement climatique en affirmant qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le sujet. CNews s’est alors vu infliger une amende de 20 000 euros par l’Arcom qui a considéré que « l’intervenant a pu exprimer une thèse controversée sans que la position qu’il défendait ne soit mise en perspective et sans qu’une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos ». Radio France peut ne recevoir sur ses antennes que des représentants du GIEC ou des militants acquis à la version apocalyptique des écologistes – jamais l’Arcom ne lui a reproché de « manquer à ses obligations » en n’assurant pas « l’expression de différents points de vue ». Au contraire, elle l’a laissée inscrire dans le marbre une censure qui ne se cache même pas : « Nous nous tenons résolument du côté de la science, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine », peut-on lire sur le site de la radio publique, dans sa charte écolo intitulée Le Tournant. Par conséquent, aucun scientifique remettant en question le rapport de synthèse du GIEC n’est invité sur le service public. Pire, lorsqu’une radio privée (Sud Radio) invite l’un d’eux, le physicien François Gervais en l’occurence, l’Arcom, sous la pression d’une obscure officine écologiste, met aussitôt en garde ladite radio en lui indiquant avoir relevé « plusieurs déclarations venant contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel ». Rigidifiés par l’idéologie et le pouvoir, ces gens-là ne se rendent même plus compte de ce qu’ils font et de ce qu’ils disent – s’ils avaient un minimum de culture historique, ils seraient affolés de constater que leur comportement est très proche de celui des agents staliniens qui surveillaient les scientifiques en URSS du temps de l’idéologie lyssenkiste, laquelle est devenue la risée de l’histoire – et il n’est pas impossible que l’idéologie climatiste finisse par connaître le même sort.   

«Donald Trump est dans une logique transactionnelle permanente»

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Michael Shurkin est Américain, directeur des programmes de 14 North Strategies. Il est spécialisé dans les questions militaires et diplomatiques, notamment en Afrique et au Proche-Orient. Il répond ici à nos questions sur les premiers pas de l’administration Trump en Europe et au Moyen-Orient.


Causeur. Les premières semaines de la présidence Trump ont été rudes pour les relations entre le vieux continent et l’Amérique. Certains Européens voient dans les tractations de Donald Trump et ses déclarations, la volonté de soumettre l’Europe à un nouveau Yalta en laissant la Russie postsoviétique libre de nous menacer. L’Amérique voit-elle en l’Europe une puissance molle mais néanmoins menaçante pour ses intérêts commerciaux ?

Michael Shurkin. D.R.

Michael Shurkin. Aucune idée. Donald Trump sème le chaos. Je ne sais pas comment, après quatre ans à ce régime, les États-Unis s’en sortiront. Donald Trump a une logique transactionnelle. C’est ainsi qu’il comprend les échanges entre États. Cela vient de sa profession, de ses expériences de vie. Il fut d’abord un promoteur immobilier. Le choix pour les Européens sera assez binaire. Soit aborder les relations transatlantiques comme relevant d’enjeux strictement commerciaux, soit faire le dos rond. Dans la deuxième hypothèse, l’Europe devra trouver les ressources et les moyens pour affirmer sa singularité et son autonomie.

Croyez-vous en les capacités françaises et européennes de résistance aux prédations de l’administration Trump et aux menaces militaires russes ?

L’Europe se trouve dans une situation analogue à celle de la fin des années 1930, lorsqu’elle avait le choix de répondre fermement à Hitler, mais qu’elle n’a pas su le faire. La Grande-Bretagne et la France ont alors surtout manqué de courage. Ces deux nations avaient les moyens militaires, diplomatiques et économiques de répondre à la menace. Mais l’apparition de l’URSS et du nazisme, associées aux souvenirs des terribles épreuves de la Première Guerre mondiale, ont entravé leurs capacités de décision et d’action. Aujourd’hui, les Européens doivent trouver en eux la force de s’unir et de faire preuve de la détermination qui leur a fait défaut dans les années 1930. En effet, l’Europe a tout à fait les moyens de résister. Elle en a les ressources. C’est juste une question de volonté. La France a d’ailleurs un rôle moteur à jouer.

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Comment expliquez-vous les attaques constantes de Donald Trump contre des alliés (Canada, Danemark, etc) depuis sa prise de fonction ?

Je pense que nombre de ses partisans apprécient le spectacle et la posture machiste de Donald Trump. Ce dernier doit, de son côté, évaluer que le risque pris est très faible que compte tenu du « hard power » limité desdits alliés en question. Le Canada et le Danemark sont pour lui faibles et font des cibles faciles. Les courants qui s’agitent au sein de MAGA sont nombreux. Je crois que l’influence de ces différents personnages, y compris d’Elon Musk, dépendra des capacités de chacun à rester dans le premier cercle de courtisans du « big boss » Donald Trump. Son instinct est celui d’un tribun de la plèbe, il aime jouer avec la foule et s’en faire apprécier. Il aime avoir le plus de « likes » possibles sur les réseaux sociaux. Cela ne m’évoque pas réellement le Kremlin, la meilleure comparaison possible serait avec les usages qui étaient en pratique à la cour du roi soleil à Versailles.

Concernant le conflit à Gaza, qu’avez-vous pensé des premiers actes de l’administration Trump ? Peut-on s’attendre à une relance des accords d’Abraham ?

J’espère que les déclarations outrancières de Donald Trump concernant Gaza auront pour effet de mobiliser les États arabes, et, idéalement, les Palestiniens eux-mêmes, afin qu’ils proposent des alternatives viables. Actuellement, il n’y a pas de solution crédible, et sans les menaces de Trump, je doute que quiconque en propose. Maintenant, peut-être que l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, etc. pourraient se sentir obligés de proposer quelque chose, n’importe quoi.

Il y a déjà des indices en ce sens. Le problème est que nous sommes encore loin de solutions viables, et que l’idée de déportations massives semble de moins en moins illusoire et délirante. Tout l’épisode Bibas et les bribes d’informations que les anciens otages partagent contribuent largement à diminuer l’empathie et la compassion. Malheureusement, je soupçonne que ce soit l’objectif du Hamas.

Trump vs Zelensky: un coup prémédité ou un simple coup… de gueule?

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Connu pour la brutalité de son expression, le président américain semble avoir dépassé ses propres standards au cours de son entretien avec son homologue ukrainien vendredi 28 février. L’altercation présage-t-elle véritablement d’un nouveau positionnement de l’Amérique sur le fond ?


Les commentateurs médiatiques et diplomatiques n’ont eu de cesse, depuis vendredi dernier, de revenir sur l’échange entre MM. Zelensky, Trump et Vance dans le bureau ovale. En France comme aux États-Unis, il s’est agi de déterminer dans quelle mesure le dialogue avait pu être préparé par la partie américaine ou si son apparence spontanée était sincère. Dans le courant du week-end, la chaîne d’information progressiste MSNBC a par ailleurs rappelé que ce n’étaient pas des premières tensions advenant entre les exécutifs des deux pays : un échange du même acabit était survenu entre Biden et Zelensky — hors caméras, en l’occurrence.

Biden prudent

En juin 2022, le président démocrate avait en effet reproché à son homologue ukrainien de se montrer trop vindicatif et pas suffisamment reconnaissant dans ses relations avec la diplomatie américaine. Dès lors, on peut admettre que, si le prédécesseur de Donald Trump tenait un discours moins ambigu que l’actuel résident de la Maison Blanche, il a largement contraint l’Ukraine à une forme d’attentisme qui s’avère aujourd’hui mortifère. En effet, les États-Unis constituent à eux seuls près de la moitié de la somme déployée pour soutenir le pays depuis l’invasion russe. L’investissement est considérable, mais l’administration démocrate s’est constamment assurée que l’Ukraine ne dispose pas des moyens d’entreprendre une quelconque offense à l’encontre de l’agresseur.

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Empêcher la prolifération du conflit était louable, bien entendu, mais le refus américain de consentir à l’octroi d’armes en mesure de frapper la Russie sur ses sites stratégiques a longtemps contraint l’Ukraine à une position d’extrême faiblesse dans son rapport de force. Cette posture, adoptée par Joe Biden, semble d’autant plus irresponsable a posteriori que l’incertitude du comportement de Trump était une donnée connue de longue date. Ce n’est par exemple qu’au cours de 2024 que les missiles semi-balistiques ATTACMS ont été livrés à l’Ukraine, qui en motivait la demande depuis longtemps, tandis que les premières frappes les employant n’ont été autorisées qu’à la fin de l’année.

Kiev, jusqu’alors contraint à une défense sous-dimensionnée face à l’invasion de son territoire et limité à la destruction des armements les plus proches de ses frontières, ne pouvait que difficilement freiner la progression russe. La seule opération consentie par Biden qui pourrait véritablement servir l’Ukraine dans les négociations que Trump souhaite entreprendre reste l’incursion dans la région de Koursk. En effet, à la différence d’une invasion, une incursion peut être légitime au regard du droit international lorsqu’elle permet l’accomplissement d’objectifs purement militaires, sans ambition politique ou civile ni établissement sur le long terme.

« Vous n’avez pas les cartes en main »

Depuis la semaine dernière, l’administration républicaine ne cesse de dire que Zelensky aurait dû adopter un comportement différent parce qu’il ne dispose en l’état actuel d’aucune « marge de manœuvre ». S’il est assurément en position de faiblesse, la présence ukrainienne à Koursk pourrait précisément constituer le seul poids à faire valoir dans la balance contre la Russie. Du reste, la domination aujourd’hui subie par l’Ukraine subsiste le signe d’un engagement de l’administration Biden bien plus modéré que les Démocrates aiment à le répéter depuis l’altercation entre Trump et Zelensky.

En outre, il reste indubitable que les dizaines de milliards de dollars envoyés par les États-Unis à l’Ukraine — des armements militaires d’une valeur inférieure à 100 milliards couplés à un soutien gouvernemental et humanitaire d’environ 100 milliards — ont conduit à une situation actuellement insatisfaisante. Si Volodymyr Zelensky avait souhaité changer la donne, ou du moins s’assurer d’un appui verbal loquace de la part de Donald Trump, il aurait pu mettre en œuvre une part du génie diplomatique dont il a fait preuve depuis février 2022.

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En effet, le président républicain est attaché à la diplomatie bilatérale qui a placé les États-Unis au centre du monde le siècle dernier. C’est-à-dire qu’il faut, face à lui, faire preuve d’une flagornerie telle qu’elle rebuterait tout individu à l’égo normalement dimensionné. Le célèbre analyste politique républicain de CNN, Scott Jennings, argumentait ainsi vendredi soir qu’il n’eût pas été bien difficile pour Zelensky de faire croire à Trump qu’il le considérait tout particulièrement : « tout ce qu’il avait à faire était de mettre une cravate, se montrer, sourire, dire “merci”, signer la paperasse, et aller manger. » Bien sûr, l’acharnement républicain contre la tenue de Zelensky prête à sourire au vu du style adopté par Elon Musk, mais il reste vrai que celui-ci est un bénévole au service du gouvernement fédéral, tandis que la visite du président ukrainien devait remplir d’autres objectifs.

Fox News prend ses distances avec Trump

Avec son attitude, Trump semble espérer retirer la Russie à l’axe sino-iranien qui se dessine. Il néglige cependant qu’il paraît invraisemblable que les autres démocraties libérales acceptent de réintégrer Vladimir Poutine à leur ordre diplomatique et économique. De surcroît, les bénéfices réalisés par la Russie grâce aux drones kamikazes iraniens et son alliance avec la Chine sont considérables.

Alors, le président américain pourrait-il changer de position ? Le thermomètre le plus efficace de la mentalité républicaine reste la chaîne d’information Fox News. Sur la question ukrainienne, depuis quelques semaines, on ne saurait la voir comme un soutien aveugle à l’administration en place. D’ailleurs, plusieurs membres du cabinet de Trump sont d’anciens présentateurs de Fox News et cette situation donne parfois lieu à des échanges incongrus. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, était par exemple interrogé par l’excellente Shannon Bream dimanche 23 février. Lorsque celui-ci a évoqué une simple « incursion » russe et refusé de reconnaître que l’Ukraine avait subi une invasion « unilatérale » de son voisin, la journaliste n’a pas hésité à faire remarquer à son ancien collègue qu’il condamnait avec affirmation la Russie quand il travaillait à Fox il y a quelques semaines encore.

En somme, si l’échange dans le bureau ovale vendredi confirme que Trump ne s’exprime pas comme Biden, le présenter comme le seul responsable d’un accord qui profitera plus à la Russie qu’à l’Ukraine relève d’une étonnante glorification du mandat de Biden.

Pour que le plaisir dure encore longtemps…

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Monsieur Nostalgie évoque la figure d’Herbert Léonard, disparu hier à l’âge de 80 ans, interprète de plusieurs tubes immarcescibles des années 1980…


On parle souvent de la malédiction du tube unique qui cacherait la valeur intrinsèque de l’artiste. Comme si le succès, fatalement, entraînerait le chanteur de variété dans une longue pénitence, obligé d’égrener son standard à l’infini sur les plateaux ou dans les kermesses commerciales. Toute une vie ramenée à une chanson tutélaire, résumée à un refrain, interminable sillon qui vous oblige à répéter les mêmes gestes et oblitère votre spectre musical.

La musique d’une jeunesse

Herbert Léonard a possédé dans son répertoire non pas un titre mais une poignée de chansons d’amour et d’emballement qui ont cristallisé une époque bénie. Celle des effleurements et des rencontres fortuites, des bals de village et des slows en discothèque de province. Quand le flirt n’était pas honni des rapports humains et que le plaisir n’était pas la maladie honteuse des « boomers ».

