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Crise des migrants: l’animateur vedette de la BBC fait une reductio ad Hitlerum

Un des sujets les plus brûlants du sommet franco-britannique qui s’est tenu à Paris aujourd’hui? Celui des migrants, qui traversent la Manche dans des bateaux de fortune. Le Parlement de Westminster débat d’un projet de loi dont l’ambition est de mettre fin à ce phénomène. Le présentateur le mieux payé de la BBC s’est permis de faire une comparaison avec le IIIe Reich. Impunément.


Si Gary Lineker reste connu d’un certain public français, c’est uniquement parce que cet ancien footballeur anglais a joué au poste d’attaquant pour de nombreux clubs de football européens, parmi lesquels Barcelone, et qu’il a remporté le Soulier d’or de la Coupe du monde pour ses six buts au Mexique en 1986. M. Lineker n’a jamais reçu de carton jaune ou rouge au cours de sa carrière. Aujourd’hui, il est le présentateur le mieux payé de la BBC, avec un salaire annuel de 1,35 million de livres sterling en tant qu’animateur de l’émission footballistique phare de la BBC, Match of the Day.

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Les footballeurs ne sont généralement pas reconnus pour leur sagesse, et Lineker s’est rendu coupable cette semaine de la loi de Godwin, c’est-à-dire qu’au cours d’un débat en ligne sur un sujet politique d’actualité, il n’a pas hésité à faire une comparaison avec le régime nazi et son leader, Adolf Hitler.

Gary Lineker, le 29 janvier 2023  © Paul Greenwood/SIPA

Mercredi 8 mars, Suella Braverman, ministre britannique de l’Intérieur, a présenté un nouveau paquet législatif destiné à réduire l’immigration clandestine massive vers le Royaume-Uni à travers la Manche, notamment par le biais de petits bateaux au départ du nord de la France. La nouvelle loi prévoit la détention de ces immigrants et leur expulsion vers leur pays d’origine ou vers le Rwanda pour y demander l’asile. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que les migrants pourraient empêcher leur expulsion pour des raisons liées à l’asile, à l’esclavage moderne et aux droits de l’homme.

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L’intervention de M. Lineker a consisté à s’insurger sur son compte Twitter en déclarant à propos d’un projet de loi qu’il qualifie de « plus qu’horrible » : « Il n’y a pas d’afflux massif. Nous accueillons beaucoup moins de réfugiés que les autres grands pays européens. Il s’agit d’une politique d’une cruauté incommensurable dirigée contre les personnes les plus vulnérables dans un langage qui n’est pas différent de celui utilisé par l’Allemagne dans les années 30 ».

En tant que particulier, M. Lineker a naturellement le droit d’exprimer son opinion. Dans une société libre, la liberté d’expression est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie. Toutefois, les personnes engagées dans la vie publique ont la responsabilité de réglementer leur discours de manière à ne pas être délibérément offensant et incendiaire. Bien que l’on puisse soutenir que les commentaires de M. Lineker ne sont ni l’un ni l’autre, ils ont certainement offensé, en particulier les parents de ceux qui ont fui l’Allemagne nazie dans les années 1930. En plus de ce problème, M. Lineker a des responsabilités supplémentaires en tant que salarié de la BBC.

Subventionnée, la BBC perd son public

Comme radiodiffuseur national, la BBC est financée par la redevance. Cette redevance annuelle de 159 livres sterling est une obligation pour tous les foyers du pays qui possèdent un téléviseur. Aucune autre chaîne de télévision ne bénéficie d’un tel financement garanti ; elles dépendent principalement des recettes publicitaires et des abonnements. Si la confiance du public dans la production de leur contenu diminue, il est probable que les téléspectateurs se détournent de la chaîne et que les revenus de cette dernière baissent. La BBC n’a pas de telles contraintes. Cependant, depuis sa création, il a été entendu qu’en échange de ce financement garanti, la BBC serait totalement impartiale dans sa production d’informations.

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Malheureusement, la confiance du public dans la BBC a chuté de manière spectaculaire.  En 2018, le niveau de confiance était de 75 %, alors qu’il n’est plus que de 55 % aujourd’hui. En effet, à de nombreuses reprises après le référendum sur le Brexit, l’institution a été accusée de partialité dans ses reportages. Consciente de ce problème, la BBC s’est efforcée de faire le ménage, ce qui est tout à son honneur.

Lorsque Boris Johnson s’est retiré de la course électorale pour redevenir Premier ministre après la démission de Liz Truss, une présentatrice de la BBC, Martine Croxall, a été retirée des ondes pendant une semaine pour avoir déclaré en direct à la télévision : « Ai-je le droit d’être aussi joyeuse ? »

Le devoir d’impartialité trop souvent bafoué

En outre, la BBC a mis en place des règles strictes concernant les interventions sur les médias sociaux. L’une de ces règles stipule que « si votre travail exige que vous restiez impartial, n’exprimez pas d’opinion personnelle sur des questions de politique publique, de politique ou de « sujets controversés ». »

En tant que simple présentateur d’une émission sportive, on pourrait affirmer que le travail de Gary Lineker n’exige pas qu’il conserve son impartialité. Cependant, son cas reste exceptionnel dans la mesure où l’influence publique de M. Lineker est incommensurable. Ce n’est pas la première fois qu’il commente les politiques publiques et, en septembre dernier, Tim Davie, le directeur général de la BBC, a pris des mesures disciplinaires à son encontre à la suite de plaintes concernant de nombreux commentaires qu’il avait faits en ligne. 

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Ses derniers tweets ont suscité de nouvelles et compréhensibles demandes de licenciement. Néanmoins, il semble que la dernière indiscrétion de M. Lineker ne sera pas sanctionnée. Ce traitement apparemment préférentiel accordé à l’employé le mieux payé de la BBC a donc provoqué une nouvelle déception et contribuera probablement à une baisse continue de la confiance du public dans l’impartialité de l’institution. Ceux qui réclament l’abolition de la redevance y trouvent un argument supplémentaire.

Bien que je comprenne l’ironie qu’il y a à défendre la liberté d’expression tout en demandant que quelqu’un soit sévèrement puni pour ce qu’il dit, compte tenu de tout ce qui s’est passé auparavant, je pense qu’en l’occurrence, la BBC n’a pas pris la bonne décision. Elle ne regagnera pas la confiance du public si elle continue à soutenir des individus qui persistent à enfreindre leurs propres lignes directrices, à ignorer les résultats des procédures disciplinaires internes. M. Lineker aurait dû recevoir le premier carton rouge de sa carrière et perdre son emploi.

Ceux qui incitent leurs filles à aller à l’école en abaya ne partagent aucune valeur avec ceux qui les défendent

«Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République.» Article 21-24 du Code civil


Selon le syndicat SNPDEN-UNSA, 42% des personnels de direction constatent la présence de tenues religieuses à l’école. La raison de ce chiffre est double: il y a la lâcheté de l’administration de l’Education nationale, qui s’abstient de faire respecter la loi jusque dans le lieu même où on devrait enseigner ce qu’est la loi, et le nombre des personnes auxquelles la France a ouvert ses portes sans être sûre de pouvoir en faire de véritables Français. La faute aux gouvernants, donc, doublement. Leur lâcheté n’a d’égale que l’ampleur de l’immigration qu’ils ont laissé se produire. Elle en est la cause et le résultat.

Tenues féminines islamiques: l’esthétique d’une autre civilisation

Quand une population étrangère ne représente que quelques milliers de personnes, on se fiche de ses potentielles revendications identitaires. Mais quand cette population est de plusieurs centaines de milliers, ces mêmes revendications ont les traits d’une mise en demeure. Les gouvernants n’osent les balayer d’un revers de main, même quand c’est la loi qui le permet. Cartes d’identité, piscines de Grenoble, voiles à l’école : tout cela est la surface d’un même problème de fond. Le voile est le thème qui revient chaque fois comme un taon nous rappeler qu’une certaine civilisation essaye d’instrumentaliser les libertés publiques pour imposer sa liberté, sa croissance, son confort, son style, son esthétique.

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Une partie de la population qu’on appelle française mais qui n’a de française que ses papiers, peut-elle inciter un gouvernant à ne pas faire respecter la loi ? Peut-elle contraindre le gouvernant à mépriser la souveraineté du peuple ? Les 42% du syndicat SNPDEN-UNSA nous prouvent que oui. Ils s’ajoutent à tous les autres faits d’actualité où il était question de changer ou de violer la loi pour s’adapter à une exigence communautaire. Ces 42%, c’est l’un des chiffres qui permettent de quantifier le trop plein d’immigration, l’excès d’immigration, la partie excédentaire de notre immigration.

Je le dis donc préventivement, je ne reçois aucune leçon de morale de la part des apprentis sorciers du vivre ensemble!

On ne doit pas croire que je parle à la légère. On ne doit pas s’amuser à culpabiliser celui qui parle du manque d’intégration d’une certaine partie de la population. Je le dis très sérieusement: bien des personnes que le droit du sol a fait françaises ne le sont d’aucune manière. Elles ne le sont que légalement. De toutes les manières qu’il y a d’être français, par le sang, par la volonté, par l’affection, par la culture, par le mérite, elles ne le sont que d’une seule: le papier, cet élément sur lequel on peut écrire tout et n’importe quoi, le papier sur lequel on raconte toutes les histoires du monde, sur lequel on a retranscrit les contes de fées, sur lequel on a transcrit cette histoire que des gens qui parlent à peine notre langue et qui foulent notre sol comme celui d’une patrie étrangère seraient français. Cette histoire, l’administration la raconte chaque soir au bord du lit. Je considère ceux qui auraient le culot de me reprocher ce constat comme des traîtres. Ceux qui taxent de racisme le premier regard critique sur les échecs de l’intégration sont ceux qui ont couvert les assassins de Samuel Paty. Ce sont ceux qui excusent les menaces de mort reçues par milliers par la jeune Mila, qui n’avait fait qu’exercer sa liberté fondamentale d’opinion en dénigrant publiquement l’islam. Ceux qui m’accuseraient de racisme n’ont aucunement l’autorité pour le faire. Ils sont les premiers contributeurs du racisme, ce sont eux qui soutiennent une immigration si massive qu’elle aboutit à placer face à face des populations qui n’ont rien à voir entre elles, ce sont eux qui demandent une révision des valeurs de la République, au profit de la prise en compte d’exigences religieuses et communautaires. Je le dis donc préventivement, je ne reçois aucune leçon de morale de la part des apprentis sorciers du vivre ensemble.

Quand notre cosmopolitisme se fait angélique

Ceux qui n’ont jamais vu d’immigration que dans un film français subventionné vous racontent benoîtement que ce qui fait notre unité, ce sont les valeurs. Ils vous racontent de ces fadaises que même les immigrés ne croient pas une seconde. Ceux qui voudraient laisser leurs filles se voiler à l’école ne partagent aucune valeur avec ceux qui les défendent. Leur seule préoccupation, c’est l’argent qu’ils ont à la fin du mois, c’est de pouvoir aller prier en sécurité, c’est de pouvoir fumer leur pipe et dîner en famille. Ils ont des intérêts, ils organisent leur vie autour de ces intérêts, ils ne défendent pas un centième des valeurs que brandissent les Macron, les Bergé, les Mélenchon. Ces valeurs sont un paravent médiatique. Bien de ceux que le papier a faits français se moquent totalement de la laïcité, de notre littérature ou de côtoyer le peuple qui a accueilli leur famille. Ils ne se soucient que de vivre leur vie. Si au cœur d’une polémique, un média leur tend le micro, ils diront en bredouillant, pour les plus avertis: « Mais la France, c’est pas les droits de l’homme ? ». Et le tour est joué. La France est le pays des droits de l’homme qui veut y vivre comme dans un autre pays. Ce n’est que dans cette perspective égocentrique que ses libertés suscitent un intérêt quelconque chez ceux qui sont les moins enclins à les aimer.

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Ce n’est pas un reproche, c’est une critique faite de la vision angélique du cosmopolitisme. Le droit du sol n’a aucun sens s’il n’est pas corroboré par une politique d’assimilation, comme le Code civil l’exige pour la naturalisation en son article 21-24. Juxtaposer le droit du sol à une immigration incontrôlée, c’est mettre des peuples différents dans le même panier, des peuples qui n’ont ni les mêmes valeurs, ni les mêmes références, ni les mêmes affections, ni les mêmes intérêts, ni les mêmes allégeances. Des peuples qui n’ont de commun que le territoire qu’ils occupent et que le nom de Français qu’ils arborent. C’est faire de l’arithmétique avec les hommes. C’est prendre les hommes pour des chiffres.

La gauche est spécialiste de cette nouvelle discipline. Elle réussit l’exploit d’être contre le laisser faire et pour le laisser aller. Evidemment contre la doctrine du laisser face en matière d’économie, par exemple. Mais pour en matière d’immigration. L’immigration est pour elle une sorte de main invisible !

L’Afrique au musée

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Le musée de l’Afrique à Bruxelles, ou comment détester le passé…


Conçu au début du XXème siècle à l’initiative du roi Léopold II par l’architecte Charles Girault, auteur du Petit palais à Paris, l’ancien musée du Congo belge à Tervuren près de Bruxelles abrite une des plus grandes collections au monde d’objets originaires d’Afrique.

Rouvert en 2018 après une transformation radicale, le nouveau musée s’affiche désormais « décolonial » et tient « explicitement à se distancier de la colonisation »… sans laquelle il n’existerait pas.

La guide officielle de notre groupe affiche la suffisance des intellectuels de gauche de notre époque. Pour elle, l’Afrique se divise entre les ténèbres de la colonisation et le monde éclairé d’aujourd’hui, surtout porté par la « diaspora africaine en Belgique » qui a « activement participé à la conception du musée » :  comprenez des associations ne représentant personne qui ont été financées par des fonds publics et sont ainsi légitimées. Une salle de ce petit musée (5% seulement des collections sont exposées) est d’ailleurs consacrée à cette diaspora « qui subit une forme grave de racisme et de discrimination ».

Une salle des horreurs au sous-sol

La visite commence obligatoirement par la toile d’un « artiste belgo-congolais » représentant la statue d’un « homme Léopard »  tiraillée entre un homme blanc laid et obèse qui veut la conserver au musée et des noirs qui veulent la retirer des collections exposées car représentative de « l’imaginaire colonial ». Ceci est censé nous expliquer pourquoi seules quelques statues de l’époque coloniale  sont visibles au « dépôt » au sous-sol, dans une sorte de salle des horreurs. Elles « n’ont plus leur place au musée car elles témoignent des préjugés et stéréotypes profondément ancrés qui ont contribué au racisme dans notre société moderne ».

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Ignorant que le sens du mot race a changé depuis le XIXème siècle où il désignait des peuples, notre guide – appelons là désormais Small Sister – déclare fièrement « que l’on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de races » (ouf !) mais qu’il est « important de déconstruire l’imaginaire colonial car c’est ce qui explique le racisme aujourd’hui ». On l’aura compris, le fil conducteur du musée est le lien entre la vision coloniale et le racisme contemporain qui imprègnerait nos sociétés du XXIème siècle.

D’ailleurs, selon Small Sister, la propagande coloniale aurait ignoré les royaumes et empires africains pour mettre l’accent sur les tribus qui, dans notre imaginaire, nous renverraient à la préhistoire. L’inexistence de l’écriture en Afrique sub-saharienne ne traduirait pas non plus un retard de développement : « on voit avec Internet et les fake news que l’écriture n’est pas toujours un progrès » (!) De l’esclavagisme et du cannibalisme, très répandu avant l’arrivée des Européens, il ne sera pas question. Dans sa bouche, les sociétés africaines deviennent un Eden que la colonisation aurait détruit.

