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Le mur des comptes

La chronique éco de Jean-Jacques Netter


Le mur des comptes
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne depuis novembre 2019 © D.R.

Chaque mois, le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas


La Banque centrale européenne vient de publier ses résultats pour l’année 2024. Plombée par l’effet de ses propres hausses de taux, l’institution présidée par Christine Lagarde accuse une perte de 8 milliards d’euros. Les banques centrales de la zone euro ne percevront donc aucun dividende. Au même moment, la Banque nationale suisse (BNS) clôture quant à elle son exercice 2024 avec un bénéfice de 80 milliards de francs suisses (83 milliards d’euros). Il faut dire qu’elle sait gérer ses actifs. Elle a ainsi réalisé un profit de 67 milliards de francs suisses sur les devises étrangères, et de 21 milliards sur l’or. Grâce à ses excellents choix, elle versera à la Confédération helvétique et aux cantons la somme de 3 milliards de francs suisses.

En plus de leur retraite obligatoire par répartition, les fonctionnaires français peuvent profiter, s’ils le souhaitent, d’un régime complémentaire par capitalisation, la Préfon, qui assure à des centaines de milliers de bénéficiaires une pension moyenne de 438 euros par an. Pourquoi les salariés du privé n’ont-ils pas accès au même avantage ? Ce serait une excellente question à mettre à l’ordre du jour du « conclave » organisé par François Bayrou. Rappelons aux participants de cette concertation qu’il existe quelques solutions très faciles pour rétablir l’équilibre des comptes. Ainsi, en reculant d’un an l’âge légal du départ à la retraite, on pourrait récupérer pas moins de 17,7 milliards d’euros. Et si l’on désindexait les pensions de retraite pendant quatre ans, on économiserait 29 milliards. Enfin, rien qu’en faisant fondre les effectifs de la fonction publique de 0,5 % par an, le déficit diminuerait de 2 milliards.

Vingt-trois milliards d’euros par an, c’est le chiffre auquel arrive le journaliste Olivier Calon en additionnant les avantages consentis par l’État à diverses professions publiques et parapubliques : hauts fonctionnaires, salariés d’EDF et de la RATP, employés la Banque de France, aiguilleurs du ciel, intermittents du spectacle, sans oublier tous ceux qui travaillent au sein d’institutions publiques aux pratiques parfois opaques en matière de ressources humaines, comme l’Élysée ou le Conseil économique, social et environnemental. En refermant son livre-enquête (Les Privilégiés de la République, Opportun), on se dit que la France est bel et bien la championne des avantages acquis.

La Cimade a reçu l’année dernière 200 000 euros de la part de l’État à travers une subvention de l’Agence française de développement. Pour rappel, la Cimade est une ONG qui offre gracieusement une protection juridique aux migrants se trouvant en situation irrégulière sur le sol français. On a beaucoup de mal à comprendre que de l’argent public puisse être alloué à une association qui encourage des étrangers à ne pas respecter le droit de notre pays !

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Le coût des agences d’État et autres comités Théodule avoisinerait 140 milliards d’euros par an, selon un inventaire effectué par Agnès Verdier-Molinié dans son dernier essai, Face au mur de la dette (l’Observatoire). Selon la directrice de l’Ifrap, il existe plus de 1 100 organismes de ce type. Autant dire que le doublonnage est la règle. Dans le domaine de la santé par exemple, on peut estimer que le chevauchement des compétences coûte 4 milliards par an. Autre cas d’école : trois établissements publics chargés des « territoires » (le Cerema, l’ANCT et l’Ademe) ont des activités si proches qu’ils sont obligés de négocier entre eux des conventions de coordination ! Comme d’habitude, de nombreux rapports officiels, émanant notamment de la Cour des comptes, alertent depuis longtemps sur ce gaspillage… en vain.

L’entreprise Les Forges de Tarbes est aujourd’hui la dernière usine de munitions de gros calibre en France. Produisant dans les Hautes-Pyrénées des corps creux d’obus (notamment pour les canons Caesar fabriqués par Nexter), elle est un acteur clé de l’économie de guerre voulue par Emmanuel Macron. Depuis 2023, l’État stratège a mis la main à la poche pour accompagner son développement, par l’intermédiaire de la direction générale de l’armement, qui a octroyé une enveloppe de plus de 7 millions d’euros à sa maison mère Europlasma. En contrepartie, ce groupe industriel spécialisé dans la gestion des déchets s’était engagé à investir 12 millions d’euros afin de quadrupler la capacité de production du site. Malheureusement la promesse n’a pas été tenue. Par ailleurs, dans le cadre d’un dispositif de soutien aux exportations, l’État a accordé directement aux Forges de Tarbes une avance remboursable s’élevant à 7 millions d’euros. Le versement des fonds est censé être effectué sur trois ans par Bpifrance et Assurance Export. Tout ce petit Monopoly n’est absolument pas à la mesure du problème à traiter. En Allemagne, la capitalisation boursière de la société Rheinmetall, qui fournit l’essentiel des obus livrés à l’Ukraine, s’élève à 55 milliards d’euros. Tandis que la société Europlasma, maison mère des Forges de Tarbes, est valorisée à 3 millions !

De nombreuses start-up françaises du secteur des « nouvelles mobilités » se trouvent en posture très difficile. Carlili, loueur de voitures en ligne, est en redressement judiciaire après avoir levé 10 millions d’euros. Cityscoot, application qui met des deux-roues en libre-service dans les rues de Paris, est en cessation de paiement. Kiffy, marque de vélos électriques, a mis la clef sous la porte. Smovengo, le repreneur de Vélib’ maintenu sous perfusion par Anne Hidalgo, enchaîne les déboires opérationnels et financiers.

Autre vedette de l’innovation à la française, la société parisienne Aldebaran a perdu 165 millions d’euros entre 2019 et 2023. Symbole de la French Tech avec son robot Nao, elle est à présent en redressement judiciaire.

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Avril 2025 - #133

Article extrait du Magazine Causeur




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