A lire aussi, du même auteur: La fin du Macumba

À cette époque-là, la jeunesse croyait sincèrement aux incantations de Gilbert Montagné et de Julio Iglesias. Elle avait soif en l’Autre et s’inventait des vies à la Châteauvallon. Elle n’avait pas honte des rengaines populaires, elle ne se faisait ni procureure, ni justicière de ses aïeux, elle vivait sa vie sans idéologiser. Elle ne se perdait pas en arguties virtuelles. Elle ne se regardait pas vivre. Cette jeunesse-là était dans l’instant, dans la soirée du samedi à venir, dans la conquête et les rires complices, elle brûlait son trop-plein d’énergie sur les pistes. Elle n’avait pas vocation à sermonner l’humanité. Elle connaissait le prix du labeur et des impasses sociales. Elle bossait à l’usine au pied d’une machine et sortait d’une année de service militaire. Elle n’était pas idiote sur ses chances de réussite. Au Grand Soir, elle préférait attendre son messie des ondes, en smoking, qui lui raconterait des histoires un peu trop brillantes pour être vraies. Cette jeunesse-là n’était dupe de rien. Elle ne se posait pas en génération moralisante ou en victime pleureuse.

Nous ne le zapperons pas sur la FM

Herbert, pas bégueule, voix bien posée, nous accordait la permission d’enjoliver notre quotidien : mettre « un peu de rêve à notre vie » ou « un soir, claquer tout d’un seul coup ». Son message serait-il entendable aujourd’hui où sont réglementés chacun de nos pas, chacun de nos mots et chacune de nos pensées ? Sur un filet de synthé, dans un romantisme carnassier métallique, une noirceur sous-jacente, son « puissance et gloire » est un chef-d’œuvre d’éducation sentimentale à la progression lente. Tout y est condensé, comprimé en trois minutes : l’aventure, la passion, le trouble et le goût du tumulte. Qui n’a pas écouté ce titre miroitant dans une turbulente 205 GTI blanche à vingt ans, sur une départementale désertique, au cœur du Berry ou du Morvan ne connaît rien des imaginaires français et des élans incertains. Le charme d’un tube qui traverse les décennies, c’est justement d’ancrer notre mémoire, de fossiliser une histoire, de rameuter les souvenirs, d’habiller nos errements. Et un homme sans souvenir est l’ennemi du genre humain.

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Finalement Herbert, sans la pompe des poètes, sans l’égo des romanciers, aura eu bien plus de résonance dans nos propres vies que nos lectures besogneuses. Évidemment, sur le moment, personne n’aurait songé à qualifier son répertoire d’essentiel, on daubait sur cette production commerciale, insane aux oreilles des « sachants », on salissait déjà « le populaire » pour mieux le liquider. Nous réécouterons longtemps encore Herbert, nous ne le zapperons pas sur la FM, alors que les penseurs magistraux, encensés sur les barricades, voient leurs œuvres se déconstruire sous le poids des mensonges et de leur folle propagande. Aujourd’hui, Herbert a définitivement gagné la bataille idéologique. Et, si au contraire, le tube était une bénédiction, s’il ouvrait la constellation des possibles. Nous sommes émus car Herbert était un confrère, un journaliste féru d’aéronautique et auteur de livres. Nous avions partagé le même éditeur de beaux livres spécialisé dans les passions enfantines. Quand on écrivait sur les vieilles automobiles, Herbert planchait sur les vieux coucous. Nous avions les mêmes coffres à jouets.

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L’Algérie, le poing faible d’Emmanuel Macron?

Un ultimatum et des divergences. Le 26 février, François Bayrou a annoncé qu’Alger disposait de « quatre à six semaines » pour réadmettre une liste prioritaire de personnes expulsées de France. Deux jours plus tard, en conférence de presse au Portugal, Emmanuel Macron a écarté toute possibilité de remettre en cause les accords migratoires, jugeant une dénonciation unilatérale insensée. « On ne va pas les dénoncer de manière unilatérale, ça n’a aucun sens ». De son côté, Bruno Retailleau continue de plaider pour une approche plus ferme.


Sans doute des analystes avertis de la vie internationale seraient-ils plus à même que moi de comprendre et d’expliquer l’étrange contraste du comportement présidentiel. Entre d’un côté son attitude irréprochable, au nom de la France et de l’Europe, face à la Russie et pour la sauvegarde de l’Ukraine avec tout le respect dû au président Zelensky, et de l’autre son entêtement dans une politique de faiblesse à l’égard de l’Algérie.

Tebboune a-t-il des dossiers sur le président français ?

Je tiens d’autant plus à voir clair dans cette alternative que j’ai encore dans l’esprit et la vision la honteuse prestation du couple dirigeant américain face à la solitude vaillante mais humiliée du président ukrainien. Avec pour conséquences inéluctables des insultes russes – Medvedev s’est particulièrement distingué dans l’outrance bestiale – et l’appel à la mesure et à la rationalité du président français. Celui-ci, n’en déplaise à ses adversaires compulsifs, continue son sans-faute sur ce plan et, on peut le dire sans tomber dans la grandiloquence, sauve l’honneur du camp occidental.

Pourquoi est-il si irréprochable à propos du lointain et tellement décevant au sujet du proche, l’Algérie ?

Éliminons d’emblée les thèses complotistes qui par exemple supputent que le président algérien saurait « des choses » sur Emmanuel Macron qui serait ainsi condamné à la frilosité…

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Trouble allégeance

Il me semble d’abord que malgré la proximité créée par notre histoire commune avec l’Algérie, le conflit relève de la vie internationale dont on sait qu’elle est le domaine exclusif du président. Et bien davantage depuis que son implication demeure la seule manière de montrer qu’il a encore du pouvoir avec en plus un ministre des Affaires étrangères sans éclat… Il ne tient pas à sacrifier cette part qui lui reste.

Cette volonté est d’autant plus affirmée qu’elle jette une lourde pierre dans le camp du Premier ministre – qui en plus avait eu l’outrecuidance d’évoquer un référendum quand Emmanuel Macron s’en était réservé l’idée, encore dans les limbes aujourd’hui ! – et du ministre de l’Intérieur. Pourtant François Bayrou avait conçu, dans une démarche progressive et intelligente, une riposte au cynisme algérien et Bruno Retailleau avait bien été obligé de se mêler de ce sujet puisque le président paraissait s’en désintéresser.

Les accords de 1968 sur la balance

Numéro 128 de Causeur

On constate que le président Macron n’a d’ailleurs repris publiquement la main que pour s’opposer à une rupture unilatérale, récuser la révision des accords de 1968 et vanter une solution diplomatique qui paraît au point mort avec la crainte tragique pour la vie de Boualem Sansal. Et notre humiliation avec ces malfaisants Algériens commettant des horreurs sur notre sol que leur pays, contrairement au droit international, refuse de reprendre sur un mode obstiné et arrogant.

Faut-il voir dans ce désaveu présidentiel autre chose qu’une manœuvre de politique intérieure ? Par exemple, analyser le refus de la fermeté comme la crainte qu’on projette la lumière non pas sur la reconnaissance du Sahara occidental mais sur l’embardée qui a conduit la France, en faveur du Maroc, à radicalement changer son point de vue sans que progressivement l’Algérie ait pu s’y préparer ?

A lire aussi, Driss Ghali: Algériens, une diaspora disputée

Sur un plan psychologique, ne retrouve-t-on pas la constance d’un caractère qui s’est défié de l’autorité régalienne et qui en revanche, dans le registre international, s’est parfois surestimé au point de s’imaginer capable de résoudre les conflits par la seule force de son argumentation et d’un dialogue au plus haut niveau ? Pourtant cette présomption, si elle l’habite, aurait dû se dissiper en voyant le peu de résultats, voire les conséquences négatives de ses entremises, avec Donald Trump encore récemment.

Il y a un moment où, en matière géopolitique, une certaine fermeté n’est pas une faute ni une impulsivité fâcheuse mais sans doute l’unique moyen de concilier les intérêts de son pays (OQTF), le refus de le voir ridiculiser et l’honneur de s’attacher à une cause universelle (Boualem Sansal).

L’Algérie est clairement le poing faible du président de la République. Je ne voudrais pas qu’à cause de cette disposition, la France se retrouvât au tapis…

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La France abîmée !

La France s’effrite sous le poids de l’irresponsabilité collective. Mais à force de tout abîmer, on risque de ne plus avoir de France à réparer, s’indigne notre chroniqueuse


Il faut vraiment s’inquiéter de ce que nous vivons dans notre pays et peut-être se sentir tous responsables d’abimer notre pays.

Nos politiques d’abord abiment la République.

La gauche fracture la société avec délectation, tout un programme politique. Il paraît toutefois que la gauche n’est jamais « extrême » ainsi en a décidé le Conseil d’état. Cette gauche donc aujourd’hui abîme la réussite, l’enrichissement, l’ambition, sans faire la différence avec ce que cela entraîne de positif.

La droite nous abîme par son inaction coupable depuis des années, par ce qu’il aurait fallu faire pour que nous ne sombrions pas dans un envahissement de normes, de lois, d’antilibéralisme et d’immigration non maitrisée.

Le parti LFI abîme très profondément l’image de l’Assemblée nationale : l’unité parlementaire, le respect par l’absence de tenue, l’éthique par une permissivité outrancière, ses propos outrageants…

Les syndicats abîment les relations avec l’entreprise et même avec les salariés, par une idéologie héritée de la Révolution française et transposée au monde de l’entreprise.

L’Éducation nationale abîme nos enfants, les entrainant dans une baisse de niveau régulière et se substituant aux parents sur des questions qui ne la concernent pas.

Les parents abîment l’autorité en général, en ne l’assumant pas face à leurs propres enfants et en ne faisant pas, ou très peu, confiance aux professeurs, leur donnant systématiquement tort face à leurs élèves… surtout s’il s’agit de faire preuve de sévérité.

Tous irresponsables !

Les journalistes abiment l’information, en la traduisant selon leurs propres convictions avec un manque d’objectivité croissant. Les instances de régulation en la matière sont tout aussi partisanes, allant jusqu’à supprimer la liberté d’expression, convaincus qu’ils sont d’être dans le camp du bien.

Les cadeaux aux Français d’un État nounou abîment nos finances au-delà de l’imaginable.

La République abîme notre sens de la responsabilité, en décidant de tout pour nous, toujours au nom de notre bien : santé, circulation routière ou autre, sécurité, programmes télévisés à regarder ou pas.

L’État omniprésent abîme la société française en contribuant à la fracturer aussi bien par l’impôt que par les distinctions et clivages, au nom d’une égalité abstraite.

Les réseaux sociaux – donc nous-mêmes ! – abimons la société par des positions non objectives et une soumission à des dictats sortis de nulle part. La perte d’objectivité est acceptée car l’individu et les jeunes en particulier estiment qu’ils ont le droit de penser ce qu’ils pensent sans plus s’intéresser à la recherche de la vérité.

A lire aussi, Stéphane Germain: Dégraisser le mammouth? Non, le dépecer!

Les juges abîment la justice par juridisme et partialité. Le pays n’a plus confiance en sa justice, ce qui encourage la délinquance.

La « bienveillance » politisée abîme le principe d’autorité en ne rendant plus les sanctions exemplaires.

La tolérance et la culpabilité nationale, érigées en politique de l’excuse, abîment notre récit national et nous ôtent la fierté d’être français au nom d’une repentance mal comprise.

La fracture sociale créée par des hommes politiques qui font passer leur réussite électorale avant l’intérêt général.

Trop de blabla

L’État abîme l’entreprise en considérant que les grandes en particulier, doivent « payer » la sanction de leur réussite.

L’exigence de laïcité nous interdit de nous souvenir que la France est aussi le fruit d’une culture catholique historique et abîme nos convictions que l’on veut voir disparaitre.

Les inspecteurs en tous genres abîment le fonctionnement de nos PME en ne pensant qu’à entraver et leur liberté et leur développement et la gestion de leurs propres salariés.

La fonction publique telle qu’elle est gérée, abîme l’égalité entre salariés qui devraient être égaux sur tous les plans.

Les politiques successives ont abîmé les fonctions régaliennes de l’État, oubliées au profit des indications du nombre de fruits et légumes à consommer quotidiennement.

Il faut réparer la France comme on a réparé Notre-Dame de Paris. Pas besoin de débat. Pas besoin de référendum dans tous les sens. Redressez-vous et regardez-vous dans les yeux.

La France sens dessus dessous !: Les caprices de Marianne

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Cinquante nuances de «hussard»

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Monsieur Nostalgie nous parle de la famille élargie des Hussards dont quelques membres plus ou moins éloignés publient, entre la fin février et le début du mois de mars, des romans, récits ou nouvelles. De Neuhoff à Quiriny en passant par Bilger et Cérésa, toute la panoplie des réfractaires, du romantique au boulevardier, nous ouvre la voie de la dissidence…


Les Hussards, c’est le mouvement littéraire le plus commode pour un critique. Aucun risque de se tromper. N’ayant jamais été défini clairement, il peut, par nature, tout englober. On peut donc impunément y inclure des têtes bien connues et de nouveaux talents, des plumes allant du réfractaire au réprouvé, du sentimental au pinardier, du mémorialiste au comique troupier. Cette famille n’exclut personne, les adeptes de la phrase courte comme de la phrase charnue, du je-m’en-foutisme au révolté pétaradeur, les apatrides de la littérature officielle y ont l’asile permanent.

