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The Velvet Underground, velours d’adolescence 

Les tubes de l'été (4)


The Velvet Underground, velours d’adolescence 
John Cale et Lou Reed, The Velvet Underground, en concert au Forum, à Londres, 1993. © HERBIE KNOTT

Les chansons de Sophie, série d’été


Il existe, dans la vie, nombre de synchronicités. Ou disons que j’ai tendance à en voir partout. En effet, à l’heure où j’écris ces lignes, vient de mourir Ari Boulogne, le fils supposé d’Alain Delon et de la chanteuse/muse/prêtresse du groupe culte The Velvet Underground. Ari, renié par celui qu’il disait être son père, s’est consumé au lance-flammes, pour finir semi-clochard à 60 ans. On l’aperçoit, sur une vidéo du Velvet en répétition, entre Lou Reed et sa mère. Il a trois ou quatre ans, et nous devinons déjà sa détresse. Synchronicité, disais-je, car je m’apprêtais à entamer le quatrième volet de cette série avec ma découverte du rock’n’roll. Et la révélation que fut pour moi le Velvet Underground. Nous sommes au mitan des années 80. J’ai 15 ou 16 ans, et comme tous ceux de ma génération j’écoute du post-punk ou de la new-wave. Et je lis religieusement Best et Rock & Folk. Je suis en vacances chez mes grands-parents, nous sommes en été, et je m’ennuie ferme. C’est Étienne Daho, par l’entremise du magazine Best, justement, qui sauva mes vacances (peut-être même ma vie). Dans une interview fleuve, il explique son amour pour le Velvet, ce groupe qui inventa la pop torturée, qui la magnifia, avec un mélange de sauvagerie et d’érudition. Les mots d’Étienne étaient limpides. Ce groupe était fait pour moi.

J’ai persuadé ma mère de me conduire à la petite ville la plus proche – celle où naquit Charles Trenet – afin de faire l’emplette du Graal : le mythique album à la banane. Chance inespérée : il en restait un exemplaire chez le seul disquaire de la ville. Dès la première écoute, je n’ai rien compris et tout compris. Une épiphanie. Je me suis dit que si un jour je faisais de la musique, cela y ressemblerait : des sons à la fois distordus et enfantins, hypnotiques et mélodiques.

Le Velvet : genèse des groupes pop

Le Velvet Underground est l’alchimie parfaite entre des génies que le destin, à travers l’époque bouillonnante de la Factory à New-York, ce lieu expérimental, a mis sur le même chemin : Andy Warhol, cette sorte de magicien brasseur de vent, aux intuitions implacables, Lou Reed, chaînon manquant entre Bowie et Vince Taylor, John Cale, le Gallois, violoniste virtuose, Maureen Tucker, avec sa façon unique de jouer de la batterie, précise et décalée, et bien sûr Nico, voix spectrale et beauté trop parfaite pour être réelle. J’en oublie Sterling Morrison, le guitariste, (pour une fois) presque trop discret. C’est cela le Velvet : une rencontre entre des personnages d’un autre monde, qui donna naissance au groupe qui fut la genèse de tous les groupes pop des années 80 et au-delà.

Il serait fastidieux d’énumérer, d’analyser, toutes les chansons de cet album mythique. Surtout que je ne suis pas critique rock. Juste une groupie qui écrit, pour rendre hommage aux artistes qui m’ont aidée à vivre.

Dans cet album, sobrement intitulé The Velvet Underground and Nico, dit l’album à la banane (idée bien sûr warholienne que de représenter sur la célèbre pochette, une banane sur fond blanc, ce qui donna lieu à tous les fantasmes et toutes les suppositions), se télescopent une Femme Fatale, chantée par Nico la vénéneuse « Here she comes / you better watch your step / she’s going to break your heart in two / it’s true » (1), un hommage à Sacher Masoch : Venus in furs, une douce balade intrigante : Sunday Morning, et bien sûr, l’omniprésence de la drogue : Waiting for my man (nul doute que l’homme attendu n’est autre que le dealer). Et un des sommets de l’album : une lancinante complainte à la gloire de la plus maléfique des drogues, l’héroïne : « it’s my wife and it’s my life » chante Lou Reed, au son du violon magnifiquement torturé et volontairement dissonant de John Cale, son frère ennemi. Paradoxalement, Heroin est pour moi un chant quasi religieux, la religion et la drogue obéissent à des rituels comparables, à la même dévotion de la part de leurs adeptes. D’ailleurs, nombre de drogués repentis ont trouvé refuge dans la spiritualité.

Je ne saurai dire qu’elle est ma préférée. J’ai toujours été transportée par l’ensemble de l’album, par son obscurité et sa lumière. Cette œuvre possède une grâce faite de chaos et de rédemption. Bien plus tard, j’ai fait la connaissance de Jonathan Richman, le pendant solaire de Lou Reed. Il doit tout au Velvet, mais sa musique n’est pas une pâle copie de l’univers de ses héros. Le sien est doux amer, ironique, tendre et désabusé. Je laisse donc à Richman les mots de la fin, qu’il nous livre à travers sa chanson hommage : Velvet Underground : « They were wild like the USA/ A mystery band in the New-York way/ Rock’n’roll, but not like the rest. » (2)


1 « La voilà, fais attention où tu mets les pieds, elle va briser ton cœur en deux »

2 « Ils étaient sauvages comme les USA, un groupe mystérieux à la façon de New-York, Rock’n’roll, mais différents »




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est enseignante.

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