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Mont-Valérien: chamallows grillés à la flamme du souvenir

Il faut les comprendre…


Mont-Valérien: chamallows grillés à la flamme du souvenir
D.R.

On parle de plus en plus souvent de la « culture de l’excuse », ces prétextes que l’on donne pour minimiser les délits commis par des jeunes : « il faut les comprendre », « ils ne savent pas ce qu’ils font » etc. Une nouvelle affaire illustre parfaitement cette tendance qui justifie l’irresponsabilité.


L’affaire est passée sous les radars de « l’actu » la semaine dernière. Dans la nuit du dimanche 16 juillet, six personnes – on ignore leur âge mais on se doute qu’elles ne sont pas très vieilles – ont été interpellées alors qu’elles faisaient griller des chamallows sur la flamme… du mémorial du Mont-Valérien ! Ce « Mémorial de la France combattante » inauguré par le Général de Gaulle en 1960, à deux pas de Paris, a été le principal lieu d’exécution de résistants et d’otages durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’est pas nécessaire d’être un ancien combattant pour prendre conscience de l’importance de ce lieu, pour comprendre la gravité dont il témoigne. Et pourtant. 

En France, aujourd’hui, des jeunes bafouent, insultent cette flamme du souvenir. Un souvenir d’autant plus précieux que c’est souvent celui de jeunes, pas plus vieux que ces imbéciles aux chamallows, parfois plus jeunes encore, qui eux ont donné leur vie pour défendre leur liberté et la nôtre. Ce sont des héros, des exemples qu’il faudrait donner à cette jeunesse totalement paumée. Mais elle en ignore même l’existence.

Ce n’est pas tout

Ce qui est encore plus choquant dans cette affaire, c’est que ces six petits génies ne risquent pas grand-chose, pour ne pas dire rien ! Ils ont été interpellés et placés en garde à vue au commissariat de Suresnes, quatre d’entre eux ont été convoqués en vue d’une comparution « sur reconnaissance préalable de culpabilité pour violation de monument édifié à la mémoire des morts », et les deux autres ont été remis en liberté. 

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Mais le meilleur arrive : le directeur des Hauts lieux de la mémoire en Île-de-France, Jean-Baptiste Romain, qui gère le mémorial du Mont-Valérien, a indiqué vouloir porter plainte mais promet de retirer sa plainte si ces jeunes « viennent visiter le site » (sic). Selon lui, « le plus important est qu’ils comprennent ce qu’ils ont fait » et que « c’est un geste inadmissible ». C’est bien de le reconnaître, mais exclure toute idée de sanction est ahurissant. Ces jeunes ont violé un mémorial : ils doivent être punis. Une peine relative à la nature du délit mais punis tout de même. Et que cette peine soit assortie d’une démarche pédagogique, c’est le minimum, c’est le propre de toute sanction intelligente ; comme on dit à l’enfant qui a fait une bêtise : « il faut que tu comprennes pourquoi tu es privé dessert » ! Sanction et  explication permettent de comprendre sa faute et, en principe, de ne pas recommencer. Mais là le message envoyé est terrible. Le directeur du mémorial lui-même dit en somme : pas besoin de sanction. Venez visiter et tout sera pardonné. Impossible, dès lors, de leur faire prendre conscience de la portée de leurs actes. 

La Californie

C’est en quelque sorte le même phénomène que nous avons observé à Saint-Denis. Des femmes archéologues travaillent actuellement sur des fouilles importantes en plein centre-ville, place Jean-Jaurès, au pied de la Basilique. Il y a du soleil, il fait chaud, et elles travaillent comme tout le monde : en t-shirt et en débardeur. Et avec une louable volonté de « pédagogie », l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) a voulu que ces fouilles soient visibles des passants et des habitants de Saint-Denis ; seules de fines grilles clôturent le chantier. 

Chaque jour, ces femmes sont la cible de remarques sexistes et libidineuses de la part de nombreux hommes qui semblent n’avoir jamais vu de bras de femmes nus. Elles se font aussi insulter par des femmes qui leur disent, en substance, qu’elles ne font pas un boulot de femmes. Quand on connaît un peu la sociologie de la ville, on peut avoir une petite idée de ceux qui profèrent de tels propos. Mais à entendre aussi bien les responsables des fouilles que ceux de la mairie, on comprend qu’ils se tiennent à distance de toute thèse nauséabonde. « On ne révélera pas les insultes qui ont été proférées. Les femmes concernées ne le souhaitent pas. Et puis, cela n’apporterait rien. », explique Claude Héron, le responsable de l’unité archéologique de Saint-Denis.

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Quant à Oriane Filhol, l’adjointe au maire PS en charge notamment des droits des femmes et de la lutte contre les discriminations, elle reconnaît qu’« il y a eu des gestes et des propos à caractère sexiste et sexuel », mais à ses yeux, « ces évènements sont la marque du patriarcat qui concerne toutes les religions et tous les territoires. Mais dès que quelque chose se passe à Saint-Denis, la fachosphère s’y intéresse ». Voilà qui explique le silence de Sandrine Rousseau ! 

Si l’on comprend bien, les « fachos » ne sont pas ceux qui veulent interdire les femmes en t-shirt dans l’espace public mais ceux qui dénoncent leurs agressions. La mairie a certes reconnu le problème puisqu’elle a collé des affichettes pour dire aux gens de respecter les dames. Vu l’efficacité du dispositif, elle fait circuler, en outre, des patrouilles de policiers municipaux et a installé un système de vidéosurveillance – on parle toujours d’un chantier de fouilles archéologiques aux portes de la capitale ! 


Madame Filhol reconnaît elle-même « un aveu d’échec » ! Mais il lui en faut plus pour remettre en question son idéologisme. Et ce n’est pas le responsable des fouilles qui va l’aider puisque, selon M. Héron, le problème n’est pas culturel : « C’est une question de géométrie et de flux. Cela a pris des proportions importantes car le chantier est au centre. »

Pour mémo : depuis les années 1970, il y a eu près de 350 chantiers archéologiques à Saint-Denis et jamais de problème. Ces jours-ci, la mairie envisage de mettre de vraies palissades pour soustraire à la vue des braves gens ces femmes qui osent faire un travail d’hommes. 

Quoi qu’il en soit, si vous ne savez pas où aller en vacances cet été, pourquoi pas se rendre à Saint-Denis ? [1] Emmanuel Macron lui-même l’a dit : « C’est la Californie sans la mer ! »

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[1] À lire : l’excellent reportage signé par Rachel Binhas dans Marianne. De nombreux habitants témoignent, sans langue de bois, de leur exaspération à vivre à Saint-Denis.



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Journaliste. Dernière publication "Vivre en ville" (Les éditions du Cerf, 2023)

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