Accueil Site Page 553

La police a tort mais vive la police!

Même l’habituellement placide Laurent Nuñez soutient la bronca des gardiens de la paix, après la mise en détention provisoire de l’un des quatre policiers marseillais suspectés d’avoir roué de coups un jeune de 21 ans, dans la nuit du 1er au 2 juillet. Comme Frédéric Veaux, directeur de la police nationale, le préfet de police de Paris estime qu’« un policier n’a pas sa place en prison » avant un procès. Les élus Nupes, bien sûr, avancent que la police entend se placer «au-dessus des lois». Analyse.


Le président de la République, depuis Nouméa, répondra certainement à 13 heures à une question sur la colère de la police. Je devine déjà ce qu’il va dire et ce sera à nouveau un « en même temps » qui ne satisfera personne. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, approuvé par Laurent Nuñez, a affirmé que « de façon générale, [il] considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ». Ce propos qui émane d’un très haut fonctionnaire – celui-là même qui pourtant avait contribué à la dangereuse banalisation de la police judiciaire -a été proféré à la suite de la détention provisoire d’un policier de la BAC à Marseille, trois autres de ses collègues également mis en examen ayant été laissés en liberté par le magistrat instructeur contrairement aux réquisitions du Parquet. Il est évident que cette protestation totalement inédite fait suite à l’émoi suscité, après la mort de Nahel, par l’incarcération du fonctionnaire de police mis en examen pour homicide volontaire.

Notre état de droit permet bien de mettre en détention provisoire en fonctionnaire de police

Immédiatement, Frédéric Veaux, et Laurent Nuñez ont tort : rien, en effet, dans notre état de droit, et selon les règles de notre procédure pénale, n’interdit de placer en détention provisoire un fonctionnaire de police mis en examen pour des délits ou des crimes dès lors que un ou plusieurs critères sont réunis pour la justifier. Et il ne serait pas sain d’aboutir à ce que Frédéric Veaux suggère : l’usage de la force légitime par la police est parfois – si rarement – totalement dévoyé au point de pouvoir être qualifié de violence illégitime et donc d’autoriser une détention provisoire. Suivre cette pente serait substituer une justice d’exception à celle qui doit avoir cours dans une démocratie. Il n’est pas nécessaire d’enfourcher les grands chevaux de la stigmatisation, comme le syndicat de la magistrature qui a toujours détesté la police, ni de juger ces réactions « gravissimes » pour faire valoir son point de vue.

A lire aussi, Jean-Michel Delacomptée: Les désastres de l’affirmation virile

Cette contradiction admise qui me semble irréfutable, vive la police en effet. Comment ne pas voir dans ces exceptionnelles prises de parole, et hostiles à la décision judiciaire en l’occurrence, l’exacerbation, voire l’exaspération de la police et plus généralement des forces de l’ordre face à la présomption de culpabilité pesant sur elles, la suspicion systématique portée sur leur version, le dénigrement constant de leur activité par une part importante de la classe politique et du milieu médiatique, au regard de la méconnaissance totale de ce qu’est l’activité d’enquête et d’interpellation et des risques quotidiens qu’elle engendre, le désarroi que l’autorité judiciaire inspire de plus en plus par l’étrangeté ou le laxisme de certains de ses choix procéduraux, comment ne pas percevoir que depuis quelques années, et le mouvement ne cesse de s’amplifier avec un président miséricordieux pour d’autres que les fonctionnaires de police, la coupe est devenue pleine et que ce corps à la fois prestigieux (mais si démuni) et corvéable à merci n’en peut plus d’être traité de la sorte ?

Celui-ci a envie de montrer comme une société sans police deviendrait vite invivable.

Un problème politique

Qui peut se targuer d’être légitime en adressant des avertissements à la police, en la soutenant, en la défendant dès lors qu’elle a su accomplir ses tâches, comme le plus souvent, de la manière la plus irréprochable possible ? Les fonctionnaires de police à tous niveaux et de tous grades connaissent leurs authentiques amis, ceux qui favorisent l’usage de leur force face aux émeutiers, aux voyous, aux délinquants et qui n’hésitent pas en revanche à fustiger leurs rares brebis galeuses à condamner. Ils s’égarent quand tel ou tel syndicat policier énonce que « le problème de la police c’est la justice ».

A lire aussi, Céline Pina: Petit remaniement et grand rétrécissement

Le seul problème de la justice et de la police aujourd’hui est le pouvoir politique. La gauche et l’extrême gauche sont disqualifiées pour blâmer les forces de l’ordre. Elles ne savent faire que cela et quand on a osé crier en masse « tout le monde déteste la police », on se tait, on se cache ou en tout cas on n’intervient plus dans les débats publics où la police peut être discutée mais sans la haine de ces non républicains compulsifs. Alors, oui, la police a immédiatement tort mais vive la police parce qu’elle a profondément raison !

Macron: la fin du «en même temps»

Interrogé sur les émeutes lors du journal de 13 heures, le chef de l’État a prôné « l’ordre, l’ordre, l’ordre ». Il a dit entendre la colère des policiers marseillais, mais a refusé de commenter les récents propos du directeur général de la police dans Le Parisien. Attention: la patience des citoyens vis-à-vis des effets d’annonce sans lendemain commence sérieusement à s’émousser…


Dans le domaine du régalien, l’heure des clarifications et des choix douloureux a sonné pour Macron. « Choisir, c’est renoncer » dit l’adage. Et si le président devait enfin renoncer à la zone de confort du « en même temps » ?
Après les émeutes qui ont sidéré les Français, Emmanuel Macron a manifesté sa volonté d’investir le régalien : sécurité, autorité, Ecole, justice.
On pourrait ajouter à cette liste le contrôle de l’immigration. L’intention est louable. Mais sera-t-elle suivie d’effets ?

À lire aussi: Causeur #114: l’insurrection des imbéciles

Ce « retour du régalien » se perdra-t-il dans les sables des effets d’annonce comme tant d’autres grands projets présidentiels avant lui ? Ce n’est pas faire preuve de mauvais esprit que de se poser cette question. Pourquoi ? Parce qu’avec sa marotte du « en même temps », Macron nous a habitué à envoyer des messages contradictoires.

L’autorité est allergique au « en même temps »

Or, la pratique du « en même temps » cher à notre président n’est pas seulement impropre à dicter une ligne politique ferme et résolue, elle est surtout contre-indiquée dans le domaine du régalien. En effet, celui-ci s’accommode mal des tergiversations et de l’ambiguïté du « en même temps ». L’autorité, l’ordre, le respect des lois et de ceux qui sont chargés de les faire respecter, ne sont pas compatibles avec l’oscillation pendulaire du « ni droite ni gauche » ou du « droite et gauche ». Par exemple, un maître des écoles ne peut pas être « en même temps » un maître enseignant et un gentil organisateur, tout droit sorti du Club Med, chargé d’animer une classe comme un « lieu de vie ». Il faut trancher. C’est soit l’un, soit l’autre. De même, le savoir de base que l’École dispense aux enfants ne peut pas être l’apprentissage des classiques de la littérature française et des grandes dates de notre histoire, et « en même temps » la sensibilisation à toutes les formes de sexualité. Là aussi, il faut choisir le domaine où faire porter son effort. En un mot, l’autorité, c’est aussi apprendre aux élèves à choisir, ce qui implique que les adultes et les enseignants montrent l’exemple de leur côté en restant fermes sur les objectifs qu’ils estiment prioritaires et en leur sacrifiant au besoin l’accessoire.

À lire aussi, Dominique Labarrière: Acquitator, Imprecator et fachosphère

Car l’autorité consiste à faire grandir ceux sur lesquels on l’exerce. Elle n’est pas l’autoritarisme. L’autorité, base du régalien, ce n’est ni la négociation entre égaux ni le diktat unilatéral. Aussi les détenteurs de l’autorité doivent-ils donner l’exemple de la clarté, et donc se garder du « en même temps », de telle sorte que l’obéissance qu’ils demandent soit à l’abri du soupçon d’arbitraire.

Un effet de balancier insupportable

Voilà pourquoi, jusqu’à présent, le logiciel du macronisme n’a pas été propice à la consolidation du régalien. En fait, les Français ignorent sur quel pied danser avec leur président. Tantôt son ascendance de gauche reprend le dessus et on apprend que l’Éducation nationale est confiée à Pap Ndiaye, tantôt les défis sécuritaires se rappellent à son bon souvenir et le voilà qui soutient Gérald Darmanin ! Cette politique de gribouille doit cesser. Certes, ne disposant pas de majorité au parlement et la droite lui refusant son soutien, Emmanuel Macron est obligé de tenir compte de l’aile gauche de sa majorité relative en lui donnant des os à ronger… Mais, dans ce cas-là, la moindre des honnêtetés consisterait, sinon à avouer son impuissance, du moins à éviter les postures martiales sans lendemain quand la demande de sécurité et d’autorité est plus forte que jamais chez les Français.

L’école, théâtre d’expérimentation des oscillations du macronisme

Pour en rester à l’exemple de l’École, Macron est le reflet sur le plan politique des injonctions contradictoires auxquelles sont soumis les enseignants de nos jours. D’un côté, ils ne peuvent pas renoncer à hisser les élèves jusqu’à l’excellence avec toutes les exigences que ce projet entraîne. Ce serait renoncer à la noblesse de leur métier. Mais, d’un autre côté, il leur est demandé de ne pas « stigmatiser » les enfants, de ne pas les « dévaloriser » par de mauvaises notes. Dans ces conditions, comment hisser l’élève à un niveau supérieur si le professeur est empêché de le noter en vérité, de lui signifier ses insuffisances dans tel ou tel domaine ? Là aussi, il faut choisir. Dans ce domaine, le « en même temps » n’est pas seulement inepte et moralement injuste, il s’avère surtout contre-productif pour atteindre le noble objectif de faire des enfants les hommes cultivés de demain, capables de parler correctement le français, d’aimer le beau, de discerner le bien du mal tout en déjouant les pièges des paroles manipulatrices par la maîtrise de la langue.

A lire aussi, Petit remaniement et grand rétrécissement

Macron arrivera-t-il à s’extirper de la nasse dans laquelle il s’est enferré lui-même en dynamitant la partition droite-gauche de notre vie politique ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il ne parviendra à réinvestir le régalien qu’en musclant la jambe droite du macronisme. Hors de là, ses déclarations d’intention ne seront qu’un coup de com’ de plus. Or, les Français sont de moins en moins dupes de ses ficelles et leur patience vis-à-vis des effets d’annonce sans lendemain commence à s’émousser.

Petit remaniement et grand rétrécissement

0

En déplacement en Nouvelle-Calédonie (flanqué de son ministre de l’Intérieur déçu de ne pas avoir été promu à Matignon), Emmanuel Macron abordera enfin le sujet des émeutes urbaines ayant laissé derrière elles plus de 1000 bâtiments dégradés et près de 6000 véhicules calcinés, en répondant à 13 heures aux questions de Jacques Legros et Nathanaël de Rincquesen à la télévision. Le président voulait faire du remaniement un non-évènement. Il y a parfaitement réussi. Non qu’il ait bien manœuvré ou parfaitement maîtrisé sa communication, c’est juste que ces ajustements ne portent aucun message politique et ne donnent aucun sens à la poursuite de ce quinquennat, selon notre chroniqueuse. En revanche il en souligne les faiblesses : il montre un pouvoir replié sur le dernier carré de fidèles, incapable d’attirer à lui des personnalités fortes ou d’élargir sa base, sans souffle ni idée.


Le président de la République a tenté de mettre un peu d’ambiance dans une actualité qui manque de flamboyance depuis que les émeutiers ont renoncé à leur politique de redistribution des biens basée sur la voiture bélier et le bénévolat dans le débarrassage des stocks. Pour cela, il a eu une idée de génie : utiliser le remaniement pour mettre en scène le second souffle d’un quinquennat qui n’a pas encore su trouver le premier.

Hélas, là où avant, être appelé à un ministère était un honneur et une consécration, aujourd’hui la fonction est démonétisée et décrédibilisée. Elle n’attire souvent que des ambitieux plus doués pour manœuvrer que pour œuvrer. Mais surtout, cette fois-ci aucun gros poisson ne s’est laissé prendre dans les filets, il n’y a aucun nom à brandir comme prise de guerre, personne pour alimenter une séquence de communication. Le remaniement n’était pas censé être un non-évènement. Il l’est devenu. Le réel a tranché : être au gouvernement n’attire pas les meilleurs d’entre nous.

Nos ministres, ces inconnus

D’ailleurs les ministres sont tellement transparents que les Français ne retiennent ni leur nom ni leurs visages. Le nouveau monde voulu par Emmanuel Macron est un monde sans figures ni repères. Dans « l’ancien monde », nos représentants nous accompagnaient pendant des années. Cela crée des habitudes qui finissent par devenir des liens. C’est un peu comme les gens que vous connaissez depuis longtemps : parfois vous n’avez pas grand-chose en commun, mais la durée de la relation en devient la qualité et lui donne un sens ou au moins un sentiment de permanence. Dans un monde où rien ne parait durable, tangible ou assuré, c’est déjà quelque chose.

A lire aussi, Frederic Magellan: Le non-évènement du jeudi

Qui sait ou se souvient de ce que faisait Jean-Christophe Combe ? Jean-François Carenco ? Geneviève Darrieussecq ? Bérangère Couillard ? Olivier Klein ou Isabelle Rome ? La question est purement rhétorique. La plupart des ministres de l’ancien comme du nouveau gouvernement sont inconnus pour les Français – pire même, ils les laissent complètement indifférents. On peut même se demander s’il est nécessaire de perdre du temps à retenir les nouveaux noms. J’avais un ami qui était un sérial séducteur ; à la fin, entre nous, on ne retenait plus les noms de ses copines pour appeler la dernière en date : la énième. La façon de procéder d’Emmanuel Macron avec ses ministres me donne le même sentiment.

