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À la mémoire de Samuel Paty, professeur

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Le professeur d’histoire de Conflans-Sainte-Honorine a été victime d’une cabale. Analyse


Vendredi 16 octobre, Samuel Paty, professeur, a été décapité parce qu’il enseignait. Réduire cet assassinat à un crime revient à esquiver le caractère politique de la visée hégémonique qu’il véhicule. Car cette atrocité se présente comme une exécution menée au nom d’un ordre supérieur qui devrait supplanter non seulement les lois de l’association politique, mais aussi tout rapport autonome à la connaissance, à la pensée. Elle révèle aussi que la guerre menée contre la République a dépassé la période des tests politiques, puis celle des commandos organisés terrorisant la société civile, pour atteindre un niveau alarmant de diffusion. En étendant les poches d’aisance où il se meut « comme un poisson dans l’eau », le terrorisme islamiste contamine le corps social et menace de le submerger. 

Osons la laïcité, osons la République

Si l’école est laïque, ce n’est pas seulement comme institution et parce qu’elle est un organe du dispositif républicain, c’est aussi parce qu’elle tire (ou devrait tirer) son autorité de la constitution des savoirs, laquelle échappe à toute transcendance, à toute imposition d’une parole ou d’un livre unique, et ne peut se construire qu’avec des esprits en dialogue. Voilà ce que tout professeur est chargé de travailler et de défendre, non pas dans la célébration d’un « vivre-ensemble » incantatoire et abstrait, mais avec et par le segment du savoir qu’il maîtrise et qu’on n’ose plus appeler « discipline ».

Le sanctuaire de l’école en difficulté

Installer chaque esprit dans ce dialogue fructueux et inquiet qui a pour condition première le dépaysement, la distance avec soi-même, voilà ce que faisait Samuel Paty, professeur. Il aurait dû pouvoir le faire normalement, en expliquant, en illustrant, en argumentant dans une ambiance de sérénité assurée par l’institution : en somme en professant, protégé des pressions et mettant de ce fait ses élèves, avec lui, à l’abri du tourbillon social. Mais, comme des milliers de professeurs aujourd’hui et depuis bien des années, il le faisait malgré, contre les assauts qui renvoient sans cesse l’école à son extérieur, il le faisait en dépit des pressions qui, au prétexte de mettre les élèves (et les parents) au centre du dispositif scolaire, l’assujettissent à la férocité et à la fluctuation des demandes sociales. Ce qui devrait être un travail serein et somme toute ordinaire est devenu un acte d’héroïsme.

A lire aussi: Samuel Paty, récit de la chasse à l’homme d’un hussard noir

Samuel Paty a été assassiné et décapité pour avoir exercé sa fonction, parce qu’il enseignait : c’est en sa personne le professeur qui a été massacré. Par cette atrocité, sommation est faite à tous les professeurs d’enseigner et de vivre sous le régime de la crainte. Des groupes qui encouragent ces manœuvres d’intimidation à sévir au sein même de l’école s’engouffrent dans la brèche ouverte il y a maintenant trente ans, laquelle s’acharne à assujettir l’école aux injonctions sociales. On ne voit que trop à quelles extrémités celles-ci peuvent se porter. Non l’école n’est pas faite pour « la société » telle qu’elle est. Sa visée est autre : permettre à chacun, en s’appropriant les savoirs formés par l’humaine encyclopédie, de construire sa propre liberté, dont dépend celle de la cité. Il faut cesser de convoquer les professeurs à leur propre abaissement. Réinstaurer l’école dans sa mission de transmission des savoirs et protéger ceux qui la mettent en œuvre, voilà ce qu’on attend d’une politique républicaine. Sans cet élargissement qui appelle une politique scolaire exigeante et durable, l’hommage national qui doit être rendu à la personne martyrisée de Samuel Paty restera ponctuel.

Pas exactement un loup solitaire

Il est faux de dire que l’auteur de cet assassinat était un « solitaire », comme s’il fallait éviter de dire qu’il s’agit d’un acte de guerre. Un homme isolé n’est pas nécessairement un « solitaire ». En l’occurrence il se nourrit au fast food bien garni des exhortations, imprécations, intimidations et autres menaces qui, diffusées sur internet et dans certaines mosquées, partout étalées, complaisamment relayées, font de chaque assassin se réclamant de la cause islamiste un vengeur héroïque. Il y a bien longtemps que cette guerre a commencé. Elle a posé un jalon dès 1989, en s’attaquant déjà à la laïcité de l’école républicaine. Elle a ensuite dépassé la période des tests politico-juridiques, puis celle des commandos organisés terrorisant la société civile à coups meurtriers de Kalashnikov pour atteindre aujourd’hui un niveau d’extension tel qu’aucune parcelle de la société ne peut assurer qu’elle est à l’abri de sa présence et de sa menace. Pratiquant avec virtuosité le retournement victimaire et la culpabilisation à l’« islamophobie », convertissant l’accusation impertinente de « blasphème » en pleurnicherie des « sensibilités offensées », tissant ses liens avec le « décolonialisme » et le néo-racisme, la forme idéologique de cette guerre gangrène l’université et se diffuse dans la société civile.

En étendant les poches d’aisance où il se meut « comme un poisson dans l’eau », le terrorisme islamiste contamine le corps social et menace de le submerger. Un ordre moral féroce s’installe par accoutumance à tel point qu’il devient « normal » et « compréhensible » pour un homme de songer à en assassiner un autre pour avoir osé une opinion contraire à une parole prétendue absolue, qu’il devient « normal » et « compréhensible » pour un groupe d’appeler à la vengeance. La banalisation des marqueurs religieux s’étend et prétend non pas seulement à la liberté pour elle-même, mais au silence de toute critique et de toute désapprobation la concernant. Et il se trouve de bonnes âmes pour comprendre, excuser et encourager cette abstention. L’appel au « respect de l’autre » est-il à ce point nourri de haine de soi qu’il doive prendre la forme d’une autocensure s’interdisant toute critique publique ? Est-il à ce point méprisant et paternaliste à l’égard de ceux qu’il prétend prendre sous son aile qu’il se croie obligé de leur épargner cette critique ? Est-il à ce point retors qu’il faille en son nom faire fonctionner la liberté d’expression à sens unique ? 

Cessons de regarder ailleurs

Le sursaut nécessaire n’appartient pas qu’au politique : devant l’infusion sociale qui répand et banalise le totalitarisme islamiste, les nécessaires mesures politiques, juridiques et judiciaires qui sont appelées aujourd’hui de toutes parts, si fermes soient-elles, seront sans effet sans un mouvement civil issu des citoyens eux-mêmes. Cessons de courber l’échine ou de regarder ailleurs devant la culpabilisation, devant l’insolence et la violence du « République bashing » qui convertit la haine du colonialisme en haine de la République, qui confond universalisme et uniformisation, qui est prêt à sacrifier les individus sur l’autel antique des communautés et des ethnies, qui fétichise les appartenances et ne voit pas que sans la liberté de non-appartenance, il n’est pas d’appartenance valide. Aucun régime n’a été aussi libérateur que le régime laïque, aucune religion placée en position d’autorité politique ou ayant l’oreille complaisante de cette autorité n’a produit autant de libertés : osons la laïcité, osons la République. « Il nous faut reconquérir tout ce que la République a laissé faire ».

Bakou ne souhaite que l’application du droit international

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La guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan


Le 27 septembre 2020 les hostilités ont repris entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. C’est un conflit international entre deux États souverains qui dure depuis 1992, date à laquelle les troupes régulières de l’Arménie ont engagé des offensives sur toutes les lignes des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et ont occupé près de 20% des territoires de ce dernier (partie montagneuse du Karabakh, connue plutôt comme Haut-Karabakh, ainsi que sept districts administratifs avoisinants), forçant près d’un million d’Azerbaïdjanais à quitter leurs foyers. Le Haut-Karabakh est une province historique et une partie inséparable du territoire national de l’Azerbaïdjan. Son appartenance à la République Démocratique d’Azerbaïdjan entre 1918-1920 a été reconnue par le commandement britannique des forces alliées dans le Caucase du Sud. Puis, il a été « maintenu », et non pas « attribué », au sein de la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan par le Kavbiuro (organisme de l’État soviétique crée en 1920 pour gérer le Sud Caucase) en 1921 avant d’être érigé en région autonome. 

L’utilisation illégale de la force et l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan par l’Arménie constituent un acte d’agression et une violation grave des principes et normes du droit international. Ce qui explique pourquoi aucune organisation internationale n’a soutenu l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan par l’Arménie.  

Tous les documents des organisations internationales reconnaissent la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et condamnent vigoureusement toute acquisition de territoires par l’utilisation illégale de la force armée. Le Conseil de Sécurité a adopté quatre résolutions (822, 853, 874, 884) demandant le retrait immédiat, complet et inconditionnel des « forces d’occupation » arméniennes des territoires occupés de l’Azerbaïdjan. En 2008, l’Assemblée générale de l’ONU a réaffirmé non seulement le retrait des forces arméniennes mais aussi l’impossibilité de reconnaître comme licite la situation créée par l’occupation des territoires. C’est un point fondamental en droit international et une condition primordiale pour la paix dans la région et dans le monde.

En 1992, une initiative de médiation a été engagée par l’OSCE (L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) en vue de trouver une solution pacifique, avec la mise en place du Groupe de Minsk, présidé depuis 1997 par les États-Unis, la Russie et la France. Les co-présidents du Groupe de Minsk ont tenté de rapprocher les positions des parties en présentant plusieurs propositions pour faire avancer les négociations. Toutes ces propositions ont rencontré l’opposition de l’Arménie qui voulait en réalité faire jouer la montre pour pérenniser le statu quo et annexer les territoires occupés. Cela explique pourquoi au cours de ces derniers 28 ans la médiation internationale s’est poursuivie sans pour autant aboutir à la moindre avancée dans le processus de paix. Les résolutions du Conseil de Sécurité sont restées lettre morte et plus d’un million de personnes déplacées ont continué de vivre dans l’attente du retour à leurs foyers, toujours sous l’occupation arménienne. Dans ce contexte, la poursuite des négociations est devenue inutile. 

Plusieurs éléments ont rendu inévitable la reprise des hostilités. Premièrement, l’absence de progrès dans les négociations a diminué l’espoir dans le processus de paix. Les co-présidents du Groupe de Minsk ont à plusieurs reprises déclaré que le statu quo actuel est inacceptable et ne permet pas d’avancer vers une solution négociée. L’Azerbaïdjan a toujours demandé la mise en œuvre d’un plan de paix par étapes, débutant par le retrait des troupes arméniennes et le retour des personnes déplacées dans leurs foyers, accompagné ensuite par l’ouverture des relations normalisées entre les deux pays conduisant à une discussion et négociation sur la définition du statut de la région concernée. Cette proposition a toujours été refusée par l’Arménie qui s’opposait à toute évolution du statu quo.

Deuxièmement, les nouveaux dirigeants arméniens ont jugé qu’il était temps de passer du statu quo au stade supérieur et procéder à l’annexion des territoires occupés tout en menaçant l’Azerbaïdjan d’une nouvelle guerre. Leurs déclarations mettent en évidence le refus arménien de toute négociation. Il n’est plus question pour l’Arménie de revenir sur les avantages acquis par une guerre, condamnée par la communauté internationale.

  • En février 2019, Davit Tonoyan, ministre de la Défense de l’Arménie, a déclaré que l’Arménie va abandonner la stratégie défensive pour adopter une stratégie offensive, en menaçant Bakou de l’occupation de nouveaux territoires azerbaïdjanais en cas de la reprise des hostilités. Il a utilisé la formule de “nouvelle guerre pour nouveaux territoires”. L’Arménie ne cachait plus son intention de mener une guerre préventive en vue d’occuper de nouveaux territoires de l’Azerbaïdjan. 
  • En août 2019, c’est au tour de Nikol Pachinian, Premier ministre de l’Arménie, à déclarer que « le Haut-Karabakh, c’est l’Arménie – point ». Par cette déclaration, il a pratiquement enterré le processus de paix, ne laissant aucune place à un compromis. Ceci a provoqué une réaction du Président de l’Azerbaïdjan Ilham Aliyev qui a rétorqué que « le Haut-Karabakh, c’est l’Azerbaïdjan – point d’exclamation ». 
  • Les provocations ont été également observées dans les territoires occupés au cours de l’été 2020. Le gouvernement arménien a ainsi décidé l’installation d’Arméniens et de Kurdes venus du Proche-Orient dans les territoires occupés, un acte illégal condamné par Bakou. Jusque-là, Erevan avait toujours nié engager une telle politique, malgré les preuves irréfutables fournies par une « fact-finding mission » de l’OSCE en 2005. Après l’explosion au port de Beyrouth, l’arrivée des familles libanaises d’origine arméniennes dans ces territoires a été filmée et diffusée largement sur les télévisions et réseaux sociaux. Une autre décision est liée au transfert du parlement de la soi-disant « République de Nagorno-Karabakh » (créée par l’utilisation de la force illégale, elle n’est qu’une façade pour cacher l’agression armée de l’Arménie) à Choucha, ville historique et sainte azerbaïdjanaise. Avec la multiplication de ce type de provocations, les dirigeants arméniens cherchaient de toute évidence à nier et effacer la réalité azerbaïdjanaise de cette région et à rendre irréversible l’occupation territoriale. 
  • Les déclarations arméniennes se sont ostensiblement exprimées contre l’esprit des négociations dont la base minimale d’engagement impliquait le retrait des forces d’occupation arméniennes des territoires azerbaïdjanais. 

Troisièmement, l’Arménie a toujours cherché à influencer l’opinion mondiale, en s’appuyant sur l’importance de sa diaspora pour lui apporter le soutien international nécessaire. Sa stratégie est de promouvoir une forme d’hostilité internationale constante contre l’Azerbaïdjan, afin de conduire Bakou à reconnaître de facto l’occupation d’une partie importante de son territoire national et à régler seule la question de ses réfugiés nationaux dépouillés de leur terre, de leurs biens et de leur histoire. 

Finalement, l’Arménie a rapidement mis en œuvre sa nouvelle stratégie offensive. Le 12 juillet 2020, les troupes arméniennes ont attaqué, depuis le territoire de l’Arménie, le district frontalier de Tovuz, où passe les oléoducs et gazoducs acheminant les ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan et de la Mer Caspienne vers les marchés européens. L’objectif stratégique de l’Arménie est d’occuper de nouveaux territoires et de couper en deux ce couloir pour stopper l’exportation des ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan. Ces attaques ont échoué face à la résistance de l’armée azerbaïdjanaise qui s’est contentée de repousser l’armée arménienne. Elle s’est gardée d’intervenir sur les territoires de l’Arménie car l’Azerbaïdjan n’a pas pour ambition d’occuper les territoires de l’Arménie ; sa mission est de défendre le territoire national et de le libérer de l’occupation étrangère. 

Dans ces conditions, l’Arménie n’a jamais cherché une solution pacifique, basée sur la formule « gagnant-gagnant », et a voulu transformer l’occupation illégale des territoires azerbaïdjanais en un fait accompli et procéder en violation des principes et normes du droit international à leur annexion pure et simple (il s’agit des territoires du Haut-Karabakh et des sept districts avoisinants). Elle a même considéré qu’il était temps d’infliger une défaite militaire, mais aussi économique, à l’Azerbaïdjan. Dans cette optique, la reprise des hostilités n’est pas surprenante. Le bombardement des zones résidentielles près du front par les troupes arméniennes a déclenché une réaction de l’armée azerbaïdjanaise qui, sur la base du droit de légitime défense et des résolutions du Conseil de Sécurité, s’est engagée à mettre fin à cette menace permanente de tirs de missiles et d’artillerie lourde, mais aussi, puisqu’aucune solution pacifique n’est engagée, à libérer les territoires occupés illégalement par l’Arménie.

La recherche d’une solution pacifique passe par l’application des quatre résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. La communauté internationale doit prendre sa responsabilité et assurer le respect des principes et normes du droit international pour favoriser la paix qui suppose le retrait des troupes arméniennes et la fin de l’occupation illégale des territoires azerbaïdjanais.

« La guerre culturelle est déclarée »


A l’occasion de la sortie de son livre La Grande Déraison, Douglas Murray a réservé un long entretien à Causeur. Propos recueillis par Jeremy Stubbs.


Causeur. La Grande Déraison paraît en français ces jours-ci, mais l’édition originale dans laquelle vous recensez les méthodes par lesquelles la gauche radicale a instrumentalisé les causes des femmes, des LGBT et des minorités ethniques, a déjà un an. Bref, l’actualité a prouvé la validité de votre propos. Pressentiez-vous la vague d’hystérie collective que nous connaissons depuis quelques mois ?

Douglas Murray. Je pensais que ça arriverait, mais pas aussi vite ! Notre problème fondamental est ce que j’appelle la « surcompensation ». Nous pouvons tous convenir que, historiquement, les personnes LGBT, comme les femmes et les personnes de couleur, ont subi des préjugés et des discriminations. La réponse actuelle est la politique de la réaction excessive temporaire. On peut comparer ce qui nous arrive au mouvement d’un pendule. Il y a un an, j’ai eu le pressentiment que, au lieu de revenir vers un équilibre, nous allions pencher encore plus dans le sens des groupes revendicateurs – et ce n’est pas fini.

La majorité de nos concitoyens, de droite comme de gauche, approuve la proposition suivante : toute personne doit pouvoir atteindre ce que lui permettent ses compétences et son ambition, indépendamment de son sexe, de sa sexualité ou de la couleur de sa peau. Mais à gauche, on prétend que des groupes importants œuvrent à empêcher ces personnes de devenir médecins, avocats ou politiciens. La gauche prétend aussi que la droite est raciste, sexiste et homophobe, qu’elle rêve d’un monde où les femmes seraient soumises aux hommes, l’homosexualité illégale et les Noirs des citoyens de troisième classe. Il s’agit donc de compenser, et même de surcompenser, par des quotas et de la discrimination positive, notamment à l’embauche, les torts faits aux minorités. À droite, nous devons montrer que cette approche ne fera qu’exacerber les divisions et l’angoisse générale. Malheureusement, nous avons laissé s’installer l’impression que le débat oppose une gauche antiraciste et une droite raciste.

Il n’y a aucune raison pour que l’assassinat de George Floyd par un policier du Minnesota, provoque des pillages à Stockholm ou des émeutes à Bruxelles

Comment ces extrémistes sont-ils arrivés à prendre en otage nos institutions, nos médias et nos politiciens ?

En jouant sur un malaise général face aux différences ! Face aux réelles différences qui existent entre les personnes, deux attitudes sont possibles : on peut tendre à leur effacement, ou on peut les attiser. L’ambition des libéraux, c’est d’éradiquer la différence ou, du moins, de la rendre sans importance. Mais des acteurs malhonnêtes cherchent aujourd’hui à exacerber, manipuler et dénaturer les divisions. Les nouvelles féministes, bien plus que leurs prédécesseurs, attisent délibérément les tensions entre les hommes et les femmes. Même chose avec les nouveaux antiracistes. Bref, qu’il s’agisse de race ou de genre, nous sommes entourés de faux pompiers qui sont de vrais pyromanes.

A relire: Douglas Murray, le grand chic réac

Le mouvement #BLM, qu’on ne trouve ni en Afrique ni en Asie, est un produit de l’Occident libéral, du capitalisme tardif, globalisé. C’est le produit d’un monde – pour retourner contre les progressistes un de leurs mots fétiches – « privilégié ». Il y a, paradoxalement, un certain génie dans cette stratégie qui consiste à se focaliser sur des questions qui inquiètent les citoyens ordinaires. Que ce soit en France ou au Royaume-Uni, la plupart d’entre nous savent que tout dans le passé de notre nation n’est pas parfait. Et loin de nous dire, très raisonnablement, que nous ne sommes pas comptables des turpitudes de nos ancêtres, nous écoutons plutôt la voix de notre culpabilité présumée. Cela nous rend vulnérables. La gauche sait qu’elle parle à un public intimidé, prêt à endosser n’importe quelle accusation outrancière. Et elle en profite.