Quand le style l’emporte sur les considérations politiques

Contrairement à l’existentialisme ou au Nouveau Roman, le manuscrit dit « Hussard » n’est pas à thèse, il préfère la liberté à la bride, le genre pluriel à la schlague idéologique. Ce qu’on lui reproche avant tout, c’est d’avoir flirté historiquement avec le mauvais bord. En littérature, rappelons qu’il n’y a pas de mauvais bord, je choque souvent mes confrères en leur disant qu’il y a deux sortes de livres : les écrits et les non-écrits. On me sermonne, me prenant pour un naïf ou un rétrograde qui s’attacherait seulement au style et rien qu’au style. Effectivement, le reste est accessoire. Et il se trouve que chez les Hussards des origines à nos jours, le souci de bien écrire l’emporte sur les considérations politiques. J’appelle ça la politesse de l’auteur. Le lecteur a comme droit fondamental, de ne pas se fader des romans vaseux dans un français approximatif. En outre, ayons la décence de ne pas l’importuner avec des théories sans queue, ni tête et des dérives victimaires à plus soif. Arbitrairement, c’est mon seul luxe, j’ai réuni sous la bannière « hussard », des écrivains qui me semblent aller à reculons des modes, c’est-à-dire dans le bon sens vers le bon goût. Ces auteurs-là, de générations différentes et aux parcours variés, ont cependant un dénominateur commun. Ils chassent sur leurs propres terres ; au fil de leur œuvre, ils creusent un sillon distinctif, pas toujours rectiligne, mais qui place la littérature dans le domaine des rois. Ils n’avancent pas avec la meute, ils ne se veulent pas disruptifs pour faire les intéressants, ils ne communient pas avec les idées en vogue du moment, ils laissent filer leur plume, là où leur cœur balance. Je vous propose quelques livres parus ou à paraître durant ces vacances d’hiver.

A lire aussi: La boîte du bouquiniste

Langue nerveuse et pétillante

Avec Pentothal1, Éric Neuhoff, qui fut dans sa jeunesse qualifié de néo-hussard a gardé le sens du rythme, son staccato d’écriture est toujours aussi agréable à l’oreille, ça sonne comme une samba pluvieuse qui aurait façonné sa mélancolie. Il nous a déjà parlé de son accident de voiture en Espagne et de la perte de son ami. Là, il se dévoile ; chez ce hussard, le dévoilement n’est pas crudité ou nudité intégrale, il serait plutôt fermentation des temps heureux, fracture d’une jeunesse gorgée de soleil, et puis après le drame, l’hôpital, l’errance dans un autre monde, le souvenir des fumeroles d’une convalescence et l’apprentissage d’un nouveau corps. Neuhoff n’aurait pas écrit, c’est une évidence, le même livre à trente ans, il est pudique, et malgré tout, il évoque ce passé, le fait briller à sa manière si particulière, sa nostalgie est encore plus abrasive, elle brûle la peau. Toute famille hussard doit avoir son tonton batailleur, sabre au clair et mort aux cons. François Cérésa, le pirate de Service Littéraire, revient avec Pavillons noirs, un roman historique retraçant les aventures des derniers flibustiers français aux Antilles, un hommage aux libertaires de l’île de la Tortue et aux affranchis de tous les pays. Ce grand escogriffe se marre et nous avec. Car, chez lui, la langue ne postillonne pas, elle est tonitruante, pleine d’actions et de rires, elle est nerveuse, pétillante, jamais lâche. L’animal est parfois dur à suivre, il a de la ressource, la verve des possédés. Son souffle de vie s’entend encore plus fort. La légende « Hussard » est potache, on s’amuse à les dessiner bambocheurs, pilotes de course ou leveurs de coude. C’est le catafalque où repose la dépouille du cercle original des hussards. Un moyen bien pratique pour disqualifier leurs textes. Il existe pourtant des hussards romantiques et nuancés. Philippe Bilger2, fin observateur de la vie politique, dans un essai intitulé MeTooMuch ? égrène quelques réflexions sur les rapports entre les hommes et les femmes. Il déplore la judiciarisation et les haines recuites, l’impossibilité de trouver un terrain d’entente, qui jadis faisait le bonheur des amoureux. Philippe est un amoureux qui veut aimer en toute innocence. Cet essai vif fustige évidemment notre époque heurtée et les dérives de tous les mouvements. Mais, cet homme nuancé, posé, réfléchi qui affectionne par-dessus tout, la joute oratoire et l’esprit français, regrette les élans sincères avant que la suspicion ne vienne tout salir. Désormais quand je penserai aux amoureux de Peynet, je verrai distinctement le visage de Philippe sur un banc public embrassant sa tendre épouse. Enfin, dans cette nouvelle famille hussard que je dessine à gros trait, il y a une filiation évidente entre Bernard Quiriny qui publie Nouvelles nocturnes et le tutélaire Marcel Aymé. Une invention caustique, une fantaisie qui se duplique, une aisance à se libérer de tous les carcans, une vrille qui amène ses personnages sur des terres meubles. Son recueil de nouvelles est aérien. Je veux dire par là, que ses scènes fort amusantes ne sont pas lourdes ou affreusement poseuses. Elles enchantent par leur ironie et une forme de virtuosité tranquille. Quiriny met un grand coup de balai dans les imaginaires figés.


Pentothal d’Éric Neuhoff – Albin Michel

Pavillons noirs de François Cérésa – Les Editions de Maris Max Chaleil

MeeTooMuch ? de Philippe Bilger – Héliopoles – sortie le 6 mars

MeTooMuch ?

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Nouvelles nocturnes de Bernard Quiriny – Rivages – sortie le 5 mars


  1. Lire l’article de Philippe Lacoche https://www.causeur.fr/eric-neuhoff-pentothal-retour-sur-le-drame-de-sa-vie-302594 ↩︎
  2. Retrouvez notre ami Philippe Bilger dans les colonnes de Causeur: https://www.causeur.fr/author/bilger ↩︎

Il y a une vie après l’Assemblée…

Le mois de janvier est habituellement celui des bonnes résolutions (et il y a matière à en prendre…). Pour les élus locaux, c’est aussi le mois des galettes des rois quasi quotidiennes ! Alors, puisqu’il me reste quelques jours, et en attendant les crêpes du mois prochain, je vous souhaite une bonne et heureuse année 2025 !


Enrico Macias

J’avoue ne pas écouter en boucle notre chanteur égérie des pieds noirs. Pourtant, je n’aurais manqué pour rien au monde le concert qu’il a donné à Béziers juste avant Noël. Et pour cause, les habitués des manifestations contre Israël avaient décidé de nous le gâcher. Enfin, c’est ce qu’ils avaient fanfaronné. Souvenez-vous, ils avaient peu apprécié les propos tenus par le chanteur quand LFI refusait, juste après le 7-Octobre, d’employer le mot de terrorisme pour qualifier les assassinats. « Il faut les dégommer.» « Peut-être même physiquement », avait-il ajouté, tout en concédant un « j’exagère, je sais ! ». Tous comptes faits, nos manifestants de pacotille n’étaient même pas dix. Beaucoup d’émotion en revanche dans la salle de concert et un public enthousiaste. Enrico va pouvoir revenir, il les a dégommés !

Au cachot !

Dans un discours d’une rare violence, Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, a qualifié fin décembre l’écrivain Boualem Sansal d’« imposteur qui ne connaît pas son identité ». Davantage dirigée contre la France elle-même que contre l’auteur, cette diatribe en dit long sur la détestation et la rancœur que nourrit le pouvoir algérien envers notre pays et sur le peu de clémence qu’il faut en attendre pour la libération de cet homme libre… Ce qui rend encore plus indispensable une mobilisation qui n’est pas franchement massive chez nous. En atteste le papier écœurant de Télérama, et même certaines émissions de notre service public. Entendons-nous bien, la pire des choses qui puisse arriver à Boualem Sansal, c’est l’oubli… Amis de la liberté, faites entendre vos voix !

Toucher le fond

Les « ami.e.s de la Médiathèque de Béziers » ne sont pas contents. Ils estiment que, depuis l’élection de Robert Ménard à la tête de l’agglomération de Béziers et de sa présidence à la médiathèque, cette dernière est le lieu de « prises de position partisanes ou unilatérales concernant l’actualité (ex : conflit israélo-palestinien) ». En cause, l’affiche d’une conférence sur le terrorisme du Hamas qui reflète, selon eux, « un positionnement partial en faveur d’Israël ». Ah oui, j’oubliais : Les « ami.e.s de la Médiathèque de Béziers » (qui représentent moins de 3 % des usagers) ont également demandé le retrait de la bâche installée sur la façade de l’édifice culturel et qui demande la libération de Boualam Sansal. Une demande de libération sûrement trop partisane…

Les coiffeurs du cœur à Béziers !

Le dernier dimanche de chaque mois, les « coiffeurs du cœur » accompagnent les bénévoles des Maraudes 34 qui offrent un repas chaud aux personnes en difficultés financières. Les coiffeurs du cœur, eux, proposent une coupe de cheveux à tous ceux qui souhaitent continuer à prendre soin de leur personne. Et retrouver un peu d’estime et de confiance en soi. Je suis admirative de ces gens qui se relaient pour offrir, à ceux qui en ont besoin, le petit coup de pouce qui fait parfois la différence. De quoi continuer d’espérer en l’humanité…

Le Menhir n’est plus

Jean-Marie Le Pen est mort. Aussitôt, on a assisté à des scènes de liesse pour célébrer son décès. Des sortes de danses macabres qu’on croyait oubliées dans nos sociétés depuis le Moyen Âge… Des charognards. À vomir. Du côté de ses partisans, on ne fait pas dans la mesure non plus. Tous ceux qui osent rappeler les outrances et les provocations de la figure la plus controversée de notre histoire politique récente sont aussitôt vilipendés. Robert et moi avons interviewé durant de nombreuses heures le président du Front national de l’époque. Il nous faisait confiance, ayant compris que nous ne cherchions pas à le piéger. Juste à connaître la vérité. Et si on publiait enfin notre livre ?

Charlie

Le maire de Béziers a encore frappé. Durant quelques jours, les Biterrois ont en effet pu admirer sur les « culs de bus » de l’Agglomération un impertinent « N’oubliez pas de trier les déchets » qui surplombait les photos de trois charmants personnages : Vladimir Poutine, Kim Jong-Un (Corée du Nord) et Ali Khamenei (Iran). Cela n’a hélas pas fait rire tout le monde et les menaces n’ont pas tardé. L’Iran a « fermement condamné l’action du maire insultant les valeurs sacrées et les personnalités du pays ». L’opposition locale s’est d’ailleurs empressée d’emboîter le pas au dictateur iranien… Esprit Charlie, où es-tu ?

Calomniez, calomniez…

Transparence citoyenne, une association de « lutte contre la corruption et la gabegie de l’argent public » a demandé aux maires des villes de France de plus de 10 000 habitants de lui communiquer leurs notes de frais. Certains ont refusé de le faire. D’autres, n’ayant rien à cacher, se sont exécutés. Parmi eux, le maire de Béziers. L’association, après examen desdites notes, a demandé quelques informations complémentaires. Jusque-là, rien de bien grave. Oui mais voilà. Au lieu de demander des explications et de rendre publiques ses conclusions – positives ou non – après coup, l’association emploie de drôles de procédés. Elle avertit la presse locale avant même d’en informer le principal intéressé… qui ne peut donc pas répondre. La conséquence ne se fait pas attendre : France 3 titre « 30 000 euros pour débattre à la télé et promouvoir son livre » et parle de « déplacements suspects ». S’ensuit un déferlement de commentaires haineux sur les réseaux… Bienvenue au royaume des élus « tous pourris » ! Jusqu’à ce que, huit jours plus tard, l’association de chevaliers blancs adresse enfin un courrier au maire de Béziers pour : 1) présenter ses excuses pour n’avoir pas respecté le principe du contradictoire ; 2) le blanchir totalement puisque l’édile a apporté tous les éléments nécessaires prouvant que ses déplacements étaient bien en lien avec son mandat de maire. Fait étrange, cinq jours après la publication de ce courrier, France 3 n’avait toujours pas relayé l’information… Et si Transparence citoyenne s’intéressait aussi à l’éthique journalistique ?

Bruxelles au bord de la crise de nerf 

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« Good Move »… mais pour aller où ? 


« Un trou à rat. » La formule émane de Donald Trump. Déjà. Lors d’une interview accordée à Fox Business Network, le 26 janvier 2016, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle américaine qu’il remportera le 8 novembre. Prenant Bruxelles en « exemple » face à l’indispensable lutte contre le terrorisme et songeant à bannir certains ressortissants musulmans de son pays, M. Trump avait déclaré à la journaliste Maria Bartiromo : « Il se passe quelque chose, Maria. Allez à Bruxelles. J’y suis allé il y a longtemps, il y a 20 ans, c’était si beau, tout était si beau. Maintenant, c’est comme un trou à rat. » Le futur président américain n’ignorait sans doute pas qu’après les attentats de Paris en novembre 2015, Molenbeek avait été désigné comme le foyer djihadiste à l’origine de ces attentats.

Yvan Mayeur, maire socialiste de Bruxelles l’avait traité d’imbécile. Pourtant, derrière l’outrance du propos trumpiste réside toujours une part de vérité : le 22 mars 2016, Bruxelles était endeuillée par deux attentats sans précédent à l’aéroport de Zaventem et à la station de métro Maelbeek. Ces attaques ont été perpétrées par la même cellule terroriste d’obédience « État islamique » que celle ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, notamment via des individus liés au quartier de Molenbeek, considéré comme un foyer du radicalisme islamiste. Elles firent 35 morts et 340 blessés.

Trafic de drogues au lieu de terrorisme 

Aujourd’hui, bien que l’islamisme et les Frères musulmans fassent un travail d’entrisme plus discret dans la capitale, le problème semble avoir changé de nature et de commune : on assiste depuis quelques semaines à des fusillades incessantes autour du trafic de drogue, cette fois à Anderlecht (une autre des 19 communes de Bruxelles, à comparer avec les arrondissements de Paris bien qu’il s’agisse de véritables villes avec beaucoup plus de compétences). Cette situation quasi-insurrectionnelle met aux prises des criminels aguerris munis de kalachnikov qui se rient des autorités judiciaires en s’enfuyant dans des tunnels reliés au métro à la manière des tueurs du Hamas. Un des auteurs a bien été appréhendé mais le procureur du Roi s’est plaint récemment du manque de moyens des autorités pour faire face. Une situation qui est la conséquence d’un laisser-aller généralisé qui nuit terriblement à la réputation de Bruxelles, non seulement pour le tourisme mais en tant que capitale principale de l’Union européenne et quartier-général de l’OTAN, sans même mentionner capitale de la Belgique, de la Flandre et de la « Fédération Wallonie-Bruxelles ».