La compétence ne suffit pas

D’aucuns diront que ce n’est pas si grave. Après tout ces ministres sont peut-être très compétents. Le problème c’est qu’en politique, cela ne suffit pas. La compétence s’exerce en milieu normé, elle s’appuie sur la maîtrise, la prévisibilité et la réglementation. Elle organise ce qui a déjà été dompté. Elle s’exerce dans un cadre. Le politique, lui, a pour domaine l’imprévisible. Il doit donner un cap même, peut-être surtout, par temps d’orage. Il affronte l’incertain et doit parfois trancher et prendre des risques. Le technocrate gère, le politique affronte, dirige et protège. Cela demande d’autres qualités. Être un politique, ce n’est pas exercer une fonction technique, c’est être capable d’entraîner les hommes dans une direction pour peser sur le cours de l’histoire. Le rôle du politique va au-delà de la compétence. Être un politique, c’est à la fois avoir une vision et posséder une capacité d’incarnation.

La vision, c’est ce qui permet d’inscrire l’avenir d’un peuple dans une histoire et un projet, c’est la sève politique de la nation. C’est la capacité à donner un sens au présent et à proposer un chemin vers l’avenir. L’incarnation, c’est quand la représentation fait exister les principes et valeurs qui nous fondent en tant que peuple. C’est une projection dans un corps physique et en même temps le dépassement de la personne réelle. Charles de Gaulle illustre parfaitement le caractère unique du dirigeant et une image qui en fait l’incarnation d’une certaine idée de la France. Le politique, dans sa version idéale, est le symbole de l’existence d’une identité collective. Quelqu’un en qui les citoyens se reconnaissent, se projettent et qui devient le garant des liens qui les unissent au-delà des querelles qui peuvent les opposer. C’est une alchimie complexe mais c’est le seul moyen pour pouvoir parler de la France et de la République sans que les mots aient l’air d’être trop gros pour la bouche qui les prononce. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas avec ce remaniement que l’on résoudra le problème de l’absence d’incarnation de nos représentants, à commencer par le premier d’entre eux. D’ailleurs le non-évènement a vite tourné en piteux ratage.

Amateurisme, indifférence, absence de perspectives et entre soi : les vraies leçons du remaniement

La manière même dont l’annonce du remaniement s’est passée est un concentré de ce qu’il ne faut pas faire en politique. L’impression d’amateurisme a été désastreuse. Alors qu’un remaniement est techniquement un processus maîtrisé, on a assisté à une procédure mal pensée, exécutée par des bras cassés. Cela a donné le sentiment qu’en macronie, être disruptif, cela n’a rien à voir avec une forme de créativité. C’est juste faire le malin en cassant des procédures éprouvées, pour constater au final que, s’il existait un protocole, c’était parce qu’il était utile.

A lire aussi, Emmanuelle Ménard: Quand Louis Boyard accuse Yaël Braun-Pivet d’être un «agent de l’Élysée»

Ainsi, pour casser les codes, chaque ministre a été chargé d’annoncer sa nomination. Cela a donné lieu à une pagaille générale. N’importe qui pouvant s’autoproclamer ministre en théorie. Il a donc bien fallu sortir un communiqué officiel permettant aux rédactions de s’assurer de la qualité et de la réalité des informations qui ont circulé toute la journée. Résultat, le remaniement a été l’occasion une fois de plus de se gausser de l’incompétence du pouvoir, ce qui n’est jamais de bon augure dans le cadre d’un lancement d’équipe.

On ne prend pas les mêmes mais on recommence quand même

Autre échec du remaniement, les Français s’en fichent, mais ils sont quand même déçus (61% se disent déjà insatisfaits du nouveau gouvernement[1]). Bon, il faut dire que, comme nous venons de le voir, ils connaissaient à peine les membres du gouvernement précédent, la seule personne dont ils réclamaient le départ était la Première ministre ! La remplacer aurait pu faire croire à la possibilité d’un changement. Ils ont eu leur réponse : elle reste. Les choses auraient été différentes si des personnalités importantes et représentant quelque chose aux yeux des Français avaient été désignées ou s’il y avait eu un accord avec les LR. Le remaniement aurait été alors porteur d’un message politique fort. Là c’est un peu : on ne prend pas les mêmes mais on recommence quand même.

Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Bruno Le Maire à l’Élysée le 12 décembre 2022 © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA

Le repli sur l’entre soi

Nous observons le resserrement autour des proches d’Emmanuel Macron. Cela rappelle le gouvernement Chirac, en 2002, suite au choc de l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle. Jacques Chirac, au lieu d’ouvrir son gouvernement et d’essayer d’aller chercher une forme d’union nationale, s’était au contraire replié sur son carré de fidèles. Et son quinquennat a fini en peau de chagrin.

Il y a aussi un second message dans ce remaniement, qui a déjà été beaucoup commenté ailleurs, c’est bien sûr l’échec des personnes venant de ce que l’on appelle « la société civile » et le retour à des profils plus politiques (exit Pap Ndiaye, François Braun et Marlène Schiappa, bienvenue à Gabriel Attal et Aurore Bergé !). La politique, contrairement à ce qui se dit paresseusement, serait-elle un métier ?

Avec un tel bilan, il est difficile de parler de second souffle à propos du remaniement. En effet, difficile de créer une soufflerie quand on ne dispose que d’un éventail. Ce qui est réellement inquiétant, c’est que l’absence de poids lourds et de personnes susceptibles d’incarner autre chose qu’une ambition personnelle envoie un message fort : faire partie de ce gouvernement est démonétisé et les meilleurs d’entre nous se détournent de l’action collective. Cela ne devrait pas nous laisser à ce point indifférents.


[1] Sondage Odoxa – Backbone

Mont-Valérien: chamallows grillés à la flamme du souvenir

0

On parle de plus en plus souvent de la « culture de l’excuse », ces prétextes que l’on donne pour minimiser les délits commis par des jeunes : « il faut les comprendre », « ils ne savent pas ce qu’ils font » etc. Une nouvelle affaire illustre parfaitement cette tendance qui justifie l’irresponsabilité.


L’affaire est passée sous les radars de « l’actu » la semaine dernière. Dans la nuit du dimanche 16 juillet, six personnes – on ignore leur âge mais on se doute qu’elles ne sont pas très vieilles – ont été interpellées alors qu’elles faisaient griller des chamallows sur la flamme… du mémorial du Mont-Valérien ! Ce « Mémorial de la France combattante » inauguré par le Général de Gaulle en 1960, à deux pas de Paris, a été le principal lieu d’exécution de résistants et d’otages durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’est pas nécessaire d’être un ancien combattant pour prendre conscience de l’importance de ce lieu, pour comprendre la gravité dont il témoigne. Et pourtant. 

En France, aujourd’hui, des jeunes bafouent, insultent cette flamme du souvenir. Un souvenir d’autant plus précieux que c’est souvent celui de jeunes, pas plus vieux que ces imbéciles aux chamallows, parfois plus jeunes encore, qui eux ont donné leur vie pour défendre leur liberté et la nôtre. Ce sont des héros, des exemples qu’il faudrait donner à cette jeunesse totalement paumée. Mais elle en ignore même l’existence.

Ce n’est pas tout

Ce qui est encore plus choquant dans cette affaire, c’est que ces six petits génies ne risquent pas grand-chose, pour ne pas dire rien ! Ils ont été interpellés et placés en garde à vue au commissariat de Suresnes, quatre d’entre eux ont été convoqués en vue d’une comparution « sur reconnaissance préalable de culpabilité pour violation de monument édifié à la mémoire des morts », et les deux autres ont été remis en liberté. 

A lire aussi, Martin Pimentel: Pontoise: le pont de l’effroi

Mais le meilleur arrive : le directeur des Hauts lieux de la mémoire en Île-de-France, Jean-Baptiste Romain, qui gère le mémorial du Mont-Valérien, a indiqué vouloir porter plainte mais promet de retirer sa plainte si ces jeunes « viennent visiter le site » (sic). Selon lui, « le plus important est qu’ils comprennent ce qu’ils ont fait » et que « c’est un geste inadmissible ». C’est bien de le reconnaître, mais exclure toute idée de sanction est ahurissant. Ces jeunes ont violé un mémorial : ils doivent être punis. Une peine relative à la nature du délit mais punis tout de même. Et que cette peine soit assortie d’une démarche pédagogique, c’est le minimum, c’est le propre de toute sanction intelligente ; comme on dit à l’enfant qui a fait une bêtise : « il faut que tu comprennes pourquoi tu es privé dessert » ! Sanction et  explication permettent de comprendre sa faute et, en principe, de ne pas recommencer. Mais là le message envoyé est terrible. Le directeur du mémorial lui-même dit en somme : pas besoin de sanction. Venez visiter et tout sera pardonné. Impossible, dès lors, de leur faire prendre conscience de la portée de leurs actes. 

La Californie

C’est en quelque sorte le même phénomène que nous avons observé à Saint-Denis. Des femmes archéologues travaillent actuellement sur des fouilles importantes en plein centre-ville, place Jean-Jaurès, au pied de la Basilique. Il y a du soleil, il fait chaud, et elles travaillent comme tout le monde : en t-shirt et en débardeur. Et avec une louable volonté de « pédagogie », l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) a voulu que ces fouilles soient visibles des passants et des habitants de Saint-Denis ; seules de fines grilles clôturent le chantier. 

Chaque jour, ces femmes sont la cible de remarques sexistes et libidineuses de la part de nombreux hommes qui semblent n’avoir jamais vu de bras de femmes nus. Elles se font aussi insulter par des femmes qui leur disent, en substance, qu’elles ne font pas un boulot de femmes. Quand on connaît un peu la sociologie de la ville, on peut avoir une petite idée de ceux qui profèrent de tels propos. Mais à entendre aussi bien les responsables des fouilles que ceux de la mairie, on comprend qu’ils se tiennent à distance de toute thèse nauséabonde. « On ne révélera pas les insultes qui ont été proférées. Les femmes concernées ne le souhaitent pas. Et puis, cela n’apporterait rien. », explique Claude Héron, le responsable de l’unité archéologique de Saint-Denis.

A lire aussi, Céline Pina: Un dernier au revoir à Philippe Mathot

Quant à Oriane Filhol, l’adjointe au maire PS en charge notamment des droits des femmes et de la lutte contre les discriminations, elle reconnaît qu’« il y a eu des gestes et des propos à caractère sexiste et sexuel », mais à ses yeux, « ces évènements sont la marque du patriarcat qui concerne toutes les religions et tous les territoires. Mais dès que quelque chose se passe à Saint-Denis, la fachosphère s’y intéresse ». Voilà qui explique le silence de Sandrine Rousseau ! 

Si l’on comprend bien, les « fachos » ne sont pas ceux qui veulent interdire les femmes en t-shirt dans l’espace public mais ceux qui dénoncent leurs agressions. La mairie a certes reconnu le problème puisqu’elle a collé des affichettes pour dire aux gens de respecter les dames. Vu l’efficacité du dispositif, elle fait circuler, en outre, des patrouilles de policiers municipaux et a installé un système de vidéosurveillance – on parle toujours d’un chantier de fouilles archéologiques aux portes de la capitale ! 


Madame Filhol reconnaît elle-même « un aveu d’échec » ! Mais il lui en faut plus pour remettre en question son idéologisme. Et ce n’est pas le responsable des fouilles qui va l’aider puisque, selon M. Héron, le problème n’est pas culturel : « C’est une question de géométrie et de flux. Cela a pris des proportions importantes car le chantier est au centre. »

Pour mémo : depuis les années 1970, il y a eu près de 350 chantiers archéologiques à Saint-Denis et jamais de problème. Ces jours-ci, la mairie envisage de mettre de vraies palissades pour soustraire à la vue des braves gens ces femmes qui osent faire un travail d’hommes. 

Quoi qu’il en soit, si vous ne savez pas où aller en vacances cet été, pourquoi pas se rendre à Saint-Denis ? [1] Emmanuel Macron lui-même l’a dit : « C’est la Californie sans la mer ! »

Vivre en ville

Price: 20,00 €

31 used & new available from 2,61 €


[1] À lire : l’excellent reportage signé par Rachel Binhas dans Marianne. De nombreux habitants témoignent, sans langue de bois, de leur exaspération à vivre à Saint-Denis.

Acquitator, Imprecator et fachosphère

La réforme de la justice 2023-2027 a été largement approuvée à l’Assemblée nationale, notamment grâce à l’aide des députés de la droite nationale


Jusqu’à une période récente, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, ne se privait guère de rejeter dans les poubelles de la fachosphère tout ce qui ne pensait pas comme lui ou qui ne se prosternait pas assez bas devant ses prestations ministérielles, ses envolées et ses saillies de ténor du barreau. Mais, c’est bien connu, les temps changent vite et le vent est un fieffé capricieux qui tourne comme à plaisir. Surtout en politique. Conséquemment, nous pouvons penser que ce mot de fachosphère si facile d’emploi se fera dorénavant plus rare dans les propos de ce ministre au verbe haut. La raison en est toute simple, très politique : c’est avec les votes de cette prétendue fachosphère que le projet de loi Dupond-Moretti de « déclochardisation de la justice française » a été adopté par l’Assemblée nationale. À une très large majorité, qui plus est. En particulier grâce ce au vote pragmatique et responsable des députés du Rassemblement national. Voilà comment on passe de la fachosphère à la consensosphère (du latin consensus signifiant à peu près tomber d’accord avec qui on ne l’est nullement). L’histoire ne dit pas si l’heureux bénéficiaire – conforté dans son poste gouvernemental également en raison de ce succès parlementaire – s’est pincé le nez en faisant le décompte des suffrages. Si tel n’est pas le cas, les chevaliers blancs des gauches, celle des cocktails Molotov et celle des cocktails germanopratins, s’en sont chargés à sa place. Ils ont aussitôt entonné le grand air réservé d’ordinaire aux vierges effarouchées. Honte à ce vendu, à ce collabo qui pactise avec le diable soi-même et tolère que les voix gluantes, puantes de l’extrême droite viennent le soutenir dans sa politique !