Ne prêtez-vous pas à ces mouvements un machiavélisme dont ils sont incapables ?

Je cite dans le livre un certain nombre de penseurs, essentiellement néomarxistes, dont les réflexions très explicites remontent aux années 1980. À cette époque, même les gauchistes les plus arriérés ont compris que la révolution ne va pas se faire sur la seule base de la lutte des classes. Certains théorisent la substitution des minorités discriminées au prolétariat. Pour Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, il fallait créer une alliance incorporant les minorités sexuelles et raciales ainsi que les femmes qui, quoique non minoritaires, sont sous-représentées dans la société[tooltips content= »Ernesto Laclau, argentin (1935-2014), Chantal Mouffe, belge (née en 1943) ; leur livre majeur, écrit en anglais, est Hégémonie et stratégie socialiste (1985). »](1)[/tooltips]. À leurs yeux, la classe ouvrière, raciste et sexiste, était méprisable. C’est très révélateur. La pensée « intersectionnaliste », qui domine la gauche aujourd’hui et qui met l’accent sur l’appartenance à des groupes minoritaires, ne prend pas du tout en compte la classe sociale. La raison en est que les questions socioéconomiques sont transversales par rapport aux catégories que cette pensée met au centre de sa stratégie révolutionnaire. On peut très bien appartenir à une minorité et être privilégié sur le plan social. Si la gauche prenait au sérieux la question de l’inégalité, elle s’occuperait de toutes ses manifestations, y compris celles liées à la beauté physique. Toutes les études le montrent : les gens très beaux s’en sortent beaucoup mieux dans la vie, quel que soit leur choix de carrière. La gauche pourrait décider de combattre au nom des laiderons… Mais cette iniquité ne sert pas leur stratégie révolutionnaire, comme le font les injustices subies par les minorités raciales et sexuelles.

Malgré la pression de la foule, une cliente d’un restaurant refuse de lever le poing en signe de soutien au mouvement Black Lives Matter, Washington D. C., 25 août 2020. D.R.
Malgré la pression de la foule, une cliente d’un restaurant refuse de lever le poing en signe de soutien au mouvement Black Lives Matter, Washington D. C., 25 août 2020. D.R.

Vous et moi avons fréquenté l’université d’Oxford. La présidente de cette institution pluriséculaire a exprimé publiquement sa sympathie pour Black Lives Matter et promis de faire beaucoup plus pour intégrer les étudiants issus de minorités ethniques, en dépit du fait que 22 % des étudiants de cette université sont issus de ces minorités, bien au-dessus de la moyenne nationale. Comment expliquer un tel comportement ?

C’est une question de balance bénéfice-risque. Si vous êtes président d’une université ou PDG d’une multinationale et qu’un agitateur malhonnête, hostile, vous somme d’expliquer ce que vous allez faire pour réparer la mort de George Floyd, vous avez deux options : vous plier à ce qu’on exige de vous ou bien nier que vous ayez une quelconque responsabilité dans cette affaire. La première option vous assure de survivre. Si vous choisissez la seconde, il y a une très forte probabilité que l’acteur malhonnête essaie de vous détruire, ainsi que l’institution ou la société dont vous êtes le responsable. Dans le contexte actuel, faire ce qui est dicté par le bon sens a un prix sociétal très élevé, disproportionné. En même temps, nous récompensons les pusillanimes. Si, face à des accusations mensongères, vous niez être coupable, on vous répondra que cela prouve que vous l’êtes. Si vous ne niez pas, vous êtes d’emblée coupable. Cette manœuvre existait déjà, au Moyen Âge, pour les sorcières. Si l’accusée se noyait dans l’étang du village, elle était innocente, mais morte. Si elle flottait, elle était sorcière et on la brûlait.

Pile tu perds, face je gagne. Dans ces guerres culturelles, il est surtout question de haine et de rage. Pourtant, dans votre livre, vous consacrez des pages étonnantes aux thèmes du pardon et de l’oubli. Pourquoi ?

Le pardon dont je parle est inséparable de la capacité à oublier. Dans l’univers terrifiant que nous avons construit sur internet, rien ne s’oublie, tout est enregistré pour l’éternité, et nous n’avons pas de mécanisme pour sortir de ce piège. Imaginez que vous avez un différend qui se transforme en bagarre avec votre voisin. Les médias en parlent et c’est la seule fois qu’ils parlent de vous. Désormais, quiconque fait une recherche Google sur vous tombera sur cet incident auquel toute votre vie, personnelle et professionnelle, sera réduite. Même des journalistes de la presse tabloïde, qui ne sont pas les âmes les plus sensibles, s’alarment de cette disparition du droit à l’oubli !

A lire aussi: Parlez-vous woke?

Nous qui sommes adultes devrions faire preuve de plus de compréhension à l’égard des jeunes qui sont obligés de grandir dans cette société technologique que nous avons construite pour eux. Dans son livre remarquable, The End of Forgetting [tooltips content= »Harvard University Press, 2019. »](2)[/tooltips] (« la fin de l’oubli »), Kate Eichhorn montre que la fragilité qu’on associe à la vie des jeunes est une réaction tout à fait raisonnable à ce nouveau monde. Nous avons de la chance que chaque bêtise de notre jeunesse n’ait pas été enregistrée pour toujours. Les jeunes n’ont connu qu’une vie sans oubli et sans pardon. Les plus intelligents sont maintenant sur des plates-formes où ce qu’on poste disparaît tout de suite, du moins en apparence. La dispute au sujet de TikTok, dont je parlais récemment avec le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, est significative : ceux qui utilisent cette appli croient que c’est une technologie où tout disparaît, sauf que tout est peut-être stocké pour toujours à Beijing.

Nous avons évoqué la stratégie, jusqu’ici gagnante, de la gauche radicale, des « woke », comme on dit. Quelle stratégie faut-il adopter pour la combattre ?

Pour commencer, il faut distinguer, au sujet de notre passé, les critiques justifiées des délirantes. Il faut désigner et sanctionner les falsificateurs. Ils devraient payer un prix social pour leurs mensonges. Leur réputation devrait en souffrir. Ensuite, il faut que nous ayons le courage de refuser les comparaisons entre l’Europe et les États-Unis. Il n’y a aucune raison pour que l’assassinat de George Floyd, aussi épouvantable soit-il, par un policier du Minnesota, provoque des pillages à Stockholm ou des émeutes à Bruxelles. Nous subissons partout les répercussions de problèmes spécifiquement américains. C’est pour cela que la question de la race s’est embrasée si vite depuis que j’ai écrit La Grande Déraison. Nous sommes trop imprégnés de l’idée qu’il existe réellement une « culpabilité blanche », comme l’appellent Robin DiAngelo[tooltips content= »Consultante américaine, spécialiste des formations à la diversité, auteur de Fragilité blanche : ce racisme que les Blancs ne voient pas (Les Arènes, 2020). »](3)[/tooltips] et tant d’autres, et qu’elle nous concerne tous. Devant une idée aussi clairement raciste, notre réponse devrait être : « Allez au diable ! Nous ne sommes pas dupes. Ne vous avisez pas de jouer à ce jeu avec nous ! » Dans tous les pays d’Europe, on parle de « majorité silencieuse ». Pourquoi cette expression existe-t-elle ? Pourquoi la majorité est-elle silencieuse ? Il faut avoir le courage de s’exprimer.

Ce n’est pas si facile.

En tout cas, c’est possible. Au début de cette guerre des monuments, j’ai été ravi de la déclaration très forte du président Macron promettant que la République ne déboulonnerait pas de statues. À Oxford, la campagne pour déboulonner la statue du célèbre colonialiste Cecil Rhodes a commencé il y a cinq ans. À l’origine de cette campagne, il y avait des petits manipulateurs – particulièrement malhonnêtes, puisque c’était des boursiers Rhodes d’Afrique du Sud qui essayaient de se faire un nom dans la politique sud-africaine[tooltips content= »Il s’agit de bourses créées par le testament de Cecil Rhodes en 1902 pour permettre à des étrangers de venir étudier à Oxford, quelle que soit leur race. »](4)[/tooltips]. Le chancelier[tooltips content= »Responsable suprême de l’université, placé au-dessus du président ou « vice-chancelier. » »](5)[/tooltips] de l’université d’Oxford, l’ancien politicien conservateur Chris Patten, qui n’a jamais été pour moi un objet d’admiration particulière, s’est comporté exactement comme un adulte doit le faire. Il a déclaré que ceux qui ne pouvaient pas supporter des statues ou des livres qui nous parlent du passé sans être censurés n’étaient peut-être pas prêts pour faire des études à Oxford. Certes, nous avons perdu le dernier round de cette bataille, mais sa déclaration reste un modèle. C’est souvent quand la situation s’aggrave que des figures héroïques se révèlent. Et ce sont plutôt des citoyens ordinaires que des membres de la classe politique. Dans un restaurant de Washington, il y a quelques semaines, une jeune femme a refusé de lever le poing comme la foule l’a sommée de le faire. Elle ne savait probablement pas qu’elle possédait ce potentiel héroïque. Au cours des mois et des années à venir, nos sociétés et nos institutions produiront des héros, en même temps qu’elles continueront à produire des lâches et des flagorneurs. Nous avons le devoir de saluer et de remercier des femmes et des hommes de tous les milieux sociaux qui refusent d’obéir à la foule.

Vous êtes vous-même un combattant dans cette guerre culturelle, vous êtes l’objet de menaces et d’insultes. Comment vivez-vous cette situation ?

Je ne peux pas me plaindre. Je gagne la plupart des batailles dans lesquelles je m’engage. J’aime disperser et démoraliser mes ennemis. Les ventes de mes livres démontrent qu’il y a un vaste lectorat qui pense comme moi et qui représente la majorité dans nos sociétés. Nous ne devrions pas nous prosterner, nous lamenter et agir en victimes passives de la cancel culture. Certes, il y a un prix à payer pour résister, mais les bénéfices sont bien plus importants. La plus grande récompense de toutes, c’est que cela vous fera du bien ; vous vous sentirez mieux d’avoir résisté au lieu de capituler. Je dis aux gens : « Défendez vos opinions, dénoncez les mensonges : vous en tirerez bien plus de profit que de l’approbation des hypocrites et des charlatans. »

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Le Madoff kazakh ou un martyr de la dissidence politique? Retour sur la mise en examen de Moukhtar Abliazov


Pour les uns, c’est un opposant victime de son activisme politique. Pour les autres, il est l’escroc du siècle qui aurait détourné des milliards de dollars lorsqu’il était à la tête de la BTA, la plus puissante banque du Kazakhstan. De quoi Moukhtar Abliazov est-il le nom ?


Une cavale, des imbroglios diplomatiques, des rebondissements politico-judiciaires…

« L’affaire Abliazov », du nom de cet ancien oligarque kazakh condamné par contumace dans son pays pour détournements de fonds et le meurtre d’un de ses associés, offre un scénario digne du Bureau des Légendes, la célèbre série d’espionnage de Canal +.

Un criminel économique hors norme?

Présenté comme « le principal opposant kazakh », l’homme de 57 ans venait à peine d’obtenir le statut de réfugié politique en France, où il vit depuis 2013, quand il a été arrêté en pleine rue à Paris, lundi 5 octobre dernier, et déféré deux jours plus tard devant un juge d’instruction. La plainte déposée en France en 2017 par le Kazakhstan, qui l’accuse de détournements de fonds au préjudice de la banque BTA, dont il était le PDG avant sa nationalisation en 2009, a donc abouti à sa mise en examen pour « abus de confiance aggravé » et « blanchiment aggravé ». Le code pénal français prévoit en effet qu’un tribunal peut juger un étranger dont l’extradition a été refusée pour des motifs politiques, pour un crime ou un délit commis hors de l’Hexagone.

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Libéré sous contrôle judiciaire, Abliazov crie au complot et dénonce les « persécutions judiciaires » de son pays d’origine. Les autorités kazakhes lui reprochent quant à elles d’avoir détourné entre 2005 et 2009 la somme astronomique de 6,4 milliards de dollars vers des comptes offshore, notamment par des prêts sans garantie accordés par la BTA à des sociétés écrans dont il était le bénéficiaire. La version de la défense est connue : elle dit n’avoir rien volé, simplement subtilisé quelques avoirs pour déjouer la voracité du régime mis en place par l’ancien président de la République du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev, dont Moukhtar Abliazov serait devenu « le principal opposant ». Auréolé de son statut « d’ennemi public n°1 » du régime, l’homme d‘affaires ne manque pas de relais pour appuyer sa version des faits. Des ONG comme Amnesty international ont toujours milité contre son extradition à laquelle il a échappé de justesse en 2016. L’oligarque déchu, également accusé dans son pays d’avoir commandité le meurtre d’un de ses associés en 2004, ne ressemble pourtant guère à un chevalier blanc de la démocratie.

Un gigantesque système de détournement

Comme tant d’autres oligarques, Abliazov a fait fortune dans les années 90 en profitant du démantèlement économique de l’ex-empire soviétique. Businessman aux affaires florissantes, il est nommé en 1998 au poste du ministre de l’Énergie, du Commerce et de l’Industrie. Mais l’homme a de plus hautes ambitions. Il démissionne en 2001 et entre dans l’opposition en cofondant un parti politique, le Choix démocratique du Kazakhstan (DVK), appelant à des réformes politiques et condamnant « le népotisme croissant et la corruption » du régime. Après quelques démêlés judiciaires dans son pays et un détour par la Russie, il rentre triomphalement au Kazakhstan en 2005 : clément, Nazarbaïev lui offre la présidence de la BTA, première banque du pays. Mais les choses se gâtent avec la crise financière de 2008. En 2009, la banque est mise en faillite et nationalisée par l’État kazakh qui découvre le pot aux roses : un gigantesque système de détournement dans un but d’enrichissement personnel portant sur plus de 600 sociétés écrans disséminées au Luxembourg, aux Seychelles et aux îles Vierges britanniques. L’affaire est rendue publique en 2012 en Grande-Bretagne où Abliazov a obtenu l’asile politique. Saisie par la BTA, la justice civile anglaise le condamne au paiement d’un montant de 4 milliards de dollars américains de dommages et intérêts au profit de la banque kazakhe et à 22 mois de prison pour outrage, en raison de déclarations contradictoires, décision confirmée en 2013 par la Cour suprême de Grande-Bretagne.

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La justice française reprend la main

L’insaisissable « Madoff kazakh » ne purgera cependant pas sa peine. Il a déjà fui le Royaume-Uni pour la France où, après une traque rocambolesque, il est interpellé le 31 juillet 2013 dans une somptueuse villa de la Côte d’Azur. La suite est une longue bataille judiciaire, diplomatique et médiatique. Réclamée par la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan, son extradition est refusée à son pays d’origine par la France faute de convention entre Paris et Astana. La justice française donne alors la priorité à la Russie jusqu’à ce que le Conseil d’État, allant à l’encontre de toutes les décisions judiciaires rendues dans ce dossier, annule le décret d’extradition en 2016, estimant que cette dernière « a été demandée dans un but politique ». Les sages ont-ils été sensibles aux arguments des défenseurs d’Abliazov, largement relayés dans les médias occidentaux qui le dépeignent volontiers en « martyr de la dissidence kazakhe » ?

Quatre ans plus tard, les mesures de contrôle judiciaire prises à son encontre sur notre territoire montrent toutefois que la justice française considère que de graves soupçons de délits financiers existent bel et bien dans ce dossier. Soit, des milliards de dollars d’actifs possiblement volés par un homme que les autorités kazakhes accusent de fuir la justice de son pays en se forgeant une image de dissident politique.

Avis aux amateurs du Bureau des Légendes : « l’affaire Abliazov » n’a sans doute pas dit son dernier mot.

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Voyage dans la galaxie Mitterrand

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L’historien François Broche passe Les Mitterrandiens en revue dans un ouvrage captivant


Il faut bien admettre que le dernier Président de la Vᵉ République fut François Mitterrand. Sa stature pharaonique malgré sa taille modeste, sa brutalité byzantine, son goût des livres et du secret, sa parfaite connaissance de la province chardonnienne et de ses paysages désolés, son autorité naturelle comme si l’Élysée lui était dû et que nous étions ses sujets redevables à vie, son appétit pour les belles femmes et les oiseaux protégés, sa fidélité corrosive et ses manières de prince vénitien le plaçaient hors-catégorie, dans une galaxie à part.

Stratégie et talent

Après lui, nous n’avons connu que des ébauches, des personnages en pointillé n’incarnant pas totalement le rôle et la mission d’un Président élu au suffrage universel direct. Mitterrand, sur le modèle gaullien, a fait du romanesque, le squelette de son ascension politique. Il a écrit une fable, s’arrangeant avec la vérité et les faits, brusquant le réel, le tordant afin qu’il entre dans ses rêves d’adolescent.

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Les idées sont accessoires dans une démocratie, les débats trop ennuyeux, les journalistes idiots, les militants un mal nécessaire, l’argent un moyen comme un autre dans cette quête absolue du pouvoir, le seul être qui compte demeure l’électeur, cet anonyme dans la foule. C’est vers lui que l’énergie et la persuasion sont orientées, c’est pour lui que la stratégie et le talent se mettent en action. On lui raconte n’importe quoi et il le sait pertinemment. Une élection est un jeu de séduction, de dupes aussi, il faut être deux pour y participer.

Cet électeur réagit comme un lecteur d’Alexandre Dumas, il souhaite s’extraire de son état de citoyen, il veut croire lui aussi aux forces de l’esprit, à la beauté d’une épopée. Se rendre dans l’isoloir un dimanche pluvieux, c’est un moyen de transcender son existence, d’enjoliver un triste quotidien. Alors, cet électeur attend de l’exceptionnel, de l’inattendu, des mots qui blessent, de la dramaturgie, des enfants cachés, des zones d’ombre, des rebondissements, des échecs à la limite de l’infamie et des retours de flamme, de flambe même.

Libéral déguisé sous les oripeaux du socialo

Cet électeur en a marre des doublures en tissu synthétique et des remplaçants en carton-pâte, il a encore en tête le froissé de la soie sauvage à la sortie d’un conseil des ministres et le visage d’un aigle dans l’hémicycle, prêt à dépecer son adversaire. Un type qui impose par sa simple présence, le silence et le respect, la crainte et l’émotion gamine. Malgré un bilan plus que mitigé et une haine tenace des deux bords, on reproche encore aujourd’hui à Mitterrand d’avoir été le fossoyeur de la Gauche et de la souveraineté, l’allié objectif du Front National, le libéral déguisé sous les oripeaux du socialo, le démago de l’antiracisme, le droitard maquillé en progressiste, le démarcheur de la mondialisation ou le technocrate câblé, peu importe les appellations disgracieuses, car, même ses plus féroces détracteurs regardent cette vie politique folle, démarrée au stalag jusqu’à sa scénarisation au Panthéon comme une tapisserie du moyen-âge.

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Chacun se dit que l’époque actuelle est bien terne, bien décevante, insipide et terrible, elle ne peut faire émerger que des premiers de la classe. Charles Pasqua regrettait que la classe politique qui n’a pas connu les affres et les émotions intenses de la guerre ne puisse rien comprendre à l’âme humaine. La nouvelle génération manque de repères, de toucher et de hargne, d’instinct et de flamboyance. Nous sommes à l’ère des ânonneurs officiels et non plus des meneurs au charme vénéneux. Pour se remémorer un tel destin qui nous semble déjà si lointain, Les Mitterrandiens viennent de paraître aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. François Broche, historien spécialiste de la France libre et du général de Gaulle, auteur notamment de L’Armée française sous l’Occupation (2002-2003) ou du Dictionnaire de la Collaboration (2014) nous fait voyager dans le temps. « Cinquante ans durant, il ne nous a jamais laissés indifférents. Quoi qu’on ait pensé de lui, cela ne pouvait que créer des liens que la mort ne pouvait rompre, ni même distendre » écrit-il dans son avant-propos.

