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Emmanuel Macron ne peut pas changer

La détestation singulière que suscite Emmanuel Macron semble le distinguer de ses prédécesseurs. Le président de la République ne peut briser ce nœud gordien: il s’emmène toujours avec lui… Analyse.


Encore Emmanuel Macron, me dira-t-on ! N’est-il pas assez présent pour qu’on éprouve le besoin d’en rajouter ? J’ose pourtant répondre qu’on le peut. Je ne serai jamais de ceux qui, pour contester un projet flou et des actions dont on sent de moins en moins la ligne directrice, l’élan réfléchi et structuré que le futur devrait inspirer, s’installent confortablement dans une posture d’hostilité et même de mépris : j’en connais. Je continue à penser qu’Emmanuel Macron a et est une personnalité intelligente (plus que cultivée), riche, ambiguë, contradictoire, avec des embardées successives, subtiles ou ostentatoires, et qu’il mérite qu’on s’attache à lui pour tenter au moins de dissiper certains mystères.

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Et d’abord celui-ci, fondamental : pourquoi ce président, même s’il a des soutiens – fidèles ou intéressés – suscite-t-il chez certains cette haine dont je persiste à récuser le caractère exclusivement politique ? Je ne méconnais pas ce que sa pratique peut avoir d’insupportable, tant dans sa manière d’être, dans le choix des personnes appelées à le servir, de ses ministres, des bénéficiaires parfois surprenants de son bon plaisir, que du fond de ses orientations marquées à la fois par un entêtement rigide et une souplesse tactique prête à tout.

Parce que c’est lui, parce que c’est nous

Il serait évidemment absurde, pour à tout prix le distinguer de ses prédécesseurs, de nier la part partisane et idéologique qui explique beaucoup des réactions de ses adversaires mais, à faire le compte, elle est bien moindre, dans la colère et le ressentiment qu’il engendre, que le poids d’impressions intimes, personnelles, indissociables de sa nature et de son être, détachées de ses comportements présidentiels. Comme si, avec lui, il convenait d’aller plus loin, plus profond dans l’analyse, en franchissant le mur séparant le privé et le public.

On a eu certes des présidents, et pas seulement Nicolas Sarkozy, chez lesquels le caractère, ses excès, ses imprévisibilités et ses équilibres, offraient une grille de lecture de leur politique. Mais il me semble que l’irritation que leurs actes pouvaient faire naître conservait, de justesse en certains cas, une ligne politique, une approche civique d’adhésion ou de détestation. Je songe à telle ou telle couverture médiatique, par exemple sur François Hollande ou toujours sur Nicolas Sarkozy : ce dernier, se questionnait la publication, est-il « un voyou » ? Aussi désobligeante et provocatrice que soit cette interpellation, elle faisait référence, largement entendue, à sa posture présidentielle.

Couverture de l’hebdomadaire Marianne, août 2010 D.R.

Pourquoi Emmanuel Macron sort-il de ce cadre, au point que je ne cesse de sonder tous ceux qui m’entourent pour qu’ils m’offrent une explication ? La plupart du temps ils demeurent coincés dans une sorte d’évidence : « Parce que c’est lui, parce que c’est nous ». Cette approche un peu courte démontre bien qu’avec lui, on est passé de la contradiction, de l’hostilité en quelque sorte ordinaire à une détestation extrême d’un tout autre registre et que ce sentiment d’exécration est posé tel un constat indiscutable mais jamais explicité.

La psychologie de notre président

Tentons une intrusion psychologique dans cet être dont je suis persuadé que rien ne lui déplaît davantage, au même titre que les considérations, critiques ou non, sur son couple. Il a pour vocation, lui seul, lui avec elle, de demeurer un bloc, une forteresse choisissant ce qui leur agrée, rejetant « la bave des crapauds ». Efforçons-nous d’ouvrir les verrous et de s’aventurer en territoire inconnu. S’il lisait ce billet – nulle présomption de ma part, je sais qu’il a tant à faire ! – il aurait en horreur ce que sa situation personnelle et politique m’inspire. De l’apitoiement non condescendant mais sincère. On lui demande de changer de politique : ce serait facile s’il y consentait. On exige de lui qu’il métamorphose sa nature : accepterait-il cette obligation qu’il ne pourrait pas la satisfaire. C’est le grand mystère à déchiffrer : il y a quelque chose en Emmanuel Macron qui empêche de le créditer de ses attitudes positives, de sa proximité recherchée comme une preuve permanente de sa simplicité, et des manifestations agréables, bienveillantes, d’écoute, de son caractère. Et c’est Emmanuel Macron lui-même !

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Même s’il feint de s’en désintéresser, je suis sûr qu’il est blessé par ce paradoxe. Plus il souhaite se rapprocher, plus on l’éloigne. Plus il prétend se comporter comme nous – au point de tomber parfois dans une familiarité surjouée -, plus il agrandit le hiatus, le gouffre entre lui et nous. Plus le contact est proche, plus la distance s’allonge. C’est profondément injuste et j’explique ainsi mon apologie. Il y a quelque chose de fatal et de pathétique dans cette impression que, cherchant à se défaire de lui, Emmanuel Macron pourtant ne s’oublie jamais. Que, tentant de se mettre à notre niveau, il ne parvient cependant pas à nous faire ignorer l’opinion qu’il a de lui-même, le crédit qu’il s’accorde et la certitude de sa supériorité éclatante à proportion qu’il s’efforce de la masquer. Trop présent à lui-même, il échoue à faire illusion sur la sortie de soi qu’une forme de populisme soyeux lui intime d’adopter. Toutes les entreprises de communication, toutes les tactiques du monde sont impuissantes à briser ce nœud gordien : il s’emmène toujours avec lui. Et la rançon est la suspicion ou, pire parfois, des envies abjectes d’insultes et de violence. Il y a dans ce processus vital qui l’accable quand au contraire il vise à nous détromper sur lui, une iniquité profonde qui ne pourrait pas être supprimée. Sauf à s’abolir soi-même. C’est le drame de ces personnalités tellement fortes qu’elles sont victimes d’une répudiation contre lesquelles elles ne peuvent rien. La charge négative qu’on leur oppose et qui ne tient qu’à elles est consubstantielle à leurs tréfonds. Elle est la clé de leurs victoires comme de leurs défaites.

L’homme Macron n’a cessé d’insupporter une majorité de citoyens, en même temps que l’homme politique avait ses ombres et ses lumières, ses partisans, ses inconditionnels et ses adversaires résolus. Ce dédoublement a donné une place infinie au premier et sans doute minimisé les résultats du second. Mais je pose cette question et c’est la raison pour laquelle je le défends : que pourrait-il donc faire contre lui-même ? Il ne changera pas et on ne le changera pas. Il y a des causes impossibles à gagner. On n’est plus dans la politique…

La France se dotera d’un LGBassadeur

Après la polémique autour des propos de Madame Cayeux cet été, Elisabeth Borne a promis la prochaine nomination d’un « ambassadeur aux droits LGBT + » et annoncé la création d’un fonds de 3 millions d’euros pour financer de nouveaux centres LGBT.


Début août, Élisabeth Borne a fait savoir qu’un nouveau poste verra bientôt le jour. Un « ambassadeur aux droits LGBT + » sera nommé « avant la fin de l’année » et « trois millions d’euros » seront débloqués « pour créer dix nouveaux centres LGBT + », en plus des 35 existants. 

Cette annonce a été faite à l’occasion du quarantième anniversaire de l’abrogation des discriminations entre les relations hétérosexuelles et homosexuelles introduites dans le Code pénal par le régime de Vichy. Les relations homosexuelles étaient alors condamnées lorsque l’un des partenaires était mineur (21 ans en 1942, 18 ans lors de l’abrogation en 1982). Cet ambassadeur « coordonnera l’action du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour la protection contre les discriminations et la promotion des droits LGBT + et portera la voix de la France», a-t-elle indiqué.

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Le Premier ministre a également salué « le travail exemplaire des associations et des centres LGBT + ». On peut se demander s’il faut vraiment saluer le « travail exemplaire » de ceux qui veulent aussi abolir la notion de sexe biologique fondée sur le dimorphisme, masculin et féminin, au profit du concept fumeux d’identité de genre… Faut-il aussi saluer l’influence de leurs discours sur les enfants et adolescents, comme en témoigne le phénomène des « enfants trans », des bambins qui ne savent pas encore conjuguer le présent de l’indicatif mais qui, selon ces associations, se sont individuellement et librement aperçus que leur sexe ne correspondait pas à leur genre et qu’il fallait passer sur le billard pour en changer ?

« La bataille des mentalités n’est pas encore gagnée », a averti Madame Borne. 

Pourtant, vu le nombre d’associations, parfois subventionnées par l’État ou l’UE, d’ONG, de lobbyistes, d’universitaires, de grandes entreprises qui s’emploient à rééduquer les masses, on se demande bien ce qu’il leur faut encore pour gagner cette bataille. Un ambassadeur arc-en-ciel, vraiment ?

Kiev veut reprendre Kherson

Un tournant dans la guerre?


L’offensive ukrainienne tant attendue pour reprendre la province de Kherson a débuté lundi, après des semaines de préparatifs et de rumeurs. Les Ukrainiens sont avares en commentaires et les fonctionnaires ont été priés de garder le silence, un signe important suggérant qu’il s’agit bien d’une opération d’envergure. Si l’initiative est sans doute importante, s’agit-il pour autant d’un tournant, comme l’espèrent l’Ukraine et ses alliés ? Trop tôt pour le dire.   

Sortir de l’impasse

Depuis fin juin et la prise par l’armée russe de Severodonetsk, le conflit s’est plus ou moins figé, sans initiatives opérationnelles importantes d’un côté comme de l’autre. Pour l’Ukraine, une guerre qui s’éternise est un piège mortel. L’économie nationale asphyxiée et les forces vives de la nation mobilisées, l’Ukraine a besoin d’une décision claire lui permettant de se lancer dans la reconstruction. Un conflit de haute intensité, un no man’s land géopolitique où les deux armées restent mobilisées, c’est une situation à laquelle la Russie pourrait faire face – pas l’Ukraine. Kiev est donc obligé d’ôter au gouvernement russe la volonté de continuer la guerre dans les années à venir, soit par des concessions importantes soit pas un succès sur le champ de bataille. L’offensive de Kherson est, en ce sens, un moyen de sortir de cette impasse stratégique et de montrer que le temps n’est pas du côté de la Russie.

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L’Ukraine a réussi à mettre en échec l’offensive russe sur Kiev et Kharkiv, d’abord, et ensuite, à stopper les avancées russes dans le Donbass à l’est. Mais libérer de nouveaux territoires repris à la Russie et sur une grande échelle est une toute autre entreprise. Et l’Ukraine n’a pas les moyens militaires pour mener une offensive massive, percer les lignes russes, pénétrer vers les arrières, menaçant les lignes de communication et détruisant dépôts et centres de commandement russes. Les premières semaines de l’offensive russe ont d’ailleurs été une parfaite illustration de la façon dont ce genre d’opérations peuvent se transformer rapidement en débâcles coûteux. Autre contrainte, la Russie n’a pas perdu les semaines de l’été et s’est lancée dans un effort de mobilisation. Des nouvelles unités ont été créées et équipées, et un nouveau corps d’armée, composé pour l’essentiel de volontaires, va être déployé bientôt. D’autres suivront et la Russie peut reprendre l’initiative. L’Etat-major ukrainien a donc décidé de lancer une opération visant l’écroulement de l’ennemi par asphyxie logistique plutôt que par le choc des armes et la supériorité numérique sur le front. Les Ukrainiens entendent faire la guerre un peu comme les porcs-épics font l’amour : lentement et avec beaucoup de précautions.

Des frappes de précision depuis des semaines

La grande idée est d’appuyer sur la faiblesse russe à Kherson : entre la ville et les bases-arrières russes en Crimée coulent le Dniepr et ses affluents. Or, l’approvisionnement de Kherson dépend essentiellement de quelques ponts. Le plan ukrainien consiste donc à les détruire et à diminuer les capacités de ces lignes de communication et grignoter les stocks russes existants de carburant et munitions. Dans cette logique, on peut dire qu’en effet, l’offensive ukrainienne a commencé il y a déjà plusieurs semaines par une série de frappes de précision contre les dépôts d’armes et les aérodromes russes, évènements devenus depuis quasi-quotidiens. L’Ukraine a également labouré les défenses aériennes russes en Crimée, peut-être pour ouvrir la voie à de nouvelles attaques et pour forcer la Russie à déplacer certains de ses systèmes de Kherson vers la péninsule occupée… Les récentes indications selon lesquelles la Russie a retiré une batterie S-300 de Syrie et l’a transférée dans un port près de la Crimée peuvent être un signe que ses défenses aériennes sont effectivement trop éparpillées.

Moral et logistique

Ainsi, bien que la Russie ait été en mesure d’accumuler des renforts dans le sud, les forces au nord et à l’ouest du Dniepr ont un problème de ravitaillement. Et depuis le lancement des offensives ukrainiennes lundi dernier, la consommation russe augmente et avec elle son déficit logistique. Les premiers jours de la nouvelle offensive mettront à l’épreuve la cohésion et le moral des forces russes non seulement face au feu ukrainien mais aussi face à leur problème de réapprovisionnement en munitions, carburants, eau potable et enfin nourriture et médicaments.

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Les prochains jours et semaines de l’opération permettront de voir si le pari ukrainien est gagnant, si l’intendance russe arrive à suivre et si les dégâts causés par l’élargissement des frappes de précision ukrainiennes ont des conséquences stratégiques. Lorsque les lignes d’approvisionnement s’effondrent, les lignes défensives ont tendance à suivre. Ces deux facteurs principaux, le moral et la logistique, sont les deux éléments clés invisibles qui peuvent faire de l’offensive de Kherson un succès ou une défaite, et permettre à l’Ukraine de prendre l’initiative. Néanmoins, même si les Ukrainiens réussissent à prendre Kherson, la question de la suite se posera. Kiev n’a pas les moyens de mettre le Dniepr derrière son armée et de poursuivre les Russes vers la Crimée.

Une victoire à Kherson serait très importante pour le moral des Ukrainiens et rassurerait leurs alliés, mais il est loin d’être sûr qu’elle obligerait Poutine à négocier un accord de paix acceptable pour les électeurs ukrainiens qui ne manqueraient pas d’être amenés à se prononcer lors d’un référendum ou de nouvelles élections.

Le jour où le compte parodique Twitter Sardine Ruisseau a dépassé le compte de la vraie députée Nupes

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Entretien avec le propriétaire du compte Twitter parodique que la gauche rêve de faire interdire…


Ce vendredi 26 août 2022, le compte parodique Twitter Sardine Ruisseau a dépassé le compte certifié de la députée écologiste Sandrine Rousseau (Nupes). Une première dans la foire aux gazouillis.

Le 24 août 2022, Sandrine Rousseau, députée Nupes, se réjouissait de la suspension du compte parodique Twitter Sardine Ruisseau, par ces mots : « Un an de cyberharcèlement prendrait-il fin ? #OuiLesTempsChangent » et remerciait ses soutiens pour les signalements systématiques.

On peut s’étonner que ce compte parodique suscite un tel rejet de la part de l’élue écologiste quand son existence et sa popularité lui offrent une notoriété certaine. En d’autres temps, avoir sa marionnette aux Guignols de l’info était vécu comme une consécration. À l’heure de la com’ 2.0, Sandrine Rousseau pourrait s’enorgueillir d’avoir un compte parodique à son nom ayant autant de succès. Il existe en effet beaucoup d’autres comptes parodiques Twitter de personnalités politiques qui n’obtiennent pas la même audience.

Sardine Ruisseau nous a accordé un entretien exclusif.


Causeur. Bonjour. Comment doit-on vous appeler ? Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Sardine Ruisseau. Mon nom est Sardine Ruisseau, compte humoristique sur Twitter qui tourne en dérision les délires du wokisme et qui parodie la femme politique Sandrine Rousseau.

Vous avez créé le compte parodique Sardine Ruisseau sur Twitter en septembre 2021. Pourquoi avoir choisi de parodier spécifiquement Sandrine Rousseau ?

J’avais l’intention de créer un compte parodique sur les délires du wokisme depuis un moment, un peu sur le même modèle que Titania McGrath. En septembre dernier, en l’espace de quelques jours j’ai entendu des propos complètement lunaires, émanant de membres de EELV : «Le fait d’avoir des terroristes en France permet de les surveiller» ou bien «le monde crève de trop de rationalité». Je me suis rendu compte que ces propos venaient de la même personne : Sandrine Rousseau. Je me suis dit alors : «Génial, je vais faire un compte parodique sur elle».

