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Zoé Valdés contre le Monde

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La romancière, poétesse et scénariste cubaine, Zoé Valdés, vit en exil entre la France et l’Espagne. Aux dernières élections espagnoles, elle s’est présentée comme candidate au Sénat pour le parti VOX. Afin de dissiper tous les malentendus concernant ce parti réputé d’extrême-droite, elle a accepté de donner une interview au Monde. Sans savoir que le journal de référence allait déformer ses propos pour la décrédibiliser. Tribune.


Le samedi 22 juillet, à la veille des élections législatives en Espagne, où je me présentais comme candidate au Sénat pour le parti conservateur VOX, Le Monde a publié une interview avec moi que je qualifierais d’infâme. Quelques jours auparavant, la journaliste m’avait contactée pour savoir si je serais d’accord pour lui parler. Ayant lu les mensonges que la presse officielle raconte sur ce parti et sur moi-même, j’ai annoncé que j’enregistrerais l’interview. Les questions ont porté sur des sujets connus, comme le prétendu machisme (un mensonge) de ce parti qualifié par beaucoup d’extrême droite. On sait qu’actuellement toute personne qui ne pense pas comme la gauche est non seulement classée « extrême droite » mais aussi annulée et effacée. Venant d’où je viens, de Cuba, où il n’y a qu’un seul parti, répressif, le Parti communiste de Cuba, je me suis toujours sentie libre ici en Europe. Au début, et dès que j’ai pu, j’ai voté en France pour le centre droit, et pour la gauche uniquement lorsque j’appartenais au Comité de soutien à Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Je ne l’ai pas refait. Je suis une personne libre et en aucun cas une idiote. Je n’avais jamais été membre d’aucun parti, ni à Cuba, ni en Espagne, ni en France; mais la « Lettre de Madrid » publiée par VOX, dont j’étais l’une des premières signataires, au nom de la défense de la liberté et des droits contre le communisme et contre le Forum de Sao Paulo, et au nom de la défense de la langue espagnole, m’a amenée à connaître le premier « Manifeste » du parti, datant de 2014, dans lequel je me suis retrouvée. En plus des attaques haineuses des médias de gauche traditionnels, inondés de millions d’euros par le gouvernement de Pedro Sánchez, le pire président que l’Espagne ait jamais connu, ce qui m’a attirée vers VOX avec curiosité et intérêt, c’est que c’est le seul parti (et Dieu sait combien de partis j’ai fréquentés, tant en Espagne qu’en France) qui a compris l’urgence de mettre fin au castrisme à Cuba, après plus de 64 ans de tyrannie. Moi, je reste avant tout cubaine. Je n’avais adhéré à aucun parti, je le souligne, jusqu’à la publication de l’interview dans Le Monde avec Sandrine Morel : on peut être candidat au Sénat en Espagne sans être membre du parti qui vous propose. Après l’interview, j’ai adhéré sans aucune hésitation.

Droit de réponse

Je n’avais jamais eu de soucis avec Le Monde, qui avait publié le 5 avril 1995 un article signé par Erik Orsenna, consacré à mon roman Le Néant Quotidien (Actes-Sud). Mais apparemment un récent entretien dans El País aurait dérangé quelqu’un dans la hiérarchie de ce journal étroitement lié au Monde. Par conséquent, mes propos dans l’interview que j’ai donnée au Monde, bien qu’enregistrés par moi, ont été grossièrement instrumentalisés par la journaliste, Sandrine Morel. Cette dernière a essayé de me montrer comme une imbécile manipulée par un parti qui, à ses yeux, est diabolique. Ce même parti qui a été fondé par José Manuel Ortega Lara, victime de l’organisation terroriste ETA (qui l’a enlevé et séquestré pendant 532 jours), par Santiago Abascal, et par d’autres anciens membres du Parti populaire, le parti de la droite traditionnelle. Des assassins de l’ETA, ayant rallié le parti basque Bildu, gouvernent avec les communistes de Podemos dans le gouvernement de Pedro Sánchez. VOX n’a ​​assassiné personne et pour moi ne représente pas un parti d’extrême droite. En revanche, Bildu et le Parti nationaliste basque (PNV), dont Sánchez dépend maintenant pour gouverner, sont bien des partis d’extrême droite et de l’ultra-gauche. Dans l’interview avec Sandrine Morel, j’ai répondu en exerçant mon droit de réponse protégé par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 en France. La journaliste n’a pas répondu à mes appels. Le directeur du Monde International, Jean-Philippe Rémy, après de nombreux jours d’attente, a finalement répondu qu’ils ne respecteraient pas mon droit de réponse. Je continue à insister par l’intermédiaire d’un avocat.

