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Belgique: Theo Francken est-il la créature de Frankenstein?

Chouchou de l'opinion, cible idéale de la gauche


Belgique: Theo Francken est-il la créature de Frankenstein?
Theo Francken, Auteurs : Frederic Sierakowski/ISOP/SIPA. Numéro de reportage : 00724346_000028.

L’ex-secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration issu du parti nationaliste flamand N-VA est l’objet d’une campagne de diabolisation. Accusé par la gauche d’avoir accordé l’asile à des chrétiens syriens en passant par des intermédiaires véreux et de flirter avec l’extrême droite, le jeune quadra ne se démonte pas. 


La Belgique est un Etat aux soins intensifs depuis la chute de son gouvernement en décembre dernier. Sa survie se jouera le 26 mai prochain. 2019 sera à cet égard une année aussi capitale que 1830, date à laquelle naquit ce royaume postnapoléonien de l’union surréaliste entre la Flandre et la Wallonie. Le meilleur est passé. Place au pire.

Au pays du surréalisme

L’édifice a longtemps tenu grâce au « compromis à la belge », cet art – très coûteux pour le contribuable – de ne rien décider pour répartir le mécontentement à parts plus ou moins égales entre le Nord et le Sud du pays. Empruntons à La Fontaine son art de l’amalgame pour situer les fourmis en Flandre et les cigales en Wallonie. Laissons Bruxelles de côté pour lui épargner toute référence entomologique qui pourrait fâcher.

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La chute récente du gouvernement tient à l’abandon de la culture du compromis. La N-VA, première formation du pays, flamande et nationaliste, noire et jaune, a passé plus de quatre ans à jongler avec son image de parti de rupture et sa participation au pouvoir fédéral. Rebelle docile : l’oxymore aura tenu quatre ans tout de même, jusqu’à ce que la N-VA ne bloque sur la signature du pacte de Marrakech appelé à remodeler la politique migratoire au niveau mondial.

Cette intransigeance s’incarne en la personne de Theo Francken, ancien secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration qui a tout simplement appliqué le principe de précaution au niveau migratoire. Dans un pays où la droite supposée s’est affadie depuis cinquante ans pour continuer de gouverner avec des socialistes quasi incontournables, cette position était intenable.

La rupture migratoire

Attaquée de toute part, la N-VA a laissé au Premier ministre, Charles Michel, le soin de débrancher le gouvernement à Marrakech, sans fracas. Une sorte de suicide assisté sous les dattiers. Depuis lors pourtant, Theo Francken n’a jamais cessé d’être le centre de toutes les attentions. C’est l’homme à abattre. Et plus les attaques sont virulentes, plus il continue d’exister et donc de diviser le pays.

L’ex-secrétaire d’Etat manie le tweet avec presqu’autant d’aisance que Donald Trump et son volontarisme le conduit parfois à commettre des faux-pas dont on aime se saisir pour ne rien lui pardonner. Sur le plan politique, à sa gauche les libéraux lui reprochent de verser dans l’extrême droite après avoir valorisé le discours du Vlaams Belang, parti proche de Geert Wilders aux Pays-Bas – lorsqu’il a déclaré qu’il était une source d’inspiration sur le plan migratoire. Au niveau décisionnel, on l’attaque pour avoir possiblement fait le jeu des mafias qui tiennent le trafic d’êtres humains. En cause, sa politique discrétionnaire de délivrance de visas humanitaires destinés à sauver des chrétiens de Syrie du temps où il était secrétaire d’Etat.

Une enquête en cours laisse supposer qu’un élu de la N-VA, proche de son cabinet aurait pu établir la liste des bénéficiaires de ces visas contre d’importantes sommes d’argent. Du pain bénit pour ses détracteurs qui le renvoient à ses critiques à l’encontre des ONG qu’il accusait d’agir au profit de ces mêmes mafias. Et Theo Francken de plaider la bonne foi en se défendant d’avoir eu connaissance de tels agissements et de n’avoir eu d’autres moyens pour cibler prioritairement un segment de la population syrienne victime de génocide que des visas attribués de façon discrétionnaire sur base d’informations fournies par des intermédiaires.