Changement de mentalités

Une salle présente les réalisations contemporaines de la République démocratique du Congo avec au centre un immense robot policier qui règle la circulation à un carrefour de Kinshasa. Pour Small Sister, ce robot, « construit par une femme ingénieur africaine », « n’aurait pu être conçu par un ingénieur européen » ! Et de se réjouir que les enfants qui visitaient le musée auparavant retenaient de leur visite l’éléphant empaillé et désormais le robot : « les mentalités évoluent » se réjouit-elle !

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Passons sur les « Total ne veut pas qu’il y ait de transports en commun en Afrique » et autres « le président Thomas Sankara du Burkina Faso a été assassiné par les intérêts impérialistes», pour en venir au clou de la visite : la Grande rotonde avec son impressionnante coupole.  Quatre statues en bronze doré y représentent « La Belgique apportant la civilisation au Congo ». Evidemment, inacceptable, déboulonnage assuré… mais, le palais étant classé, les monuments historiques s’y sont opposés, considérant que les statues faisaient partie de l’ensemble architectural. Un compromis à la belge a donc été trouvé. Les statues restent en place mais sont recouvertes d’un « voile proposant une lecture nouvelle » et la salle accueille un projet « visant à faire contrepoids « avec deux sculptures contemporaines, l’une « représentant les horreurs du passé » et l’autre « les promesses de l’avenir » !

Objectifs: endoctrinement et culpabilisation

Que conclure de cette visite ? D’abord que le pouvoir politique a, une fois encore, abdiqué devant l’idéologie de quelques chercheurs militants et accepte que l’histoire du pays soit présentée sous un jour négatif à tel point que l’année dernière, la justice a obligé le musée à retirer une légende dénigrant l’action des paracommandos belges qui avaient sauvé des centaines d’Européens pris en otage. Les jeunes Européens qui visitent le musée ne peuvent en sortir que traumatisés, frappés par un sentiment de culpabilité. Leurs ancêtres, parfois leurs grands-parents, ont commis ces abominations dont ils portent la responsabilité historique, qu’il conviendra sans doute prochainement de « réparer » d’une façon ou d’une autre. Si le musée a pour vocation de « déconstruire l’imaginaire colonial », on ne voit pas comment enfants et adolescents qui le visitent pourraient à leur tour « déconstruire » le discours idéologique de Small Sister. Ils en ressortiront inévitablement endoctrinés, honteux de leur passé et de leur histoire.

Mais surtout ce récit, loin  d’apaiser les tensions, et de permettre le fameux vivre ensemble, ne peut au contraire que les exacerber, augmenter les frustrations et les récriminations  Selon l’idéologie du musée, les Africains de Belgique, « acteurs du musée »,  ne peuvent ainsi exister qu’en se victimisant, soit comme héritiers des colonisés, soit comme victimes du racisme actuel, ainsi qu’en s’identifiant en tant que groupe ou sous-groupe (Congolais, Rwandais, etc), ce qui ne peut qu’aggraver la division de la société. Le musée entretient ainsi une idéologie post-coloniale, qu’il prétend par ailleurs combattre.

Sans en être consciente, Small Sister représente l’idéologie, le conformisme et l’arrogance de notre temps dont elle partage tous les stéréotypes. Elle conclut la visite sur ces mots: « En matière décoloniale, la Belgique est très en avance par rapport à d’autres pays dont la France ».  On aimerait tellement qu’elle soit en retard !

Un imaginaire en panne

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.


« Guetteur, où en est la nuit ? » Ésaïe, 2, II. Pour éclairer le futur et prévoir l’avenir de nos retraites, le pouvoir macronien a décidé de se projeter en… 2030. Sept années, quelle audace ! Et après ? Il sera alors temps d’allumer de nouveau la bougie d’une nouvelle réforme. Tout ça pour ça. Ces Diafoirus prescrivent la même ordonnance : 64 ans ou le désastre. 44 annuités ou le chaos. Sans aller chercher de nouvelles recettes, notamment du côté des revenus du capital, sans prendre en considération les idées et propositions, nombreuses et stimulantes, pour une Sécurité sociale du XXIe siècle. Plus ils expliquent leur projet injuste et plus le pays le rejette.

L’un des traits les plus inquiétants de la crise politique dans sa phase actuelle, qui connaît une accélération dont il faut bien prendre la mesure, est un imaginaire en panne. Une envie d’avenir en cale sèche. Un futur aussi désirable que la dernière note de McKinsey résumant les éléments de langage pour la prochaine matinale d’Olivier Véran ou l’exercice « PE-DA-GO-GI-QUE » d’Olivier Dussopt devant un salarié qui a eu la grande malchance de commencer à travailler à 16 ans et qui devra atteindre 44 annuités, contre 43 pour ceux ayant débuté à 17 ans. Misère… Où en est la nuit ?

On pourrait en sourire, mais Gramsci fut le guetteur d’hier et sa pensée est spectaculairement juste pour décrire l’époque nouvelle et ce clair-obscur d’où peuvent surgir des monstres et des phénomènes morbides les plus variés.

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L’avenir ? Il nous faut un grand et beau débat national sur le Travail, sa nature et son sens, sa réalité et les chemins pour le transformer. Sortir des clichés qui ne permettent pas de penser. Par exemple ? Je ne saurais trop vous conseiller le magnifique livre d’un vrai écrivain, Mattia Filice, qui dans Mécano (P.O.L.), nous parle de sa vie professionnelle. Il conduit le train. Cheminot-poète qui dit la réalité d’un métier, d’une fraternité humaine, des joies et des difficultés. Annie Ernaux a raison : la réalité n’existe que si elle est écrite. Au cours des dernières semaines, nous avons eu de très nombreux témoignages sur la réalité du travail, dans le public et le privé, et notamment pour les femmes et les seniors.

Le futur c’est maintenant

L’avenir ? D’autres s’en occupent. Les 370 à 400 milliards de dollars prévus dans l’Inflation Reduction Act (IRA), plan entré en vigueur en janvier qui instaure des aides massives aux entreprises à condition qu’elles produisent aux États-Unis, provoquent déjà un tsunami de projets industriels et une menace de délocalisations massives. La réponse européenne est lilliputienne. La France regarde ailleurs.

L’avenir ? Via l’actualité ChatGPT, les enjeux liés à l’intelligence artificielle (IA) nous font mesurer le niveau stratosphérique des investissements privés. Microsoft, déjà à l’origine de la fondation d’OpenAI qui a développé l’outil ChatGPT, veut ainsi investir 10 milliards de dollars avec l’intention d’intégrer l’IA dans plusieurs de ses logiciels, dont Word. Plusieurs géants chinois de la Tech sont déjà mobilisés pour créer un concurrent à ChatGPT.

Relire la précédente chronique d’Olivier Dartigolles: Coup de rouge

L’avenir encore. Record de tous les temps, en 2022, les États ont subventionné les énergies fossiles à hauteur de 1 000 milliards de dollars alors que la crise climatique exigerait plutôt de les pénaliser. La même année, la France n’a jamais produit aussi peu d’électricité depuis 1992. Nous sommes même devenus un pays importateur net d’électricité en 2022, du jamais-vu depuis… 1980. Et le gouvernement vient de s’embarquer dans une réforme visant à supprimer l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), avec un risque de perte de compétences dans un secteur stratégique, de souveraineté et… d’avenir.

Sur ces sujets et bien d’autres questions, à la fois singulières et entremêlées, trop peu instruites dans nos débats politiques et médiatiques, qui portent sur des enjeux essentiels et parfois mêmes vitaux, il en va aussi de l’avenir de notre vie démocratique. Tout ne doit pas être dans les mains des spécialistes, quand bien même nous avons besoin de leur expertise pluraliste et contradictoire. Les peuples doivent décider et ne pas être tenus à distance.

Guetteurs de tous les futurs, unissez-vous !

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Laïcité à l’école: régression du domaine de la lutte

Selon l’IFOP, 21% des enseignants ont déjà été menacés ou agressés pour des motifs de nature identitaire ou religieuse. Ce chiffre monte à 39%, concernant les enseignants en zones d’éducation prioritaire! Mais, allez comprendre, 62% des enseignants de moins de 30 ans pensent que les élèves devraient pouvoir venir dans les tenues qui leur conviennent à l’école[1]… Pap Ndiaye lutte-t-il vraiment contre cette tendance inquiétante? Analyse.


Le 16 octobre 2022 Pap Ndiaye déclarait sur Twitter : « Je n’ai pas la main qui tremble sur les questions de laïcité, dès mon arrivée, j’ai pris les dispositions nécessaires : renforcement des équipes Valeurs de la République, intensification de la formation des enseignants et consolidation de la protection fonctionnelle ». Il recueillait le score époustouflant de 393  « J’aime », signe d’une indifférence à ses propos jamais démentie à ce jour.

La tête de gondole diversitaire pour électeurs de gauche, dont l’une des premières visites Potemkine permit une superbe photo aux côtés de jeunes élèves voilées d’une école de Harlem, peine à convaincre sur ce sujet comme sur bien d’autres. Mais où en sommes-nous réellement ? L’Education nationale a-t-elle appris de ses erreurs ? Des mesures concrètes adaptées à l’aggravation de la situation ont-elles été prises ?

Une formation oui, mais « low cost »

Il y a eu, bien sûr, comme après chaque drame, production massive de papier. La circulaire du 9 novembre 2022  tente d’inscrire dans le marbre les nécessaires soutien et célérité dans l’action qui firent tragiquement défaut dans l’affaire Samuel Paty.  Cela suffira-t-il à inverser la tendance à l’abandon des enseignants au front qui caractérise le management de l’Education nationale ? Seul l’avenir nous le dira mais la lecture des témoignages sur les réseaux (ou dans le dernier numéro de Causeur NDLR) montre que, pour l’instant, aucune révolution copernicienne n’a eu lieu en la matière.

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Concernant la formation, les retours des premières sessions pour les professeurs des écoles laissent perplexe. Bien sûr, pour tous les sujets, les enseignants sont, depuis Jean-Michel Blanquer, habitués à subir un déversement uniforme de diapositives, sur leur ordinateur personnel ou en grand messe par vidéoprojection. Il est loin le temps où un catalogue de thèmes leur permettait de choisir des formations correspondant à leurs besoins et leur niveau. Mais cette fois-ci, sur ce sujet sensible et complexe, le souci d’économie (ou de maîtrise des propos ?) a été  poussé un cran plus loin : les professeurs des écoles se sont vus proposé une leçon par… leurs pairs ! Ce sont donc parmi leurs collègues directeurs, que les inspecteurs ont désigné ceux qui disposaient d’un temps de décharge de classe suffisant pour ingurgiter les dix heures de bonne parole préalable avant régurgitation. Des motivés ? Des passionnés de la question ? Des érudits ? Que nenni ! Uniquement ceux qui ne risquaient pas d’engendrer le coût d’un remplaçant dans leur classe.  Les plus honnêtes ont d’ailleurs reconnu, en guise d’introduction à leurs premiers pas de formateurs: « Bonjour. Nous ne sommes ni historiens, ni juristes. Nous avons juste eu une formation et nous allons vous dire un peu de ce que l’on nous a expliqué ». Face à l’enjeu, cela semble un peu court.

Le même contenu se retrouve un peu partout : sage rappel historique (c’est sans risque) suivi d’études de cas tels que l’épineux souci d’une accompagnatrice de sortie scolaire porteuse d’une très grosse croix. Quelques jeux pédagogiques pour rendre actif l’apprenant et  trois minutes sur la laïcité de l’association Coexister (les connaisseurs apprécieront). Du gentil, du mignon, du politiquement correct. Rien sur d’éventuels réflexes comme éviter de recevoir des parents vindicatifs seuls, aucune affiche claire des personnes à contacter en cas d’urgence et même, pour certains, aucune présentation du Vademecum de la laïcité dont un exemplaire a pourtant été envoyé à chaque école sans que bien des enseignants ne s’en rendent compte. De temps à autre, on voit apparaître la fiche  « Comment reconnaitre un radicalisé ?» qui montre la lucidité de quelques audacieux, conscients que le problème dépasse la question des grosses croix exhibées en sorties scolaires. Une fois « formés », les enseignants seront parfois tenus de concocter un petit projet pour « faire vivre la laïcité » dans leur école, assurant ainsi à leur hiérarchie des statistiques artificiellement gonflées pour simuler une réponse à la hauteur de la gravité des problèmes.

En retard d’une guerre

Reconnaissons une chose : il y a un je ne sais quoi de savoureux à regarder les cadres et formateurs à la manœuvre en amont, d’ordinaire si férus de course à l’innovation pédagogique et aux « pédago-guignolades », se muer en nostalgiques hussards. Nous pourrions même en rire, s’il n’y avait urgence à adapter nos connaissances et nos pratiques à une évolution dangereuse qui dépasse depuis longtemps le cadre de la laïcité. Sa mise en cause n’est qu’un symptôme, une ombre sur les murs de la caverne de Platon et le dernier ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler nous permet de prendre l’exacte mesure de l’inadéquation de la réponse de l’Éducation nationale.

Dans Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, l’anthropologue, chargée de recherche au CNRS décrit factuellement la stratégie de conquête de cette mouvance islamique. D’une très grande richesse, l’ouvrage ne saurait être résumé en quelques mots, retenons simplement que leur activisme s’exprime sur plusieurs fronts. La même importance est accordée à la conquête de cerveaux des musulmans qu’au modelage de ceux des non-musulmans. Depuis l’Europe jusqu’à l’échelon le plus local, tous les leviers sont bons pour faire des nations occidentales un substrat fertile : exploiter l’idéologie multiculturelle, réinterpréter le féminisme (« le voile, c’est mon choix »), culpabiliser par développement du concept d’islamophobie, cultiver les amitiés utiles dans les universités, les partis de gauche, les associations… Et tout cela en demeurant perçu, à tort, comme modéré. Notre vision doit être renouvelée, car « nous avons tendance à penser que les musulmans ont été mal intégrés et que pour cette raison ils ont trouvé refuge dans l’islam radical. C’est l’inverse, c’est l’islamisme, ici le frérisme qui empêche l’intégration » nous dit l’auteur.  « L’emprise du frérisme est avant tout mentale » : il nous prépare à l’acceptation de ses idées et ses pratiques autant qu’il enferme les musulmans dans une pensée systémique dont aucun élément ne saurait être remis en cause.

L’islam n’est pas le catholicisme

Éclairé de ces quelques éléments, il est aisé de comprendre en quoi l’école constitue une cible de choix pour cette conquête politico-religieuse parfaitement planifiée. Malheureusement, en ne plaçant ses formations que dans le champ de la laïcité, l’Éducation nationale occulte le volet politique et désarme ses enseignants, et ce, pour plusieurs raisons.

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Tout d’abord, l’hyper focalisation du rappel historique sur les Lumières renforce l’idée d’un combat opposant la Raison à la religion. Cela fait primer une lecture philosophique là où une mise en avant d’une problématique d’influence politique, remontant aussi loin que Philippe Le Bel face au pape Boniface VIII, serait plus adaptée aux enjeux. Une telle orientation libèrerait les enseignants de l’illusion de la charge d’émancipation que certains croient porter en invitant les mères voilées à accompagner les sorties scolaires. De même, une certaine déculpabilisation pourrait naître de la relecture du rôle du voile et des exigences alimentaires comme outil de démonstration de la puissance politique des forces à la manœuvre. Nous serions alors bien plus loin que sa définition comme simple élément de pratique religieuse individuelle à réguler au nom de la laïcité. 

Enfin, il faudrait cesser de vouloir se réchauffer à la lumière du souvenir des victoires passées. L’islam n’est pas le catholicisme. L’emprise qu’il met en place touche tous les domaines de la vie terrestre. Le croyant est responsable par le moindre de ses actes, pour lui-même et pour sa communauté, de ce qu’il adviendra dans l’Au-delà. Donner à voir le joli logo de l’Association Coexister, c’est contribuer à diffuser l’image subliminale erronée d’une équivalence interreligieuse, suffisamment rassurante pour pouvoir prendre les choses à la légère et sans intégrer l’ampleur de la prison mentale dans laquelle sont embastillés les élèves et leurs familles.