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C’est en 2017 que j’ai découvert VOX, après avoir rencontré Rocío Monasterio, d’origine cubaine, architecte de profession, et anticastriste, car sa famille s’était exilée. VOX est un parti constitutionnel qui, avec le temps, est devenu la troisième force électorale en Espagne. Un parti d’« extrême nécessité » face à la mollesse politique du Parti populaire de Mariano Rajoy. Dans l’interview de Sandrine Morel, journaliste proche de Guillermo Altares, directeur de la rubrique Culture d’El País, elle se moque de moi et qualifie de façon tendancieuse les victimes des dictatures et tyrannies hispano-américaines de gauche et communiste, comme la cubaine. Selon elle, nous autres victimes, serions tout simplement manipulées par VOX qui tente de nous inoculer je ne sais quel venin. Cette interview donc vise à me discréditer politiquement et en tant qu’écrivaine. C’est un lynchage médiatique semblable à ceux pratiqués par les régimes communistes à l’encontre des éditeurs et des maisons d’édition. Pour arriver à ses fins, Morel cite la minute de silence pour une femme assassinée pendant laquelle deux membres masculins de VOX auraient ri. Or, c’est parfaitement faux, car, au moment de la prise de la photo, non seulement la minute de silence n’avait pas encore eu lieu, mais d’autres femmes présentes appartenant à un autre parti souriaient aussi. En revanche, pas une seule mention de cette autre photo où la communiste Ada Colau, la maire qui a détruit Barcelone, une ville qui à une époque rivalisait avec Paris, rit pendant la minute de silence pour les victimes du terrorisme de l’ETA, aux côtés des rois d’Espagne.

Morel affirme qu’elle me sent « mal à l’aise », mais à aucun moment je me suis sentie mal à l’aise. Elle soutient que je tente de me justifier « tant bien que mal ». C’est plutôt elle qui me connaît mal et ne semble avoir lu mes textes, car je ne justifie jamais ce que j’ai pensé en profondeur. Elle, qui ne sait rien de moi, écrit qu’elle me sait très conservatrice. Elle semble ignorer, par exemple, que j’ai appartenu au Comité de Soutien de la socialiste Anne Hidalgo, que je ne soutiendrai plus jamais depuis qu’elle a déroulé le tapis rouge pour le tyran Castro II à la mairie de Paris. Elle ne mentionne pas non plus que je n’avais pas soutenu Donald Trump, que je trouvais mauvais, jusqu’à ce que les préjugés de la presse à son égard me convainquent qu’en fait Trump est un bon patriote.

Castrisme européen

Elle ajoute que je ne suis pas une adhérente de VOX, et c’est vrai (voir ci-dessus), et que je passe seulement une partie de ma vie en Espagne. Mais que sait-elle de mes déplacements ? J’ai sûrement passé plus de temps en Espagne, étant espagnole, que le socialiste espagnol Jorge Semprún quand, vivant aussi en France, il fut nommé ministre de la Culture par le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE). Il y a aussi la controverse sur la photographie qui montre Yolanda Díaz, la deuxième vice-présidente du gouvernement espagnol et membre du Parti communiste, à côté d’une affiche de Che Guevara. Cette photo n’a pas été pas prise dans sa jeunesse, mais quand elle exerçait déjà une charge politique importante. D’ailleurs, elle a apporté son soutien inconditionnel au dictateur vénézuélien, Hugo Chávez, et elle a été soutenu à son tour par Jean-Luc Mélenchon, qui a fait l’éloge du régime cubain.

