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L’Afrique au musée

Bruxelles: quand l’idéologie s’invite au musée


L’Afrique au musée
D.R.

Le musée de l’Afrique à Bruxelles, ou comment détester le passé…


Conçu au début du XXème siècle à l’initiative du roi Léopold II par l’architecte Charles Girault, auteur du Petit palais à Paris, l’ancien musée du Congo belge à Tervuren près de Bruxelles abrite une des plus grandes collections au monde d’objets originaires d’Afrique.

Rouvert en 2018 après une transformation radicale, le nouveau musée s’affiche désormais « décolonial » et tient « explicitement à se distancier de la colonisation »… sans laquelle il n’existerait pas.

La guide officielle de notre groupe affiche la suffisance des intellectuels de gauche de notre époque. Pour elle, l’Afrique se divise entre les ténèbres de la colonisation et le monde éclairé d’aujourd’hui, surtout porté par la « diaspora africaine en Belgique » qui a « activement participé à la conception du musée » :  comprenez des associations ne représentant personne qui ont été financées par des fonds publics et sont ainsi légitimées. Une salle de ce petit musée (5% seulement des collections sont exposées) est d’ailleurs consacrée à cette diaspora « qui subit une forme grave de racisme et de discrimination ».

Une salle des horreurs au sous-sol

La visite commence obligatoirement par la toile d’un « artiste belgo-congolais » représentant la statue d’un « homme Léopard »  tiraillée entre un homme blanc laid et obèse qui veut la conserver au musée et des noirs qui veulent la retirer des collections exposées car représentative de « l’imaginaire colonial ». Ceci est censé nous expliquer pourquoi seules quelques statues de l’époque coloniale  sont visibles au « dépôt » au sous-sol, dans une sorte de salle des horreurs. Elles « n’ont plus leur place au musée car elles témoignent des préjugés et stéréotypes profondément ancrés qui ont contribué au racisme dans notre société moderne ».

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Ignorant que le sens du mot race a changé depuis le XIXème siècle où il désignait des peuples, notre guide – appelons là désormais Small Sister – déclare fièrement « que l’on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de races » (ouf !) mais qu’il est « important de déconstruire l’imaginaire colonial car c’est ce qui explique le racisme aujourd’hui ». On l’aura compris, le fil conducteur du musée est le lien entre la vision coloniale et le racisme contemporain qui imprègnerait nos sociétés du XXIème siècle.

D’ailleurs, selon Small Sister, la propagande coloniale aurait ignoré les royaumes et empires africains pour mettre l’accent sur les tribus qui, dans notre imaginaire, nous renverraient à la préhistoire. L’inexistence de l’écriture en Afrique sub-saharienne ne traduirait pas non plus un retard de développement : « on voit avec Internet et les fake news que l’écriture n’est pas toujours un progrès » (!) De l’esclavagisme et du cannibalisme, très répandu avant l’arrivée des Européens, il ne sera pas question. Dans sa bouche, les sociétés africaines deviennent un Eden que la colonisation aurait détruit.

Changement de mentalités

Une salle présente les réalisations contemporaines de la République démocratique du Congo avec au centre un immense robot policier qui règle la circulation à un carrefour de Kinshasa. Pour Small Sister, ce robot, « construit par une femme ingénieur africaine », « n’aurait pu être conçu par un ingénieur européen » ! Et de se réjouir que les enfants qui visitaient le musée auparavant retenaient de leur visite l’éléphant empaillé et désormais le robot : « les mentalités évoluent » se réjouit-elle !

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Passons sur les « Total ne veut pas qu’il y ait de transports en commun en Afrique » et autres « le président Thomas Sankara du Burkina Faso a été assassiné par les intérêts impérialistes», pour en venir au clou de la visite : la Grande rotonde avec son impressionnante coupole.  Quatre statues en bronze doré y représentent « La Belgique apportant la civilisation au Congo ». Evidemment, inacceptable, déboulonnage assuré… mais, le palais étant classé, les monuments historiques s’y sont opposés, considérant que les statues faisaient partie de l’ensemble architectural. Un compromis à la belge a donc été trouvé. Les statues restent en place mais sont recouvertes d’un « voile proposant une lecture nouvelle » et la salle accueille un projet « visant à faire contrepoids « avec deux sculptures contemporaines, l’une « représentant les horreurs du passé » et l’autre « les promesses de l’avenir » !

Objectifs: endoctrinement et culpabilisation

Que conclure de cette visite ? D’abord que le pouvoir politique a, une fois encore, abdiqué devant l’idéologie de quelques chercheurs militants et accepte que l’histoire du pays soit présentée sous un jour négatif à tel point que l’année dernière, la justice a obligé le musée à retirer une légende dénigrant l’action des paracommandos belges qui avaient sauvé des centaines d’Européens pris en otage. Les jeunes Européens qui visitent le musée ne peuvent en sortir que traumatisés, frappés par un sentiment de culpabilité. Leurs ancêtres, parfois leurs grands-parents, ont commis ces abominations dont ils portent la responsabilité historique, qu’il conviendra sans doute prochainement de « réparer » d’une façon ou d’une autre. Si le musée a pour vocation de « déconstruire l’imaginaire colonial », on ne voit pas comment enfants et adolescents qui le visitent pourraient à leur tour « déconstruire » le discours idéologique de Small Sister. Ils en ressortiront inévitablement endoctrinés, honteux de leur passé et de leur histoire.

Mais surtout ce récit, loin  d’apaiser les tensions, et de permettre le fameux vivre ensemble, ne peut au contraire que les exacerber, augmenter les frustrations et les récriminations  Selon l’idéologie du musée, les Africains de Belgique, « acteurs du musée »,  ne peuvent ainsi exister qu’en se victimisant, soit comme héritiers des colonisés, soit comme victimes du racisme actuel, ainsi qu’en s’identifiant en tant que groupe ou sous-groupe (Congolais, Rwandais, etc), ce qui ne peut qu’aggraver la division de la société. Le musée entretient ainsi une idéologie post-coloniale, qu’il prétend par ailleurs combattre.

Sans en être consciente, Small Sister représente l’idéologie, le conformisme et l’arrogance de notre temps dont elle partage tous les stéréotypes. Elle conclut la visite sur ces mots: « En matière décoloniale, la Belgique est très en avance par rapport à d’autres pays dont la France ».  On aimerait tellement qu’elle soit en retard !



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Sénateur honoraire belge, ex-secrétaire général de Médecins sans frontières, ex-président de l’International Crisis Group

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