À lire aussi, Céline Pina: Petit remaniement et grand rétrécissement

Pensez, une politique à ce point barbare – du moins dans ses annonces – qu’elle programmerait une augmentation significative du nombre de places de prison ! Où va-t-on, on se le demande ? Le fantôme Adolf en rêvait, l’Eric à grosse voix l’a fait. « L’extrême droite n’a plus de limites », a récemment vitupéré l’Insoumis Maximo, Jean-Luc Mélenchon (Ce pourrait être une histoire rigolote : Acquitator et Imprécator sont dans un bateau…). Or, justement, face à ces anathèmes de fachosphère, d’extrême droite, la question est bel et bien là ! Les limites. Oui, et nous aimerions beaucoup que ceux qui n’ont que ces mots-là à la bouche daignent enfin nous révéler le contenu précis de ces concepts (ou prétendus concepts). Sur la base de quels critères objectifs définit-on ce qui relève de la fachosphère ou n’en relève pas ? Quelles en sont les caractéristiques déterminantes, fondamentales, les normes, les contours ? Où cela commence et où cela finit-il ? Voilà bien les sujets qu’on se garde scrupuleusement d’aborder lors des innombrables interviews de complaisance que les médias estampillés d’origine contrôlée accordent à ces hôtes de choix. Apporter des réponses serait pourtant très instructif. Nous n’en serions plus réduits à considérer que, à l’instar de l’enfer selon le camarade de luxe Jean-Paul Sartre, chez M. Melenchon aussi la fachosphère serait « les autres ». Tous les autres. Car lui seul serait irréprochable, insoupçonnable sur le chapitre de la vertu révolutionnaire. Personne hormis lui-même ne mériterait sa pleine et entière confiance. Ainsi fonctionnait un autre camarade de référence, Staline. Joseph Staline dont les mots de la fin sont pourtant extrêmement éclairants sur ce point. « C’est fini, je ne me fais même plus confiance à moi-même », aurait-il confessé à ses derniers moments. Une telle humilité, qu’on espèrerait toutefois moins tardive, serait-elle à la portée de notre imprécator en chef ? Allons savoir ?

Une épopée francaise: Quand la France était la France

Price: 14,77 €

1 used & new available from 14,77 €

Jamais sans ma mère?

0

« Les damnés ne pleurent pas », le titre est trop beau pour être vrai: on dirait le nouveau James Bond. Il n’en est rien. 


Fyzal Boulifa, 38 ans, réalisateur anglais d’origine marocaine, l’a pompé, ce titre, sur celui d’un film noir de la Warner millésimé 1950, avec Joan Crawford en vedette : The Damned don’t cry. Rien à voir. Encore que. Si la superstar d’Hollywood est, en quelque sorte, ressuscitée ici, c’est sous les traits beaucoup moins photogéniques d’une matrone callipyge aux mèches décolorées, au visage plus fardé qu’une tarte aux fraises sous des lunettes solaires aux montures tape-à-l’œil, nippée, selon un certain goût maghrébin résolument inventif, d’atours aussi clinquants que possible. Flanquée de Selim, son fils de 17 ans, semi-analphabète mutique et bourru qu’elle charge, pour la route, de gros sacs de marché en guise de valises, la flamboyante Fatima-Zahra ébranle sa surcharge pondérale dans une équipée au nord du pays chérifien qui ressemble à une cavale. 

New Story

Secret de famille

Le plus vieux métier du monde comporte des risques : un ancien « client » retrouvé en chemin, profitant d’une petite « promenade » à l’abri des regards, lui arrache son sac à main et s’empare des quelques bijoux qu’elle y serrait – sa seule fortune. Sans le sou, Fatima-Zahra et Selim trouvent provisoirement refuge au sein de la famille, à Tanger, le jour du mariage de la jeune Naïma et alors que nombre d’invités sont attendus dans la modeste maison. Vivante image de la lubricité, la femme prodigue n’y est manifestement pas tout à fait bienvenue…  Au détour d’une dispute surprise entre elle et sa sœur dévote, Selim comprend que, né de père inconnu, il est le fruit non désiré d’un viol, ce que sa mère s’employait à lui dissimuler depuis toujours, en lui laissant croire à la mort précoce de son géniteur. 

A lire aussi: Oppenheimer, de Christopher Nolan: un grand film politique

C’est là le prologue d’une tragi-comédie peu complaisante envers l’état des mœurs au royaume du Maroc, assujettis aux préceptes de l’islam et aux préjugés d’une société soumise à la pesanteur de ses archaïsmes, mais contradictoirement fouaillés, dans le même temps, par une sécularisation importée de l’Occident, et par les mirages matériels véhiculés par le tourisme. Rien de bien neuf, en soi, dans ce constat. Sinon qu’en filigrane, ce hiatus trouve à s’incarner ici de façon aiguë dans la dérive de ces deux personnages et des comparses qui croisent leur route semée d’embûches. Fatima-Zahra, en quête d’une stabilité illusoire compte tenu de sa nature volage, immature et versatile, croit trouver l’âme-sœur dans la personne d’un chauffeur d’autobus qui, marié de longue date à une femme dépressive, lui propose d’assumer le rôle de seconde épouse, avant de se rétracter ; son fils Selim, de son côté, manipulé par une jeune canaille, est amené à se prostituer à son corps défendant, pour entrer in fine au service de son premier « client » (Antoine Reinartz), jeune patron français d’un joli riad transformé en très confortable maison d’hôtes… Le candide Selim en vient à s’éprendre de ce « chrétien » bonne pâte, avant de se sentir trahi lorsque surgit, en visite-surprise, le « mari » parisien de cet homosexuel assumé, et que le garçon du cru s’avise soudain n’avoir jamais été qu’une passade…

Un film soigné

Sobrement, sans afféterie, superbement dirigé, d’une écriture scénaristique aussi soignée que l’image du film (signée Caroline Champetier), qui plus est traversé d’une remarquable bande-son grinçante et désaccordée, ce road-movie de la détresse dépeint, sans en outrer jamais la pente mélodramatique, un état des lieux sociétal qui tient du naufrage. 
Cela dit, il n’est pas certain qu’un cinéaste autochtone vivant au Maroc pourrait s’autoriser un regard aussi cru : plus commode depuis le refuge de l’Angleterre où Fyzal Boulifa fait carrière…


Les damnés ne pleurent pas. Film de Fyzal Boulifa. Avec Antoine Reinartz, Aicha Tebbac, Abdellah El Hajouji. Durée : 1h51. En salles le 26 juillet 2023.

Le marivaudage après la rigueur

Pour connaître la teneur des rapports amoureux sous Laurent Fabius, L’Amour en douce d’Édouard Molinaro sorti en 1985 reste un témoignage édifiant des hésitations françaises


La comédie sentimentale est le meilleur reflet de notre histoire récente. Elle dit tout de nos inquiétudes et de nos emballements amoureux. Elle passe au scanner une France revenue des lendemains qui chantent et qui s’enfonce benoitement dans les crises. Crise financière, crise morale, crise du couple. Le rose si éclatant de la victoire en mai 1981, après essorage et divers renoncements, ressort passablement délavé, quatre ans plus tard. Même si ce n’est pas le propos de Molinaro, « L’Amour en douce » n’est pas un film politique, le tragique des sociétés faussement prospères et l’incompréhension entre les Hommes sont irrémédiablement en marche. L’heure n’est plus à l’abondance. L’étau n’a plus desserré ses mâchoires d’acier depuis cette date. La vie, frileuse et répétitive, a repris ses droits sur les rêves de changement. Les réveils sont pâteux en 1985. Ce film révèle assez fidèlement les bégaiements de ces années-là, le tournant de la rigueur a sapé le moral des derniers naïfs ; entre la fin de l’insouciance et la peur de l’engagement, entre l’ironie comme moyen de self-défense et les impasses du sexe libre, les personnages de Molinaro tentent de trouver un sens aux brouillons de leur existence. Chez le réalisateur, on est moins âpre, moins radical, moins décliniste, moins destructeur que dans les tranches de vie de Lauzier, on lorgne plutôt vers la comédie de mœurs à la Martin Veyron. Cet aigre-doux a disparu avec les ligues de vertu et les censeurs télévisuels au milieu des années 1990. Dans ce cinéma-là, à cheval entre deux genres, le divertissement et la romance, l’amour en déséquilibre permanent se tient sur un fil, fragile et beau à la fois, instable et désarmant. C’est justement parce que Molinaro refuse de choisir son camp en restant dans cette zone floue que « L’Amour en douce » est un puissant exhausteur de nostalgie. L’histoire de ce quatuor n’est qu’un prétexte à tricoter et détricoter les mailles des sentiments avec plus ou moins de véracité, peu importe. Daniel Auteuil, avocat aixois, bambocheur et volage, joliment marié à Sophie Barjac s’éprend d’une professionnelle incarnée par Emmanuelle Béart sous le regard tendrement désabusé d’un Jean-Pierre Marielle dont les silences sont une merveille de composition. Le long-métrage louvoie entre les scènes comiques et les flirts plus poussés, entre le drame intimiste et la sociologie des professions libérales, Molinaro ne s’interdit rien, la nudité de ses acteurs, la verdeur de son dialogue et même une « Happy End », il va jusqu’à utiliser cette vieille ficelle de la call-girl maîtresse de son destin qui dynamite la classe bourgeoise en place. Nous sommes dix ans après « Le Téléphone rose », l’auburn de Béart a remplacé le blond platine de Mimi et Molinaro récidive. Tout ça, ce ne sont que des artifices, le spectateur pardonne vite ces facilités, car le réalisateur est avant tout un merveilleux diffuseur d’ambiance. Il ne pratique pas un cinéma déclamatoire et inquisitorial, il capte avec sa caméra, des fragments de notre passé, le décor de notre enfance. Qu’il est doux et triste aussi de retourner à cette période, d’en saisir la fugace trace. Molinaro restitue les dernières heures avant la grande bascule idéologique et sociétale. D’abord, le film démarre sur la chanson « Que la vie me pardonne » interprétée par Daniel Auteuil : « J’fais mon cinoche de jeune clean désinvolte entre le parfum d’une blonde et les gros seins d’une ronde ». Le ton est donné. Marielle fabrique des meubles à la Ciotat et petit-déjeune en survêtement Lacoste. Quand Sophie Barjac demande à son mari : – Comment tu le trouves ? Il lui répond : très digne ! L’industriel divorcé roule en CX et Auteuil en Citroën Axel. On est très « Citroën » en 1984/1985. Roger Dumas est un hôtelier de nuit nostalgique du Tonkin. La voix de Michel Robin apaise les jeunes filles en pleurs. On se réfugie en Bretagne ou près du Square Viviani en face de Notre-Dame. Aux flashs d’actualités, la fermeture des chantiers navals et une grève inopinée des contrôleurs aériens font partie du quotidien des Français. Les grands-mères regardent « Dynastie » à la télé et les lycéennes lisent Belle du seigneur dans le bus. On passe beaucoup de temps aux comptoirs d’Air Inter à attendre. Les magasins à la mode louent des VHS. Daniel Ceccaldi est un avocat associé, amateur d’amour tarifé. On prononce des phrases bannies du langage actuel : « Je me sens très province ». Et puis, il y a deux actrices inoubliables, Sophie et Emmanuelle, en talons plats et en vestes à chevrons, à la mise sobre et sauvagement quelconque, ne cherchant pas être disruptives ou dans le coup, c’était seulement « une question de feeling » comme le chantaient cette même année-là, Richard Cocciante et Fabienne Thibeault :
« Dans l’infini universel
Nos deux vies parallèles
Parallèles
Se sont croisées ce soir
Le jour se lève
C’est comme un rêve
Un rêve qui s’achève

Moi j’ai envie de te revoir » 

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

11 used & new available from 12,89 €

Un suppo et au lit!

0

En France, pays des droits de l’homme, il sera bientôt légalement possible de se faire gauler à l’insu de son plein gré.


L’été est chaud, l’été est chaud. Dans l’hémicycle, grâce à Ugo

Dans le cadre du projet de loi de programmation de la justice, Ugo Bernalicis, député LFI, a tenté de déposer un amendement qui a finalement été rejeté : 119 voix contre, 30 pour et deux abstentions. Cet amendement culotté visait à exclure les sex-toys de la série des appareils connectés qui pourraient être activés à distance dans le cadre de certaines enquêtes. « Pouvoir capter son et images de l’objet sexuel connecté d’une personne sous enquête, ou géolocaliser via un tel objet : cela n’est « pas proportionné », surtout quand on voit la longueur de la mesure, qui peut aller jusqu’à 15 jours ».  

Un ministre arbitre des élégances

Ugo a été moqué par le ministre de la Justice qui a parlé d’un amendement de mauvais goût et qui s’est fendu d’un fouettant « comment on peut avoir des idées comme celles-là ». Apparemment, personne dans le cabinet du sexitradi Dupond-Moretti n’avait pensé à éclairer sa chandelle. Ce dernier a visiblement oublié de tourner sa langue dans sa bouche et aussi omis de consulter un quelconque Mckinsey de la gaudriole.  

À lire aussi: Pays-Bas: la future Première ministre est une ex-réfugiée échouée sur une plage grecque!

Parce que sauf votre respect, Monsieur le ministre, les sex-toys connectés ne sont pas des divagations d’affolés du slip. Comme n’importe quel amateur de galipettes pimentées, vous pouvez par exemple pour 199,90€ ou 4 x 49,98€  sans frais acquérir un Svakom Siime Eye + app Rose, vibromasseur connecté au wifi, doté d’une caméra. Cet « appareil » prend des photos et enregistre des vidéos de visages, de corps, et même de l’intérieur des parties intimes grâce à un endoscope incorporé. Bien entendu, les utilisateurs peuvent ensuite sauvegarder leurs enregistrements grâce à l’application (disponible pour iPhone et Android) associée au dispositif. La distance maximale sans fil est d’environ 30 mètres et l’autonomie de 2h30. Quatre petites lumières LED entourent le bord de la lentille de la caméra elle-même intégrée à l’extrémité du sextoy. Celui-ci dispose de six modes de vibration, est 100% étanche et « son design élégant ainsi que sa taille (longueur totale de 20cm pour 12 cm utile et 2,2cm de diamètre) procurent beaucoup de sensations tout en éveillant de merveilleux fantasmes ». Bien entendu, c’est un matériel silencieux et totalement écologique.