À lire aussi : Le métro bruxellois, symbole du déclin de la capitale belge

Certes, pour sauver un peu l’Office du Tourisme, il faut reconnaître que de nombreux quartiers ont été rénovés tandis que d’autres, tels ceux abritant les « réfugiés fiscaux » français ressemblent plutôt au 16e arrondissement de Paris. Mais certains autres quartiers laissent à penser que Bruxelles est une véritable poubelle. Le 25 février 2025, le patron des patrons bruxellois, Thierry Geerts (BECI) a déclaré à La Libre : « Une femme ou un homme d’affaires qui arrive à la gare de Bruxelles-Midi risque de vite faire demi-tour. »

Dette de 22 milliards en 2029 ? 

La Région est en outre, fortement endettée. La Cour des Comptes a refusé deux années de suite de valider les comptes de la Région bruxelloise en raison du manque de transparence au niveau des recettes et des dépenses !

Dans un rapport de juin 2024, le Centre de recherche en économie régionale et politique économique (CERPE) s’inquiète. Selon des projections du CERPE, en 2029, les recettes devraient atteindre 6 milliards pour une dette consolidée (critères de Maastricht) de 22 milliards. Pour une Région d’environ 1,2 million d’habitants. Ceci reviendra à un ratio de 322% de dette ramenée aux recettes en 2029, contre 207% en 2024. Abyssal.

Alors que la corruption gangrène une série de communes – les « affaires » du Centre public d’aide sociale d’Anderlecht n’étant selon le député Merry Hermanus que la partie émergée de l’iceberg -, il est évident qu’un effort d’assainissement budgétaire sans précédent sera nécessaire sous la prochaine mandature pour tenter de rééquilibrer les comptes de la Région. Inutile de dire que l’indispensable « métro nord » jusqu’à la gare de Bordet risque de passer à la trappe à moins de le faire financer par l’État fédéral.

À lire aussi : Quand le vote communautaire commence à se retourner contre les partis traditionnels à Bruxelles

Or les Bruxellois attendent depuis huit mois un gouvernement régional. David Leisterh (Mouvement réformateur, centre-droit), pressenti pour diriger la Région, a jeté l’éponge comme « formateur ». En cause, la nécessité de l’apport du Parti socialiste bruxellois qui refuse obstinément de gouverner avec la majorité flamande déjà constituée sous prétexte qu’y figure la N-VA (nationalistes flamands modérés). Ahmed Laaouej, le patron des socialistes bruxellois, considère la N-VA comme « xénophobe ». Cette formation politique est pourtant le premier parti de Belgique et le leader de la coalition Arizona au pouvoir depuis quelques semaines en Belgique. Le Premier ministre Bart De Wever serait donc xénophobe ? Les Flamands de Bruxelles répliquent que les Francophones n’ont pas à leur dicter leur majorité (une double majorité est nécessaire, francophone et flamande pour gouverner la Région). L’Open-VLD (libéraux flamands) refuse de toute façon d’échanger la N-VA par le CD&V (Démocratie chrétienne). Un peu à la manière de l’Assemblée nationale, aucune nouvelle élection légalement n’est possible à Bruxelles… Deux nouveaux « informateurs » ont été nommés pour démêler l’écheveau… La droite bruxelloise sera-t-elle reléguée dans l’opposition une nouvelle fois ?

Peur de gouverner 

On peut raisonnablement penser que le Parti socialiste bruxellois ne veut pas monter au pouvoir car il risque de « désespérer Billancourt » comme disait Jean-Paul Sartre à l’époque de l’Union soviétique. À savoir : accepter des économies drastiques et risquer l’impopularité auprès des populations précaires et immigrées qui sont ses principaux électeurs. Rappelons qu’il n’y a plus à Bruxelles qu’environ 25% de « Belges de souche » et que plus aucun parti politique bruxellois ne peut se passer de l’électorat musulman.

En parallèle, des dizaines voire des centaines de millions ont été dépensés pour paralyser la Région sous couvert de « Good Move » (une expression particulièrement cynique !) qui a fait fuir commerces et classes moyennes. Depuis au moins 1997, la Région de Bruxelles-Capitale a connu un solde migratoire net systématiquement négatif et très important en faveur de la Flandre et surtout la Wallonie1. Même si d’autres populations reviennent ou émigrent, c’est une saignée incontestable.

Par extension, selon le Plan Régional de Mobilité 2020-2030, le budget annuel de Bruxelles Mobilité s’élève à 894 millions d’euros. Ce budget, et d’autres encore, couvre une variété de projets et d’initiatives liés à la « mobilité », y compris ceux relevant du plan Good Move. Ces investissements visent à mettre en place une mobilité « douce », faite de piétons, vélos, trottinettes électriques. Mais, comme à Paris sous le règne d’Anne Hidalgo, cette politique anti-voiture a paralysé la ville et contribue à en chasser de plus en plus de commerçants qui attendent, tel Godot, une clientèle bourgeoise allergique aux transports en commun – d’autant plus avec la délinquance qui y règne.

On a l’impression que, depuis plus de vingt ans, la Région bruxelloise a été mise en coupe réglée par quelques lunatiques se trompant de priorité et qui se soucient comme d’une guigne de l’avenir économique de ce carrefour européen. Une ville aujourd’hui au bord du précipice.


  1. Les communes wallonnes qui cumulent 50% des migrations depuis la Région Bruxelles-Capitale, totalisent entre 1997 et 2016, 291.932 migrants vs. les communes wallonnes qui cumulent 50% des migrations vers Bruxelles totalisent seulement 207.422 migrants. ↩︎

Pierre Mérot rempile

La suite tout aussi poignante de Mammifères, où le personnage principal s’adapte à sa nouvelle vie de soixantenaire.


Couverture de « Mammifères II »

Vingt-deux ans après Mammifères, prix de Flore 2003, réédité en poche par Rivages, Pierre Mérot, auteur d’une dizaine de romans, propose la suite des aventures du personnage de l’oncle. On pourrait appeler ce livre les presque-mémoires de l’oncle qui ressemble par certains côtés à l’auteur, sans vouloir l’offenser, car sa vie, celle de l’oncle, n’est guère reluisante… Il n’a pas la soixantaine triomphante. Ça bande mou et mal. Et le personnage féminin, Sandy, n’est pas très avenant. Quant à l’application Tinder, à laquelle il a recours, elle nous introduit dans l’univers de la misère sexuelle. On frise même le pathétique.

Voltaire sous Prozac

Mammifères II débute par la mère morte. C’est assez salé comme entrée en matière. La scène est d’une grande tristesse avec la description de la chambre mortuaire de l’hôpital Bichat. Bichat, il faut être solide pour ne pas en ressortir déprimé ; surtout l’hiver quand le périph se confond avec le gris du ciel, sous le regard impavide de la cheminée du crématorium. On brûle tout à Bichat, surtout l’espoir.

Ça ne s’arrange pas avec l’évocation du père placé en EHPAD situé dans l’hôpital Fernand-Widal, antichambre des pires cauchemars. Il est mort depuis, avec sa retraite de 4000 euros qui ne lui aura pas permis de respirer le parfum des mimosas de la côte d’Azur. Mérot décrit toujours avec justesse. Ça touche là où la blessure boursoufle. L’ironie est voltairienne, mais elle émane d’un Voltaire sous Prozac, sans perruque ni bas de soie, seulement des bas de contention.

Lose tendance Houellebecq

L’oncle va devoir déménager. Il est foutu à la porte de son studio par le proprio qui souhaite l’occuper. Le studio est crade, car l’oncle picole et maltraite les portes quand il est ivre ; sans oublier qu’il fume beaucoup. Il a des problèmes de santé, vous vous en doutez, et fréquente la clinique de Turin pour passer un coroscanner. Le nouveau logement sera en banlieue chic. Il évoque le seul meuble auquel il se raccroche : son bureau d’écrivain – le radeau de la Méduse, en quelque sorte. Malgré la débine permanente, l’oncle n’a rien perdu de son humour décapant, pas trop méchant, mais sans concession avec notre époque où les individus semblent avoir douze ans d’âge mental.

À lire aussi : Tout le monde aime David Foenkinos?

Bon, le problème de l’oncle, c’est sa mère. C’est pour cela que le livre démarre sur elle, à l’horizontale et roide. Il y a un beau passage, très bataillien, que nous propose l’auteur. C’est cru, édifiant – page 87 – avec le résumé suivant : « (…) en perdant sa mère il a perdu un ennemi fondamental mais aussi un angle d’attaque contre le monde et plus prosaïquement son fonds de commerce. »

Vingt-deux ans après, donc, Pierre Mérot continue de nous régaler avec cet oncle qu’on ne parvient pas à rejeter malgré sa lose tendance Houellebecq – l’auteur règle ses comptes avec lui, en passant.

Un mauvais point, cependant, attribué au professeur Mérot. La description de certains profs du lycée Stéphanie-de-Monaco m’a crispé. C’est une description naturaliste qui m’a ramené dix ans en arrière, avant ma démission. Ça m’a crispé car c’est tellement vrai. Comme son livre plein de sensibilité.

Liberté d’expression ? On ferme !

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Les éditorialistes Patrick Cohen, Jean-Michel Aphatie et Benjamin Duhamel. DR.

Patrick Cohen se félicite de la fermeture de C8. De son côté, Jean-Michel Aphatie estime que les nazis se sont inspirés du comportement des colons français en Algérie. Didier Desrimais écoute trop la radio !


En France, une chaîne de télévision privée, regardée quotidiennement par des millions de téléspectateurs, a été interdite d’émettre sur une fréquence de la TNT. Personne n’est dupe : l’Arcom n’est pas qu’un outil de « régulation » mais aussi un appareil de censure, une officine politique à la solde du pouvoir en place. Sur CNews, Pierre Lellouche a lu, parmi les motifs invoqués par le Conseil d’État pour entériner les décisions de l’Arcom, une phrase qui semble extraite d’un roman orwellien décrivant une novlangue charabiesque permettant de justifier n’importe quelle décision autoritaire émanant d’une instance « indépendante » entièrement politisée : « Il incombe à l‘Arcom de choisir des projets qui contribuent au mieux à la sauvegarde du pluralisme du courant d’expression socio-culturelle, lequel participe de l’objectif constitutionnel de pluralisme de courant de pensée et d’opinion, et qui soit le mieux à même de répondre à l’intérêt public. » Le Conseil d’État a également argué du fait que « C8 a fait l’objet de nombreuses sanctions financières, mises en demeure et mises en garde de la part de l’Arcom pour des manquements, au cours des dernières années » – argument asséné par l’impayable Benjamin Duhamel sur BFMTV pour tenter de convaincre Michel Onfray qui ne s’en est pas laissé conter. Depuis 2012, C8 a en effet été sanctionné 38 fois par l’Arcom (dont 12 fois avec des amendes pour un montant total de sept millions d’euros !) ; l’ensemble des chaînes publiques (France TV, Radio France, Arte, France 24, RFI, LCP), seulement cinq fois (0 amende). Étrange ! Quand on consulte les motifs ayant conduit aux sanctions de C8, on comprend qu’il s’agissait surtout de charger la barque et de justifier à tout prix l’interdiction à venir. CNews reste dans le collimateur de l’Arcom – l’Agence de Répression et de Censure Officielle de certains Médias a en effet déjà sanctionné 18 fois (dont six fois avec des amendes)[1], celle qui est devenue, au grand dam de ses concurrentes et du pouvoir politique, la 1ère chaîne d’information continue.

Le parrain

Sur France Inter, Patrick Cohen se félicite, dans son éditorial du 20 février, de la décision qui a frappé C8. Il dit déceler dans les critiques contre l’Arcom un « mouvement d’allégeance à celui qui apparaît comme le parrain de toutes les droites, Vincent Bolloré ». M. Cohen est très en verve en ce moment quand il s’agit d’évoquer la liberté d’expression, liberté à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux, jure-t-il en se réjouissant de l’arrêt d’une chaîne de télévision. La moindre allusion aux journalistes des médias « bollorisés » déclenche chez lui des crises irrépressibles d’urticaire synaptique qui se traduisent par de longues diatribes enflammées contre les susdits et d’incessants appels à contrôler, réprimander, prohiber, interdire, censurer tout ce qui ressemble à une opinion différente de la sienne. « Ce n’est pas la liberté d’expression qui est bridée par l’arrêt de cette chaîne, c’est celle de propager n’importe quoi », conclut le commissaire radiophonique qui sait de quoi il parle – on se souviendra, entre autres, de la manière désinvolte et captieuse avec laquelle il présenta les événements de Crépol conduisant à la mort du jeune Thomas.

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Jean-Michel Aphatie a lui aussi jubilé en apprenant l’éviction de C8 de la TNT – il faut dire que l’émission Quotidien dans laquelle il officie souffrait de plus en plus de la concurrence de TPMP, l’émission de Cyril Hanouna sur C8. À propos de « propager n’importe quoi », M. Aphatie ne rate jamais une occasion de se faire remarquer. Sur RTL, devant un Thomas Sotto abasourdi par son aplomb, il a soutenu que « la France a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie » et que « les nazis se sont comportés comme nous l’avons fait en Algérie ». Ces allégations hallucinantes nous donnent l’occasion de rappeler quelques hauts faits de cet olibrius.

