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Macron: la fin du «en même temps»

Après les émeutes, le président doit sortir la macronie de ses ambiguïtés sur le régalien


Macron: la fin du «en même temps»
Défilé du 14 juillet, Marseille, 14 juillet 2023 © SOPA Images/SIPA

Interrogé sur les émeutes lors du journal de 13 heures, le chef de l’État a prôné « l’ordre, l’ordre, l’ordre ». Il a dit entendre la colère des policiers marseillais, mais a refusé de commenter les récents propos du directeur général de la police dans Le Parisien. Attention: la patience des citoyens vis-à-vis des effets d’annonce sans lendemain commence sérieusement à s’émousser…


Dans le domaine du régalien, l’heure des clarifications et des choix douloureux a sonné pour Macron. « Choisir, c’est renoncer » dit l’adage. Et si le président devait enfin renoncer à la zone de confort du « en même temps » ?
Après les émeutes qui ont sidéré les Français, Emmanuel Macron a manifesté sa volonté d’investir le régalien : sécurité, autorité, Ecole, justice.
On pourrait ajouter à cette liste le contrôle de l’immigration. L’intention est louable. Mais sera-t-elle suivie d’effets ?

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Ce « retour du régalien » se perdra-t-il dans les sables des effets d’annonce comme tant d’autres grands projets présidentiels avant lui ? Ce n’est pas faire preuve de mauvais esprit que de se poser cette question. Pourquoi ? Parce qu’avec sa marotte du « en même temps », Macron nous a habitué à envoyer des messages contradictoires.

L’autorité est allergique au « en même temps »

Or, la pratique du « en même temps » cher à notre président n’est pas seulement impropre à dicter une ligne politique ferme et résolue, elle est surtout contre-indiquée dans le domaine du régalien. En effet, celui-ci s’accommode mal des tergiversations et de l’ambiguïté du « en même temps ». L’autorité, l’ordre, le respect des lois et de ceux qui sont chargés de les faire respecter, ne sont pas compatibles avec l’oscillation pendulaire du « ni droite ni gauche » ou du « droite et gauche ». Par exemple, un maître des écoles ne peut pas être « en même temps » un maître enseignant et un gentil organisateur, tout droit sorti du Club Med, chargé d’animer une classe comme un « lieu de vie ». Il faut trancher. C’est soit l’un, soit l’autre. De même, le savoir de base que l’École dispense aux enfants ne peut pas être l’apprentissage des classiques de la littérature française et des grandes dates de notre histoire, et « en même temps » la sensibilisation à toutes les formes de sexualité. Là aussi, il faut choisir le domaine où faire porter son effort. En un mot, l’autorité, c’est aussi apprendre aux élèves à choisir, ce qui implique que les adultes et les enseignants montrent l’exemple de leur côté en restant fermes sur les objectifs qu’ils estiment prioritaires et en leur sacrifiant au besoin l’accessoire.

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Car l’autorité consiste à faire grandir ceux sur lesquels on l’exerce. Elle n’est pas l’autoritarisme. L’autorité, base du régalien, ce n’est ni la négociation entre égaux ni le diktat unilatéral. Aussi les détenteurs de l’autorité doivent-ils donner l’exemple de la clarté, et donc se garder du « en même temps », de telle sorte que l’obéissance qu’ils demandent soit à l’abri du soupçon d’arbitraire.

Un effet de balancier insupportable

Voilà pourquoi, jusqu’à présent, le logiciel du macronisme n’a pas été propice à la consolidation du régalien. En fait, les Français ignorent sur quel pied danser avec leur président. Tantôt son ascendance de gauche reprend le dessus et on apprend que l’Éducation nationale est confiée à Pap Ndiaye, tantôt les défis sécuritaires se rappellent à son bon souvenir et le voilà qui soutient Gérald Darmanin ! Cette politique de gribouille doit cesser. Certes, ne disposant pas de majorité au parlement et la droite lui refusant son soutien, Emmanuel Macron est obligé de tenir compte de l’aile gauche de sa majorité relative en lui donnant des os à ronger… Mais, dans ce cas-là, la moindre des honnêtetés consisterait, sinon à avouer son impuissance, du moins à éviter les postures martiales sans lendemain quand la demande de sécurité et d’autorité est plus forte que jamais chez les Français.

L’école, théâtre d’expérimentation des oscillations du macronisme

Pour en rester à l’exemple de l’École, Macron est le reflet sur le plan politique des injonctions contradictoires auxquelles sont soumis les enseignants de nos jours. D’un côté, ils ne peuvent pas renoncer à hisser les élèves jusqu’à l’excellence avec toutes les exigences que ce projet entraîne. Ce serait renoncer à la noblesse de leur métier. Mais, d’un autre côté, il leur est demandé de ne pas « stigmatiser » les enfants, de ne pas les « dévaloriser » par de mauvaises notes. Dans ces conditions, comment hisser l’élève à un niveau supérieur si le professeur est empêché de le noter en vérité, de lui signifier ses insuffisances dans tel ou tel domaine ? Là aussi, il faut choisir. Dans ce domaine, le « en même temps » n’est pas seulement inepte et moralement injuste, il s’avère surtout contre-productif pour atteindre le noble objectif de faire des enfants les hommes cultivés de demain, capables de parler correctement le français, d’aimer le beau, de discerner le bien du mal tout en déjouant les pièges des paroles manipulatrices par la maîtrise de la langue.

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Macron arrivera-t-il à s’extirper de la nasse dans laquelle il s’est enferré lui-même en dynamitant la partition droite-gauche de notre vie politique ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il ne parviendra à réinvestir le régalien qu’en musclant la jambe droite du macronisme. Hors de là, ses déclarations d’intention ne seront qu’un coup de com’ de plus. Or, les Français sont de moins en moins dupes de ses ficelles et leur patience vis-à-vis des effets d’annonce sans lendemain commence à s’émousser.




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est l'auteur de « 48 objections à la foi chrétienne et 48 réponses qui les réfutent » aux Editions Salvator.

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