Parce qu’il règne désormais partout un « frérisme d’atmosphère » ainsi que l’écrit Gilles Kepel, l’éducation du regard de nos enseignants est urgente. L’école, si fragile, est une cible de choix : elle est irriguée par les projets venus des instances Européennes dont Florence Bergeaud-Blackler démontre l’infiltration frériste. Ses valeurs d’égalité, de fraternité, de liberté sont retournées contre elle par l’instrumentalisation/relecture qu’en font les Frères musulmans. La présentation policée de ces derniers les fait, à tort, passer pour des interlocuteurs raisonnables et modérés dont les associations locales pénètreront sans mal les enceintes scolaires et les conseils d’école. Face à cette réalité, l’angélisme et le politiquement correct qui imprègnent la salve de formation laïcité récemment tirée par le ministère de l’Education nationale sont inquiétants, alors agissons : lisons et faisons lire Florence Bergeaud-Blackler. Savoir, c’est déjà lutter.

Le Frérisme et ses réseaux: l'enquête

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[1] https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/03/119489_Rapport_Ifop_EV_Volet2_2023.02.10.pdf

Geoffroy de Lagasnerie jette le «trouple» sur le modèle relationnel patriarcal

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Selon l’auteur de 3: Une aspiration au dehors (Flammarion), il faut en finir avec la famille qui «favorise le développement de structures mentales autoritaires, voire fascistes» et permet l’insupportable «matinalisme».


Qui n’a pas, à quinze ans, claqué rageusement les portes de la demeure familiale ? Ou, Les nourritures terrestres de Gide à la main, vociféré sur ses parents : « Familles, je vous hais ! » ? C’est à pleins poumons aussi, qu’il nous est arrivé d’entonner quelques paroles salvatrices de la chanson de Renaud:

On choisit ses copains mais rarement sa famille
Y’a un gonze mine de rien qu’a marié ma frangine
Il est devenu mon beauf un beauf à la Cabu
Imbécile et facho mais heureusement cocu
Quand l’soleil brillera que pour les cons
Il aura les oreilles qui chauffent
Mon Beauf

Las ! Bas du front et mous du bulbe, endoctrinés malgré nous, nous avons fini par adhérer à une existence codifiée par les schémas patriarcaux séculaires. Pour bon nombre d’entre nous, nous nous sommes appariés comme de vulgaires chaussettes. Pis, parfois, nous avons fondé des familles.

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Maintenant, corsetés dans des vies étriquées que nous n’arrivons pas à déboutonner, c’est Le Bagad de Lann-Bihoué que nous chantons, avec Souchon : 

Tu la voyais pas comme ça ta vie
Tapioca, potage et salsifis
On va tous pareil, moyen, moyen (…)
Mais qui t’a rangé à plat dans ce tiroir
Comme un espadon dans une baignoire ?
T’es moche en week-end, les mioches qui traînent (…)

Bonne nouvelle : il n’est pas trop tard pour secouer le joug d’un conditionnement social oppressif. Quitter les sentiers battus et réinventer notre rapport à l’autre, c’est possible, grâce au philosophe et soutien de Jean-Luc Mélenchon, Geoffroy de Lagasnerie. Il nous l’explique dans l’essai intitulé 3. Une aspiration au dehors qui paraît cette semaine et s’adresse « aux dissidents de la famille. »

Une œuvre de salut public

Reçu sur France Inter, lundi matin, par Léa Salamé, le penseur nous a vendu une conception enthousiasmante, novatrice et généreuse des relations humaines, en parfaite adéquation avec notre joyeuse époque. Ce mode d’emploi pour une vie sociale réussie repose sur l’observation du « trouple » qu’il forme depuis 10 ans avec ses acolytes : Didier Eribon, le sociologue et Édouard Louis l’écrivain, épigone d’Annie Ernaux. « Trois amis, trois hommes, trois âmes, qui ne peuvent s’imaginer vivre l’un sans l’autre », comme l’a déclamé Léa Salamé, avec les accents de Montaigne évoquant La Boétie. 

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Il s’agit dans cet ouvrage de raconter et surtout de théoriser cette amitié, modèle philosophique digne d’être partagé. Notre jeune éclairé fait ici, nous l’allons voir, œuvre de salut public : il veut aider tous les ringards fourvoyés à mieux vivre. Pour notre sage, en effet, la famille est associée « à la déperdition, à la tristesse et à l’ennui ». Elle est, précise-t-il, citant Pierre Bourdieu : « le lieu d’une sorte d’égoïsme collectif ». Elle « favoriserait même le développement de structures mentales autoritaires, voire fascistes ». On comprend mieux le projet de voler au secours de toutes ces âmes qui, non contentes d’être damnées, constituent un réel danger pour la société. Du récit d’une vie qui s’organise autour de l’amitié, on s’achemine, dans cet essai, vers « une réflexion critique sur les normes sociales et culturelles. » ; c’est diablement habile.

Le cercle de ses amis

C’est la trinité qui conjure la fadeur et la monotonie de l’existence : « Vivre, c’est vivre à trois, c’est être ému à trois, c’est assister à un concert ou à un évènement à trois. » « Nous fêtons nos anniversaires à trois, Noël à trois, la nouvelle année à trois, nous voyageons à trois », explique notre oracle, avec le débit d’une mitraillette. Et puis, les amis de nos amis devenant, c’est bien connu, nos amis, on élargit son monde.

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Le modèle proposé par le « trouple » n’a pas comme ciment la seule sexualité. Du reste, Léa Salamé souligne bien que les trois amis ne vivent pas sous le même toit. Soyons clair: penser faire la révolution sociale grâce la révolution sexuelle est, pour notre penseur, un projet dépassé. Il s’agit maintenant d’inventer des « formes relationnelles beaucoup plus subversives. » L’amitié, ajoute notre théoricien, favorise « une vie qui n’a pas de centre », « la démultiplication des liens », donc. Elle ouvre à tous les possibles labiles qu’affectionne notre époque, là où la cellule familiale sclérose. 

Notre exalté va plus loin, étendant sa réflexion à la politique qu’il s’agit de rendre plus ouverte. « La politique devrait avoir pour projet de se donner le plus d’amitiés possibles », nous dit ce sectateur de LFI, parti dont on connaît la légendaire ouverture à autrui… Il faudrait, selon notre génie, en finir avec le Ministère des Familles et créer un Ministère de l’Amitié. « Des allocations amicales plutôt que des allocations familiales. », tel est son slogan.

À bas le matinalisme !

Il s’agit aussi de se révolter contre ceux qui ont imposé, avec leurs chiards, « le matinalisme », forme d’oppression s’il en est, à laquelle Geoffroy de Lagasnerie impute, de fait, une grande partie de l’échec scolaire. « Les gens qui ont des familles se donnent le droit d’exercer un cannibalisme moral sur ceux qui n’ont pas d’enfants. », sous prétexte qu’il faut respecter le rythme de vie des niards, explique celui qui souffre de se lever tôt. Si vous avez fait la fête toute la nuit, qu’on vous foute la paix, que diable ! Qu’on ne vous impose pas des contraintes matinales dictatoriales ! 

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Notre philosophe espère ainsi poser des jalons pour une conception de l’existence plus adaptée à l’évolution de notre société, épaulant ainsi les visées des Insoumis et des écologistes, thuriféraires du « droit à la paresse » et d’une vie qui fasse sens. C’est pourquoi, n’oubliant pas le contexte social, il a déclaré, à la fin de l’interview, mettre tout son espoir en LFI. Il s’est aussi dit « très ému et très touché par la stratégie des Insoumis à l’Assemblée nationale qui a fait dérailler le projet macroniste de la réforme des retraites. » Pour conclure, il a affirmé faire sien, pour les jours prochains, un slogan des précédentes manifs : « Macron, si tu nous mets 64, on te remet 68. »

Sous l’entrée : « Égoïsme », dans le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, on peut lire : « Égoïsme : Se plaindre de celui des autres et ne pas s’apercevoir du sien » …

3. Une aspiration au dehors: Éloge de l'amitié

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Fitgirls VS Creeps: quand la salle de sport devient le temple de la mauvaise foi

Phénomène des «gym creeps». L’influenceuse américaine Jessica Fernandez est victime d’un violent retour de bâton sur les réseaux sociaux, après avoir accusé un homme d’avoir croisé son regard pendant sa séance de sport.


Depuis 2021, de nombreuses femmes postent des vidéos où elles dénoncent les « gym creeps », des hommes qui, dans les gymnases, reluquent les jolies femmes bien sculptées pendant qu’elles font leurs exercices. Certes, il doit y avoir des cas d’hommes indiscrets et importuns dans les salles de sport. Mais les internautes ont commenté le fait que dans beaucoup de ces vidéos les femmes se mettent en scène dans des tenues extrêmement moulantes et font des mouvements suggestifs des hanches et du buste, comme si elles voulaient attirer l’attention et récolter des likes. Elles ont l’air de dire : regardez, je suis belle car j’ai des creeps (des « sales mecs ») qui me zieutent, et je suis moralement supérieure car je les dénonce. En janvier, une jeune influenceuse américaine, Jessica Fernandez, a posté une vidéo qui a engrangé des millions de vues.

@breakingtrendsnews

Twitch influencer Jessica Fernandez films man staring at her ‘like a piece of meat’ at the gym. Anything for likes , sad.

♬ original sound – Breaking Trends News

Elle se filme à la gym en train de parler à sa caméra pendant qu’elle fait ses exercices. Derrière elle, on voit un homme qui, de temps en temps, jette un regard vague dans sa direction et qui vient proposer de l’aider à ranger les poids. Elle refuse poliment et il s’en va. Pendant ce temps, elle fait un commentaire à son insu le dénonçant comme un pervers. Face à l’avalanche de critiques sur le Net, elle a présenté ses excuses, ce qui est tout à son honneur. Mais le 13 février, un footballeur aveugle anglais poste une vidéo virale où il raconte une expérience bien différente. Dans le gymnase il se voit – ou s’entend – accuser par une femme de la reluquer. Quand il explique qu’il est non-voyant, elle appelle le personnel qui l’expulse de la salle. Une expérience similaire est arrivée à un surfeur aveugle américain, Pete Gustin, en 2021. Quand il révèle qu’il est aveugle, son accusatrice répond : « Je m’en fous, arrêtez de me zieuter ! » Un média satirique a publié une fausse histoire où une femme accuse un aveugle de la lorgner – par le biais de son chien guide. Selon l’échelle de valeurs actuelle, les trans sont supérieurs aux femmes, mais les féministes supérieures aux non-voyants.

Au Maghreb, le «vivre-ensemble» entre Noirs et Arabes n’existe pas

Les premiers y sont victimes d’insultes ou de brimades, à côté desquelles le récent et virulent discours du président tunisien Kaïs Saïed passe pour du menu fretin.


Les propos du président tunisien Kaïs Saïed du 21 février concernant les migrants, qu’il accuse d’arriver en « hordes » et de « modifier la composition démographique » de son pays, ont été fortement critiqués ces derniers jours, même par l’un de ses prédécesseurs, Moncef Marzouki, qui l’accuse de vouloir séparer le pays de son environnement africain.

C’est nous les Africains…

Si les violences se multiplient contre les Africains noirs depuis ce discours, il convient de souligner que le discours est la cause circonstancielle et non fondamentale de ces agressions. En effet, la Tunisie, comme les autres pays du Maghreb, et plus largement les pays arabo-musulmans, est habitée par un racisme très présent envers les personnes de couleur, dénoncé par des ONG mais souvent peu médiatisé hors d’Afrique.

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Bien que les propos de Saïed aient été qualifiés de racistes, il est difficile de sérieusement qualifier comme telle la critique d’une immigration clandestine ou celle des actes répréhensibles commis par des étrangers. Et, à ce titre, la Tunisie est fondée à dénoncer ce qui attenterait à sa souveraineté et sa sécurité, même si cette immigration est davantage une migration, car la petite perle du Maghreb n’est souvent qu’une étape vers l’Europe. En revanche, ces propos se situent dans un environnement de racisme envers les Noirs, notamment dénoncé par plusieurs articles du magazine Jeune Afrique, qui n’ont pas suscité de grand intérêt.

Si les relations entre Maghrébins et Africains généralement d’origine subsaharienne peuvent être appréhendées avec amusement, comme le fait l’humoriste Redouane Behache, marié à une Congolaise, dans son sketch « Nous les Algériens, on est plusieurs dans un même corps », un certain « Abdel en vrai » dénonce sur AJ+ le racisme anti-Noirs des Nord-Africains, une situation ironique si l’on considère le racisme non moins important au Qatar d’où provient la chaîne qui diffuse un message progressiste en Occident.

Rosa Parks au Maghreb: pour l’instant, peu de relais…

En 2018, la Tunisie a été le premier pays arabe à promulguer une loi pénalisant la discrimination raciale, mais elle n’a pas modifié pour l’instant de façon importante le sort des Noirs, qu’ils soient immigrés ou Tunisiens depuis des années, notamment à cause d’une absence de sensibilisation à ce changement sur le terrain. Deux cas emblématiques ont été remarqués: en 2020, la justice a autorisé un Tunisien noir à retirer de son nom le mot « Atig » qui signifie « affranchi » (en référence à ses ancêtres esclaves) ; l’autre victoire avait été remportée l’année précédente par une enseignante victime d’insultes racistes de la mère d’une élève. L’ONG Minority Rights Group International, qui mentionne l’affaire[1], rappelle qu’un rapport avait dénoncé l’existence de bus séparés pour Blancs et Noirs à Gosba, une commune de la délégation de Sidi Maklouf. La situation avait été critiquée dans une lettre ouverte aux députés en février 2015 par Maha Abdelhamid, à la tête du Collectif égalité Tunisie. Dans sa lettre[2], la doctorante dénonçait même l’hypocrisie des Tunisiens arabes qui méprisent les groupes de danse de mariages, une profession réservée aux Noirs, tout en les recherchant pour leurs noces.

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Dans un article de 2016 intitulé « Racisme en Tunisie : On nous donne l’impression d’être des sous-hommes », Jeune Afrique a donné la parole à des étudiants noirs après l’agression de Congolais dans la capitale[3]. L’un d’eux, Camerounais, raconte subir des injures publiques faisant allusion au singe, le refus de chauffeurs de taxis de le prendre ou encore le fait que des Arabes se pincent le nez en sa présence. Une autre étudiante, Tunisienne elle, raconte que son institutrice l’avait installée au fond de la classe en expliquant que c’était à cause de sa couleur ou qu’un de ses enseignants au lycée l’appelait publiquement « oussifa » (esclave). De plus, dans la région de Gosba, les élèves noirs abandonnent tôt leurs études, faute de moyens, souligne Abdelhamid dans sa lettre aux députés.

Exception libyenne

Ce racisme, qu’on évoque en Tunisie à l’occasion des propos tenus par son président le 21 février, traverse en réalité toute l’Afrique du Nord. En 2014, elle était dénoncée par Jeune Afrique dans l’article Racisme au Maghreb : les Noirs sont-ils des citoyens comme les autres ? [4] Rappelant les crachats et les insultes publiques dont sont victimes les Noirs (« singe », « nègre », « esclave »), l’article constatait que ces derniers n’osaient pas protester et ne dénoncaient souvent le racisme que lorsqu’ils étaient entre eux. L’auteur racontait que des Arabes avaient tagué les murs d’un quartier noir en Égypte pour signifier qu’ils étaient « les maîtres des lieux », ce qui avait conduit à des combats faisant 26 morts dans la ville d’Assouan.

