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11 novembre démilitarisé: Macron fabrique l’Histoire et la « souveraineté européenne »


Une tribune de Jean-Frédéric Poisson, président du parti Chrétien-Démocrate.


Le 11 novembre, les Français commémorent la victoire militaire de 1918, en l’honneur du sacrifice de millions de morts et en écho à la liesse populaire qui accompagna l’Armistice. Depuis 2011, l’hommage a été étendu à tous les conflits et tous les soldats français morts en opération.

En ce 11 novembre 2018 devait être célébré le centième anniversaire de la signature de cet armistice. À l’instar des cérémonies outrageantes de 2016 du Centenaire de Verdun, de l’absence déplacée du chef de l’Etat français aux côtés des autorités britanniques à la commémoration de la Bataille d’Amiens cet été, l’hommage de ce 11 novembre 2018 s’annonce gâché. En effet, l’Élysée a fait savoir que les cérémonies présidées par le président ne pourraient avoir un caractère « trop militaire » pour commémorer plutôt la fin « d’un grand désastre ».

Cette inflexion constitue une trahison à l’encontre de l’Histoire qui retient que la France, appuyée par ses alliés, est sortie victorieuse de cette terrible guerre. Elle est aussi un camouflet envers la mémoire des millions de soldats français et supplétifs, mais aussi de nos aïeux civils, tués ou mutilés au champ d’honneur ou sous les attaques des nouvelles armes aussi meurtrières que modernes.

Peut-on encore être naïf au point de ne pas y voir une nouvelle démonstration flagrante de deux très inquiétantes obsessions macroniennes ?

Celle de la réécriture d’une histoire détricotée, qui en diminue les hauts faits pouvant être sources de fierté nationale pour en surligner les heures sombres au profit d’une culpabilisation collective. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron, lors de discours emblématiques, semble se complaire à battre devant le monde entier la coulpe de la France pour tous les « crimes » qu’elle aurait commis, et pointer du doigt les Français contraints de porter ce lourd héritage de tant et tant d’injustices et méchancetés. Ce chef de l’Etat se montre décidément bien mal à l’aise, voire amnésique, avec l’idée d’enracinement de notre histoire dans un roman français qui comporte, certes, ses vicissitudes, mais aussi ses gloires.

L’autre obsession macronienne, c’est cette volonté d’imposer la construction artificielle d’une « souveraineté européenne » au détriment de celles nationales, passant entre autres par une forme démonstrative de « soumission réparatrice », de la France à l’Allemagne. Ce que signale d’ailleurs la visite d’intronisation d’Emmanuel Macron à Berlin auprès d’Angela Merkel dès le lendemain de sa victoire à la présidentielle. Ou indique l’introduction de plus en plus crédible dans le Traité de l’Elysée en cours d’élaboration d’un bilatéralisme franco-allemand pour la dissuasion nucléaire, créant ainsi une grave entrave aux principes instaurés par le général De Gaulle défendant l’intangibilité de la souveraineté et de l’indépendance de la France. C’est dans cette même dérive que se situe ce 11 novembre dénaturé par la volonté de ne pas heurter l’Allemagne en commémorant de façon par trop ostentatoire la victoire des armées françaises. Ce qu’avoue l’Élysée en précisant officiellement que ce changement de cap s’est fait « en concertation » avec la chancelière.

Ainsi, après avoir méprisé puis éjecté sèchement l’ancien chef d’État-major des Armées, et malmené les budgets de la Défense nationale, le chef de l’Etat décide de ne pas s’associer pleinement au devoir de mémoire qui sera rempli devant tant et tant de stèles, monuments aux morts et autres mémoriaux, partout en France, en l’honneur de ces « poilus » qui se sont battus pour la défense de notre territoire, pour une idée, pour une nation que l’on appelle France et qui semble si étrangère à notre président, à en croire ses récentes déclarations faites à l’étranger.

Devant cette absence honteuse de reconnaissance présidentielle, l’Armée fera sa propre commémoration aux Invalides. Ce sera un bel et vibrant hommage, comme l’institution sait le vivre. Mais sans sa « tête », le président de la République, celui que notre Constitution fait pourtant chef des Armées. Celui qui incarne par excellence, le lien indispensable entre la nation et son armée. Et qui, au détour du centenaire de l’Armistice qu’il dédaignera, entachera ce lien de sang entre le peuple et son armée comme une ultime atteinte à notre légitime fierté nationale.

Monsieur le président, nous ne sommes pas dupes de ce nouvel avatar de vos transgressions, que vous appelez « réformes ». Les Français n’en peuvent plus d’être ainsi dénoncés, bafoués, manipulés, oubliés voire méprisés. Les Français devront s’en souvenir, comme une autre forme de « devoir de mémoire ».

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Menus sans porc: pourquoi l’école ne doit pas s’y opposer

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Les menus de substitution, destinés aux élèves dont les parents ne veulent pas qu’ils mangent de porc, ne sont pas contraires à la laïcité à l’école.


En attendant que le président Macron ait tranché hardiment dans la question du porc à la cantine de l’école laïque, nous pouvons prendre le temps d’un débat libre et détendu sur Causeur.

Marx et la liberté de conscience

Remontons, si vous le voulez bien, à la position de Marx contre les droits de l’homme. En 1844, dans son article, Sur la question juive, Karl Marx dresse un réquisitoire radical contre les droits de l’homme en reprochant à « l’émancipation politique » qu’ils apportent de ne pas réaliser une véritable « émancipation humaine ».

Sa conception de l’émancipation apparaît clairement dans la formule qui résume son réquisitoire : « L’homme ne fut donc pas émancipé de la religion ; il reçut la liberté religieuse. Il ne fut pas émancipé de la propriété ; il reçut la liberté de la propriété. Il ne fut pas émancipé de l’égoïsme de l’industrie ; il reçut la liberté de l’industrie»

A lire aussi: Menus sans porc: les élucubrations de la cour de Lyon

Marx n’a pas tort sur ce point: les droits de l’homme ne « libèrent » pas de la religion, ils proclament et garantissent la liberté de croire ou de ne pas croire. Qu’est-ce qui fait la différence entre ces deux conceptions de l’émancipation ? La liberté de conscience. C’est effectivement le primat de la liberté de conscience qui commande notre laïcité.

Plutôt sans porc que marxiste

Ceux qui voudraient que l’école laïque ne tienne aucun compte des croyances particulières que les élèves ont reçues dans leur milieu, et qui refusent qu’on propose un plat de substitution à ceux qui ne mangent pas de porc, se trompent sur la laïcité de l’école.

Le rôle de l’école laïque est certes « d’émanciper les élèves » des idées et des règles qui leur ont été transmises par leur milieu sans examen de leur part, « car nous avons été enfants avant que d’être hommes », disait Descartes. Mais émanciper ne consiste pas à arracher ces élèves aux convictions qu’ils ont reçues. Émanciper consiste à les rendre de plus en plus libres et capables de soumettre ces convictions à leur propre examen.

Le seul horizon de la laïcité est la liberté de conscience et la capacité de juger par soi-même, et non pas l’incroyance ou l’athéisme.

Imposer aux enfants de familles musulmanes (ou juives) pratiquantes le choix de manger du porc ou de rester sur leur faim, c’est leur imposer la conception marxiste de l’émancipation humaine.

L’école laïque ne doit pas manger de cette idéologie-là.

Ours dans les Pyrénées: bobos contre bergers, le dialogue de sourds

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Deux ourses slovènes, Claverina et Sorita, ont été lâchées en Béarn les 4 et 5 octobre derniers. La population d’ursidés sur l’ensemble des Pyrénées françaises est désormais estimée à 45 individus, mais le sujet divise toujours autant pro et anti réintroduction.


Le repeuplement timide des Pyrénées depuis 1996 avec des ours slovènes, via le nouveau « Plan d’actions ours brun 2018-2028 », offre un spectacle tendu. D’un côté, nous observons des défenseurs de la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées qui – pour certains d’entre eux – ignorent jusqu’à la biologie de ursus arctos arctos, les légères dissemblances du pyrénéen avec son cousin slovène sur le plan du patrimoine génétique, le biotope protéiforme de la chaîne qui va de l’Atlantique à la Méditerranée (sans même évoquer le versant espagnol, et l’ours se moque des frontières), qui font rarement usage de brodequins et de jumelles, qui préfèrent ne pas savoir que l’ours est à l’occasion carnivore et un prédateur évidemment sans état d’âme, et qui ne savent de sa sauvagerie que ce qu’internet en murmure. Ceux-ci se posent néanmoins en censeurs et en donneurs de leçons depuis leur appartement en ville. Face à eux, nous voyons des éleveurs, des gens du cru, des femmes et des hommes de terrain dont l’élevage des ovins est le gagne-pain, maigre de surcroît. Ceux-là appréhendent l’ours comme un grand prédateur déchiquetant à qui mieux mieux nombre de moutons et agneaux, leur capital, créant des paniques générales suivies de chutes mortelles dans les troupeaux qu’ils attaquent, et où se trouvent parfois des brebis dont la gestation avorte.

D’un monde à l’autre

Deux mondes que tout oppose s’affrontent dans un débat sans issue intelligente. Classique et vain comme une joute entre un aficionado a los toros et un anti-corrida, ou entre un chasseur responsable et un anti-chasse obtus. On appelle cela des dialogues de sourds. Aucune prothèse auditive ne saurait faire entendre raison aux protagonistes.

D’un côté, des citadins ayant accès à des médias en mal d’audience, lesquels ferment par ailleurs les yeux sur les dérives incontestables de certains discours fascisants à l’encontre des bouchers, au nom de leur dictatorial audimat. De l’autre, des acteurs économiques responsables, pragmatiques par la force des choses, vivant au contact de la nature, en connaissant donc le principe de prédation, son inhérente cruauté, et éprouvant la précarité de leur propre quotidien. L’enjeu n’est pas qu’un sujet de « prime time » ou de dîner à la maison.

Cohabitation impossible ?

Qui voyage dans quelques pays de l’Europe de l’Est où l’ours brun prospère, ainsi qu’au Québec où l’ours noir est une plaie tant il cause des dégâts en s’invitant en milieu urbanisé, constate qu’il existe encore des territoires où les ours (au prix de leur pathétique dépendance), parviennent à cohabiter avec l’homme.

L’envie est alors grande de se ranger du côté des bergers et autres acteurs du pastoralisme, tout en restant viscéralement proche de ceux qui, parmi les partisans de la réintroduction des grands prédateurs, rêvent d’un retour à une biodiversité façon XIXe siècle, lorsqu’en France, loups, ours, lynx étaient nombreux, mais vivaient grosso modo en harmonie avec l’homme (qui les chassait), comme autant d’usagers d’une nature en partage : on savait à quoi s’attendre, et on ne dramatisait jamais aucune situation. Nous pourrions même imaginer pour les générations à venir le retour du métier d’orsalhèr, de montreur d’ours (surtout ariégeois) qui allait de village en village avec son animal dressé. En marge de la mythification de l’ours via une abondante littérature, la fantasmagorie qui domine est une image d’Épinal inoffensive : celle du nounours en peluche. Loin des redoutables griffes et mâchoires du plantigrade. Quoique certains autres mythes aient la vie dure, comme celui de l’ours (symbole de fertilité), qui kidnappe la femme « sacrifiée », pour des parties de pattes en l’air ayant engendré le personnage de Jean de l’Ours. La célébration de Carnaval, en Soule et en Bigorre, et les fêtes de l’ours des Pyrénées-Orientales en sont la vivace et païenne illustration. Ce folklore, au sens ethnographique du terme, siège à l’opposé de la mythologie qui s’est emparée du loup croqueur d’enfants, sujet de tant de contes destinés à l’entretien d’une peur ancestrale, ancrée dans l’inconscient collectif européen.

Le culte du sauvage

Si l’on aime démesurément la nature dans ce qu’elle a de plus authentique, nous sommes enclins à plaider en faveur du retour massif des grands prédateurs comme l’ours… En assortissant celui-ci d’un réel non-interventionnisme, condition sine qua non pour préserver le sauvage et ne jamais mettre le doigt dans le processus pervers du « désensauvagement », lequel conduit à la « disneysation » d’une nature dénaturée, car conçue par des protecteurs paradoxaux, comme un immense parc d’attraction au service de l’homme qui en a fait son rassurant joujou.

Les lâchers comme expression d’un interventionnisme devraient pouvoir suffire comme coup de canif dans ce « contrat naturel ». Il conviendrait de se passer d’un excès de suivi technique et scientifique, de nous défaire de notre obsession de vouloir tout contrôler à l’aide d’émetteurs VHF intra-abdominaux, de colliers GPS/GSM, d’appareils photo plantés sur les arbres… Et de ficher une paix royale aux ours lâchés. À l’opposé, figure donc la « disneysation » comme illustration d’un anthropomorphisme bisounours. Cela réduit la condition animale à l’asservissement pour le seul plaisir zoolâtre d’une population coupée de la nature, en mal de frissons de campeur, et aveuglée par une sensiblerie de mamie-à-chien-chien sujette à caution.

Les antispécistes contre l’implantation de l’homme ?

Par ailleurs, les apôtres de l’antispécisme, cette autre forme de fascisme anti-humain au mode opératoire terrorisant, placent sur le même plan la vie d’un rat et celle d’un homme (leur voix s’est violemment élevée lors de la mort par légitime défense d’un ours pyrénéen en 1997), et pourraient infiltrer les rangs des « pro » ours pacifiques, qui sont légion. Il faut par conséquent se méfier de certains partisans de la réintroduction des grands prédateurs, potentiellement capables d’exactions au nom de leur ressentiment. Comme il faut prendre également très au sérieux les menaces d’action armée de certains bergers des vallées béarnaises, telles qu’annoncées lors du passage éclair du nouveau ministre de l’Ecologie François de Rugy à la veille des deux lâchers du début du mois. D’un côté comme de l’autre, un dérapage est toujours à craindre qui aurait l’effet d’une étincelle dans une poudrière.

Plaider pour des Pyrénées à nouveau peuplées d’ours, à la condition non négociable de protéger très efficacement tous ceux qui vivent de cet espace (chiens de montagne « patous » et indemnisations n’ont jamais suffi), en se réservant la possibilité – sur le long terme – de réguler des animaux en surnombre (rêvons un peu) ou dangereux (comme pour le loup), pourrait être une solution équitable qui éviterait aussi le braconnage.

Afin que, s’agissant du seul massif pyrénéen français et des ours slovènes qui s’y acclimatent, nous puissions un jour savourer à nouveau le bonheur d’une biodiversité de toute manière intranquille au sein de laquelle l’homme, super-prédateur numéro un depuis si longtemps, croiserait ses concurrents d’hier sur le terrain des opérations bucoliques.

Immigration: les médias nous mènent en bateau


En imposant un vocabulaire biaisé, les grands médias ferment le débat migratoire avant qu’il ait pu avoir lieu. L’emploi de termes tels que migrants et réfugiés – au lieu d’immigrants ou émigrants – occulte les enjeux majeurs et nous oblige à choisir notre camp: générosité ou repli, populisme ou humanisme.


Clarifier les grandes questions d’actualité, telle est la mission des médias. Mais les clarifier ne signifie pas les simplifier et moins encore prétendre y répondre. Bien au contraire, il s’agit d’en mettre en évidence la complexité en examinant les différentes facettes du problème considéré.