Souriez, vous êtes piraté 

Si, convaincu, vous décidez de virer branché, sachez quand même, Monsieur le ministre, que certaines de vos relations, un tantinet taquines, pourraient être tentées d’acquérir, pour la modique somme de 349,99€, le logiciel FlexiFlesh, développé par FlexiSPY. Ce dernier se propose de pirater la plupart des sextoys connectés disponibles sur le marché pour les allumer, les éteindre ou encore en changer les vibrations sans l’autorisation de leur utilisateur et prendre ainsi le contrôle de leur plaisir érotique. De faire finalement encore mieux que la police !

À lire aussi: Le non-évènement du jeudi

Du boulot pour les avocats

Pour parfaire votre connaissance juridique du dossier (et qui sait, peut-être trouver de nouveaux clients pour votre vie d’après), il n’est pas inutile que vous soyez aussi au courant que des utilisateurs du vibromasseur WeVibe, de l’entreprise canadienne Stanford, ayant eu connaissance que celle-ci collectait toutes les données d’utilisation (température, niveau d’intensité, fréquence et durée d’utilisation, soi-disant pour améliorer le produit) ont déposé un recours collectif et obtenu gain de cause. Certains utilisateurs piratés pourraient obtenir jusqu’à 10 000$ chacun. Les dossiers de l’entreprise indiqueraient qu’environ 300 000 personnes ont acheté un produit « We-Vibe » et que plus de 100 000 d’entre elles l’ont utilisé en mode connecté.

Ni pot de vin, ni commission occulte

Cet article a été écrit dans le respect de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer le métier d’influenceu-r-se. Aucune rémunération, aucun matériel de démonstration en provenance des firmes citées n’a été reçu, ni par Causeur, ni par l’auteur de l’article.

Les désastres de l’affirmation virile

Que deviennent les hommes à l’heure où la révolution des mœurs – la révolution morale – souffle en tempête sur l’Occident?


On en revient toujours au même constat : dans les émeutes qui, parties des « quartiers », ravagent périodiquement nos villes, les casseurs sont des jeunes hommes, souvent des adolescents, de nationalité française pour la plupart, enfants issus d’une immigration originaire d’Afrique du Nord et subsaharienne, qui vivent dans des zones urbaines tournées vers elles-mêmes, minées par l’échec scolaire, les prédications islamistes et le trafic de drogue. Aucun racisme à rechercher dans cette observation. C’est un fait.

« Les jeunes hommes de toutes origines subissent un déclassement dont les jeunes mâles du Sud présentent un concentré sauvage… »

Ère du vide

Ces émeutes font l’objet d’analyses et de commentaires sans fin. Réaction normale devant des dérives aux ressorts si complexes qu’elles échappent à la compréhension, d’où l’extrême difficulté des pouvoirs publics à les juguler et l’impuissance à les prévenir. Du moins soulignent-elles, au-delà des explications et jugements habituellement avancés, quelques évidences, dont celle-ci : les émeutes mettent aux prises presque exclusivement des hommes. Casseurs d’un côté, policiers et gendarmes de l’autre. Sauf à la marge, les femmes sont absentes. L’archaïque division sexuelle impose sa réalité brute, reléguant dans les ténèbres les questions sociétales qui agitent au quotidien le landerneau politico-médiatique, revendications LGBT+, wokisme, racisme systémique, intersectionnalité des luttes, toute cette ébullition de minorités en mal de reconnaissance. Avec les émeutes ethniques surgies des « quartiers », on est dans le dur.

A lire aussi, Philippe Breton: Nahel, figure identificatoire parfaite pour une jeunesse culturellement allogène?

Signe du caractère archaïque de la division sexuelle ici à l’œuvre, c’est au sein de l’immigration maghrébine et subsaharienne que se repèrent les tenants du patriarcat le plus rigoureux. C’est là qu’opère dans une toute-puissance sûre de ses droits légitimes l’assujettissement des femmes à la loi des hommes. Le conflit entre l’univers des émeutiers et celui de la société d’accueil régie par le principe d’égalité omni-sectorielle éclate dans sa simplicité radicale. L’abîme qui s’ouvre sous nos pieds se révèle sans fioritures. De là une première conclusion : l’affrontement des deux univers n’est pas près de finir. Les jeunes mâles originaires du Sud musulman n’en ont pas terminé avec l’affirmation d’une virilité musclée qu’ils reçoivent comme consubstantielle à leur identité. Aucune solution n’a été trouvée et ne sera trouvée dans les financements déversés, au nom d’une politique de la ville aussi dispendieuse qu’infructueuse, sur les territoires qu’ils ont conquis au bénéfice des narcotrafiquants avec l’appui des prêcheurs de haine religieuse, l’élection d’édiles complaisants et l’influence irresponsable des boutefeux d’extrême gauche.

L’affirmation virile débouche sur la violence comme substitut à l’effort d’intégration auquel refusent de consentir, ou qu’échouent à réaliser, les jeunes mâles issus du continent martyr, l’Afrique, confortés par les démagogues et les fanatiques dans leur statut de victimes. Ajoutons tout ce qu’on sait, l’effacement ou le discrédit des pères, le culte du fils-roi, les familles dépourvues du substrat culturel nécessaire à la réussite scolaire comme à l’appréhension des codes en vigueur dans la société française « de souche ».

Ce n’est pas tout. L’hypertrophie de la société du spectacle, sur le mode de selfies obsessionnels, conduit ces bravaches à se rendre visibles à n’importe quel prix. Chaînes d’info en continu, événements en continu, déluge de sons, d’images, d’émotions en continu, le phénomène d’affirmation virile, accentué par le mimétisme des « quartiers », obéit à la surenchère des impacts visuels. L’ostentation comme affirmation de soi fait l’économie de tout travail, donc du temps : immédiateté de la posture, triomphe du présentisme sur fond d’ignorance crasse, d’orgueil sans substance, de fierté fondée sur le néant. Consécration de l’ère du vide.

Déclassement

Les pillages accompagnés de brasiers annulent les limites entre les espaces privés et publics. L’appropriation impulsive insulte la loi tandis que les tirs de mortier fracassent les forces de l’ordre, faisant écho au pillage des corps féminins par la domination des jeunes mâles éblouis par leur propre arrogance, voiles et farouche pudeur imposés jusqu’au pire, la prostitution des filles perdues et le viol dans les caves.

A lire aussi, du même auteur: Une utopie clé en main

Qualifier de racaille les hordes de casseurs aggrave la situation. Le terme globalise des comportements qui réclament des approches différenciées au plan individuel. Le cas de Nahel M., « petit ange parti trop tôt » selon la ridicule formule de Kylian Mbappé, paraît exemplaire. Ce n’était pas un ange, mais pas un barbare non plus. Le Figaro : « Fan de rap et de moto, Nahel a été élevé seul par sa mère à Nanterre, et vivait dans une barre d’immeuble de la cité Pablo-Picasso, au pied de La Défense. Déscolarisé, il travaillait comme livreur et avait entamé un “parcours d’insertion” dans l’association Ovale Citoyen qui accompagne des jeunes par le sport et a noué un partenariat avec le club de rugby de Nanterre. » Nul doute que, mis à part les organisateurs du chaos et les crapules écervelées, bien des émeutiers correspondent peu ou prou à ce profil. C’est donc au niveau des individus qu’il faudrait traiter le problème avec de réelles chances de succès. Compte tenu du nombre, le remède relève évidemment de l’impossible. Reste, dans l’urgence, une répression policière et judiciaire à mener sans que la main tremble.

Ce que non seulement les émeutes, mais la délinquance endémique, y compris le trafic de drogue, disent des individus embarqués dans ces dérives semble ne concerner qu’une partie de la jeunesse. Cependant, elles expriment quelque chose du sort, chez nous, des jeunes hommes de toutes origines. Pas du sort des jeunes filles. Elles se situent sur une autre planète. Dépossédés des rites d’initiation qui, à l’instar du service militaire, les faisaient entrer dans l’âge adulte (au contraire des filles devenues femmes par les règles, seuil de la maternité), dépassés par le sexe féminin dans l’accès aux diplômes, en butte au chômage consécutif à la désindustrialisation forcenée depuis quarante ans, dévalorisés par le mépris des métiers manuels, privés de leur singularité genrée par un égalitarisme confondu avec l’abolition des différences sexuelles et sociales, les jeunes hommes de toutes origines subissent un déclassement dont les jeunes mâles du Sud présentent un concentré sauvage.

Défendre efficacement la cause des femmes oblige désormais à défendre celle des hommes. Ce n’est pas gagné, mais s’il est un enseignement à tirer des émeutes, celui-ci n’est pas le moins important.

The Velvet Underground, velours d’adolescence 

Les chansons de Sophie, série d’été


Il existe, dans la vie, nombre de synchronicités. Ou disons que j’ai tendance à en voir partout. En effet, à l’heure où j’écris ces lignes, vient de mourir Ari Boulogne, le fils supposé d’Alain Delon et de la chanteuse/muse/prêtresse du groupe culte The Velvet Underground. Ari, renié par celui qu’il disait être son père, s’est consumé au lance-flammes, pour finir semi-clochard à 60 ans. On l’aperçoit, sur une vidéo du Velvet en répétition, entre Lou Reed et sa mère. Il a trois ou quatre ans, et nous devinons déjà sa détresse. Synchronicité, disais-je, car je m’apprêtais à entamer le quatrième volet de cette série avec ma découverte du rock’n’roll. Et la révélation que fut pour moi le Velvet Underground. Nous sommes au mitan des années 80. J’ai 15 ou 16 ans, et comme tous ceux de ma génération j’écoute du post-punk ou de la new-wave. Et je lis religieusement Best et Rock & Folk. Je suis en vacances chez mes grands-parents, nous sommes en été, et je m’ennuie ferme. C’est Étienne Daho, par l’entremise du magazine Best, justement, qui sauva mes vacances (peut-être même ma vie). Dans une interview fleuve, il explique son amour pour le Velvet, ce groupe qui inventa la pop torturée, qui la magnifia, avec un mélange de sauvagerie et d’érudition. Les mots d’Étienne étaient limpides. Ce groupe était fait pour moi.

J’ai persuadé ma mère de me conduire à la petite ville la plus proche – celle où naquit Charles Trenet – afin de faire l’emplette du Graal : le mythique album à la banane. Chance inespérée : il en restait un exemplaire chez le seul disquaire de la ville. Dès la première écoute, je n’ai rien compris et tout compris. Une épiphanie. Je me suis dit que si un jour je faisais de la musique, cela y ressemblerait : des sons à la fois distordus et enfantins, hypnotiques et mélodiques.

Le Velvet : genèse des groupes pop

Le Velvet Underground est l’alchimie parfaite entre des génies que le destin, à travers l’époque bouillonnante de la Factory à New-York, ce lieu expérimental, a mis sur le même chemin : Andy Warhol, cette sorte de magicien brasseur de vent, aux intuitions implacables, Lou Reed, chaînon manquant entre Bowie et Vince Taylor, John Cale, le Gallois, violoniste virtuose, Maureen Tucker, avec sa façon unique de jouer de la batterie, précise et décalée, et bien sûr Nico, voix spectrale et beauté trop parfaite pour être réelle. J’en oublie Sterling Morrison, le guitariste, (pour une fois) presque trop discret. C’est cela le Velvet : une rencontre entre des personnages d’un autre monde, qui donna naissance au groupe qui fut la genèse de tous les groupes pop des années 80 et au-delà.

Il serait fastidieux d’énumérer, d’analyser, toutes les chansons de cet album mythique. Surtout que je ne suis pas critique rock. Juste une groupie qui écrit, pour rendre hommage aux artistes qui m’ont aidée à vivre.

Dans cet album, sobrement intitulé The Velvet Underground and Nico, dit l’album à la banane (idée bien sûr warholienne que de représenter sur la célèbre pochette, une banane sur fond blanc, ce qui donna lieu à tous les fantasmes et toutes les suppositions), se télescopent une Femme Fatale, chantée par Nico la vénéneuse « Here she comes / you better watch your step / she’s going to break your heart in two / it’s true » (1), un hommage à Sacher Masoch : Venus in furs, une douce balade intrigante : Sunday Morning, et bien sûr, l’omniprésence de la drogue : Waiting for my man (nul doute que l’homme attendu n’est autre que le dealer). Et un des sommets de l’album : une lancinante complainte à la gloire de la plus maléfique des drogues, l’héroïne : « it’s my wife and it’s my life » chante Lou Reed, au son du violon magnifiquement torturé et volontairement dissonant de John Cale, son frère ennemi. Paradoxalement, Heroin est pour moi un chant quasi religieux, la religion et la drogue obéissent à des rituels comparables, à la même dévotion de la part de leurs adeptes. D’ailleurs, nombre de drogués repentis ont trouvé refuge dans la spiritualité.

Je ne saurai dire qu’elle est ma préférée. J’ai toujours été transportée par l’ensemble de l’album, par son obscurité et sa lumière. Cette œuvre possède une grâce faite de chaos et de rédemption. Bien plus tard, j’ai fait la connaissance de Jonathan Richman, le pendant solaire de Lou Reed. Il doit tout au Velvet, mais sa musique n’est pas une pâle copie de l’univers de ses héros. Le sien est doux amer, ironique, tendre et désabusé. Je laisse donc à Richman les mots de la fin, qu’il nous livre à travers sa chanson hommage : Velvet Underground : « They were wild like the USA/ A mystery band in the New-York way/ Rock’n’roll, but not like the rest. » (2)


1 « La voilà, fais attention où tu mets les pieds, elle va briser ton cœur en deux »

2 « Ils étaient sauvages comme les USA, un groupe mystérieux à la façon de New-York, Rock’n’roll, mais différents »

La police a tort mais vive la police!