Afin de me décrédibiliser, Morel soulève la question de Pedro Sánchez qui a parfois chanté L’Internationale en levant le poing, sans mentionner ce qu’ont prouvé les récentes élections municipales et des communautés autonomes en Espagne, aussi bien que plusieurs livres publiés par des politiques de centre gauche, comme celui de Rosa Díez, leader fondatrice du parti Union Progrès et Démocratie (UPyD), intitulé Caudillo Sánchez. Sánchez est détesté par les Espagnols à tel point que la chanson de l’été proclame : « ¡Que te vote Txapote! » (« Que Txapote vote pour toi ! »), Txapote étant le terroriste de l’ETA qui assassina d’une balle dans la nuque le jeune du Parti Populaire, Miguel Ángel Blanco. C’est une référence évidente au fait que Sánchez gouverne avec des terroristes. L’Espagne ayant la présidence du Conseil européen, Sánchez a invité plusieurs narco-dictateurs au sommet entre l’UE et la Communauté d’États latino-américains et caraïbes (CELAC), notamment la criminelle Delcy Rodríguez, ministre vénézuélienne dont la présence est interdite en Europe et qui a violé l’espace européen en transportant des valises suspectes en Espagne en 2020.

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Morel mentionne un clip publicitaire de VOX, « Les Latinos », le parti voulant attirer les « Latinos » en faisant appel à leur sens de « la liberté ». Les guillemets ici sont de Morel, comme si dans le cas des Latinos on devait mettre « la liberté » entre guillemets. Le terme latino correspond à une définition promue par les Démocrates nord-américains à laquelle je ne m’identifie pas : je suis Ibéro-cubaine et franco-caribéenne, je ne suis pas latina.

Sandrine Morel soulève le cas d’une œuvre de Virginia Woolf, Orlando, prétendument censurée par une municipalité VOX. Elle ne mentionne pas le fait que le gouvernement sanchiste, non content d’arroser la presse d’aides et de subventionner des films qui faussent l’histoire de l’Espagne, censure des artistes indépendants comme Carlos Hernando, qui a tourné un film critique à l’égard du Premier ministre, El Autócrata. En revanche, il est vrai que je ne me définis pas comme féministe, car ce sont mon œuvre et mes idées qui me définissent comme telle. Je ne vais pas partout chanter que je suis féministe. Les véritables féministes agissent sans se vanter. J’agis uniquement au nom de mes principes. Je ne suis pas du tout motivée par la haine que je laisse à une gauche vieillie, obsolète et donneuse de leçons de morale.

Si j’avais été face à Maître Jacques Isorni…

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Un peu de « justice-fiction », pour s’imaginer en face d’un brillant avocat : Maître Jacques Isorni. Le billet de Philippe Bilger.


Comme magistrat, il m’était arrivé de croiser Maître Jacques Isorni et même de requérir dans un procès où il était prévenu, avec trois autres personnalités, pour apologie de crime concernant une tribune qui vantait l’action du maréchal Pétain.

Je connaissais évidemment son implication de défenseur dans plusieurs « procès historiques », que ce soit par exemple celui du susnommé ou celui de Robert Brasillach condamné à mort et fusillé. Puis-je, pour ce dernier, me permettre de renvoyer à mon livre 20 minutes pour la mort ?