Cartographie des miterrandiens

François Broche, par son don de la synthèse et la précision de son regard cartographie les Mitterrandiens, il y a les Charentais, les étudiants du 104 de la rue de Vaugirard, les prisonniers, les vichystes, les vichystes-résistants, les résistants, les hommes de la IVème, les journalistes, les femmes, les écrivains, les hommes de l’ombre et même les médecins. Par ses entrées multiples, on est fasciné par l’épaisseur du personnage Mitterrand qui a constitué des cercles étanches tout au long de sa carrière, sans jamais ne rien retrancher de son passé, sorte de mille-feuilles politico-sentimental abyssal. Sous la plume plaisante de François Broche, le monde d’avant prend forme, il se met à s’animer devant nos yeux, nous entendons résonner des noms sortis des douves de l’histoire tels que Claude Roy, Pierre de Bénouville, François Dalle, Georges Dayan, Paul Guimard ou François de Grossouvre. Et les 350 pages de ce solide ouvrage se lisent d’une seule traite.

Les Mitterrandiens de François Broche – éditions Pierre-Guillaume de Roux  

Je ne serai pas au rassemblement place de la République aujourd’hui

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Je ne serai pas au rassemblement place de la République aujourd’hui.

Je veux rendre hommage à Samuel Paty, son exécution horrible m’a bouleversée, mais je n’irai pas valser au bal des hypocrites et je ne défilerai pas à côté de ceux qui ne sont pas pour rien dans ce drame.

Déjà je ne serai jamais venue à un rassemblement « contre la haine » car c’est le nom visiblement donné au rassemblement par les organisateurs. Ras-le-bol de ces intitulés visant à éviter de dire ce qui vient de se passer pour le dissoudre dans le conceptuel. Si j’avais dû venir cela eut été pour rendre hommage à Samuel Paty et pour dénoncer les crimes de l’islamisme.

Mais surtout, quel cynisme chez les organisateurs. Ils appartiennent pour l’essentiel à la gauche qui a sombré dans l’islamo-gauchisme, celle qui dresse des procès à la France raciste et fait croire qu’il y aurait une « guerre » menée contre les musulmans alors que s’accumulent les cadavres des nôtres, tués par les islamistes.

Aujourd’hui j’attends des actes et des réponses. Et cela commence par le fait d’arrêter de négocier avec les islamistes

Je ne défilerai pas aux côtés de ceux qui tiennent la porte à l’idéologie des assassins. Je ne défilerai pas avec la FCPE qui a défendu le port du voile donc l’humiliation et l’infériorisation de la femme, alors même que ce signe est contraire à notre sociabilité et est un marqueur des islamistes. La multiplication des voiles étant une preuve de l’étendue de l’influence de l’islam politique. Je ne défilerai pas aux côtés de la LDH, acteur majeur de la légitimation en son temps de Tariq Ramadan. Je ne défilerai pas à côté de l’UNEF et de Maryam Pougetoux. Si tel qu’elle le syndicat s’est fait discret, la FIDL en est une émanation et nul doute qu’il sera présent. Je ne défilerai pas aux côtés de Mélenchon, traître à la République et à la laïcité. Et surtout je refuse de défiler auprès des syndicats enseignants. Ceux-là même qui par lâcheté ont laissé la situation dériver, qui tiennent des discours plus que complaisants à l’égard des dérives islamistes dans les établissements et qui sont les meilleurs alliés du pas de vague. Il suffit de regarder le communiqué de presse du SNESUP, qui jamais ne nomme l’idéologie à l’œuvre dans cette exécution pour comprendre que tous ces gens ne se rassemblent pas par prise de conscience mais pour s’acheter encore du temps pour vivre paupières cousues. Je défilerai encore moins aux côtés de SOS Racisme dont le discours victimaire et racialiste a contribué a légitimer la sauvagerie que nous constatons. Aujourd’hui tous viennent verser des larmes de crocodiles alors qu’ils sont comptables aussi de toute cette horreur.

Mais surtout j’en ai ras le bol des rassemblements, des fleurs, des couronnes, des bougies et des nounours. Je ne critique aucun de ceux qui défileront et lorsque l’on se sent impuissant, déposer une bougie, témoigner de sa solidarité, c’est déjà ça. C’est juste que personnellement j’ai dépassé ce stade.

A lire aussi, du même auteur: Décapité pour avoir montré un dessin

J’ai défilé le 11 janvier, j’y ai cru. Il ne s’est rien passé derrière. À l’époque nous étions unis ou nous croyions l’être. Nous ne le sommes plus et tous ces rassemblements et appel à l’union sonnent faux.

Manifestation du 11 janvier 2015 à Marseille. SIPA. 00701527_000044
Manifestation du 11 janvier 2015 à Marseille. SIPA. 00701527_000044

Aujourd’hui j’attends des actes et des réponses. Et cela commence par le fait d’arrêter de négocier avec les islamistes, que ce soit sur le terrain en mettant au même niveau, au sein de l’institution, un père radicalisé qui fait de la provocation et veut avancer ses pions intégristes et un professeur qui ne fait que son travail. Marre de cette école qui ne sait pas se faire respecter.

Je me moque que des Ministres pourrissent leur dimanche pour aller à un rassemblement. Je leur demande autre chose : j’attends des propositions du ministre pour que lâcheté et incompétence ne soient pas un accélérateur de carrière pour diriger un établissement et que l’on arrête d’estimer que l’on traite un problème en humiliant un professeur parce que les revendications amenées au nom de l’islam terrorisent les responsables. Marre aussi de voir Mila se cacher et ses agresseurs, eux, être accueillis à l’école de la République car nul ne se soucie de les sanctionner.

Marre aussi de toute cette hypocrisie qui fait que l’on cache le nombre de « oui mais… », notamment des élèves musulmans qui ne sont pas des islamistes. Ils trouvent juste la punition exagérée. Est-ce-que cela ne parle pas d’une éducation humaniste qui a échoué et d’un conditionnement qui, lui, a réussi? On fait quoi face à cette réalité d’un ensauvagement qui ne touche pas tout le monde et monte surtout dans une communauté particulière. Parce que cela n’a rien de génétique mais parle bien d’un travail politique effectué. Et ce genre de travail fonctionne qui déshumanise ce qui n’est pas vu comme appartenant à son clan. Il faut lire l’article du Figaro sur l’attitude de nombre de collégiens rencontrés devant le lieu du drame, il y a de quoi être choqué. Notamment par l’élève qui sans émotion aucune montre la photo de la tête coupée du professeur qu’elle a récupérée sur Twitter et mise sur son téléphone ou par ceux qui se marrent et esquissent des pas de danse.

Une marche ne résoudra rien de tout cela. Il ne manquerait même plus que le CCIF se joigne au cortège et nous aurions touché le fond de l’abjection. La seule réponse qui me paraitrait pertinente serait d’inonder la France pendant une semaine des caricatures de Charlie Hebdo. Sur tous les 4×3, les bus, les métros, dans les mairies, les CAF, les collèges, les lycées… L’effet doit être massif, visible, se voir partout jusque dans les coins les plus reculés. Allons à la reconquête visuelle de notre territoire avec la satire. Rendons hommage au courage de cet enseignant en nous faisant les héritiers et les continuateurs de son geste. Cela aurait plus de sens que ce rassemblement dont les organisateurs laissent pantois quand on ne se demande pas si l’on n’a pas atteint les sommets du cynisme et de la manipulation.

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Les épices, une histoire bien relevée


L’épopée des épices se confond avec l’histoire de notre civilisation. Si elles sont devenues banales à notre époque, Roï Hendel, Israélien établi à Belleville, restaure leur magie, grâce à un travail de sourcing unique qui ravit le palais et stimule le moral.


En ces temps obscurs, il existe un moyen de lutter efficacement contre la mélancolie : la cuisine aux épices. Chez les personnes âgées, notamment, elle fait merveille, car le goût est chez elles le dernier sens encore vivace et actif, c’est pourquoi il est vital de leur donner de bonnes choses à manger (dans les EHPAD, la nourriture est généralement abjecte et contribue à leur faire perdre le goût de la vie). L’été dernier, j’ai découvert les épices de l’Israélien Roï Hendel, dont le laboratoire est situé dans le quartier de Belleville. Une révélation. Jamais de ma vie je n’avais senti cela ! Sa noix de muscade d’Indonésie embaume le pin et le miel et vous emporte dans des jungles inaccessibles ; sa cannelle sauvage du Sri Lanka est aussi délicate et profonde qu’un air de raga joué par Ravi Shankar ; son safran d’Iran, qu’il va chercher dans les montagnes proches de l’Afghanistan, est d’un rouge vif et délivre des notes de miel et de mandarine ; quant à son curry de Madras, qu’il prépare lui-même à partir de l’antique recette d’un maître yogi, c’est un nectar… En respirant ces merveilles, propres à zigouiller le premier coronavirus venu, j’ai compris pourquoi les hommes avaient risqué leur vie pour aller les chercher à l’autre bout du monde pendant des siècles et pourquoi Hollandais, Anglais et Français s’étaient fait la guerre pour détenir le monopole du poivre et du curcuma…

Roï Hendel rend aux épices leur noblesse perdue. En effet, l’histoire des épices, avant de sombrer dans la banalité de la consommation de masse, a structuré tout un pan de notre civilisation : n’est-ce pas en allant à leur recherche, via la route des Indes, que Christophe Colomb a découvert l’Amérique ?

Les épices (du latin species) proviennent d’écorces, de racines, de feuilles, de fleurs, de graines et de fruits tropicaux (mais aussi, parfois, de substances animales, comme le fameux garum, une sauce romaine à base de poisson comparable au nuoc-mâm vietnamien). Elles se distinguent par leur goût piquant (comme le poivre et la cannelle) et par leur parfum (comme la vanille et le safran).

Les épices sont bonnes pour le moral, notamment le safran contre la dépression

Dans l’Antiquité, elles étaient utilisées aussi bien dans la cuisine qu’en médecine, ainsi que dans les rites funéraires et religieux. Galien, père de la médecine, recommandait l’utilisation d’aloès, du poivre et du gingembre pour soigner toutes sortes de maux. Le cuisinier Apicius a laissé des recettes où le poivre et le cumin abondent. Originaires de Judée, de Syrie, d’Arabie, d’Éthiopie, du Yémen et d’Inde, les épices avaient aussi une grande valeur marchande et servaient de monnaie d’échange. Les Romains surtout en étaient fous. Toute l’année, des caravanes chargées d’épices arrivaient à Rome par la route de la soie (qui, à partir d’Antioche, en Syrie, traversait l’Euphrate et remontait vers le nord jusqu’à Samarkand avant de longer le Pamir). Les épices transitaient aussi par la mer. Les Romains, nous dit Tacite, brûlèrent des tonnes d’encens lors des funérailles de Poppée, la deuxième épouse de Néron, lequel faisait couler des ruisseaux de safran pendant ses fêtes.

Au Moyen Âge, on s’est pris d’amour pour le clou de girofle. Mais ce sont les croisés qui ont rapporté les épices d’Orient en même temps que le sucre de canne. Les cités-États d’Italie (Venise, Gênes, Amalfi et Pise) envoyaient des centaines de navires pour les acheminer en Méditerranée. Les épices étaient vendues en France dans les ports de Marseille et d’Aigues-Mortes. Cuisine et médecine ne faisaient qu’une, aussi les épices étaient-elles proposées chez les pharmaciens apothicaires. Rois et nobles manifestaient leur prestige en mettant du gingembre, du poivre, de la cannelle et du cumin à toutes les sauces… Au xive siècle, Taillevent, le premier de nos « grands chefs », décrit dans son livre Le Viandier une multitude de sauces où les épices jouent un rôle majeur, comme la célèbre « cameline », une sauce non bouillie à base de pain rôti, trempé dans du vin rouge, avec du vinaigre, de la cannelle, du gingembre…

Au xve siècle, l’Espagne et le Portugal se font la guerre pour contrôler la route des épices qui est censée mener en Inde… Le 4 mai 1493, en promulguant la bulle dite du « partage du monde », c’est le pape Alexandre VI qui obligera les deux royaumes à s’entendre en respectant une ligne de démarcation allant d’un pôle à l’autre : à l’Est, l’Afrique et les Indes reviennent au Portugal, à l’Ouest, l’Amérique revient à l’Espagne… (ce qui n’empêchera pas le Portugal de revendiquer le Brésil découvert par Cabral en 1500).

Camomille d'Iran. Photo: Hannah Assouline.
Camomille d’Iran. Photo: Hannah Assouline.
Cannelle sauvage. Photo: Hannah Assouline.
Cannelle sauvage. Photo: Hannah Assouline.

En 1497, Vasco de Gama franchit le cap de Bonne-Espérance et débarque sur la côte de Malabar (en Inde) où il chasse les marchands arabes qui y détenaient le monopole de la vente des épices. Les Portugais s’empareront dans la foulée des Moluques (en Indonésie) où ils mettront la main sur les arbres à girofle et à muscade…

On pourrait donc écrire l’histoire à partir de la guerre des épices. Les Hollandais, qui fondèrent la Compagnie des Indes, au xviie siècle, punissaient de mort quiconque volait des plants d’épices pour les apporter aux Français ou aux Anglais. Le botaniste français au nom prédestiné de Pierre Poivre (1719-1786) réussit pourtant à leur dérober des plants de poivriers qu’il planta et cultiva sur l’actuelle île Maurice. Rappelons aussi que, pendant tout l’Ancien Régime, le poivre était en France l’épice reine, car rare et cher : « cher comme poivre ! » disait-on. Depuis le Moyen Âge, il intervenait dans les procès, les plaideurs ayant pris l’habitude d’en faire cadeau au juge pour le soudoyer (comme le raconte Racine dans Les Plaideurs) : on parlait alors « des épices de chambre »…

Noix de muscade. Photo: Hannah Assouline.
Noix de muscade. Photo: Hannah Assouline.

Sur le plan culinaire, il faut noter qu’à cette époque, on ne distinguait pas les plats salés des plats sucrés et les épices, comme les herbes aromatiques, étaient employées massivement dans les ragoûts, les sauces, les soupes, les coulis. La cuisine française « moderne » n’a vu le jour qu’au xviiie siècle quand, dans les menus royaux, les sauces grasses ont remplacé les sauces aigres d’antan, que le sucré a été réservé aux desserts et que l’on a commencé à privilégier le goût naturel des produits qui, jusque-là, étaient noyés dans des sauces épicées… Voltaire, de ce point de vue, fut peut-être notre premier vrai gastronome. Dans sa correspondance gigantesque, quel plaisir de le voir fulminer contre les cuisiniers avides d’artifices et de pédanterie ! Ce faisant, n’annonçait-il pas avant tout le monde la devise de Paul Bocuse dans les années 1970 ? « Les produits doivent avoir le goût de ce qu’ils sont. »

« J’avoue, écrit Voltaire, que mon estomac ne s’accommode point de la nouvelle cuisine. Je ne puis souffrir un ris de veau qui nage dans une sauce salée. Je ne puis manger d’un hachis composé de dinde, de lièvre et de lapin qu’on veut me faire prendre pour une seule viande ; je n’aime ni le pigeon à la crapaudine, ni le pain qui n’a pas de croûte. Quant aux cuisiniers, je ne saurais supporter l’essence de jambon, ni l’excès de morilles, des champignons, du poivre et de la muscade avec lesquels ils déguisent des mets très sains par eux-mêmes. »

Dans la même veine, je me souviens d’un repas fait à Cancale en 2005, chez Olivier Roellinger, expert dans l’art d’utiliser les épices. En dégustant son fameux homard à la vanille, je me suis surpris à me demander où était passé le goût naturel du homard, tant la vanille et les épices étaient présentes…

Chez Roï Hendel, les épices ne sont pas là pour écraser ou dissimuler le goût des mets, mais pour les sublimer et leur apporter une nuance, une lumière. Son curcuma de Java, par exemple, incroyablement fruité, se marie merveilleusement avec de la semoule de couscous, à laquelle on ajoutera de l’aneth frais et de gros raisins de Corinthe bien dodus.

Roï est né à Tel-Aviv en 1986. Il y a passé son enfance au milieu des épices, car la ville est un vrai melting-pot culturel. À 21 ans, il vient à Paris pour apprendre la cuisine à l’école Ferrandi. Après avoir travaillé dans la restauration trois ans de suite, quinze heures par jour, il prend conscience que ce métier n’est pas fait pour lui : « Trop dur physiquement ! J’ai même éprouvé du dégoût pour la cuisine… »

Le jeune homme se recycle alors dans le consulting et aide des restaurants à retrouver la voie du succès. Un jour, il prend conscience que les épices que l’on trouve en France (même dans les épiceries dites de luxe) ne sont pas d’une qualité exceptionnelle et que la plupart des chefs ne savent pas bien les utiliser. Pendant un an, il voyage à la recherche des meilleures épices, visite 650 producteurs dans huit pays différents : « Un travail de sourcing intensif qui n’avait jamais été fait en France. » En 2017, il se lance et crée avec son assistant Cyril Muller la société Shira.

Qu’est-ce qui distingue ses épices ? « D’abord, je ne prends que des épices sauvages ou bio, récoltées dans l’année. De vieilles variétés botaniques qui n’ont jamais été clonées. Ensuite, je ne négocie pas avec les producteurs, je paye ce qu’ils demandent pour obtenir le meilleur et pour leur permettre de vivre correctement. Surtout, je choisis les épices pour leurs qualités organoleptiques, l’odeur et le goût. Je sens et je goûte sur place les épices fraîches. »

Photo: Hannah Assouline.
Photo: Hannah Assouline.

Pour qu’une épice embaume, il y a tout un processus de fermentation et de séchage. Par exemple, si la cardamome sèche au soleil, elle devient jaune, mais si elle sèche à l’ombre, elle devient verte : ce sont deux épices différentes !

Roï me confirme que les épices sont bonnes pour le moral, notamment le safran dont les principes actifs ont été reconnus scientifiquement efficaces contre la dépression. « Au Cachemire, j’ai trouvé un safran fabuleux. Les habitants laissent infuser ses pistils dans du lait pendant une nuit. Ils l’incorporent au riz ou aux légumes ensuite en fin de cuisson. »

Roï a ainsi sélectionné 120 épices différentes. C’est son complice Cyril Muller qui se charge de faire les mélanges, dans leur petit laboratoire du 20e arrondissement. On trouve chez eux des raretés, comme le sel d’Indonésie fumé dans une feuille de cocotier… Les chefs étoilés raffolent de leurs épices, comme Arnaud Lallement de L’Assiette champenoise, à Reims (trois étoiles Michelin). À Paris, Matthieu Carlin, le nouveau chef pâtissier de l’hôtel Crillon, utilise la rarissime cardamome noire du Népal fumée au feu de bois dans ses gâteaux au chocolat. Il adore aussi la baie d’andaliman de Sumatra : une baie sauvage orangée de la famille des agrumes au parfum de géranium, qu’il fait infuser dans ses coulis de fruits exotiques…

Plus simplement, pour relever vos œufs au plat, je vous recommande le paprika fort fumé de Murcia, en Espagne, une splendeur aux notes de tomate et de poivron qui brûle agréablement le palais…

L’insolente liberté de Paul Vecchiali

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Un soupçon d’amour est un splendide mélodrame qui est aussi un hommage à Douglas Sirk et à Racine. Une célèbre comédienne répète « Andromaque » de Racine, avec pour partenaire, son mari. Elle ressent un malaise profond à interpréter ce personnage et décide de fuir…


À l’exception de Philippe Garrel, Sébastien Lifschitz, Emmanuel Mouret et la bien trop méconnue Cheyenne Carron, la majeure partie des réalisateurs du cinéma français contemporains s’enfonce dans un cinéma ravagé par les sujets sociétaux bien-pensants.

affiche-soupcon-amourPaul Vecchiali, jeune cinéaste de 90 ans, continue lui de tourner et de prendre des risques. Pour lui, prendre des risques, c’est tout simplement décider que le cinéma, le théâtre, la littérature et la musique, en tant que tels, soient des sujets dans ses films.

