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La police a tort mais vive la police!

À Marseille, de nombreux policiers se mettent en arrêt maladie pour protester contre l'incarcération d'un de leurs collègues


La police a tort mais vive la police!
Le directeur de la police nationale Frédéric Veaux est critiqué par la gauche pour avoir affirmé, dans "Le Parisien", qu'un policier mis en cause ne devrait pas être placé en détention avant son procès © STEPHANE DUPRAT/SIPA

Même l’habituellement placide Laurent Nuñez soutient la bronca des gardiens de la paix, après la mise en détention provisoire de l’un des quatre policiers marseillais suspectés d’avoir roué de coups un jeune de 21 ans, dans la nuit du 1er au 2 juillet. Comme Frédéric Veaux, directeur de la police nationale, le préfet de police de Paris estime qu’« un policier n’a pas sa place en prison » avant un procès. Les élus Nupes, bien sûr, avancent que la police entend se placer «au-dessus des lois». Analyse.


Le président de la République, depuis Nouméa, répondra certainement à 13 heures à une question sur la colère de la police. Je devine déjà ce qu’il va dire et ce sera à nouveau un « en même temps » qui ne satisfera personne. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, approuvé par Laurent Nuñez, a affirmé que « de façon générale, [il] considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail ». Ce propos qui émane d’un très haut fonctionnaire – celui-là même qui pourtant avait contribué à la dangereuse banalisation de la police judiciaire -a été proféré à la suite de la détention provisoire d’un policier de la BAC à Marseille, trois autres de ses collègues également mis en examen ayant été laissés en liberté par le magistrat instructeur contrairement aux réquisitions du Parquet. Il est évident que cette protestation totalement inédite fait suite à l’émoi suscité, après la mort de Nahel, par l’incarcération du fonctionnaire de police mis en examen pour homicide volontaire.

Notre état de droit permet bien de mettre en détention provisoire en fonctionnaire de police

Immédiatement, Frédéric Veaux, et Laurent Nuñez ont tort : rien, en effet, dans notre état de droit, et selon les règles de notre procédure pénale, n’interdit de placer en détention provisoire un fonctionnaire de police mis en examen pour des délits ou des crimes dès lors que un ou plusieurs critères sont réunis pour la justifier. Et il ne serait pas sain d’aboutir à ce que Frédéric Veaux suggère : l’usage de la force légitime par la police est parfois – si rarement – totalement dévoyé au point de pouvoir être qualifié de violence illégitime et donc d’autoriser une détention provisoire. Suivre cette pente serait substituer une justice d’exception à celle qui doit avoir cours dans une démocratie. Il n’est pas nécessaire d’enfourcher les grands chevaux de la stigmatisation, comme le syndicat de la magistrature qui a toujours détesté la police, ni de juger ces réactions « gravissimes » pour faire valoir son point de vue.

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Cette contradiction admise qui me semble irréfutable, vive la police en effet. Comment ne pas voir dans ces exceptionnelles prises de parole, et hostiles à la décision judiciaire en l’occurrence, l’exacerbation, voire l’exaspération de la police et plus généralement des forces de l’ordre face à la présomption de culpabilité pesant sur elles, la suspicion systématique portée sur leur version, le dénigrement constant de leur activité par une part importante de la classe politique et du milieu médiatique, au regard de la méconnaissance totale de ce qu’est l’activité d’enquête et d’interpellation et des risques quotidiens qu’elle engendre, le désarroi que l’autorité judiciaire inspire de plus en plus par l’étrangeté ou le laxisme de certains de ses choix procéduraux, comment ne pas percevoir que depuis quelques années, et le mouvement ne cesse de s’amplifier avec un président miséricordieux pour d’autres que les fonctionnaires de police, la coupe est devenue pleine et que ce corps à la fois prestigieux (mais si démuni) et corvéable à merci n’en peut plus d’être traité de la sorte ?

Celui-ci a envie de montrer comme une société sans police deviendrait vite invivable.

Un problème politique

Qui peut se targuer d’être légitime en adressant des avertissements à la police, en la soutenant, en la défendant dès lors qu’elle a su accomplir ses tâches, comme le plus souvent, de la manière la plus irréprochable possible ? Les fonctionnaires de police à tous niveaux et de tous grades connaissent leurs authentiques amis, ceux qui favorisent l’usage de leur force face aux émeutiers, aux voyous, aux délinquants et qui n’hésitent pas en revanche à fustiger leurs rares brebis galeuses à condamner. Ils s’égarent quand tel ou tel syndicat policier énonce que « le problème de la police c’est la justice ».

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Le seul problème de la justice et de la police aujourd’hui est le pouvoir politique. La gauche et l’extrême gauche sont disqualifiées pour blâmer les forces de l’ordre. Elles ne savent faire que cela et quand on a osé crier en masse « tout le monde déteste la police », on se tait, on se cache ou en tout cas on n’intervient plus dans les débats publics où la police peut être discutée mais sans la haine de ces non républicains compulsifs. Alors, oui, la police a immédiatement tort mais vive la police parce qu’elle a profondément raison !




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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