Ce qui a suscité mon envie d’écrire ce billet de « justice-fiction » est la mine que constitue le Isorni – Les procès historiques de Gilles Antonowicz devenu au fil des années le spécialiste aussi bien de Jacques Isorni que de Maurice Garçon sur lequel il ne cesse de projeter une lumière passionnante sur tous les aspects d’un talent multiple.

Une citation de Jacques Vergès en particulier, m’a intéressé parce qu’elle se rapportait au rôle de l’avocat et de l’avocat général à la cour d’assises et que, selon Gilles Antonowicz , elle expliquait bien « la patte » et la démarche de Jacques Isorni.

« Défendre, c’est présenter avec les mêmes faits qui servent de support à l’accusation, une autre histoire tout aussi fausse et tout aussi vraie que la première… Et sur le plan esthétique au moins, les chances sont du côté de la défense. Chargé de défendre, puisqu’il parle au nom de la société, les idées et les valeurs de la majorité, le procureur est condamné à faire du roman de gare. Tandis que l’avocat de la défense, contraint à chaque coup de rechercher d’autres règles, atteint parfois au chef-d’œuvre ».

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Je pourrais voir dans cette supériorité prêtée à l’avocat une sorte d’inévitable corporatisme, le réflexe naturel d’un représentant éminent – quoique discuté – de cette profession. En même temps il me serait facile de montrer comment Jacques Vergès a choisi parfois les causes les plus difficiles non parce qu’elles seraient les plus belles mais en raison du fait que, qualifiées de désespérées, elles permettaient à l’avocat de ne jamais être jugé. Combien de fois n’a-t-il pas annoncé des révélations et des coups d’éclat qui n’ont jamais eu lieu… Il a souvent été meilleur hors des procès que durant leur cours ! Omar Raddad ne serait pas le plus mauvais exemple de cette carence…

Jacques Isorni, incomparable sur le plan de la verve, de la fougue et du courage intellectuel et judiciaire, n’a cependant rien à voir avec ce qui est soutenu par son confrère Vergès. Certes il a aussi plaidé dans de terribles affaires où le décret de condamnation était pris avant l’heure. Pour Robert Brasillach notamment, sa défense, aussi exaltée et convaincue qu’elle ait été, était vouée à demeurer un brillant exercice sans la moindre espérance de succès. Le sort n’aurait en rien été modifié même si Jacques Isorni, résidant sur le même palier que l’avocat général Reboul, n’avait pas été d’une certaine manière limité, entravé par cette proximité et cette familiarité.

C’est surtout la vision de l’avocat général, telle que décrite par Jacques Vergès, qui me semble totalement fausse, caricaturale. Non seulement par rapport à la conception que j’en avais et à ma pratique qui tentait le moins médiocrement possible de correspondre à mon idéal mais aussi, j’en suis sûr, si on considère aujourd’hui la manière dont la plupart des accusateurs publics exercent leur fonction.

Prétendre que l’avocat général aux assises en serait réduit à faire « du roman de gare » est une absurdité alors que précisément il est le seul protagoniste, au cours des audiences, qui dispose de l’immense liberté de pouvoir récuser la fiction. Avocat de tous les citoyens, il n’a d’autre maître que lui-même et ses propos, son discours, ses réquisitions ont la chance de ne pouvoir être dictés que par sa perception exclusive et évidemment évolutive des débats. L’accusateur qui se laisserait aller aux stéréotypes serait impardonnable. Il se priverait de la fabuleuse opportunité de l’oralité et de l’incomparable apport, par rapport au dossier de papier, de l’effervescence et du désordre stimulant des mille joutes, questionnements et réponses, de quelque côté qu’ils viennent, qui irrigueront la justice criminelle.

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Ni roman et encore moins de gare alors que l’accusateur n’est tenu par rien d’autre que par le devoir passionnant de se plonger au coeur de la fournaise de ces journées dont il devra bien se garder de définir l’issue avant l’heure, ce qui serait le moyen le plus sûr et le plus calamiteux pour manquer l’objectif de la vérité : condamnation, acquittement de l’innocent ou acquittement motivé par le doute. Il n’a pas de roman à proposer puisque la réalité dont il a la charge sera infiniment plus bouleversante, dans tous les cas, que la fiction même la plus achevée.