31ème long métrage

Un soupçon d’amour est le 31ème long métrage du cinéaste, malgré des conditions de production toujours difficiles. Ce film très personnel et essentiel pour lui nous conte un drame cruel, l’histoire de Geneviève Garland (Marianne Basler), une célèbre comédienne de théâtre. Elle répète Andromaque de Racine avec son mari André (Jean-Philippe Puymartin) comme partenaire. Elle ressent un malaise profond à interpréter ce personnage et cède son rôle à son amie Isabelle (Fabienne Babe), maîtresse de son époux. Geneviève part alors avec son fils malade dans son village natal. Elle semble ainsi fuir des réalités difficiles à admettre.

Dès la première séquence du film, le ton est donné: au théâtre, Geneviève et André répètent. Les comédiens jouent avec beaucoup de sobriété. Très vite nous comprenons que dans la vie comme au théâtre, ils parlent dans une langue française de toute beauté, que ce soit celle de Racine ou celle de Paul Vecchiali, qui est aussi auteur du scénario et des dialogues. “Le cinéma sera théâtre ou ne sera pas” disait Jacques Rivette. Vecchiali à sa manière travaille cette question de la représentation qui taraudait tant le cinéaste de la nouvelle vague.

Contre le cinéma naturaliste

Ferme opposant au cinéma naturaliste, très en vogue dans le cinéma français contemporain, Vecchiali multiplie avec plaisir et générosité les références à des genres aussi différents que le théâtre ou la comédie musicale – superbe scène de danse et de chant, rappelant Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, exécutée par Geneviève et Isabelle sur une terrasse illuminée par le soleil. Mais aussi et surtout au mélodrame dans un hommage humble et subtil au maître du genre, Douglas Sirk à qui Un soupçon d’amour est dédié. Pour chaque scène, quel que soit le ton ou le genre, Vecchiali se confronte à la question cruciale de la représentation cinématographique, et y répond par un sens aigu de l’occupation de l’espace par ses comédiens, de la durée des scènes et du déroulement du temps.

Vecchiali privilégie une mise en scène austère et épurée. Une insolente liberté d’esprit lui permet des changements de ton abrupts, un montage sec, une écriture ténue et précise. Il joue aussi avec brio sur le phrasé du théâtre classique. Paul Vecchiali ne s’autorise guère de mouvements de caméra, ce qui rend encore plus beau le discret travelling avant, qui partant du salon de la maison, vient cadrer Geneviève et André sur la terrasse ensoleillée, lorsque cette dernière lui annonce son désir d’abandonner son rôle dans Andromaque et de retourner dans son village natal.

Sec et flamboyant

Un soupçon d’amour est un mélodrame acéré, sec et flamboyant grâce à la luminosité et à la beauté de la photographie de Philippe Bottiglione, à la musique sombre et éclatante de Roland Vincent, aux couleurs vives des tenues élégantes des comédiens, et au talent de ces derniers. Celui de Marianne Basler – muse du cinéaste présente dans six de ces films dont le superbe Rosa la rose, fille publique – , lumineuse et fragile elle porte la charge tragique du film, celui de Jean-Philippe Puymartin, royal en tendre et éternel amoureux, celui de Fabienne Babe, drôle, vive et impertinente ainsi que celui de tous les autrs acteurs comme Ferdinand Leclère qui joue le fils, Pierre Sénélas dans le rôle du metteur en scène ou Frédéric Pieretti dans celui du curé du village natal de l’héroïne…

Lorsque Un soupçon d’amour se termine, bouleversé par la tension dramatique de l’œuvre et la douloureuse révélation finale, le désir de revoir au plus vite ce film vif, profond, cruel, et tendre, vous emporte irrésistiblement.

Un soupçon d’amour de Paul Vecchiali (2020), encore dans quelques salles. 1h32.

Qui a tué Samuel Paty?

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Derrière le terroriste tchétchène Abdoulakh Anzorov, une armée d’inspirateurs et de complices…


Oh, bien sûr, on connaît le bras armé, celui qui a manié le couteau au nom d’Allah. On parle d’un Tchétchène de 18 ans. Que faisait-il en France ? Combien y en a-t-il d’autres comme lui, qui n’ont pas leur place ici, animés par la même idéologie ? Comme toujours on s’indignera, on s’offusquera, et il ne se passera rien. Au moins les forces de l’ordre ont-elles définitivement empêché celui-là de continuer à nuire.

On sait aussi la source du mal, cette ambition théocratique et totalitaire qui ronge l’islam depuis 14 siècles.

Mais il faut parler des autres coupables, inspirateurs et complices du crime. Complices volontaires ou involontaires, complices dont le degré d’implication, bien sûr, est variable, mais complices et coupables.

Coupable, l’immonde Brahim Chnina, dont Hala Oukili a dit tout ce qu’il fallait savoir. N’en déplaise à ceux qui préfèrent défendre les droits des criminels que ceux des victimes, sa peine doit servir d’exemple et de dissuasion, elle doit terrifier tous ceux qui seraient tentés de faire comme lui, et de jeter des innocents en pâture à la horde des barbares. Chaque jour qu’il passe en liberté est un crachat sur la tête décapitée de la victime.

Ces parents d’élèves dont on peut plaindre les enfants

Coupables, ces parents d’élèves qui ont hurlé avec lui parce qu’ils n’ont pas supporté qu’un professeur tente d’enseigner à leurs enfants que leur religion n’est pas au-dessus des lois. S’ils sont de nationalité étrangère, ils doivent être expulsés. Chaque jour qu’ils passent sur notre sol est un autre crachat sur la victime.

Coupable, la mosquée de Pantin qui a relayé la vidéo de Brahim Chnina. En tant qu’association, elle doit être dissoute. En tant que bâtiment, elle doit être rasée, ou mieux encore : abriter une exposition permanente de reproductions des caricatures du prophète de l’Islam. Chaque jour où elle continue à accueillir des prêches est encore un crachat.

A relire: Samuel Paty, récit de la chasse à l’homme d’un hussard noir

Coupable, cette hiérarchie de l’éducation nationale qui a été alertée, qui a été appelée au secours, et qui n’a pas fait ce qu’elle aurait dû faire. Coupables, ces syndicats ou ces collègues enseignants à la passivité criminelle. Coupables, ceux qui ont renseigné ceux qui voulaient s’en prendre à Samuel Paty. Chaque jour qu’ils passent avec le statut de fonctionnaire, de serviteur de l’État, est un crachat supplémentaire.

Coupables, ces idéologues et ces militants de la « lutte contre l’islamophobie », dont le seul but est de faire de la susceptibilité arrogante de l’islam une loi s’imposant à tous. Coupables, ceux qui sont « Charlie, mais… ». Coupable, ce CFCM dont le délégué général trouve que Mila « l’a bien cherché ». Coupable, cette université Al-Azhar qui déclare que la réédition des caricatures est « criminelle ». Coupables, ceux qui relayent leurs discours, ici et ailleurs. Coupables, ceux qui leur donnent une respectabilité, ceux qui les défendent, ceux qui osent encore affirmer qu’il ne faut pas heurter, qu’il ne faut pas vexer, qu’il ne faut pas blesser. Chaque micro qu’on leur tend est un crachat supplémentaire sur cette tête dont la blessure, elle, est réelle et sanglante, et nous montre qu’en France ce n’est pas « l’islamophobie » qui tue, mais la soi-disant « lutte contre l’islamophobie ».

Silence gêné, silence apeuré, silence complice ?

Coupable, la majorité silencieuse des musulmans de France, cette fameuse majorité silencieuse qui se retranche derrière le « padamalgam ». Au collège du Bois-d’Aulne, la « majorité silencieuse » a parlé : ce sont ces parents d’élèves et ces militants qui s’en sont pris à Samuel Paty. Ailleurs, c’est cette clameur qui s’est élevée parmi les responsables associatifs, les imams et leurs fidèles pour dénoncer les projets pourtant bien timides d’Emmanuel Macron pour lutter contre le « séparatisme », clameur qu’il faut comparer aux voix trop rares – courageuses mais si peu nombreuses – des musulmans qui disent #JeSuisCharlie, #JeSuisMila. Le silence des musulmans qui laissent faire est aussi un crachat.

A lire aussi, Erwan Seznec: Fatima Ouassak, dernier débat avant le fascisme

Coupable, aussi, la majorité silencieuse des Français qui ont su descendre dans la rue pour protester contre une limitation de vitesse et une hausse du prix de l’essence, mais qui ne réagissent pas lorsqu’une adolescente est menacée de viol et de mort parce qu’elle, au moins, a osé tenir tête à la susceptibilité délirante de tyrans en puissance. Qui ne réagissent pas lorsqu’on enseigne à leurs enfants qu’il faut renoncer à la vérité pour ne pas froisser les brutes. Qui à chaque attentat sont fiers de proclamer « vous n’aurez pas ma haine » et d’allumer des bougies. 

Coupables, ces élus qui depuis des décennies se payent de mots mais ne font rien d’efficace. Coupables, ces magistrats qui se rengorgent de grands principes en sacrifiant les victimes au nom de la défense scrupuleuse des droits des criminels. Coupables, ces juristes qui s’agrippent à la lettre de la loi parce qu’ils sont trop médiocres pour en servir l’esprit. Coupables, ces médias et ces faiseurs d’opinion qui jouissent de leur bonne conscience au mépris de la réalité. Leur hypocrisie et leur complaisance sont encore des crachats.

De nos jours seul l’islam pose de tels problèmes

Coupables, aussi, quelles que puissent être leurs bonnes intentions, ceux qui mettent dans le même sac toutes les religions, qui les unissent dans la même détestation ou au contraire dans la même indulgence, empêchant de voir qu’en France toutes les religions sont critiquées, insultées, caricaturées, mais que seul l’islam harcèle, menace et tue pour ça. Coupables, de même, ceux qui mettent toutes les identités sur le même plan, empêchant de distinguer entre les identités (et il y en a plusieurs) qui exaltent la liberté et la dignité humaine, et les identités (il y en a aussi plusieurs) qui piétinent la liberté et nient la dignité. Leur refus d’assumer que toutes les religions, toutes les cultures et toutes les identités ne se valent pas est un crachat sur un homme assassiné, parce qu’il avait justement tenté de transmettre le sens de la liberté patiemment mûri par une culture bien particulière, la nôtre.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: De la guerre et des moyens de la gagner

Coupables, ceux qui maintenant affirment leur solidarité avec tous les enseignants, en oubliant de distinguer entre ces professeurs admirables qui transmettent des merveilles à nos enfants, et les ignobles crapules qui laissent les fanatiques imposer leurs exigences à de jeunes esprits, voire soutiennent leur obscurantisme. Coupables, ceux qui veulent l’illusion réconfortante d’une unité factice plutôt que d’exiger le discernement, la justice et des sanctions implacables.

Coupables, ceux se donnent des airs de vertu en proclamant qu’ils sont Charlie et qu’ils sont horrifiés par cet énième attentat, mais se gardent bien de publier, partager, montrer à leur tour les dessins qui sont devenus le terrain sur lequel se livre l’une des batailles pour la liberté. Si, demain, tous ceux qui affirment défendre la France ou la République affichaient crânement ces caricatures à leurs fenêtres, sur leur lieu de travail, sur les réseaux sociaux, les islamistes auraient perdu.

Et coupables enfin, nous tous, coupables si aujourd’hui nous pleurons Samuel Paty, nous nous indignons, nous proclamons notre colère, mais que dans deux ou trois jours nous tournons la page, impatients de reprendre le cours normal de notre vie, impatients de faire comme si, après tout, la situation n’était pas si grave, impatients d’oublier que la barbarie tribale et l’islam théocratique totalitaire menacent notre peuple, notre patrie, notre civilisation.

Quand ils s’en sont pris aux blasphémateurs, je n’ai rien dit,
parce que je n’avais pas spécialement envie de blasphémer.
Quand ils s’en sont pris aux apostats, je n’ai rien dit,
parce que je n’avais pas besoin d’apostasier.
Quand ils s’en sont pris aux femmes ne portant pas le voile, je n’ai rien dit,
parce que ce n’était pas dans mon quartier.
Quand ils viendront s’en prendre à moi, restera-t-il quelqu’un pour me défendre ?


Osons l'autorité

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Elisabeth Moreno compte diffuser la propagande LGBT à l’Education nationale

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Dans le cadre du plan national pour l’Égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, un site internet consacré aux « LGBTphobies » sera destiné aux professeurs. Ce n’est pas tout: la ministre Elisabeth Moreno souhaite carrément la création d’un guide d’accueil des « élèves trans ». Si elle s’en défend, l’école devient un lieu de propagande de la théorie du genre…


Elisabeth Moreno occupe le poste à l’intitulé orwellien de Ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Elle a présenté dernièrement son plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+. 

A lire ensuite: Alice Coffin, la femme barbante

À la lecture de ce plan, constatons d’abord que la novlangue des combats progressistes à la sauce butlérienne est aujourd’hui largement utilisée par nos élites. Il y est question de « société nouvelle, plus humaine et plus inclusive », de « rendre visibles les personnes LGBT+ », de ne plus « discriminer en fonction de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre », de lutter contre les « stéréotypes de genre » et les LGBTphobies « ancrées dans notre pays » (sic), ou encore de « personnes intersexes », etc.

Gageons qu’à la lecture du plan national de Mme Moreno, M. Blanquer demandera prochainement que chaque classe désigne au moins un « représentant anti-haine LGBT » 

Scoop : les médecins et gynécologues français seraient réputés pour leur irrespect vis-à-vis des lesbiennes et des femmes bisexuelles. Il est donc préconisé « d’offrir une prise en charge médicale – et notamment gynécologique – adaptée et respectueuse des lesbiennes et des femmes bisexuelles. » Nous attendons avec impatience la plaquette pédagogique qui explicitera les différences gynécologiques fondamentales de prise en charge entre les femmes hétéro, bi, lesbiennes ou non-binaires.

La grande entreprise de rééducation nationale

Parmi les quatre axes comptant « 42 actions et plus de 150 mesures concrètes » du plan, il convient de s’attarder sur l’axe Éducation nationale. 

Apprendre à nos enfants à lire, écrire et compter n’est plus à l’ordre du jour de la rue de Grenelle depuis longtemps. Les « apprenants » doivent devenir des citoyens modèles dressés à saluer les dernières « avancées » genrées, écologistes ou antiracistes déclinées par des ministres vertueux et des professeurs de « sciences de l’éducation » certains d’indiquer le seul « sens de l’histoire » qui vaille, le leur. Après s’être ému du discours de Greta Thunberg, M. Blanquer décida que chaque classe devait compter au moins un « éco-délégué ». Gageons qu’à la lecture du plan national de Mme Moreno, il demandera prochainement que chaque classe désigne au moins un « représentant anti-haine LGBT ».

A lire aussi: Pierre Palmade face au lobby LGBT

Avant cela, les professeurs vont avoir à leur disposition un site internet « pour lutter contre l’homophobie et la transphobie », les documentalistes des livres jeunesse montrant « la diversité des orientations sexuelles, des identités de genre et des familles » (sic), et chaque académie un observatoire de la haine LGBT+. De plus, « un guide d’accueil des élèves et des étudiants trans par l’ensemble du personnel va être élaboré. » La totale !

La fin des “documents administratifs genrés”

En 2013, lors du débat à l’Assemblée nationale sur le mariage pour tous, Mme Taubira s’était moqué des députés qui pensaient que les documents administratifs verraient un jour disparaître les mentions de « père » et de « mère ». « Je vous laisse à vos fantasmes », avait-elle déclaré en riant et en dénonçant « une campagne de panique des pseudo-suppressions des mots de père et de mère dans le code civil ou le livret de famille. » Le fantasme est pourtant devenu réalité dans certaines mairies. A son tour, Mme Moreno ne tient pas à ce que perdurent dans les établissements scolaires des « documents administratifs genrés » qui sont « une blessure pour les parents et pour l’enfant qui voit l’identité de sa famille niée. » (sic)

Qu’il faille lutter contre les discriminations, qui en douterait ? Mais des élèves ayant une connaissance de l’Histoire de France ou travaillant sérieusement les grands textes littéraires, politiques ou philosophiques seraient les plus à même de contrecarrer la bêtise homophobe ou raciste qui, dans ce pays, n’a quand même pas l’ampleur dramatique que lui prêtent tous les redresseurs de torts institutionnalisés.

L’école, qui devrait donner à chaque futur citoyen la possibilité de développer, chacun à sa hauteur et selon ses capacités, une nécessaire réflexion sur ces sujets d’importance réclamant lectures, analyses et subtilités intellectuelles, est devenue le fourre-tout des injonctions pseudo-humanistes ; elle dit aujourd’hui ce qu’il faut penser ; elle fait gober à nos enfants les thèses pré-mâchées des progressismes à la mode sociétale sans jamais les discuter. 

L’école se fourvoie

Les slogans lénifiants ont remplacé le travail et l’étude. L’école est devenue le lieu de la propagande progressiste.

A lire aussi: Les Anglais laissent tomber le T

Pour qui douterait du fourvoiement idéologique de l’Éducation nationale, je renvoie à l’excellent article de Corinne Berger dans le dernier numéro de Causeur (Fabrique du crétin, Mode d’emploi, page 38). Elle y montre, avec moult exemples, les choix idéologiques qui président à l’élaboration des manuels scolaires. Concernant le sujet qui nous concerne, le dernier manuel HLP de 1ère année (Histoire Littérature Philosophie) des éditions Hachette, dans un chapitre intitulé La hiérarchie des sexes en questions, cite un texte de 1963 de l’anthropologue américaine Margaret Mead (voir notre reproduction plus bas). Ce texte décrit trois tribus de Nouvelle-Guinée qui vivent différemment les relations hommes-femmes. C’est un texte descriptif, assez neutre, qui se conclut mollement sur la nécessité de ne pas voir appliquer systématiquement telle ou telle attitude à tel ou tel sexe. Bon. Là où cela devient intéressant, c’est lorsqu’on lit ce que les concepteurs de ce manuel appellent une « Question d’interprétation » : « Expliquez en quoi l’étude menée par Mead peut fonder la distinction contemporaine entre le sexe et le genre, en montrant comment cette étude pourrait être opposée à ceux qui la contestent. » Ceci n’est ni une question d’interprétation, ni une question tout court. Ceci est un tract politique qui dit ce qui est bien, et qui fournit des arguments pour une thèse prédéfinie. Ceci est de la propagande !

À la mémoire de Samuel Paty, professeur

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Manifestation pour Samule Paty, à Lyon le 18 octobre 2020 © KONRAD K./SIPA Numéro de reportage: 00986520_000004

Le professeur d’histoire de Conflans-Sainte-Honorine a été victime d’une cabale. Analyse


Vendredi 16 octobre, Samuel Paty, professeur, a été décapité parce qu’il enseignait. Réduire cet assassinat à un crime revient à esquiver le caractère politique de la visée hégémonique qu’il véhicule. Car cette atrocité se présente comme une exécution menée au nom d’un ordre supérieur qui devrait supplanter non seulement les lois de l’association politique, mais aussi tout rapport autonome à la connaissance, à la pensée. Elle révèle aussi que la guerre menée contre la République a dépassé la période des tests politiques, puis celle des commandos organisés terrorisant la société civile, pour atteindre un niveau alarmant de diffusion. En étendant les poches d’aisance où il se meut « comme un poisson dans l’eau », le terrorisme islamiste contamine le corps social et menace de le submerger. 