Mon humour doit sans doute taper juste pour susciter tant d’appels à la censure

Vous avez été classé dans le Top 5 des comptes à suivre par le journal  La Dépêche. Vous êtes dans la tendance Twitter de l’été. Vous attendiez-vous à ce succès ?

Je ne m’attendais pas à un tel succès et encore moins aussi rapidement. Moins d’un mois après la création de mon compte, le journal Le Point a publié un article comparant mes propos à ceux de Sandrine Rousseau. Mes tweets sont parfois repris sur des chaines d’info en continu. Près d’une quarantaine de députés me suivent. J’ai plus de 90 000 abonnés et mon compte génère 15M d’impressions par mois, c’est-à-dire que mes messages sont affichés 15 millions de fois par mois !

Sandrine Rousseau vous accuse de faire partie de « la fachosphère ». Vous reconnaissez-vous dans ce portrait ?

Je ne me reconnais pas dans cette appellation de « fachosphère » ou d’extrême droite. Je me rappelle qu’Hidalgo avait affirmé de son côté que l’extrême droite était derrière le hashtag #SaccageParis. C’était ridicule. Mes détracteurs font de même. Traiter quelqu’un de facho pour le discréditer et éviter ainsi tout débat, c’est une technique classique de la gauche. Mais cela ne fonctionne plus. Les termes de « facho » ou « extrême droite » sont dorénavant complètement galvaudés. La gauche ferait mieux de relire « L’enfant qui criait au loup ». Le jour où les fachos seront là, malheureusement plus personne ne les écoutera.

Alors, où vous situez-vous sur le spectre politique ?

Je suis plutôt un électron libre ! J’ai des idées qui couvrent l’ensemble de l’échiquier politique. Néanmoins, la gauche s’est tellement radicalisée dernièrement que mécaniquement je me trouve maintenant plutôt à droite sur l’échiquier politique. On a ressorti certains de mes vieux tweets qui pris au premier degré et hors contexte peuvent être considérés comme racistes, misogynes ou homophobes. Mais si je joue un soldat nazi dans un film, est-ce que je fais l’apologie du nazisme ? J’ai tweeté plusieurs fois qu’il fallait enseigner la tolérance aux fachos « à coup de batte de baseball », mais personne ne m’a traité d’antifa ou d’extrême gauche car cet humour-ci est toléré. J’ai traité Marine Le Pen de « sorcière à chats », Zemmour de « Gargamel sans talent » et je n’ai pas été tendre non plus avec Valérie Pécresse.

Tout cela a suscité très peu de réactions, car je pense aujourd’hui que la droite a plus d’humour que la gauche.

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Pour qui avez-vous voté aux dernières élections présidentielles ?

Je n’ai pas voté à la dernière élection présidentielle car j’ai déménagé et je ne me suis pas réinscrite sur les listes électorales à temps. Je ne suis pas marquée politiquement. Je suis avant tout très attachée à la liberté d’expression. J’estime qu’elle est actuellement en danger en France. Beaucoup de journalistes ont bloqué mon compte alors que je ne leur avais jamais adressé la parole. Un chroniqueur de Mediapart a consacré quinze minutes sur sa chaine Twitch pour parler de moi alors qu’il avait bloqué mon compte depuis plusieurs mois. Une journaliste a même regretté que mon compte n’ait pas été censuré. Je trouve plutôt inquiétant que des journalistes soient contre la liberté d’expression. Mon humour doit sans doute taper juste pour susciter tant d’appels à la censure.

Sandrine Rousseau déclare être victime de cyberharcèlement avec vos tweets. Que répondez-vous à cette accusation ?

Je récuse toute forme de cyberharcèlement de ma part. Je me moque de ses positions mais cela reste de la parodie et Sandrine Rousseau n’est pas la cible exclusive. Je tape sur tout le monde. La mention « parodie » était présente dès la création du compte. Bien que je ne partage pas ses idées, elle a un coté attendrissant et attachant. À vrai dire j’ai de la sympathie pour elle. Mes intentions premières étaient de faire rire en exagérant le trait sur le wokisme, mais nullement de blesser Sandrine Rousseau qui était juste un support. En tant que personnage politique, elle aurait du jouer le jeu. Au contraire elle m’a immédiatement bloqué et a cherché à faire censurer mon compte alors que ce dernier respecte les conditions d’utilisation de Twitter. Mais il faut avouer qu’elle est une grande comique malgré elle et qu’à de nombreuses reprises elle a suscité la raillerie avec des déclarations complètement surréalistes.

Pour quelles raisons avez-vous désactivé votre compte cet été ?

J’ai désactivé mon compte car un groupe de personnes cherchait des éléments dans mon historique en vue de me doxer (NDLR : rechercher et communiquer des informations personnelles sur une personne dans le but de nuire à cette personne). J’ai également reçu de nombreuses menaces de procès. Une sénatrice EELV a même dit que j’avais « des pratiques terribles pour notre démocratie ». Des journalistes ont dit que je pratiquais la désinformation. Est-ce que le Gorafi est aussi un outil de désinformation pour ces journalistes ? Toutefois, je dois dire que de nombreuses personnalités sont également venues à la rescousse. J’avais ouvert ce compte pour rire, mais j’étais devenu un sujet politique et la tournure des évènements n’était plus drôle.

Une fois la polémique passée, vous avez décidé de réactiver votre compte.

J’ai réactivé mon compte une fois que mon historique a été effacé et que les esprits s’étaient un peu calmés… J’ai estimé que pour la liberté d’expression je devais revenir car les censeurs ne doivent jamais gagner. Les menaces de procès étaient bien réelles car mon compte a été signalé auprès de la police française dès qu’il a été réactivé. Des membres d’EELV et de la Nupes ont également lancé une campagne de boycott à mon encontre. Cette campagne a été un désastre pour eux car mon compte a gagné près de 15 000 abonnés en quelques jours.

Une moustache est alors apparue sur la photo de profil. Que représente cette moustache ?

La moustache est apparue après la réactivation de mon compte. Je voulais apparaître incognito car j’étais recherchée par la police de la bien-pensance et du wokisme. C’était également une façon supplémentaire d’éviter la confusion avec Sandrine Rousseau.

Pour quelles raisons Twitter a suspendu votre compte ?

J’ai reçu une notification de Twitter qui indiquait que les forces de l’ordre française demandaient la suppression d’un tweet, 24 heures seulement après l’avoir posté. Le tweet en question représentait Ben Laden et Staline à côté de Sandrine Rousseau. C’était un détournement d’une photo où Sandrine Rousseau apparaissait à côté de Taha Bouhafs et Assa Traoré. On m’a expliqué que je ne risquais pas grand chose car un procureur verrait rapidement qu’il s’agit d’humour au deuxième degré. Ensuite, Twitter a suspendu le compte pour « infraction aux règles relatives aux conduites haineuses » pour le tweet : « À chaque taliban que nous accueillons en France, c’est une femme lapidée en moins en Afghanistan. Afin de protéger les femmes afghanes, nous devons accueillir les talibans en France ».

Après l’appel de la suspension, le compte parodique a été réactivé par Twitter. Le propriétaire du compte parodique souligne l’effet Streisand qui lui a fait gagné 40 000 abonnés en moins de vingt jours suite aux polémiques de l’été.

Comment définiriez-vous la parodie ?

Ma conception de la parodie est très proche de sa définition dans le dictionnaire. C’est la contrefaçon grotesque d’une œuvre ou d’une personne en vue de la tourner en dérision.

Pensez-vous que l’on puisse rire de tout ?

Je citerai Rabelais : le rire est le propre de l’homme. Ce qui me fait rire avant tout, ce sont les cris d’orfraie de la bien-pensance. Durant l’Ancien Régime, le clergé dictait la morale. Aujourd’hui un clergé 2.0 constitué par certains politiques, journalistes et universitaires nous explique ce que nous devons penser en matière de mœurs, d’humour ou de politique. Jadis le clergé nous excommuniait, aujourd’hui ce clergé 2.0 nous « cancel ». Les gens en ont marre de ces curés de la bien-pensance et de ces Torquemada de bac à sable. Je pense que la raison de mon succès est liée à un ras-le bol d’une partie de la population. Donc on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde ; et certainement pas avec les écoféministes qui pensent que le second degré est responsable du réchauffement climatique.

Le RN est de plus en plus populaire!

Jamais le RN de Marine Le Pen n’avait été si populaire. Dans une étude sur la « droitisation » de la société française que vient de publier la Fondapol, avec Opinionway, il apparaît que la candidate malheureuse à la présidentielle est parvenue à renforcer sa bonne réputation auprès de l’ensemble de l’électorat, tout en agrégeant autour d’elle une majorité du vote contestataire.


« Renaissance » et La France Insoumise ont du souci à se faire ! Un récent sondage de la Fondapol, publié le 29 août dans Le Figaro, révèle la popularité grandissante de Marine Le Pen et de ses idées, et confirme la place du RN comme premier parti protestataire en France. Seule l’alliance des partis de gauche au sein de la Nupes permet de faire illusion, et de contester ce rôle de premier opposant.

En vingt ans, le total des suffrages exprimés en faveur des candidats protestataires à l’élection présidentielle est passé de 29,6% le 21 avril 2002 à 55,6% le 10 avril 2022. Entre les législatives de 2017 et celles de 2022, la protestation a augmenté de dix points, preuve s’il en fallait de la poursuite de cette terrible descente aux enfers des deux grands partis traditionnels, PS et LR. Et si la contestation grimpe, c’est donc surtout au profit du RN, dont la stratégie de « normalisation » paie.


Fondation pour l’innovation politique – septembre 2022

En termes d’image, le RN est désormais le deuxième parti. 25% des Français interrogés indiquent ainsi avoir une image « plutôt positive » de ce parti, le RN étant devancé seulement par EELV et loin devant Les Républicains. Le RN conserve cependant une image beaucoup plus clivante que les autres partis : 49% des Français en ont une mauvaise opinion.

Marine Le Pen: une candidate comme les autres ?

On le sait, l’étiquette « extrême-droite » qu’on colle sur Marine Le Pen, et qu’elle a hérité de son père Jean-Marie, a longtemps nui à la popularité de la candidate du Rassemblement national. Pourtant, aujourd’hui, de moins en moins de Français la considèrent effectivement comme d’extrême droite. Les deux tiers des électeurs de « Reconquête », le parti d’Éric Zemmour, la voient comme une personne « de droite », 30% de l’extrême-gauche trotskyste la voient comme « de gauche » ou « d’extrême-gauche », et à peine plus de la moitié des électeurs LFI pensent qu’elle est en effet d’extrême-droite, ceci malgré l’intense propagande des équipes de Mélenchon visant à la rediaboliser. Au sein de l’électorat RN, ils ne sont que 29% à le penser, contre 46% qui voient en elle une femme « de droite ».


Fondation pour l’innovation politique – septembre 2022

Étonnamment, l’électorat qui reste le plus opposé au RN n’est donc pas à chercher du côté de la LFI, mais bien de « Renaissance ». 81% des électeurs du parti présidentiel estiment que Marine Le Pen est d’extrême-droite, et ils pensent pour 58% d’entre eux que l’arrivée de 89 députés de son parti au Palais Bourbon est une mauvaise chose. De quoi mettre du plomb dans l’aile de la gauche française, qui tente depuis trois mois de faire croire à une connivence entre la majorité et le parti à la flamme… Une fois l’étude de la Fondapol refermée, une question demeure cependant en suspens : est-ce que le terme « extrême-droite » est aussi négativement connoté qu’auparavant dans l’opinion ?


Preuve ultime de la dédiabolisation de Marine Le Pen, sur l’ensemble de l’échantillon de l’étude de la Fondapol, la députée de la 11e circonscription du Pas-de-Calais recueille 36% d’opinions favorables, alors que Jean-Luc Mélenchon est à 28% d’opinions favorables, et Emmanuel Macron 31% d’opinions favorables. Oui : des trois principales personnalités de notre vie politique, c’est donc désormais Marine Le Pen qui est la plus appréciée et la moins rejetée !

La France majoritairement à droite?

La conclusion majeure du travail de la Fondapol telle qu’elle a été reprise dans les médias mainstream est donc la suivante : de plus en plus de Français seraient de droite.

Problème : certaines questions posées sont un peu biaisées. Le think tank de Dominique Reynié a en effet considéré d’entrée de jeu que les idées libérales, portées aujourd’hui par le centre et la droite LR sont la droite. Il ne s’agit pas ici pour nous de résoudre la pluriséculaire question de ce que sont la droite et la gauche, mais tout de même de rappeler que les valeurs de la droite ne sont pas forcément celles défendues dans l’étude. « Plus de libertés pour les entreprises », « réduire les dépenses publiques », « les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment » : ces propositions sont évidemment plus la caractéristique du libéralisme que d’une droite conservatrice ou réactionnaire ! L’affirmation « la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays », incontestablement de droite, elle, est sans surprise celle qui affiche le plus grand écart entre les centristes ayant voté Macron et les électeurs de droite (50% de oui pour les premiers contre 79% pour les seconds).


Fondation pour l’innovation politique – septembre 2022

Une France de plus en plus à droite ? Pour en être absolument certain, il faudrait peut-être aussi interroger les Français sur les questions de bioéthique, sur l’importance accordée à l’identité française ou à l’héritage… Seule certitude, si les Français penchent de plus en plus à droite, ils considèrent surtout de plus en plus Marine Le Pen comme une option envisageable.

J’en ai assez de Proust…

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Le Proust de la semaine 


« Toute vie profonde a une façon incompréhensible de toucher au réel que l’explication défigure. » Mot que je cite souvent, d’André Beucler dans La Ville anonyme (Gallimard). Donc ? Pas de Proust, le mot. Je précise cela parce que, à rebours de ce siècle de 22 ans qui semble résumer le XXème à trois ou quatre écrivains (Proust, Céline, Beckett, Artaud, par exemple, ou Genet), je ne veux pas oublier. Tel mot de Beucler (donc), tel autre d’Henri Thomas, tel autre d’Armand Robin, ont joué un rôle aussi important dans certaines vies que tel mot de Proust ou tel mot de Céline ou de Beckett. Et la littérature, qui est bien une affaire de mots, sert à cela d’abord : transcrire, traduire ; faire office – comme tant de mots de Stendhal, de Drieu, de Botho Strauss ou de Fitzgerald, de Chardonne, de Gary ou d’Aragon – de béquilles pour le lecteur boiteux, par nature (il suffit de naître pour boiter, c’est à cela que l’on reconnaît qu’on est vivant).

Bref, il y a une incompatibilité viscérale entre les aventuriers, à l’affût de l’expression de chaque sensibilité artistique, persuadés que chacune recèle un secret à… déceler ; et les spécialistes, qui passent leur vie à creuser le même sillon, bien balisé (100 ans pour Proust !) : zéro aventure, zéro risque, les bourgeois de la littérature ne sortent jamais des sentiers battus… et rebattus. Paresse, panurgisme et incuriosité les définissent. Ils ne découvrent, donc, par le fait, jamais rien. Ils entérinent, inspecteurs des travaux finis – la belle affaire, le beau mérite ! On les plaint. Lire est une aventure : trop l’oublient ou le négligent, réfugiés dans un confort qui leur ressemble – informe.

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Donc, évidemment, de quoi vais-je parler aujourd’hui ? De Proust. Drôle, non ? J’ai, de fait et par exception, choisi de ne pas ignorer le délicieux abécédaire que Dominique Defer (auteur d’une thèse sur « Proust et l’architecture initiatique », chez Champion) consacre aux « plaisirs dans A la recherche du temps perdu ». Parce que je revendique, comme Baudelaire, « le droit de (me) contredire ». Parce que ce petit livre est publié par une maison très valeureuse – et trop méconnue : les éditions Le Murmure, emmenées par deux « aventuriers », David Demartis et Jérôme Martin (que je ne connais pas – mais qui font un travail épatant, et de fond). Parce que si les plaisirs évoqués nous rappellent parfois ceux distingués par l’ami Michel Erman dans ses Bottins, ils les complètent plus qu’ils ne les répètent. Donc, oui, vous pouvez vous précipiter – exceptionnellement – sur le Proust de la semaine : il est frais et rafraichissant. Une soixantaine de plaisirs – répartis selon les sens, l’esprit, la fortune, le cœur, la société, le mal, le langage – fabriquent un vade-mecum aérien, érudit, buissonnier et inspiré qui, bien sûr, nous reconduit à la Recherche, un des livres importants du XXème siècle. Voilà – et maintenant, comme Baudelaire toujours, je revendique « le droit de (m’) en aller ». Bonne lecture.

Les Plaisirs dans « A la Recherche du temps perdu », de Dominique Defer, Le Murmure, 152 p.