L’avocat général est la personne la plus libre dans le procès criminel s’il parvient en plus à ne jamais tomber dans cet écueil de trop concéder au personnage et trop peu au professionnel, trop au narcissisme et trop peu à l’authenticité. Quel que soit le talent de l’avocat, qui aura évidemment une incidence sur l’arrêt futur, il accomplit une belle mission. Mais il est ligoté par le mandat ou la subtile injonction qui émane de l’accusé. Au mieux, sa liberté sera surveillée. Pour l’avocat de la partie civile, l’assujettissement sera encore pire : rien de plus totalitaire que l’emprise d’une famille tragiquement meurtrie.

Alors, si revenant en arrière, aux assises, je m’étais retrouvé face à Maître Isorni, au moment capital de la confrontation de nos verbes, je n’aurais pas inventé le mien mais j’aurais admiré le sien.

Et nous aurions attendu ensemble le verdict.

Combat contre l’endométriose : redonnons un sens au mot féminisme !

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Un certain courant du féminisme, très en vue dans les milieux politique et médiatique, reste obsédé par des questions inspirées par la théorie du genre et néglige les vraies difficultés auxquelles les femmes doivent faire face, comme le fléau de l’endométriose, une maladie très douloureuse et mal comprise qui touche un grand nombre de femmes. Tribune libre de Marie Dauchy, eurodéputée du Rassemblement national depuis 2022.


Le féminisme n’est plus. Il s’est depuis longtemps perdu. Ce noble et grand combat pour la justice, l’égalité et la dignité a été préempté et dénaturé par des idéologues qui s’intéressent moins à l’amélioration des conditions de vie des femmes qu’à une recherche d’indifférenciation généralisée de tout : entre invention de l’homme enceint, négation de l’instinct maternel, développement de l’écriture inclusive ou encore assimilation des personnes transgenres au sexe de leur choix.

Ce nouveau féminisme – désormais majoritaire – puise ses théories dans les études de genre anglo-saxonnes, elles-mêmes inspirées par la philosophie française de la déconstruction qui, entre les années 1960 et 1970, sous la plume de penseurs comme Jacques Derrida, Gilles Deleuze ou Michel Foucault, posait que tout n’est que pure construction sociale. Partant de ce principe, aucune règle n’existe ; rien n’est intangible, pas même le sexe, et il conviendrait d’anéantir toute distinction entre hommes et femmes sur le fondement de la simple volonté individuelle.

Et c’est très certainement là que se situe le cœur du problème permettant de comprendre les véritables tenants et aboutissants du néo-féminisme : la question de la volonté individuelle ; celle du choix. Dans une société où l’individualisme et le matérialisme atteignent un paroxysme dans la mise en avant de la satisfaction des désirs personnels, le féminisme s’est changé en caprice d’une élite de petits-bourgeois « progressistes » qui ne se satisfont plus de ce que la nature leur a donné et qu’ils perçoivent comme une contrainte. Il s’agit donc pour eux de déconstruire cet ordre naturel par tous les moyens.

L’exemple le plus criant de cette volonté de destruction est évidemment celui de la famille : aux rôles spécifiques de la mère et du père, devraient se substituer ceux des « parent 1 » et « parent 2 » dans l’indifférenciation la plus totale ; tout ceci étant évidemment rendu possible par la procréation médicalement assistée, qui, c’est écrit, ouvrira la voie à la gestation pour autrui.