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Si l’article soulignait l’exception libyenne concernant la présence de Noirs dans les hautes sphères politiques et économiques, il faut rappeler que c’était surtout-là une volonté de Kadhafi. Après sa chute, les descendants d’esclaves de la ville de Tawergha ont dû fuir devant ceux de la ville arabe de Misrata. Les anciens mercenaires noirs du dictateur avaient violé des femmes arabes et tué des civils, mais la haine préexistait au siège de Misrata. En 2000, des Noirs invités par Kadhafi à s’installer dans le pays pour y travailler avaient été massacrés. L’armée avait regroupé des Noirs dans un camp pour les protéger, mais la foule l’avait incendié et les militaires avaient dû créer un autre camp où évacuer les victimes. Les immigrés avaient fini par fuir le pays ou se faire expulser.


[1] https://minorityrights.org/minorities/black-tunisians-fr/

[2] https://www.espacemanager.com/racisme-lettre-ouverte-dune-militante-aux-deputes-sur-un-cas-grave-dapartheid-en-tunisie.html

[3] https://www.jeuneafrique.com/387963/societe/racisme-tunisie-on-donne-limpression-detre-hommes/

[4] https://www.jeuneafrique.com/133758/societe/racisme-au-maghreb-les-noirs-sont-ils-des-citoyens-comme-les-autres/

Incantations

Quand une société a abandonné tous ses anciens rituels, elle en invente de nouveaux qu’on ne peut même pas dire « républicains » puisqu’ils renaissent sur les décombres des institutions que n’a pas su protéger la République: l’école, en tout premier lieu, qui vient d’être à nouveau le théâtre d’un fait divers sanglant.


On recourt alors, pour endiguer colères et peurs, à un rituel qu’on ressort, inchangé, dès qu’un meurtre particulièrement odieux justifie qu’on s’en remette à cet exorcisme collectif censé apaiser les esprits, appelés à trouver dans ce drame l’occasion de faire preuve de résilience alors qu’on  arrache jour après jour au peuple français un consentement forcé à accepter l’inacceptable, à désirer l’indésirable. Mais on a la tragédie qu’on peut, et celle-ci se déroule généralement en cinq actes, comme dans le théâtre classique.

Acte I : La stupeur. C’est à chaque fois la même litanie devant les caméras : comment est-ce possible ? C’est effroyable ! On ne s’y attendait pas… comment aurait-on pu imaginer… un garçon si gentil, etc. On découvre, ou feint de découvrir, combien les êtres humains peuvent être complexes et pervers et que le Mal, qu’une société civilisée se vantait d’avoir repoussé hors de la cité, est toujours bel et bien là, en embuscade. Mais qu’à cela ne tienne puisqu’on va faire front, tous ensemble qui plus est, comme si c’était là l’arme fatale contre un ennemi que des siècles de culture ne sont pas parvenus à éradiquer, mais avec lequel on pensait avoir au moins conclu un pacte de non-agression. La stupeur engendrant parfois la stupidité, l’envie vous prend alors de relire saint Augustin, Dostoïevski et quelques autres auteurs de même envergure qui ont vu, décrit, analysé ce que nous ne voulons plus voir, et qui ne fait que s’aggraver du fait de notre cécité.

Acte II : La contagion émotionnelle. L’émotion est sincère, à n’en pas douter, et il y aura toujours, dans tous les pays du monde, de « braves gens » bouleversés par les horreurs auxquelles ils ont assisté, désarmés et impuissants. Le problème n’est donc pas là mais dans l’orchestration des émotions individuelles, collectées par les médias et fondues en un chœur qui, à l’inverse de celui des tragédies antiques, n’est pas la voix du peuple jugeant sévèrement les héros égarés par leur démesure, ou se montrant compatissant à l’égard des êtres humains accablés par les dieux ou le destin. Le chœur antique est la voix d’une humanité souffrante mais en quête de justice, alors que la foule apitoyée semble participer à un grand lessivage collectif qui disperse la crasse au lieu d’en rechercher pour de bon les causes, tout en acceptant l’idée que vivre est en soi un risque qu’aucune mesure de prévention ne saurait écarter. Comment expliquer que l’on puisse à la fois brandir le « principe de précaution » pour des délits virtuels, et laisser s’installer une barbarie bien réelle ?

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Acte III : Mise en place d’une cellule d’aide psychologique. C’est là le premier pas d’une stratégie de reprise en main après la sidération initiale. Toutes les personnes impliquées dans le drame en tant que témoins plus ou moins proches de la victime, ou habitant sur les lieux où s’est déroulé le drame, sont invitées à venir parler de ce qu’elles ressentent et qui, demeuré enfoui, risquerait d’empoisonner leur vie. Rien à redire à cela, sinon qu’on attend sans doute trop, à titre personnel, de cette phase du rituel purificateur qui devrait également agir en amont : à quand une cellule psychologique permanente pour venir en aide aux enseignants en détresse avant qu’ils démissionnent ou se suicident ? Une sollicitude ponctuelle, si bienvenue soit-elle, risque de surcroît d’étouffer dans l’œuf toute velléité de révolte organisée contre ceux des politiques qui, investis de pouvoirs régaliens, ont failli à leur tâche mais vont profiter de l’émotion collective pour détourner l’orage qui plane sur leurs têtes, comme le montre l’acte suivant.

Acte IV : Rien de politique dans tout ça ! La professeure assassinée baigne encore dans son sang qu’on le sait déjà, on en est même sûr : « Ce n’est pas politique ! » Traduit de la novlangue ça veut dire: n’allez surtout pas chercher des coupables, ou même des tant soit peu responsables. Pas du fait divers lui-même bien sûr – celui-là ou un autre –  mais au moins des conditions de tous ordres qui l’ont rendu possible : climat délétère dans la France entière, banalisation de la violence, zones d’insécurité en extension constante, et enfin port d’armes à l’école comme si c’était aussi normal que d’emporter avec soi livres et cahiers. Il paraît qu’on ne peut pas résoudre le problème en installant des détecteurs de métaux, et que ce serait liberticide… Qu’importe d’ailleurs puisque ce ne sont pas les porteurs d’arme qu’il faut d’abord empêcher de nuire, mais tous ceux qui vont chercher à « récupérer » le potentiel émotionnel de l’événement en faveur de leurs idées nauséabondes. Ce qui semble cette fois-ci difficile vu le profil de l’assassin, et le lieu plutôt sécurisé où il a commis son crime ! Mais enfin la rhétorique est si bien rôdée qu’elle peut encore faire de l’effet. Quelques jours après le drame il n’y aura déjà plus rien à voir et à dire, du moins jusqu’au prochain séisme émotionnel qui sera lui aussi sans lendemain.

Acte V : Une marche blanche. Aussi blanche que l’arme qui causa la blessure mortelle ! Mais chacun sait qu’il y a blanc et blanc, bien sûr. Une marche en général silencieuse par respect pour la victime et sa famille, mais aussi pour faire savoir qu’on ne veut « plus jamais ça ! ». Quoi qu’il en soit de ce vœu pieux, la marche blanche est le point culminant d’un « blanchiment » des cœurs et des esprits ; ce défilé ritualisé finissant par paraître aussi grandiose, dans sa simplicité angélique, que l’Enchantement du Vendredi Saint dans le Parsifal de Wagner, ou le chœur des pèlerins dans Tannhäuser. C’est en tout cas une phase ultime de l’exorcisme collectif qu’il ne faut à aucun prix manquer car on s’y nettoie l’âme mieux que jadis à confesse ; d’autant qu’on y participe afin de « rendre hommage » à la victime dont la mort prend dès lors une dimension héroïque qui en masque le côté effroyable ou sordide. Que ne s’est-on mobilisés plus tôt afin de permettre à tous les enseignants qui subissent au quotidien les agressions de leurs élèves, et désespèrent d’être entendus par leur hiérarchie, d’exercer leur métier sans risquer leur vie !

Est-ce donc vraiment là l’unique représentation, codifiée et théâtralisée, que la société française est capable de se donner d’elle-même, de ses chagrins et de ses espérances quant à la possibilité de vivre encore en commun ?

Christine Angot au jury des Goncourt: enfin à sa place!

Notre chroniqueur, qui à notre grande stupéfaction ne paraît pas choqué par la nomination de Christine Angot au jury du Goncourt, profite de l’événement pour dresser un tableau quelque peu ironique de la production littéraire contemporaine.


Sur quel critère irréductible appréciez-vous — ou non — une œuvre littéraire ? Sur sa capacité à vous amuser, distraire, divertir — certes. Sur son ambition de créer une belle forme, peut-être. Mais essentiellement sur son décalage par rapport à ce que Roland Barthes appelait avec justesse « le degré zéro de l’écriture », ce plancher de l’expression, ce niveau abyssal à partir duquel tout écart fait style. Disons, pour simplifier, la langue des recettes de cuisine et des bulletins météo. Un texte parfaitement insipide — parce que le degré zéro littéraire correspond à ce péché mortel culinaire, le fade.

Vous avez reconnu là une description assez précise de 90% de la littérature contemporaine. Pensez que le Prix Nobel a été décerné à la championne hors catégorie du degré zéro, Annie Ernaux. Depuis que Serge Doubrovsky, en 1977, a inventé avec Fils ce qu’il a appelé l’autofiction, nos littérateurs s’en gavent jusqu’à l’écœurement — celui du lecteur, bien sûr.

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Christine Angot a enfourché très tôt ce mauvais cheval. Son premier roman publié, Vu du ciel, parlait de viol, mais sous une forme quelque peu allégorique. Interview, en 1995, revenait sur le sujet — si bien que Gallimard refusa cette fois de l’éditer, et que l’auteur (personne ne me fera écrire « l’autrice ») s’en alla chez Fayard. En 1999, décidant enfin d’appeler un chat par son nom, elle publie L’Inceste, et n’a eu de cesse depuis de revenir sur le sujet des viols répétés qu’elle dut subir, raconte-t-elle, de la part de son père, revenu à la maison 14 ans après sa naissance (à elle) et son départ (à lui), juste au moment où elle devenait un obscur objet du désir.

Depuis, elle a réitéré, encore et encore. L’exemple de Marguerite Duras, autre candidate à la platitude érigée en exemple, est là pour l’absoudre : L’Amant, prix Goncourt 1984, était une reprise de Barrage contre le Pacifique (1950), qui racontait déjà les amours d’une adolescente et d’un riche Asiatique — sujet repris dans L’Amant de la Chine du Nord, en 1991.

Loin de moi l’idée de me moquer de ces dames. Un viol est une affaire grave. Est-ce suffisant pour que tout témoignage à ce sujet puisse s’appeler « roman » ? Eric Naulleau et Pierre Jourde, dans Le Jourde & Naulleau (2004), recension de tous les imposteurs de la littérature contemporaine (allez-y voir, l’ouvrage couvre bon nombre de Goncourts et de Goncourables) disent de ce roman autofictif que « toutes les lignes de force de l’œuvre en gestation sont ici déjà repérables : agitation, déni du réel, livres qui tiendraient aisément sur quelques centimètres carrés promis aux bennes de recyclage ».

Ils n’avaient pas tort. Les écrits suivants d’Angot sont des resucées (si je puis dire) de L’Inceste. Avec des incursions dans les frasques de sa vie privée — voir Le marché des amants où elle raconte sa résistance au dur désir de sodomie de Doc Gynéco, dont elle partagea brièvement la vie. Beau sujet, ma foi…

Je dois à la vérité qu’il m’est arrivé de trouver à Christine Angot, chroniqueuse dans divers médias, de vraies qualités et même du punch. Il faut l’avoir vu expliquer non sans impatience à Sandrine Rousseau, qui draguait sur les terres du non-consentement sexuel avec Parler : Violences sexuelles : pour en finir avec la loi du silence (on mesure là encore le degré zéro d’un tel titre) en visant explicitement Julien Bayou, détesté puisqu’il visait la présidence d’EELV qu’elle convoitait, à quel point son désir de créer des instances au sein des partis destinées à écouter la parole des femmes était inconvenante, et à côté de la plaque. Christine Angot est parfois une polémiste efficace, et je salue son opposition à la GPA, qui fit hurler dans le camp des progressistes aveugles et des lecteurs de Libé.

Bien sûr, ses romans rasent si bien les mottes (si je puis ainsi m’exprimer) qu’ils dépassent l’insipide pour entrer de plain-pied dans l’illisible. Que ce caractère absolument plat ait été un critère pour lui valoir sa très récente nomination au jury du Prix Goncourt ne doit pas nous étonner. Christine Angot s’y sentira comme chez elle, elle aura pour voisin de table chez Drouant Eric-Emmanuel Schmitt ou Camille Laurens, entre autres gloires de cet establishment littéraire qui séjourne dans le degré zéro, mais creuse encore.

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Petit rappel littéraro-historique. Edmond de Goncourt, qui fonda le prix, n’a survécu, littérairement, que par son Journal, monument de jalousie, médisance, de fiel et d’antisémitisme. Cet aristocrate « artiste » ne supporta jamais d’être éclipsé par Flaubert, Zola, Maupassant et j’en passe. Il rassembla donc dès 1902 un quarteron d’auteurs du second rayon, dont difficilement Huysmans.

Les autres élus sont des littérateurs pour concierges. Les présidents successifs du Prix, à part Colette (de 1949 à 1954), ont été soigneusement choisis parmi les seconds couteaux de la littérature française de leurs époques respectives. Et à quelques exceptions près (Proust en 1919, Malraux en 1933, Beauvoir en 1954, Michel Tournier en 1970), ils sont soigneusement passés à côté de ce qui s’écrivait de plus intéressant, et n’ont accordé leurs faveurs qu’à des œuvres vouées à une obscurité certaine. Comme disait à peu près le Cyrano de Rostand: « John-Antoine Nau, Léon Frappié, Alphonse de Châteaubriand, Jean Cau, tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau ! »

Les Goncourt, ce sont quand même ces gens qui en 1932 préférèrent Guy Mazeline (qui ça ?) à Louis-Ferdinand Céline, en couronnant Les Loups plutôt que le Voyage au bout de la nuit.

Alors, Christine Angot parmi eux… C’est entendu, elle ne sait pas du tout écrire. Mais je crois qu’elle sait lire. Elle est capable même de trouver du génie à de vrais intellectuels. Il faut la voir (à partir de la 18ème minute) petite fille éberluée, face à Finkielkraut qui pourtant ne l’avait jamais épargnée — et qui sur ce coup n’en est pas revenu. Qui sait si elle ne saurait pas reconnaître un vrai écrivain, s’il se trouve que notre modernité déliquescente est capable d’en produire un ? Je me dispenserai donc de me moquer de sa cooptation chez Goncourt. J’éviterai d’écrire sur ce qu’elle écrit, parce que mettre du style, aussi pauvre que soit le mien, sur un écheveau de platitudes est une performance dont je me dispense, avec l’âge. Mais je saluerai éventuellement son vote, si par extraordinaire le Goncourt parvenait à couronner un vrai livre — ce dont je doute parfois. Amis littérateurs, faites-lui votre cour: Angot est désormais un zéro qui multiplie puis qu’elle est jurée au Goncourt.

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Crise des migrants: l’animateur vedette de la BBC fait une reductio ad Hitlerum

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Emmanuel Macron et Rishi Sunak à Paris, le 10 mars 2023. A l'issue de la rencontre, Londres augmente considérablement son financement à la France pour combattre l'immigration clandestine © Jacques Witt/SIPA

Un des sujets les plus brûlants du sommet franco-britannique qui s’est tenu à Paris aujourd’hui? Celui des migrants, qui traversent la Manche dans des bateaux de fortune. Le Parlement de Westminster débat d’un projet de loi dont l’ambition est de mettre fin à ce phénomène. Le présentateur le mieux payé de la BBC s’est permis de faire une comparaison avec le IIIe Reich. Impunément.