Dans l’émission “C ce soir”, M. Aphatie avait déjà comparé le général Louis Juchault de Lamoricière – le « père des zouaves » en Algérie – à un général SS. Il y a quelques jours, sur le plateau de Quotidien et sous le regard attendri d’un Yann Barthès resplendissant d’insignifiance, il affirmait que « ce que nous avons fait là-bas [en Algérie], c’est une boucherie que nous avons organisée ». Adepte des thèses « racialistes » et du wokisme ambiant, il n’avait pas hésité à parler sur LCI de « privilège blanc » à propos des essais nucléaires français dans le Sahara au début des années 60. M. Aphatie n’aime pas la police, se moque volontiers des catholiques, déteste l’histoire de France, en particulier le règne de Louis XIV, un « drame français », selon lui. Il y a quelques années, ce matamore agité avait confié que, s’il était président de la République, il ferait raser le château de Versailles « pour que nous n’allions plus là-bas en pèlerinage cultiver la grandeur de la France ». Pendant la dernière campagne présidentielle, il qualifia les Français prêts à voter pour Éric Zemmour de « Français de chez les Français qui puent un peu des pieds » ; quant à Zemmour lui-même, il le traita de « cochon de la pensée » – mais refusa de débattre avec lui, certain qu’il était de se faire écrabouiller. Un soir, sur LCI, il amusa la galerie en affirmant que « le soldat inconnu, on ne sait même pas s’il est Français ! Il est inconnu… ». Ce cuistre, qui se croit indocile alors qu’il est une caricature du rebellocrate décrit jadis par Philippe Muray, est parvenu à se faire une place sous les projecteurs médiatiques à force d’arrogance et de bêtise, malgré (ou grâce à ?) une culture d’une profondeur égale à la largeur de celle de Mathieu Slama, son pendant médiatico-universitaire.

Gesticulations

Ses récentes réflexions nazifiantes sur l’Algérie française ne servent qu’à masquer une ignorance naturelle et une médiocrité intellectuelle qui transcendent les standards habituels. M. Aphatie imagine qu’il suffit de gesticuler bruyamment de la bouche pour convaincre – il croit que ses postillons sont des mots. Derrière l’agitateur frénétique, l’on devine un esprit étriqué, intolérant, intellectuellement limité, aussi fin qu’un parpaing, aussi subtil qu’une bûche, aussi profond qu’un roman d’Annie Ernaux. M. Aphatie exècre ce qui est au-dessus de lui. Or, presque tout est au-dessus de lui – d’où ses nombreux excès de haine bilieuse. Certains préconisent d’interdire d’antenne cet atrabilaire belliqueux. Ce serait une erreur pour deux raisons : la première est que cela contreviendrait à l’idée, défendue par l’auteur de ces lignes, que la liberté d’expression doit être totale. La seconde est d’ordre anthropologique et historique. L’observateur assidu des phénomènes humains, y compris ceux pouvant expliquer le déclin d’une profession, ne saurait ignorer un cas comme celui de M. Aphatie, échantillon parfaitement représentatif d’un journalisme « progressiste » et sectaire ayant encore pignon sur rue. M. Aphatie est par conséquent d’une grande utilité. M. Cohen, dans un autre genre, n’est pas moins intéressant. Après avoir compulsé les parcours professionnels de ces figures emblématiques, le futur chercheur trouvera sûrement matière à disserter sur cette étrange caste médiatique n’ayant eu de cesse de vanter le pluralisme et, dans le même temps, d’interdire à ses contradicteurs de prendre la parole. Durant ses loisirs, il pourra de plus se lancer dans l’étude des phénomènes irrationnels en commençant par exemple par se demander comment un individu aussi limité et dérisoire que M. Aphatie a pu parvenir à passer pour une sommité dans certains médias…

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[1] Exemple de sanction avec amende appliquée à CNews : en août 2023, dans l’émission Punchline, l’économiste Philippe Herlin a eu l’outrecuidance de… relativiser l’existence d’un lien entre les activités humaines et le réchauffement climatique en affirmant qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le sujet. CNews s’est alors vu infliger une amende de 20 000 euros par l’Arcom qui a considéré que « l’intervenant a pu exprimer une thèse controversée sans que la position qu’il défendait ne soit mise en perspective et sans qu’une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos ». Radio France peut ne recevoir sur ses antennes que des représentants du GIEC ou des militants acquis à la version apocalyptique des écologistes – jamais l’Arcom ne lui a reproché de « manquer à ses obligations » en n’assurant pas « l’expression de différents points de vue ». Au contraire, elle l’a laissée inscrire dans le marbre une censure qui ne se cache même pas : « Nous nous tenons résolument du côté de la science, en sortant du champ du débat la crise climatique, son existence comme son origine humaine », peut-on lire sur le site de la radio publique, dans sa charte écolo intitulée Le Tournant. Par conséquent, aucun scientifique remettant en question le rapport de synthèse du GIEC n’est invité sur le service public. Pire, lorsqu’une radio privée (Sud Radio) invite l’un d’eux, le physicien François Gervais en l’occurence, l’Arcom, sous la pression d’une obscure officine écologiste, met aussitôt en garde ladite radio en lui indiquant avoir relevé « plusieurs déclarations venant contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel ». Rigidifiés par l’idéologie et le pouvoir, ces gens-là ne se rendent même plus compte de ce qu’ils font et de ce qu’ils disent – s’ils avaient un minimum de culture historique, ils seraient affolés de constater que leur comportement est très proche de celui des agents staliniens qui surveillaient les scientifiques en URSS du temps de l’idéologie lyssenkiste, laquelle est devenue la risée de l’histoire – et il n’est pas impossible que l’idéologie climatiste finisse par connaître le même sort.   

«Donald Trump est dans une logique transactionnelle permanente»

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Donald Trump brandit une photo de ses réalisations à New York, Washington, 21 juillet 2005 © Dennis Cook/AP/SIPA

Michael Shurkin est Américain, directeur des programmes de 14 North Strategies. Il est spécialisé dans les questions militaires et diplomatiques, notamment en Afrique et au Proche-Orient. Il répond ici à nos questions sur les premiers pas de l’administration Trump en Europe et au Moyen-Orient.


Causeur. Les premières semaines de la présidence Trump ont été rudes pour les relations entre le vieux continent et l’Amérique. Certains Européens voient dans les tractations de Donald Trump et ses déclarations, la volonté de soumettre l’Europe à un nouveau Yalta en laissant la Russie postsoviétique libre de nous menacer. L’Amérique voit-elle en l’Europe une puissance molle mais néanmoins menaçante pour ses intérêts commerciaux ?

Michael Shurkin. D.R.

Michael Shurkin. Aucune idée. Donald Trump sème le chaos. Je ne sais pas comment, après quatre ans à ce régime, les États-Unis s’en sortiront. Donald Trump a une logique transactionnelle. C’est ainsi qu’il comprend les échanges entre États. Cela vient de sa profession, de ses expériences de vie. Il fut d’abord un promoteur immobilier. Le choix pour les Européens sera assez binaire. Soit aborder les relations transatlantiques comme relevant d’enjeux strictement commerciaux, soit faire le dos rond. Dans la deuxième hypothèse, l’Europe devra trouver les ressources et les moyens pour affirmer sa singularité et son autonomie.

Croyez-vous en les capacités françaises et européennes de résistance aux prédations de l’administration Trump et aux menaces militaires russes ?

L’Europe se trouve dans une situation analogue à celle de la fin des années 1930, lorsqu’elle avait le choix de répondre fermement à Hitler, mais qu’elle n’a pas su le faire. La Grande-Bretagne et la France ont alors surtout manqué de courage. Ces deux nations avaient les moyens militaires, diplomatiques et économiques de répondre à la menace. Mais l’apparition de l’URSS et du nazisme, associées aux souvenirs des terribles épreuves de la Première Guerre mondiale, ont entravé leurs capacités de décision et d’action. Aujourd’hui, les Européens doivent trouver en eux la force de s’unir et de faire preuve de la détermination qui leur a fait défaut dans les années 1930. En effet, l’Europe a tout à fait les moyens de résister. Elle en a les ressources. C’est juste une question de volonté. La France a d’ailleurs un rôle moteur à jouer.

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Comment expliquez-vous les attaques constantes de Donald Trump contre des alliés (Canada, Danemark, etc) depuis sa prise de fonction ?

Je pense que nombre de ses partisans apprécient le spectacle et la posture machiste de Donald Trump. Ce dernier doit, de son côté, évaluer que le risque pris est très faible que compte tenu du « hard power » limité desdits alliés en question. Le Canada et le Danemark sont pour lui faibles et font des cibles faciles. Les courants qui s’agitent au sein de MAGA sont nombreux. Je crois que l’influence de ces différents personnages, y compris d’Elon Musk, dépendra des capacités de chacun à rester dans le premier cercle de courtisans du « big boss » Donald Trump. Son instinct est celui d’un tribun de la plèbe, il aime jouer avec la foule et s’en faire apprécier. Il aime avoir le plus de « likes » possibles sur les réseaux sociaux. Cela ne m’évoque pas réellement le Kremlin, la meilleure comparaison possible serait avec les usages qui étaient en pratique à la cour du roi soleil à Versailles.

Concernant le conflit à Gaza, qu’avez-vous pensé des premiers actes de l’administration Trump ? Peut-on s’attendre à une relance des accords d’Abraham ?

J’espère que les déclarations outrancières de Donald Trump concernant Gaza auront pour effet de mobiliser les États arabes, et, idéalement, les Palestiniens eux-mêmes, afin qu’ils proposent des alternatives viables. Actuellement, il n’y a pas de solution crédible, et sans les menaces de Trump, je doute que quiconque en propose. Maintenant, peut-être que l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, etc. pourraient se sentir obligés de proposer quelque chose, n’importe quoi.

Il y a déjà des indices en ce sens. Le problème est que nous sommes encore loin de solutions viables, et que l’idée de déportations massives semble de moins en moins illusoire et délirante. Tout l’épisode Bibas et les bribes d’informations que les anciens otages partagent contribuent largement à diminuer l’empathie et la compassion. Malheureusement, je soupçonne que ce soit l’objectif du Hamas.

Trump vs Zelensky: un coup prémédité ou un simple coup… de gueule?

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Washington, 28 février 2025 © Samuel Corum/Sipa USA/SIPA

Connu pour la brutalité de son expression, le président américain semble avoir dépassé ses propres standards au cours de son entretien avec son homologue ukrainien vendredi 28 février. L’altercation présage-t-elle véritablement d’un nouveau positionnement de l’Amérique sur le fond ?


Les commentateurs médiatiques et diplomatiques n’ont eu de cesse, depuis vendredi dernier, de revenir sur l’échange entre MM. Zelensky, Trump et Vance dans le bureau ovale. En France comme aux États-Unis, il s’est agi de déterminer dans quelle mesure le dialogue avait pu être préparé par la partie américaine ou si son apparence spontanée était sincère. Dans le courant du week-end, la chaîne d’information progressiste MSNBC a par ailleurs rappelé que ce n’étaient pas des premières tensions advenant entre les exécutifs des deux pays : un échange du même acabit était survenu entre Biden et Zelensky — hors caméras, en l’occurrence.

Biden prudent

En juin 2022, le président démocrate avait en effet reproché à son homologue ukrainien de se montrer trop vindicatif et pas suffisamment reconnaissant dans ses relations avec la diplomatie américaine. Dès lors, on peut admettre que, si le prédécesseur de Donald Trump tenait un discours moins ambigu que l’actuel résident de la Maison Blanche, il a largement contraint l’Ukraine à une forme d’attentisme qui s’avère aujourd’hui mortifère. En effet, les États-Unis constituent à eux seuls près de la moitié de la somme déployée pour soutenir le pays depuis l’invasion russe. L’investissement est considérable, mais l’administration démocrate s’est constamment assurée que l’Ukraine ne dispose pas des moyens d’entreprendre une quelconque offense à l’encontre de l’agresseur.

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Empêcher la prolifération du conflit était louable, bien entendu, mais le refus américain de consentir à l’octroi d’armes en mesure de frapper la Russie sur ses sites stratégiques a longtemps contraint l’Ukraine à une position d’extrême faiblesse dans son rapport de force. Cette posture, adoptée par Joe Biden, semble d’autant plus irresponsable a posteriori que l’incertitude du comportement de Trump était une donnée connue de longue date. Ce n’est par exemple qu’au cours de 2024 que les missiles semi-balistiques ATTACMS ont été livrés à l’Ukraine, qui en motivait la demande depuis longtemps, tandis que les premières frappes les employant n’ont été autorisées qu’à la fin de l’année.

Kiev, jusqu’alors contraint à une défense sous-dimensionnée face à l’invasion de son territoire et limité à la destruction des armements les plus proches de ses frontières, ne pouvait que difficilement freiner la progression russe. La seule opération consentie par Biden qui pourrait véritablement servir l’Ukraine dans les négociations que Trump souhaite entreprendre reste l’incursion dans la région de Koursk. En effet, à la différence d’une invasion, une incursion peut être légitime au regard du droit international lorsqu’elle permet l’accomplissement d’objectifs purement militaires, sans ambition politique ou civile ni établissement sur le long terme.

« Vous n’avez pas les cartes en main »

Depuis la semaine dernière, l’administration républicaine ne cesse de dire que Zelensky aurait dû adopter un comportement différent parce qu’il ne dispose en l’état actuel d’aucune « marge de manœuvre ». S’il est assurément en position de faiblesse, la présence ukrainienne à Koursk pourrait précisément constituer le seul poids à faire valoir dans la balance contre la Russie. Du reste, la domination aujourd’hui subie par l’Ukraine subsiste le signe d’un engagement de l’administration Biden bien plus modéré que les Démocrates aiment à le répéter depuis l’altercation entre Trump et Zelensky.