La « question migratoire », ainsi qu’il est convenu de la nommer, fait partie de ces problèmes que nos médias ont eu la charité de trancher pour nous. Nos journalistes, dans leur majorité, ne font pas vivre le débat, ne nous incitent pas à avoir une vision complète et complexe des enjeux du sujet ; en idiots utiles d’une cause qui les dépasse, ils nous livrent sur un plateau le prépensé qu’il s’agit de soutenir si l’on veut passer pour quelqu’un de bien. Et comme toujours, ce prépensé s’immisce dans notre langage, nous contraignant à dire le Bien, malgré nous. S’il est vrai que « le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire », selon le mot de Roland Barthes, alors l’attitude de nos journalistes est proprement fasciste. Ce sont des fascistes utiles.

France Inter nous regarde

Entendons-nous bien. Il est évidemment heureux que les médias ne puissent ni exprimer ni répercuter des discours de haine – tels que des appels au meurtre. Mais où a-t-on vu que le rôle des journalistes était de veiller à ce que nous soyons charitables et accueillants ? Théoriquement, ils ne devraient être incitatifs ni dans un sens ni dans l’autre. Ils ne devraient pas être incitatifs du tout.

Leur volonté d’orienter le point de vue du public peut aller jusqu’à la manipulation de l’information, montrant que le sens de la responsabilité dont se targuent nos maîtres à penser a bon dos. On se souvient d’un article, sur le site de France Inter, dont le titre « Migrants : le fantasme de l’infiltration terroriste » devint « Des terroristes parmi les migrants ? » quand les faits dramatiques que l’on connaît prouvèrent que le fantasme n’en était pas un. Qu’on me permette de citer encore la petite introduction : « Des terroristes se cacheraient parmi les migrants. Est-ce crédible ? Autant le dire tout de suite : non, et on vous explique pourquoi », qui, pour sa part, disparut tout bonnement. Cette manœuvre digne du travail de Winston Smith, le héros du roman d’Orwell 1984 (dont le métier est de modifier a posteriori toutes les informations que les faits ont invalidées) est régulièrement dégainée à la face de nos médias donneurs de leçons et traqueurs de « fake news » par ce qu’ils appellent la « fachosphère ».

« Migrant », le mot magique

Mais cette manipulation en bonne et due forme ne doit pas faire oublier les choix lexicaux qui prévalent dans tous les médias : non moins révélateurs d’un parti pris global, parfois inconscient, ils sont sans doute plus pernicieux, car plus discrets. Les terroristes, nous expliqua-t-on quand il devint clair que le fantasme n’en était pas un, avaient « emprunté la route des migrants ». Il faudra songer à décorer celui qui, le premier, a employé une telle expression. Loin de pouvoir eux-mêmes être considérés comme des migrants, les terroristes ne sont pas même « parmi » les migrants : non, ils empruntent leur route. La dissociation est totale. Sauf que, dans la réalité, cette dissociation est si difficile à faire que les efforts combinés de toutes les polices n’y suffisent pas toujours. En s’acharnant à minorer le danger terroriste consubstantiel aux flux migratoires, en culpabilisant la méfiance, en blâmant le soupçon, les journalistes nous ont contraints à baisser la garde ; en interdisant les « amalgames », ils nous forcent à accepter le danger comme une fatalité.

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Les terroristes donc, avaient emprunté la route des migrants. « Migrant » : le mot magique par excellence. Le migrant n’est ni un « immigré » ni un « émigré ». Venu de nulle part, il ne va nulle part. Ce mot interdit de s’interroger sur l’origine et les motivations de l’arrivant, en même temps qu’il rassure l’accueillant forcé en le persuadant que cette installation n’est pas définitive. Nouveau nomade, le migrant repartira comme il est venu ; il n’a pas vocation à rester. Évidemment, ce confusionnisme est parfaitement injuste, car en employant le mot « migrant », on abolit la différence entre l’authentique réfugié qui quitte un pays ravagé par la guerre, d’une part, et d’autre part, le pauvre en quête du mode de vie à l’occidentale qu’on lui a abusivement fait idéaliser. Quel monde entre la jeune Congolaise enceinte qui ne parle que le lingala et fuit la guerre sans rien espérer pour elle-même, songeant seulement à l’avenir de l’enfant qu’elle porte, et le jeune Algérien parfaitement bilingue qui fuit peut-être un lourd passé judiciaire et pense refaire sa vie dans le confort de l’anonymat ? Comme le mot « migrant », la notion de « crise migratoire » résorbe sa propre connotation anxiogène dans l’idée qu’elle exprime en même temps : celle d’un phénomène temporaire qui, à l’instar du migrant, passera.

Conscients que le terme « migrant » opérait un lissage gênant des disparités de situations, nos journalistes ont adopté l’expression « migrant économique », précisément pour désigner ces aventuriers qui cherchent fortune par voie légale ou illégale et qui, n’ayant aucune attache, n’ont rien à perdre. Beaucoup ont laissé derrière eux des parents, des amis, parfois une femme et des enfants. Celui qui part sans cesse n’a de compte à rendre à personne ; il est littéralement sans feu ni lieu, c’est-à-dire sans foi ni loi.

On peut fuir la guerre, mais aussi la justice…

« Mais ils risquent leur vie ! », nous dit-on. Certaines expressions agissent comme de véritables bâillons idéologiques. Que les migrants soient « prêts à risquer leur vie sur des radeaux de fortune » constituerait la preuve qu’ils fuient effectivement de grands dangers. Interdiction nous est faite, par conséquent, de remettre en cause leur accueil massif. Mais est-ce bien connaître la nature humaine ? On peut risquer sa vie en désespoir de cause, pour en sauver d’autres, parce qu’on fait le pari de s’en sortir, ou sans aucun principe particulier. Et répétons-le : on peut fuir la guerre, mais aussi la justice…

Néanmoins, tout le monde ne s’accorde pas sur l’emploi du mot « migrant » et certains journalistes optent systématiquement pour la dénomination « réfugié », avec les déclinaisons que l’on sait : « réfugiés de guerre », « réfugiés économiques » et demain, « réfugiés climatiques ». Par opposition au migrant-zombie sans origine ni destination, le réfugié est une victime incontestée. Ce mot est donc brandi en réplique à tous ceux qui oseraient un parallèle douteux entre les flux migratoires actuels et les invasions barbares de jadis. Les fameux barbares étaient pourtant, pour la plupart, des réfugiés qui fuyaient l’avancée des Huns. Les journalistes du IVe siècle auraient pu photographier un Aylan goth mort de froid et déchiqueté par les loups dans une forêt d’Europe centrale. Ils auraient ensuite pu déclarer : « L’image parle d’elle-même » ; ce qui est faux, elle ne dit que ce qu’on lui fait dire et revêt le statut argumentatif qu’on lui confère.

On ne parle pas des conséquences

Mais les journalistes en toge n’auraient pas eu besoin de déployer cet arsenal de persuasion, car l’Empire romain se montra plutôt accueillant pour ces malheureux. On laissa nombre d’entre eux s’installer sur le territoire, dans des zones délimitées, près de la frontière. Comme toujours – osera-t-on dire comme aujourd’hui ? – des individus comprirent vite l’intérêt qu’ils pouvaient tirer de la détresse de ces populations : on leur vendit des terres et de la nourriture à des prix exorbitants. Victimes de mauvais traitements, acculés à la famine, les barbares se révoltèrent et quittèrent les zones qu’on leur avait attribuées pour déferler sur le reste de l’Europe. Que chacun se débrouille avec les similitudes et les différences avec la situation actuelle, mais la comparaison s’arrête là puisque les barbares d’alors étaient déjà très romanisés. Beaucoup étaient chrétiens, leurs élites parlaient latin et leurs chefs de guerre avaient fait leur service militaire dans les armées de l’Empire. Peut-être ces barbares étaient-ils plus aisément intégrables que nos migrants, avec qui ils partagent donc le statut de « réfugiés ». Leur arrivée n’en changea pas moins pour toujours la face de l’Occident. Il faut donc se poser une question : souhaitons-nous revivre un bouleversement d’une telle ampleur, sinon d’une portée civilisationnelle plus importante encore ?

Cette question n’est pas posée. Mais il est interdit d’y répondre négativement. Ce serait « manquer de solidarité » : cette intéressante expression a été convoquée au sujet de l’Italie. Lorsque celle-ci refuse de laisser accoster dans ses ports des bateaux humanitaires transportant des migrants, on dit qu’elle manque de solidarité. Puis on parle du manque de solidarité des autres pays européens envers l’Italie, qui la pousse dans les bras de la peste brune. Mais on n’eût jamais parlé du manque de solidarité dont elle était victime si elle n’était pas elle-même coupable. L’Italie aurait pu continuer longtemps à être « solidaire » au-delà de ses capacités, dans un silence médiatique à peu près total.

« Générosité », « accueil », « ouverture »

Le cas de l’Italie, coupable et victime, permet d’étendre l’accusation à tous les autres pays d’Europe. Les mots d’ordre médiatiques — parfaitement objectifs… — sont : « générosité », « accueil », « ouverture ». On jette alors au même panier la Hongrie et la France, ces qualités faisant totalement défaut à la première quand la seconde en est trop peu pourvue. Quelle hypocrisie : à la vérité, on ne reproche pas à ces pays d’être insuffisamment ouverts et généreux ; on leur reproche d’exister, d’être des pays, c’est-à-dire des territoires délimités par une frontière et représentant une entité géographique, politique et humaine. On leur reproche de n’être pas des ONG. Il faut aller regarder derrière les mots : est généreux celui qui recueille les migrants à la dérive en mer Méditerranée. On les aide donc, à condition qu’ils acceptent de risquer leur vie ; et ceux qui ne sont pas assez téméraires pour tenter la traversée peuvent crever dans les prisons libyennes. La vraie générosité ne serait-elle pas de leur éviter d’avoir à monter dans des canots surchargés ? Et, donc, d’envoyer les bateaux humanitaires directement sur les côtes de départ ? Je ne dis pas qu’il faut le faire ; je dis que la générosité vantée par nos médias est un sadisme.

La manipulation des chiffres

Pour conclure, un mot sur les chiffres. On retrouve sur ce sujet un jeu habituel dans les médias : le double discours. D’un côté, les migrants sont très très nombreux, on ne peut rien pour endiguer le phénomène, il va continuer, il va s’intensifier, il faut l’accepter ! Et en même temps (comme dirait Macron) : les migrants sont très peu, ils sont même de moins en moins nombreux, le flux se tarit, bref, « c’est une goutte d’eau ! ». Reste à espérer qu’elle ne fera pas déborder le vase… La manipulation culmine dans cette nouvelle stratégie qui consiste à nous fournir au compte-gouttes le nombre de passagers des bateaux : des nombres tout à fait acceptables si l’on oublie que le phénomène est cumulatif !

La revue Proceedings of the National Academy of Sciences publiait en juillet 2017 les résultats d’une étude consistant à faire inhaler de l’ocytocine à des gens, tout en leur montrant des photos de migrants. Apparemment, ils devenaient soudain généreux, altruistes, ouverts, accueillants et solidaires, « sauf ceux qui se disaient ouvertement xénophobes », précise l’étude (oui, il y a des gens qui se disent ouvertement xénophobes). Merveilleux. Sans doute devons-nous nous habituer à ce que le discours médiatique prétende avoir le même effet qu’une bonne dose d’hormones.

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Menus sans porc: les élucubrations de la cour de Lyon

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Au nom de la laïcité, le maire de Chalon-sur-Saône avait choisi de ne plus proposer de menus de substitution à la cantine aux enfants dont les parents ne souhaitaient pas qu’ils consomment de porc. La cour d’appel de Lyon a annulé sa décision. Sans convaincre.


Depuis 1984, les restaurants scolaires des écoles publiques de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) proposaient à leurs usagers des menus alternatifs sans porc. Mais en mars 2015, le maire de la ville a décidé de ne plus y proposer de menu de substitution, c’est-à-dire de ne pas proposer aux écoliers d’alternative à la viande de porc lorsque celle-ci est au menu de la cantine, compte tenu, notamment, des principes de laïcité et de neutralité auxquels est soumis le service public.

La cour de Lyon d’accord avec la Ligue de défense judiciaire des musulmans

Saisi par la Ligue de défense judiciaire des musulmans, le tribunal administratif de Dijon a choisi, le 28 août 2017, d’annuler la décision du maire de Chalon-sur-Saône en invoquant « l’intérêt supérieur de l’enfant » à ne pas consommer de la viande de porc, au prétexte étrange de l’article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). La commune de Chalon-sur-Saône a naturellement interjeté appel de ce jugement, ce qui a amené la Cour administrative d’appel de Lyon à se prononcer sur la question.

Celle-ci, par son arrêt du 23 octobre 2018, a annulé au fond… la décision communale en considérant que :

– aucune nécessité du service public facultatif de la restauration scolaire ne la justifiait ;

– et que les principes de laïcité et de neutralité ne faisaient pas obstacle à ce que les usagers de ce service se voient offrir un choix leur permettant de bénéficier d’un menu équilibré « sans avoir à consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses ou philosophiques ».

Décision bancale

La première branche de ce raisonnement peut convaincre. Aucune nécessité d’organisation ou de fonctionnement du service ne paraît en l’état pouvoir justifier d’imposer précisément le porc à la cantine scolaire (plus qu’une autre viande). La décision du maire de Chalon-sur-Saône était sans doute initialement mal ficelée.

En revanche, la deuxième branche du raisonnement suivi par la cour met mal à l’aise. Disons les choses clairement : comment penser une seule seconde que des enfants âgés de 3 à 11 ans (en école primaire) soient en situation de faire un choix éclairé en matière de religion et de contraintes alimentaires associées ? Comment imaginer, comme la cour de Lyon l’a considéré, que des enfants de moins de 11 ans puissent ainsi faire un tri entre des aliments sur le fondement de leurs intimes convictions religieuses ? L’entrée en religion suppose a minima une étude intellectuelle approfondie des textes religieux, pour un choix en pleine connaissance de cause, qui est inenvisageable à un âge si précoce. C’est donc en réalité bien des convictions religieuses des parents dont il est ici question. Or ces derniers sont tiers au service public (et non usagers), ce qui bouscule le raisonnement juridique.

La motivation de la décision de la cour de Lyon paraît donc faible. Au demeurant inutile pour juger au fond du litige, elle révèle une idéologie qui flirte avec le militantisme puisque la cour vient indirectement reconnaître l’existence d’aliments qui seraient proscrits pour de très jeunes enfants en raison de leurs convictions religieuses supposées.

Le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé contre

L’intérêt de l’enfant, c’est d’être protégé des influences lors de son plus jeune âge (y compris de celle de ses parents), pour être en parfaite capacité, le moment venu, de faire un choix éclairé s’il le souhaite. C’est la mission de l’école républicaine.

La mention des aliments proscrits en raison de « convictions philosophiques » dans la décision de la cour prête par ailleurs à sourire, il ne semble pas que la philosophie bouddhiste soit le point de crispation à l’école publique.

Le maire de Chalon-sur-Saône a fait connaître son intention de porter cette affaire devant le Conseil d’État, dont la décision sera attendue avec grand intérêt. Il faut en effet rappeler que, par deux fois, la juridiction suprême a suivi un raisonnement inverse de celui de la cour de Lyon sur le sujet :

– En décidant, le 14 avril 1995, que la neutralité implique, pour les usagers du service public, que la prise en compte des différences de situation fondées sur les convictions religieuses ne puisse pas remettre en cause le fonctionnement normal du service (CE, 14 avril 1995, Consistoire central des israélites de France, n°125148),

– Et en décidant, le 25 octobre 2002, que l’absence de repas de substitution ne méconnaît pas le principe de liberté religieuse (CE, 25 octobre 2002, Mme Renault, n°251161).

Vers du hallal à l’école ?