Dictionnaire des plaisirs dans A la recherche du temps perdu

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Grabuge au Touquet

Qui est Marc Rebillet, le musicien qui a insulté Emmanuel Macron dans un festival? Et surtout, pourquoi le président de la République s’était-il déplacé pour écouter un artiste si «disruptif» ?


Marc Rebillet est un artiste franco-américain qui s’est fait connaître à la faveur du confinement, durant lequel il postait sur Facebook ou Reddit d’impressionnantes improvisations musicales, allant de la funk la plus jouissive au hip-hop ou à la house héroï-comique. En solo, muni d’un bon vieux looper, d’un clavier, de quelques percussions, d’une voix authentique et parfaitement placée, d’un sens musical aigu et plein d’humour, il a ravi d’abord quelques fans avant de gagner de manière fulgurante un succès mondial qui l’a mené des bars de Dallas aux plus grandes scènes des Etats Unis et d’Europe.

Obscénité joyeuse et débridée

Ses performances ont quelque chose de la transe : il suffit de le voir le dimanche matin derrière ses instruments et sa caméra, en peignoir rose ou jaune à fleurs, kitsch à souhait, tournoyer la tête dans une insolente fureur groovy, jouer et danser dans la plus exaltante liberté pour le comprendre. Maîtrise instrumentale, inventivité, licence totale et sens du Kairos, du bon moment, c’est ce qu’exige l’art de l’improvisation théâtrale et musicale, et Marc Rebillet y excelle. Pour ce qui est des paroles, on est plus près de certaines pages de Rabelais que des sonnets de Ronsard ou de du Bellay. Ce n’est pas par le sublime, la profondeur ou la délicatesse de sa poésie qu’il a conquis les foules : il verse franchement dans l’obscénité joyeuse et débridée. Bien sûr, on aime ou on n’aime pas, mais le talent de Marc Rebillet reste, indéniablement, extraordinaire.

Cet été, il a été invité à se produire au festival « Touquet Music Beach » (en français dans le texte). Las, au cours de son set, l’artiste a copieusement insulté Emmanuel Macron – à la plus grande joie du public semble-t-il, qui a repris ses paroles en chœur.

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Les organisateurs du festival jouent maintenant les vierges offusquées. Mais ne savaient-ils pas qui ils invitaient ? Marc Rebillet est une manière de génie populaire incontrôlable, un électron absolument libre qui ne recule devant rien, et il ne faut pas deux minutes pour s’en rendre compte. On veut se donner le frisson de la provocation, de la plus folle insolence, de la grossièreté la plus obscène, mais à la condition expresse que tout cela reste entre bons progressistes, et tout dérapage à cet égard devient une impardonnable faute. Fuck Donald Trump, c’est bien, Macron enc…, ça craint. Ces pudeurs indignées viennent toutefois un peu à contretemps. C’est un peu comme si, prenant votre billet pour une corrida, vous poussiez des cris d’orfraie en sortant des arènes parce que le toréador a trucidé l’animal ; comme si, ayant invité des adeptes du culte Vaudou dans votre salon, vous alliez ensuite vous plaindre partout que du sang de poulet a éclaboussé votre tapis persan. Mais les courtisans ne craignent pas d’ajouter le ridicule à la bêtise, et la mesquinerie ne les effraie pas davantage, puisque les organisateurs du festival réclament maintenant à l’artiste de rembourser son cachet.

Qu’est-ce que le président de la République faisait là ?

Marc Rebillet, fidèle à lui-même, semble répondre à tout ce foin dans sa veine habituelle, avec panache et sens insolent du grotesque. Quant au positionnement politique de l’artiste dans cette affaire, s’il y en a un, nous en laisserons l’appréciation à chacun puisque nous sommes en démocratie. Après tout, autre temps autres mœurs, Beethoven croisant la famille impériale à Teplitz et renfonçant son chapeau avant de tourner les talons n’a-t-il pas été immortalisé dans un tableau de Carl Rohling ? Le geste est certes moins vert, mais guère plus poli.

Justement, la présence du couple Macron au festival « Touquet Music Beach » a compliqué quelque peu l’affaire : il est bien possible que, si Brigitte et Emmanuel ne s’étaient pas trouvés là, le crime de lèse-majesté présidentielle aurait fait couler moins d’encre, et peut-être même aurait-il été pieusement occulté. Mais la vraie question est la suivante : qu’est-ce que le président de la République française fichait là ?

Cet été, on a pu voir Emmanuel Macron parmi des chanteurs corses, coiffé d’un béret traditionnel, feindre béatement de marmonner des paroles qu’il ignorait visiblement ; on l’a vu jouer au tennis en fauteuil roulant ; il faut bien que le président s’amuse un peu. Sans doute trouve-t-il dans ces activités ludiques le repos du guerrier ukrainien, ou bien l’inspiration du bourreau économique. On l’a vu plus récemment ouvrir joyeusement les bras à toute une foule qui faisait retentir les rues d’Oran de slogans peu amènes vis-à-vis de la France, un peu comme Don Salluste dans la scène d’ouverture de « La Folie des grandeurs » ; à cela près que le personnage incarné par Louis de Funès finit tout de même par se rendre compte que non, on ne l’acclamait pas. On se souvient par ailleurs que Macron fit des galipettes sur un tapis élyséen en compagnie de deux youtubers particulièrement distingués ; qu’il se laissa photographier, hilare, enlacé par deux repris de justice au torse nu et luisant, tandis que l’un levait fièrement son majeur, en un geste symbolique parfaitement synonyme des injures proférées sur scène par Marc Rebillet avec un art satirique nettement plus consommé dans son cas.

L’artiste franco-américain, en réalité, n’a fait que ce qu’on attend de lui, dans sa veine musicale déchaînée, bouffonne et spectaculaire ; mais Emmanuel Macron fait-il ce qu’on attend d’un président de la République française ? Regarde-t-il où il met les pieds, avant que sa cour ne gémisse des atteintes à la dignité présidentielle ?

Gérald Darmanin VS Hassan Iquioussen: on fait la guerre avec l’armée qu’on a

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Si Gérald Darmanin est critiquable et si Mediapart a révélé qu’il avait partagé en 2014 un repas avec l’islamiste fugitif, il est l’un des seuls au gouvernement qui se donne les moyens d’agir sur la question du séparatisme.


Le Conseil d’Etat a confirmé mardi 30 août la légalité de l’expulsion d’Hassan Iquioussen, prédicateur islamiste très en vue et affairiste peu scrupuleux. Mais celle-ci devra encore attendre pour être exécutée : l’imam est en fuite.

On se demande bien comment fonctionne le ministère de l’Intérieur au vu de ce énième raté. La fuite de l’imam était aussi attendue qu’annoncée. Le fait qu’elle ait été prévue par tous, sauf par les principaux intéressés, laisse assez dubitatif… mais confirme l’impression de manque de professionnalisme qu’a donné la mise en scène de ladite expulsion, alors même que sa nécessité était réelle.

Sur le fond, l’expulsion est parfaitement légitime. Hassan Iquioussen ne masque pas son appartenance à l’islam politique ni sa proximité avec les islamistes. Prédicateur star de Musulmans de France, ex-UOIF, il n’a jamais caché sa volonté de structurer un vote communautaire musulman et de réislamiser les jeunes musulmans en les mettant en opposition avec la civilité, les mœurs et les lois françaises. Pour cela il utilise un discours victimaire et falsificateur, mettant en scène une supposée persécution qui justifie la haine et le rejet des valeurs occidentales et des principes démocratiques et républicains. Il nourrit la logique séparatiste et communautariste qui structure l’idéologie des Frères musulmans et en diffuse tous les fondamentaux : appel à la haine des apostats de l’islam, des « mécréants », revendication d’un antisémitisme virulent, infériorisation de la femme et refus de lui accorder l’égalité, légitimation des attentats-suicide… Or ce travail d’ensemencement des esprits donne des fruits.

Le discours d’Iquioussen s’adresse-t-il à une si « infime » minorité ?

La réussite de la stratégie des islamistes en matière de radicalisation de la jeunesse a été mesurée à différentes reprises, et à chaque fois un différentiel énorme séparait les jeunes musulmans des autres jeunes croyants, témoignant de leur rupture avec la culture française. En 2016, une étude de l’Ined montrait que 85% des musulmans âgés de 17 à 25 ans déclaraient que la religion jouait un rôle important dans leur vie, ils n’étaient que 22% chez les catholiques. En 2021 selon l’IFOP, 65% des lycéens musulmans estimaient que les normes et règles édictées par la religion étaient plus importantes que les lois de la République, ils n’étaient que 33% chez les jeunes catholiques. Dans un sondage IFOP de 2020, on peut constater que 66% des musulmans sont opposés au droit des enseignants de montrer des caricatures (alors que l’enquête est menée juste après l’assassinat de Samuel Paty), c’est exactement l’inverse de ce que l’on constate dans le reste de la population française qui soutient ce droit à 75%, voire à 80% chez les catholiques. Le travail de radicalisation religieuse et la construction d’une identité communautaire séparatiste a été bien mené, et l’idéal séparatiste que prône les Frères musulmans est une réalité dans notre pays. Un autre chiffre le démontre : lors des présidentielles, un appel au vote Mélenchon a été relayé par tout un réseau de mosquées et par des relais d’opinion appartenant tous à la sphère islamiste (CCIE, Les frères Tariq et Hani Ramadan, Vincent Souleymane, Sihame Assbague, Feiza Ben Mohamed…). Le principal argument déployé pour obtenir ce résultat : l’éternel victimisation et l’accusation d’ « islamophobie » d’Etat à travers une charge violente contre la loi séparatisme.

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Résultat, un vote communautariste massif : 69% des électeurs musulmans ont voté Jean-Luc Mélenchon, suite à une campagne dont les éléments de langage et les représentations concernant la communauté musulmane ont été empruntés à la logorrhée islamiste. Certes ce n’est pas pour rien si le clientélisme électoral à gauche s’est concentré sur le vote musulman depuis la fameuse note Terra Nova de 2012, l’existence d’un vote communautaire ne date pas d’hier. Ce qui s’est accentué c’est qu’aujourd’hui ce sont les islamistes qui le détiennent, comme ce sont leurs revendications et leur vision du monde qui le structurent. Une telle influence représente un poids électoral non négligeable et explique la complaisance d’une partie de la gauche à l’égard de l’islamisme. L’influence électorale de cette dernière étant en chute libre, elle ne se maintient sur certains territoires que grâce à ce vote. La droite l’ayant remarquée, elle a eu tendance à verser dans le même clientélisme en banlieue.

Clientélisme caricatural mais efficace

Cela aussi Hassan Iquioussen l’avait fort bien compris. Dans une vidéo datant de 2014, il explique la méthode pour placer ses pions dans les collectivités locales. Sa rhétorique est basique, mais en tant qu’ancienne élue, je peux assurer qu’elle est opérationnelle. Selon l’imam, il suffit d’aller voir le maire et de dire : « La dernière fois vous avez gagné avec 50 voix, je vous en offre 853 (ce sont les voix des fidèles de la mosquée qu’il compte ainsi.) Il fait quoi le Maire, il fait des génuflexions et des prosternations ». Caricatural ? Peut-être, mais c’est un discours efficace et qui fonctionne sur des territoires où parfois seuls 40% de la population se rend aux urnes et où les élections se jouent avec un différentiel de quelques centaines de voix. Peu importe que l’influenceur ait au moment du deal la réalité de ces voix entre ses mains. S’il est vu comme puissant et comme ayant le lien avec l’autorité politique, il gagnera en influence en devenant un intermédiaire communautaire. L’entrisme permet de renforcer l’emprise communautaire grâce aux alliances forgées à l’extérieur.

L’influence du prédicateur Iquioussen, son aura sur les réseaux sociaux, sa proximité avec les Frères musulmans et la nature de son discours justifient une expulsion pour trouble à l’ordre public. Encore faut-il instruire correctement le dossier. Or la lecture de la décision du Conseil d’Etat (CE) interroge sur la qualité des services juridiques du ministère, leur méconnaissance de la sphère islamiste et leur capacité à écouter des prêches en français comme en arabe pour nourrir un argumentaire. Le point 7 de la décision du CE est particulièrement dévastateur pour le ministère : « si le ministre retient, dans la décision d’expulsion attaquée, que M.B… aurait affiché publiquement sa sympathie avec Oussama Ben Laden et aurait remis en question la réalité des attentats terroristes revendiqués par l’organisation terroriste Daech, et de manière générale qu’il aurait encouragé son auditoire par un discours complotiste à répondre par la violence à toute atteinte considérée comme «islamophobe», qu’il rejetterait les lois de la République au-dessus desquelles il placerait la loi islamique et inviterait au séparatisme, il n’établit pas par les pièces produites dans le cadre de l’instance de référé le bien-fondé de telles affirmations. » C’est sur le discours de haine à l’égard des Juifs et ses harangues réitérés sur l’infériorité des femmes que se fonde la décision d’expulsion. On constate aussi que si ses enfants avaient été mineurs, l’expulsion n’aurait pas été validée. La place excessive du droit à la vie familiale au regard de la dangerosité pour l’ordre public d’un individu n’est pas réglée par cet arrêt.

Darmanin aurait fait appel à lui en 2014

Il n’en reste pas moins que l’on ne peut que se réjouir de l’expulsion de ce dangereux et influent personnage et saluer Gérald Darmanin pour sa détermination. Certes, l’enquête de Mediapart, montrant qu’en 2014 pour prendre Tourcoing le ministre avait sollicité sans vergogne le soutien de l’imam, ne le grandit pas. Mais que d’hypocrisie dans les cris d’orfraies poussés ! Gerald Darmanin n’aurait pas de conviction et serait un pur opportuniste. C’est probablement vrai, mais en politique les opportunistes sont souvent moins dangereux et font moins de dégâts que les puritains et les convaincus. L’essentiel chez un homme politique n’est pas la pureté et la sincérité, c’est sa capacité à choisir une ligne et à tendre vers ses objectifs tout en comprenant les attentes de sa population. La France n’est pas Tourcoing et Gérald Darmanin a compris que pour l’instant nul ne pouvait gagner la France s’il apparait comme dépendant d’un vote musulman piloté par les islamistes. Dans cette histoire, Gérald Darmanin fait le pari de l’après-Macron et il vaut mieux qu’il construise son image sur la lutte contre l’islamisme plutôt que sur la diffusion des mots d’ordre et éléments de langage de cette idéologie totalitaire, comme a choisi de le faire Jean-Luc Mélenchon.

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Pour l’instant qu’on le veuille ou non, Gérald Darmanin est un atout dans la lutte contre l’islamisme. Il n’en reste pas moins que pour changer la donne, celui-ci devra aussi s’attaquer à ce qui structure la progression de l’islam politique en France : le fait que les structures de formation d’imams (IESH de St Denis et de Château-Chinon) sont tenus par les islamistes canal Frères musulmans, que le lycée Averroes est aussi entre les mains des islamistes, qu’une partie des représentants religieux que l’on a tenté de faire passer pour modérés, comme Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux ont pris fait et cause pour Hassan Iquioussen quand ils n’avaient pas un mot pour l’attentat commis contre Salman Rushdie. De la même manière, il est nécessaire de systématiser le retrait des subventions comme des agréments des structures infiltrées (le cas de la Ligue des Droits de l’Homme ou de la ligue de l’enseignement se pose). Il est également nécessaire de s’attaquer au lobbying actif des islamistes auprès des instances européennes et de revoir notre droit. La question d’un droit à une vie privée et familiale placée au-dessus de tout n’est pas défendable dans un contexte où le séparatisme islamiste ne cesse de progresser. Pour autant, dans la vie, on part en guerre avec l’armée que l’on a. Et si Gérald Darmanin est critiquable, il est l’un des seuls au gouvernement qui se donne les moyens d’agir sur ces questions.

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Le grand tabou: la question du conflit de loyauté chez les très jeunes élèves musulmans


De rodéos urbains en effets d’annonce sur la lutte contre le décrochage scolaire, les informations sur la rupture entre certains groupes sociaux, majoritairement issus de l’immigration, et les valeurs de la République que l’école serait supposée transmettre, ne manquent pas. Malgré cela, un angle mort demeure : si les difficultés des adolescents sont volontiers analysées, les enfants dans leurs premières années de scolarité n’apparaissent jamais. Pourtant, c’est bel et bien durant le début de notre chemin de vie que le potentiel d’apprentissage est le plus grand. C’est en maternelle que se construisent les codes sociaux des relations extérieures au milieu familial. L’enfant est spontanément curieux, conçu pour apprendre et c’est dans ses premières années qu’il le fait le mieux. Il est donc légitime de s’interroger sur les conséquences d’un démarrage chaotique en tant qu’élève. La peur et parfois même le rejet par des parents de la porte vers le monde extérieur que constitue l’école ne seraient-ils pas les premières pierres de la muraille qui barrera, ensuite, le chemin de l’intégration ? Le conflit de loyauté précoce, fruit du décalage perçu par l’élève entre le monde de l’école et celui de la famille ne serait-il pas la graine des futures ronces ?