Osons la laïcité, osons la République

Si l’école est laïque, ce n’est pas seulement comme institution et parce qu’elle est un organe du dispositif républicain, c’est aussi parce qu’elle tire (ou devrait tirer) son autorité de la constitution des savoirs, laquelle échappe à toute transcendance, à toute imposition d’une parole ou d’un livre unique, et ne peut se construire qu’avec des esprits en dialogue. Voilà ce que tout professeur est chargé de travailler et de défendre, non pas dans la célébration d’un « vivre-ensemble » incantatoire et abstrait, mais avec et par le segment du savoir qu’il maîtrise et qu’on n’ose plus appeler « discipline ».

Le sanctuaire de l’école en difficulté

Installer chaque esprit dans ce dialogue fructueux et inquiet qui a pour condition première le dépaysement, la distance avec soi-même, voilà ce que faisait Samuel Paty, professeur. Il aurait dû pouvoir le faire normalement, en expliquant, en illustrant, en argumentant dans une ambiance de sérénité assurée par l’institution : en somme en professant, protégé des pressions et mettant de ce fait ses élèves, avec lui, à l’abri du tourbillon social. Mais, comme des milliers de professeurs aujourd’hui et depuis bien des années, il le faisait malgré, contre les assauts qui renvoient sans cesse l’école à son extérieur, il le faisait en dépit des pressions qui, au prétexte de mettre les élèves (et les parents) au centre du dispositif scolaire, l’assujettissent à la férocité et à la fluctuation des demandes sociales. Ce qui devrait être un travail serein et somme toute ordinaire est devenu un acte d’héroïsme.

A lire aussi: Samuel Paty, récit de la chasse à l’homme d’un hussard noir

Samuel Paty a été assassiné et décapité pour avoir exercé sa fonction, parce qu’il enseignait : c’est en sa personne le professeur qui a été massacré. Par cette atrocité, sommation est faite à tous les professeurs d’enseigner et de vivre sous le régime de la crainte. Des groupes qui encouragent ces manœuvres d’intimidation à sévir au sein même de l’école s’engouffrent dans la brèche ouverte il y a maintenant trente ans, laquelle s’acharne à assujettir l’école aux injonctions sociales. On ne voit que trop à quelles extrémités celles-ci peuvent se porter. Non l’école n’est pas faite pour « la société » telle qu’elle est. Sa visée est autre : permettre à chacun, en s’appropriant les savoirs formés par l’humaine encyclopédie, de construire sa propre liberté, dont dépend celle de la cité. Il faut cesser de convoquer les professeurs à leur propre abaissement. Réinstaurer l’école dans sa mission de transmission des savoirs et protéger ceux qui la mettent en œuvre, voilà ce qu’on attend d’une politique républicaine. Sans cet élargissement qui appelle une politique scolaire exigeante et durable, l’hommage national qui doit être rendu à la personne martyrisée de Samuel Paty restera ponctuel.

Pas exactement un loup solitaire

Il est faux de dire que l’auteur de cet assassinat était un « solitaire », comme s’il fallait éviter de dire qu’il s’agit d’un acte de guerre. Un homme isolé n’est pas nécessairement un « solitaire ». En l’occurrence il se nourrit au fast food bien garni des exhortations, imprécations, intimidations et autres menaces qui, diffusées sur internet et dans certaines mosquées, partout étalées, complaisamment relayées, font de chaque assassin se réclamant de la cause islamiste un vengeur héroïque. Il y a bien longtemps que cette guerre a commencé. Elle a posé un jalon dès 1989, en s’attaquant déjà à la laïcité de l’école républicaine. Elle a ensuite dépassé la période des tests politico-juridiques, puis celle des commandos organisés terrorisant la société civile à coups meurtriers de Kalashnikov pour atteindre aujourd’hui un niveau d’extension tel qu’aucune parcelle de la société ne peut assurer qu’elle est à l’abri de sa présence et de sa menace. Pratiquant avec virtuosité le retournement victimaire et la culpabilisation à l’« islamophobie », convertissant l’accusation impertinente de « blasphème » en pleurnicherie des « sensibilités offensées », tissant ses liens avec le « décolonialisme » et le néo-racisme, la forme idéologique de cette guerre gangrène l’université et se diffuse dans la société civile.

En étendant les poches d’aisance où il se meut « comme un poisson dans l’eau », le terrorisme islamiste contamine le corps social et menace de le submerger. Un ordre moral féroce s’installe par accoutumance à tel point qu’il devient « normal » et « compréhensible » pour un homme de songer à en assassiner un autre pour avoir osé une opinion contraire à une parole prétendue absolue, qu’il devient « normal » et « compréhensible » pour un groupe d’appeler à la vengeance. La banalisation des marqueurs religieux s’étend et prétend non pas seulement à la liberté pour elle-même, mais au silence de toute critique et de toute désapprobation la concernant. Et il se trouve de bonnes âmes pour comprendre, excuser et encourager cette abstention. L’appel au « respect de l’autre » est-il à ce point nourri de haine de soi qu’il doive prendre la forme d’une autocensure s’interdisant toute critique publique ? Est-il à ce point méprisant et paternaliste à l’égard de ceux qu’il prétend prendre sous son aile qu’il se croie obligé de leur épargner cette critique ? Est-il à ce point retors qu’il faille en son nom faire fonctionner la liberté d’expression à sens unique ? 

Cessons de regarder ailleurs

Le sursaut nécessaire n’appartient pas qu’au politique : devant l’infusion sociale qui répand et banalise le totalitarisme islamiste, les nécessaires mesures politiques, juridiques et judiciaires qui sont appelées aujourd’hui de toutes parts, si fermes soient-elles, seront sans effet sans un mouvement civil issu des citoyens eux-mêmes. Cessons de courber l’échine ou de regarder ailleurs devant la culpabilisation, devant l’insolence et la violence du « République bashing » qui convertit la haine du colonialisme en haine de la République, qui confond universalisme et uniformisation, qui est prêt à sacrifier les individus sur l’autel antique des communautés et des ethnies, qui fétichise les appartenances et ne voit pas que sans la liberté de non-appartenance, il n’est pas d’appartenance valide. Aucun régime n’a été aussi libérateur que le régime laïque, aucune religion placée en position d’autorité politique ou ayant l’oreille complaisante de cette autorité n’a produit autant de libertés : osons la laïcité, osons la République. « Il nous faut reconquérir tout ce que la République a laissé faire ».

Bakou ne souhaite que l’application du droit international

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Des habitants de Ganja après un bombardement arménien, le 11 octobre 2020 © Sputnik/SIPA Numéro de reportage: 00985451_000029.

La guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan


Le 27 septembre 2020 les hostilités ont repris entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. C’est un conflit international entre deux États souverains qui dure depuis 1992, date à laquelle les troupes régulières de l’Arménie ont engagé des offensives sur toutes les lignes des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et ont occupé près de 20% des territoires de ce dernier (partie montagneuse du Karabakh, connue plutôt comme Haut-Karabakh, ainsi que sept districts administratifs avoisinants), forçant près d’un million d’Azerbaïdjanais à quitter leurs foyers. Le Haut-Karabakh est une province historique et une partie inséparable du territoire national de l’Azerbaïdjan. Son appartenance à la République Démocratique d’Azerbaïdjan entre 1918-1920 a été reconnue par le commandement britannique des forces alliées dans le Caucase du Sud. Puis, il a été « maintenu », et non pas « attribué », au sein de la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan par le Kavbiuro (organisme de l’État soviétique crée en 1920 pour gérer le Sud Caucase) en 1921 avant d’être érigé en région autonome. 

L’utilisation illégale de la force et l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan par l’Arménie constituent un acte d’agression et une violation grave des principes et normes du droit international. Ce qui explique pourquoi aucune organisation internationale n’a soutenu l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan par l’Arménie.  

Tous les documents des organisations internationales reconnaissent la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et condamnent vigoureusement toute acquisition de territoires par l’utilisation illégale de la force armée. Le Conseil de Sécurité a adopté quatre résolutions (822, 853, 874, 884) demandant le retrait immédiat, complet et inconditionnel des « forces d’occupation » arméniennes des territoires occupés de l’Azerbaïdjan. En 2008, l’Assemblée générale de l’ONU a réaffirmé non seulement le retrait des forces arméniennes mais aussi l’impossibilité de reconnaître comme licite la situation créée par l’occupation des territoires. C’est un point fondamental en droit international et une condition primordiale pour la paix dans la région et dans le monde.

En 1992, une initiative de médiation a été engagée par l’OSCE (L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) en vue de trouver une solution pacifique, avec la mise en place du Groupe de Minsk, présidé depuis 1997 par les États-Unis, la Russie et la France. Les co-présidents du Groupe de Minsk ont tenté de rapprocher les positions des parties en présentant plusieurs propositions pour faire avancer les négociations. Toutes ces propositions ont rencontré l’opposition de l’Arménie qui voulait en réalité faire jouer la montre pour pérenniser le statu quo et annexer les territoires occupés. Cela explique pourquoi au cours de ces derniers 28 ans la médiation internationale s’est poursuivie sans pour autant aboutir à la moindre avancée dans le processus de paix. Les résolutions du Conseil de Sécurité sont restées lettre morte et plus d’un million de personnes déplacées ont continué de vivre dans l’attente du retour à leurs foyers, toujours sous l’occupation arménienne. Dans ce contexte, la poursuite des négociations est devenue inutile. 

Plusieurs éléments ont rendu inévitable la reprise des hostilités. Premièrement, l’absence de progrès dans les négociations a diminué l’espoir dans le processus de paix. Les co-présidents du Groupe de Minsk ont à plusieurs reprises déclaré que le statu quo actuel est inacceptable et ne permet pas d’avancer vers une solution négociée. L’Azerbaïdjan a toujours demandé la mise en œuvre d’un plan de paix par étapes, débutant par le retrait des troupes arméniennes et le retour des personnes déplacées dans leurs foyers, accompagné ensuite par l’ouverture des relations normalisées entre les deux pays conduisant à une discussion et négociation sur la définition du statut de la région concernée. Cette proposition a toujours été refusée par l’Arménie qui s’opposait à toute évolution du statu quo.

Deuxièmement, les nouveaux dirigeants arméniens ont jugé qu’il était temps de passer du statu quo au stade supérieur et procéder à l’annexion des territoires occupés tout en menaçant l’Azerbaïdjan d’une nouvelle guerre. Leurs déclarations mettent en évidence le refus arménien de toute négociation. Il n’est plus question pour l’Arménie de revenir sur les avantages acquis par une guerre, condamnée par la communauté internationale.

  • En février 2019, Davit Tonoyan, ministre de la Défense de l’Arménie, a déclaré que l’Arménie va abandonner la stratégie défensive pour adopter une stratégie offensive, en menaçant Bakou de l’occupation de nouveaux territoires azerbaïdjanais en cas de la reprise des hostilités. Il a utilisé la formule de “nouvelle guerre pour nouveaux territoires”. L’Arménie ne cachait plus son intention de mener une guerre préventive en vue d’occuper de nouveaux territoires de l’Azerbaïdjan. 
  • En août 2019, c’est au tour de Nikol Pachinian, Premier ministre de l’Arménie, à déclarer que « le Haut-Karabakh, c’est l’Arménie – point ». Par cette déclaration, il a pratiquement enterré le processus de paix, ne laissant aucune place à un compromis. Ceci a provoqué une réaction du Président de l’Azerbaïdjan Ilham Aliyev qui a rétorqué que « le Haut-Karabakh, c’est l’Azerbaïdjan – point d’exclamation ». 
  • Les provocations ont été également observées dans les territoires occupés au cours de l’été 2020. Le gouvernement arménien a ainsi décidé l’installation d’Arméniens et de Kurdes venus du Proche-Orient dans les territoires occupés, un acte illégal condamné par Bakou. Jusque-là, Erevan avait toujours nié engager une telle politique, malgré les preuves irréfutables fournies par une « fact-finding mission » de l’OSCE en 2005. Après l’explosion au port de Beyrouth, l’arrivée des familles libanaises d’origine arméniennes dans ces territoires a été filmée et diffusée largement sur les télévisions et réseaux sociaux. Une autre décision est liée au transfert du parlement de la soi-disant « République de Nagorno-Karabakh » (créée par l’utilisation de la force illégale, elle n’est qu’une façade pour cacher l’agression armée de l’Arménie) à Choucha, ville historique et sainte azerbaïdjanaise. Avec la multiplication de ce type de provocations, les dirigeants arméniens cherchaient de toute évidence à nier et effacer la réalité azerbaïdjanaise de cette région et à rendre irréversible l’occupation territoriale. 
  • Les déclarations arméniennes se sont ostensiblement exprimées contre l’esprit des négociations dont la base minimale d’engagement impliquait le retrait des forces d’occupation arméniennes des territoires azerbaïdjanais. 

Troisièmement, l’Arménie a toujours cherché à influencer l’opinion mondiale, en s’appuyant sur l’importance de sa diaspora pour lui apporter le soutien international nécessaire. Sa stratégie est de promouvoir une forme d’hostilité internationale constante contre l’Azerbaïdjan, afin de conduire Bakou à reconnaître de facto l’occupation d’une partie importante de son territoire national et à régler seule la question de ses réfugiés nationaux dépouillés de leur terre, de leurs biens et de leur histoire. 

Finalement, l’Arménie a rapidement mis en œuvre sa nouvelle stratégie offensive. Le 12 juillet 2020, les troupes arméniennes ont attaqué, depuis le territoire de l’Arménie, le district frontalier de Tovuz, où passe les oléoducs et gazoducs acheminant les ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan et de la Mer Caspienne vers les marchés européens. L’objectif stratégique de l’Arménie est d’occuper de nouveaux territoires et de couper en deux ce couloir pour stopper l’exportation des ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan. Ces attaques ont échoué face à la résistance de l’armée azerbaïdjanaise qui s’est contentée de repousser l’armée arménienne. Elle s’est gardée d’intervenir sur les territoires de l’Arménie car l’Azerbaïdjan n’a pas pour ambition d’occuper les territoires de l’Arménie ; sa mission est de défendre le territoire national et de le libérer de l’occupation étrangère. 

Dans ces conditions, l’Arménie n’a jamais cherché une solution pacifique, basée sur la formule « gagnant-gagnant », et a voulu transformer l’occupation illégale des territoires azerbaïdjanais en un fait accompli et procéder en violation des principes et normes du droit international à leur annexion pure et simple (il s’agit des territoires du Haut-Karabakh et des sept districts avoisinants). Elle a même considéré qu’il était temps d’infliger une défaite militaire, mais aussi économique, à l’Azerbaïdjan. Dans cette optique, la reprise des hostilités n’est pas surprenante. Le bombardement des zones résidentielles près du front par les troupes arméniennes a déclenché une réaction de l’armée azerbaïdjanaise qui, sur la base du droit de légitime défense et des résolutions du Conseil de Sécurité, s’est engagée à mettre fin à cette menace permanente de tirs de missiles et d’artillerie lourde, mais aussi, puisqu’aucune solution pacifique n’est engagée, à libérer les territoires occupés illégalement par l’Arménie.

La recherche d’une solution pacifique passe par l’application des quatre résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. La communauté internationale doit prendre sa responsabilité et assurer le respect des principes et normes du droit international pour favoriser la paix qui suppose le retrait des troupes arméniennes et la fin de l’occupation illégale des territoires azerbaïdjanais.

« La guerre culturelle est déclarée »

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Douglas Murray publie "La Grande Déraison" (octobre 2020, l'Artilleur).

A l’occasion de la sortie de son livre La Grande Déraison, Douglas Murray a réservé un long entretien à Causeur. Propos recueillis par Jeremy Stubbs.


Causeur. La Grande Déraison paraît en français ces jours-ci, mais l’édition originale dans laquelle vous recensez les méthodes par lesquelles la gauche radicale a instrumentalisé les causes des femmes, des LGBT et des minorités ethniques, a déjà un an. Bref, l’actualité a prouvé la validité de votre propos. Pressentiez-vous la vague d’hystérie collective que nous connaissons depuis quelques mois ?

Douglas Murray. Je pensais que ça arriverait, mais pas aussi vite ! Notre problème fondamental est ce que j’appelle la « surcompensation ». Nous pouvons tous convenir que, historiquement, les personnes LGBT, comme les femmes et les personnes de couleur, ont subi des préjugés et des discriminations. La réponse actuelle est la politique de la réaction excessive temporaire. On peut comparer ce qui nous arrive au mouvement d’un pendule. Il y a un an, j’ai eu le pressentiment que, au lieu de revenir vers un équilibre, nous allions pencher encore plus dans le sens des groupes revendicateurs – et ce n’est pas fini.

La majorité de nos concitoyens, de droite comme de gauche, approuve la proposition suivante : toute personne doit pouvoir atteindre ce que lui permettent ses compétences et son ambition, indépendamment de son sexe, de sa sexualité ou de la couleur de sa peau. Mais à gauche, on prétend que des groupes importants œuvrent à empêcher ces personnes de devenir médecins, avocats ou politiciens. La gauche prétend aussi que la droite est raciste, sexiste et homophobe, qu’elle rêve d’un monde où les femmes seraient soumises aux hommes, l’homosexualité illégale et les Noirs des citoyens de troisième classe. Il s’agit donc de compenser, et même de surcompenser, par des quotas et de la discrimination positive, notamment à l’embauche, les torts faits aux minorités. À droite, nous devons montrer que cette approche ne fera qu’exacerber les divisions et l’angoisse générale. Malheureusement, nous avons laissé s’installer l’impression que le débat oppose une gauche antiraciste et une droite raciste.

Il n’y a aucune raison pour que l’assassinat de George Floyd par un policier du Minnesota, provoque des pillages à Stockholm ou des émeutes à Bruxelles

Comment ces extrémistes sont-ils arrivés à prendre en otage nos institutions, nos médias et nos politiciens ?

En jouant sur un malaise général face aux différences ! Face aux réelles différences qui existent entre les personnes, deux attitudes sont possibles : on peut tendre à leur effacement, ou on peut les attiser. L’ambition des libéraux, c’est d’éradiquer la différence ou, du moins, de la rendre sans importance. Mais des acteurs malhonnêtes cherchent aujourd’hui à exacerber, manipuler et dénaturer les divisions. Les nouvelles féministes, bien plus que leurs prédécesseurs, attisent délibérément les tensions entre les hommes et les femmes. Même chose avec les nouveaux antiracistes. Bref, qu’il s’agisse de race ou de genre, nous sommes entourés de faux pompiers qui sont de vrais pyromanes.

A relire: Douglas Murray, le grand chic réac

Le mouvement #BLM, qu’on ne trouve ni en Afrique ni en Asie, est un produit de l’Occident libéral, du capitalisme tardif, globalisé. C’est le produit d’un monde – pour retourner contre les progressistes un de leurs mots fétiches – « privilégié ». Il y a, paradoxalement, un certain génie dans cette stratégie qui consiste à se focaliser sur des questions qui inquiètent les citoyens ordinaires. Que ce soit en France ou au Royaume-Uni, la plupart d’entre nous savent que tout dans le passé de notre nation n’est pas parfait. Et loin de nous dire, très raisonnablement, que nous ne sommes pas comptables des turpitudes de nos ancêtres, nous écoutons plutôt la voix de notre culpabilité présumée. Cela nous rend vulnérables. La gauche sait qu’elle parle à un public intimidé, prêt à endosser n’importe quelle accusation outrancière. Et elle en profite.