Le maire de Chalon-sur-Saône n’est, par ailleurs, pas isolé puisque l’Association des maires de France rappelle, dans son vade-mecum sur la laïcité de 2015, qu’ « il appartient aux parents d’inscrire ou non leur(s) enfant(s) à la cantine en ayant connaissance des menus qui y seraient servis : les familles doivent s’adapter aux règles de l’école républicaine laïque et non l’inverse » (Le Figaro du 23 octobre 2018).

La décision du Conseil d’État sera importante. Il est à craindre que les menus de substitution ne soient que la première étape vers une revendication du hallal à l’école publique (pour toutes les viandes) qui est déjà à l’œuvre dans certains secteurs. Une solution alternative consisterait à proposer de vrais menus végétariens (sans viandes et pour tous) aux écoliers de France sur le fondement de considérations nutritionnelles (les dangers pour la santé d’un excès de consommation de viandes sont régulièrement dénoncés par les professionnels). Mais c’est un autre débat…

Bruxelles et Moody’s ligués contre l’Italie

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La Commission européenne et Moody’s ont sévi, ces derniers jours, contre les choix budgétaires italiens. Au mépris manifeste de toute souveraineté populaire…


Le catoblépas est un animal légendaire si stupide qu’il est réputé se manger les pieds. Tant le monde de la finance que l’appareil bruxellois semblent faire partie de cette curieuse espèce animale : à quelques jours d’intervalle l’agence Moody’s a abaissé la note de la dette souveraine italienne et la Commission européenne a rejeté le budget de Rome.

« Les projets […] du gouvernement [italien] ne constituent pas un agenda cohérent de réformes »

Vendredi dernier, Moody’s a donc ramené la note souveraine de l’Italie (note attribuée à la dette à long terme émise par l’état italien) de Baa2 à Baa3 (échelon un cran au-dessus de la catégorie « spéculative », « junk » ou « non investment »). L’agence (une société à but lucratif) d’estimation des risques économiques, indique percevoir une dégradation des perspectives de déficit et l’arrêt des « réformes structurelles ». Certes, elle tempère son appréciation en l’assortissant d’une « perspective stable », ce qui exclut, à court terme (en théorie six mois), le risque d’une dégradation supplémentaire. Mais qu’en sera-t-il dans deux mois quand le budget sera voté, probablement tel quel ?

A lire aussi: Italie: le « budget du peuple » contre le budget de l’Europe

Moody’s a expliqué être inquiet d’une simple éventuelle stabilisation et non d’une véritable diminution de la dette publique au cours des prochaines années. « Le ratio de dette publique de l’Italie va probablement se stabiliser autour de l’actuel taux de 130 % du PIB dans les années à venir, plutôt que de diminuer comme Moody’s le pensait », a indiqué l’agence, qui estime que la dette publique est d’autant plus problématique que les perspectives de croissance économique seraient faibles : « Les projets de mesures budgétaires et économiques du gouvernement ne constituent pas un agenda cohérent de réformes qui [résoudra] les problèmes de croissance décevante ». Moody’s ajoute qu’à court terme également, « le stimulus budgétaire apportera un dynamisme à la croissance plus limité que ce que le gouvernement estime ». Moody’s explique sa décision par « une dégradation marquée de la solidité budgétaire de l’Italie, avec des objectifs gouvernementaux de déficits budgétaires pour les années à venir supérieurs à ce que Moody’s prévoyait auparavant » et par « les conséquences défavorables pour la croissance à moyen terme de l’arrêt des projets de réformes économiques et budgétaires structurelles ». Moody’s estime que la croissance de l’économie italienne (troisième de la zone euro) « ne devrait bénéficier que d’un coup de pouce temporaire grâce à cette politique budgétaire expansionniste avant de retomber à un rythme annuel d’environ 1%… » Et que « même à court terme le soutien budgétaire apportera un soutien à la croissance plus limité que prévu par le gouvernement ».

Bruxelles pense à Bruxelles

L’Italie est notée BBB par les deux autres sociétés commerciales américaines internationales de notation, Standard & Poor’s (S&P) et Fitch Ratings. S&P, dont la perspective est stable, doit rendre sa décision sur une éventuelle modification le 26 octobre. Fitch, de son côté, a abaissé le 31 août à « négative » la perspective de sa note. Autre grigri chéri de la finance, l’écart de rendement (« spread ») entre les titres italiens et allemands a atteint, vendredi, son plus haut niveau depuis près de six ans à plus de 338 points de base.

Les agents de la finance – et Bruxelles – évoquent sans cesse le concept de « réforme structurelle ». Pour eux, il s’agit seulement des mesures budgétaires d’augmentation des impôts et de réduction des dépenses, investissements publics et prestations sociales incluses. Ils confondent donc, volontairement ou pas, la structure du budget et celle d’une économie.

Les Italiens, eux, ont choisi une politique globale de relance qui, augmentant la production et la consommation, accroît l’assiette imposable, et devrait tendre mécaniquement vers l’équilibre budgétaire. Le projet de budget italien pour 2019 table sur un déficit à 2,4 % du produit intérieur brut, très loin du 0,8 % promis par le précédent gouvernement. Ce projet de budget inclut l’instauration d’un « revenu de citoyenneté » pour les défavorisés, une baisse des impôts, une amnistie fiscale partielle pour ceux qui rapatrient et l’abaissement de l’âge de la retraite. Il s’agit bien d’une réforme structurelle, mais économique et sociale, intelligente, humaine et respectueuse des engagements électoraux.

La rivière Moody’s revient toujours dans son lit

Bruxelles a demandé des « clarifications » sur un dérapage « sans précédent dans l’histoire du Pacte de stabilité et de croissance ». La Commission dénonce « une non-conformité grave » avec les règles européennes, ce qui pourrait l’amener à rejeter ce budget, décision grave qui ne s’est encore jamais produite. Et après ?

Les opinions publiques doivent résister à la peur de sujets supposés trop complexes alors qu’ils sont assez faciles à comprendre, dès lors qu’ils sont débarrassés du matraquage médiatique, de ce bla-bla pseudo-technique, et expliqués.

Enfin, on rappellera, parmi d’autres, des éléments édifiants d’histoire financière : en 1931, Moody’s fut à l’origine de la crise grecque et, indirectement, de l’arrivée au pouvoir du général Metaxas, cinq ans plus tard. L’agence de notation décida en effet d’abaisser la note de la Grèce. Résultat : augmentation des taux d’intérêt, départ des capitaux et défaut de l’Etat, la Société des Nations ayant refusé son assistance financière. Comme récemment, le peuple grec ne fut pas épargné : faillites de banque, émeutes et finalement coup d’Etat. Mieux, les banques italiennes avaient été parmi les plus durement touchées par le défaut grec et Mussolini en tira prétexte : l’armée italienne envahit la Grèce. Les dirigeants de Moody’s jurèrent mais un peu tard qu’on ne les y prendrait plus et promirent de ne plus noter les Etats. On sait ce qu’il en a été en 2007… Les « agences » furent à nouveau accusées du gonflement de la bulle puis de son éclatement. Début août 2016, Moody’s a même porté un jugement (!) sur les programmes de Donald Trump et Hillary Clinton :

« Alors que le programme de la démocrate permettrait la création d’emplois, celui de son rival entraînerait des destructions en masse, et une fragilisation de l’économie américaine. »

L’économie est faite pour les humains

Sans commentaire ? Si, trois :

– une bonne économie réelle est bonne pour la finance ; une finance dévoyée est mauvaise pour l’économie.

– l’économie est faite pour les humains et les nations : les Italiens vont le rappeler ; et la finance spéculative qui fabrique les bulles et s’en prend aux nations devra être ramenée par la loi à sa place.

– Bruxelles est le dos au mur. Que fera le peuple italien, soudé à 55 % derrière ses leaders? Que va-t-il se passer en Espagne lors du vote du budget du gouvernement Sanchez, minoritaire, utopiste et discrédité ?

La cause animale sera le genre humain


Un jour, les animaux prendront le pouvoir sur les hommes, avec ou sans leur consentement. Certains ont déjà commencé…


Sale temps pour la faune. Les insectes s’éteignent en masse, les oiseaux désertent nos grandes villes, les chasseurs ont pris le pouvoir. Après l’otarie du Japon et le dauphin de Chine, c’est au tour du Nicolas Hulot de disparaître. C’était pourtant une espèce joviale, vouée aux craintes apocalyptiques et aux rêveries naturalistes. Mais il y a pire ! Parfois, les animaux sont embrigadés dans des guerres qui ne sont pas les leurs, comme lors de l’opération de communication « Enlarge your Paris » (sic), où l’on a pu voir des « bergers urbains » (sic) organiser la transhumance de centaines de moutons en Seine-Saint-Denis pour défendre l’agriculture urbaine. Pour « les-Parisiennes-et-les-Parisiens », il était possible de participer à cette marche des fiertés caprines et d’accompagner la déambulation en bêlant. Le Grand Paris n’a toutefois pas dit ce qu’étaient devenus les animaux. On fait le pari du méchoui.

La ferme les animaux

Devant ce cortège d’injustices, toutes les conditions d’une révolte animale sont réunies. À trop relire 1984 de George Orwell, nous oublions de nous replonger dans La Ferme des animaux, où les bêtes renversent les humains pour mettre en place un régime égalitaire (jusqu’à ce que certains cochons se prétendent « plus égaux que d’autres »…).

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Ce temps du chaos est venu. Partout à travers le monde les serpents captifs reprennent leur liberté ; comme récemment en Pologne, où un python de cinq mètres a engagé une cavale digne de Redoine Faïd, mobilisant l’armée. Au Mans, pas moins de 22 vaches ont décidé de reprendre leur destin en main, en s’échappant de leur pré d’un pas décidé. Cette fraction bovine révolutionnaire se dirigeait la bave aux lèvres vers le chef-lieu de la Sarthe pour en découdre. Le drame et le basculement politique ont été évités de peu.

Dauphin de race

Mais la révolte la plus décidée nous vient des océans. En rade de Brest, un dauphin a semé littéralement la panique en s’approchant au plus près des nageurs avec une attitude particulièrement menaçante. La commune de Landevennec a même interdit la baignade, arguant de la présence d’un « dauphin solitaire ». En rut, l’individu se frottait violemment aux embarcations. Il a pris peu à peu des proportions gigantesques en Bretagne. C’est presque devenu la Bête du Gévaudan et sa détermination politique reste intacte. Après la saison de la révolte des animaux, suivra peut-être celle des hommes.

Laetitia Avia: député, identitaire et saltimbanque?


En brandissant une proposition de loi sur la « glottophobie » (peur des accents) puis en déclarant que c’était une blague, le député Laetitia Avia s’est improvisé comique et identitaire. Une drôle de façon d’honorer son statut d’élu de la République.


En 2018, le député LREM de Paris, Laetitia Avia, aura beaucoup fait travailler notre imagination. Après nous avoir fait part en début d’année d’un péril raciste imaginaire, elle est revenue, en octobre, pour nous gratifier d’une proposition de loi imaginaire.

En réaction à une énième vocifération de Jean-Luc Mélenchon, dans laquelle il se moque ouvertement des intonations méridionales d’une journaliste, Madame Avia a indiqué, dans un tweet, qu’elle allait procéder au dépôt d’une proposition de loi visant à reconnaître la « glottophobie » comme discrimination.

La « glottophobie », un faux débat

Elle l’a justifiée ainsi : « Parce que nos accents sont notre identité ». Au contraire de la République, Madame Avia est donc identitaire. On ne s’attardera pas sur la rapidité de la rédaction d’une proposition de loi, effectuée en à peine le temps de tweeter trois fois, qui révèle une volonté de réagir plutôt que d’agir.

Ce qui est insupportable chez Jean-Luc Mélenchon, c’est l’arrogance, la gouaille et le mépris d’un homme politique dénigrant une journaliste. Il est inutile de recourir à la novlangue en créant une infraction imaginaire de « glottophobie » pour dénoncer ces faits. Le droit permet déjà de sanctionner l’insulte et le dénigrement. Ce n’est d’ailleurs pas le plus important dans l’affaire. L’histoire de l’accent du Sud-Ouest moqué est anecdotique dans le flot de gesticulations du député des Bouches-du-Rhône qui, se complaisant à se donner les allures d’un élu de la Convention dont la personne est « sacrée », transforme son insoumission en insubordination, s’en prend physiquement à un procureur, défie l’autorité de l’Etat et remet en cause la légalité républicaine.

L’Assemblée, siège du Laetitia Avia Comedy club

La « glottophobie », elle, est un faux débat. Madame Avia s’en est rendu compte et nous a expliqué que sa proposition de loi constituait en réalité une « pique humoristique » à destination du chef des insoumis. Était-ce vraiment opportun ? Il y a des choses que l’on dit dans l’hémicycle, et d’autres qu’on peut réserver pour la buvette de l’Assemblée. Que ce rétropédalage soit sincère ou non, il met quand même mal à l’aise. Avec cette idée de proposition de loi humoristique, nous franchissons un cap : une élue de la nation prend l’initiative de s’improviser saltimbanque.

La loi, expression de la volonté générale, mérite sans doute un peu plus de respect que d’être traitée avec désinvolture. Ne serait-ce que pour les électeurs qui n’ont pas choisi d’être représentés par un comique ou par les personnes qui aujourd’hui souffrent réellement de discrimination. A manquer de considération tant à l’égard de son mandat qu’à celui de la loi, on pourrait presque reprocher à Madame Avia d’être legistophobe. Comme le disait très justement l’entraîneur de l’équipe de football de Nancy à qui on reprochait le manque de virtuosité du jeu de ses joueurs : « Si vous voulez du spectacle, allez au cirque ».

L’Education nationale est-elle « glottophobe » ?

Mais au-delà de cet humour mal placé, le recours à ce concept de « glottophobie » interpelle. En premier lieu parce qu’il est ridicule de vouloir sacraliser les accents et intonations. Quand j’étais à l’école publique à Nancy, mes professeurs nous reprenaient quand, parfois, une approbation était exprimée par un « uuui », que l’on racontait que nos parents prenaient du « cafaaii » ou encore que nous mangions du « pââté » lorrain. Dois-je aujourd’hui reprocher à l’Education nationale de m’avoir donné des professeurs « glottophobes » ? Ou dois-je plutôt éprouver de la gratitude à l’égard de l’école de la République qui veille à faire en sorte que chaque citoyen puisse accéder à la connaissance et à la maîtrise de la langue française ?

Parce que, justement, la maîtrise de la langue est un facteur d’émancipation, le français est sans doute le bien le plus précieux que nous avons, il permet de nous relier les uns les autres à notre histoire, à notre culture, à notre bien commun. La maîtrise de la langue contribue à manifester du respect à l’égard de nos différents interlocuteurs, c’est une marque de savoir vivre et, pour reprendre un terme à la mode, cela concourt au « vivre-ensemble ».

Si la proposition de loi de Madame Avia était effectivement appliquée, que signifierait lutter contre la « glottophobie » ? Pourra-t-on reprocher à une agence de communication d’avoir rejeté une candidature au motif que le postulant s’exprimait dans un français approximatif ? Pourra-t-on encore condamner un restaurant alsacien pour avoir refusé d’embaucher comme serveur une personne au fort accent béarnais ? L’arsenal juridique contre les discriminations est déjà suffisamment chargé pour permettre de lutter contre les démarches méprisantes et réellement discriminatoires.