0
Le directeur de la police nationale Frédéric Veaux est critiqué par la gauche pour avoir affirmé, dans "Le Parisien", qu'un policier mis en cause ne devrait pas être placé en détention avant son procès © STEPHANE DUPRAT/SIPA

Même l’habituellement placide Laurent Nuñez soutient la bronca des gardiens de la paix, après la mise en détention provisoire de l’un des quatre policiers marseillais suspectés d’avoir roué de coups un jeune de 21 ans, dans la nuit du 1er au 2 juillet. Comme Frédéric Veaux, directeur de la police nationale, le préfet de police de Paris estime qu’« un policier n’a pas sa place en prison » avant un procès. Les élus Nupes, bien sûr, avancent que la police entend se placer «au-dessus des lois». Analyse.


Le président de la République, depuis Nouméa, répondra certainement à 13 heures à une question sur la colère de la police. Je devine déjà ce qu’il va dire et ce sera à nouveau un « en même temps » qui ne satisfera personne. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, approuvé par Laurent Nuñez, a affirmé que « de façon générale, [il] considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ». Ce propos qui émane d’un très haut fonctionnaire – celui-là même qui pourtant avait contribué à la dangereuse banalisation de la police judiciaire -a été proféré à la suite de la détention provisoire d’un policier de la BAC à Marseille, trois autres de ses collègues également mis en examen ayant été laissés en liberté par le magistrat instructeur contrairement aux réquisitions du Parquet. Il est évident que cette protestation totalement inédite fait suite à l’émoi suscité, après la mort de Nahel, par l’incarcération du fonctionnaire de police mis en examen pour homicide volontaire.

Notre état de droit permet bien de mettre en détention provisoire en fonctionnaire de police

Immédiatement, Frédéric Veaux, et Laurent Nuñez ont tort : rien, en effet, dans notre état de droit, et selon les règles de notre procédure pénale, n’interdit de placer en détention provisoire un fonctionnaire de police mis en examen pour des délits ou des crimes dès lors que un ou plusieurs critères sont réunis pour la justifier. Et il ne serait pas sain d’aboutir à ce que Frédéric Veaux suggère : l’usage de la force légitime par la police est parfois – si rarement – totalement dévoyé au point de pouvoir être qualifié de violence illégitime et donc d’autoriser une détention provisoire. Suivre cette pente serait substituer une justice d’exception à celle qui doit avoir cours dans une démocratie. Il n’est pas nécessaire d’enfourcher les grands chevaux de la stigmatisation, comme le syndicat de la magistrature qui a toujours détesté la police, ni de juger ces réactions « gravissimes » pour faire valoir son point de vue.

A lire aussi, Jean-Michel Delacomptée: Les désastres de l’affirmation virile

Cette contradiction admise qui me semble irréfutable, vive la police en effet. Comment ne pas voir dans ces exceptionnelles prises de parole, et hostiles à la décision judiciaire en l’occurrence, l’exacerbation, voire l’exaspération de la police et plus généralement des forces de l’ordre face à la présomption de culpabilité pesant sur elles, la suspicion systématique portée sur leur version, le dénigrement constant de leur activité par une part importante de la classe politique et du milieu médiatique, au regard de la méconnaissance totale de ce qu’est l’activité d’enquête et d’interpellation et des risques quotidiens qu’elle engendre, le désarroi que l’autorité judiciaire inspire de plus en plus par l’étrangeté ou le laxisme de certains de ses choix procéduraux, comment ne pas percevoir que depuis quelques années, et le mouvement ne cesse de s’amplifier avec un président miséricordieux pour d’autres que les fonctionnaires de police, la coupe est devenue pleine et que ce corps à la fois prestigieux (mais si démuni) et corvéable à merci n’en peut plus d’être traité de la sorte ?

Celui-ci a envie de montrer comme une société sans police deviendrait vite invivable.

Un problème politique

Qui peut se targuer d’être légitime en adressant des avertissements à la police, en la soutenant, en la défendant dès lors qu’elle a su accomplir ses tâches, comme le plus souvent, de la manière la plus irréprochable possible ? Les fonctionnaires de police à tous niveaux et de tous grades connaissent leurs authentiques amis, ceux qui favorisent l’usage de leur force face aux émeutiers, aux voyous, aux délinquants et qui n’hésitent pas en revanche à fustiger leurs rares brebis galeuses à condamner. Ils s’égarent quand tel ou tel syndicat policier énonce que « le problème de la police c’est la justice ».

A lire aussi, Céline Pina: Petit remaniement et grand rétrécissement

Le seul problème de la justice et de la police aujourd’hui est le pouvoir politique. La gauche et l’extrême gauche sont disqualifiées pour blâmer les forces de l’ordre. Elles ne savent faire que cela et quand on a osé crier en masse « tout le monde déteste la police », on se tait, on se cache ou en tout cas on n’intervient plus dans les débats publics où la police peut être discutée mais sans la haine de ces non républicains compulsifs. Alors, oui, la police a immédiatement tort mais vive la police parce qu’elle a profondément raison !

Macron: la fin du «en même temps»

0
Défilé du 14 juillet, Marseille, 14 juillet 2023 © SOPA Images/SIPA

Interrogé sur les émeutes lors du journal de 13 heures, le chef de l’État a prôné « l’ordre, l’ordre, l’ordre ». Il a dit entendre la colère des policiers marseillais, mais a refusé de commenter les récents propos du directeur général de la police dans Le Parisien. Attention: la patience des citoyens vis-à-vis des effets d’annonce sans lendemain commence sérieusement à s’émousser…


Dans le domaine du régalien, l’heure des clarifications et des choix douloureux a sonné pour Macron. « Choisir, c’est renoncer » dit l’adage. Et si le président devait enfin renoncer à la zone de confort du « en même temps » ?
Après les émeutes qui ont sidéré les Français, Emmanuel Macron a manifesté sa volonté d’investir le régalien : sécurité, autorité, Ecole, justice.
On pourrait ajouter à cette liste le contrôle de l’immigration. L’intention est louable. Mais sera-t-elle suivie d’effets ?

À lire aussi: Causeur #114: l’insurrection des imbéciles

Ce « retour du régalien » se perdra-t-il dans les sables des effets d’annonce comme tant d’autres grands projets présidentiels avant lui ? Ce n’est pas faire preuve de mauvais esprit que de se poser cette question. Pourquoi ? Parce qu’avec sa marotte du « en même temps », Macron nous a habitué à envoyer des messages contradictoires.

L’autorité est allergique au « en même temps »

Or, la pratique du « en même temps » cher à notre président n’est pas seulement impropre à dicter une ligne politique ferme et résolue, elle est surtout contre-indiquée dans le domaine du régalien. En effet, celui-ci s’accommode mal des tergiversations et de l’ambiguïté du « en même temps ». L’autorité, l’ordre, le respect des lois et de ceux qui sont chargés de les faire respecter, ne sont pas compatibles avec l’oscillation pendulaire du « ni droite ni gauche » ou du « droite et gauche ». Par exemple, un maître des écoles ne peut pas être « en même temps » un maître enseignant et un gentil organisateur, tout droit sorti du Club Med, chargé d’animer une classe comme un « lieu de vie ». Il faut trancher. C’est soit l’un, soit l’autre. De même, le savoir de base que l’École dispense aux enfants ne peut pas être l’apprentissage des classiques de la littérature française et des grandes dates de notre histoire, et « en même temps » la sensibilisation à toutes les formes de sexualité. Là aussi, il faut choisir le domaine où faire porter son effort. En un mot, l’autorité, c’est aussi apprendre aux élèves à choisir, ce qui implique que les adultes et les enseignants montrent l’exemple de leur côté en restant fermes sur les objectifs qu’ils estiment prioritaires et en leur sacrifiant au besoin l’accessoire.

À lire aussi, Dominique Labarrière: Acquitator, Imprecator et fachosphère

Car l’autorité consiste à faire grandir ceux sur lesquels on l’exerce. Elle n’est pas l’autoritarisme. L’autorité, base du régalien, ce n’est ni la négociation entre égaux ni le diktat unilatéral. Aussi les détenteurs de l’autorité doivent-ils donner l’exemple de la clarté, et donc se garder du « en même temps », de telle sorte que l’obéissance qu’ils demandent soit à l’abri du soupçon d’arbitraire.

Un effet de balancier insupportable

Voilà pourquoi, jusqu’à présent, le logiciel du macronisme n’a pas été propice à la consolidation du régalien. En fait, les Français ignorent sur quel pied danser avec leur président. Tantôt son ascendance de gauche reprend le dessus et on apprend que l’Éducation nationale est confiée à Pap Ndiaye, tantôt les défis sécuritaires se rappellent à son bon souvenir et le voilà qui soutient Gérald Darmanin ! Cette politique de gribouille doit cesser. Certes, ne disposant pas de majorité au parlement et la droite lui refusant son soutien, Emmanuel Macron est obligé de tenir compte de l’aile gauche de sa majorité relative en lui donnant des os à ronger… Mais, dans ce cas-là, la moindre des honnêtetés consisterait, sinon à avouer son impuissance, du moins à éviter les postures martiales sans lendemain quand la demande de sécurité et d’autorité est plus forte que jamais chez les Français.

L’école, théâtre d’expérimentation des oscillations du macronisme

Pour en rester à l’exemple de l’École, Macron est le reflet sur le plan politique des injonctions contradictoires auxquelles sont soumis les enseignants de nos jours. D’un côté, ils ne peuvent pas renoncer à hisser les élèves jusqu’à l’excellence avec toutes les exigences que ce projet entraîne. Ce serait renoncer à la noblesse de leur métier. Mais, d’un autre côté, il leur est demandé de ne pas « stigmatiser » les enfants, de ne pas les « dévaloriser » par de mauvaises notes. Dans ces conditions, comment hisser l’élève à un niveau supérieur si le professeur est empêché de le noter en vérité, de lui signifier ses insuffisances dans tel ou tel domaine ? Là aussi, il faut choisir. Dans ce domaine, le « en même temps » n’est pas seulement inepte et moralement injuste, il s’avère surtout contre-productif pour atteindre le noble objectif de faire des enfants les hommes cultivés de demain, capables de parler correctement le français, d’aimer le beau, de discerner le bien du mal tout en déjouant les pièges des paroles manipulatrices par la maîtrise de la langue.

A lire aussi, Petit remaniement et grand rétrécissement

Macron arrivera-t-il à s’extirper de la nasse dans laquelle il s’est enferré lui-même en dynamitant la partition droite-gauche de notre vie politique ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il ne parviendra à réinvestir le régalien qu’en musclant la jambe droite du macronisme. Hors de là, ses déclarations d’intention ne seront qu’un coup de com’ de plus. Or, les Français sont de moins en moins dupes de ses ficelles et leur patience vis-à-vis des effets d’annonce sans lendemain commence à s’émousser.

Petit remaniement et grand rétrécissement

0

En déplacement en Nouvelle-Calédonie (flanqué de son ministre de l’Intérieur déçu de ne pas avoir été promu à Matignon), Emmanuel Macron abordera enfin le sujet des émeutes urbaines ayant laissé derrière elles plus de 1000 bâtiments dégradés et près de 6000 véhicules calcinés, en répondant à 13 heures aux questions de Jacques Legros et Nathanaël de Rincquesen à la télévision. Le président voulait faire du remaniement un non-évènement. Il y a parfaitement réussi. Non qu’il ait bien manœuvré ou parfaitement maîtrisé sa communication, c’est juste que ces ajustements ne portent aucun message politique et ne donnent aucun sens à la poursuite de ce quinquennat, selon notre chroniqueuse. En revanche il en souligne les faiblesses : il montre un pouvoir replié sur le dernier carré de fidèles, incapable d’attirer à lui des personnalités fortes ou d’élargir sa base, sans souffle ni idée.


Le président de la République a tenté de mettre un peu d’ambiance dans une actualité qui manque de flamboyance depuis que les émeutiers ont renoncé à leur politique de redistribution des biens basée sur la voiture bélier et le bénévolat dans le débarrassage des stocks. Pour cela, il a eu une idée de génie : utiliser le remaniement pour mettre en scène le second souffle d’un quinquennat qui n’a pas encore su trouver le premier.

Hélas, là où avant, être appelé à un ministère était un honneur et une consécration, aujourd’hui la fonction est démonétisée et décrédibilisée. Elle n’attire souvent que des ambitieux plus doués pour manœuvrer que pour œuvrer. Mais surtout, cette fois-ci aucun gros poisson ne s’est laissé prendre dans les filets, il n’y a aucun nom à brandir comme prise de guerre, personne pour alimenter une séquence de communication. Le remaniement n’était pas censé être un non-évènement. Il l’est devenu. Le réel a tranché : être au gouvernement n’attire pas les meilleurs d’entre nous.

Nos ministres, ces inconnus

D’ailleurs les ministres sont tellement transparents que les Français ne retiennent ni leur nom ni leurs visages. Le nouveau monde voulu par Emmanuel Macron est un monde sans figures ni repères. Dans « l’ancien monde », nos représentants nous accompagnaient pendant des années. Cela crée des habitudes qui finissent par devenir des liens. C’est un peu comme les gens que vous connaissez depuis longtemps : parfois vous n’avez pas grand-chose en commun, mais la durée de la relation en devient la qualité et lui donne un sens ou au moins un sentiment de permanence. Dans un monde où rien ne parait durable, tangible ou assuré, c’est déjà quelque chose.

A lire aussi, Frederic Magellan: Le non-évènement du jeudi

Qui sait ou se souvient de ce que faisait Jean-Christophe Combe ? Jean-François Carenco ? Geneviève Darrieussecq ? Bérangère Couillard ? Olivier Klein ou Isabelle Rome ? La question est purement rhétorique. La plupart des ministres de l’ancien comme du nouveau gouvernement sont inconnus pour les Français – pire même, ils les laissent complètement indifférents. On peut même se demander s’il est nécessaire de perdre du temps à retenir les nouveaux noms. J’avais un ami qui était un sérial séducteur ; à la fin, entre nous, on ne retenait plus les noms de ses copines pour appeler la dernière en date : la énième. La façon de procéder d’Emmanuel Macron avec ses ministres me donne le même sentiment.