En outre, il reste indubitable que les dizaines de milliards de dollars envoyés par les États-Unis à l’Ukraine — des armements militaires d’une valeur inférieure à 100 milliards couplés à un soutien gouvernemental et humanitaire d’environ 100 milliards — ont conduit à une situation actuellement insatisfaisante. Si Volodymyr Zelensky avait souhaité changer la donne, ou du moins s’assurer d’un appui verbal loquace de la part de Donald Trump, il aurait pu mettre en œuvre une part du génie diplomatique dont il a fait preuve depuis février 2022.

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En effet, le président républicain est attaché à la diplomatie bilatérale qui a placé les États-Unis au centre du monde le siècle dernier. C’est-à-dire qu’il faut, face à lui, faire preuve d’une flagornerie telle qu’elle rebuterait tout individu à l’égo normalement dimensionné. Le célèbre analyste politique républicain de CNN, Scott Jennings, argumentait ainsi vendredi soir qu’il n’eût pas été bien difficile pour Zelensky de faire croire à Trump qu’il le considérait tout particulièrement : « tout ce qu’il avait à faire était de mettre une cravate, se montrer, sourire, dire “merci”, signer la paperasse, et aller manger. » Bien sûr, l’acharnement républicain contre la tenue de Zelensky prête à sourire au vu du style adopté par Elon Musk, mais il reste vrai que celui-ci est un bénévole au service du gouvernement fédéral, tandis que la visite du président ukrainien devait remplir d’autres objectifs.

Fox News prend ses distances avec Trump

Avec son attitude, Trump semble espérer retirer la Russie à l’axe sino-iranien qui se dessine. Il néglige cependant qu’il paraît invraisemblable que les autres démocraties libérales acceptent de réintégrer Vladimir Poutine à leur ordre diplomatique et économique. De surcroît, les bénéfices réalisés par la Russie grâce aux drones kamikazes iraniens et son alliance avec la Chine sont considérables.

Alors, le président américain pourrait-il changer de position ? Le thermomètre le plus efficace de la mentalité républicaine reste la chaîne d’information Fox News. Sur la question ukrainienne, depuis quelques semaines, on ne saurait la voir comme un soutien aveugle à l’administration en place. D’ailleurs, plusieurs membres du cabinet de Trump sont d’anciens présentateurs de Fox News et cette situation donne parfois lieu à des échanges incongrus. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, était par exemple interrogé par l’excellente Shannon Bream dimanche 23 février. Lorsque celui-ci a évoqué une simple « incursion » russe et refusé de reconnaître que l’Ukraine avait subi une invasion « unilatérale » de son voisin, la journaliste n’a pas hésité à faire remarquer à son ancien collègue qu’il condamnait avec affirmation la Russie quand il travaillait à Fox il y a quelques semaines encore.

En somme, si l’échange dans le bureau ovale vendredi confirme que Trump ne s’exprime pas comme Biden, le présenter comme le seul responsable d’un accord qui profitera plus à la Russie qu’à l’Ukraine relève d’une étonnante glorification du mandat de Biden.

Pour que le plaisir dure encore longtemps…

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Herbert Léonard, 9 avril 2018, Paris © ISA HARSIN/SIPA

Monsieur Nostalgie évoque la figure d’Herbert Léonard, disparu hier à l’âge de 80 ans, interprète de plusieurs tubes immarcescibles des années 1980…


On parle souvent de la malédiction du tube unique qui cacherait la valeur intrinsèque de l’artiste. Comme si le succès, fatalement, entraînerait le chanteur de variété dans une longue pénitence, obligé d’égrener son standard à l’infini sur les plateaux ou dans les kermesses commerciales. Toute une vie ramenée à une chanson tutélaire, résumée à un refrain, interminable sillon qui vous oblige à répéter les mêmes gestes et oblitère votre spectre musical.

La musique d’une jeunesse

Herbert Léonard a possédé dans son répertoire non pas un titre mais une poignée de chansons d’amour et d’emballement qui ont cristallisé une époque bénie. Celle des effleurements et des rencontres fortuites, des bals de village et des slows en discothèque de province. Quand le flirt n’était pas honni des rapports humains et que le plaisir n’était pas la maladie honteuse des « boomers ».

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À cette époque-là, la jeunesse croyait sincèrement aux incantations de Gilbert Montagné et de Julio Iglesias. Elle avait soif en l’Autre et s’inventait des vies à la Châteauvallon. Elle n’avait pas honte des rengaines populaires, elle ne se faisait ni procureure, ni justicière de ses aïeux, elle vivait sa vie sans idéologiser. Elle ne se perdait pas en arguties virtuelles. Elle ne se regardait pas vivre. Cette jeunesse-là était dans l’instant, dans la soirée du samedi à venir, dans la conquête et les rires complices, elle brûlait son trop-plein d’énergie sur les pistes. Elle n’avait pas vocation à sermonner l’humanité. Elle connaissait le prix du labeur et des impasses sociales. Elle bossait à l’usine au pied d’une machine et sortait d’une année de service militaire. Elle n’était pas idiote sur ses chances de réussite. Au Grand Soir, elle préférait attendre son messie des ondes, en smoking, qui lui raconterait des histoires un peu trop brillantes pour être vraies. Cette jeunesse-là n’était dupe de rien. Elle ne se posait pas en génération moralisante ou en victime pleureuse.

Nous ne le zapperons pas sur la FM

Herbert, pas bégueule, voix bien posée, nous accordait la permission d’enjoliver notre quotidien : mettre « un peu de rêve à notre vie » ou « un soir, claquer tout d’un seul coup ». Son message serait-il entendable aujourd’hui où sont réglementés chacun de nos pas, chacun de nos mots et chacune de nos pensées ? Sur un filet de synthé, dans un romantisme carnassier métallique, une noirceur sous-jacente, son « puissance et gloire » est un chef-d’œuvre d’éducation sentimentale à la progression lente. Tout y est condensé, comprimé en trois minutes : l’aventure, la passion, le trouble et le goût du tumulte. Qui n’a pas écouté ce titre miroitant dans une turbulente 205 GTI blanche à vingt ans, sur une départementale désertique, au cœur du Berry ou du Morvan ne connaît rien des imaginaires français et des élans incertains. Le charme d’un tube qui traverse les décennies, c’est justement d’ancrer notre mémoire, de fossiliser une histoire, de rameuter les souvenirs, d’habiller nos errements. Et un homme sans souvenir est l’ennemi du genre humain.

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Finalement Herbert, sans la pompe des poètes, sans l’égo des romanciers, aura eu bien plus de résonance dans nos propres vies que nos lectures besogneuses. Évidemment, sur le moment, personne n’aurait songé à qualifier son répertoire d’essentiel, on daubait sur cette production commerciale, insane aux oreilles des « sachants », on salissait déjà « le populaire » pour mieux le liquider. Nous réécouterons longtemps encore Herbert, nous ne le zapperons pas sur la FM, alors que les penseurs magistraux, encensés sur les barricades, voient leurs œuvres se déconstruire sous le poids des mensonges et de leur folle propagande. Aujourd’hui, Herbert a définitivement gagné la bataille idéologique. Et, si au contraire, le tube était une bénédiction, s’il ouvrait la constellation des possibles. Nous sommes émus car Herbert était un confrère, un journaliste féru d’aéronautique et auteur de livres. Nous avions partagé le même éditeur de beaux livres spécialisé dans les passions enfantines. Quand on écrivait sur les vieilles automobiles, Herbert planchait sur les vieux coucous. Nous avions les mêmes coffres à jouets.

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L’Algérie, le poing faible d’Emmanuel Macron?

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Emmanuel Macronphotographié à Rennes le 20 janvier 2025 © Yannick BILLIOUX-POOL/SIPA

Un ultimatum et des divergences. Le 26 février, François Bayrou a annoncé qu’Alger disposait de « quatre à six semaines » pour réadmettre une liste prioritaire de personnes expulsées de France. Deux jours plus tard, en conférence de presse au Portugal, Emmanuel Macron a écarté toute possibilité de remettre en cause les accords migratoires, jugeant une dénonciation unilatérale insensée. « On ne va pas les dénoncer de manière unilatérale, ça n’a aucun sens ». De son côté, Bruno Retailleau continue de plaider pour une approche plus ferme.


Sans doute des analystes avertis de la vie internationale seraient-ils plus à même que moi de comprendre et d’expliquer l’étrange contraste du comportement présidentiel. Entre d’un côté son attitude irréprochable, au nom de la France et de l’Europe, face à la Russie et pour la sauvegarde de l’Ukraine avec tout le respect dû au président Zelensky, et de l’autre son entêtement dans une politique de faiblesse à l’égard de l’Algérie.

Tebboune a-t-il des dossiers sur le président français ?

Je tiens d’autant plus à voir clair dans cette alternative que j’ai encore dans l’esprit et la vision la honteuse prestation du couple dirigeant américain face à la solitude vaillante mais humiliée du président ukrainien. Avec pour conséquences inéluctables des insultes russes – Medvedev s’est particulièrement distingué dans l’outrance bestiale – et l’appel à la mesure et à la rationalité du président français. Celui-ci, n’en déplaise à ses adversaires compulsifs, continue son sans-faute sur ce plan et, on peut le dire sans tomber dans la grandiloquence, sauve l’honneur du camp occidental.

Pourquoi est-il si irréprochable à propos du lointain et tellement décevant au sujet du proche, l’Algérie ?

Éliminons d’emblée les thèses complotistes qui par exemple supputent que le président algérien saurait « des choses » sur Emmanuel Macron qui serait ainsi condamné à la frilosité…

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Trouble allégeance

Il me semble d’abord que malgré la proximité créée par notre histoire commune avec l’Algérie, le conflit relève de la vie internationale dont on sait qu’elle est le domaine exclusif du président. Et bien davantage depuis que son implication demeure la seule manière de montrer qu’il a encore du pouvoir avec en plus un ministre des Affaires étrangères sans éclat… Il ne tient pas à sacrifier cette part qui lui reste.

Cette volonté est d’autant plus affirmée qu’elle jette une lourde pierre dans le camp du Premier ministre – qui en plus avait eu l’outrecuidance d’évoquer un référendum quand Emmanuel Macron s’en était réservé l’idée, encore dans les limbes aujourd’hui ! – et du ministre de l’Intérieur. Pourtant François Bayrou avait conçu, dans une démarche progressive et intelligente, une riposte au cynisme algérien et Bruno Retailleau avait bien été obligé de se mêler de ce sujet puisque le président paraissait s’en désintéresser.

Les accords de 1968 sur la balance

Numéro 128 de Causeur

On constate que le président Macron n’a d’ailleurs repris publiquement la main que pour s’opposer à une rupture unilatérale, récuser la révision des accords de 1968 et vanter une solution diplomatique qui paraît au point mort avec la crainte tragique pour la vie de Boualem Sansal. Et notre humiliation avec ces malfaisants Algériens commettant des horreurs sur notre sol que leur pays, contrairement au droit international, refuse de reprendre sur un mode obstiné et arrogant.

Faut-il voir dans ce désaveu présidentiel autre chose qu’une manœuvre de politique intérieure ? Par exemple, analyser le refus de la fermeté comme la crainte qu’on projette la lumière non pas sur la reconnaissance du Sahara occidental mais sur l’embardée qui a conduit la France, en faveur du Maroc, à radicalement changer son point de vue sans que progressivement l’Algérie ait pu s’y préparer ?

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Sur un plan psychologique, ne retrouve-t-on pas la constance d’un caractère qui s’est défié de l’autorité régalienne et qui en revanche, dans le registre international, s’est parfois surestimé au point de s’imaginer capable de résoudre les conflits par la seule force de son argumentation et d’un dialogue au plus haut niveau ? Pourtant cette présomption, si elle l’habite, aurait dû se dissiper en voyant le peu de résultats, voire les conséquences négatives de ses entremises, avec Donald Trump encore récemment.

Il y a un moment où, en matière géopolitique, une certaine fermeté n’est pas une faute ni une impulsivité fâcheuse mais sans doute l’unique moyen de concilier les intérêts de son pays (OQTF), le refus de le voir ridiculiser et l’honneur de s’attacher à une cause universelle (Boualem Sansal).

L’Algérie est clairement le poing faible du président de la République. Je ne voudrais pas qu’à cause de cette disposition, la France se retrouvât au tapis…

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La France abîmée !

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Image d'illustration.

La France s’effrite sous le poids de l’irresponsabilité collective. Mais à force de tout abîmer, on risque de ne plus avoir de France à réparer, s’indigne notre chroniqueuse


Il faut vraiment s’inquiéter de ce que nous vivons dans notre pays et peut-être se sentir tous responsables d’abimer notre pays.

Nos politiques d’abord abiment la République.

La gauche fracture la société avec délectation, tout un programme politique. Il paraît toutefois que la gauche n’est jamais « extrême » ainsi en a décidé le Conseil d’état. Cette gauche donc aujourd’hui abîme la réussite, l’enrichissement, l’ambition, sans faire la différence avec ce que cela entraîne de positif.

La droite nous abîme par son inaction coupable depuis des années, par ce qu’il aurait fallu faire pour que nous ne sombrions pas dans un envahissement de normes, de lois, d’antilibéralisme et d’immigration non maitrisée.

Le parti LFI abîme très profondément l’image de l’Assemblée nationale : l’unité parlementaire, le respect par l’absence de tenue, l’éthique par une permissivité outrancière, ses propos outrageants…

Les syndicats abîment les relations avec l’entreprise et même avec les salariés, par une idéologie héritée de la Révolution française et transposée au monde de l’entreprise.

L’Éducation nationale abîme nos enfants, les entrainant dans une baisse de niveau régulière et se substituant aux parents sur des questions qui ne la concernent pas.

Les parents abîment l’autorité en général, en ne l’assumant pas face à leurs propres enfants et en ne faisant pas, ou très peu, confiance aux professeurs, leur donnant systématiquement tort face à leurs élèves… surtout s’il s’agit de faire preuve de sévérité.