La phobie de l’égalité

Surtout, vouloir, même sur le ton de l’humour, ajouter des phobies partout dans le Code pénal (comme si nous n’en n’avions pas déjà suffisamment), revient à dévoyer le principe d’égalité. En réalité, on ne fait qu’opposer les Français les uns aux autres, chacun ne devant se définir que comme étant la victime de l’autre, tout le monde dispose de sa petite catégorie dans laquelle il peut se définir comme victime d’une quelconque phobie.

Cette multiplication des mots en « -phobe » traduit une pensée qui consiste à transformer le principe d’égalité de tous en non-discrimination de chacun ; qui ne conçoit l’intérêt général qu’en sommes d’intérêts particuliers ; qui favorise l’individualisme par rapport à la société et qui encourage la revendication permanente d’un droit à la différence au détriment du bien commun. Et ça, ce n’est vraiment pas très drôle.

#MeToo et #BalanceTonPorc : le féminisme illibéral


Un an après le déclenchement des ouragans #MeToo et #BalanceTonPorc, il convient de les considérer pour ce qu’ils sont: une incitation à la haine transformée en bouillabaisse juridique.


Il est curieux qu’à une époque où l’on condamne et criminalise à tour de bras les « discours de haine » et les « phobies » de toutes sortes, notamment d’ailleurs « à raison du sexe », nul ne songe à voir dans les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ce qu’ils contiennent exactement, c’est-à-dire une incitation à la haine d’une violence inouïe et une androphobie manifeste.

La guerre de toutes contre tous

De la même façon, alors que l’on s’en prend régulièrement aux fausses informations dites « fake news » au point d’envisager, en France, l’adoption d’une loi pour les réprimer, l’on ne semble pas du tout s’alarmer des amalgames grossiers, des statistiques biaisées et de certaines  « théories » charlatanesques véhiculées par les militantes féministes.

Enfin, alors que la bien-pensance progressiste dénonce quotidiennement les  « populismes » et les démocraties « illibérales », elle ne semble pas non plus s’offusquer du populisme pénal le plus brutal contenu dans ces lynchages et de l’acharnement répressif liberticide qui en résulte.

L’histoire banale de la mise en cause d’un producteur de cinéma hollywoodien aussi réputé pour sa compétence dans la sélection des scénarios et des acteurs que pour ses appétits sexuels, a déclenché sur les réseaux sociaux et dans les médias une campagne mondiale de dénigrement et de haine contre toute la gente masculine, soudain transformée en horde de violeurs et d’agresseurs sexuels. Les deux moitiés complémentaires de l’humanité se trouvèrent soudain érigées en ennemies irréductibles : d’un côté les loups, de l’autre les brebis. La Troisième Guerre mondiale était déclarée : celle de toutes contre tous.

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L’on vît à cette occasion de nombreuses actrices qui avaient de toute évidence misé sur leurs charmes pour convaincre producteurs ou réalisateurs célèbres de leur confier de beaux rôles, se souvenir, souvent fort longtemps après les faits, d’avoir été sexuellement agressées par ceux qui leur avaient donné rendez-vous dans leur chambre à coucher. La première des précautions d’une femme responsable et douée de discernement est généralement de ne jamais accepter de rencontrer dans un lieu privé un individu précédé d’une solide réputation d’obsession sexuelle, du moins lorsqu’elle n’entend pas échanger ses charmes contre une embauche, un rôle, une promotion ou une augmentation. Toute acceptation d’un tel rendez-vous équivaut évidemment, dans l’esprit de la puissance invitante, à un consentement tacite. Il est dès lors étonnant de voir la « victime » se dire ensuite choquée ou surprise lorsque l’intéressé se prend à vouloir exécuter le contrat. C’est peu dire qu’un bon nombre de témoignages diffusés à l’occasion de cette vaste délation n’étaient tout simplement pas crédibles, à tel point que la honte ne changea pas vraiment de camp et que l’on se prît plutôt de compassion pour tous ces  hommes humiliés, insultés, menacés, traînés dans la boue et, finalement, déchus de leurs fonctions, mandats ou engagements professionnels par un tribunal médiatique dont le principe du contradictoire était totalement absent.

La grande bouillabaisse juridique

La balance du porc ne voulait pas de celle de la justice. Le parallèle avec le tribunal de la Sainte Inquisition ne pouvait que sauter aux yeux tandis que le visage de certaines figures de proue du mouvement n’allait pas sans évoquer les traits de Savonarole ou de Torquemada.

Surtout, au milieu de tous ces cris et piloris, l’on ne distinguait plus rien et ne savait plus ce dont on parlait. Tantôt il s’agissait de viols, tantôt de regards appuyés, de mains sur l’épaule, de mouvements du pied, de baisers dans le cou, de caresse de cheveux, de compliments sur le physique ou… de meurtres conjugaux. L’interpellation « Mademoiselle vous êtes jolie » apparaissait ainsi aux côtés des coups et blessures ayant entraîné la mort dans une grande bouillabaisse d’où disparaissaient toute hiérarchie et capacité de discernement. Jamais la confusion ne s’était autant et durablement emparée des esprits, personne ne semblant  plus capable de distinguer quoique ce soit.

Et puisque la justice et ses procédures étaient précisément accusées de ne pas faire droit à toutes ces victimes et d’échouer à les délivrer du mâle, on décida bien entendu de renforcer encore l’arsenal répressif, sans s’interroger sérieusement sur le bilan des textes précédents, ni faire cesser parallèlement le lynchage médiatique.

C’est ainsi que fût adoptée cet été en France une nouvelle loi « renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes », dont l’exposé des motifs se termine par l’étonnante formule « Pour que la honte change de camp ! », mais qui devrait pourtant faire elle-même rougir ses auteurs tant sa rédaction lamentable est une offense à l’État de droit.

Selon que l’on soit homme ou femme…

Ce texte est encore une accumulation d’incriminations nouvelles définies par des formules incohérentes et dépourvues de sens. Cesare Beccaria, qui exposa au XVIIIe siècle, dans son Traité des délits et des peines, les principes du droit pénal des Lumières, devrait se retourner dans sa tombe en lisant pareilles inepties. Tous les grands principes libéraux du droit pénal sont bafoués par le néo-féminisme : imprécision et approximation de définitions pénales incompréhensibles abandonnées à la parfaite subjectivité de l’interprète, mépris du principe contradictoire, des règles d’administration de la preuve, de la présomption d’innocence et de la prescription. Même les droits de la défense sont refusés aux hommes violents dont les avocats se font désormais réprimander par les ministres. Quant aux coupables qui, tel Bertrand Cantat, ont purgé leur peine pour des coups et blessures ayant entrainé la mort sans intention de la donner, les militantes les traitent quand même d’assassins et prétendent leur interdire de reprendre leur métier.

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Le néo-féminisme porte aussi désormais des atteintes caractérisées au principe d’égalité devant la loi et devant la justice. Tuer son conjoint de trois balles dans le dos est excusable quand il s’agit d’une femme, au point de justifier la grâce présidentielle malgré deux condamnations judiciaires convergentes, tandis que le meurtre de sa conjointe par un homme constitue un « féminicide » plus gravement réprimé dont l’auteur n’aurait même pas le droit de choisir sa ligne de défense, son avocat étant voué à la vindicte publique.

Ce n’est donc plus « selon que l’on soit puissant ou misérable » que les jugements de cour varient mais selon le « genre » de la victime, au mépris de la Déclaration de 1789 : « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». L’anniversaire de  « l’affaire Weinstein » est donc surtout celui de l’arbitraire sociétal et n’est pas un cadeau pour le libéralisme et la justice.

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Jean-Michel Blanquer, le ministre « pas de vague »

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Pour un ministre, Jean-Michel Blanquer est un homme épargné par la critique. C’est sans doute parce que le chef de l’Education nationale ne fait « pas de vague »: il est l’incarnation par excellence du ministre macronien.


Il y a quelques jours, on pouvait lire, dans Le Figaro, un article relatant la grande satisfaction du président Macron envers Jean-Michel Blanquer, décrit comme la figure emblématique du ministre macronien. Confortablement installé dans le paysage gouvernemental, le personnage bénéficie effectivement d’un regard pacifique ou indifférent, tant de la part de l’opinion publique que de celle de la classe politique. Pour l’Elysée, un bon ministre serait donc avant tout un ministre qui n’éveille pas d’oppositions, la question de son action restant tout à fait secondaire, voire subordonnée à cette qualité.

Blanquer, l’homme qu’on n’attaque pas

Cela dit, on peut se demander ce qui, chez cet homme mesuré dans ses propos et discret dans son action, peut bien susciter ce curieux mélange de bienveillance et d’indifférence qui en ferait un modèle. La réponse se trouve certainement du côté de ses occurrences médiatiques, peu spectaculaires mais efficaces et fréquentes, faisant chaque fois état de remarques de bon sens, d’annonces encourageantes ou de statistiques édifiantes.

Uniforme à l’école ou bien-être de l’élève, enseignement de l’anglais ou de l’arabe, dictées ou nouvelles méthodes, tous les classiques des conservateurs et des progressistes sont à un moment ou un autre l’objet d’une intervention rassurante dans chaque camp. Jean-Michel Blanquer fait remarquer un jour qu’un élève de CE1 sur deux a des difficultés en calcul, un autre jour il affirme que l’écriture inclusive n’a pas sa place à l’école, ou encore il annonce qu’il commande des rapports pour comprendre pourquoi Singapour réussit brillamment là où la France subit des échecs retentissants (en maths et en lecture). Chaque fois, ses interventions expriment autant d’analyses justes que de bonnes idées d’action, et chaque fois ses déclarations sont plutôt bien perçues par une majorité d’enseignants, à tel point que leurs syndicats peinent à trouver un angle d’attaque.

Si Blanquer était ministre…

Au fond, c’est dommage que Jean-Michel Blanquer ne soit pas ministre.

Ce n’est pas avec lui à la tête de la rue de Grenelle qu’on verrait au journal télévisé de France 2 des manuels prônant l’usage de l’écriture inclusive faire leur rentrée en école primaire !

Et puis, à l’écouter, il est certain qu’il aurait définitivement et intégralement abrogé cette lamentable réforme du collège de 2016, dont la lettre et l’esprit perdurent de fait aujourd’hui, ne serait-ce qu’en prolongeant les EPI, en maintenant certains horaires de mathématiques en-dessous de ceux de l’éducation physique ou en supprimant les notes dans certains collèges pour les remplacer par des couleurs (rouge, jaune, vert ou vert foncé) à mettre sur une tripotée de vagues et ineptes « compétences » que, hors cas extrêmes, tous les enseignants évaluent de façon aléatoire, c’est-à-dire sans barème, à la louche, au pifomètre, au doigt mouillé, regardant la copie de loin en clignant un peu des yeux et ne mettant au final que du jaune et du vert pour n’avoir d’ennuis avec personne.

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Soyez assurés que si Jean-Michel Blanquer était ministre, il saurait que les miracles n’existent pas plus en éducation qu’ailleurs. Et que si ce sont des asiatiques et des Russes les champions du monde respectivement en mathématiques et en lecture, ce n’est certainement pas grâce à une mystérieuse méthode qui aurait le moindre point commun avec les délires de nos pédagogistes, mais tout simplement parce qu’ils appliquent les principes de grande quantité de travail et d’exigence rigoureuse qui étaient les nôtres jusque dans les années 60 et que nos ministres successifs ont depuis méthodiquement passés au hachoir. Ce n’est certainement pas Blanquer qui aurait achevé l’anéantissement de ces principes en créant maintenant au lycée une sorte de tronc commun de deux ans si large qu’il prolonge de fait le collège unique jusqu’à la classe de première, et dont on peut facilement démontrer qu’il va faire plonger encore plus bas le niveau des élèves en mathématiques. D’ailleurs, s’il avait été ministre, il n’aurait pas pu ignorer que, si les élèves allemands de quinze ans sont épanouis à l’école quand les français y souffrent d’anxiété, c’est parce que leur système prévoit des filières différenciées à partir de l’âge de douze ans, ce qui permet à chacun de suivre des enseignements adaptés à ses gouts, à ses capacités et à ses projets pendant que notre système de collège unique force tous les enfants à suivre le même chemin, provoquant ainsi le malheur et la honte des plus faibles, la bride et la frustration des plus forts et l’ennui de tous les autres. Le tout dans une baisse généralisée de niveau qui n’en finit pas. Et puis tout le monde sait bien que si Jean-Michel Blanquer était ministre, jamais il ne se laisserait rouler dans la farine par tous ces satellites gravitant autour de l’enseignement sans enseigner (mais expliquant comment il faut faire), tous ces formateurs et autres formateurs de formateurs, hier adeptes des sciences de l’éducation et aujourd’hui ayant trouvé refuge derrière les neuro-sciences qu’ils s’empressent de revendiquer pour sauver leur peau et nous annoncer d’un air important de misérables banalités qui contredisent d’ailleurs tous les principes qu’ils soutenaient encore hier.

Enfin, et surtout, si Jean-Michel Blanquer était ministre, il aurait mis fin au pire monument de légendes et de mensonges éducatifs – accélérant notre chute – que constitue cette usine à gaz appelée « évaluation par compétences en fin de cycle » qui n’a ni queue ni tête, qui met la poussière sous le tapis en faisant perdre un temps considérable et qui ne présente strictement aucun intérêt, sinon de faciliter l’obtention du Diplôme national du Brevet (DNB, ex Brevet des collèges, ex BEPC) pour donner un pauvre bout de papier à l’armée de gamins qui sortent chaque année sans rien du système scolaire et ainsi faire baisser leur nombre.

Sous Macron, les paroles prévalent sur l’action

Personne ne doute que, contrairement à ses trois prédécesseurs, Jean-Michel Blanquer est compétent et connait parfaitement la situation. Malheureusement, il appartient à l’ère macronienne et on comprend alors pourquoi il fait figure de ministre idéal aux yeux présidentiels : parce qu’en éducation comme ailleurs, la parole est prioritaire sur l’action, parce qu’encore et toujours, tout change pour que rien ne change.

A lire aussi: Blanquer: « Beaucoup de choses contre-productives ont été entreprises au nom de l’égalité »

En même temps réformes et immobilisme, en même temps nouveauté et conservatisme, Macron applique la vieille formule du « changement dans la continuité » inventée par Giscard il y a plus de 40 ans. Tout change pour que rien ne change. De son ultra-libéralisme thatchérien à ses petits sauts de cabri aux cris de « Europe ! Europe ! » en passant par sa perception des banlieues et de l’immigration, Macron réchauffe les mauvais discours et les idées épuisées des années 80 auxquelles il a ajouté le mépris des petites gens. Depuis plus d’un an que le personnage est exposé en place publique, la cire a fondu et nous découvrons hélas le visage lisse et sans empreinte de ceux qui, comme on en voit souvent dans les bonnes écoles ennuyeuses, ont toujours été immatures sans jamais avoir été jeunes. Quant à son proche entourage qu’on nous peignait comme une élite fourmillant de talents et de techniciens de haute volée, on le découvre réduit à une poignée de piètres courtisans qui, avant d’abandonner le navire, traînent un peu pour avoir le temps d’y apprécier la cantine.

On ne croyait pas que ce fût possible mais on l’aura finalement trouvé, celui qui réussit cet inimaginable tour de force : nous faire regretter Hollande.

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11 novembre démilitarisé: Macron fabrique l’Histoire et la « souveraineté européenne »

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Cérémonies du 11 novembre 2017 à Paris. SIPA. 00831568_000045

Une tribune de Jean-Frédéric Poisson, président du parti Chrétien-Démocrate.


Le 11 novembre, les Français commémorent la victoire militaire de 1918, en l’honneur du sacrifice de millions de morts et en écho à la liesse populaire qui accompagna l’Armistice. Depuis 2011, l’hommage a été étendu à tous les conflits et tous les soldats français morts en opération.