La compétence ne suffit pas

D’aucuns diront que ce n’est pas si grave. Après tout ces ministres sont peut-être très compétents. Le problème c’est qu’en politique, cela ne suffit pas. La compétence s’exerce en milieu normé, elle s’appuie sur la maîtrise, la prévisibilité et la réglementation. Elle organise ce qui a déjà été dompté. Elle s’exerce dans un cadre. Le politique, lui, a pour domaine l’imprévisible. Il doit donner un cap même, peut-être surtout, par temps d’orage. Il affronte l’incertain et doit parfois trancher et prendre des risques. Le technocrate gère, le politique affronte, dirige et protège. Cela demande d’autres qualités. Être un politique, ce n’est pas exercer une fonction technique, c’est être capable d’entraîner les hommes dans une direction pour peser sur le cours de l’histoire. Le rôle du politique va au-delà de la compétence. Être un politique, c’est à la fois avoir une vision et posséder une capacité d’incarnation.

La vision, c’est ce qui permet d’inscrire l’avenir d’un peuple dans une histoire et un projet, c’est la sève politique de la nation. C’est la capacité à donner un sens au présent et à proposer un chemin vers l’avenir. L’incarnation, c’est quand la représentation fait exister les principes et valeurs qui nous fondent en tant que peuple. C’est une projection dans un corps physique et en même temps le dépassement de la personne réelle. Charles de Gaulle illustre parfaitement le caractère unique du dirigeant et une image qui en fait l’incarnation d’une certaine idée de la France. Le politique, dans sa version idéale, est le symbole de l’existence d’une identité collective. Quelqu’un en qui les citoyens se reconnaissent, se projettent et qui devient le garant des liens qui les unissent au-delà des querelles qui peuvent les opposer. C’est une alchimie complexe mais c’est le seul moyen pour pouvoir parler de la France et de la République sans que les mots aient l’air d’être trop gros pour la bouche qui les prononce. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas avec ce remaniement que l’on résoudra le problème de l’absence d’incarnation de nos représentants, à commencer par le premier d’entre eux. D’ailleurs le non-évènement a vite tourné en piteux ratage.

Amateurisme, indifférence, absence de perspectives et entre soi : les vraies leçons du remaniement

La manière même dont l’annonce du remaniement s’est passée est un concentré de ce qu’il ne faut pas faire en politique. L’impression d’amateurisme a été désastreuse. Alors qu’un remaniement est techniquement un processus maîtrisé, on a assisté à une procédure mal pensée, exécutée par des bras cassés. Cela a donné le sentiment qu’en macronie, être disruptif, cela n’a rien à voir avec une forme de créativité. C’est juste faire le malin en cassant des procédures éprouvées, pour constater au final que, s’il existait un protocole, c’était parce qu’il était utile.

A lire aussi, Emmanuelle Ménard: Quand Louis Boyard accuse Yaël Braun-Pivet d’être un «agent de l’Élysée»

Ainsi, pour casser les codes, chaque ministre a été chargé d’annoncer sa nomination. Cela a donné lieu à une pagaille générale. N’importe qui pouvant s’autoproclamer ministre en théorie. Il a donc bien fallu sortir un communiqué officiel permettant aux rédactions de s’assurer de la qualité et de la réalité des informations qui ont circulé toute la journée. Résultat, le remaniement a été l’occasion une fois de plus de se gausser de l’incompétence du pouvoir, ce qui n’est jamais de bon augure dans le cadre d’un lancement d’équipe.

On ne prend pas les mêmes mais on recommence quand même

Autre échec du remaniement, les Français s’en fichent, mais ils sont quand même déçus (61% se disent déjà insatisfaits du nouveau gouvernement[1]). Bon, il faut dire que, comme nous venons de le voir, ils connaissaient à peine les membres du gouvernement précédent, la seule personne dont ils réclamaient le départ était la Première ministre ! La remplacer aurait pu faire croire à la possibilité d’un changement. Ils ont eu leur réponse : elle reste. Les choses auraient été différentes si des personnalités importantes et représentant quelque chose aux yeux des Français avaient été désignées ou s’il y avait eu un accord avec les LR. Le remaniement aurait été alors porteur d’un message politique fort. Là c’est un peu : on ne prend pas les mêmes mais on recommence quand même.

Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Bruno Le Maire à l’Élysée le 12 décembre 2022 © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA

Le repli sur l’entre soi

Nous observons le resserrement autour des proches d’Emmanuel Macron. Cela rappelle le gouvernement Chirac, en 2002, suite au choc de l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle. Jacques Chirac, au lieu d’ouvrir son gouvernement et d’essayer d’aller chercher une forme d’union nationale, s’était au contraire replié sur son carré de fidèles. Et son quinquennat a fini en peau de chagrin.

Il y a aussi un second message dans ce remaniement, qui a déjà été beaucoup commenté ailleurs, c’est bien sûr l’échec des personnes venant de ce que l’on appelle « la société civile » et le retour à des profils plus politiques (exit Pap Ndiaye, François Braun et Marlène Schiappa, bienvenue à Gabriel Attal et Aurore Bergé !). La politique, contrairement à ce qui se dit paresseusement, serait-elle un métier ?

Avec un tel bilan, il est difficile de parler de second souffle à propos du remaniement. En effet, difficile de créer une soufflerie quand on ne dispose que d’un éventail. Ce qui est réellement inquiétant, c’est que l’absence de poids lourds et de personnes susceptibles d’incarner autre chose qu’une ambition personnelle envoie un message fort : faire partie de ce gouvernement est démonétisé et les meilleurs d’entre nous se détournent de l’action collective. Cela ne devrait pas nous laisser à ce point indifférents.


[1] Sondage Odoxa – Backbone

Mont-Valérien: chamallows grillés à la flamme du souvenir

0
D.R.

On parle de plus en plus souvent de la « culture de l’excuse », ces prétextes que l’on donne pour minimiser les délits commis par des jeunes : « il faut les comprendre », « ils ne savent pas ce qu’ils font » etc. Une nouvelle affaire illustre parfaitement cette tendance qui justifie l’irresponsabilité.


L’affaire est passée sous les radars de « l’actu » la semaine dernière. Dans la nuit du dimanche 16 juillet, six personnes – on ignore leur âge mais on se doute qu’elles ne sont pas très vieilles – ont été interpellées alors qu’elles faisaient griller des chamallows sur la flamme… du mémorial du Mont-Valérien ! Ce « Mémorial de la France combattante » inauguré par le Général de Gaulle en 1960, à deux pas de Paris, a été le principal lieu d’exécution de résistants et d’otages durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’est pas nécessaire d’être un ancien combattant pour prendre conscience de l’importance de ce lieu, pour comprendre la gravité dont il témoigne. Et pourtant. 

En France, aujourd’hui, des jeunes bafouent, insultent cette flamme du souvenir. Un souvenir d’autant plus précieux que c’est souvent celui de jeunes, pas plus vieux que ces imbéciles aux chamallows, parfois plus jeunes encore, qui eux ont donné leur vie pour défendre leur liberté et la nôtre. Ce sont des héros, des exemples qu’il faudrait donner à cette jeunesse totalement paumée. Mais elle en ignore même l’existence.

Ce n’est pas tout

Ce qui est encore plus choquant dans cette affaire, c’est que ces six petits génies ne risquent pas grand-chose, pour ne pas dire rien ! Ils ont été interpellés et placés en garde à vue au commissariat de Suresnes, quatre d’entre eux ont été convoqués en vue d’une comparution « sur reconnaissance préalable de culpabilité pour violation de monument édifié à la mémoire des morts », et les deux autres ont été remis en liberté. 

A lire aussi, Martin Pimentel: Pontoise: le pont de l’effroi

Mais le meilleur arrive : le directeur des Hauts lieux de la mémoire en Île-de-France, Jean-Baptiste Romain, qui gère le mémorial du Mont-Valérien, a indiqué vouloir porter plainte mais promet de retirer sa plainte si ces jeunes « viennent visiter le site » (sic). Selon lui, « le plus important est qu’ils comprennent ce qu’ils ont fait » et que « c’est un geste inadmissible ». C’est bien de le reconnaître, mais exclure toute idée de sanction est ahurissant. Ces jeunes ont violé un mémorial : ils doivent être punis. Une peine relative à la nature du délit mais punis tout de même. Et que cette peine soit assortie d’une démarche pédagogique, c’est le minimum, c’est le propre de toute sanction intelligente ; comme on dit à l’enfant qui a fait une bêtise : « il faut que tu comprennes pourquoi tu es privé dessert » ! Sanction et  explication permettent de comprendre sa faute et, en principe, de ne pas recommencer. Mais là le message envoyé est terrible. Le directeur du mémorial lui-même dit en somme : pas besoin de sanction. Venez visiter et tout sera pardonné. Impossible, dès lors, de leur faire prendre conscience de la portée de leurs actes. 

La Californie

C’est en quelque sorte le même phénomène que nous avons observé à Saint-Denis. Des femmes archéologues travaillent actuellement sur des fouilles importantes en plein centre-ville, place Jean-Jaurès, au pied de la Basilique. Il y a du soleil, il fait chaud, et elles travaillent comme tout le monde : en t-shirt et en débardeur. Et avec une louable volonté de « pédagogie », l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) a voulu que ces fouilles soient visibles des passants et des habitants de Saint-Denis ; seules de fines grilles clôturent le chantier. 

Chaque jour, ces femmes sont la cible de remarques sexistes et libidineuses de la part de nombreux hommes qui semblent n’avoir jamais vu de bras de femmes nus. Elles se font aussi insulter par des femmes qui leur disent, en substance, qu’elles ne font pas un boulot de femmes. Quand on connaît un peu la sociologie de la ville, on peut avoir une petite idée de ceux qui profèrent de tels propos. Mais à entendre aussi bien les responsables des fouilles que ceux de la mairie, on comprend qu’ils se tiennent à distance de toute thèse nauséabonde. « On ne révélera pas les insultes qui ont été proférées. Les femmes concernées ne le souhaitent pas. Et puis, cela n’apporterait rien. », explique Claude Héron, le responsable de l’unité archéologique de Saint-Denis.

A lire aussi, Céline Pina: Un dernier au revoir à Philippe Mathot

Quant à Oriane Filhol, l’adjointe au maire PS en charge notamment des droits des femmes et de la lutte contre les discriminations, elle reconnaît qu’« il y a eu des gestes et des propos à caractère sexiste et sexuel », mais à ses yeux, « ces évènements sont la marque du patriarcat qui concerne toutes les religions et tous les territoires. Mais dès que quelque chose se passe à Saint-Denis, la fachosphère s’y intéresse ». Voilà qui explique le silence de Sandrine Rousseau ! 

Si l’on comprend bien, les « fachos » ne sont pas ceux qui veulent interdire les femmes en t-shirt dans l’espace public mais ceux qui dénoncent leurs agressions. La mairie a certes reconnu le problème puisqu’elle a collé des affichettes pour dire aux gens de respecter les dames. Vu l’efficacité du dispositif, elle fait circuler, en outre, des patrouilles de policiers municipaux et a installé un système de vidéosurveillance – on parle toujours d’un chantier de fouilles archéologiques aux portes de la capitale ! 


Madame Filhol reconnaît elle-même « un aveu d’échec » ! Mais il lui en faut plus pour remettre en question son idéologisme. Et ce n’est pas le responsable des fouilles qui va l’aider puisque, selon M. Héron, le problème n’est pas culturel : « C’est une question de géométrie et de flux. Cela a pris des proportions importantes car le chantier est au centre. »

Pour mémo : depuis les années 1970, il y a eu près de 350 chantiers archéologiques à Saint-Denis et jamais de problème. Ces jours-ci, la mairie envisage de mettre de vraies palissades pour soustraire à la vue des braves gens ces femmes qui osent faire un travail d’hommes. 

Quoi qu’il en soit, si vous ne savez pas où aller en vacances cet été, pourquoi pas se rendre à Saint-Denis ? [1] Emmanuel Macron lui-même l’a dit : « C’est la Californie sans la mer ! »

Vivre en ville

Price: 20,00 €

31 used & new available from 2,61 €


[1] À lire : l’excellent reportage signé par Rachel Binhas dans Marianne. De nombreux habitants témoignent, sans langue de bois, de leur exaspération à vivre à Saint-Denis.

Acquitator, Imprecator et fachosphère

0
Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, à l'Assemblée nationale, 3 juillet 2023 © Jacques Witt/SIPA

La réforme de la justice 2023-2027 a été largement approuvée à l’Assemblée nationale, notamment grâce à l’aide des députés de la droite nationale


Jusqu’à une période récente, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, ne se privait guère de rejeter dans les poubelles de la fachosphère tout ce qui ne pensait pas comme lui ou qui ne se prosternait pas assez bas devant ses prestations ministérielles, ses envolées et ses saillies de ténor du barreau. Mais, c’est bien connu, les temps changent vite et le vent est un fieffé capricieux qui tourne comme à plaisir. Surtout en politique. Conséquemment, nous pouvons penser que ce mot de fachosphère si facile d’emploi se fera dorénavant plus rare dans les propos de ce ministre au verbe haut. La raison en est toute simple, très politique : c’est avec les votes de cette prétendue fachosphère que le projet de loi Dupond-Moretti de « déclochardisation de la justice française » a été adopté par l’Assemblée nationale. À une très large majorité, qui plus est. En particulier grâce ce au vote pragmatique et responsable des députés du Rassemblement national. Voilà comment on passe de la fachosphère à la consensosphère (du latin consensus signifiant à peu près tomber d’accord avec qui on ne l’est nullement). L’histoire ne dit pas si l’heureux bénéficiaire – conforté dans son poste gouvernemental également en raison de ce succès parlementaire – s’est pincé le nez en faisant le décompte des suffrages. Si tel n’est pas le cas, les chevaliers blancs des gauches, celle des cocktails Molotov et celle des cocktails germanopratins, s’en sont chargés à sa place. Ils ont aussitôt entonné le grand air réservé d’ordinaire aux vierges effarouchées. Honte à ce vendu, à ce collabo qui pactise avec le diable soi-même et tolère que les voix gluantes, puantes de l’extrême droite viennent le soutenir dans sa politique !