Des enfants et leurs mères aux tenues bigarrées devant une école élémentaire à Bordeaux en 2012 Photo: PIERRE ANDRIEU / AFP

Le difficile problème de la loyauté chez l’enfant

Tout d’abord, rappelons que la possibilité d’un conflit de loyauté chez l’enfant est une réalité. Une riche littérature experte existe sur celui naissant chez les enfants tiraillés entre leurs deux géniteurs. Eulàlia Anglada et Muriel Meynckens-Fourez, par exemple, expliquent que « l’expression de la souffrance et les troubles engendrés varient d’un enfant à un autre, et dépendent de facteurs multiples comme l’âge, la personnalité, le contexte familial, entre autres […] : crises d’angoisse, agitation, difficulté de concentration, peur de l’abandon réactivée s’extériorisant par des troubles du sommeil, […] sentiment de culpabilité, car, en assistant à la séparation de ses parents, l’enfant peut penser qu’il en est la cause ».

Le transfert de la notion de conflit de loyauté vers l’analyse du lien parents-enseignants va nourrir les recherches des années 2000-2010. Les approches du continent Nord-Américain, en réflexion sur la scolarisation de ses communautés, vont percoler dans les études portant sur les Réseaux d’Education Prioritaire. Il est aujourd’hui acté que certains blocages dans les apprentissages scolaires trouvent leur origine dans l’écart qui sépare les deux milieux de vie de l’enfant : l’école et la famille. De ces études vont découler, sous le quinquennat Hollande, les outils supposés résorber le gouffre séparant parfois ces deux univers. Il y aura la « mallette des parents » distribuée au Cours Préparatoire pour les aider à comprendre le fonctionnement et les attendus de l’école, les « cafés des parents » de Najat Vallaud-Belkacem dont le but est d’encourager leur présence « conviviale » à l’école et la scolarisation avant trois ans avec travail de la parentalité proposé dans les rares « classes passerelles ». Pour atteindre ces objectifs de communication apaisée et fructueuse, les enseignants doivent, depuis 2013, maîtriser la compétence explicite de « coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ». L’heure est à la coéducation.

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Tout devrait donc aller, peu à peu, pour le mieux : les constats sont faits, les solutions définies, les outils et actions mis en place. Pourtant, lorsque l’on y regarde de plus près et, surtout, lorsque l’on confronte la prose institutionnelle aux expériences des enseignants, un biais dans l’analyse de départ se fait jour : seul l’angle de la précarité économique et culturelle a été retenu. Ce ne serait que la « honte sociale », la crainte de trahir son milieu modeste en « s’élevant » qui induirait le conflit de loyauté. Ainsi, dans le dossier n°98 de l’Institut Français de l’Education, centre de recherche intégré à l’ENS Lyon, la typologie retenue fait apparaître quatre types de parents : les « indifférents » laissant la responsabilité intégrale de la scolarité à l’école, les « volontaires mais impuissants », « ceux qui ne savent pas comment faire » et les « familiers de l’éducation ». Mais où sont donc passés les « hostiles » et les « réfractaires » ? Ceux qui agressent les enseignants de maternelle sur le seuil de leur classe parce que leur enfant a parlé de l’accouplement des phasmes élevés en classe ? Ceux qui refusent que leur progéniture participe aux sorties scolaires au musée parce qu’il y a des statues nues ? Ceux qui dispensent du cycle piscine car le bassin est mixte ? Aucun « café des parents » ne viendra changer leur point de vue : la matrice de leurs valeurs est religieuse et identitaire, elle ne se conteste pas.

L’islam contre l’éducation

Le recul que m’offre une longue carrière d’enseignante qui s’achève comme remplaçante, me permet de mesurer l’aggravation du phénomène et d’en être un témoin direct, dans des lieux très différents. Prenons Sélim, élève de CE1 intelligent et vif, mais bloqué par son manque de maîtrise du français. Il est né en France, d’un père lui-même né en France, parfaitement francophone, et ayant fréquenté la même école que lui, dans une ville favorisée de la banlieue de Montpellier. L’entretien auquel j’assiste est calme et posé. Seul le père est venu. Après avoir parlé des talents de l’élève, la maîtresse titulaire conseille la lecture et la pratique du français pendant les vacances. La réponse est sans appel et saluera le départ en Turquie de la famille, du 1er juin au 30 septembre : « Certainement pas. Déjà, huit mois en France, c’est risqué pour sa culture turque ».

Toujours dans l’Hérault, dans une petite ville où la mixité sociale fait se côtoyer le monde rural, les néo-ruraux et la précarité, c’est Ahmed, 6 ans, qui explique à mon collègue avec assurance qu’il se trompe sur le cycle de l’eau : la pluie ne vient pas des nuages, c’est « Allah qui verse la pluie ». Cas isolés ? Cette année, dans cette même école, en maternelle, nous avons vu fleurir les cas de mutisme sélectif. Cinq classes, cinq cas, que des fillettes, toutes issues de l’immigration magrébine et de familles musulmanes pratiquantes ayant des rapports cordiaux avec l’équipe. Toutes s’expriment parfaitement avec leur maman sitôt le seuil de la classe passé mais n’ouvrent pas la bouche avec leurs camarades, pas plus qu’avec les maîtresses, et ce, parfois depuis trois ans.

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Lorsque je proposerai à l’une des mamans, au contact facile, de recevoir des camarades de sa fille de 4 ans chez elle, pour l’encourager à communiquer avec le monde extérieur, un refus souriant me sera opposé : « Ce n’est pas possible, je ne connais pas ces familles et de toute façon, ses cousines viennent jouer, ça suffit ». Seuls les petits garçons jouent dehors, en bas des immeubles ou à l’aire de jeu, sans réelles contraintes. Ils découvrent souvent la frustration à l’école maternelle, imposée, le plus souvent, par une femme, ce qui, là encore, n’est pas simple pour eux. Les fillettes restent à la maison, comme maman, cette éternelle mineure. Le repère est la cellule familiale, l’école est l’ouverture au monde, le risque de dilution dans une société dont les valeurs sont incompatibles avec celles de l’Islam rigoriste : femmes émancipées, sexualité libre, vérités scientifiques, risque de mariages hors de la communauté, bien des choses heurtent ses parents. L’épidémie de Covid a aggravé les choses en renforçant les liens forts (ceux de la famille et des amis très proches) au détriment des liens faibles avec la société. Le cas le plus sidérant demeure cependant celui de Fatima qui termine sa moyenne section sans parler ni comprendre le français. En équipe éducative, le directeur apprendra que ses deux frères aînés, issus d’une union précédente, parlent un français parfait mais que, pour elle et sa sœur, le père a préféré ne parler que le berbère. Je laisse au lecteur le soin de formuler leurs propres hypothèses sur les motivations d’un tel choix et les interdits explicites et implicites qui en découlent.

Dans un contexte de communautarisme accru, ces cas emblématiques ne sauraient être uniques. Ils sont la manifestation d’un écart incompressible entre les valeurs cultivées à la maison, transmises explicitement mais aussi implicitement par les usages, et celles de l’école républicaine. C’est cet écart de systèmes de valeurs et non simplement de conditions de vie qui fait que l’on ne peut espérer que de simples « rencontres informelles » suffisent à « dénouer les conflits de loyauté », selon l’expression de la Présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard dans son rapport du CESE en 2015 au sujet du mal-être à l’école causé par l’origine sociale précaire. Lutter contre le déterminisme social est une priorité absolue et l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire est un choix positif qui souligne le rôle que peut jouer une offre culturelle riche et des stimulations précoces. Néanmoins, pour les populations repliées sur une pratique rigoriste de la religion et communautarisées, la scolarisation à l’école républicaine fait naître, dès le plus jeune âge, un décalage entre ce que l’enfant vit et entend chez lui et à l’école. C’est ce décalage qui, déjà, il y a dix ans, m’avait fait demander à une jeune collègue issue de l’immigration turque, de parents illettrés, d’où lui venait sa capacité à « trouver l’ascenseur social » avec ses sœurs (l’une infirmière et l’autre sage-femme) : « Mes parents ne connaissaient rien à l’école, mais ils faisaient confiance et ils ne nous ont interdit aucun rêve ». La confiance et l’autorisation, tout est là. Sans elles, le lien affectif spontané qu’un élève noue dans ses premières années scolaires avec son enseignant lui fait courir le risque d’un conflit de loyauté de nature à entraver sa progression dans les savoirs. Ne pas formaliser cet écueil, l’analyser et armer les enseignants face à ces phénomènes est une erreur de nature à isoler une partie des générations futures dans l’échec scolaire. Ce ne serait, ceci dit, qu’un déni de plus.

(les prénoms ont été modifiés)

Irak: Chiites contre Chiites

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Le système politique irakien est sur le point de s’effondrer après des mois de conflit entre factions chiites rivales, et la violence de ces derniers jours fait craindre que le pays soit au bord de la guerre civile.  


Fin juillet, Moqtada al-Sadr, le puissant leader religieux à la tête du plus important courant de la société irakienne, a rassemblé des centaines de milliers de ses fidèles pour prendre d’assaut et occuper le parlement irakien. Cette action faisait suite à des semaines d’attaques verbales entre Sadr et ses rivaux du « Cadre de coordination chiite », un bloc de forces politiques chiites étroitement liées à l’Iran. Font partie du Cadre de coordination chiite l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki et la Force de mobilisation populaire (FMP), une organisation de milices dominée par des factions alignées sur l’Iran. 

Les opposants de Sadr passent à l’offensive

Après la victoire de Sadr aux élections législatives d’octobre 2021 et sa menace d’exclure la FMP du prochain gouvernement, le Cadre de coordination a lancé une campagne visant à saper l’alliance post-électorale négociée par Sadr pour servir de base à une future majorité nationale allant au-delà de la communauté chiite majoritaire (avec le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’éminent représentant arabe sunnite Mohammed al-Halbousi). Le Cadre de coordination n’a pas franchement fait dans la dentelle : ses dirigeants ont lancé des attaques à la roquette et au drone contre les Kurdes, encouragé la cooptation et la militarisation du système judiciaire et commandité une série d’assassinats de responsables sadristes. Cette campagne violente a évidemment déstabilisé et divisé la coalition dirigée par Sadr, et le gouvernement mis en place par ce dernier a fini par perdre la majorité au parlement et a été renversé.

Dos au mur, Sadr a lancé sa contre-offensive de fin juillet dans l’espoir de sortir de la crise actuelle en tant que force politique hégémonique en Irak, de négocier en position de force et de ressusciter son alliance politique. Cette stratégie comporte toutefois le risque de déclencher une guerre civile intra-chiite qui mettrait en péril l’équilibre du nouvel État irakien si péniblement acquis après la guerre de 2003 sur la base d’une hégémonie chiite. Or, c’est précisément ce principe de base de la politique irakienne qui est remis en cause avec l’incapacité des chiites de trouver un consensus.

Les insurrections se multiplient

Sadr a des divergences profondes et de longue date (envenimées par des animosités personnelles) avec les membres clés du Cadre de coordination, en particulier al-Maliki. L’ancien Premier ministre est responsable de l’opération militaire de 2008 qui a chassé les combattants et les partisans sadristes de Bassora et a contraint le religieux à s’exiler en Iran. Cette opération a entraîné la fragmentation du mouvement sadriste favorisant l’émergence d’organisations dissidentes (comme Asaïb Ahl al-Haq), qui se sont disputées l’influence au sein de la base de soutien traditionnelle des sadristes : les classes populaires chiites du quartier de Sadr City à Bagdad. Les tensions ont atteint un point d’ébullition et ont sans doute déclenché la décision de Sadr de mobiliser ses partisans pour prendre d’assaut le Parlement. Sadr est passé à l’action après la découverte d’enregistrements ayant fuité dans lesquels al-Maliki donne clairement pour consigne aux membres de sa tribu de se préparer à un conflit armé avec lui. Le 8 août, al-Maliki a rejeté la demande de Sadr de dissoudre officiellement le Parlement, déclarant dans un message télévisé que la législature ne pouvait être dissoute et qu’aucune élection ne pouvait être organisée tant que le corps actuel des représentants n’avait pas repris ses travaux, autrement dit avant que les Sadristes n’évacuent le Parlement. 

Ensuite, Sadr a subi un revers quand son appel à la Cour suprême – qu’il accuse d’être instrumentalisée par l’Iran allié de al-Maliki – a été rejeté. Il a alors encore fait monter les enchères en s’adressant directement à ses partisans, lançant un « appel final » invitant à des manifestations dans tout le pays. Cette semaine, ses partisans se sont mobilisés devant la Cour suprême, l’obligeant à fermer. 

Un conflit interne à l’Irak aux répercussions géopolitiques complexes

Cependant, le pire n’est pas forcément inévitable. Le PDK kurde, avec le soutien de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), a invité Sadr et le Cadre de coordination à Erbil pour des pourparlers en vue d’un accord de paix civile. Cette démarche s’inscrit dans un schéma historique où les Kurdes jouent les médiateurs dans des conflits au sein de la classe politique chiite. Autre solution possible : le Cadre de Coordination évalue actuellement la possibilité de dissoudre le Parlement et d’organiser de nouvelles élections. Enfin, on ne peut pas exclure une intervention du Grand Ayatollah Ali al-Sistani, le principal ecclésiastique du monde islamique chiite. Toutefois, Sistani est peut-être déjà arrivé à la conclusion que la crise a dépassé la capacité de Nadjaf (le centre du chiisme irakien) de changer le cours des événements… 

Sadr pourrait refuser tout compromis. La mobilisation et les actions de ses partisans cet été ont fait basculer la dynamique en faveur de son camp. L’ancien leader pourrait être tenté de profiter de l’occasion pour arracher la capitulation à ses adversaires plutôt que de leur donner un nouveau souffle en renvoyant le pays aux urnes et en donnant au Cadre de Coordination le temps de se mobiliser électoralement et politiquement. 

Par ailleurs, compte tenu des forces que Sadr a déchaînées, il n’a peut-être pas d’autre choix que d’aller jusqu’au bout de l’escalade pour aboutir à une épreuve de force, entre autres par les armes. Quant à Al-Maliki, sa marge de manœuvre face à l’Iran et au FMP, ses deux soutiens les plus cruciaux pour sa survie politique, n’est pas claire. Or, le raisonnement iranien dépasse évidemment le simple cadre irakien. Pour Téhéran, le maintien d’un pont aérien et terrestre vers la Syrie et le Liban sont des intérêts d’une importance primordiale et les Iraniens n’ont probablement pas décidé quelle configuration politique en Irak assurera le mieux l’atteinte de ces objectifs… De leur côté, les États du Golfe, soucieux de limiter l’influence iranienne, considèrent que Sadr et sa stratégie constituent la seule voie réaliste pour affaiblir les groupes alignés sur l’Iran et leurs tentatives de rétablir leur contrôle et leur autorité sur l’État irakien. Par ailleurs, le Conseil de coopération du Golfe a longtemps défendu Sadr comme le grand espoir arabe qui pourrait faire basculer l’équilibre des forces au détriment de l’Iran et de ses alliés en Irak. 

La stratégie politique de Sadr fondée sur une grande alliance avec les Kurdes et le bloc sunnite au Parlement dirigé par Khamis el Khanjar a largement atténué les craintes des pays de la région à l’idée d’une prise de pouvoir dictatoriale. Quant à la Turquie, la puissance sunnite montante, sa position reste ambiguë. Certains estiment qu’Erdogan tient particulièrement à ce que l’État irakien reste faible, car cela facilite sa stratégie de lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l’Irak.  

L’Irak, deuxième plus grand exportateur au sein de l’OPEP, n’a donc pas vraiment de bonnes solutions. Au pire, il est confronté à la perspective d’une nouvelle guerre civile qui pourrait plonger le pays dans une crise humanitaire, voire ressusciter Daech. Au mieux, les Irakiens peuvent espérer une guerre civile larvée, le temps que le prochain possible compromis tienne la route.

Emmanuel Macron ne peut pas changer

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Le président Macron au Touquet, 19 juin 2022 © Maxime Le Pihif/SIPA

La détestation singulière que suscite Emmanuel Macron semble le distinguer de ses prédécesseurs. Le président de la République ne peut briser ce nœud gordien: il s’emmène toujours avec lui… Analyse.