Paroles dures, actes forts

Et si les dits intermédiaires étaient véreux ? C’était un risque à courir selon Theo Francken qui dit assumer à 100% et qui déclare: « La pire des choses que j’ai faite a été de faire confiance, la meilleure chose a été de faire confiance. » A sa décharge on notera qu’en Syrie, il n’y a pas vraiment de gentils avec qui négocier sereinement un corridor humanitaire. Sauver des vies en plein génocide, cela implique forcément de se salir les mains. Mitterrand lui aurait bien dit qu’il était plus simple, comme au Rwanda, de jouer les ignares et de laisser le massacre s’éteindre de sa belle mort. Francken a choisi une autre voie qu’on lui reproche aujourd’hui d’être plus critiquable malgré les centaines de vies sauvées…

Encore une fois, on n’est pas dans l’apaisement souhaité par la classe politique belge. Celle-ci voulait que l’ex-secrétaire d’Etat redevenu simple député, face aux questions de ses pairs, récite trois pater noster et beaucoup de mea culpa. Après tout, il avait tant d’horreurs à son actif ! En vrac : sa volonté de retirer la nationalité belge aux combattants en Syrie, ses mesures drastiques pour éviter l’enkystement d’un camp de migrants au centre de Bruxelles, et puis son livre, Continent sans frontière ! Cette description sans complaisance de l’échec des politiques migratoires européennes plaide pour l’adoption du modèle australien, inspiré librement du « No Pasaran ». Insupportable ! Pourtant, malgré un quasi boycott des libraires francophones, ce livre est parvenu à caracoler en tête des ventes au Sud du pays !

Franckenmania 

C’est lors d’une conférence destinée à la promotion de son livre Continent sans frontière qui devait se tenir à Verviers, haut-lieu du djihadisme en Wallonie et fief irréductible d’un PS en grande méforme que Theo Francken a révélé une fois de plus la polarisation du débat. L’événement devait se dérouler dans l’enceinte d’un hôtel (qui a tout fait pour annuler le contrat de location de la salle après avoir découvert la nature de l’événement, sans y parvenir) lorsque des centaines d’individus aux ordres du syndicat socialiste se sont livrés à des dégradations, menaçant l’orateur dont la voiture a été caillassée.

Fait singulier, la bourgmestre socialiste, en charge de la sécurité, vociférait des slogans d’un crypro-gauchisme suranné dont seuls les Wallons ont encore le secret aux côtés d’une foule de pro-migrants qui faisait face à la police, à sa police, celle dont elle est le chef.

Depuis toujours, Francken polarise. Dès son entrée en fonction en 2014, il a subi son premier procès en nazification intenté par un député marxiste. Son crime ? Avoir assisté -sans même s’en cacher – au quatre-vingt-dixième anniversaire de Bob Maes, figure du nationalisme flamand et membre d’un parti collaborationniste à l’âge de 16 ans. Dans leur tombe, Mitterrand et son camarade Bousquet en sont tout retournés. En 2017, deuxième poursuite devant le tribunal du Bien. Cette fois, il est condamné au port de l’uniforme allemand pour avoir ordonné des contrôles de police au Parc Maximilien où se concentrent les migrants à Bruxelles. Aujourd’hui encore, bien qu’absent du gouvernement, sa capacité à susciter des débats passionnés ne faiblit pas. Conscient de cet atout médiatique, tout le spectre politique belge tente de se construire une popularité sur son dos.

Celui qu’on adore détester

Ses détracteurs ont fait de lui celui que l’on aime ostensiblement détester. Ceux supposés dans son camp – et qui n’ont rien fait pour empêcher la signature du pacte sur les migrations – le traitent avec condescendance comme celui qui va trop loin mais qu’il faut défendre au nom de la liberté d’expression, histoire d’avoir une bonne raison de l’inviter et de poser avec lui sur un selfie. Les has-been de tous bords ont trouvé l’homme qui les fera passer de l’ombre à la lumière des plateaux de télévision.

Tout récemment, le député Alain Destexhe, trublion du MR qu’il vient de quitter pour lancer son propre mouvement « Listes Destexhe » s’est aussi inscrit dans la « ligne Francken » en décrivant son parti comme une N-VA francophone exempte de revendications nationalistes.

En attendant, au Nord comme au Sud, c’est le contenu de la politique migratoire de Theo Francken qui mobilise la population plus que sa forme. Et ça, la classe politique devrait y être attentive dans un moment aussi critique pour la Belgique qui impose de sortir de festival des postures. La Flandre n’a jamais été aussi tentée de laisser la Wallonie assumer ses accès de collectivisme sans-frontiériste en poussant le confédéralisme. En cette période de Carnaval pré-électorale, le masque à l’effigie de Theo Francken devrait faire un malheur…



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est journaliste.

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