À lire aussi, Céline Pina: Petit remaniement et grand rétrécissement

Pensez, une politique à ce point barbare – du moins dans ses annonces – qu’elle programmerait une augmentation significative du nombre de places de prison ! Où va-t-on, on se le demande ? Le fantôme Adolf en rêvait, l’Eric à grosse voix l’a fait. « L’extrême droite n’a plus de limites », a récemment vitupéré l’Insoumis Maximo, Jean-Luc Mélenchon (Ce pourrait être une histoire rigolote : Acquitator et Imprécator sont dans un bateau…). Or, justement, face à ces anathèmes de fachosphère, d’extrême droite, la question est bel et bien là ! Les limites. Oui, et nous aimerions beaucoup que ceux qui n’ont que ces mots-là à la bouche daignent enfin nous révéler le contenu précis de ces concepts (ou prétendus concepts). Sur la base de quels critères objectifs définit-on ce qui relève de la fachosphère ou n’en relève pas ? Quelles en sont les caractéristiques déterminantes, fondamentales, les normes, les contours ? Où cela commence et où cela finit-il ? Voilà bien les sujets qu’on se garde scrupuleusement d’aborder lors des innombrables interviews de complaisance que les médias estampillés d’origine contrôlée accordent à ces hôtes de choix. Apporter des réponses serait pourtant très instructif. Nous n’en serions plus réduits à considérer que, à l’instar de l’enfer selon le camarade de luxe Jean-Paul Sartre, chez M. Melenchon aussi la fachosphère serait « les autres ». Tous les autres. Car lui seul serait irréprochable, insoupçonnable sur le chapitre de la vertu révolutionnaire. Personne hormis lui-même ne mériterait sa pleine et entière confiance. Ainsi fonctionnait un autre camarade de référence, Staline. Joseph Staline dont les mots de la fin sont pourtant extrêmement éclairants sur ce point. « C’est fini, je ne me fais même plus confiance à moi-même », aurait-il confessé à ses derniers moments. Une telle humilité, qu’on espèrerait toutefois moins tardive, serait-elle à la portée de notre imprécator en chef ? Allons savoir ?

Une épopée francaise: Quand la France était la France

Price: 14,77 €

1 used & new available from 14,77 €

Jamais sans ma mère?

0
"Les damnés ne pleurent pas" (2023) de Fyzal Boulifa © New Story

« Les damnés ne pleurent pas », le titre est trop beau pour être vrai: on dirait le nouveau James Bond. Il n’en est rien. 


Fyzal Boulifa, 38 ans, réalisateur anglais d’origine marocaine, l’a pompé, ce titre, sur celui d’un film noir de la Warner millésimé 1950, avec Joan Crawford en vedette : The Damned don’t cry. Rien à voir. Encore que. Si la superstar d’Hollywood est, en quelque sorte, ressuscitée ici, c’est sous les traits beaucoup moins photogéniques d’une matrone callipyge aux mèches décolorées, au visage plus fardé qu’une tarte aux fraises sous des lunettes solaires aux montures tape-à-l’œil, nippée, selon un certain goût maghrébin résolument inventif, d’atours aussi clinquants que possible. Flanquée de Selim, son fils de 17 ans, semi-analphabète mutique et bourru qu’elle charge, pour la route, de gros sacs de marché en guise de valises, la flamboyante Fatima-Zahra ébranle sa surcharge pondérale dans une équipée au nord du pays chérifien qui ressemble à une cavale. 

New Story

Secret de famille

Le plus vieux métier du monde comporte des risques : un ancien « client » retrouvé en chemin, profitant d’une petite « promenade » à l’abri des regards, lui arrache son sac à main et s’empare des quelques bijoux qu’elle y serrait – sa seule fortune. Sans le sou, Fatima-Zahra et Selim trouvent provisoirement refuge au sein de la famille, à Tanger, le jour du mariage de la jeune Naïma et alors que nombre d’invités sont attendus dans la modeste maison. Vivante image de la lubricité, la femme prodigue n’y est manifestement pas tout à fait bienvenue…  Au détour d’une dispute surprise entre elle et sa sœur dévote, Selim comprend que, né de père inconnu, il est le fruit non désiré d’un viol, ce que sa mère s’employait à lui dissimuler depuis toujours, en lui laissant croire à la mort précoce de son géniteur. 

A lire aussi: Oppenheimer, de Christopher Nolan: un grand film politique

C’est là le prologue d’une tragi-comédie peu complaisante envers l’état des mœurs au royaume du Maroc, assujettis aux préceptes de l’islam et aux préjugés d’une société soumise à la pesanteur de ses archaïsmes, mais contradictoirement fouaillés, dans le même temps, par une sécularisation importée de l’Occident, et par les mirages matériels véhiculés par le tourisme. Rien de bien neuf, en soi, dans ce constat. Sinon qu’en filigrane, ce hiatus trouve à s’incarner ici de façon aiguë dans la dérive de ces deux personnages et des comparses qui croisent leur route semée d’embûches. Fatima-Zahra, en quête d’une stabilité illusoire compte tenu de sa nature volage, immature et versatile, croit trouver l’âme-sœur dans la personne d’un chauffeur d’autobus qui, marié de longue date à une femme dépressive, lui propose d’assumer le rôle de seconde épouse, avant de se rétracter ; son fils Selim, de son côté, manipulé par une jeune canaille, est amené à se prostituer à son corps défendant, pour entrer in fine au service de son premier « client » (Antoine Reinartz), jeune patron français d’un joli riad transformé en très confortable maison d’hôtes… Le candide Selim en vient à s’éprendre de ce « chrétien » bonne pâte, avant de se sentir trahi lorsque surgit, en visite-surprise, le « mari » parisien de cet homosexuel assumé, et que le garçon du cru s’avise soudain n’avoir jamais été qu’une passade…

Un film soigné

Sobrement, sans afféterie, superbement dirigé, d’une écriture scénaristique aussi soignée que l’image du film (signée Caroline Champetier), qui plus est traversé d’une remarquable bande-son grinçante et désaccordée, ce road-movie de la détresse dépeint, sans en outrer jamais la pente mélodramatique, un état des lieux sociétal qui tient du naufrage. 
Cela dit, il n’est pas certain qu’un cinéaste autochtone vivant au Maroc pourrait s’autoriser un regard aussi cru : plus commode depuis le refuge de l’Angleterre où Fyzal Boulifa fait carrière…


Les damnés ne pleurent pas. Film de Fyzal Boulifa. Avec Antoine Reinartz, Aicha Tebbac, Abdellah El Hajouji. Durée : 1h51. En salles le 26 juillet 2023.

Le marivaudage après la rigueur

0
© MEUROU/SIPA

Pour connaître la teneur des rapports amoureux sous Laurent Fabius, L’Amour en douce d’Édouard Molinaro sorti en 1985 reste un témoignage édifiant des hésitations françaises


La comédie sentimentale est le meilleur reflet de notre histoire récente. Elle dit tout de nos inquiétudes et de nos emballements amoureux. Elle passe au scanner une France revenue des lendemains qui chantent et qui s’enfonce benoitement dans les crises. Crise financière, crise morale, crise du couple. Le rose si éclatant de la victoire en mai 1981, après essorage et divers renoncements, ressort passablement délavé, quatre ans plus tard. Même si ce n’est pas le propos de Molinaro, « L’Amour en douce » n’est pas un film politique, le tragique des sociétés faussement prospères et l’incompréhension entre les Hommes sont irrémédiablement en marche. L’heure n’est plus à l’abondance. L’étau n’a plus desserré ses mâchoires d’acier depuis cette date. La vie, frileuse et répétitive, a repris ses droits sur les rêves de changement. Les réveils sont pâteux en 1985. Ce film révèle assez fidèlement les bégaiements de ces années-là, le tournant de la rigueur a sapé le moral des derniers naïfs ; entre la fin de l’insouciance et la peur de l’engagement, entre l’ironie comme moyen de self-défense et les impasses du sexe libre, les personnages de Molinaro tentent de trouver un sens aux brouillons de leur existence. Chez le réalisateur, on est moins âpre, moins radical, moins décliniste, moins destructeur que dans les tranches de vie de Lauzier, on lorgne plutôt vers la comédie de mœurs à la Martin Veyron. Cet aigre-doux a disparu avec les ligues de vertu et les censeurs télévisuels au milieu des années 1990. Dans ce cinéma-là, à cheval entre deux genres, le divertissement et la romance, l’amour en déséquilibre permanent se tient sur un fil, fragile et beau à la fois, instable et désarmant. C’est justement parce que Molinaro refuse de choisir son camp en restant dans cette zone floue que « L’Amour en douce » est un puissant exhausteur de nostalgie. L’histoire de ce quatuor n’est qu’un prétexte à tricoter et détricoter les mailles des sentiments avec plus ou moins de véracité, peu importe. Daniel Auteuil, avocat aixois, bambocheur et volage, joliment marié à Sophie Barjac s’éprend d’une professionnelle incarnée par Emmanuelle Béart sous le regard tendrement désabusé d’un Jean-Pierre Marielle dont les silences sont une merveille de composition. Le long-métrage louvoie entre les scènes comiques et les flirts plus poussés, entre le drame intimiste et la sociologie des professions libérales, Molinaro ne s’interdit rien, la nudité de ses acteurs, la verdeur de son dialogue et même une « Happy End », il va jusqu’à utiliser cette vieille ficelle de la call-girl maîtresse de son destin qui dynamite la classe bourgeoise en place. Nous sommes dix ans après « Le Téléphone rose », l’auburn de Béart a remplacé le blond platine de Mimi et Molinaro récidive. Tout ça, ce ne sont que des artifices, le spectateur pardonne vite ces facilités, car le réalisateur est avant tout un merveilleux diffuseur d’ambiance. Il ne pratique pas un cinéma déclamatoire et inquisitorial, il capte avec sa caméra, des fragments de notre passé, le décor de notre enfance. Qu’il est doux et triste aussi de retourner à cette période, d’en saisir la fugace trace. Molinaro restitue les dernières heures avant la grande bascule idéologique et sociétale. D’abord, le film démarre sur la chanson « Que la vie me pardonne » interprétée par Daniel Auteuil : « J’fais mon cinoche de jeune clean désinvolte entre le parfum d’une blonde et les gros seins d’une ronde ». Le ton est donné. Marielle fabrique des meubles à la Ciotat et petit-déjeune en survêtement Lacoste. Quand Sophie Barjac demande à son mari : – Comment tu le trouves ? Il lui répond : très digne ! L’industriel divorcé roule en CX et Auteuil en Citroën Axel. On est très « Citroën » en 1984/1985. Roger Dumas est un hôtelier de nuit nostalgique du Tonkin. La voix de Michel Robin apaise les jeunes filles en pleurs. On se réfugie en Bretagne ou près du Square Viviani en face de Notre-Dame. Aux flashs d’actualités, la fermeture des chantiers navals et une grève inopinée des contrôleurs aériens font partie du quotidien des Français. Les grands-mères regardent « Dynastie » à la télé et les lycéennes lisent Belle du seigneur dans le bus. On passe beaucoup de temps aux comptoirs d’Air Inter à attendre. Les magasins à la mode louent des VHS. Daniel Ceccaldi est un avocat associé, amateur d’amour tarifé. On prononce des phrases bannies du langage actuel : « Je me sens très province ». Et puis, il y a deux actrices inoubliables, Sophie et Emmanuelle, en talons plats et en vestes à chevrons, à la mise sobre et sauvagement quelconque, ne cherchant pas être disruptives ou dans le coup, c’était seulement « une question de feeling » comme le chantaient cette même année-là, Richard Cocciante et Fabienne Thibeault :
« Dans l’infini universel
Nos deux vies parallèles
Parallèles
Se sont croisées ce soir
Le jour se lève
C’est comme un rêve
Un rêve qui s’achève

Moi j’ai envie de te revoir » 

Monsieur Nostalgie

Price: 17,00 €

11 used & new available from 12,89 €

Un suppo et au lit!

0
D.R.

En France, pays des droits de l’homme, il sera bientôt légalement possible de se faire gauler à l’insu de son plein gré.


L’été est chaud, l’été est chaud. Dans l’hémicycle, grâce à Ugo

Dans le cadre du projet de loi de programmation de la justice, Ugo Bernalicis, député LFI, a tenté de déposer un amendement qui a finalement été rejeté : 119 voix contre, 30 pour et deux abstentions. Cet amendement culotté visait à exclure les sex-toys de la série des appareils connectés qui pourraient être activés à distance dans le cadre de certaines enquêtes. « Pouvoir capter son et images de l’objet sexuel connecté d’une personne sous enquête, ou géolocaliser via un tel objet : cela n’est « pas proportionné », surtout quand on voit la longueur de la mesure, qui peut aller jusqu’à 15 jours ».  

Un ministre arbitre des élégances

Ugo a été moqué par le ministre de la Justice qui a parlé d’un amendement de mauvais goût et qui s’est fendu d’un fouettant « comment on peut avoir des idées comme celles-là ». Apparemment, personne dans le cabinet du sexitradi Dupond-Moretti n’avait pensé à éclairer sa chandelle. Ce dernier a visiblement oublié de tourner sa langue dans sa bouche et aussi omis de consulter un quelconque Mckinsey de la gaudriole.  

À lire aussi: Pays-Bas: la future Première ministre est une ex-réfugiée échouée sur une plage grecque!

Parce que sauf votre respect, Monsieur le ministre, les sex-toys connectés ne sont pas des divagations d’affolés du slip. Comme n’importe quel amateur de galipettes pimentées, vous pouvez par exemple pour 199,90€ ou 4 x 49,98€  sans frais acquérir un Svakom Siime Eye + app Rose, vibromasseur connecté au wifi, doté d’une caméra. Cet « appareil » prend des photos et enregistre des vidéos de visages, de corps, et même de l’intérieur des parties intimes grâce à un endoscope incorporé. Bien entendu, les utilisateurs peuvent ensuite sauvegarder leurs enregistrements grâce à l’application (disponible pour iPhone et Android) associée au dispositif. La distance maximale sans fil est d’environ 30 mètres et l’autonomie de 2h30. Quatre petites lumières LED entourent le bord de la lentille de la caméra elle-même intégrée à l’extrémité du sextoy. Celui-ci dispose de six modes de vibration, est 100% étanche et « son design élégant ainsi que sa taille (longueur totale de 20cm pour 12 cm utile et 2,2cm de diamètre) procurent beaucoup de sensations tout en éveillant de merveilleux fantasmes ». Bien entendu, c’est un matériel silencieux et totalement écologique.