Encore Emmanuel Macron, me dira-t-on ! N’est-il pas assez présent pour qu’on éprouve le besoin d’en rajouter ? J’ose pourtant répondre qu’on le peut. Je ne serai jamais de ceux qui, pour contester un projet flou et des actions dont on sent de moins en moins la ligne directrice, l’élan réfléchi et structuré que le futur devrait inspirer, s’installent confortablement dans une posture d’hostilité et même de mépris : j’en connais. Je continue à penser qu’Emmanuel Macron a et est une personnalité intelligente (plus que cultivée), riche, ambiguë, contradictoire, avec des embardées successives, subtiles ou ostentatoires, et qu’il mérite qu’on s’attache à lui pour tenter au moins de dissiper certains mystères.

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Et d’abord celui-ci, fondamental : pourquoi ce président, même s’il a des soutiens – fidèles ou intéressés – suscite-t-il chez certains cette haine dont je persiste à récuser le caractère exclusivement politique ? Je ne méconnais pas ce que sa pratique peut avoir d’insupportable, tant dans sa manière d’être, dans le choix des personnes appelées à le servir, de ses ministres, des bénéficiaires parfois surprenants de son bon plaisir, que du fond de ses orientations marquées à la fois par un entêtement rigide et une souplesse tactique prête à tout.

Parce que c’est lui, parce que c’est nous

Il serait évidemment absurde, pour à tout prix le distinguer de ses prédécesseurs, de nier la part partisane et idéologique qui explique beaucoup des réactions de ses adversaires mais, à faire le compte, elle est bien moindre, dans la colère et le ressentiment qu’il engendre, que le poids d’impressions intimes, personnelles, indissociables de sa nature et de son être, détachées de ses comportements présidentiels. Comme si, avec lui, il convenait d’aller plus loin, plus profond dans l’analyse, en franchissant le mur séparant le privé et le public.

On a eu certes des présidents, et pas seulement Nicolas Sarkozy, chez lesquels le caractère, ses excès, ses imprévisibilités et ses équilibres, offraient une grille de lecture de leur politique. Mais il me semble que l’irritation que leurs actes pouvaient faire naître conservait, de justesse en certains cas, une ligne politique, une approche civique d’adhésion ou de détestation. Je songe à telle ou telle couverture médiatique, par exemple sur François Hollande ou toujours sur Nicolas Sarkozy : ce dernier, se questionnait la publication, est-il « un voyou » ? Aussi désobligeante et provocatrice que soit cette interpellation, elle faisait référence, largement entendue, à sa posture présidentielle.

Couverture de l’hebdomadaire Marianne, août 2010 D.R.

Pourquoi Emmanuel Macron sort-il de ce cadre, au point que je ne cesse de sonder tous ceux qui m’entourent pour qu’ils m’offrent une explication ? La plupart du temps ils demeurent coincés dans une sorte d’évidence : « Parce que c’est lui, parce que c’est nous ». Cette approche un peu courte démontre bien qu’avec lui, on est passé de la contradiction, de l’hostilité en quelque sorte ordinaire à une détestation extrême d’un tout autre registre et que ce sentiment d’exécration est posé tel un constat indiscutable mais jamais explicité.

La psychologie de notre président

Tentons une intrusion psychologique dans cet être dont je suis persuadé que rien ne lui déplaît davantage, au même titre que les considérations, critiques ou non, sur son couple. Il a pour vocation, lui seul, lui avec elle, de demeurer un bloc, une forteresse choisissant ce qui leur agrée, rejetant « la bave des crapauds ». Efforçons-nous d’ouvrir les verrous et de s’aventurer en territoire inconnu. S’il lisait ce billet – nulle présomption de ma part, je sais qu’il a tant à faire ! – il aurait en horreur ce que sa situation personnelle et politique m’inspire. De l’apitoiement non condescendant mais sincère. On lui demande de changer de politique : ce serait facile s’il y consentait. On exige de lui qu’il métamorphose sa nature : accepterait-il cette obligation qu’il ne pourrait pas la satisfaire. C’est le grand mystère à déchiffrer : il y a quelque chose en Emmanuel Macron qui empêche de le créditer de ses attitudes positives, de sa proximité recherchée comme une preuve permanente de sa simplicité, et des manifestations agréables, bienveillantes, d’écoute, de son caractère. Et c’est Emmanuel Macron lui-même !

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Même s’il feint de s’en désintéresser, je suis sûr qu’il est blessé par ce paradoxe. Plus il souhaite se rapprocher, plus on l’éloigne. Plus il prétend se comporter comme nous – au point de tomber parfois dans une familiarité surjouée -, plus il agrandit le hiatus, le gouffre entre lui et nous. Plus le contact est proche, plus la distance s’allonge. C’est profondément injuste et j’explique ainsi mon apologie. Il y a quelque chose de fatal et de pathétique dans cette impression que, cherchant à se défaire de lui, Emmanuel Macron pourtant ne s’oublie jamais. Que, tentant de se mettre à notre niveau, il ne parvient cependant pas à nous faire ignorer l’opinion qu’il a de lui-même, le crédit qu’il s’accorde et la certitude de sa supériorité éclatante à proportion qu’il s’efforce de la masquer. Trop présent à lui-même, il échoue à faire illusion sur la sortie de soi qu’une forme de populisme soyeux lui intime d’adopter. Toutes les entreprises de communication, toutes les tactiques du monde sont impuissantes à briser ce nœud gordien : il s’emmène toujours avec lui. Et la rançon est la suspicion ou, pire parfois, des envies abjectes d’insultes et de violence. Il y a dans ce processus vital qui l’accable quand au contraire il vise à nous détromper sur lui, une iniquité profonde qui ne pourrait pas être supprimée. Sauf à s’abolir soi-même. C’est le drame de ces personnalités tellement fortes qu’elles sont victimes d’une répudiation contre lesquelles elles ne peuvent rien. La charge négative qu’on leur oppose et qui ne tient qu’à elles est consubstantielle à leurs tréfonds. Elle est la clé de leurs victoires comme de leurs défaites.

L’homme Macron n’a cessé d’insupporter une majorité de citoyens, en même temps que l’homme politique avait ses ombres et ses lumières, ses partisans, ses inconditionnels et ses adversaires résolus. Ce dédoublement a donné une place infinie au premier et sans doute minimisé les résultats du second. Mais je pose cette question et c’est la raison pour laquelle je le défends : que pourrait-il donc faire contre lui-même ? Il ne changera pas et on ne le changera pas. Il y a des causes impossibles à gagner. On n’est plus dans la politique…

La France se dotera d’un LGBassadeur

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Après la polémique autour des propos de Madame Cayeux cet été, Elisabeth Borne a promis la prochaine nomination d’un « ambassadeur aux droits LGBT + » et annoncé la création d’un fonds de 3 millions d’euros pour financer de nouveaux centres LGBT.


Début août, Élisabeth Borne a fait savoir qu’un nouveau poste verra bientôt le jour. Un « ambassadeur aux droits LGBT + » sera nommé « avant la fin de l’année » et « trois millions d’euros » seront débloqués « pour créer dix nouveaux centres LGBT + », en plus des 35 existants. 

Cette annonce a été faite à l’occasion du quarantième anniversaire de l’abrogation des discriminations entre les relations hétérosexuelles et homosexuelles introduites dans le Code pénal par le régime de Vichy. Les relations homosexuelles étaient alors condamnées lorsque l’un des partenaires était mineur (21 ans en 1942, 18 ans lors de l’abrogation en 1982). Cet ambassadeur « coordonnera l’action du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour la protection contre les discriminations et la promotion des droits LGBT + et portera la voix de la France», a-t-elle indiqué.

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Le Premier ministre a également salué « le travail exemplaire des associations et des centres LGBT + ». On peut se demander s’il faut vraiment saluer le « travail exemplaire » de ceux qui veulent aussi abolir la notion de sexe biologique fondée sur le dimorphisme, masculin et féminin, au profit du concept fumeux d’identité de genre… Faut-il aussi saluer l’influence de leurs discours sur les enfants et adolescents, comme en témoigne le phénomène des « enfants trans », des bambins qui ne savent pas encore conjuguer le présent de l’indicatif mais qui, selon ces associations, se sont individuellement et librement aperçus que leur sexe ne correspondait pas à leur genre et qu’il fallait passer sur le billard pour en changer ?

« La bataille des mentalités n’est pas encore gagnée », a averti Madame Borne. 

Pourtant, vu le nombre d’associations, parfois subventionnées par l’État ou l’UE, d’ONG, de lobbyistes, d’universitaires, de grandes entreprises qui s’emploient à rééduquer les masses, on se demande bien ce qu’il leur faut encore pour gagner cette bataille. Un ambassadeur arc-en-ciel, vraiment ?

Kiev veut reprendre Kherson

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Un tournant dans la guerre?


L’offensive ukrainienne tant attendue pour reprendre la province de Kherson a débuté lundi, après des semaines de préparatifs et de rumeurs. Les Ukrainiens sont avares en commentaires et les fonctionnaires ont été priés de garder le silence, un signe important suggérant qu’il s’agit bien d’une opération d’envergure. Si l’initiative est sans doute importante, s’agit-il pour autant d’un tournant, comme l’espèrent l’Ukraine et ses alliés ? Trop tôt pour le dire.   

Sortir de l’impasse

Depuis fin juin et la prise par l’armée russe de Severodonetsk, le conflit s’est plus ou moins figé, sans initiatives opérationnelles importantes d’un côté comme de l’autre. Pour l’Ukraine, une guerre qui s’éternise est un piège mortel. L’économie nationale asphyxiée et les forces vives de la nation mobilisées, l’Ukraine a besoin d’une décision claire lui permettant de se lancer dans la reconstruction. Un conflit de haute intensité, un no man’s land géopolitique où les deux armées restent mobilisées, c’est une situation à laquelle la Russie pourrait faire face – pas l’Ukraine. Kiev est donc obligé d’ôter au gouvernement russe la volonté de continuer la guerre dans les années à venir, soit par des concessions importantes soit pas un succès sur le champ de bataille. L’offensive de Kherson est, en ce sens, un moyen de sortir de cette impasse stratégique et de montrer que le temps n’est pas du côté de la Russie.

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L’Ukraine a réussi à mettre en échec l’offensive russe sur Kiev et Kharkiv, d’abord, et ensuite, à stopper les avancées russes dans le Donbass à l’est. Mais libérer de nouveaux territoires repris à la Russie et sur une grande échelle est une toute autre entreprise. Et l’Ukraine n’a pas les moyens militaires pour mener une offensive massive, percer les lignes russes, pénétrer vers les arrières, menaçant les lignes de communication et détruisant dépôts et centres de commandement russes. Les premières semaines de l’offensive russe ont d’ailleurs été une parfaite illustration de la façon dont ce genre d’opérations peuvent se transformer rapidement en débâcles coûteux. Autre contrainte, la Russie n’a pas perdu les semaines de l’été et s’est lancée dans un effort de mobilisation. Des nouvelles unités ont été créées et équipées, et un nouveau corps d’armée, composé pour l’essentiel de volontaires, va être déployé bientôt. D’autres suivront et la Russie peut reprendre l’initiative. L’Etat-major ukrainien a donc décidé de lancer une opération visant l’écroulement de l’ennemi par asphyxie logistique plutôt que par le choc des armes et la supériorité numérique sur le front. Les Ukrainiens entendent faire la guerre un peu comme les porcs-épics font l’amour : lentement et avec beaucoup de précautions.

Des frappes de précision depuis des semaines

La grande idée est d’appuyer sur la faiblesse russe à Kherson : entre la ville et les bases-arrières russes en Crimée coulent le Dniepr et ses affluents. Or, l’approvisionnement de Kherson dépend essentiellement de quelques ponts. Le plan ukrainien consiste donc à les détruire et à diminuer les capacités de ces lignes de communication et grignoter les stocks russes existants de carburant et munitions. Dans cette logique, on peut dire qu’en effet, l’offensive ukrainienne a commencé il y a déjà plusieurs semaines par une série de frappes de précision contre les dépôts d’armes et les aérodromes russes, évènements devenus depuis quasi-quotidiens. L’Ukraine a également labouré les défenses aériennes russes en Crimée, peut-être pour ouvrir la voie à de nouvelles attaques et pour forcer la Russie à déplacer certains de ses systèmes de Kherson vers la péninsule occupée… Les récentes indications selon lesquelles la Russie a retiré une batterie S-300 de Syrie et l’a transférée dans un port près de la Crimée peuvent être un signe que ses défenses aériennes sont effectivement trop éparpillées.

Moral et logistique

Ainsi, bien que la Russie ait été en mesure d’accumuler des renforts dans le sud, les forces au nord et à l’ouest du Dniepr ont un problème de ravitaillement. Et depuis le lancement des offensives ukrainiennes lundi dernier, la consommation russe augmente et avec elle son déficit logistique. Les premiers jours de la nouvelle offensive mettront à l’épreuve la cohésion et le moral des forces russes non seulement face au feu ukrainien mais aussi face à leur problème de réapprovisionnement en munitions, carburants, eau potable et enfin nourriture et médicaments.

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Les prochains jours et semaines de l’opération permettront de voir si le pari ukrainien est gagnant, si l’intendance russe arrive à suivre et si les dégâts causés par l’élargissement des frappes de précision ukrainiennes ont des conséquences stratégiques. Lorsque les lignes d’approvisionnement s’effondrent, les lignes défensives ont tendance à suivre. Ces deux facteurs principaux, le moral et la logistique, sont les deux éléments clés invisibles qui peuvent faire de l’offensive de Kherson un succès ou une défaite, et permettre à l’Ukraine de prendre l’initiative. Néanmoins, même si les Ukrainiens réussissent à prendre Kherson, la question de la suite se posera. Kiev n’a pas les moyens de mettre le Dniepr derrière son armée et de poursuivre les Russes vers la Crimée.

Une victoire à Kherson serait très importante pour le moral des Ukrainiens et rassurerait leurs alliés, mais il est loin d’être sûr qu’elle obligerait Poutine à négocier un accord de paix acceptable pour les électeurs ukrainiens qui ne manqueraient pas d’être amenés à se prononcer lors d’un référendum ou de nouvelles élections.

Le jour où le compte parodique Twitter Sardine Ruisseau a dépassé le compte de la vraie députée Nupes

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La députée d'extrême gauche Sandrine Rousseau, 27 août 2022, Grenoble © ISA HARSIN/SIPA

Entretien avec le propriétaire du compte Twitter parodique que la gauche rêve de faire interdire…


Ce vendredi 26 août 2022, le compte parodique Twitter Sardine Ruisseau a dépassé le compte certifié de la députée écologiste Sandrine Rousseau (Nupes). Une première dans la foire aux gazouillis.

Le 24 août 2022, Sandrine Rousseau, députée Nupes, se réjouissait de la suspension du compte parodique Twitter Sardine Ruisseau, par ces mots : « Un an de cyberharcèlement prendrait-il fin ? #OuiLesTempsChangent » et remerciait ses soutiens pour les signalements systématiques.

On peut s’étonner que ce compte parodique suscite un tel rejet de la part de l’élue écologiste quand son existence et sa popularité lui offrent une notoriété certaine. En d’autres temps, avoir sa marionnette aux Guignols de l’info était vécu comme une consécration. À l’heure de la com’ 2.0, Sandrine Rousseau pourrait s’enorgueillir d’avoir un compte parodique à son nom ayant autant de succès. Il existe en effet beaucoup d’autres comptes parodiques Twitter de personnalités politiques qui n’obtiennent pas la même audience.

Sardine Ruisseau nous a accordé un entretien exclusif.


Causeur. Bonjour. Comment doit-on vous appeler ? Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Sardine Ruisseau. Mon nom est Sardine Ruisseau, compte humoristique sur Twitter qui tourne en dérision les délires du wokisme et qui parodie la femme politique Sandrine Rousseau.

Vous avez créé le compte parodique Sardine Ruisseau sur Twitter en septembre 2021. Pourquoi avoir choisi de parodier spécifiquement Sandrine Rousseau ?

J’avais l’intention de créer un compte parodique sur les délires du wokisme depuis un moment, un peu sur le même modèle que Titania McGrath. En septembre dernier, en l’espace de quelques jours j’ai entendu des propos complètement lunaires, émanant de membres de EELV : «Le fait d’avoir des terroristes en France permet de les surveiller» ou bien «le monde crève de trop de rationalité». Je me suis rendu compte que ces propos venaient de la même personne : Sandrine Rousseau. Je me suis dit alors : «Génial, je vais faire un compte parodique sur elle».

Mon humour doit sans doute taper juste pour susciter tant d’appels à la censure

Vous avez été classé dans le Top 5 des comptes à suivre par le journal  La Dépêche. Vous êtes dans la tendance Twitter de l’été. Vous attendiez-vous à ce succès ?