En ce 11 novembre 2018 devait être célébré le centième anniversaire de la signature de cet armistice. À l’instar des cérémonies outrageantes de 2016 du Centenaire de Verdun, de l’absence déplacée du chef de l’Etat français aux côtés des autorités britanniques à la commémoration de la Bataille d’Amiens cet été, l’hommage de ce 11 novembre 2018 s’annonce gâché. En effet, l’Élysée a fait savoir que les cérémonies présidées par le président ne pourraient avoir un caractère « trop militaire » pour commémorer plutôt la fin « d’un grand désastre ».

Cette inflexion constitue une trahison à l’encontre de l’Histoire qui retient que la France, appuyée par ses alliés, est sortie victorieuse de cette terrible guerre. Elle est aussi un camouflet envers la mémoire des millions de soldats français et supplétifs, mais aussi de nos aïeux civils, tués ou mutilés au champ d’honneur ou sous les attaques des nouvelles armes aussi meurtrières que modernes.

Peut-on encore être naïf au point de ne pas y voir une nouvelle démonstration flagrante de deux très inquiétantes obsessions macroniennes ?

Celle de la réécriture d’une histoire détricotée, qui en diminue les hauts faits pouvant être sources de fierté nationale pour en surligner les heures sombres au profit d’une culpabilisation collective. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron, lors de discours emblématiques, semble se complaire à battre devant le monde entier la coulpe de la France pour tous les « crimes » qu’elle aurait commis, et pointer du doigt les Français contraints de porter ce lourd héritage de tant et tant d’injustices et méchancetés. Ce chef de l’Etat se montre décidément bien mal à l’aise, voire amnésique, avec l’idée d’enracinement de notre histoire dans un roman français qui comporte, certes, ses vicissitudes, mais aussi ses gloires.

L’autre obsession macronienne, c’est cette volonté d’imposer la construction artificielle d’une « souveraineté européenne » au détriment de celles nationales, passant entre autres par une forme démonstrative de « soumission réparatrice », de la France à l’Allemagne. Ce que signale d’ailleurs la visite d’intronisation d’Emmanuel Macron à Berlin auprès d’Angela Merkel dès le lendemain de sa victoire à la présidentielle. Ou indique l’introduction de plus en plus crédible dans le Traité de l’Elysée en cours d’élaboration d’un bilatéralisme franco-allemand pour la dissuasion nucléaire, créant ainsi une grave entrave aux principes instaurés par le général De Gaulle défendant l’intangibilité de la souveraineté et de l’indépendance de la France. C’est dans cette même dérive que se situe ce 11 novembre dénaturé par la volonté de ne pas heurter l’Allemagne en commémorant de façon par trop ostentatoire la victoire des armées françaises. Ce qu’avoue l’Élysée en précisant officiellement que ce changement de cap s’est fait « en concertation » avec la chancelière.

Ainsi, après avoir méprisé puis éjecté sèchement l’ancien chef d’État-major des Armées, et malmené les budgets de la Défense nationale, le chef de l’Etat décide de ne pas s’associer pleinement au devoir de mémoire qui sera rempli devant tant et tant de stèles, monuments aux morts et autres mémoriaux, partout en France, en l’honneur de ces « poilus » qui se sont battus pour la défense de notre territoire, pour une idée, pour une nation que l’on appelle France et qui semble si étrangère à notre président, à en croire ses récentes déclarations faites à l’étranger.

Devant cette absence honteuse de reconnaissance présidentielle, l’Armée fera sa propre commémoration aux Invalides. Ce sera un bel et vibrant hommage, comme l’institution sait le vivre. Mais sans sa « tête », le président de la République, celui que notre Constitution fait pourtant chef des Armées. Celui qui incarne par excellence, le lien indispensable entre la nation et son armée. Et qui, au détour du centenaire de l’Armistice qu’il dédaignera, entachera ce lien de sang entre le peuple et son armée comme une ultime atteinte à notre légitime fierté nationale.

Monsieur le président, nous ne sommes pas dupes de ce nouvel avatar de vos transgressions, que vous appelez « réformes ». Les Français n’en peuvent plus d’être ainsi dénoncés, bafoués, manipulés, oubliés voire méprisés. Les Français devront s’en souvenir, comme une autre forme de « devoir de mémoire ».

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Menus sans porc: pourquoi l’école ne doit pas s’y opposer

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Les menus de substitution, destinés aux élèves dont les parents ne veulent pas qu’ils mangent de porc, ne sont pas contraires à la laïcité à l’école.


En attendant que le président Macron ait tranché hardiment dans la question du porc à la cantine de l’école laïque, nous pouvons prendre le temps d’un débat libre et détendu sur Causeur.

Marx et la liberté de conscience

Remontons, si vous le voulez bien, à la position de Marx contre les droits de l’homme. En 1844, dans son article, Sur la question juive, Karl Marx dresse un réquisitoire radical contre les droits de l’homme en reprochant à « l’émancipation politique » qu’ils apportent de ne pas réaliser une véritable « émancipation humaine ».

Sa conception de l’émancipation apparaît clairement dans la formule qui résume son réquisitoire : « L’homme ne fut donc pas émancipé de la religion ; il reçut la liberté religieuse. Il ne fut pas émancipé de la propriété ; il reçut la liberté de la propriété. Il ne fut pas émancipé de l’égoïsme de l’industrie ; il reçut la liberté de l’industrie»

A lire aussi: Menus sans porc: les élucubrations de la cour de Lyon

Marx n’a pas tort sur ce point: les droits de l’homme ne « libèrent » pas de la religion, ils proclament et garantissent la liberté de croire ou de ne pas croire. Qu’est-ce qui fait la différence entre ces deux conceptions de l’émancipation ? La liberté de conscience. C’est effectivement le primat de la liberté de conscience qui commande notre laïcité.

Plutôt sans porc que marxiste

Ceux qui voudraient que l’école laïque ne tienne aucun compte des croyances particulières que les élèves ont reçues dans leur milieu, et qui refusent qu’on propose un plat de substitution à ceux qui ne mangent pas de porc, se trompent sur la laïcité de l’école.

Le rôle de l’école laïque est certes « d’émanciper les élèves » des idées et des règles qui leur ont été transmises par leur milieu sans examen de leur part, « car nous avons été enfants avant que d’être hommes », disait Descartes. Mais émanciper ne consiste pas à arracher ces élèves aux convictions qu’ils ont reçues. Émanciper consiste à les rendre de plus en plus libres et capables de soumettre ces convictions à leur propre examen.

Le seul horizon de la laïcité est la liberté de conscience et la capacité de juger par soi-même, et non pas l’incroyance ou l’athéisme.

Imposer aux enfants de familles musulmanes (ou juives) pratiquantes le choix de manger du porc ou de rester sur leur faim, c’est leur imposer la conception marxiste de l’émancipation humaine.

L’école laïque ne doit pas manger de cette idéologie-là.

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Ours dans les Pyrénées: bobos contre bergers, le dialogue de sourds

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Foire au fromage de Laruns (Pyrénées-Atlantique) dans le contexte de la réintroduction de l'ours, octobre 2017. SIPA. 00878994_000013

Deux ourses slovènes, Claverina et Sorita, ont été lâchées en Béarn les 4 et 5 octobre derniers. La population d’ursidés sur l’ensemble des Pyrénées françaises est désormais estimée à 45 individus, mais le sujet divise toujours autant pro et anti réintroduction.


Le repeuplement timide des Pyrénées depuis 1996 avec des ours slovènes, via le nouveau « Plan d’actions ours brun 2018-2028 », offre un spectacle tendu. D’un côté, nous observons des défenseurs de la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées qui – pour certains d’entre eux – ignorent jusqu’à la biologie de ursus arctos arctos, les légères dissemblances du pyrénéen avec son cousin slovène sur le plan du patrimoine génétique, le biotope protéiforme de la chaîne qui va de l’Atlantique à la Méditerranée (sans même évoquer le versant espagnol, et l’ours se moque des frontières), qui font rarement usage de brodequins et de jumelles, qui préfèrent ne pas savoir que l’ours est à l’occasion carnivore et un prédateur évidemment sans état d’âme, et qui ne savent de sa sauvagerie que ce qu’internet en murmure. Ceux-ci se posent néanmoins en censeurs et en donneurs de leçons depuis leur appartement en ville. Face à eux, nous voyons des éleveurs, des gens du cru, des femmes et des hommes de terrain dont l’élevage des ovins est le gagne-pain, maigre de surcroît. Ceux-là appréhendent l’ours comme un grand prédateur déchiquetant à qui mieux mieux nombre de moutons et agneaux, leur capital, créant des paniques générales suivies de chutes mortelles dans les troupeaux qu’ils attaquent, et où se trouvent parfois des brebis dont la gestation avorte.

D’un monde à l’autre

Deux mondes que tout oppose s’affrontent dans un débat sans issue intelligente. Classique et vain comme une joute entre un aficionado a los toros et un anti-corrida, ou entre un chasseur responsable et un anti-chasse obtus. On appelle cela des dialogues de sourds. Aucune prothèse auditive ne saurait faire entendre raison aux protagonistes.

D’un côté, des citadins ayant accès à des médias en mal d’audience, lesquels ferment par ailleurs les yeux sur les dérives incontestables de certains discours fascisants à l’encontre des bouchers, au nom de leur dictatorial audimat. De l’autre, des acteurs économiques responsables, pragmatiques par la force des choses, vivant au contact de la nature, en connaissant donc le principe de prédation, son inhérente cruauté, et éprouvant la précarité de leur propre quotidien. L’enjeu n’est pas qu’un sujet de « prime time » ou de dîner à la maison.

Cohabitation impossible ?

Qui voyage dans quelques pays de l’Europe de l’Est où l’ours brun prospère, ainsi qu’au Québec où l’ours noir est une plaie tant il cause des dégâts en s’invitant en milieu urbanisé, constate qu’il existe encore des territoires où les ours (au prix de leur pathétique dépendance), parviennent à cohabiter avec l’homme.

L’envie est alors grande de se ranger du côté des bergers et autres acteurs du pastoralisme, tout en restant viscéralement proche de ceux qui, parmi les partisans de la réintroduction des grands prédateurs, rêvent d’un retour à une biodiversité façon XIXe siècle, lorsqu’en France, loups, ours, lynx étaient nombreux, mais vivaient grosso modo en harmonie avec l’homme (qui les chassait), comme autant d’usagers d’une nature en partage : on savait à quoi s’attendre, et on ne dramatisait jamais aucune situation. Nous pourrions même imaginer pour les générations à venir le retour du métier d’orsalhèr, de montreur d’ours (surtout ariégeois) qui allait de village en village avec son animal dressé. En marge de la mythification de l’ours via une abondante littérature, la fantasmagorie qui domine est une image d’Épinal inoffensive : celle du nounours en peluche. Loin des redoutables griffes et mâchoires du plantigrade. Quoique certains autres mythes aient la vie dure, comme celui de l’ours (symbole de fertilité), qui kidnappe la femme « sacrifiée », pour des parties de pattes en l’air ayant engendré le personnage de Jean de l’Ours. La célébration de Carnaval, en Soule et en Bigorre, et les fêtes de l’ours des Pyrénées-Orientales en sont la vivace et païenne illustration. Ce folklore, au sens ethnographique du terme, siège à l’opposé de la mythologie qui s’est emparée du loup croqueur d’enfants, sujet de tant de contes destinés à l’entretien d’une peur ancestrale, ancrée dans l’inconscient collectif européen.

Le culte du sauvage

Si l’on aime démesurément la nature dans ce qu’elle a de plus authentique, nous sommes enclins à plaider en faveur du retour massif des grands prédateurs comme l’ours… En assortissant celui-ci d’un réel non-interventionnisme, condition sine qua non pour préserver le sauvage et ne jamais mettre le doigt dans le processus pervers du « désensauvagement », lequel conduit à la « disneysation » d’une nature dénaturée, car conçue par des protecteurs paradoxaux, comme un immense parc d’attraction au service de l’homme qui en a fait son rassurant joujou.

Les lâchers comme expression d’un interventionnisme devraient pouvoir suffire comme coup de canif dans ce « contrat naturel ». Il conviendrait de se passer d’un excès de suivi technique et scientifique, de nous défaire de notre obsession de vouloir tout contrôler à l’aide d’émetteurs VHF intra-abdominaux, de colliers GPS/GSM, d’appareils photo plantés sur les arbres… Et de ficher une paix royale aux ours lâchés. À l’opposé, figure donc la « disneysation » comme illustration d’un anthropomorphisme bisounours. Cela réduit la condition animale à l’asservissement pour le seul plaisir zoolâtre d’une population coupée de la nature, en mal de frissons de campeur, et aveuglée par une sensiblerie de mamie-à-chien-chien sujette à caution.

Les antispécistes contre l’implantation de l’homme ?

Par ailleurs, les apôtres de l’antispécisme, cette autre forme de fascisme anti-humain au mode opératoire terrorisant, placent sur le même plan la vie d’un rat et celle d’un homme (leur voix s’est violemment élevée lors de la mort par légitime défense d’un ours pyrénéen en 1997), et pourraient infiltrer les rangs des « pro » ours pacifiques, qui sont légion. Il faut par conséquent se méfier de certains partisans de la réintroduction des grands prédateurs, potentiellement capables d’exactions au nom de leur ressentiment. Comme il faut prendre également très au sérieux les menaces d’action armée de certains bergers des vallées béarnaises, telles qu’annoncées lors du passage éclair du nouveau ministre de l’Ecologie François de Rugy à la veille des deux lâchers du début du mois. D’un côté comme de l’autre, un dérapage est toujours à craindre qui aurait l’effet d’une étincelle dans une poudrière.

Plaider pour des Pyrénées à nouveau peuplées d’ours, à la condition non négociable de protéger très efficacement tous ceux qui vivent de cet espace (chiens de montagne « patous » et indemnisations n’ont jamais suffi), en se réservant la possibilité – sur le long terme – de réguler des animaux en surnombre (rêvons un peu) ou dangereux (comme pour le loup), pourrait être une solution équitable qui éviterait aussi le braconnage.

Afin que, s’agissant du seul massif pyrénéen français et des ours slovènes qui s’y acclimatent, nous puissions un jour savourer à nouveau le bonheur d’une biodiversité de toute manière intranquille au sein de laquelle l’homme, super-prédateur numéro un depuis si longtemps, croiserait ses concurrents d’hier sur le terrain des opérations bucoliques.

Immigration: les médias nous mènent en bateau

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JT de 13h de France 2, 2006. ©Capture d'écran Youtube

En imposant un vocabulaire biaisé, les grands médias ferment le débat migratoire avant qu’il ait pu avoir lieu. L’emploi de termes tels que migrants et réfugiés – au lieu d’immigrants ou émigrants – occulte les enjeux majeurs et nous oblige à choisir notre camp: générosité ou repli, populisme ou humanisme.


Clarifier les grandes questions d’actualité, telle est la mission des médias. Mais les clarifier ne signifie pas les simplifier et moins encore prétendre y répondre. Bien au contraire, il s’agit d’en mettre en évidence la complexité en examinant les différentes facettes du problème considéré.

La « question migratoire », ainsi qu’il est convenu de la nommer, fait partie de ces problèmes que nos médias ont eu la charité de trancher pour nous. Nos journalistes, dans leur majorité, ne font pas vivre le débat, ne nous incitent pas à avoir une vision complète et complexe des enjeux du sujet ; en idiots utiles d’une cause qui les dépasse, ils nous livrent sur un plateau le prépensé qu’il s’agit de soutenir si l’on veut passer pour quelqu’un de bien. Et comme toujours, ce prépensé s’immisce dans notre langage, nous contraignant à dire le Bien, malgré nous. S’il est vrai que « le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire », selon le mot de Roland Barthes, alors l’attitude de nos journalistes est proprement fasciste. Ce sont des fascistes utiles.