Souriez, vous êtes piraté 

Si, convaincu, vous décidez de virer branché, sachez quand même, Monsieur le ministre, que certaines de vos relations, un tantinet taquines, pourraient être tentées d’acquérir, pour la modique somme de 349,99€, le logiciel FlexiFlesh, développé par FlexiSPY. Ce dernier se propose de pirater la plupart des sextoys connectés disponibles sur le marché pour les allumer, les éteindre ou encore en changer les vibrations sans l’autorisation de leur utilisateur et prendre ainsi le contrôle de leur plaisir érotique. De faire finalement encore mieux que la police !

À lire aussi: Le non-évènement du jeudi

Du boulot pour les avocats

Pour parfaire votre connaissance juridique du dossier (et qui sait, peut-être trouver de nouveaux clients pour votre vie d’après), il n’est pas inutile que vous soyez aussi au courant que des utilisateurs du vibromasseur WeVibe, de l’entreprise canadienne Stanford, ayant eu connaissance que celle-ci collectait toutes les données d’utilisation (température, niveau d’intensité, fréquence et durée d’utilisation, soi-disant pour améliorer le produit) ont déposé un recours collectif et obtenu gain de cause. Certains utilisateurs piratés pourraient obtenir jusqu’à 10 000$ chacun. Les dossiers de l’entreprise indiqueraient qu’environ 300 000 personnes ont acheté un produit « We-Vibe » et que plus de 100 000 d’entre elles l’ont utilisé en mode connecté.

Ni pot de vin, ni commission occulte

Cet article a été écrit dans le respect de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer le métier d’influenceu-r-se. Aucune rémunération, aucun matériel de démonstration en provenance des firmes citées n’a été reçu, ni par Causeur, ni par l’auteur de l’article.

Les désastres de l’affirmation virile

0
D.R.

Que deviennent les hommes à l’heure où la révolution des mœurs – la révolution morale – souffle en tempête sur l’Occident?


On en revient toujours au même constat : dans les émeutes qui, parties des « quartiers », ravagent périodiquement nos villes, les casseurs sont des jeunes hommes, souvent des adolescents, de nationalité française pour la plupart, enfants issus d’une immigration originaire d’Afrique du Nord et subsaharienne, qui vivent dans des zones urbaines tournées vers elles-mêmes, minées par l’échec scolaire, les prédications islamistes et le trafic de drogue. Aucun racisme à rechercher dans cette observation. C’est un fait.

« Les jeunes hommes de toutes origines subissent un déclassement dont les jeunes mâles du Sud présentent un concentré sauvage… »

Ère du vide

Ces émeutes font l’objet d’analyses et de commentaires sans fin. Réaction normale devant des dérives aux ressorts si complexes qu’elles échappent à la compréhension, d’où l’extrême difficulté des pouvoirs publics à les juguler et l’impuissance à les prévenir. Du moins soulignent-elles, au-delà des explications et jugements habituellement avancés, quelques évidences, dont celle-ci : les émeutes mettent aux prises presque exclusivement des hommes. Casseurs d’un côté, policiers et gendarmes de l’autre. Sauf à la marge, les femmes sont absentes. L’archaïque division sexuelle impose sa réalité brute, reléguant dans les ténèbres les questions sociétales qui agitent au quotidien le landerneau politico-médiatique, revendications LGBT+, wokisme, racisme systémique, intersectionnalité des luttes, toute cette ébullition de minorités en mal de reconnaissance. Avec les émeutes ethniques surgies des « quartiers », on est dans le dur.

A lire aussi, Philippe Breton: Nahel, figure identificatoire parfaite pour une jeunesse culturellement allogène?

Signe du caractère archaïque de la division sexuelle ici à l’œuvre, c’est au sein de l’immigration maghrébine et subsaharienne que se repèrent les tenants du patriarcat le plus rigoureux. C’est là qu’opère dans une toute-puissance sûre de ses droits légitimes l’assujettissement des femmes à la loi des hommes. Le conflit entre l’univers des émeutiers et celui de la société d’accueil régie par le principe d’égalité omni-sectorielle éclate dans sa simplicité radicale. L’abîme qui s’ouvre sous nos pieds se révèle sans fioritures. De là une première conclusion : l’affrontement des deux univers n’est pas près de finir. Les jeunes mâles originaires du Sud musulman n’en ont pas terminé avec l’affirmation d’une virilité musclée qu’ils reçoivent comme consubstantielle à leur identité. Aucune solution n’a été trouvée et ne sera trouvée dans les financements déversés, au nom d’une politique de la ville aussi dispendieuse qu’infructueuse, sur les territoires qu’ils ont conquis au bénéfice des narcotrafiquants avec l’appui des prêcheurs de haine religieuse, l’élection d’édiles complaisants et l’influence irresponsable des boutefeux d’extrême gauche.

L’affirmation virile débouche sur la violence comme substitut à l’effort d’intégration auquel refusent de consentir, ou qu’échouent à réaliser, les jeunes mâles issus du continent martyr, l’Afrique, confortés par les démagogues et les fanatiques dans leur statut de victimes. Ajoutons tout ce qu’on sait, l’effacement ou le discrédit des pères, le culte du fils-roi, les familles dépourvues du substrat culturel nécessaire à la réussite scolaire comme à l’appréhension des codes en vigueur dans la société française « de souche ».

Ce n’est pas tout. L’hypertrophie de la société du spectacle, sur le mode de selfies obsessionnels, conduit ces bravaches à se rendre visibles à n’importe quel prix. Chaînes d’info en continu, événements en continu, déluge de sons, d’images, d’émotions en continu, le phénomène d’affirmation virile, accentué par le mimétisme des « quartiers », obéit à la surenchère des impacts visuels. L’ostentation comme affirmation de soi fait l’économie de tout travail, donc du temps : immédiateté de la posture, triomphe du présentisme sur fond d’ignorance crasse, d’orgueil sans substance, de fierté fondée sur le néant. Consécration de l’ère du vide.

Déclassement

Les pillages accompagnés de brasiers annulent les limites entre les espaces privés et publics. L’appropriation impulsive insulte la loi tandis que les tirs de mortier fracassent les forces de l’ordre, faisant écho au pillage des corps féminins par la domination des jeunes mâles éblouis par leur propre arrogance, voiles et farouche pudeur imposés jusqu’au pire, la prostitution des filles perdues et le viol dans les caves.

A lire aussi, du même auteur: Une utopie clé en main

Qualifier de racaille les hordes de casseurs aggrave la situation. Le terme globalise des comportements qui réclament des approches différenciées au plan individuel. Le cas de Nahel M., « petit ange parti trop tôt » selon la ridicule formule de Kylian Mbappé, paraît exemplaire. Ce n’était pas un ange, mais pas un barbare non plus. Le Figaro : « Fan de rap et de moto, Nahel a été élevé seul par sa mère à Nanterre, et vivait dans une barre d’immeuble de la cité Pablo-Picasso, au pied de La Défense. Déscolarisé, il travaillait comme livreur et avait entamé un “parcours d’insertion” dans l’association Ovale Citoyen qui accompagne des jeunes par le sport et a noué un partenariat avec le club de rugby de Nanterre. » Nul doute que, mis à part les organisateurs du chaos et les crapules écervelées, bien des émeutiers correspondent peu ou prou à ce profil. C’est donc au niveau des individus qu’il faudrait traiter le problème avec de réelles chances de succès. Compte tenu du nombre, le remède relève évidemment de l’impossible. Reste, dans l’urgence, une répression policière et judiciaire à mener sans que la main tremble.

Ce que non seulement les émeutes, mais la délinquance endémique, y compris le trafic de drogue, disent des individus embarqués dans ces dérives semble ne concerner qu’une partie de la jeunesse. Cependant, elles expriment quelque chose du sort, chez nous, des jeunes hommes de toutes origines. Pas du sort des jeunes filles. Elles se situent sur une autre planète. Dépossédés des rites d’initiation qui, à l’instar du service militaire, les faisaient entrer dans l’âge adulte (au contraire des filles devenues femmes par les règles, seuil de la maternité), dépassés par le sexe féminin dans l’accès aux diplômes, en butte au chômage consécutif à la désindustrialisation forcenée depuis quarante ans, dévalorisés par le mépris des métiers manuels, privés de leur singularité genrée par un égalitarisme confondu avec l’abolition des différences sexuelles et sociales, les jeunes hommes de toutes origines subissent un déclassement dont les jeunes mâles du Sud présentent un concentré sauvage.

Défendre efficacement la cause des femmes oblige désormais à défendre celle des hommes. Ce n’est pas gagné, mais s’il est un enseignement à tirer des émeutes, celui-ci n’est pas le moins important.

The Velvet Underground, velours d’adolescence 

0
John Cale et Lou Reed, The Velvet Underground, en concert au Forum, à Londres, 1993. © HERBIE KNOTT

Les chansons de Sophie, série d’été


Il existe, dans la vie, nombre de synchronicités. Ou disons que j’ai tendance à en voir partout. En effet, à l’heure où j’écris ces lignes, vient de mourir Ari Boulogne, le fils supposé d’Alain Delon et de la chanteuse/muse/prêtresse du groupe culte The Velvet Underground. Ari, renié par celui qu’il disait être son père, s’est consumé au lance-flammes, pour finir semi-clochard à 60 ans. On l’aperçoit, sur une vidéo du Velvet en répétition, entre Lou Reed et sa mère. Il a trois ou quatre ans, et nous devinons déjà sa détresse. Synchronicité, disais-je, car je m’apprêtais à entamer le quatrième volet de cette série avec ma découverte du rock’n’roll. Et la révélation que fut pour moi le Velvet Underground. Nous sommes au mitan des années 80. J’ai 15 ou 16 ans, et comme tous ceux de ma génération j’écoute du post-punk ou de la new-wave. Et je lis religieusement Best et Rock & Folk. Je suis en vacances chez mes grands-parents, nous sommes en été, et je m’ennuie ferme. C’est Étienne Daho, par l’entremise du magazine Best, justement, qui sauva mes vacances (peut-être même ma vie). Dans une interview fleuve, il explique son amour pour le Velvet, ce groupe qui inventa la pop torturée, qui la magnifia, avec un mélange de sauvagerie et d’érudition. Les mots d’Étienne étaient limpides. Ce groupe était fait pour moi.

J’ai persuadé ma mère de me conduire à la petite ville la plus proche – celle où naquit Charles Trenet – afin de faire l’emplette du Graal : le mythique album à la banane. Chance inespérée : il en restait un exemplaire chez le seul disquaire de la ville. Dès la première écoute, je n’ai rien compris et tout compris. Une épiphanie. Je me suis dit que si un jour je faisais de la musique, cela y ressemblerait : des sons à la fois distordus et enfantins, hypnotiques et mélodiques.

Le Velvet : genèse des groupes pop

Le Velvet Underground est l’alchimie parfaite entre des génies que le destin, à travers l’époque bouillonnante de la Factory à New-York, ce lieu expérimental, a mis sur le même chemin : Andy Warhol, cette sorte de magicien brasseur de vent, aux intuitions implacables, Lou Reed, chaînon manquant entre Bowie et Vince Taylor, John Cale, le Gallois, violoniste virtuose, Maureen Tucker, avec sa façon unique de jouer de la batterie, précise et décalée, et bien sûr Nico, voix spectrale et beauté trop parfaite pour être réelle. J’en oublie Sterling Morrison, le guitariste, (pour une fois) presque trop discret. C’est cela le Velvet : une rencontre entre des personnages d’un autre monde, qui donna naissance au groupe qui fut la genèse de tous les groupes pop des années 80 et au-delà.

Il serait fastidieux d’énumérer, d’analyser, toutes les chansons de cet album mythique. Surtout que je ne suis pas critique rock. Juste une groupie qui écrit, pour rendre hommage aux artistes qui m’ont aidée à vivre.

Dans cet album, sobrement intitulé The Velvet Underground and Nico, dit l’album à la banane (idée bien sûr warholienne que de représenter sur la célèbre pochette, une banane sur fond blanc, ce qui donna lieu à tous les fantasmes et toutes les suppositions), se télescopent une Femme Fatale, chantée par Nico la vénéneuse « Here she comes / you better watch your step / she’s going to break your heart in two / it’s true » (1), un hommage à Sacher Masoch : Venus in furs, une douce balade intrigante : Sunday Morning, et bien sûr, l’omniprésence de la drogue : Waiting for my man (nul doute que l’homme attendu n’est autre que le dealer). Et un des sommets de l’album : une lancinante complainte à la gloire de la plus maléfique des drogues, l’héroïne : « it’s my wife and it’s my life » chante Lou Reed, au son du violon magnifiquement torturé et volontairement dissonant de John Cale, son frère ennemi. Paradoxalement, Heroin est pour moi un chant quasi religieux, la religion et la drogue obéissent à des rituels comparables, à la même dévotion de la part de leurs adeptes. D’ailleurs, nombre de drogués repentis ont trouvé refuge dans la spiritualité.

Je ne saurai dire qu’elle est ma préférée. J’ai toujours été transportée par l’ensemble de l’album, par son obscurité et sa lumière. Cette œuvre possède une grâce faite de chaos et de rédemption. Bien plus tard, j’ai fait la connaissance de Jonathan Richman, le pendant solaire de Lou Reed. Il doit tout au Velvet, mais sa musique n’est pas une pâle copie de l’univers de ses héros. Le sien est doux amer, ironique, tendre et désabusé. Je laisse donc à Richman les mots de la fin, qu’il nous livre à travers sa chanson hommage : Velvet Underground : « They were wild like the USA/ A mystery band in the New-York way/ Rock’n’roll, but not like the rest. » (2)


1 « La voilà, fais attention où tu mets les pieds, elle va briser ton cœur en deux »

2 « Ils étaient sauvages comme les USA, un groupe mystérieux à la façon de New-York, Rock’n’roll, mais différents »