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Au-delà de toutes autres considérations par ailleurs fondamentales telles que le bien-être des enfants et leur construction psychique, le problème de cette vision des choses, c’est qu’à vouloir tout indifférencier, on est très vite rattrapé par la réalité biologique qui pose des différences insurmontables entre hommes et femmes sur lesquelles la science est unanime : les différences physiques, à l’évidence, comme les différences psychologiques et de comportements sociaux. Nier ces différences entre le masculin et le féminin – ou prétendre vouloir s’en défaire – entraine deux problèmes majeurs : de manière générale, cela revient à remettre en cause notre humanité qui est intrinsèquement polarisée entre des principes masculins et féminins, mais de manière plus spécifique, cela revient à porter une atteinte grave aux femmes qui ont des besoins qui leur sont propres. Et c’est là que mon combat pour la santé des femmes prend tout son sens.

J’ai l’honneur, depuis maintenant à peu près un an, d’être élue député français au Parlement européen. Dès les premiers mois de mon mandat, j’ai souhaité orienter mon action politique en faveur de la santé des femmes, dans le prolongement de l’engagement qui était le mien en tant qu’élue locale sur mon territoire de Savoie. Cette question est infiniment complexe et tient tout autant à la qualité de nos modes de vie, qu’à la formation des médecins et à la recherche scientifique. Mais elle ne peut être véritablement traitée qu’en partant d’un principe à première vue simple mais sur lequel les néo-féministes tentent pourtant de revenir : une femme est une femme.

Depuis plusieurs années maintenant, je suis donc engagée dans un combat qui me tient particulièrement à cœur et qui condense à lui seul toutes les problématiques relatives à la santé des femmes : le combat contre l’endométriose. Cette maladie chronique fortement handicapante, qui intervient au moment des règles, touche entre 10% et 20% des femmes en âge de procréer (soit environ 14 millions de femmes en Europe). Pour l’heure, le diagnostic et la formation du personnel médical restent encore très lacunaires et aucun traitement curatif n’existe.

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Les femmes atteintes d’endométriose, à supposer qu’elles puissent être diagnostiquées, sont donc plongées dans un état d’assujettissement total à des traitements qui ne font au mieux que dissiper un tant soit peu la douleur, sans perspective de guérison et qui peut engendrer des complications comme la stérilité, voire la dépendance médicamenteuse. Il s’agit donc d’un véritable calvaire, que ce soit en termes de souffrances physiques, mais également pour ce qui est de la vie professionnelle, affective et familiale. Près de 85% des femmes atteintes par la maladie affirment même avoir déjà eu des idées suicidaires.

En avril, j’ai donc déposé au Parlement européen une proposition de Résolution visant à coordonner les efforts de recherche sur cette maladie entre les États membres de l’Union européenne, pour tirer parti des meilleures pratiques actuellement existantes en Europe, en partant du principe que certains pays sont bien en avance sur d’autres. Au-delà de l’aspect médical et sanitaire, mon combat de parlementaire est aussi un combat féministe ; mais féministe au sens premier du terme, c’est-à-dire celui qui vise à l’amélioration objective des conditions de vie des femmes, loin de celui qui les enferme dans une lutte aveugle contre tout ce qui les distingue de l’homme et qui n’aboutit au final qu’à une guerre des sexes.

C’est donc aujourd’hui deux visions du féminisme qui s’affrontent et je m’en suis bien rendu compte en tentant de porter le combat contre l’endométriose au Parlement européen : alors que ma proposition avait pour ambition de rassembler, la Commission de l’Environnement du Parlement européen en charge du texte a décidé de ne même pas soumettre le texte à l’étude. La gauche et les macronistes ont prétexté qu’il n’y avait pas de sens à étudier un texte sur une maladie précise, niant de fait le caractère de fléau de santé publique de l’endométriose. Les mêmes qui, sans hésitation, s’empressaient de voter au même moment en faveur d’une Résolution inutile dénonçant les politiques anti-LGBT en Ouganda…

Lutter pour la santé des femmes et, au final, leur indépendance en prenant en compte les réalités qui leur sont propres : voilà ma conception du féminisme ! Le reste n’est qu’un combat purement idéologique porté par une élite de petits bourgeois privilégiés qui souhaitent faire fi de ce que nous sommes intrinsèquement.