Je ne m’attendais pas à un tel succès et encore moins aussi rapidement. Moins d’un mois après la création de mon compte, le journal Le Point a publié un article comparant mes propos à ceux de Sandrine Rousseau. Mes tweets sont parfois repris sur des chaines d’info en continu. Près d’une quarantaine de députés me suivent. J’ai plus de 90 000 abonnés et mon compte génère 15M d’impressions par mois, c’est-à-dire que mes messages sont affichés 15 millions de fois par mois !

Sandrine Rousseau vous accuse de faire partie de « la fachosphère ». Vous reconnaissez-vous dans ce portrait ?

Je ne me reconnais pas dans cette appellation de « fachosphère » ou d’extrême droite. Je me rappelle qu’Hidalgo avait affirmé de son côté que l’extrême droite était derrière le hashtag #SaccageParis. C’était ridicule. Mes détracteurs font de même. Traiter quelqu’un de facho pour le discréditer et éviter ainsi tout débat, c’est une technique classique de la gauche. Mais cela ne fonctionne plus. Les termes de « facho » ou « extrême droite » sont dorénavant complètement galvaudés. La gauche ferait mieux de relire « L’enfant qui criait au loup ». Le jour où les fachos seront là, malheureusement plus personne ne les écoutera.

Alors, où vous situez-vous sur le spectre politique ?

Je suis plutôt un électron libre ! J’ai des idées qui couvrent l’ensemble de l’échiquier politique. Néanmoins, la gauche s’est tellement radicalisée dernièrement que mécaniquement je me trouve maintenant plutôt à droite sur l’échiquier politique. On a ressorti certains de mes vieux tweets qui pris au premier degré et hors contexte peuvent être considérés comme racistes, misogynes ou homophobes. Mais si je joue un soldat nazi dans un film, est-ce que je fais l’apologie du nazisme ? J’ai tweeté plusieurs fois qu’il fallait enseigner la tolérance aux fachos « à coup de batte de baseball », mais personne ne m’a traité d’antifa ou d’extrême gauche car cet humour-ci est toléré. J’ai traité Marine Le Pen de « sorcière à chats », Zemmour de « Gargamel sans talent » et je n’ai pas été tendre non plus avec Valérie Pécresse.

Tout cela a suscité très peu de réactions, car je pense aujourd’hui que la droite a plus d’humour que la gauche.

A lire aussi: Le barbecue? Un objet maudit pour Sandrine Rousseau!

Pour qui avez-vous voté aux dernières élections présidentielles ?

Je n’ai pas voté à la dernière élection présidentielle car j’ai déménagé et je ne me suis pas réinscrite sur les listes électorales à temps. Je ne suis pas marquée politiquement. Je suis avant tout très attachée à la liberté d’expression. J’estime qu’elle est actuellement en danger en France. Beaucoup de journalistes ont bloqué mon compte alors que je ne leur avais jamais adressé la parole. Un chroniqueur de Mediapart a consacré quinze minutes sur sa chaine Twitch pour parler de moi alors qu’il avait bloqué mon compte depuis plusieurs mois. Une journaliste a même regretté que mon compte n’ait pas été censuré. Je trouve plutôt inquiétant que des journalistes soient contre la liberté d’expression. Mon humour doit sans doute taper juste pour susciter tant d’appels à la censure.

Sandrine Rousseau déclare être victime de cyberharcèlement avec vos tweets. Que répondez-vous à cette accusation ?

Je récuse toute forme de cyberharcèlement de ma part. Je me moque de ses positions mais cela reste de la parodie et Sandrine Rousseau n’est pas la cible exclusive. Je tape sur tout le monde. La mention « parodie » était présente dès la création du compte. Bien que je ne partage pas ses idées, elle a un coté attendrissant et attachant. À vrai dire j’ai de la sympathie pour elle. Mes intentions premières étaient de faire rire en exagérant le trait sur le wokisme, mais nullement de blesser Sandrine Rousseau qui était juste un support. En tant que personnage politique, elle aurait du jouer le jeu. Au contraire elle m’a immédiatement bloqué et a cherché à faire censurer mon compte alors que ce dernier respecte les conditions d’utilisation de Twitter. Mais il faut avouer qu’elle est une grande comique malgré elle et qu’à de nombreuses reprises elle a suscité la raillerie avec des déclarations complètement surréalistes.

Pour quelles raisons avez-vous désactivé votre compte cet été ?

J’ai désactivé mon compte car un groupe de personnes cherchait des éléments dans mon historique en vue de me doxer (NDLR : rechercher et communiquer des informations personnelles sur une personne dans le but de nuire à cette personne). J’ai également reçu de nombreuses menaces de procès. Une sénatrice EELV a même dit que j’avais « des pratiques terribles pour notre démocratie ». Des journalistes ont dit que je pratiquais la désinformation. Est-ce que le Gorafi est aussi un outil de désinformation pour ces journalistes ? Toutefois, je dois dire que de nombreuses personnalités sont également venues à la rescousse. J’avais ouvert ce compte pour rire, mais j’étais devenu un sujet politique et la tournure des évènements n’était plus drôle.

Une fois la polémique passée, vous avez décidé de réactiver votre compte.

J’ai réactivé mon compte une fois que mon historique a été effacé et que les esprits s’étaient un peu calmés… J’ai estimé que pour la liberté d’expression je devais revenir car les censeurs ne doivent jamais gagner. Les menaces de procès étaient bien réelles car mon compte a été signalé auprès de la police française dès qu’il a été réactivé. Des membres d’EELV et de la Nupes ont également lancé une campagne de boycott à mon encontre. Cette campagne a été un désastre pour eux car mon compte a gagné près de 15 000 abonnés en quelques jours.

Une moustache est alors apparue sur la photo de profil. Que représente cette moustache ?

La moustache est apparue après la réactivation de mon compte. Je voulais apparaître incognito car j’étais recherchée par la police de la bien-pensance et du wokisme. C’était également une façon supplémentaire d’éviter la confusion avec Sandrine Rousseau.

Pour quelles raisons Twitter a suspendu votre compte ?

J’ai reçu une notification de Twitter qui indiquait que les forces de l’ordre française demandaient la suppression d’un tweet, 24 heures seulement après l’avoir posté. Le tweet en question représentait Ben Laden et Staline à côté de Sandrine Rousseau. C’était un détournement d’une photo où Sandrine Rousseau apparaissait à côté de Taha Bouhafs et Assa Traoré. On m’a expliqué que je ne risquais pas grand chose car un procureur verrait rapidement qu’il s’agit d’humour au deuxième degré. Ensuite, Twitter a suspendu le compte pour « infraction aux règles relatives aux conduites haineuses » pour le tweet : « À chaque taliban que nous accueillons en France, c’est une femme lapidée en moins en Afghanistan. Afin de protéger les femmes afghanes, nous devons accueillir les talibans en France ».

Après l’appel de la suspension, le compte parodique a été réactivé par Twitter. Le propriétaire du compte parodique souligne l’effet Streisand qui lui a fait gagné 40 000 abonnés en moins de vingt jours suite aux polémiques de l’été.

Comment définiriez-vous la parodie ?

Ma conception de la parodie est très proche de sa définition dans le dictionnaire. C’est la contrefaçon grotesque d’une œuvre ou d’une personne en vue de la tourner en dérision.

Pensez-vous que l’on puisse rire de tout ?

Je citerai Rabelais : le rire est le propre de l’homme. Ce qui me fait rire avant tout, ce sont les cris d’orfraie de la bien-pensance. Durant l’Ancien Régime, le clergé dictait la morale. Aujourd’hui un clergé 2.0 constitué par certains politiques, journalistes et universitaires nous explique ce que nous devons penser en matière de mœurs, d’humour ou de politique. Jadis le clergé nous excommuniait, aujourd’hui ce clergé 2.0 nous « cancel ». Les gens en ont marre de ces curés de la bien-pensance et de ces Torquemada de bac à sable. Je pense que la raison de mon succès est liée à un ras-le bol d’une partie de la population. Donc on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde ; et certainement pas avec les écoféministes qui pensent que le second degré est responsable du réchauffement climatique.

Le RN est de plus en plus populaire!

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De gauche à droite, Jordan Bardella, Marine Le Pen et Louis Aliot, Perpignan, 4 juillet 2021 © Alain ROBERT/SIPA

Jamais le RN de Marine Le Pen n’avait été si populaire. Dans une étude sur la « droitisation » de la société française que vient de publier la Fondapol, avec Opinionway, il apparaît que la candidate malheureuse à la présidentielle est parvenue à renforcer sa bonne réputation auprès de l’ensemble de l’électorat, tout en agrégeant autour d’elle une majorité du vote contestataire.


« Renaissance » et La France Insoumise ont du souci à se faire ! Un récent sondage de la Fondapol, publié le 29 août dans Le Figaro, révèle la popularité grandissante de Marine Le Pen et de ses idées, et confirme la place du RN comme premier parti protestataire en France. Seule l’alliance des partis de gauche au sein de la Nupes permet de faire illusion, et de contester ce rôle de premier opposant.

En vingt ans, le total des suffrages exprimés en faveur des candidats protestataires à l’élection présidentielle est passé de 29,6% le 21 avril 2002 à 55,6% le 10 avril 2022. Entre les législatives de 2017 et celles de 2022, la protestation a augmenté de dix points, preuve s’il en fallait de la poursuite de cette terrible descente aux enfers des deux grands partis traditionnels, PS et LR. Et si la contestation grimpe, c’est donc surtout au profit du RN, dont la stratégie de « normalisation » paie.


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En termes d’image, le RN est désormais le deuxième parti. 25% des Français interrogés indiquent ainsi avoir une image « plutôt positive » de ce parti, le RN étant devancé seulement par EELV et loin devant Les Républicains. Le RN conserve cependant une image beaucoup plus clivante que les autres partis : 49% des Français en ont une mauvaise opinion.

Marine Le Pen: une candidate comme les autres ?

On le sait, l’étiquette « extrême-droite » qu’on colle sur Marine Le Pen, et qu’elle a hérité de son père Jean-Marie, a longtemps nui à la popularité de la candidate du Rassemblement national. Pourtant, aujourd’hui, de moins en moins de Français la considèrent effectivement comme d’extrême droite. Les deux tiers des électeurs de « Reconquête », le parti d’Éric Zemmour, la voient comme une personne « de droite », 30% de l’extrême-gauche trotskyste la voient comme « de gauche » ou « d’extrême-gauche », et à peine plus de la moitié des électeurs LFI pensent qu’elle est en effet d’extrême-droite, ceci malgré l’intense propagande des équipes de Mélenchon visant à la rediaboliser. Au sein de l’électorat RN, ils ne sont que 29% à le penser, contre 46% qui voient en elle une femme « de droite ».


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Étonnamment, l’électorat qui reste le plus opposé au RN n’est donc pas à chercher du côté de la LFI, mais bien de « Renaissance ». 81% des électeurs du parti présidentiel estiment que Marine Le Pen est d’extrême-droite, et ils pensent pour 58% d’entre eux que l’arrivée de 89 députés de son parti au Palais Bourbon est une mauvaise chose. De quoi mettre du plomb dans l’aile de la gauche française, qui tente depuis trois mois de faire croire à une connivence entre la majorité et le parti à la flamme… Une fois l’étude de la Fondapol refermée, une question demeure cependant en suspens : est-ce que le terme « extrême-droite » est aussi négativement connoté qu’auparavant dans l’opinion ?


Preuve ultime de la dédiabolisation de Marine Le Pen, sur l’ensemble de l’échantillon de l’étude de la Fondapol, la députée de la 11e circonscription du Pas-de-Calais recueille 36% d’opinions favorables, alors que Jean-Luc Mélenchon est à 28% d’opinions favorables, et Emmanuel Macron 31% d’opinions favorables. Oui : des trois principales personnalités de notre vie politique, c’est donc désormais Marine Le Pen qui est la plus appréciée et la moins rejetée !

La France majoritairement à droite?

La conclusion majeure du travail de la Fondapol telle qu’elle a été reprise dans les médias mainstream est donc la suivante : de plus en plus de Français seraient de droite.

Problème : certaines questions posées sont un peu biaisées. Le think tank de Dominique Reynié a en effet considéré d’entrée de jeu que les idées libérales, portées aujourd’hui par le centre et la droite LR sont la droite. Il ne s’agit pas ici pour nous de résoudre la pluriséculaire question de ce que sont la droite et la gauche, mais tout de même de rappeler que les valeurs de la droite ne sont pas forcément celles défendues dans l’étude. « Plus de libertés pour les entreprises », « réduire les dépenses publiques », « les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment » : ces propositions sont évidemment plus la caractéristique du libéralisme que d’une droite conservatrice ou réactionnaire ! L’affirmation « la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays », incontestablement de droite, elle, est sans surprise celle qui affiche le plus grand écart entre les centristes ayant voté Macron et les électeurs de droite (50% de oui pour les premiers contre 79% pour les seconds).


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Une France de plus en plus à droite ? Pour en être absolument certain, il faudrait peut-être aussi interroger les Français sur les questions de bioéthique, sur l’importance accordée à l’identité française ou à l’héritage… Seule certitude, si les Français penchent de plus en plus à droite, ils considèrent surtout de plus en plus Marine Le Pen comme une option envisageable.

J’en ai assez de Proust…

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L'écrivain Marcel Proust (1871-1922). D.R.

Le Proust de la semaine 


« Toute vie profonde a une façon incompréhensible de toucher au réel que l’explication défigure. » Mot que je cite souvent, d’André Beucler dans La Ville anonyme (Gallimard). Donc ? Pas de Proust, le mot. Je précise cela parce que, à rebours de ce siècle de 22 ans qui semble résumer le XXème à trois ou quatre écrivains (Proust, Céline, Beckett, Artaud, par exemple, ou Genet), je ne veux pas oublier. Tel mot de Beucler (donc), tel autre d’Henri Thomas, tel autre d’Armand Robin, ont joué un rôle aussi important dans certaines vies que tel mot de Proust ou tel mot de Céline ou de Beckett. Et la littérature, qui est bien une affaire de mots, sert à cela d’abord : transcrire, traduire ; faire office – comme tant de mots de Stendhal, de Drieu, de Botho Strauss ou de Fitzgerald, de Chardonne, de Gary ou d’Aragon – de béquilles pour le lecteur boiteux, par nature (il suffit de naître pour boiter, c’est à cela que l’on reconnaît qu’on est vivant).

Bref, il y a une incompatibilité viscérale entre les aventuriers, à l’affût de l’expression de chaque sensibilité artistique, persuadés que chacune recèle un secret à… déceler ; et les spécialistes, qui passent leur vie à creuser le même sillon, bien balisé (100 ans pour Proust !) : zéro aventure, zéro risque, les bourgeois de la littérature ne sortent jamais des sentiers battus… et rebattus. Paresse, panurgisme et incuriosité les définissent. Ils ne découvrent, donc, par le fait, jamais rien. Ils entérinent, inspecteurs des travaux finis – la belle affaire, le beau mérite ! On les plaint. Lire est une aventure : trop l’oublient ou le négligent, réfugiés dans un confort qui leur ressemble – informe.

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Donc, évidemment, de quoi vais-je parler aujourd’hui ? De Proust. Drôle, non ? J’ai, de fait et par exception, choisi de ne pas ignorer le délicieux abécédaire que Dominique Defer (auteur d’une thèse sur « Proust et l’architecture initiatique », chez Champion) consacre aux « plaisirs dans A la recherche du temps perdu ». Parce que je revendique, comme Baudelaire, « le droit de (me) contredire ». Parce que ce petit livre est publié par une maison très valeureuse – et trop méconnue : les éditions Le Murmure, emmenées par deux « aventuriers », David Demartis et Jérôme Martin (que je ne connais pas – mais qui font un travail épatant, et de fond). Parce que si les plaisirs évoqués nous rappellent parfois ceux distingués par l’ami Michel Erman dans ses Bottins, ils les complètent plus qu’ils ne les répètent. Donc, oui, vous pouvez vous précipiter – exceptionnellement – sur le Proust de la semaine : il est frais et rafraichissant. Une soixantaine de plaisirs – répartis selon les sens, l’esprit, la fortune, le cœur, la société, le mal, le langage – fabriquent un vade-mecum aérien, érudit, buissonnier et inspiré qui, bien sûr, nous reconduit à la Recherche, un des livres importants du XXème siècle. Voilà – et maintenant, comme Baudelaire toujours, je revendique « le droit de (m’) en aller ». Bonne lecture.

Les Plaisirs dans « A la Recherche du temps perdu », de Dominique Defer, Le Murmure, 152 p.

