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Timothée Gaget, en plein dans le mille

Rencontre avec le patron de l'agence Artcher


Timothée Gaget, en plein dans le mille
Timothée Gaget © Astrid Lagougine

Quel est le point commun entre l’image d’entreprise, la souveraineté alimentaire ou la protection des paysages et de la chasse a courre ? La communication ! Avec son agence Artcher, Timothée Gaget bataille sur la scène médiatique pour défendre ceux qui font le « made in France ».


Le garçon présente bien. Foulard en pochette de veston bleu nuit, cheveux mi-longs, pompes cirées… Et l’aisance à l’oral des gens bien éduqués – il en reste. Timothée Gaget, quarante ans, a créé Artcher en 2019 : « Artcher, comme art de convaincre, comme artisanat… et comme précision du tir à l’arc ». Nichée dans la paix d’une cour pavée qu’arpenta Barbey d’Aurevilly – ô charme préservé du 9e arrondissement ! –, l’agence parisienne compte une dizaine de consultants venus de différents univers, plus quelques free-lances.

Artcher se connaît une double spécialité : la communication « corporate » – l’image des entreprises et la réputation des dirigeants – ; et les affaires publiques – les intérêts entrepreneuriaux devant les pouvoirs publics. « Avec des flèches bien placées, on peut anéantir une cavalerie lourde », assure le fringant « archer ». Face à l’évidence que « les débats, fracturations et aspirations de la société impactent les entreprises », l’agence investit le champ sociétal sur la base de saines convictions : « Notre métier ? Transformer un enjeu économique – développement d’une entreprise, lancement de produit, renouvellement d’une gouvernance, contrainte réglementaire ou directive européenne contraire aux intérêts français…  en un sujet médiatique ou politique au service de cet enjeu. » Le business seulement ? « Tout autant, la souveraineté alimentaire, industrielle, énergétique française et européenne, ou la défense des paysages et du patrimoine. »

À 25 ans, achevées ses études de droit, Timothée entre comme avocat dans un cabinet d’affaires parisien, en même temps qu’il consacre ses nuits à écrire Les Bonnes Mœurs (Intervalles), un roman acide et désopilant. À travers le récit de la chute d’un banquier d’affaires, il y questionne les mutations de la ruralité et la financiarisation du monde… Élevé en Touraine dans un milieu de « bonne bourgeoisie », comme on dit, l’auteur en herbe se cherche en « honnête homme ». Vivant désormais entre Paris et Bordeaux, il aime se promener à La Brède, sur les pas de Montesquieu, « magistrat voyageur, philosophe féru de sciences, qui pensait la séparation des pouvoirs et la tolérance religieuse tout en gérant ses domaines ».

De bonne heure, Gaget veut « s’intéresser à tout ». Au cours d’un dîner, des lobbystes l’en persuadent : « Tu devrais faire de l’influence ! » Ça tombe bien, Havas lance alors un département « gestion de crise et communication judiciaire ». Le lendemain, il intègre l’agence[1]. Puis il se spécialise dans l’industrie de la défense et l’aéronautique – Airbus, Safran, Arianespace… Le jeune homme se souvient avoir alors « pris conscience de la désindustrialisation dramatique du pays et de nos partenaires européens qui achètent “américain”, et non Français ». Fort de son expérience, Gaget dirige ensuite le département stratégie de l’agence Comfluence (sic) avant de voler de ses propres ailes. 

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Sanglés dans des costumes bien coupés, une cohorte de hussards l’accompagne à présent dans la défense du « made in France » dont ce passionné par la nature – chasseur, yachtman, photographe paysagiste – se veut le héraut. Des exemples ? Artcher s’implique dans les affaires publiques du Cerafel, dont la marque Prince de Bretagne commercialise des tomates françaises face à la concurrence espagnole et marocaine. Ou encore dans l’AOP Porc, élevages bretons plus soucieux du bien-être animal que leurs concurrents ibériques. « La France, ancienne puissance exportatrice agricole, importe désormais 50 % de ce qu’elle consomme », s’insurge le communicant. Et d’évoquer l’association L214 « qui lutte officiellement pour le bien-être animal mais est en réalité financée par les Foodtech américaines, via l’ONG Open Philanthropy, à seule fin de dézinguer l’élevage français pour créer un cadre propice à l’arrivée de la viande végétale et cellulaire ».

Artcher attaque de la même façon des projets prétendument écolos, tel ce champ d’éoliennes en Dordogne. Une plaque signalant à bon escient que le jeune Charles de Gaulle hanta de son auguste pas la gentilhommière périgourdine de la Ligerie est l’argument patrimonial décisif qui empêche le massacre de son paysage par une batterie de hachoirs à volatiles !

Suscitant l’exploit d’une alliance entre zadistes et châtelains de Beynac, Castelnaud, Fayrac et Marqueyssac, Artcher fait aussi venir la presse et s’agite dans les ministères pour torpiller un projet porté par Germinal Peiro, le tout-puissant président socialiste du conseil départemental de Dordogne : dans le département le plus endetté de France, une déviation routière s’apprêtait à ruiner la biodiversité et la beauté du site. Double page dans Le Figaro… et dans Libé : c’est cuit pour Germinal.

Ainsi le travail – et non le trafic – d’influence d’Artcher se joue-t-il sur une variété de registres : depuis la défense de la chasse à courre (en lien avec l’affaire Elisa Pilarski, fausse victime d’une meute, en réalité mangée par son molosse) et des chasses traditionnelles, jusqu’à celle de la pêche à la ligne, dans un contexte où l’association Zoopolis prétend que ficher un hameçon sur une tanche relève de la torture. 

À une autre échelle, batailler pour les entreprises françaises (Bonux, La Rosée, Bompard, Emmaüs Habitat…), c’est aussi, pour Timothée Gaget, accompagner les patrons à être des leaders d’opinion et non des victimes passives du bruit médiatique ou de politiques publiques déconnectées de la réalité économique. Très investi dans le secteur automobile, il déplore ainsi que « l’UE, impuissante à rattraper son retard dans les batteries, ait quand même imposé aux constructeurs de passer à l’électrique en 2035 », le dogmatisme l’emportant sur la défense de la souveraineté industrielle.

Artcher résiste enfin à un fléau plus sournois : la tyrannie de la minorité. Aidant, par exemple, à révéler les accointances de certains élus avec des associations noyautées par l’islamisme. Défendant des bailleurs sociaux en prise avec le trafic de drogue, ou accompagnant telle grosse PME dont les « dirigeants sont lâchés en pâture dans les médias ou sur Instagram » pour harcèlement, discrimination ou sexisme « sans le moindre début de preuve, d’enquête ou d’instruction ». Timothée Gaget se voit en « avocat de la défense médiatique », dans un pays « à la merci de la justice TikTok – instantanée, populaire, vindicative » ; et rêve d’une société où l’on vous laisserait vivre en paix, « sans qu’un fonctionnaire de Bruxelles t’explique comment curer ton fossé ».


[1] C’est, en 2011, le temps de l’affaire Ioukos, soit le démantèlement du géant pétrolier russe ; entre la Fédération de Russie et l’oligarque Khodorkovski, le plus gros arbitrage financier de l’histoire de l’humanité : 50 milliards de dollars !

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Article extrait du Magazine Causeur




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