Ne prêtez-vous pas à ces mouvements un machiavélisme dont ils sont incapables ?

Je cite dans le livre un certain nombre de penseurs, essentiellement néomarxistes, dont les réflexions très explicites remontent aux années 1980. À cette époque, même les gauchistes les plus arriérés ont compris que la révolution ne va pas se faire sur la seule base de la lutte des classes. Certains théorisent la substitution des minorités discriminées au prolétariat. Pour Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, il fallait créer une alliance incorporant les minorités sexuelles et raciales ainsi que les femmes qui, quoique non minoritaires, sont sous-représentées dans la société[tooltips content= »Ernesto Laclau, argentin (1935-2014), Chantal Mouffe, belge (née en 1943) ; leur livre majeur, écrit en anglais, est Hégémonie et stratégie socialiste (1985). »](1)[/tooltips]. À leurs yeux, la classe ouvrière, raciste et sexiste, était méprisable. C’est très révélateur. La pensée « intersectionnaliste », qui domine la gauche aujourd’hui et qui met l’accent sur l’appartenance à des groupes minoritaires, ne prend pas du tout en compte la classe sociale. La raison en est que les questions socioéconomiques sont transversales par rapport aux catégories que cette pensée met au centre de sa stratégie révolutionnaire. On peut très bien appartenir à une minorité et être privilégié sur le plan social. Si la gauche prenait au sérieux la question de l’inégalité, elle s’occuperait de toutes ses manifestations, y compris celles liées à la beauté physique. Toutes les études le montrent : les gens très beaux s’en sortent beaucoup mieux dans la vie, quel que soit leur choix de carrière. La gauche pourrait décider de combattre au nom des laiderons… Mais cette iniquité ne sert pas leur stratégie révolutionnaire, comme le font les injustices subies par les minorités raciales et sexuelles.

Malgré la pression de la foule, une cliente d’un restaurant refuse de lever le poing en signe de soutien au mouvement Black Lives Matter, Washington D. C., 25 août 2020. D.R.
Malgré la pression de la foule, une cliente d’un restaurant refuse de lever le poing en signe de soutien au mouvement Black Lives Matter, Washington D. C., 25 août 2020. D.R.

Vous et moi avons fréquenté l’université d’Oxford. La présidente de cette institution pluriséculaire a exprimé publiquement sa sympathie pour Black Lives Matter et promis de faire beaucoup plus pour intégrer les étudiants issus de minorités ethniques, en dépit du fait que 22 % des étudiants de cette université sont issus de ces minorités, bien au-dessus de la moyenne nationale. Comment expliquer un tel comportement ?

C’est une question de balance bénéfice-risque. Si vous êtes président d’une université ou PDG d’une multinationale et qu’un agitateur malhonnête, hostile, vous somme d’expliquer ce que vous allez faire pour réparer la mort de George Floyd, vous avez deux options : vous plier à ce qu’on exige de vous ou bien nier que vous ayez une quelconque responsabilité dans cette affaire. La première option vous assure de survivre. Si vous choisissez la seconde, il y a une très forte probabilité que l’acteur malhonnête essaie de vous détruire, ainsi que l’institution ou la société dont vous êtes le responsable. Dans le contexte actuel, faire ce qui est dicté par le bon sens a un prix sociétal très élevé, disproportionné. En même temps, nous récompensons les pusillanimes. Si, face à des accusations mensongères, vous niez être coupable, on vous répondra que cela prouve que vous l’êtes. Si vous ne niez pas, vous êtes d’emblée coupable. Cette manœuvre existait déjà, au Moyen Âge, pour les sorcières. Si l’accusée se noyait dans l’étang du village, elle était innocente, mais morte. Si elle flottait, elle était sorcière et on la brûlait.

Pile tu perds, face je gagne. Dans ces guerres culturelles, il est surtout question de haine et de rage. Pourtant, dans votre livre, vous consacrez des pages étonnantes aux thèmes du pardon et de l’oubli. Pourquoi ?

Le pardon dont je parle est inséparable de la capacité à oublier. Dans l’univers terrifiant que nous avons construit sur internet, rien ne s’oublie, tout est enregistré pour l’éternité, et nous n’avons pas de mécanisme pour sortir de ce piège. Imaginez que vous avez un différend qui se transforme en bagarre avec votre voisin. Les médias en parlent et c’est la seule fois qu’ils parlent de vous. Désormais, quiconque fait une recherche Google sur vous tombera sur cet incident auquel toute votre vie, personnelle et professionnelle, sera réduite. Même des journalistes de la presse tabloïde, qui ne sont pas les âmes les plus sensibles, s’alarment de cette disparition du droit à l’oubli !

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Nous qui sommes adultes devrions faire preuve de plus de compréhension à l’égard des jeunes qui sont obligés de grandir dans cette société technologique que nous avons construite pour eux. Dans son livre remarquable, The End of Forgetting [tooltips content= »Harvard University Press, 2019. »](2)[/tooltips] (« la fin de l’oubli »), Kate Eichhorn montre que la fragilité qu’on associe à la vie des jeunes est une réaction tout à fait raisonnable à ce nouveau monde. Nous avons de la chance que chaque bêtise de notre jeunesse n’ait pas été enregistrée pour toujours. Les jeunes n’ont connu qu’une vie sans oubli et sans pardon. Les plus intelligents sont maintenant sur des plates-formes où ce qu’on poste disparaît tout de suite, du moins en apparence. La dispute au sujet de TikTok, dont je parlais récemment avec le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, est significative : ceux qui utilisent cette appli croient que c’est une technologie où tout disparaît, sauf que tout est peut-être stocké pour toujours à Beijing.

Nous avons évoqué la stratégie, jusqu’ici gagnante, de la gauche radicale, des « woke », comme on dit. Quelle stratégie faut-il adopter pour la combattre ?

Pour commencer, il faut distinguer, au sujet de notre passé, les critiques justifiées des délirantes. Il faut désigner et sanctionner les falsificateurs. Ils devraient payer un prix social pour leurs mensonges. Leur réputation devrait en souffrir. Ensuite, il faut que nous ayons le courage de refuser les comparaisons entre l’Europe et les États-Unis. Il n’y a aucune raison pour que l’assassinat de George Floyd, aussi épouvantable soit-il, par un policier du Minnesota, provoque des pillages à Stockholm ou des émeutes à Bruxelles. Nous subissons partout les répercussions de problèmes spécifiquement américains. C’est pour cela que la question de la race s’est embrasée si vite depuis que j’ai écrit La Grande Déraison. Nous sommes trop imprégnés de l’idée qu’il existe réellement une « culpabilité blanche », comme l’appellent Robin DiAngelo[tooltips content= »Consultante américaine, spécialiste des formations à la diversité, auteur de Fragilité blanche : ce racisme que les Blancs ne voient pas (Les Arènes, 2020). »](3)[/tooltips] et tant d’autres, et qu’elle nous concerne tous. Devant une idée aussi clairement raciste, notre réponse devrait être : « Allez au diable ! Nous ne sommes pas dupes. Ne vous avisez pas de jouer à ce jeu avec nous ! » Dans tous les pays d’Europe, on parle de « majorité silencieuse ». Pourquoi cette expression existe-t-elle ? Pourquoi la majorité est-elle silencieuse ? Il faut avoir le courage de s’exprimer.

Ce n’est pas si facile.

En tout cas, c’est possible. Au début de cette guerre des monuments, j’ai été ravi de la déclaration très forte du président Macron promettant que la République ne déboulonnerait pas de statues. À Oxford, la campagne pour déboulonner la statue du célèbre colonialiste Cecil Rhodes a commencé il y a cinq ans. À l’origine de cette campagne, il y avait des petits manipulateurs – particulièrement malhonnêtes, puisque c’était des boursiers Rhodes d’Afrique du Sud qui essayaient de se faire un nom dans la politique sud-africaine[tooltips content= »Il s’agit de bourses créées par le testament de Cecil Rhodes en 1902 pour permettre à des étrangers de venir étudier à Oxford, quelle que soit leur race. »](4)[/tooltips]. Le chancelier[tooltips content= »Responsable suprême de l’université, placé au-dessus du président ou « vice-chancelier. » »](5)[/tooltips] de l’université d’Oxford, l’ancien politicien conservateur Chris Patten, qui n’a jamais été pour moi un objet d’admiration particulière, s’est comporté exactement comme un adulte doit le faire. Il a déclaré que ceux qui ne pouvaient pas supporter des statues ou des livres qui nous parlent du passé sans être censurés n’étaient peut-être pas prêts pour faire des études à Oxford. Certes, nous avons perdu le dernier round de cette bataille, mais sa déclaration reste un modèle. C’est souvent quand la situation s’aggrave que des figures héroïques se révèlent. Et ce sont plutôt des citoyens ordinaires que des membres de la classe politique. Dans un restaurant de Washington, il y a quelques semaines, une jeune femme a refusé de lever le poing comme la foule l’a sommée de le faire. Elle ne savait probablement pas qu’elle possédait ce potentiel héroïque. Au cours des mois et des années à venir, nos sociétés et nos institutions produiront des héros, en même temps qu’elles continueront à produire des lâches et des flagorneurs. Nous avons le devoir de saluer et de remercier des femmes et des hommes de tous les milieux sociaux qui refusent d’obéir à la foule.

Vous êtes vous-même un combattant dans cette guerre culturelle, vous êtes l’objet de menaces et d’insultes. Comment vivez-vous cette situation ?

Je ne peux pas me plaindre. Je gagne la plupart des batailles dans lesquelles je m’engage. J’aime disperser et démoraliser mes ennemis. Les ventes de mes livres démontrent qu’il y a un vaste lectorat qui pense comme moi et qui représente la majorité dans nos sociétés. Nous ne devrions pas nous prosterner, nous lamenter et agir en victimes passives de la cancel culture. Certes, il y a un prix à payer pour résister, mais les bénéfices sont bien plus importants. La plus grande récompense de toutes, c’est que cela vous fera du bien ; vous vous sentirez mieux d’avoir résisté au lieu de capituler. Je dis aux gens : « Défendez vos opinions, dénoncez les mensonges : vous en tirerez bien plus de profit que de l’approbation des hypocrites et des charlatans. »

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Le Madoff kazakh ou un martyr de la dissidence politique? Retour sur la mise en examen de Moukhtar Abliazov

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Entouré de ses avocats, Mukhtar Ablyazov sort de la prison de Fleury-Merogis le 9 décembre 2016 © MARTIN BUREAU / AFP.

Pour les uns, c’est un opposant victime de son activisme politique. Pour les autres, il est l’escroc du siècle qui aurait détourné des milliards de dollars lorsqu’il était à la tête de la BTA, la plus puissante banque du Kazakhstan. De quoi Moukhtar Abliazov est-il le nom ?


Une cavale, des imbroglios diplomatiques, des rebondissements politico-judiciaires…

« L’affaire Abliazov », du nom de cet ancien oligarque kazakh condamné par contumace dans son pays pour détournements de fonds et le meurtre d’un de ses associés, offre un scénario digne du Bureau des Légendes, la célèbre série d’espionnage de Canal +.

Un criminel économique hors norme?

Présenté comme « le principal opposant kazakh », l’homme de 57 ans venait à peine d’obtenir le statut de réfugié politique en France, où il vit depuis 2013, quand il a été arrêté en pleine rue à Paris, lundi 5 octobre dernier, et déféré deux jours plus tard devant un juge d’instruction. La plainte déposée en France en 2017 par le Kazakhstan, qui l’accuse de détournements de fonds au préjudice de la banque BTA, dont il était le PDG avant sa nationalisation en 2009, a donc abouti à sa mise en examen pour « abus de confiance aggravé » et « blanchiment aggravé ». Le code pénal français prévoit en effet qu’un tribunal peut juger un étranger dont l’extradition a été refusée pour des motifs politiques, pour un crime ou un délit commis hors de l’Hexagone.

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Libéré sous contrôle judiciaire, Abliazov crie au complot et dénonce les « persécutions judiciaires » de son pays d’origine. Les autorités kazakhes lui reprochent quant à elles d’avoir détourné entre 2005 et 2009 la somme astronomique de 6,4 milliards de dollars vers des comptes offshore, notamment par des prêts sans garantie accordés par la BTA à des sociétés écrans dont il était le bénéficiaire. La version de la défense est connue : elle dit n’avoir rien volé, simplement subtilisé quelques avoirs pour déjouer la voracité du régime mis en place par l’ancien président de la République du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev, dont Moukhtar Abliazov serait devenu « le principal opposant ». Auréolé de son statut « d’ennemi public n°1 » du régime, l’homme d‘affaires ne manque pas de relais pour appuyer sa version des faits. Des ONG comme Amnesty international ont toujours milité contre son extradition à laquelle il a échappé de justesse en 2016. L’oligarque déchu, également accusé dans son pays d’avoir commandité le meurtre d’un de ses associés en 2004, ne ressemble pourtant guère à un chevalier blanc de la démocratie.

Un gigantesque système de détournement

Comme tant d’autres oligarques, Abliazov a fait fortune dans les années 90 en profitant du démantèlement économique de l’ex-empire soviétique. Businessman aux affaires florissantes, il est nommé en 1998 au poste du ministre de l’Énergie, du Commerce et de l’Industrie. Mais l’homme a de plus hautes ambitions. Il démissionne en 2001 et entre dans l’opposition en cofondant un parti politique, le Choix démocratique du Kazakhstan (DVK), appelant à des réformes politiques et condamnant « le népotisme croissant et la corruption » du régime. Après quelques démêlés judiciaires dans son pays et un détour par la Russie, il rentre triomphalement au Kazakhstan en 2005 : clément, Nazarbaïev lui offre la présidence de la BTA, première banque du pays. Mais les choses se gâtent avec la crise financière de 2008. En 2009, la banque est mise en faillite et nationalisée par l’État kazakh qui découvre le pot aux roses : un gigantesque système de détournement dans un but d’enrichissement personnel portant sur plus de 600 sociétés écrans disséminées au Luxembourg, aux Seychelles et aux îles Vierges britanniques. L’affaire est rendue publique en 2012 en Grande-Bretagne où Abliazov a obtenu l’asile politique. Saisie par la BTA, la justice civile anglaise le condamne au paiement d’un montant de 4 milliards de dollars américains de dommages et intérêts au profit de la banque kazakhe et à 22 mois de prison pour outrage, en raison de déclarations contradictoires, décision confirmée en 2013 par la Cour suprême de Grande-Bretagne.

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La justice française reprend la main

L’insaisissable « Madoff kazakh » ne purgera cependant pas sa peine. Il a déjà fui le Royaume-Uni pour la France où, après une traque rocambolesque, il est interpellé le 31 juillet 2013 dans une somptueuse villa de la Côte d’Azur. La suite est une longue bataille judiciaire, diplomatique et médiatique. Réclamée par la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan, son extradition est refusée à son pays d’origine par la France faute de convention entre Paris et Astana. La justice française donne alors la priorité à la Russie jusqu’à ce que le Conseil d’État, allant à l’encontre de toutes les décisions judiciaires rendues dans ce dossier, annule le décret d’extradition en 2016, estimant que cette dernière « a été demandée dans un but politique ». Les sages ont-ils été sensibles aux arguments des défenseurs d’Abliazov, largement relayés dans les médias occidentaux qui le dépeignent volontiers en « martyr de la dissidence kazakhe » ?

Quatre ans plus tard, les mesures de contrôle judiciaire prises à son encontre sur notre territoire montrent toutefois que la justice française considère que de graves soupçons de délits financiers existent bel et bien dans ce dossier. Soit, des milliards de dollars d’actifs possiblement volés par un homme que les autorités kazakhes accusent de fuir la justice de son pays en se forgeant une image de dissident politique.

Avis aux amateurs du Bureau des Légendes : « l’affaire Abliazov » n’a sans doute pas dit son dernier mot.

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Voyage dans la galaxie Mitterrand

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Francois Mitterrand dans la Nièvre en 1993 © CHAM/SIPA Numéro de reportage: 00252160_000026.

L’historien François Broche passe Les Mitterrandiens en revue dans un ouvrage captivant


Il faut bien admettre que le dernier Président de la Vᵉ République fut François Mitterrand. Sa stature pharaonique malgré sa taille modeste, sa brutalité byzantine, son goût des livres et du secret, sa parfaite connaissance de la province chardonnienne et de ses paysages désolés, son autorité naturelle comme si l’Élysée lui était dû et que nous étions ses sujets redevables à vie, son appétit pour les belles femmes et les oiseaux protégés, sa fidélité corrosive et ses manières de prince vénitien le plaçaient hors-catégorie, dans une galaxie à part.

Stratégie et talent

Après lui, nous n’avons connu que des ébauches, des personnages en pointillé n’incarnant pas totalement le rôle et la mission d’un Président élu au suffrage universel direct. Mitterrand, sur le modèle gaullien, a fait du romanesque, le squelette de son ascension politique. Il a écrit une fable, s’arrangeant avec la vérité et les faits, brusquant le réel, le tordant afin qu’il entre dans ses rêves d’adolescent.

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Les idées sont accessoires dans une démocratie, les débats trop ennuyeux, les journalistes idiots, les militants un mal nécessaire, l’argent un moyen comme un autre dans cette quête absolue du pouvoir, le seul être qui compte demeure l’électeur, cet anonyme dans la foule. C’est vers lui que l’énergie et la persuasion sont orientées, c’est pour lui que la stratégie et le talent se mettent en action. On lui raconte n’importe quoi et il le sait pertinemment. Une élection est un jeu de séduction, de dupes aussi, il faut être deux pour y participer.

Cet électeur réagit comme un lecteur d’Alexandre Dumas, il souhaite s’extraire de son état de citoyen, il veut croire lui aussi aux forces de l’esprit, à la beauté d’une épopée. Se rendre dans l’isoloir un dimanche pluvieux, c’est un moyen de transcender son existence, d’enjoliver un triste quotidien. Alors, cet électeur attend de l’exceptionnel, de l’inattendu, des mots qui blessent, de la dramaturgie, des enfants cachés, des zones d’ombre, des rebondissements, des échecs à la limite de l’infamie et des retours de flamme, de flambe même.

Libéral déguisé sous les oripeaux du socialo

Cet électeur en a marre des doublures en tissu synthétique et des remplaçants en carton-pâte, il a encore en tête le froissé de la soie sauvage à la sortie d’un conseil des ministres et le visage d’un aigle dans l’hémicycle, prêt à dépecer son adversaire. Un type qui impose par sa simple présence, le silence et le respect, la crainte et l’émotion gamine. Malgré un bilan plus que mitigé et une haine tenace des deux bords, on reproche encore aujourd’hui à Mitterrand d’avoir été le fossoyeur de la Gauche et de la souveraineté, l’allié objectif du Front National, le libéral déguisé sous les oripeaux du socialo, le démago de l’antiracisme, le droitard maquillé en progressiste, le démarcheur de la mondialisation ou le technocrate câblé, peu importe les appellations disgracieuses, car, même ses plus féroces détracteurs regardent cette vie politique folle, démarrée au stalag jusqu’à sa scénarisation au Panthéon comme une tapisserie du moyen-âge.

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Chacun se dit que l’époque actuelle est bien terne, bien décevante, insipide et terrible, elle ne peut faire émerger que des premiers de la classe. Charles Pasqua regrettait que la classe politique qui n’a pas connu les affres et les émotions intenses de la guerre ne puisse rien comprendre à l’âme humaine. La nouvelle génération manque de repères, de toucher et de hargne, d’instinct et de flamboyance. Nous sommes à l’ère des ânonneurs officiels et non plus des meneurs au charme vénéneux. Pour se remémorer un tel destin qui nous semble déjà si lointain, Les Mitterrandiens viennent de paraître aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. François Broche, historien spécialiste de la France libre et du général de Gaulle, auteur notamment de L’Armée française sous l’Occupation (2002-2003) ou du Dictionnaire de la Collaboration (2014) nous fait voyager dans le temps. « Cinquante ans durant, il ne nous a jamais laissés indifférents. Quoi qu’on ait pensé de lui, cela ne pouvait que créer des liens que la mort ne pouvait rompre, ni même distendre » écrit-il dans son avant-propos.