Dictionnaire des plaisirs dans A la recherche du temps perdu

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Grabuge au Touquet

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Le chanteur Marc Rebillet lors d'un concert à Berlin le 30 juin 2022. © Action Press/Shutterstock/SIPA

Qui est Marc Rebillet, le musicien qui a insulté Emmanuel Macron dans un festival? Et surtout, pourquoi le président de la République s’était-il déplacé pour écouter un artiste si «disruptif» ?


Marc Rebillet est un artiste franco-américain qui s’est fait connaître à la faveur du confinement, durant lequel il postait sur Facebook ou Reddit d’impressionnantes improvisations musicales, allant de la funk la plus jouissive au hip-hop ou à la house héroï-comique. En solo, muni d’un bon vieux looper, d’un clavier, de quelques percussions, d’une voix authentique et parfaitement placée, d’un sens musical aigu et plein d’humour, il a ravi d’abord quelques fans avant de gagner de manière fulgurante un succès mondial qui l’a mené des bars de Dallas aux plus grandes scènes des Etats Unis et d’Europe.

Obscénité joyeuse et débridée

Ses performances ont quelque chose de la transe : il suffit de le voir le dimanche matin derrière ses instruments et sa caméra, en peignoir rose ou jaune à fleurs, kitsch à souhait, tournoyer la tête dans une insolente fureur groovy, jouer et danser dans la plus exaltante liberté pour le comprendre. Maîtrise instrumentale, inventivité, licence totale et sens du Kairos, du bon moment, c’est ce qu’exige l’art de l’improvisation théâtrale et musicale, et Marc Rebillet y excelle. Pour ce qui est des paroles, on est plus près de certaines pages de Rabelais que des sonnets de Ronsard ou de du Bellay. Ce n’est pas par le sublime, la profondeur ou la délicatesse de sa poésie qu’il a conquis les foules : il verse franchement dans l’obscénité joyeuse et débridée. Bien sûr, on aime ou on n’aime pas, mais le talent de Marc Rebillet reste, indéniablement, extraordinaire.

Cet été, il a été invité à se produire au festival « Touquet Music Beach » (en français dans le texte). Las, au cours de son set, l’artiste a copieusement insulté Emmanuel Macron – à la plus grande joie du public semble-t-il, qui a repris ses paroles en chœur.

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Les organisateurs du festival jouent maintenant les vierges offusquées. Mais ne savaient-ils pas qui ils invitaient ? Marc Rebillet est une manière de génie populaire incontrôlable, un électron absolument libre qui ne recule devant rien, et il ne faut pas deux minutes pour s’en rendre compte. On veut se donner le frisson de la provocation, de la plus folle insolence, de la grossièreté la plus obscène, mais à la condition expresse que tout cela reste entre bons progressistes, et tout dérapage à cet égard devient une impardonnable faute. Fuck Donald Trump, c’est bien, Macron enc…, ça craint. Ces pudeurs indignées viennent toutefois un peu à contretemps. C’est un peu comme si, prenant votre billet pour une corrida, vous poussiez des cris d’orfraie en sortant des arènes parce que le toréador a trucidé l’animal ; comme si, ayant invité des adeptes du culte Vaudou dans votre salon, vous alliez ensuite vous plaindre partout que du sang de poulet a éclaboussé votre tapis persan. Mais les courtisans ne craignent pas d’ajouter le ridicule à la bêtise, et la mesquinerie ne les effraie pas davantage, puisque les organisateurs du festival réclament maintenant à l’artiste de rembourser son cachet.

Qu’est-ce que le président de la République faisait là ?

Marc Rebillet, fidèle à lui-même, semble répondre à tout ce foin dans sa veine habituelle, avec panache et sens insolent du grotesque. Quant au positionnement politique de l’artiste dans cette affaire, s’il y en a un, nous en laisserons l’appréciation à chacun puisque nous sommes en démocratie. Après tout, autre temps autres mœurs, Beethoven croisant la famille impériale à Teplitz et renfonçant son chapeau avant de tourner les talons n’a-t-il pas été immortalisé dans un tableau de Carl Rohling ? Le geste est certes moins vert, mais guère plus poli.

Justement, la présence du couple Macron au festival « Touquet Music Beach » a compliqué quelque peu l’affaire : il est bien possible que, si Brigitte et Emmanuel ne s’étaient pas trouvés là, le crime de lèse-majesté présidentielle aurait fait couler moins d’encre, et peut-être même aurait-il été pieusement occulté. Mais la vraie question est la suivante : qu’est-ce que le président de la République française fichait là ?

Cet été, on a pu voir Emmanuel Macron parmi des chanteurs corses, coiffé d’un béret traditionnel, feindre béatement de marmonner des paroles qu’il ignorait visiblement ; on l’a vu jouer au tennis en fauteuil roulant ; il faut bien que le président s’amuse un peu. Sans doute trouve-t-il dans ces activités ludiques le repos du guerrier ukrainien, ou bien l’inspiration du bourreau économique. On l’a vu plus récemment ouvrir joyeusement les bras à toute une foule qui faisait retentir les rues d’Oran de slogans peu amènes vis-à-vis de la France, un peu comme Don Salluste dans la scène d’ouverture de « La Folie des grandeurs » ; à cela près que le personnage incarné par Louis de Funès finit tout de même par se rendre compte que non, on ne l’acclamait pas. On se souvient par ailleurs que Macron fit des galipettes sur un tapis élyséen en compagnie de deux youtubers particulièrement distingués ; qu’il se laissa photographier, hilare, enlacé par deux repris de justice au torse nu et luisant, tandis que l’un levait fièrement son majeur, en un geste symbolique parfaitement synonyme des injures proférées sur scène par Marc Rebillet avec un art satirique nettement plus consommé dans son cas.

L’artiste franco-américain, en réalité, n’a fait que ce qu’on attend de lui, dans sa veine musicale déchaînée, bouffonne et spectaculaire ; mais Emmanuel Macron fait-il ce qu’on attend d’un président de la République française ? Regarde-t-il où il met les pieds, avant que sa cour ne gémisse des atteintes à la dignité présidentielle ?

Gérald Darmanin VS Hassan Iquioussen: on fait la guerre avec l’armée qu’on a

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Gérald Darmanin et Hassan Iquioussen.

Si Gérald Darmanin est critiquable et si Mediapart a révélé qu’il avait partagé en 2014 un repas avec l’islamiste fugitif, il est l’un des seuls au gouvernement qui se donne les moyens d’agir sur la question du séparatisme.


Le Conseil d’Etat a confirmé mardi 30 août la légalité de l’expulsion d’Hassan Iquioussen, prédicateur islamiste très en vue et affairiste peu scrupuleux. Mais celle-ci devra encore attendre pour être exécutée : l’imam est en fuite.

On se demande bien comment fonctionne le ministère de l’Intérieur au vu de ce énième raté. La fuite de l’imam était aussi attendue qu’annoncée. Le fait qu’elle ait été prévue par tous, sauf par les principaux intéressés, laisse assez dubitatif… mais confirme l’impression de manque de professionnalisme qu’a donné la mise en scène de ladite expulsion, alors même que sa nécessité était réelle.

Sur le fond, l’expulsion est parfaitement légitime. Hassan Iquioussen ne masque pas son appartenance à l’islam politique ni sa proximité avec les islamistes. Prédicateur star de Musulmans de France, ex-UOIF, il n’a jamais caché sa volonté de structurer un vote communautaire musulman et de réislamiser les jeunes musulmans en les mettant en opposition avec la civilité, les mœurs et les lois françaises. Pour cela il utilise un discours victimaire et falsificateur, mettant en scène une supposée persécution qui justifie la haine et le rejet des valeurs occidentales et des principes démocratiques et républicains. Il nourrit la logique séparatiste et communautariste qui structure l’idéologie des Frères musulmans et en diffuse tous les fondamentaux : appel à la haine des apostats de l’islam, des « mécréants », revendication d’un antisémitisme virulent, infériorisation de la femme et refus de lui accorder l’égalité, légitimation des attentats-suicide… Or ce travail d’ensemencement des esprits donne des fruits.

Le discours d’Iquioussen s’adresse-t-il à une si « infime » minorité ?

La réussite de la stratégie des islamistes en matière de radicalisation de la jeunesse a été mesurée à différentes reprises, et à chaque fois un différentiel énorme séparait les jeunes musulmans des autres jeunes croyants, témoignant de leur rupture avec la culture française. En 2016, une étude de l’Ined montrait que 85% des musulmans âgés de 17 à 25 ans déclaraient que la religion jouait un rôle important dans leur vie, ils n’étaient que 22% chez les catholiques. En 2021 selon l’IFOP, 65% des lycéens musulmans estimaient que les normes et règles édictées par la religion étaient plus importantes que les lois de la République, ils n’étaient que 33% chez les jeunes catholiques. Dans un sondage IFOP de 2020, on peut constater que 66% des musulmans sont opposés au droit des enseignants de montrer des caricatures (alors que l’enquête est menée juste après l’assassinat de Samuel Paty), c’est exactement l’inverse de ce que l’on constate dans le reste de la population française qui soutient ce droit à 75%, voire à 80% chez les catholiques. Le travail de radicalisation religieuse et la construction d’une identité communautaire séparatiste a été bien mené, et l’idéal séparatiste que prône les Frères musulmans est une réalité dans notre pays. Un autre chiffre le démontre : lors des présidentielles, un appel au vote Mélenchon a été relayé par tout un réseau de mosquées et par des relais d’opinion appartenant tous à la sphère islamiste (CCIE, Les frères Tariq et Hani Ramadan, Vincent Souleymane, Sihame Assbague, Feiza Ben Mohamed…). Le principal argument déployé pour obtenir ce résultat : l’éternel victimisation et l’accusation d’ « islamophobie » d’Etat à travers une charge violente contre la loi séparatisme.

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Résultat, un vote communautariste massif : 69% des électeurs musulmans ont voté Jean-Luc Mélenchon, suite à une campagne dont les éléments de langage et les représentations concernant la communauté musulmane ont été empruntés à la logorrhée islamiste. Certes ce n’est pas pour rien si le clientélisme électoral à gauche s’est concentré sur le vote musulman depuis la fameuse note Terra Nova de 2012, l’existence d’un vote communautaire ne date pas d’hier. Ce qui s’est accentué c’est qu’aujourd’hui ce sont les islamistes qui le détiennent, comme ce sont leurs revendications et leur vision du monde qui le structurent. Une telle influence représente un poids électoral non négligeable et explique la complaisance d’une partie de la gauche à l’égard de l’islamisme. L’influence électorale de cette dernière étant en chute libre, elle ne se maintient sur certains territoires que grâce à ce vote. La droite l’ayant remarquée, elle a eu tendance à verser dans le même clientélisme en banlieue.

Clientélisme caricatural mais efficace

Cela aussi Hassan Iquioussen l’avait fort bien compris. Dans une vidéo datant de 2014, il explique la méthode pour placer ses pions dans les collectivités locales. Sa rhétorique est basique, mais en tant qu’ancienne élue, je peux assurer qu’elle est opérationnelle. Selon l’imam, il suffit d’aller voir le maire et de dire : « La dernière fois vous avez gagné avec 50 voix, je vous en offre 853 (ce sont les voix des fidèles de la mosquée qu’il compte ainsi.) Il fait quoi le Maire, il fait des génuflexions et des prosternations ». Caricatural ? Peut-être, mais c’est un discours efficace et qui fonctionne sur des territoires où parfois seuls 40% de la population se rend aux urnes et où les élections se jouent avec un différentiel de quelques centaines de voix. Peu importe que l’influenceur ait au moment du deal la réalité de ces voix entre ses mains. S’il est vu comme puissant et comme ayant le lien avec l’autorité politique, il gagnera en influence en devenant un intermédiaire communautaire. L’entrisme permet de renforcer l’emprise communautaire grâce aux alliances forgées à l’extérieur.

L’influence du prédicateur Iquioussen, son aura sur les réseaux sociaux, sa proximité avec les Frères musulmans et la nature de son discours justifient une expulsion pour trouble à l’ordre public. Encore faut-il instruire correctement le dossier. Or la lecture de la décision du Conseil d’Etat (CE) interroge sur la qualité des services juridiques du ministère, leur méconnaissance de la sphère islamiste et leur capacité à écouter des prêches en français comme en arabe pour nourrir un argumentaire. Le point 7 de la décision du CE est particulièrement dévastateur pour le ministère : « si le ministre retient, dans la décision d’expulsion attaquée, que M.B… aurait affiché publiquement sa sympathie avec Oussama Ben Laden et aurait remis en question la réalité des attentats terroristes revendiqués par l’organisation terroriste Daech, et de manière générale qu’il aurait encouragé son auditoire par un discours complotiste à répondre par la violence à toute atteinte considérée comme «islamophobe», qu’il rejetterait les lois de la République au-dessus desquelles il placerait la loi islamique et inviterait au séparatisme, il n’établit pas par les pièces produites dans le cadre de l’instance de référé le bien-fondé de telles affirmations. » C’est sur le discours de haine à l’égard des Juifs et ses harangues réitérés sur l’infériorité des femmes que se fonde la décision d’expulsion. On constate aussi que si ses enfants avaient été mineurs, l’expulsion n’aurait pas été validée. La place excessive du droit à la vie familiale au regard de la dangerosité pour l’ordre public d’un individu n’est pas réglée par cet arrêt.

Darmanin aurait fait appel à lui en 2014

Il n’en reste pas moins que l’on ne peut que se réjouir de l’expulsion de ce dangereux et influent personnage et saluer Gérald Darmanin pour sa détermination. Certes, l’enquête de Mediapart, montrant qu’en 2014 pour prendre Tourcoing le ministre avait sollicité sans vergogne le soutien de l’imam, ne le grandit pas. Mais que d’hypocrisie dans les cris d’orfraies poussés ! Gerald Darmanin n’aurait pas de conviction et serait un pur opportuniste. C’est probablement vrai, mais en politique les opportunistes sont souvent moins dangereux et font moins de dégâts que les puritains et les convaincus. L’essentiel chez un homme politique n’est pas la pureté et la sincérité, c’est sa capacité à choisir une ligne et à tendre vers ses objectifs tout en comprenant les attentes de sa population. La France n’est pas Tourcoing et Gérald Darmanin a compris que pour l’instant nul ne pouvait gagner la France s’il apparait comme dépendant d’un vote musulman piloté par les islamistes. Dans cette histoire, Gérald Darmanin fait le pari de l’après-Macron et il vaut mieux qu’il construise son image sur la lutte contre l’islamisme plutôt que sur la diffusion des mots d’ordre et éléments de langage de cette idéologie totalitaire, comme a choisi de le faire Jean-Luc Mélenchon.

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Pour l’instant qu’on le veuille ou non, Gérald Darmanin est un atout dans la lutte contre l’islamisme. Il n’en reste pas moins que pour changer la donne, celui-ci devra aussi s’attaquer à ce qui structure la progression de l’islam politique en France : le fait que les structures de formation d’imams (IESH de St Denis et de Château-Chinon) sont tenus par les islamistes canal Frères musulmans, que le lycée Averroes est aussi entre les mains des islamistes, qu’une partie des représentants religieux que l’on a tenté de faire passer pour modérés, comme Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux ont pris fait et cause pour Hassan Iquioussen quand ils n’avaient pas un mot pour l’attentat commis contre Salman Rushdie. De la même manière, il est nécessaire de systématiser le retrait des subventions comme des agréments des structures infiltrées (le cas de la Ligue des Droits de l’Homme ou de la ligue de l’enseignement se pose). Il est également nécessaire de s’attaquer au lobbying actif des islamistes auprès des instances européennes et de revoir notre droit. La question d’un droit à une vie privée et familiale placée au-dessus de tout n’est pas défendable dans un contexte où le séparatisme islamiste ne cesse de progresser. Pour autant, dans la vie, on part en guerre avec l’armée que l’on a. Et si Gérald Darmanin est critiquable, il est l’un des seuls au gouvernement qui se donne les moyens d’agir sur ces questions.

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Rentrée des classes dans un lycée du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), 1er septembre 2020. © Myriam Trier/Hans Lucas/AFP

Le grand tabou: la question du conflit de loyauté chez les très jeunes élèves musulmans


De rodéos urbains en effets d’annonce sur la lutte contre le décrochage scolaire, les informations sur la rupture entre certains groupes sociaux, majoritairement issus de l’immigration, et les valeurs de la République que l’école serait supposée transmettre, ne manquent pas. Malgré cela, un angle mort demeure : si les difficultés des adolescents sont volontiers analysées, les enfants dans leurs premières années de scolarité n’apparaissent jamais. Pourtant, c’est bel et bien durant le début de notre chemin de vie que le potentiel d’apprentissage est le plus grand. C’est en maternelle que se construisent les codes sociaux des relations extérieures au milieu familial. L’enfant est spontanément curieux, conçu pour apprendre et c’est dans ses premières années qu’il le fait le mieux. Il est donc légitime de s’interroger sur les conséquences d’un démarrage chaotique en tant qu’élève. La peur et parfois même le rejet par des parents de la porte vers le monde extérieur que constitue l’école ne seraient-ils pas les premières pierres de la muraille qui barrera, ensuite, le chemin de l’intégration ? Le conflit de loyauté précoce, fruit du décalage perçu par l’élève entre le monde de l’école et celui de la famille ne serait-il pas la graine des futures ronces ?