France Inter nous regarde

Entendons-nous bien. Il est évidemment heureux que les médias ne puissent ni exprimer ni répercuter des discours de haine – tels que des appels au meurtre. Mais où a-t-on vu que le rôle des journalistes était de veiller à ce que nous soyons charitables et accueillants ? Théoriquement, ils ne devraient être incitatifs ni dans un sens ni dans l’autre. Ils ne devraient pas être incitatifs du tout.

Leur volonté d’orienter le point de vue du public peut aller jusqu’à la manipulation de l’information, montrant que le sens de la responsabilité dont se targuent nos maîtres à penser a bon dos. On se souvient d’un article, sur le site de France Inter, dont le titre « Migrants : le fantasme de l’infiltration terroriste » devint « Des terroristes parmi les migrants ? » quand les faits dramatiques que l’on connaît prouvèrent que le fantasme n’en était pas un. Qu’on me permette de citer encore la petite introduction : « Des terroristes se cacheraient parmi les migrants. Est-ce crédible ? Autant le dire tout de suite : non, et on vous explique pourquoi », qui, pour sa part, disparut tout bonnement. Cette manœuvre digne du travail de Winston Smith, le héros du roman d’Orwell 1984 (dont le métier est de modifier a posteriori toutes les informations que les faits ont invalidées) est régulièrement dégainée à la face de nos médias donneurs de leçons et traqueurs de « fake news » par ce qu’ils appellent la « fachosphère ».

« Migrant », le mot magique

Mais cette manipulation en bonne et due forme ne doit pas faire oublier les choix lexicaux qui prévalent dans tous les médias : non moins révélateurs d’un parti pris global, parfois inconscient, ils sont sans doute plus pernicieux, car plus discrets. Les terroristes, nous expliqua-t-on quand il devint clair que le fantasme n’en était pas un, avaient « emprunté la route des migrants ». Il faudra songer à décorer celui qui, le premier, a employé une telle expression. Loin de pouvoir eux-mêmes être considérés comme des migrants, les terroristes ne sont pas même « parmi » les migrants : non, ils empruntent leur route. La dissociation est totale. Sauf que, dans la réalité, cette dissociation est si difficile à faire que les efforts combinés de toutes les polices n’y suffisent pas toujours. En s’acharnant à minorer le danger terroriste consubstantiel aux flux migratoires, en culpabilisant la méfiance, en blâmant le soupçon, les journalistes nous ont contraints à baisser la garde ; en interdisant les « amalgames », ils nous forcent à accepter le danger comme une fatalité.

A lire aussi: Guilluy / Smith : démolition médiatique demandée!

Les terroristes donc, avaient emprunté la route des migrants. « Migrant » : le mot magique par excellence. Le migrant n’est ni un « immigré » ni un « émigré ». Venu de nulle part, il ne va nulle part. Ce mot interdit de s’interroger sur l’origine et les motivations de l’arrivant, en même temps qu’il rassure l’accueillant forcé en le persuadant que cette installation n’est pas définitive. Nouveau nomade, le migrant repartira comme il est venu ; il n’a pas vocation à rester. Évidemment, ce confusionnisme est parfaitement injuste, car en employant le mot « migrant », on abolit la différence entre l’authentique réfugié qui quitte un pays ravagé par la guerre, d’une part, et d’autre part, le pauvre en quête du mode de vie à l’occidentale qu’on lui a abusivement fait idéaliser. Quel monde entre la jeune Congolaise enceinte qui ne parle que le lingala et fuit la guerre sans rien espérer pour elle-même, songeant seulement à l’avenir de l’enfant qu’elle porte, et le jeune Algérien parfaitement bilingue qui fuit peut-être un lourd passé judiciaire et pense refaire sa vie dans le confort de l’anonymat ? Comme le mot « migrant », la notion de « crise migratoire » résorbe sa propre connotation anxiogène dans l’idée qu’elle exprime en même temps : celle d’un phénomène temporaire qui, à l’instar du migrant, passera.

Conscients que le terme « migrant » opérait un lissage gênant des disparités de situations, nos journalistes ont adopté l’expression « migrant économique », précisément pour désigner ces aventuriers qui cherchent fortune par voie légale ou illégale et qui, n’ayant aucune attache, n’ont rien à perdre. Beaucoup ont laissé derrière eux des parents, des amis, parfois une femme et des enfants. Celui qui part sans cesse n’a de compte à rendre à personne ; il est littéralement sans feu ni lieu, c’est-à-dire sans foi ni loi.

On peut fuir la guerre, mais aussi la justice…

« Mais ils risquent leur vie ! », nous dit-on. Certaines expressions agissent comme de véritables bâillons idéologiques. Que les migrants soient « prêts à risquer leur vie sur des radeaux de fortune » constituerait la preuve qu’ils fuient effectivement de grands dangers. Interdiction nous est faite, par conséquent, de remettre en cause leur accueil massif. Mais est-ce bien connaître la nature humaine ? On peut risquer sa vie en désespoir de cause, pour en sauver d’autres, parce qu’on fait le pari de s’en sortir, ou sans aucun principe particulier. Et répétons-le : on peut fuir la guerre, mais aussi la justice…

Néanmoins, tout le monde ne s’accorde pas sur l’emploi du mot « migrant » et certains journalistes optent systématiquement pour la dénomination « réfugié », avec les déclinaisons que l’on sait : « réfugiés de guerre », « réfugiés économiques » et demain, « réfugiés climatiques ». Par opposition au migrant-zombie sans origine ni destination, le réfugié est une victime incontestée. Ce mot est donc brandi en réplique à tous ceux qui oseraient un parallèle douteux entre les flux migratoires actuels et les invasions barbares de jadis. Les fameux barbares étaient pourtant, pour la plupart, des réfugiés qui fuyaient l’avancée des Huns. Les journalistes du IVe siècle auraient pu photographier un Aylan goth mort de froid et déchiqueté par les loups dans une forêt d’Europe centrale. Ils auraient ensuite pu déclarer : « L’image parle d’elle-même » ; ce qui est faux, elle ne dit que ce qu’on lui fait dire et revêt le statut argumentatif qu’on lui confère.

On ne parle pas des conséquences

Mais les journalistes en toge n’auraient pas eu besoin de déployer cet arsenal de persuasion, car l’Empire romain se montra plutôt accueillant pour ces malheureux. On laissa nombre d’entre eux s’installer sur le territoire, dans des zones délimitées, près de la frontière. Comme toujours – osera-t-on dire comme aujourd’hui ? – des individus comprirent vite l’intérêt qu’ils pouvaient tirer de la détresse de ces populations : on leur vendit des terres et de la nourriture à des prix exorbitants. Victimes de mauvais traitements, acculés à la famine, les barbares se révoltèrent et quittèrent les zones qu’on leur avait attribuées pour déferler sur le reste de l’Europe. Que chacun se débrouille avec les similitudes et les différences avec la situation actuelle, mais la comparaison s’arrête là puisque les barbares d’alors étaient déjà très romanisés. Beaucoup étaient chrétiens, leurs élites parlaient latin et leurs chefs de guerre avaient fait leur service militaire dans les armées de l’Empire. Peut-être ces barbares étaient-ils plus aisément intégrables que nos migrants, avec qui ils partagent donc le statut de « réfugiés ». Leur arrivée n’en changea pas moins pour toujours la face de l’Occident. Il faut donc se poser une question : souhaitons-nous revivre un bouleversement d’une telle ampleur, sinon d’une portée civilisationnelle plus importante encore ?

Cette question n’est pas posée. Mais il est interdit d’y répondre négativement. Ce serait « manquer de solidarité » : cette intéressante expression a été convoquée au sujet de l’Italie. Lorsque celle-ci refuse de laisser accoster dans ses ports des bateaux humanitaires transportant des migrants, on dit qu’elle manque de solidarité. Puis on parle du manque de solidarité des autres pays européens envers l’Italie, qui la pousse dans les bras de la peste brune. Mais on n’eût jamais parlé du manque de solidarité dont elle était victime si elle n’était pas elle-même coupable. L’Italie aurait pu continuer longtemps à être « solidaire » au-delà de ses capacités, dans un silence médiatique à peu près total.

« Générosité », « accueil », « ouverture »

Le cas de l’Italie, coupable et victime, permet d’étendre l’accusation à tous les autres pays d’Europe. Les mots d’ordre médiatiques — parfaitement objectifs… — sont : « générosité », « accueil », « ouverture ». On jette alors au même panier la Hongrie et la France, ces qualités faisant totalement défaut à la première quand la seconde en est trop peu pourvue. Quelle hypocrisie : à la vérité, on ne reproche pas à ces pays d’être insuffisamment ouverts et généreux ; on leur reproche d’exister, d’être des pays, c’est-à-dire des territoires délimités par une frontière et représentant une entité géographique, politique et humaine. On leur reproche de n’être pas des ONG. Il faut aller regarder derrière les mots : est généreux celui qui recueille les migrants à la dérive en mer Méditerranée. On les aide donc, à condition qu’ils acceptent de risquer leur vie ; et ceux qui ne sont pas assez téméraires pour tenter la traversée peuvent crever dans les prisons libyennes. La vraie générosité ne serait-elle pas de leur éviter d’avoir à monter dans des canots surchargés ? Et, donc, d’envoyer les bateaux humanitaires directement sur les côtes de départ ? Je ne dis pas qu’il faut le faire ; je dis que la générosité vantée par nos médias est un sadisme.

La manipulation des chiffres

Pour conclure, un mot sur les chiffres. On retrouve sur ce sujet un jeu habituel dans les médias : le double discours. D’un côté, les migrants sont très très nombreux, on ne peut rien pour endiguer le phénomène, il va continuer, il va s’intensifier, il faut l’accepter ! Et en même temps (comme dirait Macron) : les migrants sont très peu, ils sont même de moins en moins nombreux, le flux se tarit, bref, « c’est une goutte d’eau ! ». Reste à espérer qu’elle ne fera pas déborder le vase… La manipulation culmine dans cette nouvelle stratégie qui consiste à nous fournir au compte-gouttes le nombre de passagers des bateaux : des nombres tout à fait acceptables si l’on oublie que le phénomène est cumulatif !

La revue Proceedings of the National Academy of Sciences publiait en juillet 2017 les résultats d’une étude consistant à faire inhaler de l’ocytocine à des gens, tout en leur montrant des photos de migrants. Apparemment, ils devenaient soudain généreux, altruistes, ouverts, accueillants et solidaires, « sauf ceux qui se disaient ouvertement xénophobes », précise l’étude (oui, il y a des gens qui se disent ouvertement xénophobes). Merveilleux. Sans doute devons-nous nous habituer à ce que le discours médiatique prétende avoir le même effet qu’une bonne dose d’hormones.

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Menus sans porc: les élucubrations de la cour de Lyon

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Manifestation en défense de menus de substitution à l'école pour les élèves dont les parents ne veulent pas qu'ils mangent de porc, Beaucaire, janvier 2018. SIPA. 00839711_000019

Au nom de la laïcité, le maire de Chalon-sur-Saône avait choisi de ne plus proposer de menus de substitution à la cantine aux enfants dont les parents ne souhaitaient pas qu’ils consomment de porc. La cour d’appel de Lyon a annulé sa décision. Sans convaincre.


Depuis 1984, les restaurants scolaires des écoles publiques de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) proposaient à leurs usagers des menus alternatifs sans porc. Mais en mars 2015, le maire de la ville a décidé de ne plus y proposer de menu de substitution, c’est-à-dire de ne pas proposer aux écoliers d’alternative à la viande de porc lorsque celle-ci est au menu de la cantine, compte tenu, notamment, des principes de laïcité et de neutralité auxquels est soumis le service public.

La cour de Lyon d’accord avec la Ligue de défense judiciaire des musulmans

Saisi par la Ligue de défense judiciaire des musulmans, le tribunal administratif de Dijon a choisi, le 28 août 2017, d’annuler la décision du maire de Chalon-sur-Saône en invoquant « l’intérêt supérieur de l’enfant » à ne pas consommer de la viande de porc, au prétexte étrange de l’article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). La commune de Chalon-sur-Saône a naturellement interjeté appel de ce jugement, ce qui a amené la Cour administrative d’appel de Lyon à se prononcer sur la question.

Celle-ci, par son arrêt du 23 octobre 2018, a annulé au fond… la décision communale en considérant que :

– aucune nécessité du service public facultatif de la restauration scolaire ne la justifiait ;

– et que les principes de laïcité et de neutralité ne faisaient pas obstacle à ce que les usagers de ce service se voient offrir un choix leur permettant de bénéficier d’un menu équilibré « sans avoir à consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses ou philosophiques ».

Décision bancale

La première branche de ce raisonnement peut convaincre. Aucune nécessité d’organisation ou de fonctionnement du service ne paraît en l’état pouvoir justifier d’imposer précisément le porc à la cantine scolaire (plus qu’une autre viande). La décision du maire de Chalon-sur-Saône était sans doute initialement mal ficelée.

En revanche, la deuxième branche du raisonnement suivi par la cour met mal à l’aise. Disons les choses clairement : comment penser une seule seconde que des enfants âgés de 3 à 11 ans (en école primaire) soient en situation de faire un choix éclairé en matière de religion et de contraintes alimentaires associées ? Comment imaginer, comme la cour de Lyon l’a considéré, que des enfants de moins de 11 ans puissent ainsi faire un tri entre des aliments sur le fondement de leurs intimes convictions religieuses ? L’entrée en religion suppose a minima une étude intellectuelle approfondie des textes religieux, pour un choix en pleine connaissance de cause, qui est inenvisageable à un âge si précoce. C’est donc en réalité bien des convictions religieuses des parents dont il est ici question. Or ces derniers sont tiers au service public (et non usagers), ce qui bouscule le raisonnement juridique.

La motivation de la décision de la cour de Lyon paraît donc faible. Au demeurant inutile pour juger au fond du litige, elle révèle une idéologie qui flirte avec le militantisme puisque la cour vient indirectement reconnaître l’existence d’aliments qui seraient proscrits pour de très jeunes enfants en raison de leurs convictions religieuses supposées.

Le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé contre

L’intérêt de l’enfant, c’est d’être protégé des influences lors de son plus jeune âge (y compris de celle de ses parents), pour être en parfaite capacité, le moment venu, de faire un choix éclairé s’il le souhaite. C’est la mission de l’école républicaine.

La mention des aliments proscrits en raison de « convictions philosophiques » dans la décision de la cour prête par ailleurs à sourire, il ne semble pas que la philosophie bouddhiste soit le point de crispation à l’école publique.

Le maire de Chalon-sur-Saône a fait connaître son intention de porter cette affaire devant le Conseil d’État, dont la décision sera attendue avec grand intérêt. Il faut en effet rappeler que, par deux fois, la juridiction suprême a suivi un raisonnement inverse de celui de la cour de Lyon sur le sujet :

– En décidant, le 14 avril 1995, que la neutralité implique, pour les usagers du service public, que la prise en compte des différences de situation fondées sur les convictions religieuses ne puisse pas remettre en cause le fonctionnement normal du service (CE, 14 avril 1995, Consistoire central des israélites de France, n°125148),

– Et en décidant, le 25 octobre 2002, que l’absence de repas de substitution ne méconnaît pas le principe de liberté religieuse (CE, 25 octobre 2002, Mme Renault, n°251161).