Tous irresponsables !

Les journalistes abiment l’information, en la traduisant selon leurs propres convictions avec un manque d’objectivité croissant. Les instances de régulation en la matière sont tout aussi partisanes, allant jusqu’à supprimer la liberté d’expression, convaincus qu’ils sont d’être dans le camp du bien.

Les cadeaux aux Français d’un État nounou abîment nos finances au-delà de l’imaginable.

La République abîme notre sens de la responsabilité, en décidant de tout pour nous, toujours au nom de notre bien : santé, circulation routière ou autre, sécurité, programmes télévisés à regarder ou pas.

L’État omniprésent abîme la société française en contribuant à la fracturer aussi bien par l’impôt que par les distinctions et clivages, au nom d’une égalité abstraite.

Les réseaux sociaux – donc nous-mêmes ! – abimons la société par des positions non objectives et une soumission à des dictats sortis de nulle part. La perte d’objectivité est acceptée car l’individu et les jeunes en particulier estiment qu’ils ont le droit de penser ce qu’ils pensent sans plus s’intéresser à la recherche de la vérité.

A lire aussi, Stéphane Germain: Dégraisser le mammouth? Non, le dépecer!

Les juges abîment la justice par juridisme et partialité. Le pays n’a plus confiance en sa justice, ce qui encourage la délinquance.

La « bienveillance » politisée abîme le principe d’autorité en ne rendant plus les sanctions exemplaires.

La tolérance et la culpabilité nationale, érigées en politique de l’excuse, abîment notre récit national et nous ôtent la fierté d’être français au nom d’une repentance mal comprise.

La fracture sociale créée par des hommes politiques qui font passer leur réussite électorale avant l’intérêt général.

Trop de blabla

L’État abîme l’entreprise en considérant que les grandes en particulier, doivent « payer » la sanction de leur réussite.

L’exigence de laïcité nous interdit de nous souvenir que la France est aussi le fruit d’une culture catholique historique et abîme nos convictions que l’on veut voir disparaitre.

Les inspecteurs en tous genres abîment le fonctionnement de nos PME en ne pensant qu’à entraver et leur liberté et leur développement et la gestion de leurs propres salariés.

La fonction publique telle qu’elle est gérée, abîme l’égalité entre salariés qui devraient être égaux sur tous les plans.

Les politiques successives ont abîmé les fonctions régaliennes de l’État, oubliées au profit des indications du nombre de fruits et légumes à consommer quotidiennement.

Il faut réparer la France comme on a réparé Notre-Dame de Paris. Pas besoin de débat. Pas besoin de référendum dans tous les sens. Redressez-vous et regardez-vous dans les yeux.

La France sens dessus dessous !: Les caprices de Marianne

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Cinquante nuances de «hussard»

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© Denis Félix © ANDERSEN ULF/SIPA © Pierre Olivier © Julien Faure

Monsieur Nostalgie nous parle de la famille élargie des Hussards dont quelques membres plus ou moins éloignés publient, entre la fin février et le début du mois de mars, des romans, récits ou nouvelles. De Neuhoff à Quiriny en passant par Bilger et Cérésa, toute la panoplie des réfractaires, du romantique au boulevardier, nous ouvre la voie de la dissidence…


Les Hussards, c’est le mouvement littéraire le plus commode pour un critique. Aucun risque de se tromper. N’ayant jamais été défini clairement, il peut, par nature, tout englober. On peut donc impunément y inclure des têtes bien connues et de nouveaux talents, des plumes allant du réfractaire au réprouvé, du sentimental au pinardier, du mémorialiste au comique troupier. Cette famille n’exclut personne, les adeptes de la phrase courte comme de la phrase charnue, du je-m’en-foutisme au révolté pétaradeur, les apatrides de la littérature officielle y ont l’asile permanent.

Quand le style l’emporte sur les considérations politiques

Contrairement à l’existentialisme ou au Nouveau Roman, le manuscrit dit « Hussard » n’est pas à thèse, il préfère la liberté à la bride, le genre pluriel à la schlague idéologique. Ce qu’on lui reproche avant tout, c’est d’avoir flirté historiquement avec le mauvais bord. En littérature, rappelons qu’il n’y a pas de mauvais bord, je choque souvent mes confrères en leur disant qu’il y a deux sortes de livres : les écrits et les non-écrits. On me sermonne, me prenant pour un naïf ou un rétrograde qui s’attacherait seulement au style et rien qu’au style. Effectivement, le reste est accessoire. Et il se trouve que chez les Hussards des origines à nos jours, le souci de bien écrire l’emporte sur les considérations politiques. J’appelle ça la politesse de l’auteur. Le lecteur a comme droit fondamental, de ne pas se fader des romans vaseux dans un français approximatif. En outre, ayons la décence de ne pas l’importuner avec des théories sans queue, ni tête et des dérives victimaires à plus soif. Arbitrairement, c’est mon seul luxe, j’ai réuni sous la bannière « hussard », des écrivains qui me semblent aller à reculons des modes, c’est-à-dire dans le bon sens vers le bon goût. Ces auteurs-là, de générations différentes et aux parcours variés, ont cependant un dénominateur commun. Ils chassent sur leurs propres terres ; au fil de leur œuvre, ils creusent un sillon distinctif, pas toujours rectiligne, mais qui place la littérature dans le domaine des rois. Ils n’avancent pas avec la meute, ils ne se veulent pas disruptifs pour faire les intéressants, ils ne communient pas avec les idées en vogue du moment, ils laissent filer leur plume, là où leur cœur balance. Je vous propose quelques livres parus ou à paraître durant ces vacances d’hiver.

A lire aussi: La boîte du bouquiniste

Langue nerveuse et pétillante

Avec Pentothal1, Éric Neuhoff, qui fut dans sa jeunesse qualifié de néo-hussard a gardé le sens du rythme, son staccato d’écriture est toujours aussi agréable à l’oreille, ça sonne comme une samba pluvieuse qui aurait façonné sa mélancolie. Il nous a déjà parlé de son accident de voiture en Espagne et de la perte de son ami. Là, il se dévoile ; chez ce hussard, le dévoilement n’est pas crudité ou nudité intégrale, il serait plutôt fermentation des temps heureux, fracture d’une jeunesse gorgée de soleil, et puis après le drame, l’hôpital, l’errance dans un autre monde, le souvenir des fumeroles d’une convalescence et l’apprentissage d’un nouveau corps. Neuhoff n’aurait pas écrit, c’est une évidence, le même livre à trente ans, il est pudique, et malgré tout, il évoque ce passé, le fait briller à sa manière si particulière, sa nostalgie est encore plus abrasive, elle brûle la peau. Toute famille hussard doit avoir son tonton batailleur, sabre au clair et mort aux cons. François Cérésa, le pirate de Service Littéraire, revient avec Pavillons noirs, un roman historique retraçant les aventures des derniers flibustiers français aux Antilles, un hommage aux libertaires de l’île de la Tortue et aux affranchis de tous les pays. Ce grand escogriffe se marre et nous avec. Car, chez lui, la langue ne postillonne pas, elle est tonitruante, pleine d’actions et de rires, elle est nerveuse, pétillante, jamais lâche. L’animal est parfois dur à suivre, il a de la ressource, la verve des possédés. Son souffle de vie s’entend encore plus fort. La légende « Hussard » est potache, on s’amuse à les dessiner bambocheurs, pilotes de course ou leveurs de coude. C’est le catafalque où repose la dépouille du cercle original des hussards. Un moyen bien pratique pour disqualifier leurs textes. Il existe pourtant des hussards romantiques et nuancés. Philippe Bilger2, fin observateur de la vie politique, dans un essai intitulé MeTooMuch ? égrène quelques réflexions sur les rapports entre les hommes et les femmes. Il déplore la judiciarisation et les haines recuites, l’impossibilité de trouver un terrain d’entente, qui jadis faisait le bonheur des amoureux. Philippe est un amoureux qui veut aimer en toute innocence. Cet essai vif fustige évidemment notre époque heurtée et les dérives de tous les mouvements. Mais, cet homme nuancé, posé, réfléchi qui affectionne par-dessus tout, la joute oratoire et l’esprit français, regrette les élans sincères avant que la suspicion ne vienne tout salir. Désormais quand je penserai aux amoureux de Peynet, je verrai distinctement le visage de Philippe sur un banc public embrassant sa tendre épouse. Enfin, dans cette nouvelle famille hussard que je dessine à gros trait, il y a une filiation évidente entre Bernard Quiriny qui publie Nouvelles nocturnes et le tutélaire Marcel Aymé. Une invention caustique, une fantaisie qui se duplique, une aisance à se libérer de tous les carcans, une vrille qui amène ses personnages sur des terres meubles. Son recueil de nouvelles est aérien. Je veux dire par là, que ses scènes fort amusantes ne sont pas lourdes ou affreusement poseuses. Elles enchantent par leur ironie et une forme de virtuosité tranquille. Quiriny met un grand coup de balai dans les imaginaires figés.


Pentothal d’Éric Neuhoff – Albin Michel

Pavillons noirs de François Cérésa – Les Editions de Maris Max Chaleil

MeeTooMuch ? de Philippe Bilger – Héliopoles – sortie le 6 mars

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Nouvelles nocturnes de Bernard Quiriny – Rivages – sortie le 5 mars


  1. Lire l’article de Philippe Lacoche https://www.causeur.fr/eric-neuhoff-pentothal-retour-sur-le-drame-de-sa-vie-302594 ↩︎
  2. Retrouvez notre ami Philippe Bilger dans les colonnes de Causeur: https://www.causeur.fr/author/bilger ↩︎

Il y a une vie après l’Assemblée…

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© Mairie de Béziers

Le mois de janvier est habituellement celui des bonnes résolutions (et il y a matière à en prendre…). Pour les élus locaux, c’est aussi le mois des galettes des rois quasi quotidiennes ! Alors, puisqu’il me reste quelques jours, et en attendant les crêpes du mois prochain, je vous souhaite une bonne et heureuse année 2025 !


Enrico Macias

J’avoue ne pas écouter en boucle notre chanteur égérie des pieds noirs. Pourtant, je n’aurais manqué pour rien au monde le concert qu’il a donné à Béziers juste avant Noël. Et pour cause, les habitués des manifestations contre Israël avaient décidé de nous le gâcher. Enfin, c’est ce qu’ils avaient fanfaronné. Souvenez-vous, ils avaient peu apprécié les propos tenus par le chanteur quand LFI refusait, juste après le 7-Octobre, d’employer le mot de terrorisme pour qualifier les assassinats. « Il faut les dégommer.» « Peut-être même physiquement », avait-il ajouté, tout en concédant un « j’exagère, je sais ! ». Tous comptes faits, nos manifestants de pacotille n’étaient même pas dix. Beaucoup d’émotion en revanche dans la salle de concert et un public enthousiaste. Enrico va pouvoir revenir, il les a dégommés !

Au cachot !

Dans un discours d’une rare violence, Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, a qualifié fin décembre l’écrivain Boualem Sansal d’« imposteur qui ne connaît pas son identité ». Davantage dirigée contre la France elle-même que contre l’auteur, cette diatribe en dit long sur la détestation et la rancœur que nourrit le pouvoir algérien envers notre pays et sur le peu de clémence qu’il faut en attendre pour la libération de cet homme libre… Ce qui rend encore plus indispensable une mobilisation qui n’est pas franchement massive chez nous. En atteste le papier écœurant de Télérama, et même certaines émissions de notre service public. Entendons-nous bien, la pire des choses qui puisse arriver à Boualem Sansal, c’est l’oubli… Amis de la liberté, faites entendre vos voix !

Toucher le fond

Les « ami.e.s de la Médiathèque de Béziers » ne sont pas contents. Ils estiment que, depuis l’élection de Robert Ménard à la tête de l’agglomération de Béziers et de sa présidence à la médiathèque, cette dernière est le lieu de « prises de position partisanes ou unilatérales concernant l’actualité (ex : conflit israélo-palestinien) ». En cause, l’affiche d’une conférence sur le terrorisme du Hamas qui reflète, selon eux, « un positionnement partial en faveur d’Israël ». Ah oui, j’oubliais : Les « ami.e.s de la Médiathèque de Béziers » (qui représentent moins de 3 % des usagers) ont également demandé le retrait de la bâche installée sur la façade de l’édifice culturel et qui demande la libération de Boualam Sansal. Une demande de libération sûrement trop partisane…

Les coiffeurs du cœur à Béziers !

Le dernier dimanche de chaque mois, les « coiffeurs du cœur » accompagnent les bénévoles des Maraudes 34 qui offrent un repas chaud aux personnes en difficultés financières. Les coiffeurs du cœur, eux, proposent une coupe de cheveux à tous ceux qui souhaitent continuer à prendre soin de leur personne. Et retrouver un peu d’estime et de confiance en soi. Je suis admirative de ces gens qui se relaient pour offrir, à ceux qui en ont besoin, le petit coup de pouce qui fait parfois la différence. De quoi continuer d’espérer en l’humanité…

Le Menhir n’est plus

Jean-Marie Le Pen est mort. Aussitôt, on a assisté à des scènes de liesse pour célébrer son décès. Des sortes de danses macabres qu’on croyait oubliées dans nos sociétés depuis le Moyen Âge… Des charognards. À vomir. Du côté de ses partisans, on ne fait pas dans la mesure non plus. Tous ceux qui osent rappeler les outrances et les provocations de la figure la plus controversée de notre histoire politique récente sont aussitôt vilipendés. Robert et moi avons interviewé durant de nombreuses heures le président du Front national de l’époque. Il nous faisait confiance, ayant compris que nous ne cherchions pas à le piéger. Juste à connaître la vérité. Et si on publiait enfin notre livre ?