Des enfants et leurs mères aux tenues bigarrées devant une école élémentaire à Bordeaux en 2012 Photo: PIERRE ANDRIEU / AFP

Le difficile problème de la loyauté chez l’enfant

Tout d’abord, rappelons que la possibilité d’un conflit de loyauté chez l’enfant est une réalité. Une riche littérature experte existe sur celui naissant chez les enfants tiraillés entre leurs deux géniteurs. Eulàlia Anglada et Muriel Meynckens-Fourez, par exemple, expliquent que « l’expression de la souffrance et les troubles engendrés varient d’un enfant à un autre, et dépendent de facteurs multiples comme l’âge, la personnalité, le contexte familial, entre autres […] : crises d’angoisse, agitation, difficulté de concentration, peur de l’abandon réactivée s’extériorisant par des troubles du sommeil, […] sentiment de culpabilité, car, en assistant à la séparation de ses parents, l’enfant peut penser qu’il en est la cause ».

Le transfert de la notion de conflit de loyauté vers l’analyse du lien parents-enseignants va nourrir les recherches des années 2000-2010. Les approches du continent Nord-Américain, en réflexion sur la scolarisation de ses communautés, vont percoler dans les études portant sur les Réseaux d’Education Prioritaire. Il est aujourd’hui acté que certains blocages dans les apprentissages scolaires trouvent leur origine dans l’écart qui sépare les deux milieux de vie de l’enfant : l’école et la famille. De ces études vont découler, sous le quinquennat Hollande, les outils supposés résorber le gouffre séparant parfois ces deux univers. Il y aura la « mallette des parents » distribuée au Cours Préparatoire pour les aider à comprendre le fonctionnement et les attendus de l’école, les « cafés des parents » de Najat Vallaud-Belkacem dont le but est d’encourager leur présence « conviviale » à l’école et la scolarisation avant trois ans avec travail de la parentalité proposé dans les rares « classes passerelles ». Pour atteindre ces objectifs de communication apaisée et fructueuse, les enseignants doivent, depuis 2013, maîtriser la compétence explicite de « coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ». L’heure est à la coéducation.

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Tout devrait donc aller, peu à peu, pour le mieux : les constats sont faits, les solutions définies, les outils et actions mis en place. Pourtant, lorsque l’on y regarde de plus près et, surtout, lorsque l’on confronte la prose institutionnelle aux expériences des enseignants, un biais dans l’analyse de départ se fait jour : seul l’angle de la précarité économique et culturelle a été retenu. Ce ne serait que la « honte sociale », la crainte de trahir son milieu modeste en « s’élevant » qui induirait le conflit de loyauté. Ainsi, dans le dossier n°98 de l’Institut Français de l’Education, centre de recherche intégré à l’ENS Lyon, la typologie retenue fait apparaître quatre types de parents : les « indifférents » laissant la responsabilité intégrale de la scolarité à l’école, les « volontaires mais impuissants », « ceux qui ne savent pas comment faire » et les « familiers de l’éducation ». Mais où sont donc passés les « hostiles » et les « réfractaires » ? Ceux qui agressent les enseignants de maternelle sur le seuil de leur classe parce que leur enfant a parlé de l’accouplement des phasmes élevés en classe ? Ceux qui refusent que leur progéniture participe aux sorties scolaires au musée parce qu’il y a des statues nues ? Ceux qui dispensent du cycle piscine car le bassin est mixte ? Aucun « café des parents » ne viendra changer leur point de vue : la matrice de leurs valeurs est religieuse et identitaire, elle ne se conteste pas.

L’islam contre l’éducation

Le recul que m’offre une longue carrière d’enseignante qui s’achève comme remplaçante, me permet de mesurer l’aggravation du phénomène et d’en être un témoin direct, dans des lieux très différents. Prenons Sélim, élève de CE1 intelligent et vif, mais bloqué par son manque de maîtrise du français. Il est né en France, d’un père lui-même né en France, parfaitement francophone, et ayant fréquenté la même école que lui, dans une ville favorisée de la banlieue de Montpellier. L’entretien auquel j’assiste est calme et posé. Seul le père est venu. Après avoir parlé des talents de l’élève, la maîtresse titulaire conseille la lecture et la pratique du français pendant les vacances. La réponse est sans appel et saluera le départ en Turquie de la famille, du 1er juin au 30 septembre : « Certainement pas. Déjà, huit mois en France, c’est risqué pour sa culture turque ».

Toujours dans l’Hérault, dans une petite ville où la mixité sociale fait se côtoyer le monde rural, les néo-ruraux et la précarité, c’est Ahmed, 6 ans, qui explique à mon collègue avec assurance qu’il se trompe sur le cycle de l’eau : la pluie ne vient pas des nuages, c’est « Allah qui verse la pluie ». Cas isolés ? Cette année, dans cette même école, en maternelle, nous avons vu fleurir les cas de mutisme sélectif. Cinq classes, cinq cas, que des fillettes, toutes issues de l’immigration magrébine et de familles musulmanes pratiquantes ayant des rapports cordiaux avec l’équipe. Toutes s’expriment parfaitement avec leur maman sitôt le seuil de la classe passé mais n’ouvrent pas la bouche avec leurs camarades, pas plus qu’avec les maîtresses, et ce, parfois depuis trois ans.

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Lorsque je proposerai à l’une des mamans, au contact facile, de recevoir des camarades de sa fille de 4 ans chez elle, pour l’encourager à communiquer avec le monde extérieur, un refus souriant me sera opposé : « Ce n’est pas possible, je ne connais pas ces familles et de toute façon, ses cousines viennent jouer, ça suffit ». Seuls les petits garçons jouent dehors, en bas des immeubles ou à l’aire de jeu, sans réelles contraintes. Ils découvrent souvent la frustration à l’école maternelle, imposée, le plus souvent, par une femme, ce qui, là encore, n’est pas simple pour eux. Les fillettes restent à la maison, comme maman, cette éternelle mineure. Le repère est la cellule familiale, l’école est l’ouverture au monde, le risque de dilution dans une société dont les valeurs sont incompatibles avec celles de l’Islam rigoriste : femmes émancipées, sexualité libre, vérités scientifiques, risque de mariages hors de la communauté, bien des choses heurtent ses parents. L’épidémie de Covid a aggravé les choses en renforçant les liens forts (ceux de la famille et des amis très proches) au détriment des liens faibles avec la société. Le cas le plus sidérant demeure cependant celui de Fatima qui termine sa moyenne section sans parler ni comprendre le français. En équipe éducative, le directeur apprendra que ses deux frères aînés, issus d’une union précédente, parlent un français parfait mais que, pour elle et sa sœur, le père a préféré ne parler que le berbère. Je laisse au lecteur le soin de formuler leurs propres hypothèses sur les motivations d’un tel choix et les interdits explicites et implicites qui en découlent.

Dans un contexte de communautarisme accru, ces cas emblématiques ne sauraient être uniques. Ils sont la manifestation d’un écart incompressible entre les valeurs cultivées à la maison, transmises explicitement mais aussi implicitement par les usages, et celles de l’école républicaine. C’est cet écart de systèmes de valeurs et non simplement de conditions de vie qui fait que l’on ne peut espérer que de simples « rencontres informelles » suffisent à « dénouer les conflits de loyauté », selon l’expression de la Présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard dans son rapport du CESE en 2015 au sujet du mal-être à l’école causé par l’origine sociale précaire. Lutter contre le déterminisme social est une priorité absolue et l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire est un choix positif qui souligne le rôle que peut jouer une offre culturelle riche et des stimulations précoces. Néanmoins, pour les populations repliées sur une pratique rigoriste de la religion et communautarisées, la scolarisation à l’école républicaine fait naître, dès le plus jeune âge, un décalage entre ce que l’enfant vit et entend chez lui et à l’école. C’est ce décalage qui, déjà, il y a dix ans, m’avait fait demander à une jeune collègue issue de l’immigration turque, de parents illettrés, d’où lui venait sa capacité à « trouver l’ascenseur social » avec ses sœurs (l’une infirmière et l’autre sage-femme) : « Mes parents ne connaissaient rien à l’école, mais ils faisaient confiance et ils ne nous ont interdit aucun rêve ». La confiance et l’autorisation, tout est là. Sans elles, le lien affectif spontané qu’un élève noue dans ses premières années scolaires avec son enseignant lui fait courir le risque d’un conflit de loyauté de nature à entraver sa progression dans les savoirs. Ne pas formaliser cet écueil, l’analyser et armer les enseignants face à ces phénomènes est une erreur de nature à isoler une partie des générations futures dans l’échec scolaire. Ce ne serait, ceci dit, qu’un déni de plus.

(les prénoms ont été modifiés)

Irak: Chiites contre Chiites

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Des supporters de Al-Sadr menacent le palais du gouvernement à Bagdad, Irak, 29 août 2022 © Hadi Mizban/AP/SIPA

Le système politique irakien est sur le point de s’effondrer après des mois de conflit entre factions chiites rivales, et la violence de ces derniers jours fait craindre que le pays soit au bord de la guerre civile.  


Fin juillet, Moqtada al-Sadr, le puissant leader religieux à la tête du plus important courant de la société irakienne, a rassemblé des centaines de milliers de ses fidèles pour prendre d’assaut et occuper le parlement irakien. Cette action faisait suite à des semaines d’attaques verbales entre Sadr et ses rivaux du « Cadre de coordination chiite », un bloc de forces politiques chiites étroitement liées à l’Iran. Font partie du Cadre de coordination chiite l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki et la Force de mobilisation populaire (FMP), une organisation de milices dominée par des factions alignées sur l’Iran. 

Les opposants de Sadr passent à l’offensive

Après la victoire de Sadr aux élections législatives d’octobre 2021 et sa menace d’exclure la FMP du prochain gouvernement, le Cadre de coordination a lancé une campagne visant à saper l’alliance post-électorale négociée par Sadr pour servir de base à une future majorité nationale allant au-delà de la communauté chiite majoritaire (avec le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’éminent représentant arabe sunnite Mohammed al-Halbousi). Le Cadre de coordination n’a pas franchement fait dans la dentelle : ses dirigeants ont lancé des attaques à la roquette et au drone contre les Kurdes, encouragé la cooptation et la militarisation du système judiciaire et commandité une série d’assassinats de responsables sadristes. Cette campagne violente a évidemment déstabilisé et divisé la coalition dirigée par Sadr, et le gouvernement mis en place par ce dernier a fini par perdre la majorité au parlement et a été renversé.

Dos au mur, Sadr a lancé sa contre-offensive de fin juillet dans l’espoir de sortir de la crise actuelle en tant que force politique hégémonique en Irak, de négocier en position de force et de ressusciter son alliance politique. Cette stratégie comporte toutefois le risque de déclencher une guerre civile intra-chiite qui mettrait en péril l’équilibre du nouvel État irakien si péniblement acquis après la guerre de 2003 sur la base d’une hégémonie chiite. Or, c’est précisément ce principe de base de la politique irakienne qui est remis en cause avec l’incapacité des chiites de trouver un consensus.

Les insurrections se multiplient

Sadr a des divergences profondes et de longue date (envenimées par des animosités personnelles) avec les membres clés du Cadre de coordination, en particulier al-Maliki. L’ancien Premier ministre est responsable de l’opération militaire de 2008 qui a chassé les combattants et les partisans sadristes de Bassora et a contraint le religieux à s’exiler en Iran. Cette opération a entraîné la fragmentation du mouvement sadriste favorisant l’émergence d’organisations dissidentes (comme Asaïb Ahl al-Haq), qui se sont disputées l’influence au sein de la base de soutien traditionnelle des sadristes : les classes populaires chiites du quartier de Sadr City à Bagdad. Les tensions ont atteint un point d’ébullition et ont sans doute déclenché la décision de Sadr de mobiliser ses partisans pour prendre d’assaut le Parlement. Sadr est passé à l’action après la découverte d’enregistrements ayant fuité dans lesquels al-Maliki donne clairement pour consigne aux membres de sa tribu de se préparer à un conflit armé avec lui. Le 8 août, al-Maliki a rejeté la demande de Sadr de dissoudre officiellement le Parlement, déclarant dans un message télévisé que la législature ne pouvait être dissoute et qu’aucune élection ne pouvait être organisée tant que le corps actuel des représentants n’avait pas repris ses travaux, autrement dit avant que les Sadristes n’évacuent le Parlement. 

Ensuite, Sadr a subi un revers quand son appel à la Cour suprême – qu’il accuse d’être instrumentalisée par l’Iran allié de al-Maliki – a été rejeté. Il a alors encore fait monter les enchères en s’adressant directement à ses partisans, lançant un « appel final » invitant à des manifestations dans tout le pays. Cette semaine, ses partisans se sont mobilisés devant la Cour suprême, l’obligeant à fermer. 

Un conflit interne à l’Irak aux répercussions géopolitiques complexes

Cependant, le pire n’est pas forcément inévitable. Le PDK kurde, avec le soutien de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), a invité Sadr et le Cadre de coordination à Erbil pour des pourparlers en vue d’un accord de paix civile. Cette démarche s’inscrit dans un schéma historique où les Kurdes jouent les médiateurs dans des conflits au sein de la classe politique chiite. Autre solution possible : le Cadre de Coordination évalue actuellement la possibilité de dissoudre le Parlement et d’organiser de nouvelles élections. Enfin, on ne peut pas exclure une intervention du Grand Ayatollah Ali al-Sistani, le principal ecclésiastique du monde islamique chiite. Toutefois, Sistani est peut-être déjà arrivé à la conclusion que la crise a dépassé la capacité de Nadjaf (le centre du chiisme irakien) de changer le cours des événements… 

Sadr pourrait refuser tout compromis. La mobilisation et les actions de ses partisans cet été ont fait basculer la dynamique en faveur de son camp. L’ancien leader pourrait être tenté de profiter de l’occasion pour arracher la capitulation à ses adversaires plutôt que de leur donner un nouveau souffle en renvoyant le pays aux urnes et en donnant au Cadre de Coordination le temps de se mobiliser électoralement et politiquement. 

Par ailleurs, compte tenu des forces que Sadr a déchaînées, il n’a peut-être pas d’autre choix que d’aller jusqu’au bout de l’escalade pour aboutir à une épreuve de force, entre autres par les armes. Quant à Al-Maliki, sa marge de manœuvre face à l’Iran et au FMP, ses deux soutiens les plus cruciaux pour sa survie politique, n’est pas claire. Or, le raisonnement iranien dépasse évidemment le simple cadre irakien. Pour Téhéran, le maintien d’un pont aérien et terrestre vers la Syrie et le Liban sont des intérêts d’une importance primordiale et les Iraniens n’ont probablement pas décidé quelle configuration politique en Irak assurera le mieux l’atteinte de ces objectifs… De leur côté, les États du Golfe, soucieux de limiter l’influence iranienne, considèrent que Sadr et sa stratégie constituent la seule voie réaliste pour affaiblir les groupes alignés sur l’Iran et leurs tentatives de rétablir leur contrôle et leur autorité sur l’État irakien. Par ailleurs, le Conseil de coopération du Golfe a longtemps défendu Sadr comme le grand espoir arabe qui pourrait faire basculer l’équilibre des forces au détriment de l’Iran et de ses alliés en Irak. 

La stratégie politique de Sadr fondée sur une grande alliance avec les Kurdes et le bloc sunnite au Parlement dirigé par Khamis el Khanjar a largement atténué les craintes des pays de la région à l’idée d’une prise de pouvoir dictatoriale. Quant à la Turquie, la puissance sunnite montante, sa position reste ambiguë. Certains estiment qu’Erdogan tient particulièrement à ce que l’État irakien reste faible, car cela facilite sa stratégie de lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l’Irak.  

L’Irak, deuxième plus grand exportateur au sein de l’OPEP, n’a donc pas vraiment de bonnes solutions. Au pire, il est confronté à la perspective d’une nouvelle guerre civile qui pourrait plonger le pays dans une crise humanitaire, voire ressusciter Daech. Au mieux, les Irakiens peuvent espérer une guerre civile larvée, le temps que le prochain possible compromis tienne la route.