Vers du hallal à l’école ?

Le maire de Chalon-sur-Saône n’est, par ailleurs, pas isolé puisque l’Association des maires de France rappelle, dans son vade-mecum sur la laïcité de 2015, qu’ « il appartient aux parents d’inscrire ou non leur(s) enfant(s) à la cantine en ayant connaissance des menus qui y seraient servis : les familles doivent s’adapter aux règles de l’école républicaine laïque et non l’inverse » (Le Figaro du 23 octobre 2018).

La décision du Conseil d’État sera importante. Il est à craindre que les menus de substitution ne soient que la première étape vers une revendication du hallal à l’école publique (pour toutes les viandes) qui est déjà à l’œuvre dans certains secteurs. Une solution alternative consisterait à proposer de vrais menus végétariens (sans viandes et pour tous) aux écoliers de France sur le fondement de considérations nutritionnelles (les dangers pour la santé d’un excès de consommation de viandes sont régulièrement dénoncés par les professionnels). Mais c’est un autre débat…

Bruxelles et Moody’s ligués contre l’Italie

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Luigi Di Maio, Giuseppe Conte et Matteo Salvini, les trois hommes forts du gouvernement italien, Rome, octobre 2018. SIPA. 00880955_000033

La Commission européenne et Moody’s ont sévi, ces derniers jours, contre les choix budgétaires italiens. Au mépris manifeste de toute souveraineté populaire…


Le catoblépas est un animal légendaire si stupide qu’il est réputé se manger les pieds. Tant le monde de la finance que l’appareil bruxellois semblent faire partie de cette curieuse espèce animale : à quelques jours d’intervalle l’agence Moody’s a abaissé la note de la dette souveraine italienne et la Commission européenne a rejeté le budget de Rome.

« Les projets […] du gouvernement [italien] ne constituent pas un agenda cohérent de réformes »

Vendredi dernier, Moody’s a donc ramené la note souveraine de l’Italie (note attribuée à la dette à long terme émise par l’état italien) de Baa2 à Baa3 (échelon un cran au-dessus de la catégorie « spéculative », « junk » ou « non investment »). L’agence (une société à but lucratif) d’estimation des risques économiques, indique percevoir une dégradation des perspectives de déficit et l’arrêt des « réformes structurelles ». Certes, elle tempère son appréciation en l’assortissant d’une « perspective stable », ce qui exclut, à court terme (en théorie six mois), le risque d’une dégradation supplémentaire. Mais qu’en sera-t-il dans deux mois quand le budget sera voté, probablement tel quel ?

A lire aussi: Italie: le « budget du peuple » contre le budget de l’Europe

Moody’s a expliqué être inquiet d’une simple éventuelle stabilisation et non d’une véritable diminution de la dette publique au cours des prochaines années. « Le ratio de dette publique de l’Italie va probablement se stabiliser autour de l’actuel taux de 130 % du PIB dans les années à venir, plutôt que de diminuer comme Moody’s le pensait », a indiqué l’agence, qui estime que la dette publique est d’autant plus problématique que les perspectives de croissance économique seraient faibles : « Les projets de mesures budgétaires et économiques du gouvernement ne constituent pas un agenda cohérent de réformes qui [résoudra] les problèmes de croissance décevante ». Moody’s ajoute qu’à court terme également, « le stimulus budgétaire apportera un dynamisme à la croissance plus limité que ce que le gouvernement estime ». Moody’s explique sa décision par « une dégradation marquée de la solidité budgétaire de l’Italie, avec des objectifs gouvernementaux de déficits budgétaires pour les années à venir supérieurs à ce que Moody’s prévoyait auparavant » et par « les conséquences défavorables pour la croissance à moyen terme de l’arrêt des projets de réformes économiques et budgétaires structurelles ». Moody’s estime que la croissance de l’économie italienne (troisième de la zone euro) « ne devrait bénéficier que d’un coup de pouce temporaire grâce à cette politique budgétaire expansionniste avant de retomber à un rythme annuel d’environ 1%… » Et que « même à court terme le soutien budgétaire apportera un soutien à la croissance plus limité que prévu par le gouvernement ».

Bruxelles pense à Bruxelles

L’Italie est notée BBB par les deux autres sociétés commerciales américaines internationales de notation, Standard & Poor’s (S&P) et Fitch Ratings. S&P, dont la perspective est stable, doit rendre sa décision sur une éventuelle modification le 26 octobre. Fitch, de son côté, a abaissé le 31 août à « négative » la perspective de sa note. Autre grigri chéri de la finance, l’écart de rendement (« spread ») entre les titres italiens et allemands a atteint, vendredi, son plus haut niveau depuis près de six ans à plus de 338 points de base.

Les agents de la finance – et Bruxelles – évoquent sans cesse le concept de « réforme structurelle ». Pour eux, il s’agit seulement des mesures budgétaires d’augmentation des impôts et de réduction des dépenses, investissements publics et prestations sociales incluses. Ils confondent donc, volontairement ou pas, la structure du budget et celle d’une économie.

Les Italiens, eux, ont choisi une politique globale de relance qui, augmentant la production et la consommation, accroît l’assiette imposable, et devrait tendre mécaniquement vers l’équilibre budgétaire. Le projet de budget italien pour 2019 table sur un déficit à 2,4 % du produit intérieur brut, très loin du 0,8 % promis par le précédent gouvernement. Ce projet de budget inclut l’instauration d’un « revenu de citoyenneté » pour les défavorisés, une baisse des impôts, une amnistie fiscale partielle pour ceux qui rapatrient et l’abaissement de l’âge de la retraite. Il s’agit bien d’une réforme structurelle, mais économique et sociale, intelligente, humaine et respectueuse des engagements électoraux.

La rivière Moody’s revient toujours dans son lit

Bruxelles a demandé des « clarifications » sur un dérapage « sans précédent dans l’histoire du Pacte de stabilité et de croissance ». La Commission dénonce « une non-conformité grave » avec les règles européennes, ce qui pourrait l’amener à rejeter ce budget, décision grave qui ne s’est encore jamais produite. Et après ?

Les opinions publiques doivent résister à la peur de sujets supposés trop complexes alors qu’ils sont assez faciles à comprendre, dès lors qu’ils sont débarrassés du matraquage médiatique, de ce bla-bla pseudo-technique, et expliqués.

Enfin, on rappellera, parmi d’autres, des éléments édifiants d’histoire financière : en 1931, Moody’s fut à l’origine de la crise grecque et, indirectement, de l’arrivée au pouvoir du général Metaxas, cinq ans plus tard. L’agence de notation décida en effet d’abaisser la note de la Grèce. Résultat : augmentation des taux d’intérêt, départ des capitaux et défaut de l’Etat, la Société des Nations ayant refusé son assistance financière. Comme récemment, le peuple grec ne fut pas épargné : faillites de banque, émeutes et finalement coup d’Etat. Mieux, les banques italiennes avaient été parmi les plus durement touchées par le défaut grec et Mussolini en tira prétexte : l’armée italienne envahit la Grèce. Les dirigeants de Moody’s jurèrent mais un peu tard qu’on ne les y prendrait plus et promirent de ne plus noter les Etats. On sait ce qu’il en a été en 2007… Les « agences » furent à nouveau accusées du gonflement de la bulle puis de son éclatement. Début août 2016, Moody’s a même porté un jugement (!) sur les programmes de Donald Trump et Hillary Clinton :

« Alors que le programme de la démocrate permettrait la création d’emplois, celui de son rival entraînerait des destructions en masse, et une fragilisation de l’économie américaine. »

L’économie est faite pour les humains

Sans commentaire ? Si, trois :

– une bonne économie réelle est bonne pour la finance ; une finance dévoyée est mauvaise pour l’économie.

– l’économie est faite pour les humains et les nations : les Italiens vont le rappeler ; et la finance spéculative qui fabrique les bulles et s’en prend aux nations devra être ramenée par la loi à sa place.

– Bruxelles est le dos au mur. Que fera le peuple italien, soudé à 55 % derrière ses leaders? Que va-t-il se passer en Espagne lors du vote du budget du gouvernement Sanchez, minoritaire, utopiste et discrédité ?

La cause animale sera le genre humain

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©Denis Meyer/Hans Lucas

Un jour, les animaux prendront le pouvoir sur les hommes, avec ou sans leur consentement. Certains ont déjà commencé…


Sale temps pour la faune. Les insectes s’éteignent en masse, les oiseaux désertent nos grandes villes, les chasseurs ont pris le pouvoir. Après l’otarie du Japon et le dauphin de Chine, c’est au tour du Nicolas Hulot de disparaître. C’était pourtant une espèce joviale, vouée aux craintes apocalyptiques et aux rêveries naturalistes. Mais il y a pire ! Parfois, les animaux sont embrigadés dans des guerres qui ne sont pas les leurs, comme lors de l’opération de communication « Enlarge your Paris » (sic), où l’on a pu voir des « bergers urbains » (sic) organiser la transhumance de centaines de moutons en Seine-Saint-Denis pour défendre l’agriculture urbaine. Pour « les-Parisiennes-et-les-Parisiens », il était possible de participer à cette marche des fiertés caprines et d’accompagner la déambulation en bêlant. Le Grand Paris n’a toutefois pas dit ce qu’étaient devenus les animaux. On fait le pari du méchoui.

La ferme les animaux

Devant ce cortège d’injustices, toutes les conditions d’une révolte animale sont réunies. À trop relire 1984 de George Orwell, nous oublions de nous replonger dans La Ferme des animaux, où les bêtes renversent les humains pour mettre en place un régime égalitaire (jusqu’à ce que certains cochons se prétendent « plus égaux que d’autres »…).

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Ce temps du chaos est venu. Partout à travers le monde les serpents captifs reprennent leur liberté ; comme récemment en Pologne, où un python de cinq mètres a engagé une cavale digne de Redoine Faïd, mobilisant l’armée. Au Mans, pas moins de 22 vaches ont décidé de reprendre leur destin en main, en s’échappant de leur pré d’un pas décidé. Cette fraction bovine révolutionnaire se dirigeait la bave aux lèvres vers le chef-lieu de la Sarthe pour en découdre. Le drame et le basculement politique ont été évités de peu.

Dauphin de race

Mais la révolte la plus décidée nous vient des océans. En rade de Brest, un dauphin a semé littéralement la panique en s’approchant au plus près des nageurs avec une attitude particulièrement menaçante. La commune de Landevennec a même interdit la baignade, arguant de la présence d’un « dauphin solitaire ». En rut, l’individu se frottait violemment aux embarcations. Il a pris peu à peu des proportions gigantesques en Bretagne. C’est presque devenu la Bête du Gévaudan et sa détermination politique reste intacte. Après la saison de la révolte des animaux, suivra peut-être celle des hommes.

Laetitia Avia: député, identitaire et saltimbanque?

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Laetitia Avia à Paris, octobre 2018. SIPA. 00881057_000030

En brandissant une proposition de loi sur la « glottophobie » (peur des accents) puis en déclarant que c’était une blague, le député Laetitia Avia s’est improvisé comique et identitaire. Une drôle de façon d’honorer son statut d’élu de la République.


En 2018, le député LREM de Paris, Laetitia Avia, aura beaucoup fait travailler notre imagination. Après nous avoir fait part en début d’année d’un péril raciste imaginaire, elle est revenue, en octobre, pour nous gratifier d’une proposition de loi imaginaire.

En réaction à une énième vocifération de Jean-Luc Mélenchon, dans laquelle il se moque ouvertement des intonations méridionales d’une journaliste, Madame Avia a indiqué, dans un tweet, qu’elle allait procéder au dépôt d’une proposition de loi visant à reconnaître la « glottophobie » comme discrimination.

La « glottophobie », un faux débat

Elle l’a justifiée ainsi : « Parce que nos accents sont notre identité ». Au contraire de la République, Madame Avia est donc identitaire. On ne s’attardera pas sur la rapidité de la rédaction d’une proposition de loi, effectuée en à peine le temps de tweeter trois fois, qui révèle une volonté de réagir plutôt que d’agir.

Ce qui est insupportable chez Jean-Luc Mélenchon, c’est l’arrogance, la gouaille et le mépris d’un homme politique dénigrant une journaliste. Il est inutile de recourir à la novlangue en créant une infraction imaginaire de « glottophobie » pour dénoncer ces faits. Le droit permet déjà de sanctionner l’insulte et le dénigrement. Ce n’est d’ailleurs pas le plus important dans l’affaire. L’histoire de l’accent du Sud-Ouest moqué est anecdotique dans le flot de gesticulations du député des Bouches-du-Rhône qui, se complaisant à se donner les allures d’un élu de la Convention dont la personne est « sacrée », transforme son insoumission en insubordination, s’en prend physiquement à un procureur, défie l’autorité de l’Etat et remet en cause la légalité républicaine.

L’Assemblée, siège du Laetitia Avia Comedy club

La « glottophobie », elle, est un faux débat. Madame Avia s’en est rendu compte et nous a expliqué que sa proposition de loi constituait en réalité une « pique humoristique » à destination du chef des insoumis. Était-ce vraiment opportun ? Il y a des choses que l’on dit dans l’hémicycle, et d’autres qu’on peut réserver pour la buvette de l’Assemblée. Que ce rétropédalage soit sincère ou non, il met quand même mal à l’aise. Avec cette idée de proposition de loi humoristique, nous franchissons un cap : une élue de la nation prend l’initiative de s’improviser saltimbanque.

La loi, expression de la volonté générale, mérite sans doute un peu plus de respect que d’être traitée avec désinvolture. Ne serait-ce que pour les électeurs qui n’ont pas choisi d’être représentés par un comique ou par les personnes qui aujourd’hui souffrent réellement de discrimination. A manquer de considération tant à l’égard de son mandat qu’à celui de la loi, on pourrait presque reprocher à Madame Avia d’être legistophobe. Comme le disait très justement l’entraîneur de l’équipe de football de Nancy à qui on reprochait le manque de virtuosité du jeu de ses joueurs : « Si vous voulez du spectacle, allez au cirque ».

L’Education nationale est-elle « glottophobe » ?

Mais au-delà de cet humour mal placé, le recours à ce concept de « glottophobie » interpelle. En premier lieu parce qu’il est ridicule de vouloir sacraliser les accents et intonations. Quand j’étais à l’école publique à Nancy, mes professeurs nous reprenaient quand, parfois, une approbation était exprimée par un « uuui », que l’on racontait que nos parents prenaient du « cafaaii » ou encore que nous mangions du « pââté » lorrain. Dois-je aujourd’hui reprocher à l’Education nationale de m’avoir donné des professeurs « glottophobes » ? Ou dois-je plutôt éprouver de la gratitude à l’égard de l’école de la République qui veille à faire en sorte que chaque citoyen puisse accéder à la connaissance et à la maîtrise de la langue française ?

Parce que, justement, la maîtrise de la langue est un facteur d’émancipation, le français est sans doute le bien le plus précieux que nous avons, il permet de nous relier les uns les autres à notre histoire, à notre culture, à notre bien commun. La maîtrise de la langue contribue à manifester du respect à l’égard de nos différents interlocuteurs, c’est une marque de savoir vivre et, pour reprendre un terme à la mode, cela concourt au « vivre-ensemble ».

Si la proposition de loi de Madame Avia était effectivement appliquée, que signifierait lutter contre la « glottophobie » ? Pourra-t-on reprocher à une agence de communication d’avoir rejeté une candidature au motif que le postulant s’exprimait dans un français approximatif ? Pourra-t-on encore condamner un restaurant alsacien pour avoir refusé d’embaucher comme serveur une personne au fort accent béarnais ? L’arsenal juridique contre les discriminations est déjà suffisamment chargé pour permettre de lutter contre les démarches méprisantes et réellement discriminatoires.