Cartographie des miterrandiens

François Broche, par son don de la synthèse et la précision de son regard cartographie les Mitterrandiens, il y a les Charentais, les étudiants du 104 de la rue de Vaugirard, les prisonniers, les vichystes, les vichystes-résistants, les résistants, les hommes de la IVème, les journalistes, les femmes, les écrivains, les hommes de l’ombre et même les médecins. Par ses entrées multiples, on est fasciné par l’épaisseur du personnage Mitterrand qui a constitué des cercles étanches tout au long de sa carrière, sans jamais ne rien retrancher de son passé, sorte de mille-feuilles politico-sentimental abyssal. Sous la plume plaisante de François Broche, le monde d’avant prend forme, il se met à s’animer devant nos yeux, nous entendons résonner des noms sortis des douves de l’histoire tels que Claude Roy, Pierre de Bénouville, François Dalle, Georges Dayan, Paul Guimard ou François de Grossouvre. Et les 350 pages de ce solide ouvrage se lisent d’une seule traite.

Les Mitterrandiens de François Broche – éditions Pierre-Guillaume de Roux  

Je ne serai pas au rassemblement place de la République aujourd’hui

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La militante laïque Céline Pina ©Hannah ASSOULINE

Je ne serai pas au rassemblement place de la République aujourd’hui.

Je veux rendre hommage à Samuel Paty, son exécution horrible m’a bouleversée, mais je n’irai pas valser au bal des hypocrites et je ne défilerai pas à côté de ceux qui ne sont pas pour rien dans ce drame.

Déjà je ne serai jamais venue à un rassemblement « contre la haine » car c’est le nom visiblement donné au rassemblement par les organisateurs. Ras-le-bol de ces intitulés visant à éviter de dire ce qui vient de se passer pour le dissoudre dans le conceptuel. Si j’avais dû venir cela eut été pour rendre hommage à Samuel Paty et pour dénoncer les crimes de l’islamisme.

Mais surtout, quel cynisme chez les organisateurs. Ils appartiennent pour l’essentiel à la gauche qui a sombré dans l’islamo-gauchisme, celle qui dresse des procès à la France raciste et fait croire qu’il y aurait une « guerre » menée contre les musulmans alors que s’accumulent les cadavres des nôtres, tués par les islamistes.

Aujourd’hui j’attends des actes et des réponses. Et cela commence par le fait d’arrêter de négocier avec les islamistes

Je ne défilerai pas aux côtés de ceux qui tiennent la porte à l’idéologie des assassins. Je ne défilerai pas avec la FCPE qui a défendu le port du voile donc l’humiliation et l’infériorisation de la femme, alors même que ce signe est contraire à notre sociabilité et est un marqueur des islamistes. La multiplication des voiles étant une preuve de l’étendue de l’influence de l’islam politique. Je ne défilerai pas aux côtés de la LDH, acteur majeur de la légitimation en son temps de Tariq Ramadan. Je ne défilerai pas à côté de l’UNEF et de Maryam Pougetoux. Si tel qu’elle le syndicat s’est fait discret, la FIDL en est une émanation et nul doute qu’il sera présent. Je ne défilerai pas aux côtés de Mélenchon, traître à la République et à la laïcité. Et surtout je refuse de défiler auprès des syndicats enseignants. Ceux-là même qui par lâcheté ont laissé la situation dériver, qui tiennent des discours plus que complaisants à l’égard des dérives islamistes dans les établissements et qui sont les meilleurs alliés du pas de vague. Il suffit de regarder le communiqué de presse du SNESUP, qui jamais ne nomme l’idéologie à l’œuvre dans cette exécution pour comprendre que tous ces gens ne se rassemblent pas par prise de conscience mais pour s’acheter encore du temps pour vivre paupières cousues. Je défilerai encore moins aux côtés de SOS Racisme dont le discours victimaire et racialiste a contribué a légitimer la sauvagerie que nous constatons. Aujourd’hui tous viennent verser des larmes de crocodiles alors qu’ils sont comptables aussi de toute cette horreur.

Mais surtout j’en ai ras le bol des rassemblements, des fleurs, des couronnes, des bougies et des nounours. Je ne critique aucun de ceux qui défileront et lorsque l’on se sent impuissant, déposer une bougie, témoigner de sa solidarité, c’est déjà ça. C’est juste que personnellement j’ai dépassé ce stade.

A lire aussi, du même auteur: Décapité pour avoir montré un dessin

J’ai défilé le 11 janvier, j’y ai cru. Il ne s’est rien passé derrière. À l’époque nous étions unis ou nous croyions l’être. Nous ne le sommes plus et tous ces rassemblements et appel à l’union sonnent faux.

Manifestation du 11 janvier 2015 à Marseille. SIPA. 00701527_000044
Manifestation du 11 janvier 2015 à Marseille. SIPA. 00701527_000044

Aujourd’hui j’attends des actes et des réponses. Et cela commence par le fait d’arrêter de négocier avec les islamistes, que ce soit sur le terrain en mettant au même niveau, au sein de l’institution, un père radicalisé qui fait de la provocation et veut avancer ses pions intégristes et un professeur qui ne fait que son travail. Marre de cette école qui ne sait pas se faire respecter.

Je me moque que des Ministres pourrissent leur dimanche pour aller à un rassemblement. Je leur demande autre chose : j’attends des propositions du ministre pour que lâcheté et incompétence ne soient pas un accélérateur de carrière pour diriger un établissement et que l’on arrête d’estimer que l’on traite un problème en humiliant un professeur parce que les revendications amenées au nom de l’islam terrorisent les responsables. Marre aussi de voir Mila se cacher et ses agresseurs, eux, être accueillis à l’école de la République car nul ne se soucie de les sanctionner.

Marre aussi de toute cette hypocrisie qui fait que l’on cache le nombre de « oui mais… », notamment des élèves musulmans qui ne sont pas des islamistes. Ils trouvent juste la punition exagérée. Est-ce-que cela ne parle pas d’une éducation humaniste qui a échoué et d’un conditionnement qui, lui, a réussi? On fait quoi face à cette réalité d’un ensauvagement qui ne touche pas tout le monde et monte surtout dans une communauté particulière. Parce que cela n’a rien de génétique mais parle bien d’un travail politique effectué. Et ce genre de travail fonctionne qui déshumanise ce qui n’est pas vu comme appartenant à son clan. Il faut lire l’article du Figaro sur l’attitude de nombre de collégiens rencontrés devant le lieu du drame, il y a de quoi être choqué. Notamment par l’élève qui sans émotion aucune montre la photo de la tête coupée du professeur qu’elle a récupérée sur Twitter et mise sur son téléphone ou par ceux qui se marrent et esquissent des pas de danse.

Une marche ne résoudra rien de tout cela. Il ne manquerait même plus que le CCIF se joigne au cortège et nous aurions touché le fond de l’abjection. La seule réponse qui me paraitrait pertinente serait d’inonder la France pendant une semaine des caricatures de Charlie Hebdo. Sur tous les 4×3, les bus, les métros, dans les mairies, les CAF, les collèges, les lycées… L’effet doit être massif, visible, se voir partout jusque dans les coins les plus reculés. Allons à la reconquête visuelle de notre territoire avec la satire. Rendons hommage au courage de cet enseignant en nous faisant les héritiers et les continuateurs de son geste. Cela aurait plus de sens que ce rassemblement dont les organisateurs laissent pantois quand on ne se demande pas si l’on n’a pas atteint les sommets du cynisme et de la manipulation.

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Les épices, une histoire bien relevée

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Cofondateur de la société Shira, l'Israélien Roï Hendel a rendu aux épices leur noblesse perdue. Photo: Hannah Assouline.

L’épopée des épices se confond avec l’histoire de notre civilisation. Si elles sont devenues banales à notre époque, Roï Hendel, Israélien établi à Belleville, restaure leur magie, grâce à un travail de sourcing unique qui ravit le palais et stimule le moral.


En ces temps obscurs, il existe un moyen de lutter efficacement contre la mélancolie : la cuisine aux épices. Chez les personnes âgées, notamment, elle fait merveille, car le goût est chez elles le dernier sens encore vivace et actif, c’est pourquoi il est vital de leur donner de bonnes choses à manger (dans les EHPAD, la nourriture est généralement abjecte et contribue à leur faire perdre le goût de la vie). L’été dernier, j’ai découvert les épices de l’Israélien Roï Hendel, dont le laboratoire est situé dans le quartier de Belleville. Une révélation. Jamais de ma vie je n’avais senti cela ! Sa noix de muscade d’Indonésie embaume le pin et le miel et vous emporte dans des jungles inaccessibles ; sa cannelle sauvage du Sri Lanka est aussi délicate et profonde qu’un air de raga joué par Ravi Shankar ; son safran d’Iran, qu’il va chercher dans les montagnes proches de l’Afghanistan, est d’un rouge vif et délivre des notes de miel et de mandarine ; quant à son curry de Madras, qu’il prépare lui-même à partir de l’antique recette d’un maître yogi, c’est un nectar… En respirant ces merveilles, propres à zigouiller le premier coronavirus venu, j’ai compris pourquoi les hommes avaient risqué leur vie pour aller les chercher à l’autre bout du monde pendant des siècles et pourquoi Hollandais, Anglais et Français s’étaient fait la guerre pour détenir le monopole du poivre et du curcuma…

Roï Hendel rend aux épices leur noblesse perdue. En effet, l’histoire des épices, avant de sombrer dans la banalité de la consommation de masse, a structuré tout un pan de notre civilisation : n’est-ce pas en allant à leur recherche, via la route des Indes, que Christophe Colomb a découvert l’Amérique ?

Les épices (du latin species) proviennent d’écorces, de racines, de feuilles, de fleurs, de graines et de fruits tropicaux (mais aussi, parfois, de substances animales, comme le fameux garum, une sauce romaine à base de poisson comparable au nuoc-mâm vietnamien). Elles se distinguent par leur goût piquant (comme le poivre et la cannelle) et par leur parfum (comme la vanille et le safran).

Les épices sont bonnes pour le moral, notamment le safran contre la dépression

Dans l’Antiquité, elles étaient utilisées aussi bien dans la cuisine qu’en médecine, ainsi que dans les rites funéraires et religieux. Galien, père de la médecine, recommandait l’utilisation d’aloès, du poivre et du gingembre pour soigner toutes sortes de maux. Le cuisinier Apicius a laissé des recettes où le poivre et le cumin abondent. Originaires de Judée, de Syrie, d’Arabie, d’Éthiopie, du Yémen et d’Inde, les épices avaient aussi une grande valeur marchande et servaient de monnaie d’échange. Les Romains surtout en étaient fous. Toute l’année, des caravanes chargées d’épices arrivaient à Rome par la route de la soie (qui, à partir d’Antioche, en Syrie, traversait l’Euphrate et remontait vers le nord jusqu’à Samarkand avant de longer le Pamir). Les épices transitaient aussi par la mer. Les Romains, nous dit Tacite, brûlèrent des tonnes d’encens lors des funérailles de Poppée, la deuxième épouse de Néron, lequel faisait couler des ruisseaux de safran pendant ses fêtes.

Au Moyen Âge, on s’est pris d’amour pour le clou de girofle. Mais ce sont les croisés qui ont rapporté les épices d’Orient en même temps que le sucre de canne. Les cités-États d’Italie (Venise, Gênes, Amalfi et Pise) envoyaient des centaines de navires pour les acheminer en Méditerranée. Les épices étaient vendues en France dans les ports de Marseille et d’Aigues-Mortes. Cuisine et médecine ne faisaient qu’une, aussi les épices étaient-elles proposées chez les pharmaciens apothicaires. Rois et nobles manifestaient leur prestige en mettant du gingembre, du poivre, de la cannelle et du cumin à toutes les sauces… Au xive siècle, Taillevent, le premier de nos « grands chefs », décrit dans son livre Le Viandier une multitude de sauces où les épices jouent un rôle majeur, comme la célèbre « cameline », une sauce non bouillie à base de pain rôti, trempé dans du vin rouge, avec du vinaigre, de la cannelle, du gingembre…

Au xve siècle, l’Espagne et le Portugal se font la guerre pour contrôler la route des épices qui est censée mener en Inde… Le 4 mai 1493, en promulguant la bulle dite du « partage du monde », c’est le pape Alexandre VI qui obligera les deux royaumes à s’entendre en respectant une ligne de démarcation allant d’un pôle à l’autre : à l’Est, l’Afrique et les Indes reviennent au Portugal, à l’Ouest, l’Amérique revient à l’Espagne… (ce qui n’empêchera pas le Portugal de revendiquer le Brésil découvert par Cabral en 1500).

Camomille d'Iran. Photo: Hannah Assouline.
Camomille d’Iran. Photo: Hannah Assouline.
Cannelle sauvage. Photo: Hannah Assouline.
Cannelle sauvage. Photo: Hannah Assouline.

En 1497, Vasco de Gama franchit le cap de Bonne-Espérance et débarque sur la côte de Malabar (en Inde) où il chasse les marchands arabes qui y détenaient le monopole de la vente des épices. Les Portugais s’empareront dans la foulée des Moluques (en Indonésie) où ils mettront la main sur les arbres à girofle et à muscade…

On pourrait donc écrire l’histoire à partir de la guerre des épices. Les Hollandais, qui fondèrent la Compagnie des Indes, au xviie siècle, punissaient de mort quiconque volait des plants d’épices pour les apporter aux Français ou aux Anglais. Le botaniste français au nom prédestiné de Pierre Poivre (1719-1786) réussit pourtant à leur dérober des plants de poivriers qu’il planta et cultiva sur l’actuelle île Maurice. Rappelons aussi que, pendant tout l’Ancien Régime, le poivre était en France l’épice reine, car rare et cher : « cher comme poivre ! » disait-on. Depuis le Moyen Âge, il intervenait dans les procès, les plaideurs ayant pris l’habitude d’en faire cadeau au juge pour le soudoyer (comme le raconte Racine dans Les Plaideurs) : on parlait alors « des épices de chambre »…

Noix de muscade. Photo: Hannah Assouline.
Noix de muscade. Photo: Hannah Assouline.

Sur le plan culinaire, il faut noter qu’à cette époque, on ne distinguait pas les plats salés des plats sucrés et les épices, comme les herbes aromatiques, étaient employées massivement dans les ragoûts, les sauces, les soupes, les coulis. La cuisine française « moderne » n’a vu le jour qu’au xviiie siècle quand, dans les menus royaux, les sauces grasses ont remplacé les sauces aigres d’antan, que le sucré a été réservé aux desserts et que l’on a commencé à privilégier le goût naturel des produits qui, jusque-là, étaient noyés dans des sauces épicées… Voltaire, de ce point de vue, fut peut-être notre premier vrai gastronome. Dans sa correspondance gigantesque, quel plaisir de le voir fulminer contre les cuisiniers avides d’artifices et de pédanterie ! Ce faisant, n’annonçait-il pas avant tout le monde la devise de Paul Bocuse dans les années 1970 ? « Les produits doivent avoir le goût de ce qu’ils sont. »

« J’avoue, écrit Voltaire, que mon estomac ne s’accommode point de la nouvelle cuisine. Je ne puis souffrir un ris de veau qui nage dans une sauce salée. Je ne puis manger d’un hachis composé de dinde, de lièvre et de lapin qu’on veut me faire prendre pour une seule viande ; je n’aime ni le pigeon à la crapaudine, ni le pain qui n’a pas de croûte. Quant aux cuisiniers, je ne saurais supporter l’essence de jambon, ni l’excès de morilles, des champignons, du poivre et de la muscade avec lesquels ils déguisent des mets très sains par eux-mêmes. »

Dans la même veine, je me souviens d’un repas fait à Cancale en 2005, chez Olivier Roellinger, expert dans l’art d’utiliser les épices. En dégustant son fameux homard à la vanille, je me suis surpris à me demander où était passé le goût naturel du homard, tant la vanille et les épices étaient présentes…

Chez Roï Hendel, les épices ne sont pas là pour écraser ou dissimuler le goût des mets, mais pour les sublimer et leur apporter une nuance, une lumière. Son curcuma de Java, par exemple, incroyablement fruité, se marie merveilleusement avec de la semoule de couscous, à laquelle on ajoutera de l’aneth frais et de gros raisins de Corinthe bien dodus.

Roï est né à Tel-Aviv en 1986. Il y a passé son enfance au milieu des épices, car la ville est un vrai melting-pot culturel. À 21 ans, il vient à Paris pour apprendre la cuisine à l’école Ferrandi. Après avoir travaillé dans la restauration trois ans de suite, quinze heures par jour, il prend conscience que ce métier n’est pas fait pour lui : « Trop dur physiquement ! J’ai même éprouvé du dégoût pour la cuisine… »

Le jeune homme se recycle alors dans le consulting et aide des restaurants à retrouver la voie du succès. Un jour, il prend conscience que les épices que l’on trouve en France (même dans les épiceries dites de luxe) ne sont pas d’une qualité exceptionnelle et que la plupart des chefs ne savent pas bien les utiliser. Pendant un an, il voyage à la recherche des meilleures épices, visite 650 producteurs dans huit pays différents : « Un travail de sourcing intensif qui n’avait jamais été fait en France. » En 2017, il se lance et crée avec son assistant Cyril Muller la société Shira.

Qu’est-ce qui distingue ses épices ? « D’abord, je ne prends que des épices sauvages ou bio, récoltées dans l’année. De vieilles variétés botaniques qui n’ont jamais été clonées. Ensuite, je ne négocie pas avec les producteurs, je paye ce qu’ils demandent pour obtenir le meilleur et pour leur permettre de vivre correctement. Surtout, je choisis les épices pour leurs qualités organoleptiques, l’odeur et le goût. Je sens et je goûte sur place les épices fraîches. »

Photo: Hannah Assouline.
Photo: Hannah Assouline.

Pour qu’une épice embaume, il y a tout un processus de fermentation et de séchage. Par exemple, si la cardamome sèche au soleil, elle devient jaune, mais si elle sèche à l’ombre, elle devient verte : ce sont deux épices différentes !

Roï me confirme que les épices sont bonnes pour le moral, notamment le safran dont les principes actifs ont été reconnus scientifiquement efficaces contre la dépression. « Au Cachemire, j’ai trouvé un safran fabuleux. Les habitants laissent infuser ses pistils dans du lait pendant une nuit. Ils l’incorporent au riz ou aux légumes ensuite en fin de cuisson. »

Roï a ainsi sélectionné 120 épices différentes. C’est son complice Cyril Muller qui se charge de faire les mélanges, dans leur petit laboratoire du 20e arrondissement. On trouve chez eux des raretés, comme le sel d’Indonésie fumé dans une feuille de cocotier… Les chefs étoilés raffolent de leurs épices, comme Arnaud Lallement de L’Assiette champenoise, à Reims (trois étoiles Michelin). À Paris, Matthieu Carlin, le nouveau chef pâtissier de l’hôtel Crillon, utilise la rarissime cardamome noire du Népal fumée au feu de bois dans ses gâteaux au chocolat. Il adore aussi la baie d’andaliman de Sumatra : une baie sauvage orangée de la famille des agrumes au parfum de géranium, qu’il fait infuser dans ses coulis de fruits exotiques…

Plus simplement, pour relever vos œufs au plat, je vous recommande le paprika fort fumé de Murcia, en Espagne, une splendeur aux notes de tomate et de poivron qui brûle agréablement le palais…

L’insolente liberté de Paul Vecchiali

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Marianne Basler dans "Un soupçon d'amour" de Paul Vecchiali (2020). Photo: Epicentre FIlms

Un soupçon d’amour est un splendide mélodrame qui est aussi un hommage à Douglas Sirk et à Racine. Une célèbre comédienne répète « Andromaque » de Racine, avec pour partenaire, son mari. Elle ressent un malaise profond à interpréter ce personnage et décide de fuir…


À l’exception de Philippe Garrel, Sébastien Lifschitz, Emmanuel Mouret et la bien trop méconnue Cheyenne Carron, la majeure partie des réalisateurs du cinéma français contemporains s’enfonce dans un cinéma ravagé par les sujets sociétaux bien-pensants.

affiche-soupcon-amourPaul Vecchiali, jeune cinéaste de 90 ans, continue lui de tourner et de prendre des risques. Pour lui, prendre des risques, c’est tout simplement décider que le cinéma, le théâtre, la littérature et la musique, en tant que tels, soient des sujets dans ses films.