Si Gary Lineker reste connu d’un certain public français, c’est uniquement parce que cet ancien footballeur anglais a joué au poste d’attaquant pour de nombreux clubs de football européens, parmi lesquels Barcelone, et qu’il a remporté le Soulier d’or de la Coupe du monde pour ses six buts au Mexique en 1986. M. Lineker n’a jamais reçu de carton jaune ou rouge au cours de sa carrière. Aujourd’hui, il est le présentateur le mieux payé de la BBC, avec un salaire annuel de 1,35 million de livres sterling en tant qu’animateur de l’émission footballistique phare de la BBC, Match of the Day.

A lire aussi: Le Royaume Uni enfin sorti du «bourbier» du Brexit ?

Les footballeurs ne sont généralement pas reconnus pour leur sagesse, et Lineker s’est rendu coupable cette semaine de la loi de Godwin, c’est-à-dire qu’au cours d’un débat en ligne sur un sujet politique d’actualité, il n’a pas hésité à faire une comparaison avec le régime nazi et son leader, Adolf Hitler.

Gary Lineker, le 29 janvier 2023  © Paul Greenwood/SIPA

Mercredi 8 mars, Suella Braverman, ministre britannique de l’Intérieur, a présenté un nouveau paquet législatif destiné à réduire l’immigration clandestine massive vers le Royaume-Uni à travers la Manche, notamment par le biais de petits bateaux au départ du nord de la France. La nouvelle loi prévoit la détention de ces immigrants et leur expulsion vers leur pays d’origine ou vers le Rwanda pour y demander l’asile. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que les migrants pourraient empêcher leur expulsion pour des raisons liées à l’asile, à l’esclavage moderne et aux droits de l’homme.

A lire aussi: À Calais, chronique d’une tragédie annoncée

L’intervention de M. Lineker a consisté à s’insurger sur son compte Twitter en déclarant à propos d’un projet de loi qu’il qualifie de « plus qu’horrible » : « Il n’y a pas d’afflux massif. Nous accueillons beaucoup moins de réfugiés que les autres grands pays européens. Il s’agit d’une politique d’une cruauté incommensurable dirigée contre les personnes les plus vulnérables dans un langage qui n’est pas différent de celui utilisé par l’Allemagne dans les années 30 ».

En tant que particulier, M. Lineker a naturellement le droit d’exprimer son opinion. Dans une société libre, la liberté d’expression est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie. Toutefois, les personnes engagées dans la vie publique ont la responsabilité de réglementer leur discours de manière à ne pas être délibérément offensant et incendiaire. Bien que l’on puisse soutenir que les commentaires de M. Lineker ne sont ni l’un ni l’autre, ils ont certainement offensé, en particulier les parents de ceux qui ont fui l’Allemagne nazie dans les années 1930. En plus de ce problème, M. Lineker a des responsabilités supplémentaires en tant que salarié de la BBC.

Subventionnée, la BBC perd son public

Comme radiodiffuseur national, la BBC est financée par la redevance. Cette redevance annuelle de 159 livres sterling est une obligation pour tous les foyers du pays qui possèdent un téléviseur. Aucune autre chaîne de télévision ne bénéficie d’un tel financement garanti ; elles dépendent principalement des recettes publicitaires et des abonnements. Si la confiance du public dans la production de leur contenu diminue, il est probable que les téléspectateurs se détournent de la chaîne et que les revenus de cette dernière baissent. La BBC n’a pas de telles contraintes. Cependant, depuis sa création, il a été entendu qu’en échange de ce financement garanti, la BBC serait totalement impartiale dans sa production d’informations.

À lire aussi, Céline Pina: Derrière la disparition de la redevance audiovisuelle, la perte de sens du service public

Malheureusement, la confiance du public dans la BBC a chuté de manière spectaculaire.  En 2018, le niveau de confiance était de 75 %, alors qu’il n’est plus que de 55 % aujourd’hui. En effet, à de nombreuses reprises après le référendum sur le Brexit, l’institution a été accusée de partialité dans ses reportages. Consciente de ce problème, la BBC s’est efforcée de faire le ménage, ce qui est tout à son honneur.

Lorsque Boris Johnson s’est retiré de la course électorale pour redevenir Premier ministre après la démission de Liz Truss, une présentatrice de la BBC, Martine Croxall, a été retirée des ondes pendant une semaine pour avoir déclaré en direct à la télévision : « Ai-je le droit d’être aussi joyeuse ? »

Le devoir d’impartialité trop souvent bafoué

En outre, la BBC a mis en place des règles strictes concernant les interventions sur les médias sociaux. L’une de ces règles stipule que « si votre travail exige que vous restiez impartial, n’exprimez pas d’opinion personnelle sur des questions de politique publique, de politique ou de « sujets controversés ». »

En tant que simple présentateur d’une émission sportive, on pourrait affirmer que le travail de Gary Lineker n’exige pas qu’il conserve son impartialité. Cependant, son cas reste exceptionnel dans la mesure où l’influence publique de M. Lineker est incommensurable. Ce n’est pas la première fois qu’il commente les politiques publiques et, en septembre dernier, Tim Davie, le directeur général de la BBC, a pris des mesures disciplinaires à son encontre à la suite de plaintes concernant de nombreux commentaires qu’il avait faits en ligne. 

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Ses derniers tweets ont suscité de nouvelles et compréhensibles demandes de licenciement. Néanmoins, il semble que la dernière indiscrétion de M. Lineker ne sera pas sanctionnée. Ce traitement apparemment préférentiel accordé à l’employé le mieux payé de la BBC a donc provoqué une nouvelle déception et contribuera probablement à une baisse continue de la confiance du public dans l’impartialité de l’institution. Ceux qui réclament l’abolition de la redevance y trouvent un argument supplémentaire.

Bien que je comprenne l’ironie qu’il y a à défendre la liberté d’expression tout en demandant que quelqu’un soit sévèrement puni pour ce qu’il dit, compte tenu de tout ce qui s’est passé auparavant, je pense qu’en l’occurrence, la BBC n’a pas pris la bonne décision. Elle ne regagnera pas la confiance du public si elle continue à soutenir des individus qui persistent à enfreindre leurs propres lignes directrices, à ignorer les résultats des procédures disciplinaires internes. M. Lineker aurait dû recevoir le premier carton rouge de sa carrière et perdre son emploi.

Ceux qui incitent leurs filles à aller à l’école en abaya ne partagent aucune valeur avec ceux qui les défendent

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© Pascal Fayolle/SIPA

«Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République.» Article 21-24 du Code civil


Selon le syndicat SNPDEN-UNSA, 42% des personnels de direction constatent la présence de tenues religieuses à l’école. La raison de ce chiffre est double: il y a la lâcheté de l’administration de l’Education nationale, qui s’abstient de faire respecter la loi jusque dans le lieu même où on devrait enseigner ce qu’est la loi, et le nombre des personnes auxquelles la France a ouvert ses portes sans être sûre de pouvoir en faire de véritables Français. La faute aux gouvernants, donc, doublement. Leur lâcheté n’a d’égale que l’ampleur de l’immigration qu’ils ont laissé se produire. Elle en est la cause et le résultat.

Tenues féminines islamiques: l’esthétique d’une autre civilisation

Quand une population étrangère ne représente que quelques milliers de personnes, on se fiche de ses potentielles revendications identitaires. Mais quand cette population est de plusieurs centaines de milliers, ces mêmes revendications ont les traits d’une mise en demeure. Les gouvernants n’osent les balayer d’un revers de main, même quand c’est la loi qui le permet. Cartes d’identité, piscines de Grenoble, voiles à l’école : tout cela est la surface d’un même problème de fond. Le voile est le thème qui revient chaque fois comme un taon nous rappeler qu’une certaine civilisation essaye d’instrumentaliser les libertés publiques pour imposer sa liberté, sa croissance, son confort, son style, son esthétique.

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Une partie de la population qu’on appelle française mais qui n’a de française que ses papiers, peut-elle inciter un gouvernant à ne pas faire respecter la loi ? Peut-elle contraindre le gouvernant à mépriser la souveraineté du peuple ? Les 42% du syndicat SNPDEN-UNSA nous prouvent que oui. Ils s’ajoutent à tous les autres faits d’actualité où il était question de changer ou de violer la loi pour s’adapter à une exigence communautaire. Ces 42%, c’est l’un des chiffres qui permettent de quantifier le trop plein d’immigration, l’excès d’immigration, la partie excédentaire de notre immigration.

Je le dis donc préventivement, je ne reçois aucune leçon de morale de la part des apprentis sorciers du vivre ensemble!

On ne doit pas croire que je parle à la légère. On ne doit pas s’amuser à culpabiliser celui qui parle du manque d’intégration d’une certaine partie de la population. Je le dis très sérieusement: bien des personnes que le droit du sol a fait françaises ne le sont d’aucune manière. Elles ne le sont que légalement. De toutes les manières qu’il y a d’être français, par le sang, par la volonté, par l’affection, par la culture, par le mérite, elles ne le sont que d’une seule: le papier, cet élément sur lequel on peut écrire tout et n’importe quoi, le papier sur lequel on raconte toutes les histoires du monde, sur lequel on a retranscrit les contes de fées, sur lequel on a transcrit cette histoire que des gens qui parlent à peine notre langue et qui foulent notre sol comme celui d’une patrie étrangère seraient français. Cette histoire, l’administration la raconte chaque soir au bord du lit. Je considère ceux qui auraient le culot de me reprocher ce constat comme des traîtres. Ceux qui taxent de racisme le premier regard critique sur les échecs de l’intégration sont ceux qui ont couvert les assassins de Samuel Paty. Ce sont ceux qui excusent les menaces de mort reçues par milliers par la jeune Mila, qui n’avait fait qu’exercer sa liberté fondamentale d’opinion en dénigrant publiquement l’islam. Ceux qui m’accuseraient de racisme n’ont aucunement l’autorité pour le faire. Ils sont les premiers contributeurs du racisme, ce sont eux qui soutiennent une immigration si massive qu’elle aboutit à placer face à face des populations qui n’ont rien à voir entre elles, ce sont eux qui demandent une révision des valeurs de la République, au profit de la prise en compte d’exigences religieuses et communautaires. Je le dis donc préventivement, je ne reçois aucune leçon de morale de la part des apprentis sorciers du vivre ensemble.

Quand notre cosmopolitisme se fait angélique

Ceux qui n’ont jamais vu d’immigration que dans un film français subventionné vous racontent benoîtement que ce qui fait notre unité, ce sont les valeurs. Ils vous racontent de ces fadaises que même les immigrés ne croient pas une seconde. Ceux qui voudraient laisser leurs filles se voiler à l’école ne partagent aucune valeur avec ceux qui les défendent. Leur seule préoccupation, c’est l’argent qu’ils ont à la fin du mois, c’est de pouvoir aller prier en sécurité, c’est de pouvoir fumer leur pipe et dîner en famille. Ils ont des intérêts, ils organisent leur vie autour de ces intérêts, ils ne défendent pas un centième des valeurs que brandissent les Macron, les Bergé, les Mélenchon. Ces valeurs sont un paravent médiatique. Bien de ceux que le papier a faits français se moquent totalement de la laïcité, de notre littérature ou de côtoyer le peuple qui a accueilli leur famille. Ils ne se soucient que de vivre leur vie. Si au cœur d’une polémique, un média leur tend le micro, ils diront en bredouillant, pour les plus avertis: « Mais la France, c’est pas les droits de l’homme ? ». Et le tour est joué. La France est le pays des droits de l’homme qui veut y vivre comme dans un autre pays. Ce n’est que dans cette perspective égocentrique que ses libertés suscitent un intérêt quelconque chez ceux qui sont les moins enclins à les aimer.

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Ce n’est pas un reproche, c’est une critique faite de la vision angélique du cosmopolitisme. Le droit du sol n’a aucun sens s’il n’est pas corroboré par une politique d’assimilation, comme le Code civil l’exige pour la naturalisation en son article 21-24. Juxtaposer le droit du sol à une immigration incontrôlée, c’est mettre des peuples différents dans le même panier, des peuples qui n’ont ni les mêmes valeurs, ni les mêmes références, ni les mêmes affections, ni les mêmes intérêts, ni les mêmes allégeances. Des peuples qui n’ont de commun que le territoire qu’ils occupent et que le nom de Français qu’ils arborent. C’est faire de l’arithmétique avec les hommes. C’est prendre les hommes pour des chiffres.

La gauche est spécialiste de cette nouvelle discipline. Elle réussit l’exploit d’être contre le laisser faire et pour le laisser aller. Evidemment contre la doctrine du laisser face en matière d’économie, par exemple. Mais pour en matière d’immigration. L’immigration est pour elle une sorte de main invisible !

L’Afrique au musée

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D.R.

Le musée de l’Afrique à Bruxelles, ou comment détester le passé…


Conçu au début du XXème siècle à l’initiative du roi Léopold II par l’architecte Charles Girault, auteur du Petit palais à Paris, l’ancien musée du Congo belge à Tervuren près de Bruxelles abrite une des plus grandes collections au monde d’objets originaires d’Afrique.

Rouvert en 2018 après une transformation radicale, le nouveau musée s’affiche désormais « décolonial » et tient « explicitement à se distancier de la colonisation »… sans laquelle il n’existerait pas.

La guide officielle de notre groupe affiche la suffisance des intellectuels de gauche de notre époque. Pour elle, l’Afrique se divise entre les ténèbres de la colonisation et le monde éclairé d’aujourd’hui, surtout porté par la « diaspora africaine en Belgique » qui a « activement participé à la conception du musée » :  comprenez des associations ne représentant personne qui ont été financées par des fonds publics et sont ainsi légitimées. Une salle de ce petit musée (5% seulement des collections sont exposées) est d’ailleurs consacrée à cette diaspora « qui subit une forme grave de racisme et de discrimination ».

Une salle des horreurs au sous-sol

La visite commence obligatoirement par la toile d’un « artiste belgo-congolais » représentant la statue d’un « homme Léopard »  tiraillée entre un homme blanc laid et obèse qui veut la conserver au musée et des noirs qui veulent la retirer des collections exposées car représentative de « l’imaginaire colonial ». Ceci est censé nous expliquer pourquoi seules quelques statues de l’époque coloniale  sont visibles au « dépôt » au sous-sol, dans une sorte de salle des horreurs. Elles « n’ont plus leur place au musée car elles témoignent des préjugés et stéréotypes profondément ancrés qui ont contribué au racisme dans notre société moderne ».

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Ignorant que le sens du mot race a changé depuis le XIXème siècle où il désignait des peuples, notre guide – appelons là désormais Small Sister – déclare fièrement « que l’on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de races » (ouf !) mais qu’il est « important de déconstruire l’imaginaire colonial car c’est ce qui explique le racisme aujourd’hui ». On l’aura compris, le fil conducteur du musée est le lien entre la vision coloniale et le racisme contemporain qui imprègnerait nos sociétés du XXIème siècle.

D’ailleurs, selon Small Sister, la propagande coloniale aurait ignoré les royaumes et empires africains pour mettre l’accent sur les tribus qui, dans notre imaginaire, nous renverraient à la préhistoire. L’inexistence de l’écriture en Afrique sub-saharienne ne traduirait pas non plus un retard de développement : « on voit avec Internet et les fake news que l’écriture n’est pas toujours un progrès » (!) De l’esclavagisme et du cannibalisme, très répandu avant l’arrivée des Européens, il ne sera pas question. Dans sa bouche, les sociétés africaines deviennent un Eden que la colonisation aurait détruit.

Changement de mentalités

Une salle présente les réalisations contemporaines de la République démocratique du Congo avec au centre un immense robot policier qui règle la circulation à un carrefour de Kinshasa. Pour Small Sister, ce robot, « construit par une femme ingénieur africaine », « n’aurait pu être conçu par un ingénieur européen » ! Et de se réjouir que les enfants qui visitaient le musée auparavant retenaient de leur visite l’éléphant empaillé et désormais le robot : « les mentalités évoluent » se réjouit-elle !