Charlie

Le maire de Béziers a encore frappé. Durant quelques jours, les Biterrois ont en effet pu admirer sur les « culs de bus » de l’Agglomération un impertinent « N’oubliez pas de trier les déchets » qui surplombait les photos de trois charmants personnages : Vladimir Poutine, Kim Jong-Un (Corée du Nord) et Ali Khamenei (Iran). Cela n’a hélas pas fait rire tout le monde et les menaces n’ont pas tardé. L’Iran a « fermement condamné l’action du maire insultant les valeurs sacrées et les personnalités du pays ». L’opposition locale s’est d’ailleurs empressée d’emboîter le pas au dictateur iranien… Esprit Charlie, où es-tu ?

Calomniez, calomniez…

Transparence citoyenne, une association de « lutte contre la corruption et la gabegie de l’argent public » a demandé aux maires des villes de France de plus de 10 000 habitants de lui communiquer leurs notes de frais. Certains ont refusé de le faire. D’autres, n’ayant rien à cacher, se sont exécutés. Parmi eux, le maire de Béziers. L’association, après examen desdites notes, a demandé quelques informations complémentaires. Jusque-là, rien de bien grave. Oui mais voilà. Au lieu de demander des explications et de rendre publiques ses conclusions – positives ou non – après coup, l’association emploie de drôles de procédés. Elle avertit la presse locale avant même d’en informer le principal intéressé… qui ne peut donc pas répondre. La conséquence ne se fait pas attendre : France 3 titre « 30 000 euros pour débattre à la télé et promouvoir son livre » et parle de « déplacements suspects ». S’ensuit un déferlement de commentaires haineux sur les réseaux… Bienvenue au royaume des élus « tous pourris » ! Jusqu’à ce que, huit jours plus tard, l’association de chevaliers blancs adresse enfin un courrier au maire de Béziers pour : 1) présenter ses excuses pour n’avoir pas respecté le principe du contradictoire ; 2) le blanchir totalement puisque l’édile a apporté tous les éléments nécessaires prouvant que ses déplacements étaient bien en lien avec son mandat de maire. Fait étrange, cinq jours après la publication de ce courrier, France 3 n’avait toujours pas relayé l’information… Et si Transparence citoyenne s’intéressait aussi à l’éthique journalistique ?

Bruxelles au bord de la crise de nerf 

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Manifestation contre le programme « Good Move » à Bruxelles, 11 janvier 2023 © Shutterstock/SIPA

« Good Move »… mais pour aller où ? 


« Un trou à rat. » La formule émane de Donald Trump. Déjà. Lors d’une interview accordée à Fox Business Network, le 26 janvier 2016, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle américaine qu’il remportera le 8 novembre. Prenant Bruxelles en « exemple » face à l’indispensable lutte contre le terrorisme et songeant à bannir certains ressortissants musulmans de son pays, M. Trump avait déclaré à la journaliste Maria Bartiromo : « Il se passe quelque chose, Maria. Allez à Bruxelles. J’y suis allé il y a longtemps, il y a 20 ans, c’était si beau, tout était si beau. Maintenant, c’est comme un trou à rat. » Le futur président américain n’ignorait sans doute pas qu’après les attentats de Paris en novembre 2015, Molenbeek avait été désigné comme le foyer djihadiste à l’origine de ces attentats.

Yvan Mayeur, maire socialiste de Bruxelles l’avait traité d’imbécile. Pourtant, derrière l’outrance du propos trumpiste réside toujours une part de vérité : le 22 mars 2016, Bruxelles était endeuillée par deux attentats sans précédent à l’aéroport de Zaventem et à la station de métro Maelbeek. Ces attaques ont été perpétrées par la même cellule terroriste d’obédience « État islamique » que celle ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, notamment via des individus liés au quartier de Molenbeek, considéré comme un foyer du radicalisme islamiste. Elles firent 35 morts et 340 blessés.

Trafic de drogues au lieu de terrorisme 

Aujourd’hui, bien que l’islamisme et les Frères musulmans fassent un travail d’entrisme plus discret dans la capitale, le problème semble avoir changé de nature et de commune : on assiste depuis quelques semaines à des fusillades incessantes autour du trafic de drogue, cette fois à Anderlecht (une autre des 19 communes de Bruxelles, à comparer avec les arrondissements de Paris bien qu’il s’agisse de véritables villes avec beaucoup plus de compétences). Cette situation quasi-insurrectionnelle met aux prises des criminels aguerris munis de kalachnikov qui se rient des autorités judiciaires en s’enfuyant dans des tunnels reliés au métro à la manière des tueurs du Hamas. Un des auteurs a bien été appréhendé mais le procureur du Roi s’est plaint récemment du manque de moyens des autorités pour faire face. Une situation qui est la conséquence d’un laisser-aller généralisé qui nuit terriblement à la réputation de Bruxelles, non seulement pour le tourisme mais en tant que capitale principale de l’Union européenne et quartier-général de l’OTAN, sans même mentionner capitale de la Belgique, de la Flandre et de la « Fédération Wallonie-Bruxelles ».

À lire aussi : Le métro bruxellois, symbole du déclin de la capitale belge

Certes, pour sauver un peu l’Office du Tourisme, il faut reconnaître que de nombreux quartiers ont été rénovés tandis que d’autres, tels ceux abritant les « réfugiés fiscaux » français ressemblent plutôt au 16e arrondissement de Paris. Mais certains autres quartiers laissent à penser que Bruxelles est une véritable poubelle. Le 25 février 2025, le patron des patrons bruxellois, Thierry Geerts (BECI) a déclaré à La Libre : « Une femme ou un homme d’affaires qui arrive à la gare de Bruxelles-Midi risque de vite faire demi-tour. »

Dette de 22 milliards en 2029 ? 

La Région est en outre, fortement endettée. La Cour des Comptes a refusé deux années de suite de valider les comptes de la Région bruxelloise en raison du manque de transparence au niveau des recettes et des dépenses !

Dans un rapport de juin 2024, le Centre de recherche en économie régionale et politique économique (CERPE) s’inquiète. Selon des projections du CERPE, en 2029, les recettes devraient atteindre 6 milliards pour une dette consolidée (critères de Maastricht) de 22 milliards. Pour une Région d’environ 1,2 million d’habitants. Ceci reviendra à un ratio de 322% de dette ramenée aux recettes en 2029, contre 207% en 2024. Abyssal.

Alors que la corruption gangrène une série de communes – les « affaires » du Centre public d’aide sociale d’Anderlecht n’étant selon le député Merry Hermanus que la partie émergée de l’iceberg -, il est évident qu’un effort d’assainissement budgétaire sans précédent sera nécessaire sous la prochaine mandature pour tenter de rééquilibrer les comptes de la Région. Inutile de dire que l’indispensable « métro nord » jusqu’à la gare de Bordet risque de passer à la trappe à moins de le faire financer par l’État fédéral.

À lire aussi : Quand le vote communautaire commence à se retourner contre les partis traditionnels à Bruxelles

Or les Bruxellois attendent depuis huit mois un gouvernement régional. David Leisterh (Mouvement réformateur, centre-droit), pressenti pour diriger la Région, a jeté l’éponge comme « formateur ». En cause, la nécessité de l’apport du Parti socialiste bruxellois qui refuse obstinément de gouverner avec la majorité flamande déjà constituée sous prétexte qu’y figure la N-VA (nationalistes flamands modérés). Ahmed Laaouej, le patron des socialistes bruxellois, considère la N-VA comme « xénophobe ». Cette formation politique est pourtant le premier parti de Belgique et le leader de la coalition Arizona au pouvoir depuis quelques semaines en Belgique. Le Premier ministre Bart De Wever serait donc xénophobe ? Les Flamands de Bruxelles répliquent que les Francophones n’ont pas à leur dicter leur majorité (une double majorité est nécessaire, francophone et flamande pour gouverner la Région). L’Open-VLD (libéraux flamands) refuse de toute façon d’échanger la N-VA par le CD&V (Démocratie chrétienne). Un peu à la manière de l’Assemblée nationale, aucune nouvelle élection légalement n’est possible à Bruxelles… Deux nouveaux « informateurs » ont été nommés pour démêler l’écheveau… La droite bruxelloise sera-t-elle reléguée dans l’opposition une nouvelle fois ?

Peur de gouverner 

On peut raisonnablement penser que le Parti socialiste bruxellois ne veut pas monter au pouvoir car il risque de « désespérer Billancourt » comme disait Jean-Paul Sartre à l’époque de l’Union soviétique. À savoir : accepter des économies drastiques et risquer l’impopularité auprès des populations précaires et immigrées qui sont ses principaux électeurs. Rappelons qu’il n’y a plus à Bruxelles qu’environ 25% de « Belges de souche » et que plus aucun parti politique bruxellois ne peut se passer de l’électorat musulman.

En parallèle, des dizaines voire des centaines de millions ont été dépensés pour paralyser la Région sous couvert de « Good Move » (une expression particulièrement cynique !) qui a fait fuir commerces et classes moyennes. Depuis au moins 1997, la Région de Bruxelles-Capitale a connu un solde migratoire net systématiquement négatif et très important en faveur de la Flandre et surtout la Wallonie1. Même si d’autres populations reviennent ou émigrent, c’est une saignée incontestable.

Par extension, selon le Plan Régional de Mobilité 2020-2030, le budget annuel de Bruxelles Mobilité s’élève à 894 millions d’euros. Ce budget, et d’autres encore, couvre une variété de projets et d’initiatives liés à la « mobilité », y compris ceux relevant du plan Good Move. Ces investissements visent à mettre en place une mobilité « douce », faite de piétons, vélos, trottinettes électriques. Mais, comme à Paris sous le règne d’Anne Hidalgo, cette politique anti-voiture a paralysé la ville et contribue à en chasser de plus en plus de commerçants qui attendent, tel Godot, une clientèle bourgeoise allergique aux transports en commun – d’autant plus avec la délinquance qui y règne.

On a l’impression que, depuis plus de vingt ans, la Région bruxelloise a été mise en coupe réglée par quelques lunatiques se trompant de priorité et qui se soucient comme d’une guigne de l’avenir économique de ce carrefour européen. Une ville aujourd’hui au bord du précipice.


  1. Les communes wallonnes qui cumulent 50% des migrations depuis la Région Bruxelles-Capitale, totalisent entre 1997 et 2016, 291.932 migrants vs. les communes wallonnes qui cumulent 50% des migrations vers Bruxelles totalisent seulement 207.422 migrants. ↩︎

Pierre Mérot rempile

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Pierre Mérot © Audrey Dufer

La suite tout aussi poignante de Mammifères, où le personnage principal s’adapte à sa nouvelle vie de soixantenaire.


Couverture de « Mammifères II »

Vingt-deux ans après Mammifères, prix de Flore 2003, réédité en poche par Rivages, Pierre Mérot, auteur d’une dizaine de romans, propose la suite des aventures du personnage de l’oncle. On pourrait appeler ce livre les presque-mémoires de l’oncle qui ressemble par certains côtés à l’auteur, sans vouloir l’offenser, car sa vie, celle de l’oncle, n’est guère reluisante… Il n’a pas la soixantaine triomphante. Ça bande mou et mal. Et le personnage féminin, Sandy, n’est pas très avenant. Quant à l’application Tinder, à laquelle il a recours, elle nous introduit dans l’univers de la misère sexuelle. On frise même le pathétique.

Voltaire sous Prozac

Mammifères II débute par la mère morte. C’est assez salé comme entrée en matière. La scène est d’une grande tristesse avec la description de la chambre mortuaire de l’hôpital Bichat. Bichat, il faut être solide pour ne pas en ressortir déprimé ; surtout l’hiver quand le périph se confond avec le gris du ciel, sous le regard impavide de la cheminée du crématorium. On brûle tout à Bichat, surtout l’espoir.

Ça ne s’arrange pas avec l’évocation du père placé en EHPAD situé dans l’hôpital Fernand-Widal, antichambre des pires cauchemars. Il est mort depuis, avec sa retraite de 4000 euros qui ne lui aura pas permis de respirer le parfum des mimosas de la côte d’Azur. Mérot décrit toujours avec justesse. Ça touche là où la blessure boursoufle. L’ironie est voltairienne, mais elle émane d’un Voltaire sous Prozac, sans perruque ni bas de soie, seulement des bas de contention.

Lose tendance Houellebecq

L’oncle va devoir déménager. Il est foutu à la porte de son studio par le proprio qui souhaite l’occuper. Le studio est crade, car l’oncle picole et maltraite les portes quand il est ivre ; sans oublier qu’il fume beaucoup. Il a des problèmes de santé, vous vous en doutez, et fréquente la clinique de Turin pour passer un coroscanner. Le nouveau logement sera en banlieue chic. Il évoque le seul meuble auquel il se raccroche : son bureau d’écrivain – le radeau de la Méduse, en quelque sorte. Malgré la débine permanente, l’oncle n’a rien perdu de son humour décapant, pas trop méchant, mais sans concession avec notre époque où les individus semblent avoir douze ans d’âge mental.

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Bon, le problème de l’oncle, c’est sa mère. C’est pour cela que le livre démarre sur elle, à l’horizontale et roide. Il y a un beau passage, très bataillien, que nous propose l’auteur. C’est cru, édifiant – page 87 – avec le résumé suivant : « (…) en perdant sa mère il a perdu un ennemi fondamental mais aussi un angle d’attaque contre le monde et plus prosaïquement son fonds de commerce. »

Vingt-deux ans après, donc, Pierre Mérot continue de nous régaler avec cet oncle qu’on ne parvient pas à rejeter malgré sa lose tendance Houellebecq – l’auteur règle ses comptes avec lui, en passant.

Un mauvais point, cependant, attribué au professeur Mérot. La description de certains profs du lycée Stéphanie-de-Monaco m’a crispé. C’est une description naturaliste qui m’a ramené dix ans en arrière, avant ma démission. Ça m’a crispé car c’est tellement vrai. Comme son livre plein de sensibilité.