31ème long métrage

Un soupçon d’amour est le 31ème long métrage du cinéaste, malgré des conditions de production toujours difficiles. Ce film très personnel et essentiel pour lui nous conte un drame cruel, l’histoire de Geneviève Garland (Marianne Basler), une célèbre comédienne de théâtre. Elle répète Andromaque de Racine avec son mari André (Jean-Philippe Puymartin) comme partenaire. Elle ressent un malaise profond à interpréter ce personnage et cède son rôle à son amie Isabelle (Fabienne Babe), maîtresse de son époux. Geneviève part alors avec son fils malade dans son village natal. Elle semble ainsi fuir des réalités difficiles à admettre.

Dès la première séquence du film, le ton est donné: au théâtre, Geneviève et André répètent. Les comédiens jouent avec beaucoup de sobriété. Très vite nous comprenons que dans la vie comme au théâtre, ils parlent dans une langue française de toute beauté, que ce soit celle de Racine ou celle de Paul Vecchiali, qui est aussi auteur du scénario et des dialogues. “Le cinéma sera théâtre ou ne sera pas” disait Jacques Rivette. Vecchiali à sa manière travaille cette question de la représentation qui taraudait tant le cinéaste de la nouvelle vague.

Contre le cinéma naturaliste

Ferme opposant au cinéma naturaliste, très en vogue dans le cinéma français contemporain, Vecchiali multiplie avec plaisir et générosité les références à des genres aussi différents que le théâtre ou la comédie musicale – superbe scène de danse et de chant, rappelant Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, exécutée par Geneviève et Isabelle sur une terrasse illuminée par le soleil. Mais aussi et surtout au mélodrame dans un hommage humble et subtil au maître du genre, Douglas Sirk à qui Un soupçon d’amour est dédié. Pour chaque scène, quel que soit le ton ou le genre, Vecchiali se confronte à la question cruciale de la représentation cinématographique, et y répond par un sens aigu de l’occupation de l’espace par ses comédiens, de la durée des scènes et du déroulement du temps.

Vecchiali privilégie une mise en scène austère et épurée. Une insolente liberté d’esprit lui permet des changements de ton abrupts, un montage sec, une écriture ténue et précise. Il joue aussi avec brio sur le phrasé du théâtre classique. Paul Vecchiali ne s’autorise guère de mouvements de caméra, ce qui rend encore plus beau le discret travelling avant, qui partant du salon de la maison, vient cadrer Geneviève et André sur la terrasse ensoleillée, lorsque cette dernière lui annonce son désir d’abandonner son rôle dans Andromaque et de retourner dans son village natal.

Sec et flamboyant

Un soupçon d’amour est un mélodrame acéré, sec et flamboyant grâce à la luminosité et à la beauté de la photographie de Philippe Bottiglione, à la musique sombre et éclatante de Roland Vincent, aux couleurs vives des tenues élégantes des comédiens, et au talent de ces derniers. Celui de Marianne Basler – muse du cinéaste présente dans six de ces films dont le superbe Rosa la rose, fille publique – , lumineuse et fragile elle porte la charge tragique du film, celui de Jean-Philippe Puymartin, royal en tendre et éternel amoureux, celui de Fabienne Babe, drôle, vive et impertinente ainsi que celui de tous les autrs acteurs comme Ferdinand Leclère qui joue le fils, Pierre Sénélas dans le rôle du metteur en scène ou Frédéric Pieretti dans celui du curé du village natal de l’héroïne…

Lorsque Un soupçon d’amour se termine, bouleversé par la tension dramatique de l’œuvre et la douloureuse révélation finale, le désir de revoir au plus vite ce film vif, profond, cruel, et tendre, vous emporte irrésistiblement.

Un soupçon d’amour de Paul Vecchiali (2020), encore dans quelques salles. 1h32.

Qui a tué Samuel Paty?

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Le 17 octobre 2020, rassemblement devant le collège du Bois d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), où Samuel Paty, assassiné vendredi, enseignait. © Michel Euler/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22503760_000025

 


Derrière le terroriste tchétchène Abdoulakh Anzorov, une armée d’inspirateurs et de complices…


Oh, bien sûr, on connaît le bras armé, celui qui a manié le couteau au nom d’Allah. On parle d’un Tchétchène de 18 ans. Que faisait-il en France ? Combien y en a-t-il d’autres comme lui, qui n’ont pas leur place ici, animés par la même idéologie ? Comme toujours on s’indignera, on s’offusquera, et il ne se passera rien. Au moins les forces de l’ordre ont-elles définitivement empêché celui-là de continuer à nuire.

On sait aussi la source du mal, cette ambition théocratique et totalitaire qui ronge l’islam depuis 14 siècles.

Mais il faut parler des autres coupables, inspirateurs et complices du crime. Complices volontaires ou involontaires, complices dont le degré d’implication, bien sûr, est variable, mais complices et coupables.

Coupable, l’immonde Brahim Chnina, dont Hala Oukili a dit tout ce qu’il fallait savoir. N’en déplaise à ceux qui préfèrent défendre les droits des criminels que ceux des victimes, sa peine doit servir d’exemple et de dissuasion, elle doit terrifier tous ceux qui seraient tentés de faire comme lui, et de jeter des innocents en pâture à la horde des barbares. Chaque jour qu’il passe en liberté est un crachat sur la tête décapitée de la victime.

Ces parents d’élèves dont on peut plaindre les enfants

Coupables, ces parents d’élèves qui ont hurlé avec lui parce qu’ils n’ont pas supporté qu’un professeur tente d’enseigner à leurs enfants que leur religion n’est pas au-dessus des lois. S’ils sont de nationalité étrangère, ils doivent être expulsés. Chaque jour qu’ils passent sur notre sol est un autre crachat sur la victime.

Coupable, la mosquée de Pantin qui a relayé la vidéo de Brahim Chnina. En tant qu’association, elle doit être dissoute. En tant que bâtiment, elle doit être rasée, ou mieux encore : abriter une exposition permanente de reproductions des caricatures du prophète de l’Islam. Chaque jour où elle continue à accueillir des prêches est encore un crachat.

A relire: Samuel Paty, récit de la chasse à l’homme d’un hussard noir

Coupable, cette hiérarchie de l’éducation nationale qui a été alertée, qui a été appelée au secours, et qui n’a pas fait ce qu’elle aurait dû faire. Coupables, ces syndicats ou ces collègues enseignants à la passivité criminelle. Coupables, ceux qui ont renseigné ceux qui voulaient s’en prendre à Samuel Paty. Chaque jour qu’ils passent avec le statut de fonctionnaire, de serviteur de l’État, est un crachat supplémentaire.

Coupables, ces idéologues et ces militants de la « lutte contre l’islamophobie », dont le seul but est de faire de la susceptibilité arrogante de l’islam une loi s’imposant à tous. Coupables, ceux qui sont « Charlie, mais… ». Coupable, ce CFCM dont le délégué général trouve que Mila « l’a bien cherché ». Coupable, cette université Al-Azhar qui déclare que la réédition des caricatures est « criminelle ». Coupables, ceux qui relayent leurs discours, ici et ailleurs. Coupables, ceux qui leur donnent une respectabilité, ceux qui les défendent, ceux qui osent encore affirmer qu’il ne faut pas heurter, qu’il ne faut pas vexer, qu’il ne faut pas blesser. Chaque micro qu’on leur tend est un crachat supplémentaire sur cette tête dont la blessure, elle, est réelle et sanglante, et nous montre qu’en France ce n’est pas « l’islamophobie » qui tue, mais la soi-disant « lutte contre l’islamophobie ».

Silence gêné, silence apeuré, silence complice ?

Coupable, la majorité silencieuse des musulmans de France, cette fameuse majorité silencieuse qui se retranche derrière le « padamalgam ». Au collège du Bois-d’Aulne, la « majorité silencieuse » a parlé : ce sont ces parents d’élèves et ces militants qui s’en sont pris à Samuel Paty. Ailleurs, c’est cette clameur qui s’est élevée parmi les responsables associatifs, les imams et leurs fidèles pour dénoncer les projets pourtant bien timides d’Emmanuel Macron pour lutter contre le « séparatisme », clameur qu’il faut comparer aux voix trop rares – courageuses mais si peu nombreuses – des musulmans qui disent #JeSuisCharlie, #JeSuisMila. Le silence des musulmans qui laissent faire est aussi un crachat.

A lire aussi, Erwan Seznec: Fatima Ouassak, dernier débat avant le fascisme

Coupable, aussi, la majorité silencieuse des Français qui ont su descendre dans la rue pour protester contre une limitation de vitesse et une hausse du prix de l’essence, mais qui ne réagissent pas lorsqu’une adolescente est menacée de viol et de mort parce qu’elle, au moins, a osé tenir tête à la susceptibilité délirante de tyrans en puissance. Qui ne réagissent pas lorsqu’on enseigne à leurs enfants qu’il faut renoncer à la vérité pour ne pas froisser les brutes. Qui à chaque attentat sont fiers de proclamer « vous n’aurez pas ma haine » et d’allumer des bougies. 

Coupables, ces élus qui depuis des décennies se payent de mots mais ne font rien d’efficace. Coupables, ces magistrats qui se rengorgent de grands principes en sacrifiant les victimes au nom de la défense scrupuleuse des droits des criminels. Coupables, ces juristes qui s’agrippent à la lettre de la loi parce qu’ils sont trop médiocres pour en servir l’esprit. Coupables, ces médias et ces faiseurs d’opinion qui jouissent de leur bonne conscience au mépris de la réalité. Leur hypocrisie et leur complaisance sont encore des crachats.

De nos jours seul l’islam pose de tels problèmes

Coupables, aussi, quelles que puissent être leurs bonnes intentions, ceux qui mettent dans le même sac toutes les religions, qui les unissent dans la même détestation ou au contraire dans la même indulgence, empêchant de voir qu’en France toutes les religions sont critiquées, insultées, caricaturées, mais que seul l’islam harcèle, menace et tue pour ça. Coupables, de même, ceux qui mettent toutes les identités sur le même plan, empêchant de distinguer entre les identités (et il y en a plusieurs) qui exaltent la liberté et la dignité humaine, et les identités (il y en a aussi plusieurs) qui piétinent la liberté et nient la dignité. Leur refus d’assumer que toutes les religions, toutes les cultures et toutes les identités ne se valent pas est un crachat sur un homme assassiné, parce qu’il avait justement tenté de transmettre le sens de la liberté patiemment mûri par une culture bien particulière, la nôtre.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: De la guerre et des moyens de la gagner

Coupables, ceux qui maintenant affirment leur solidarité avec tous les enseignants, en oubliant de distinguer entre ces professeurs admirables qui transmettent des merveilles à nos enfants, et les ignobles crapules qui laissent les fanatiques imposer leurs exigences à de jeunes esprits, voire soutiennent leur obscurantisme. Coupables, ceux qui veulent l’illusion réconfortante d’une unité factice plutôt que d’exiger le discernement, la justice et des sanctions implacables.

Coupables, ceux se donnent des airs de vertu en proclamant qu’ils sont Charlie et qu’ils sont horrifiés par cet énième attentat, mais se gardent bien de publier, partager, montrer à leur tour les dessins qui sont devenus le terrain sur lequel se livre l’une des batailles pour la liberté. Si, demain, tous ceux qui affirment défendre la France ou la République affichaient crânement ces caricatures à leurs fenêtres, sur leur lieu de travail, sur les réseaux sociaux, les islamistes auraient perdu.

Et coupables enfin, nous tous, coupables si aujourd’hui nous pleurons Samuel Paty, nous nous indignons, nous proclamons notre colère, mais que dans deux ou trois jours nous tournons la page, impatients de reprendre le cours normal de notre vie, impatients de faire comme si, après tout, la situation n’était pas si grave, impatients d’oublier que la barbarie tribale et l’islam théocratique totalitaire menacent notre peuple, notre patrie, notre civilisation.

Quand ils s’en sont pris aux blasphémateurs, je n’ai rien dit,
parce que je n’avais pas spécialement envie de blasphémer.
Quand ils s’en sont pris aux apostats, je n’ai rien dit,
parce que je n’avais pas besoin d’apostasier.
Quand ils s’en sont pris aux femmes ne portant pas le voile, je n’ai rien dit,
parce que ce n’était pas dans mon quartier.
Quand ils viendront s’en prendre à moi, restera-t-il quelqu’un pour me défendre ?


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Elisabeth Moreno compte diffuser la propagande LGBT à l’Education nationale

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La ministre des Sports Roxana Maracineanu et la Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances (ouf!) Elisabeth Moreno inaugurent une fédération sportive réservée aux homosexuels à Paris, le 13 septembre 2020 © SIPA / Numéro de reportage : 00981107_000028

Dans le cadre du plan national pour l’Égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, un site internet consacré aux « LGBTphobies » sera destiné aux professeurs. Ce n’est pas tout: la ministre Elisabeth Moreno souhaite carrément la création d’un guide d’accueil des « élèves trans ». Si elle s’en défend, l’école devient un lieu de propagande de la théorie du genre…


Elisabeth Moreno occupe le poste à l’intitulé orwellien de Ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Elle a présenté dernièrement son plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+. 

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À la lecture de ce plan, constatons d’abord que la novlangue des combats progressistes à la sauce butlérienne est aujourd’hui largement utilisée par nos élites. Il y est question de « société nouvelle, plus humaine et plus inclusive », de « rendre visibles les personnes LGBT+ », de ne plus « discriminer en fonction de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre », de lutter contre les « stéréotypes de genre » et les LGBTphobies « ancrées dans notre pays » (sic), ou encore de « personnes intersexes », etc.

Gageons qu’à la lecture du plan national de Mme Moreno, M. Blanquer demandera prochainement que chaque classe désigne au moins un « représentant anti-haine LGBT » 

Scoop : les médecins et gynécologues français seraient réputés pour leur irrespect vis-à-vis des lesbiennes et des femmes bisexuelles. Il est donc préconisé « d’offrir une prise en charge médicale – et notamment gynécologique – adaptée et respectueuse des lesbiennes et des femmes bisexuelles. » Nous attendons avec impatience la plaquette pédagogique qui explicitera les différences gynécologiques fondamentales de prise en charge entre les femmes hétéro, bi, lesbiennes ou non-binaires.

La grande entreprise de rééducation nationale

Parmi les quatre axes comptant « 42 actions et plus de 150 mesures concrètes » du plan, il convient de s’attarder sur l’axe Éducation nationale. 

Apprendre à nos enfants à lire, écrire et compter n’est plus à l’ordre du jour de la rue de Grenelle depuis longtemps. Les « apprenants » doivent devenir des citoyens modèles dressés à saluer les dernières « avancées » genrées, écologistes ou antiracistes déclinées par des ministres vertueux et des professeurs de « sciences de l’éducation » certains d’indiquer le seul « sens de l’histoire » qui vaille, le leur. Après s’être ému du discours de Greta Thunberg, M. Blanquer décida que chaque classe devait compter au moins un « éco-délégué ». Gageons qu’à la lecture du plan national de Mme Moreno, il demandera prochainement que chaque classe désigne au moins un « représentant anti-haine LGBT ».

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Avant cela, les professeurs vont avoir à leur disposition un site internet « pour lutter contre l’homophobie et la transphobie », les documentalistes des livres jeunesse montrant « la diversité des orientations sexuelles, des identités de genre et des familles » (sic), et chaque académie un observatoire de la haine LGBT+. De plus, « un guide d’accueil des élèves et des étudiants trans par l’ensemble du personnel va être élaboré. » La totale !

La fin des “documents administratifs genrés”

En 2013, lors du débat à l’Assemblée nationale sur le mariage pour tous, Mme Taubira s’était moqué des députés qui pensaient que les documents administratifs verraient un jour disparaître les mentions de « père » et de « mère ». « Je vous laisse à vos fantasmes », avait-elle déclaré en riant et en dénonçant « une campagne de panique des pseudo-suppressions des mots de père et de mère dans le code civil ou le livret de famille. » Le fantasme est pourtant devenu réalité dans certaines mairies. A son tour, Mme Moreno ne tient pas à ce que perdurent dans les établissements scolaires des « documents administratifs genrés » qui sont « une blessure pour les parents et pour l’enfant qui voit l’identité de sa famille niée. » (sic)

Qu’il faille lutter contre les discriminations, qui en douterait ? Mais des élèves ayant une connaissance de l’Histoire de France ou travaillant sérieusement les grands textes littéraires, politiques ou philosophiques seraient les plus à même de contrecarrer la bêtise homophobe ou raciste qui, dans ce pays, n’a quand même pas l’ampleur dramatique que lui prêtent tous les redresseurs de torts institutionnalisés.

L’école, qui devrait donner à chaque futur citoyen la possibilité de développer, chacun à sa hauteur et selon ses capacités, une nécessaire réflexion sur ces sujets d’importance réclamant lectures, analyses et subtilités intellectuelles, est devenue le fourre-tout des injonctions pseudo-humanistes ; elle dit aujourd’hui ce qu’il faut penser ; elle fait gober à nos enfants les thèses pré-mâchées des progressismes à la mode sociétale sans jamais les discuter. 

L’école se fourvoie

Les slogans lénifiants ont remplacé le travail et l’étude. L’école est devenue le lieu de la propagande progressiste.

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Pour qui douterait du fourvoiement idéologique de l’Éducation nationale, je renvoie à l’excellent article de Corinne Berger dans le dernier numéro de Causeur (Fabrique du crétin, Mode d’emploi, page 38). Elle y montre, avec moult exemples, les choix idéologiques qui président à l’élaboration des manuels scolaires. Concernant le sujet qui nous concerne, le dernier manuel HLP de 1ère année (Histoire Littérature Philosophie) des éditions Hachette, dans un chapitre intitulé La hiérarchie des sexes en questions, cite un texte de 1963 de l’anthropologue américaine Margaret Mead (voir notre reproduction plus bas). Ce texte décrit trois tribus de Nouvelle-Guinée qui vivent différemment les relations hommes-femmes. C’est un texte descriptif, assez neutre, qui se conclut mollement sur la nécessité de ne pas voir appliquer systématiquement telle ou telle attitude à tel ou tel sexe. Bon. Là où cela devient intéressant, c’est lorsqu’on lit ce que les concepteurs de ce manuel appellent une « Question d’interprétation » : « Expliquez en quoi l’étude menée par Mead peut fonder la distinction contemporaine entre le sexe et le genre, en montrant comment cette étude pourrait être opposée à ceux qui la contestent. » Ceci n’est ni une question d’interprétation, ni une question tout court. Ceci est un tract politique qui dit ce qui est bien, et qui fournit des arguments pour une thèse prédéfinie. Ceci est de la propagande !