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Passons sur les « Total ne veut pas qu’il y ait de transports en commun en Afrique » et autres « le président Thomas Sankara du Burkina Faso a été assassiné par les intérêts impérialistes», pour en venir au clou de la visite : la Grande rotonde avec son impressionnante coupole.  Quatre statues en bronze doré y représentent « La Belgique apportant la civilisation au Congo ». Evidemment, inacceptable, déboulonnage assuré… mais, le palais étant classé, les monuments historiques s’y sont opposés, considérant que les statues faisaient partie de l’ensemble architectural. Un compromis à la belge a donc été trouvé. Les statues restent en place mais sont recouvertes d’un « voile proposant une lecture nouvelle » et la salle accueille un projet « visant à faire contrepoids « avec deux sculptures contemporaines, l’une « représentant les horreurs du passé » et l’autre « les promesses de l’avenir » !

Objectifs: endoctrinement et culpabilisation

Que conclure de cette visite ? D’abord que le pouvoir politique a, une fois encore, abdiqué devant l’idéologie de quelques chercheurs militants et accepte que l’histoire du pays soit présentée sous un jour négatif à tel point que l’année dernière, la justice a obligé le musée à retirer une légende dénigrant l’action des paracommandos belges qui avaient sauvé des centaines d’Européens pris en otage. Les jeunes Européens qui visitent le musée ne peuvent en sortir que traumatisés, frappés par un sentiment de culpabilité. Leurs ancêtres, parfois leurs grands-parents, ont commis ces abominations dont ils portent la responsabilité historique, qu’il conviendra sans doute prochainement de « réparer » d’une façon ou d’une autre. Si le musée a pour vocation de « déconstruire l’imaginaire colonial », on ne voit pas comment enfants et adolescents qui le visitent pourraient à leur tour « déconstruire » le discours idéologique de Small Sister. Ils en ressortiront inévitablement endoctrinés, honteux de leur passé et de leur histoire.

Mais surtout ce récit, loin  d’apaiser les tensions, et de permettre le fameux vivre ensemble, ne peut au contraire que les exacerber, augmenter les frustrations et les récriminations  Selon l’idéologie du musée, les Africains de Belgique, « acteurs du musée »,  ne peuvent ainsi exister qu’en se victimisant, soit comme héritiers des colonisés, soit comme victimes du racisme actuel, ainsi qu’en s’identifiant en tant que groupe ou sous-groupe (Congolais, Rwandais, etc), ce qui ne peut qu’aggraver la division de la société. Le musée entretient ainsi une idéologie post-coloniale, qu’il prétend par ailleurs combattre.

Sans en être consciente, Small Sister représente l’idéologie, le conformisme et l’arrogance de notre temps dont elle partage tous les stéréotypes. Elle conclut la visite sur ces mots: « En matière décoloniale, la Belgique est très en avance par rapport à d’autres pays dont la France ».  On aimerait tellement qu’elle soit en retard !

Un imaginaire en panne

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Le chroniqueur Olivier Dartigolles © Hannah Assouline

Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.


« Guetteur, où en est la nuit ? » Ésaïe, 2, II. Pour éclairer le futur et prévoir l’avenir de nos retraites, le pouvoir macronien a décidé de se projeter en… 2030. Sept années, quelle audace ! Et après ? Il sera alors temps d’allumer de nouveau la bougie d’une nouvelle réforme. Tout ça pour ça. Ces Diafoirus prescrivent la même ordonnance : 64 ans ou le désastre. 44 annuités ou le chaos. Sans aller chercher de nouvelles recettes, notamment du côté des revenus du capital, sans prendre en considération les idées et propositions, nombreuses et stimulantes, pour une Sécurité sociale du XXIe siècle. Plus ils expliquent leur projet injuste et plus le pays le rejette.

L’un des traits les plus inquiétants de la crise politique dans sa phase actuelle, qui connaît une accélération dont il faut bien prendre la mesure, est un imaginaire en panne. Une envie d’avenir en cale sèche. Un futur aussi désirable que la dernière note de McKinsey résumant les éléments de langage pour la prochaine matinale d’Olivier Véran ou l’exercice « PE-DA-GO-GI-QUE » d’Olivier Dussopt devant un salarié qui a eu la grande malchance de commencer à travailler à 16 ans et qui devra atteindre 44 annuités, contre 43 pour ceux ayant débuté à 17 ans. Misère… Où en est la nuit ?

On pourrait en sourire, mais Gramsci fut le guetteur d’hier et sa pensée est spectaculairement juste pour décrire l’époque nouvelle et ce clair-obscur d’où peuvent surgir des monstres et des phénomènes morbides les plus variés.

À lire aussi: Le travailleur, une figure en voie de disparition?

L’avenir ? Il nous faut un grand et beau débat national sur le Travail, sa nature et son sens, sa réalité et les chemins pour le transformer. Sortir des clichés qui ne permettent pas de penser. Par exemple ? Je ne saurais trop vous conseiller le magnifique livre d’un vrai écrivain, Mattia Filice, qui dans Mécano (P.O.L.), nous parle de sa vie professionnelle. Il conduit le train. Cheminot-poète qui dit la réalité d’un métier, d’une fraternité humaine, des joies et des difficultés. Annie Ernaux a raison : la réalité n’existe que si elle est écrite. Au cours des dernières semaines, nous avons eu de très nombreux témoignages sur la réalité du travail, dans le public et le privé, et notamment pour les femmes et les seniors.

Le futur c’est maintenant

L’avenir ? D’autres s’en occupent. Les 370 à 400 milliards de dollars prévus dans l’Inflation Reduction Act (IRA), plan entré en vigueur en janvier qui instaure des aides massives aux entreprises à condition qu’elles produisent aux États-Unis, provoquent déjà un tsunami de projets industriels et une menace de délocalisations massives. La réponse européenne est lilliputienne. La France regarde ailleurs.

L’avenir ? Via l’actualité ChatGPT, les enjeux liés à l’intelligence artificielle (IA) nous font mesurer le niveau stratosphérique des investissements privés. Microsoft, déjà à l’origine de la fondation d’OpenAI qui a développé l’outil ChatGPT, veut ainsi investir 10 milliards de dollars avec l’intention d’intégrer l’IA dans plusieurs de ses logiciels, dont Word. Plusieurs géants chinois de la Tech sont déjà mobilisés pour créer un concurrent à ChatGPT.

Relire la précédente chronique d’Olivier Dartigolles: Coup de rouge

L’avenir encore. Record de tous les temps, en 2022, les États ont subventionné les énergies fossiles à hauteur de 1 000 milliards de dollars alors que la crise climatique exigerait plutôt de les pénaliser. La même année, la France n’a jamais produit aussi peu d’électricité depuis 1992. Nous sommes même devenus un pays importateur net d’électricité en 2022, du jamais-vu depuis… 1980. Et le gouvernement vient de s’embarquer dans une réforme visant à supprimer l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), avec un risque de perte de compétences dans un secteur stratégique, de souveraineté et… d’avenir.

Sur ces sujets et bien d’autres questions, à la fois singulières et entremêlées, trop peu instruites dans nos débats politiques et médiatiques, qui portent sur des enjeux essentiels et parfois mêmes vitaux, il en va aussi de l’avenir de notre vie démocratique. Tout ne doit pas être dans les mains des spécialistes, quand bien même nous avons besoin de leur expertise pluraliste et contradictoire. Les peuples doivent décider et ne pas être tenus à distance.

Guetteurs de tous les futurs, unissez-vous !

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Laïcité à l’école: régression du domaine de la lutte

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Capture d'écran BFMTV

Selon l’IFOP, 21% des enseignants ont déjà été menacés ou agressés pour des motifs de nature identitaire ou religieuse. Ce chiffre monte à 39%, concernant les enseignants en zones d’éducation prioritaire! Mais, allez comprendre, 62% des enseignants de moins de 30 ans pensent que les élèves devraient pouvoir venir dans les tenues qui leur conviennent à l’école[1]… Pap Ndiaye lutte-t-il vraiment contre cette tendance inquiétante? Analyse.


Le 16 octobre 2022 Pap Ndiaye déclarait sur Twitter : « Je n’ai pas la main qui tremble sur les questions de laïcité, dès mon arrivée, j’ai pris les dispositions nécessaires : renforcement des équipes Valeurs de la République, intensification de la formation des enseignants et consolidation de la protection fonctionnelle ». Il recueillait le score époustouflant de 393  « J’aime », signe d’une indifférence à ses propos jamais démentie à ce jour.

La tête de gondole diversitaire pour électeurs de gauche, dont l’une des premières visites Potemkine permit une superbe photo aux côtés de jeunes élèves voilées d’une école de Harlem, peine à convaincre sur ce sujet comme sur bien d’autres. Mais où en sommes-nous réellement ? L’Education nationale a-t-elle appris de ses erreurs ? Des mesures concrètes adaptées à l’aggravation de la situation ont-elles été prises ?

Une formation oui, mais « low cost »

Il y a eu, bien sûr, comme après chaque drame, production massive de papier. La circulaire du 9 novembre 2022  tente d’inscrire dans le marbre les nécessaires soutien et célérité dans l’action qui firent tragiquement défaut dans l’affaire Samuel Paty.  Cela suffira-t-il à inverser la tendance à l’abandon des enseignants au front qui caractérise le management de l’Education nationale ? Seul l’avenir nous le dira mais la lecture des témoignages sur les réseaux (ou dans le dernier numéro de Causeur NDLR) montre que, pour l’instant, aucune révolution copernicienne n’a eu lieu en la matière.

A lire aussi: Parents vigilants: des milliers de cris d’alarme

Concernant la formation, les retours des premières sessions pour les professeurs des écoles laissent perplexe. Bien sûr, pour tous les sujets, les enseignants sont, depuis Jean-Michel Blanquer, habitués à subir un déversement uniforme de diapositives, sur leur ordinateur personnel ou en grand messe par vidéoprojection. Il est loin le temps où un catalogue de thèmes leur permettait de choisir des formations correspondant à leurs besoins et leur niveau. Mais cette fois-ci, sur ce sujet sensible et complexe, le souci d’économie (ou de maîtrise des propos ?) a été  poussé un cran plus loin : les professeurs des écoles se sont vus proposé une leçon par… leurs pairs ! Ce sont donc parmi leurs collègues directeurs, que les inspecteurs ont désigné ceux qui disposaient d’un temps de décharge de classe suffisant pour ingurgiter les dix heures de bonne parole préalable avant régurgitation. Des motivés ? Des passionnés de la question ? Des érudits ? Que nenni ! Uniquement ceux qui ne risquaient pas d’engendrer le coût d’un remplaçant dans leur classe.  Les plus honnêtes ont d’ailleurs reconnu, en guise d’introduction à leurs premiers pas de formateurs: « Bonjour. Nous ne sommes ni historiens, ni juristes. Nous avons juste eu une formation et nous allons vous dire un peu de ce que l’on nous a expliqué ». Face à l’enjeu, cela semble un peu court.

Le même contenu se retrouve un peu partout : sage rappel historique (c’est sans risque) suivi d’études de cas tels que l’épineux souci d’une accompagnatrice de sortie scolaire porteuse d’une très grosse croix. Quelques jeux pédagogiques pour rendre actif l’apprenant et  trois minutes sur la laïcité de l’association Coexister (les connaisseurs apprécieront). Du gentil, du mignon, du politiquement correct. Rien sur d’éventuels réflexes comme éviter de recevoir des parents vindicatifs seuls, aucune affiche claire des personnes à contacter en cas d’urgence et même, pour certains, aucune présentation du Vademecum de la laïcité dont un exemplaire a pourtant été envoyé à chaque école sans que bien des enseignants ne s’en rendent compte. De temps à autre, on voit apparaître la fiche  « Comment reconnaitre un radicalisé ?» qui montre la lucidité de quelques audacieux, conscients que le problème dépasse la question des grosses croix exhibées en sorties scolaires. Une fois « formés », les enseignants seront parfois tenus de concocter un petit projet pour « faire vivre la laïcité » dans leur école, assurant ainsi à leur hiérarchie des statistiques artificiellement gonflées pour simuler une réponse à la hauteur de la gravité des problèmes.

En retard d’une guerre

Reconnaissons une chose : il y a un je ne sais quoi de savoureux à regarder les cadres et formateurs à la manœuvre en amont, d’ordinaire si férus de course à l’innovation pédagogique et aux « pédago-guignolades », se muer en nostalgiques hussards. Nous pourrions même en rire, s’il n’y avait urgence à adapter nos connaissances et nos pratiques à une évolution dangereuse qui dépasse depuis longtemps le cadre de la laïcité. Sa mise en cause n’est qu’un symptôme, une ombre sur les murs de la caverne de Platon et le dernier ouvrage de Florence Bergeaud-Blackler nous permet de prendre l’exacte mesure de l’inadéquation de la réponse de l’Éducation nationale.

Dans Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, l’anthropologue, chargée de recherche au CNRS décrit factuellement la stratégie de conquête de cette mouvance islamique. D’une très grande richesse, l’ouvrage ne saurait être résumé en quelques mots, retenons simplement que leur activisme s’exprime sur plusieurs fronts. La même importance est accordée à la conquête de cerveaux des musulmans qu’au modelage de ceux des non-musulmans. Depuis l’Europe jusqu’à l’échelon le plus local, tous les leviers sont bons pour faire des nations occidentales un substrat fertile : exploiter l’idéologie multiculturelle, réinterpréter le féminisme (« le voile, c’est mon choix »), culpabiliser par développement du concept d’islamophobie, cultiver les amitiés utiles dans les universités, les partis de gauche, les associations… Et tout cela en demeurant perçu, à tort, comme modéré. Notre vision doit être renouvelée, car « nous avons tendance à penser que les musulmans ont été mal intégrés et que pour cette raison ils ont trouvé refuge dans l’islam radical. C’est l’inverse, c’est l’islamisme, ici le frérisme qui empêche l’intégration » nous dit l’auteur.  « L’emprise du frérisme est avant tout mentale » : il nous prépare à l’acceptation de ses idées et ses pratiques autant qu’il enferme les musulmans dans une pensée systémique dont aucun élément ne saurait être remis en cause.

L’islam n’est pas le catholicisme

Éclairé de ces quelques éléments, il est aisé de comprendre en quoi l’école constitue une cible de choix pour cette conquête politico-religieuse parfaitement planifiée. Malheureusement, en ne plaçant ses formations que dans le champ de la laïcité, l’Éducation nationale occulte le volet politique et désarme ses enseignants, et ce, pour plusieurs raisons.

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Tout d’abord, l’hyper focalisation du rappel historique sur les Lumières renforce l’idée d’un combat opposant la Raison à la religion. Cela fait primer une lecture philosophique là où une mise en avant d’une problématique d’influence politique, remontant aussi loin que Philippe Le Bel face au pape Boniface VIII, serait plus adaptée aux enjeux. Une telle orientation libèrerait les enseignants de l’illusion de la charge d’émancipation que certains croient porter en invitant les mères voilées à accompagner les sorties scolaires. De même, une certaine déculpabilisation pourrait naître de la relecture du rôle du voile et des exigences alimentaires comme outil de démonstration de la puissance politique des forces à la manœuvre. Nous serions alors bien plus loin que sa définition comme simple élément de pratique religieuse individuelle à réguler au nom de la laïcité. 

Enfin, il faudrait cesser de vouloir se réchauffer à la lumière du souvenir des victoires passées. L’islam n’est pas le catholicisme. L’emprise qu’il met en place touche tous les domaines de la vie terrestre. Le croyant est responsable par le moindre de ses actes, pour lui-même et pour sa communauté, de ce qu’il adviendra dans l’Au-delà. Donner à voir le joli logo de l’Association Coexister, c’est contribuer à diffuser l’image subliminale erronée d’une équivalence interreligieuse, suffisamment rassurante pour pouvoir prendre les choses à la légère et sans intégrer l’ampleur de la prison mentale dans laquelle sont embastillés les élèves et leurs familles.

