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L’euro numérique contre le citoyen 

Une tribune libre de Pierre Pimpie, eurodéputé RN


L’euro numérique contre le citoyen 
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors de la conférence de presse après la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE sur la baisse des taux d'intérêt, Francfort, 5 juin 2025 © IMAGO/SIPA

La BCE entend mettre en place l’euro numérique. Il pourrait être déployé à partir de 2027 ou 2028. S’il est censé renforcer la souveraineté européenne face aux géants du paiement et aux monnaies virtuelles, il suscite de vives inquiétudes quant à ses répercussions économiques, son potentiel de déstabilisation bancaire et les risques qu’il fait peser sur les libertés individuelles.


Annoncé en grande pompe pour la première fois par la BCE en 2021, le projet d’euro numérique achèvera à l’automne sa phase préparatoire avec un déploiement visé à l’horizon 2027. Au-delà des bruits de couloirs et des spéculations, les Français sont en droit de savoir quelles seront les véritables implications de ce projet technocratique qui ne répond à aucun besoin concret pour le citoyen européen. 

Un outil de souveraineté ? 

Il convient d’abord de rappeler brièvement en quoi consiste cet euro numérique ou euro digital et les utilisations pratiques dans le quotidien de chacun. 

Cette monnaie aura la même valeur que l’euro et ne constituera pas une crypto-monnaie au sens spéculatif du terme. L’euro numérique aura pour vocation de constituer un moyen de paiement indépendant des plateformes traditionnelles souvent extra européennes comme Visa, Mastercard ou Paypal. Chaque personne physique ou entreprise pourra disposer, jusqu’à un certain plafond – à hauteur de trois mille euros selon les dernières discussions, ce qui couvre de facto une grande partie des comptes de dépôts – de cette monnaie dans un portefeuille dématérialisé pour effectuer des paiements dans le commerce ou des virements entre particuliers. Cette solution gratuite et pouvant fonctionner hors ligne paraît à première vue séduisante dans un contexte où les européens doivent se défaire de l’omniprésence des entreprises américaines sur fond de guerre commerciale larvée. 

Déstabilisation du système bancaire 

À l’heure où l’économie européenne a grandement besoin d’investissement pour combler son retard sur ses concurrents internationaux, la mise en circulation de l’euro numérique viendrait grever la possibilité de prêt des banques commerciales et donc la capacité d’emprunt des ménages et des entreprises.

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Les banques sont soumises à un certain nombre d’obligations prudentielles les contraignant à détenir une certaine réserve de dépôts pour garantir leurs prêts, réserves qui seraient considérablement asséchées par la mise en place de l’euro numérique faisant sortir du système bancaire une part substantielle des liquidités en circulation. De plus, ce siphonnage des liquidités amoindrirait l’impact de la politique des taux décidée par la Banque Centrale, affaiblissant notre capacité à réagir en cas de crise. Pire encore, l’euro numérique serait un facteur d’aggravation, par l’instantanéité des transactions, rendant les crises plus brutales, plus rapides et plus incontrôlables. Là où un retrait massif prenait autrefois plusieurs jours, il suffira demain de quelques clics pour provoquer une ruée numérique vers un actif perçu comme plus sûr. La BCE se crée ainsi un pouvoir de désintermédiation potentiellement explosif, qu’aucun contre-pouvoir politique ne pourra maîtriser.

Le spectre d’un contrôle accru sur les transactions 

Outre les considérations économiques, le flou demeure total sur les garanties concrètes relatives aux libertés fondamentales des futurs utilisateurs. Sous couvert de lutte contre le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme, les paiements au-delà d’un certain seuil feront l’objet d’un traçage automatisé et systématique. Sans aller jusqu’à jouer sur les peurs et agiter le spectre d’une BCE se voulant Big Brother et contrôlant chacune de nos transactions, il est légitime de soulever la question du respect de la vie privée et de l’absence de toute idéologie justifiant une potentielle entrave à la liberté des transactions.  

L’euro numérique ou comment faire du neuf avec du vieux

Comme souvent, avec des formules ronflantes et à grands coups de campagnes promotionnelles, les institutions européennes se targuent d’inventer des concepts qui ont déjà cours. L’euro numérique ne fait pas exception à cette règle puisqu’il existe déjà un système de paiement similaire issu du secteur privé fonctionnant dans plusieurs pays européens. Comme à son habitude, plutôt que de la soutenir, l’Union européenne choisit de monopoliser l’innovation, d’y ajouter des couches réglementaires, et de s’en servir comme levier d’un contrôle toujours plus centralisé.

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Ce n’est pas d’un euro numérique dont l’Europe a besoin, mais d’une politique économique lisible et efficiente. Rappelons-nous qu’une monnaie est un outil, pas un instrument de surveillance. L’Union doit encourager l’innovation, non la capter pour l’encadrer ; accompagner les citoyens, non les tracer ; renforcer la souveraineté des États, non l’invoquer pour mieux la neutraliser à son seul profit.


Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen.



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Député français Rassemblement national au Parlement européen, ancien élève de l’ENA.

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