La phobie de l’égalité

Surtout, vouloir, même sur le ton de l’humour, ajouter des phobies partout dans le Code pénal (comme si nous n’en n’avions pas déjà suffisamment), revient à dévoyer le principe d’égalité. En réalité, on ne fait qu’opposer les Français les uns aux autres, chacun ne devant se définir que comme étant la victime de l’autre, tout le monde dispose de sa petite catégorie dans laquelle il peut se définir comme victime d’une quelconque phobie.

Cette multiplication des mots en « -phobe » traduit une pensée qui consiste à transformer le principe d’égalité de tous en non-discrimination de chacun ; qui ne conçoit l’intérêt général qu’en sommes d’intérêts particuliers ; qui favorise l’individualisme par rapport à la société et qui encourage la revendication permanente d’un droit à la différence au détriment du bien commun. Et ça, ce n’est vraiment pas très drôle.

#MeToo et #BalanceTonPorc : le féminisme illibéral

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Anne-Marie Le Pourhiet. SIPA. 00636954_000035

Un an après le déclenchement des ouragans #MeToo et #BalanceTonPorc, il convient de les considérer pour ce qu’ils sont: une incitation à la haine transformée en bouillabaisse juridique.


Il est curieux qu’à une époque où l’on condamne et criminalise à tour de bras les « discours de haine » et les « phobies » de toutes sortes, notamment d’ailleurs « à raison du sexe », nul ne songe à voir dans les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ce qu’ils contiennent exactement, c’est-à-dire une incitation à la haine d’une violence inouïe et une androphobie manifeste.

La guerre de toutes contre tous

De la même façon, alors que l’on s’en prend régulièrement aux fausses informations dites « fake news » au point d’envisager, en France, l’adoption d’une loi pour les réprimer, l’on ne semble pas du tout s’alarmer des amalgames grossiers, des statistiques biaisées et de certaines  « théories » charlatanesques véhiculées par les militantes féministes.

Enfin, alors que la bien-pensance progressiste dénonce quotidiennement les  « populismes » et les démocraties « illibérales », elle ne semble pas non plus s’offusquer du populisme pénal le plus brutal contenu dans ces lynchages et de l’acharnement répressif liberticide qui en résulte.

L’histoire banale de la mise en cause d’un producteur de cinéma hollywoodien aussi réputé pour sa compétence dans la sélection des scénarios et des acteurs que pour ses appétits sexuels, a déclenché sur les réseaux sociaux et dans les médias une campagne mondiale de dénigrement et de haine contre toute la gente masculine, soudain transformée en horde de violeurs et d’agresseurs sexuels. Les deux moitiés complémentaires de l’humanité se trouvèrent soudain érigées en ennemies irréductibles : d’un côté les loups, de l’autre les brebis. La Troisième Guerre mondiale était déclarée : celle de toutes contre tous.

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L’on vît à cette occasion de nombreuses actrices qui avaient de toute évidence misé sur leurs charmes pour convaincre producteurs ou réalisateurs célèbres de leur confier de beaux rôles, se souvenir, souvent fort longtemps après les faits, d’avoir été sexuellement agressées par ceux qui leur avaient donné rendez-vous dans leur chambre à coucher. La première des précautions d’une femme responsable et douée de discernement est généralement de ne jamais accepter de rencontrer dans un lieu privé un individu précédé d’une solide réputation d’obsession sexuelle, du moins lorsqu’elle n’entend pas échanger ses charmes contre une embauche, un rôle, une promotion ou une augmentation. Toute acceptation d’un tel rendez-vous équivaut évidemment, dans l’esprit de la puissance invitante, à un consentement tacite. Il est dès lors étonnant de voir la « victime » se dire ensuite choquée ou surprise lorsque l’intéressé se prend à vouloir exécuter le contrat. C’est peu dire qu’un bon nombre de témoignages diffusés à l’occasion de cette vaste délation n’étaient tout simplement pas crédibles, à tel point que la honte ne changea pas vraiment de camp et que l’on se prît plutôt de compassion pour tous ces  hommes humiliés, insultés, menacés, traînés dans la boue et, finalement, déchus de leurs fonctions, mandats ou engagements professionnels par un tribunal médiatique dont le principe du contradictoire était totalement absent.

La grande bouillabaisse juridique

La balance du porc ne voulait pas de celle de la justice. Le parallèle avec le tribunal de la Sainte Inquisition ne pouvait que sauter aux yeux tandis que le visage de certaines figures de proue du mouvement n’allait pas sans évoquer les traits de Savonarole ou de Torquemada.

Surtout, au milieu de tous ces cris et piloris, l’on ne distinguait plus rien et ne savait plus ce dont on parlait. Tantôt il s’agissait de viols, tantôt de regards appuyés, de mains sur l’épaule, de mouvements du pied, de baisers dans le cou, de caresse de cheveux, de compliments sur le physique ou… de meurtres conjugaux. L’interpellation « Mademoiselle vous êtes jolie » apparaissait ainsi aux côtés des coups et blessures ayant entraîné la mort dans une grande bouillabaisse d’où disparaissaient toute hiérarchie et capacité de discernement. Jamais la confusion ne s’était autant et durablement emparée des esprits, personne ne semblant  plus capable de distinguer quoique ce soit.

Et puisque la justice et ses procédures étaient précisément accusées de ne pas faire droit à toutes ces victimes et d’échouer à les délivrer du mâle, on décida bien entendu de renforcer encore l’arsenal répressif, sans s’interroger sérieusement sur le bilan des textes précédents, ni faire cesser parallèlement le lynchage médiatique.

C’est ainsi que fût adoptée cet été en France une nouvelle loi « renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes », dont l’exposé des motifs se termine par l’étonnante formule « Pour que la honte change de camp ! », mais qui devrait pourtant faire elle-même rougir ses auteurs tant sa rédaction lamentable est une offense à l’État de droit.

Selon que l’on soit homme ou femme…

Ce texte est encore une accumulation d’incriminations nouvelles définies par des formules incohérentes et dépourvues de sens. Cesare Beccaria, qui exposa au XVIIIe siècle, dans son Traité des délits et des peines, les principes du droit pénal des Lumières, devrait se retourner dans sa tombe en lisant pareilles inepties. Tous les grands principes libéraux du droit pénal sont bafoués par le néo-féminisme : imprécision et approximation de définitions pénales incompréhensibles abandonnées à la parfaite subjectivité de l’interprète, mépris du principe contradictoire, des règles d’administration de la preuve, de la présomption d’innocence et de la prescription. Même les droits de la défense sont refusés aux hommes violents dont les avocats se font désormais réprimander par les ministres. Quant aux coupables qui, tel Bertrand Cantat, ont purgé leur peine pour des coups et blessures ayant entrainé la mort sans intention de la donner, les militantes les traitent quand même d’assassins et prétendent leur interdire de reprendre leur métier.

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Le néo-féminisme porte aussi désormais des atteintes caractérisées au principe d’égalité devant la loi et devant la justice. Tuer son conjoint de trois balles dans le dos est excusable quand il s’agit d’une femme, au point de justifier la grâce présidentielle malgré deux condamnations judiciaires convergentes, tandis que le meurtre de sa conjointe par un homme constitue un « féminicide » plus gravement réprimé dont l’auteur n’aurait même pas le droit de choisir sa ligne de défense, son avocat étant voué à la vindicte publique.

Ce n’est donc plus « selon que l’on soit puissant ou misérable » que les jugements de cour varient mais selon le « genre » de la victime, au mépris de la Déclaration de 1789 : « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». L’anniversaire de  « l’affaire Weinstein » est donc surtout celui de l’arbitraire sociétal et n’est pas un cadeau pour le libéralisme et la justice.

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Jean-Michel Blanquer, le ministre « pas de vague »

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Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer lors des assises de l'école maternelle, mars 2018. SIPA. 00851759_000025

Pour un ministre, Jean-Michel Blanquer est un homme épargné par la critique. C’est sans doute parce que le chef de l’Education nationale ne fait « pas de vague »: il est l’incarnation par excellence du ministre macronien.


Il y a quelques jours, on pouvait lire, dans Le Figaro, un article relatant la grande satisfaction du président Macron envers Jean-Michel Blanquer, décrit comme la figure emblématique du ministre macronien. Confortablement installé dans le paysage gouvernemental, le personnage bénéficie effectivement d’un regard pacifique ou indifférent, tant de la part de l’opinion publique que de celle de la classe politique. Pour l’Elysée, un bon ministre serait donc avant tout un ministre qui n’éveille pas d’oppositions, la question de son action restant tout à fait secondaire, voire subordonnée à cette qualité.

Blanquer, l’homme qu’on n’attaque pas

Cela dit, on peut se demander ce qui, chez cet homme mesuré dans ses propos et discret dans son action, peut bien susciter ce curieux mélange de bienveillance et d’indifférence qui en ferait un modèle. La réponse se trouve certainement du côté de ses occurrences médiatiques, peu spectaculaires mais efficaces et fréquentes, faisant chaque fois état de remarques de bon sens, d’annonces encourageantes ou de statistiques édifiantes.

Uniforme à l’école ou bien-être de l’élève, enseignement de l’anglais ou de l’arabe, dictées ou nouvelles méthodes, tous les classiques des conservateurs et des progressistes sont à un moment ou un autre l’objet d’une intervention rassurante dans chaque camp. Jean-Michel Blanquer fait remarquer un jour qu’un élève de CE1 sur deux a des difficultés en calcul, un autre jour il affirme que l’écriture inclusive n’a pas sa place à l’école, ou encore il annonce qu’il commande des rapports pour comprendre pourquoi Singapour réussit brillamment là où la France subit des échecs retentissants (en maths et en lecture). Chaque fois, ses interventions expriment autant d’analyses justes que de bonnes idées d’action, et chaque fois ses déclarations sont plutôt bien perçues par une majorité d’enseignants, à tel point que leurs syndicats peinent à trouver un angle d’attaque.

Si Blanquer était ministre…

Au fond, c’est dommage que Jean-Michel Blanquer ne soit pas ministre.

Ce n’est pas avec lui à la tête de la rue de Grenelle qu’on verrait au journal télévisé de France 2 des manuels prônant l’usage de l’écriture inclusive faire leur rentrée en école primaire !

Et puis, à l’écouter, il est certain qu’il aurait définitivement et intégralement abrogé cette lamentable réforme du collège de 2016, dont la lettre et l’esprit perdurent de fait aujourd’hui, ne serait-ce qu’en prolongeant les EPI, en maintenant certains horaires de mathématiques en-dessous de ceux de l’éducation physique ou en supprimant les notes dans certains collèges pour les remplacer par des couleurs (rouge, jaune, vert ou vert foncé) à mettre sur une tripotée de vagues et ineptes « compétences » que, hors cas extrêmes, tous les enseignants évaluent de façon aléatoire, c’est-à-dire sans barème, à la louche, au pifomètre, au doigt mouillé, regardant la copie de loin en clignant un peu des yeux et ne mettant au final que du jaune et du vert pour n’avoir d’ennuis avec personne.

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Soyez assurés que si Jean-Michel Blanquer était ministre, il saurait que les miracles n’existent pas plus en éducation qu’ailleurs. Et que si ce sont des asiatiques et des Russes les champions du monde respectivement en mathématiques et en lecture, ce n’est certainement pas grâce à une mystérieuse méthode qui aurait le moindre point commun avec les délires de nos pédagogistes, mais tout simplement parce qu’ils appliquent les principes de grande quantité de travail et d’exigence rigoureuse qui étaient les nôtres jusque dans les années 60 et que nos ministres successifs ont depuis méthodiquement passés au hachoir. Ce n’est certainement pas Blanquer qui aurait achevé l’anéantissement de ces principes en créant maintenant au lycée une sorte de tronc commun de deux ans si large qu’il prolonge de fait le collège unique jusqu’à la classe de première, et dont on peut facilement démontrer qu’il va faire plonger encore plus bas le niveau des élèves en mathématiques. D’ailleurs, s’il avait été ministre, il n’aurait pas pu ignorer que, si les élèves allemands de quinze ans sont épanouis à l’école quand les français y souffrent d’anxiété, c’est parce que leur système prévoit des filières différenciées à partir de l’âge de douze ans, ce qui permet à chacun de suivre des enseignements adaptés à ses gouts, à ses capacités et à ses projets pendant que notre système de collège unique force tous les enfants à suivre le même chemin, provoquant ainsi le malheur et la honte des plus faibles, la bride et la frustration des plus forts et l’ennui de tous les autres. Le tout dans une baisse généralisée de niveau qui n’en finit pas. Et puis tout le monde sait bien que si Jean-Michel Blanquer était ministre, jamais il ne se laisserait rouler dans la farine par tous ces satellites gravitant autour de l’enseignement sans enseigner (mais expliquant comment il faut faire), tous ces formateurs et autres formateurs de formateurs, hier adeptes des sciences de l’éducation et aujourd’hui ayant trouvé refuge derrière les neuro-sciences qu’ils s’empressent de revendiquer pour sauver leur peau et nous annoncer d’un air important de misérables banalités qui contredisent d’ailleurs tous les principes qu’ils soutenaient encore hier.

Enfin, et surtout, si Jean-Michel Blanquer était ministre, il aurait mis fin au pire monument de légendes et de mensonges éducatifs – accélérant notre chute – que constitue cette usine à gaz appelée « évaluation par compétences en fin de cycle » qui n’a ni queue ni tête, qui met la poussière sous le tapis en faisant perdre un temps considérable et qui ne présente strictement aucun intérêt, sinon de faciliter l’obtention du Diplôme national du Brevet (DNB, ex Brevet des collèges, ex BEPC) pour donner un pauvre bout de papier à l’armée de gamins qui sortent chaque année sans rien du système scolaire et ainsi faire baisser leur nombre.

Sous Macron, les paroles prévalent sur l’action

Personne ne doute que, contrairement à ses trois prédécesseurs, Jean-Michel Blanquer est compétent et connait parfaitement la situation. Malheureusement, il appartient à l’ère macronienne et on comprend alors pourquoi il fait figure de ministre idéal aux yeux présidentiels : parce qu’en éducation comme ailleurs, la parole est prioritaire sur l’action, parce qu’encore et toujours, tout change pour que rien ne change.

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En même temps réformes et immobilisme, en même temps nouveauté et conservatisme, Macron applique la vieille formule du « changement dans la continuité » inventée par Giscard il y a plus de 40 ans. Tout change pour que rien ne change. De son ultra-libéralisme thatchérien à ses petits sauts de cabri aux cris de « Europe ! Europe ! » en passant par sa perception des banlieues et de l’immigration, Macron réchauffe les mauvais discours et les idées épuisées des années 80 auxquelles il a ajouté le mépris des petites gens. Depuis plus d’un an que le personnage est exposé en place publique, la cire a fondu et nous découvrons hélas le visage lisse et sans empreinte de ceux qui, comme on en voit souvent dans les bonnes écoles ennuyeuses, ont toujours été immatures sans jamais avoir été jeunes. Quant à son proche entourage qu’on nous peignait comme une élite fourmillant de talents et de techniciens de haute volée, on le découvre réduit à une poignée de piètres courtisans qui, avant d’abandonner le navire, traînent un peu pour avoir le temps d’y apprécier la cantine.

On ne croyait pas que ce fût possible mais on l’aura finalement trouvé, celui qui réussit cet inimaginable tour de force : nous faire regretter Hollande.

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