Parce qu’il règne désormais partout un « frérisme d’atmosphère » ainsi que l’écrit Gilles Kepel, l’éducation du regard de nos enseignants est urgente. L’école, si fragile, est une cible de choix : elle est irriguée par les projets venus des instances Européennes dont Florence Bergeaud-Blackler démontre l’infiltration frériste. Ses valeurs d’égalité, de fraternité, de liberté sont retournées contre elle par l’instrumentalisation/relecture qu’en font les Frères musulmans. La présentation policée de ces derniers les fait, à tort, passer pour des interlocuteurs raisonnables et modérés dont les associations locales pénètreront sans mal les enceintes scolaires et les conseils d’école. Face à cette réalité, l’angélisme et le politiquement correct qui imprègnent la salve de formation laïcité récemment tirée par le ministère de l’Education nationale sont inquiétants, alors agissons : lisons et faisons lire Florence Bergeaud-Blackler. Savoir, c’est déjà lutter.

Le Frérisme et ses réseaux: l'enquête

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[1] https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/03/119489_Rapport_Ifop_EV_Volet2_2023.02.10.pdf

Geoffroy de Lagasnerie jette le «trouple» sur le modèle relationnel patriarcal

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Selon l’auteur de 3: Une aspiration au dehors (Flammarion), il faut en finir avec la famille qui «favorise le développement de structures mentales autoritaires, voire fascistes» et permet l’insupportable «matinalisme».


Qui n’a pas, à quinze ans, claqué rageusement les portes de la demeure familiale ? Ou, Les nourritures terrestres de Gide à la main, vociféré sur ses parents : « Familles, je vous hais ! » ? C’est à pleins poumons aussi, qu’il nous est arrivé d’entonner quelques paroles salvatrices de la chanson de Renaud:

On choisit ses copains mais rarement sa famille
Y’a un gonze mine de rien qu’a marié ma frangine
Il est devenu mon beauf un beauf à la Cabu
Imbécile et facho mais heureusement cocu
Quand l’soleil brillera que pour les cons
Il aura les oreilles qui chauffent
Mon Beauf

Las ! Bas du front et mous du bulbe, endoctrinés malgré nous, nous avons fini par adhérer à une existence codifiée par les schémas patriarcaux séculaires. Pour bon nombre d’entre nous, nous nous sommes appariés comme de vulgaires chaussettes. Pis, parfois, nous avons fondé des familles.

A lire aussi, Ludovine de la Rochère: Démographie: alerte rouge sur les naissances

Maintenant, corsetés dans des vies étriquées que nous n’arrivons pas à déboutonner, c’est Le Bagad de Lann-Bihoué que nous chantons, avec Souchon : 

Tu la voyais pas comme ça ta vie
Tapioca, potage et salsifis
On va tous pareil, moyen, moyen (…)
Mais qui t’a rangé à plat dans ce tiroir
Comme un espadon dans une baignoire ?
T’es moche en week-end, les mioches qui traînent (…)

Bonne nouvelle : il n’est pas trop tard pour secouer le joug d’un conditionnement social oppressif. Quitter les sentiers battus et réinventer notre rapport à l’autre, c’est possible, grâce au philosophe et soutien de Jean-Luc Mélenchon, Geoffroy de Lagasnerie. Il nous l’explique dans l’essai intitulé 3. Une aspiration au dehors qui paraît cette semaine et s’adresse « aux dissidents de la famille. »

Une œuvre de salut public

Reçu sur France Inter, lundi matin, par Léa Salamé, le penseur nous a vendu une conception enthousiasmante, novatrice et généreuse des relations humaines, en parfaite adéquation avec notre joyeuse époque. Ce mode d’emploi pour une vie sociale réussie repose sur l’observation du « trouple » qu’il forme depuis 10 ans avec ses acolytes : Didier Eribon, le sociologue et Édouard Louis l’écrivain, épigone d’Annie Ernaux. « Trois amis, trois hommes, trois âmes, qui ne peuvent s’imaginer vivre l’un sans l’autre », comme l’a déclamé Léa Salamé, avec les accents de Montaigne évoquant La Boétie. 

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Il s’agit dans cet ouvrage de raconter et surtout de théoriser cette amitié, modèle philosophique digne d’être partagé. Notre jeune éclairé fait ici, nous l’allons voir, œuvre de salut public : il veut aider tous les ringards fourvoyés à mieux vivre. Pour notre sage, en effet, la famille est associée « à la déperdition, à la tristesse et à l’ennui ». Elle est, précise-t-il, citant Pierre Bourdieu : « le lieu d’une sorte d’égoïsme collectif ». Elle « favoriserait même le développement de structures mentales autoritaires, voire fascistes ». On comprend mieux le projet de voler au secours de toutes ces âmes qui, non contentes d’être damnées, constituent un réel danger pour la société. Du récit d’une vie qui s’organise autour de l’amitié, on s’achemine, dans cet essai, vers « une réflexion critique sur les normes sociales et culturelles. » ; c’est diablement habile.

Le cercle de ses amis

C’est la trinité qui conjure la fadeur et la monotonie de l’existence : « Vivre, c’est vivre à trois, c’est être ému à trois, c’est assister à un concert ou à un évènement à trois. » « Nous fêtons nos anniversaires à trois, Noël à trois, la nouvelle année à trois, nous voyageons à trois », explique notre oracle, avec le débit d’une mitraillette. Et puis, les amis de nos amis devenant, c’est bien connu, nos amis, on élargit son monde.

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Le modèle proposé par le « trouple » n’a pas comme ciment la seule sexualité. Du reste, Léa Salamé souligne bien que les trois amis ne vivent pas sous le même toit. Soyons clair: penser faire la révolution sociale grâce la révolution sexuelle est, pour notre penseur, un projet dépassé. Il s’agit maintenant d’inventer des « formes relationnelles beaucoup plus subversives. » L’amitié, ajoute notre théoricien, favorise « une vie qui n’a pas de centre », « la démultiplication des liens », donc. Elle ouvre à tous les possibles labiles qu’affectionne notre époque, là où la cellule familiale sclérose. 

Notre exalté va plus loin, étendant sa réflexion à la politique qu’il s’agit de rendre plus ouverte. « La politique devrait avoir pour projet de se donner le plus d’amitiés possibles », nous dit ce sectateur de LFI, parti dont on connaît la légendaire ouverture à autrui… Il faudrait, selon notre génie, en finir avec le Ministère des Familles et créer un Ministère de l’Amitié. « Des allocations amicales plutôt que des allocations familiales. », tel est son slogan.

À bas le matinalisme !

Il s’agit aussi de se révolter contre ceux qui ont imposé, avec leurs chiards, « le matinalisme », forme d’oppression s’il en est, à laquelle Geoffroy de Lagasnerie impute, de fait, une grande partie de l’échec scolaire. « Les gens qui ont des familles se donnent le droit d’exercer un cannibalisme moral sur ceux qui n’ont pas d’enfants. », sous prétexte qu’il faut respecter le rythme de vie des niards, explique celui qui souffre de se lever tôt. Si vous avez fait la fête toute la nuit, qu’on vous foute la paix, que diable ! Qu’on ne vous impose pas des contraintes matinales dictatoriales ! 

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Notre philosophe espère ainsi poser des jalons pour une conception de l’existence plus adaptée à l’évolution de notre société, épaulant ainsi les visées des Insoumis et des écologistes, thuriféraires du « droit à la paresse » et d’une vie qui fasse sens. C’est pourquoi, n’oubliant pas le contexte social, il a déclaré, à la fin de l’interview, mettre tout son espoir en LFI. Il s’est aussi dit « très ému et très touché par la stratégie des Insoumis à l’Assemblée nationale qui a fait dérailler le projet macroniste de la réforme des retraites. » Pour conclure, il a affirmé faire sien, pour les jours prochains, un slogan des précédentes manifs : « Macron, si tu nous mets 64, on te remet 68. »

Sous l’entrée : « Égoïsme », dans le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, on peut lire : « Égoïsme : Se plaindre de celui des autres et ne pas s’apercevoir du sien » …

3. Une aspiration au dehors: Éloge de l'amitié

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Fitgirls VS Creeps: quand la salle de sport devient le temple de la mauvaise foi

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© D.R.

Phénomène des «gym creeps». L’influenceuse américaine Jessica Fernandez est victime d’un violent retour de bâton sur les réseaux sociaux, après avoir accusé un homme d’avoir croisé son regard pendant sa séance de sport.


Depuis 2021, de nombreuses femmes postent des vidéos où elles dénoncent les « gym creeps », des hommes qui, dans les gymnases, reluquent les jolies femmes bien sculptées pendant qu’elles font leurs exercices. Certes, il doit y avoir des cas d’hommes indiscrets et importuns dans les salles de sport. Mais les internautes ont commenté le fait que dans beaucoup de ces vidéos les femmes se mettent en scène dans des tenues extrêmement moulantes et font des mouvements suggestifs des hanches et du buste, comme si elles voulaient attirer l’attention et récolter des likes. Elles ont l’air de dire : regardez, je suis belle car j’ai des creeps (des « sales mecs ») qui me zieutent, et je suis moralement supérieure car je les dénonce. En janvier, une jeune influenceuse américaine, Jessica Fernandez, a posté une vidéo qui a engrangé des millions de vues.

@breakingtrendsnews

Twitch influencer Jessica Fernandez films man staring at her ‘like a piece of meat’ at the gym. Anything for likes , sad.

♬ original sound – Breaking Trends News

Elle se filme à la gym en train de parler à sa caméra pendant qu’elle fait ses exercices. Derrière elle, on voit un homme qui, de temps en temps, jette un regard vague dans sa direction et qui vient proposer de l’aider à ranger les poids. Elle refuse poliment et il s’en va. Pendant ce temps, elle fait un commentaire à son insu le dénonçant comme un pervers. Face à l’avalanche de critiques sur le Net, elle a présenté ses excuses, ce qui est tout à son honneur. Mais le 13 février, un footballeur aveugle anglais poste une vidéo virale où il raconte une expérience bien différente. Dans le gymnase il se voit – ou s’entend – accuser par une femme de la reluquer. Quand il explique qu’il est non-voyant, elle appelle le personnel qui l’expulse de la salle. Une expérience similaire est arrivée à un surfeur aveugle américain, Pete Gustin, en 2021. Quand il révèle qu’il est aveugle, son accusatrice répond : « Je m’en fous, arrêtez de me zieuter ! » Un média satirique a publié une fausse histoire où une femme accuse un aveugle de la lorgner – par le biais de son chien guide. Selon l’échelle de valeurs actuelle, les trans sont supérieurs aux femmes, mais les féministes supérieures aux non-voyants.

Au Maghreb, le «vivre-ensemble» entre Noirs et Arabes n’existe pas

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Migrants à Tunis, Tunisie, 9 mars 2023 © Mohamed Hammi/SIPA

Les premiers y sont victimes d’insultes ou de brimades, à côté desquelles le récent et virulent discours du président tunisien Kaïs Saïed passe pour du menu fretin.


Les propos du président tunisien Kaïs Saïed du 21 février concernant les migrants, qu’il accuse d’arriver en « hordes » et de « modifier la composition démographique » de son pays, ont été fortement critiqués ces derniers jours, même par l’un de ses prédécesseurs, Moncef Marzouki, qui l’accuse de vouloir séparer le pays de son environnement africain.

C’est nous les Africains…

Si les violences se multiplient contre les Africains noirs depuis ce discours, il convient de souligner que le discours est la cause circonstancielle et non fondamentale de ces agressions. En effet, la Tunisie, comme les autres pays du Maghreb, et plus largement les pays arabo-musulmans, est habitée par un racisme très présent envers les personnes de couleur, dénoncé par des ONG mais souvent peu médiatisé hors d’Afrique.

A lire aussi: Les Tunisiens ont peur du grand remplacement, eux aussi!

Bien que les propos de Saïed aient été qualifiés de racistes, il est difficile de sérieusement qualifier comme telle la critique d’une immigration clandestine ou celle des actes répréhensibles commis par des étrangers. Et, à ce titre, la Tunisie est fondée à dénoncer ce qui attenterait à sa souveraineté et sa sécurité, même si cette immigration est davantage une migration, car la petite perle du Maghreb n’est souvent qu’une étape vers l’Europe. En revanche, ces propos se situent dans un environnement de racisme envers les Noirs, notamment dénoncé par plusieurs articles du magazine Jeune Afrique, qui n’ont pas suscité de grand intérêt.

Si les relations entre Maghrébins et Africains généralement d’origine subsaharienne peuvent être appréhendées avec amusement, comme le fait l’humoriste Redouane Behache, marié à une Congolaise, dans son sketch « Nous les Algériens, on est plusieurs dans un même corps », un certain « Abdel en vrai » dénonce sur AJ+ le racisme anti-Noirs des Nord-Africains, une situation ironique si l’on considère le racisme non moins important au Qatar d’où provient la chaîne qui diffuse un message progressiste en Occident.

Rosa Parks au Maghreb: pour l’instant, peu de relais…

En 2018, la Tunisie a été le premier pays arabe à promulguer une loi pénalisant la discrimination raciale, mais elle n’a pas modifié pour l’instant de façon importante le sort des Noirs, qu’ils soient immigrés ou Tunisiens depuis des années, notamment à cause d’une absence de sensibilisation à ce changement sur le terrain. Deux cas emblématiques ont été remarqués: en 2020, la justice a autorisé un Tunisien noir à retirer de son nom le mot « Atig » qui signifie « affranchi » (en référence à ses ancêtres esclaves) ; l’autre victoire avait été remportée l’année précédente par une enseignante victime d’insultes racistes de la mère d’une élève. L’ONG Minority Rights Group International, qui mentionne l’affaire[1], rappelle qu’un rapport avait dénoncé l’existence de bus séparés pour Blancs et Noirs à Gosba, une commune de la délégation de Sidi Maklouf. La situation avait été critiquée dans une lettre ouverte aux députés en février 2015 par Maha Abdelhamid, à la tête du Collectif égalité Tunisie. Dans sa lettre[2], la doctorante dénonçait même l’hypocrisie des Tunisiens arabes qui méprisent les groupes de danse de mariages, une profession réservée aux Noirs, tout en les recherchant pour leurs noces.

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Dans un article de 2016 intitulé « Racisme en Tunisie : On nous donne l’impression d’être des sous-hommes », Jeune Afrique a donné la parole à des étudiants noirs après l’agression de Congolais dans la capitale[3]. L’un d’eux, Camerounais, raconte subir des injures publiques faisant allusion au singe, le refus de chauffeurs de taxis de le prendre ou encore le fait que des Arabes se pincent le nez en sa présence. Une autre étudiante, Tunisienne elle, raconte que son institutrice l’avait installée au fond de la classe en expliquant que c’était à cause de sa couleur ou qu’un de ses enseignants au lycée l’appelait publiquement « oussifa » (esclave). De plus, dans la région de Gosba, les élèves noirs abandonnent tôt leurs études, faute de moyens, souligne Abdelhamid dans sa lettre aux députés.

Exception libyenne

Ce racisme, qu’on évoque en Tunisie à l’occasion des propos tenus par son président le 21 février, traverse en réalité toute l’Afrique du Nord. En 2014, elle était dénoncée par Jeune Afrique dans l’article Racisme au Maghreb : les Noirs sont-ils des citoyens comme les autres ? [4] Rappelant les crachats et les insultes publiques dont sont victimes les Noirs (« singe », « nègre », « esclave »), l’article constatait que ces derniers n’osaient pas protester et ne dénoncaient souvent le racisme que lorsqu’ils étaient entre eux. L’auteur racontait que des Arabes avaient tagué les murs d’un quartier noir en Égypte pour signifier qu’ils étaient « les maîtres des lieux », ce qui avait conduit à des combats faisant 26 morts dans la ville d’Assouan.

