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Réarmement: se reposer ou être libres…

François Bayrou déclare à l’Assemblée que « nous les Européens, nous sommes forts et nous ne le savons pas »...


Réarmement: se reposer ou être libres…
De gauche à droite, Volodymyr Zelenskyy, Keir Starmer et Emmanuel Macron © Justin Tallis/AP/SIPA

Les députés ont débattu hier de l’Ukraine à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre François Bayrou a affirmé que l’invasion de l’Ukraine par les Russes en 2022 avait marqué un « basculement entre deux mondes ». Avant cette date, il existait dans l’ordre mondial « des garde-fous qu’on pouvait évoquer, des traités qu’on pouvait brandir, des résolutions qu’on pouvait invoquer, des engagements qu’on pouvait rappeler », regrette-t-il. « Est-ce qu’il faut continuer de mettre plus d’argent pour se réarmer ? La réponse est oui, et donc il faudra forcément faire des choix politiques en la matière » a déclaré de son côté le ministre des Armées M. Sébastien Lecornu. Si la France a « bien sûr eu raison de soutenir l’Ukraine », Marine Le Pen déclare qu’il ne sera jamais question pour son mouvement de « soutenir une chimérique défense européenne ». Les Français sont-ils prêts à travailler plus, collectivement, pour fournir l’effort de défense ? Le commentaire d’Elisabeth Lévy


Il est beaucoup question de réarmement. Les Européens se réveillent d’un long sommeil. Pas sous le fougueux baiser d’un prince charmant. François Bayrou a résumé hier à l’Assemblée nationale l’illusion post-nationale et post-historique des élites dirigeantes. «Depuis 1945, l’Europe, l’Occident, la communauté des nations, vivait avec l’idée qu’une loi internationale régissait des relations internationales.» Cette illusion est encore plus prégnante depuis la fin de la guerre froide. L’avènement d’un monde pacifié par le droit et le commerce nous était promis par Francis Fukuyama (la fin de l’histoire). Main dans la main, capitalisme et démocratie devaient régner sur le monde. À l’époque, il y avait un dicton dans la communauté stratégique qui disait que les États-Unis sont le maître idéal, parce qu’ils sont riches et ils sont loin. Dans leur grande salle de gym (Peter Sloterdijk), les Européens et notamment les Français pouvaient s’adonner à la consommation financée par l’État-providence (c’est ce qu’on a appelé les dividendes de la paix). Mais ils n’ont pas voulu entendre les prédécesseurs de Donald Trump qui tous déjà exigeaient un partage du fardeau.

Il n’est pas sûr que les Américains quittent l’OTAN (et notamment l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique), mais le départ des soldats américains basés en Europe est probable. 80 000 hommes vont plier bagage. Les Européens vont devoir payer pour leur sécurité.

Mais nous ne sommes pas en guerre avec la Russie. Il ne s’agit pas de faire la guerre, ni de brailler que Poutine c’est Hitler, mais de pouvoir se défendre. Si tu veux la paix, prépare la guerre.

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Au-delà de Trump, Poutine, Zelenski et de l’Ukraine, dans un monde de carnivores, les herbivores seront vassalisés. Pour que la France redevienne une puissance d’équilibre comme le souhaite Marine Le Pen, elle doit être respectée, donc faire peur. Il devrait en conséquence y avoir union sacrée pour augmenter notre puissance militaire. Or, les communistes retrouvent leur pacifisme bêlant (le sympathique Fabien Roussel nous explique qu’il faut construire des écoles plutôt que des usines d’armement…). Jean-Luc Mélenchon fustige l’impérialisme américain (plus problématique selon lui que le russe ou le chinois apparemment !). La droite est divisée, le Rassemblement national aussi. Les macronistes en profitent pour ressortir la défense européenne des tiroirs, ce qui revient à sortir d’une illusion pour plonger dans une autre. Pourquoi ? La défense, c’est la souveraineté. Et la souveraineté, ce sont les nations. Il peut bien sûr exister des coopérations, des alliances, des engagements communs, peut-être même une garantie nucléaire pour certains de nos alliés – si la France décide seule. Mais nous n’allons pas décider de notre politique étrangère et nos alliances à 26. Le bouleversement diplomatique actuel devrait même être l’occasion pour nous de reprendre le leadership en Europe.

Seulement, pour passer de 2 à 3,5% du PIB en dépenses militaires, il nous faut trouver 40 milliards. Les Russes sont eux à 8%. Je ne suis pas du tout sûre que les Français soient prêts à faire l’effort nécessaire, alors que se profile un énième psychodrame sur les retraites. Ces citoyens qui passent leur temps à militer pour leur retraite, l’Etat social ou leurs avantages devraient méditer cette formule de Thucydide (citée par l’économiste Olivier Babeau[1]): « Citoyens, il faut choisir, se reposer ou être libres… »


Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio


[1] https://www.europe1.fr/emissions/L-edito-eco2/une-union-sacree-pour-financer-notre-rearmement-666299




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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