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Si l’article soulignait l’exception libyenne concernant la présence de Noirs dans les hautes sphères politiques et économiques, il faut rappeler que c’était surtout-là une volonté de Kadhafi. Après sa chute, les descendants d’esclaves de la ville de Tawergha ont dû fuir devant ceux de la ville arabe de Misrata. Les anciens mercenaires noirs du dictateur avaient violé des femmes arabes et tué des civils, mais la haine préexistait au siège de Misrata. En 2000, des Noirs invités par Kadhafi à s’installer dans le pays pour y travailler avaient été massacrés. L’armée avait regroupé des Noirs dans un camp pour les protéger, mais la foule l’avait incendié et les militaires avaient dû créer un autre camp où évacuer les victimes. Les immigrés avaient fini par fuir le pays ou se faire expulser.


[1] https://minorityrights.org/minorities/black-tunisians-fr/

[2] https://www.espacemanager.com/racisme-lettre-ouverte-dune-militante-aux-deputes-sur-un-cas-grave-dapartheid-en-tunisie.html

[3] https://www.jeuneafrique.com/387963/societe/racisme-tunisie-on-donne-limpression-detre-hommes/

[4] https://www.jeuneafrique.com/133758/societe/racisme-au-maghreb-les-noirs-sont-ils-des-citoyens-comme-les-autres/

Incantations

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Devant le collège-lycée Saint-Thomas-d'Aquin, où une professeur a été poignardée par un de ses élèves, à Saint Jean de Luz, 23 février 2023 © Coudert/Sportsvision/SIPA

Quand une société a abandonné tous ses anciens rituels, elle en invente de nouveaux qu’on ne peut même pas dire « républicains » puisqu’ils renaissent sur les décombres des institutions que n’a pas su protéger la République: l’école, en tout premier lieu, qui vient d’être à nouveau le théâtre d’un fait divers sanglant.


On recourt alors, pour endiguer colères et peurs, à un rituel qu’on ressort, inchangé, dès qu’un meurtre particulièrement odieux justifie qu’on s’en remette à cet exorcisme collectif censé apaiser les esprits, appelés à trouver dans ce drame l’occasion de faire preuve de résilience alors qu’on  arrache jour après jour au peuple français un consentement forcé à accepter l’inacceptable, à désirer l’indésirable. Mais on a la tragédie qu’on peut, et celle-ci se déroule généralement en cinq actes, comme dans le théâtre classique.

Acte I : La stupeur. C’est à chaque fois la même litanie devant les caméras : comment est-ce possible ? C’est effroyable ! On ne s’y attendait pas… comment aurait-on pu imaginer… un garçon si gentil, etc. On découvre, ou feint de découvrir, combien les êtres humains peuvent être complexes et pervers et que le Mal, qu’une société civilisée se vantait d’avoir repoussé hors de la cité, est toujours bel et bien là, en embuscade. Mais qu’à cela ne tienne puisqu’on va faire front, tous ensemble qui plus est, comme si c’était là l’arme fatale contre un ennemi que des siècles de culture ne sont pas parvenus à éradiquer, mais avec lequel on pensait avoir au moins conclu un pacte de non-agression. La stupeur engendrant parfois la stupidité, l’envie vous prend alors de relire saint Augustin, Dostoïevski et quelques autres auteurs de même envergure qui ont vu, décrit, analysé ce que nous ne voulons plus voir, et qui ne fait que s’aggraver du fait de notre cécité.

Acte II : La contagion émotionnelle. L’émotion est sincère, à n’en pas douter, et il y aura toujours, dans tous les pays du monde, de « braves gens » bouleversés par les horreurs auxquelles ils ont assisté, désarmés et impuissants. Le problème n’est donc pas là mais dans l’orchestration des émotions individuelles, collectées par les médias et fondues en un chœur qui, à l’inverse de celui des tragédies antiques, n’est pas la voix du peuple jugeant sévèrement les héros égarés par leur démesure, ou se montrant compatissant à l’égard des êtres humains accablés par les dieux ou le destin. Le chœur antique est la voix d’une humanité souffrante mais en quête de justice, alors que la foule apitoyée semble participer à un grand lessivage collectif qui disperse la crasse au lieu d’en rechercher pour de bon les causes, tout en acceptant l’idée que vivre est en soi un risque qu’aucune mesure de prévention ne saurait écarter. Comment expliquer que l’on puisse à la fois brandir le « principe de précaution » pour des délits virtuels, et laisser s’installer une barbarie bien réelle ?

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Agnès Lassalle, tuée pour rien

Acte III : Mise en place d’une cellule d’aide psychologique. C’est là le premier pas d’une stratégie de reprise en main après la sidération initiale. Toutes les personnes impliquées dans le drame en tant que témoins plus ou moins proches de la victime, ou habitant sur les lieux où s’est déroulé le drame, sont invitées à venir parler de ce qu’elles ressentent et qui, demeuré enfoui, risquerait d’empoisonner leur vie. Rien à redire à cela, sinon qu’on attend sans doute trop, à titre personnel, de cette phase du rituel purificateur qui devrait également agir en amont : à quand une cellule psychologique permanente pour venir en aide aux enseignants en détresse avant qu’ils démissionnent ou se suicident ? Une sollicitude ponctuelle, si bienvenue soit-elle, risque de surcroît d’étouffer dans l’œuf toute velléité de révolte organisée contre ceux des politiques qui, investis de pouvoirs régaliens, ont failli à leur tâche mais vont profiter de l’émotion collective pour détourner l’orage qui plane sur leurs têtes, comme le montre l’acte suivant.

Acte IV : Rien de politique dans tout ça ! La professeure assassinée baigne encore dans son sang qu’on le sait déjà, on en est même sûr : « Ce n’est pas politique ! » Traduit de la novlangue ça veut dire: n’allez surtout pas chercher des coupables, ou même des tant soit peu responsables. Pas du fait divers lui-même bien sûr – celui-là ou un autre –  mais au moins des conditions de tous ordres qui l’ont rendu possible : climat délétère dans la France entière, banalisation de la violence, zones d’insécurité en extension constante, et enfin port d’armes à l’école comme si c’était aussi normal que d’emporter avec soi livres et cahiers. Il paraît qu’on ne peut pas résoudre le problème en installant des détecteurs de métaux, et que ce serait liberticide… Qu’importe d’ailleurs puisque ce ne sont pas les porteurs d’arme qu’il faut d’abord empêcher de nuire, mais tous ceux qui vont chercher à « récupérer » le potentiel émotionnel de l’événement en faveur de leurs idées nauséabondes. Ce qui semble cette fois-ci difficile vu le profil de l’assassin, et le lieu plutôt sécurisé où il a commis son crime ! Mais enfin la rhétorique est si bien rôdée qu’elle peut encore faire de l’effet. Quelques jours après le drame il n’y aura déjà plus rien à voir et à dire, du moins jusqu’au prochain séisme émotionnel qui sera lui aussi sans lendemain.

Acte V : Une marche blanche. Aussi blanche que l’arme qui causa la blessure mortelle ! Mais chacun sait qu’il y a blanc et blanc, bien sûr. Une marche en général silencieuse par respect pour la victime et sa famille, mais aussi pour faire savoir qu’on ne veut « plus jamais ça ! ». Quoi qu’il en soit de ce vœu pieux, la marche blanche est le point culminant d’un « blanchiment » des cœurs et des esprits ; ce défilé ritualisé finissant par paraître aussi grandiose, dans sa simplicité angélique, que l’Enchantement du Vendredi Saint dans le Parsifal de Wagner, ou le chœur des pèlerins dans Tannhäuser. C’est en tout cas une phase ultime de l’exorcisme collectif qu’il ne faut à aucun prix manquer car on s’y nettoie l’âme mieux que jadis à confesse ; d’autant qu’on y participe afin de « rendre hommage » à la victime dont la mort prend dès lors une dimension héroïque qui en masque le côté effroyable ou sordide. Que ne s’est-on mobilisés plus tôt afin de permettre à tous les enseignants qui subissent au quotidien les agressions de leurs élèves, et désespèrent d’être entendus par leur hiérarchie, d’exercer leur métier sans risquer leur vie !

Est-ce donc vraiment là l’unique représentation, codifiée et théâtralisée, que la société française est capable de se donner d’elle-même, de ses chagrins et de ses espérances quant à la possibilité de vivre encore en commun ?

Christine Angot au jury des Goncourt: enfin à sa place!

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L'écrivain Christine Angot au Théâtre de Chaillot, mars 2022, Paris © SADAKA EDMOND/SIPA

Notre chroniqueur, qui à notre grande stupéfaction ne paraît pas choqué par la nomination de Christine Angot au jury du Goncourt, profite de l’événement pour dresser un tableau quelque peu ironique de la production littéraire contemporaine.


Sur quel critère irréductible appréciez-vous — ou non — une œuvre littéraire ? Sur sa capacité à vous amuser, distraire, divertir — certes. Sur son ambition de créer une belle forme, peut-être. Mais essentiellement sur son décalage par rapport à ce que Roland Barthes appelait avec justesse « le degré zéro de l’écriture », ce plancher de l’expression, ce niveau abyssal à partir duquel tout écart fait style. Disons, pour simplifier, la langue des recettes de cuisine et des bulletins météo. Un texte parfaitement insipide — parce que le degré zéro littéraire correspond à ce péché mortel culinaire, le fade.

Vous avez reconnu là une description assez précise de 90% de la littérature contemporaine. Pensez que le Prix Nobel a été décerné à la championne hors catégorie du degré zéro, Annie Ernaux. Depuis que Serge Doubrovsky, en 1977, a inventé avec Fils ce qu’il a appelé l’autofiction, nos littérateurs s’en gavent jusqu’à l’écœurement — celui du lecteur, bien sûr.

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Christine Angot a enfourché très tôt ce mauvais cheval. Son premier roman publié, Vu du ciel, parlait de viol, mais sous une forme quelque peu allégorique. Interview, en 1995, revenait sur le sujet — si bien que Gallimard refusa cette fois de l’éditer, et que l’auteur (personne ne me fera écrire « l’autrice ») s’en alla chez Fayard. En 1999, décidant enfin d’appeler un chat par son nom, elle publie L’Inceste, et n’a eu de cesse depuis de revenir sur le sujet des viols répétés qu’elle dut subir, raconte-t-elle, de la part de son père, revenu à la maison 14 ans après sa naissance (à elle) et son départ (à lui), juste au moment où elle devenait un obscur objet du désir.

Depuis, elle a réitéré, encore et encore. L’exemple de Marguerite Duras, autre candidate à la platitude érigée en exemple, est là pour l’absoudre : L’Amant, prix Goncourt 1984, était une reprise de Barrage contre le Pacifique (1950), qui racontait déjà les amours d’une adolescente et d’un riche Asiatique — sujet repris dans L’Amant de la Chine du Nord, en 1991.

Loin de moi l’idée de me moquer de ces dames. Un viol est une affaire grave. Est-ce suffisant pour que tout témoignage à ce sujet puisse s’appeler « roman » ? Eric Naulleau et Pierre Jourde, dans Le Jourde & Naulleau (2004), recension de tous les imposteurs de la littérature contemporaine (allez-y voir, l’ouvrage couvre bon nombre de Goncourts et de Goncourables) disent de ce roman autofictif que « toutes les lignes de force de l’œuvre en gestation sont ici déjà repérables : agitation, déni du réel, livres qui tiendraient aisément sur quelques centimètres carrés promis aux bennes de recyclage ».

Ils n’avaient pas tort. Les écrits suivants d’Angot sont des resucées (si je puis dire) de L’Inceste. Avec des incursions dans les frasques de sa vie privée — voir Le marché des amants où elle raconte sa résistance au dur désir de sodomie de Doc Gynéco, dont elle partagea brièvement la vie. Beau sujet, ma foi…

Je dois à la vérité qu’il m’est arrivé de trouver à Christine Angot, chroniqueuse dans divers médias, de vraies qualités et même du punch. Il faut l’avoir vu expliquer non sans impatience à Sandrine Rousseau, qui draguait sur les terres du non-consentement sexuel avec Parler : Violences sexuelles : pour en finir avec la loi du silence (on mesure là encore le degré zéro d’un tel titre) en visant explicitement Julien Bayou, détesté puisqu’il visait la présidence d’EELV qu’elle convoitait, à quel point son désir de créer des instances au sein des partis destinées à écouter la parole des femmes était inconvenante, et à côté de la plaque. Christine Angot est parfois une polémiste efficace, et je salue son opposition à la GPA, qui fit hurler dans le camp des progressistes aveugles et des lecteurs de Libé.

Bien sûr, ses romans rasent si bien les mottes (si je puis ainsi m’exprimer) qu’ils dépassent l’insipide pour entrer de plain-pied dans l’illisible. Que ce caractère absolument plat ait été un critère pour lui valoir sa très récente nomination au jury du Prix Goncourt ne doit pas nous étonner. Christine Angot s’y sentira comme chez elle, elle aura pour voisin de table chez Drouant Eric-Emmanuel Schmitt ou Camille Laurens, entre autres gloires de cet establishment littéraire qui séjourne dans le degré zéro, mais creuse encore.

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Petit rappel littéraro-historique. Edmond de Goncourt, qui fonda le prix, n’a survécu, littérairement, que par son Journal, monument de jalousie, médisance, de fiel et d’antisémitisme. Cet aristocrate « artiste » ne supporta jamais d’être éclipsé par Flaubert, Zola, Maupassant et j’en passe. Il rassembla donc dès 1902 un quarteron d’auteurs du second rayon, dont difficilement Huysmans.

Les autres élus sont des littérateurs pour concierges. Les présidents successifs du Prix, à part Colette (de 1949 à 1954), ont été soigneusement choisis parmi les seconds couteaux de la littérature française de leurs époques respectives. Et à quelques exceptions près (Proust en 1919, Malraux en 1933, Beauvoir en 1954, Michel Tournier en 1970), ils sont soigneusement passés à côté de ce qui s’écrivait de plus intéressant, et n’ont accordé leurs faveurs qu’à des œuvres vouées à une obscurité certaine. Comme disait à peu près le Cyrano de Rostand: « John-Antoine Nau, Léon Frappié, Alphonse de Châteaubriand, Jean Cau, tous ces noms dont pas un ne mourra, que c’est beau ! »

Les Goncourt, ce sont quand même ces gens qui en 1932 préférèrent Guy Mazeline (qui ça ?) à Louis-Ferdinand Céline, en couronnant Les Loups plutôt que le Voyage au bout de la nuit.

Alors, Christine Angot parmi eux… C’est entendu, elle ne sait pas du tout écrire. Mais je crois qu’elle sait lire. Elle est capable même de trouver du génie à de vrais intellectuels. Il faut la voir (à partir de la 18ème minute) petite fille éberluée, face à Finkielkraut qui pourtant ne l’avait jamais épargnée — et qui sur ce coup n’en est pas revenu. Qui sait si elle ne saurait pas reconnaître un vrai écrivain, s’il se trouve que notre modernité déliquescente est capable d’en produire un ? Je me dispenserai donc de me moquer de sa cooptation chez Goncourt. J’éviterai d’écrire sur ce qu’elle écrit, parce que mettre du style, aussi pauvre que soit le mien, sur un écheveau de platitudes est une performance dont je me dispense, avec l’âge. Mais je saluerai éventuellement son vote, si par extraordinaire le Goncourt parvenait à couronner un vrai livre — ce dont je doute parfois. Amis littérateurs, faites-lui votre cour: Angot est désormais un zéro qui multiplie puis qu’elle est jurée au Goncourt.

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