La semaine dernière, je me suis amusée à voir passer sur mon fil d’actualités Twitter une réaction de Sandrine Rousseau qui critiquait le concours Miss France en réaction à la mort de Geneviève de Fontenay. Elle dénonçait – portant cette critique en étendard de sa conception du féminisme – la standardisation des corps, le formatage, les normes et les notes, pour au final glorifier ce qui, selon elle, devrait davantage être mis en avant : les concours de Miss transgenre.

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Sans entrer dans le débat sur le concours Miss France en lui-même – de ce qu’il peut représenter en matière de célébration du beau, de l’élégance ou même de la haute couture à la française – cette réaction ne m’inspire qu’une seule réflexion : nos visions du féminisme sont opposées. Plus encore, elles sont fondamentalement antagonistes. Je laisse volontiers à Sandrine Rousseau le combat pour la dénaturation de la femme, car mon combat est tout autre. Mon combat, c’est de faire en sorte que les femmes vivent en bonne santé, de manière épanouie et qu’elles trouvent toute leur place dans la société en tant que femmes, fières d’être femmes.

J’espère que mon implication en faveur de la santé des femmes saura inspirer d’autres initiatives pour que le féminisme retrouve ses lettres de noblesse. Il est grand temps que les véritables féministes se ré-emparent de cette lutte qui est la seule qui puisse aboutir à une réelle égalité entre les sexes. En un mot, il est temps de redonner un sens au féminisme !

L’enfant des ports

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Olivier Frébourg est un ces auteurs qui savent faire rêver. Un homme à la mer en est la démonstration parfaite.


Promenade dans un village de l’île d’Oléron. Je tombe sur le livre d’Olivier Frébourg, Un homme à la mer (2004). Après une carte postale sur Louis Brauquier, ça se tient. Olivier Frébourg est né en 1965 à Dieppe. J’ai passé une partie de mon adolescence dans ce port où les trains s’engouffraient dans le ventre des ferrys direction Southampton. En 1989, il a publié son premier livre, Roger Nimier. Trafiquant d’insolence, aux Éditions du Rocher. C’était un essai inspiré sur le plus turbulent des hussards, le fils spirituel de Paul Morand. Peu de temps après, je publiais ma bio de Philippe Sollers chez le même éditeur. C’était une maison audacieuse, dirigée par Jean-Paul Bertrand, un homme qui faisait des coups éditoriaux et donnait sa chance aux écrivains en herbe. Un homme à la mer est à la fois une autobiographie et une déclaration d’amour à la mer. Quoi de plus naturel, me direz-vous, pour un fils de capitaine au long-cours.

Les marins ont souvent horreur des océans qui sont capables de détruire leur existence en une poignée de minutes. Olivier Frébourg n’est pas marin – il est le fondateur des Éditions des Équateurs – mais il affectionne les ambiances maritimes. Il faut dire qu’elles ont beaucoup influencé les écrivains, à commencer par le plus brillant d’entre eux : Georges Simenon. Le livre de Frébourg se lit d’une traite, comme on avale un verre de rhum, le soir, quand la brume descend sur la jetée et que le phare du coin jette un éclairage intermittent sur le naufrage de nos amours. Frébourg écrit : « L’une des situations idéales de la littérature est une conversation de bar, la nuit, dans un port entre un homme et une femme ». C’est parfois un soliloque face à un miroir qui brille comme celui d’un bordel. Il faut également savoir appareiller, rappelle Frébourg, pour « fuir la mort qui rôde autour de nous ». On voyage beaucoup et loin dans son journal de bord. On rencontre des écrivains, qui sont plus que des écrivains, puisqu’ils nous accompagnent dans nos périples hasardeux. J’ai cité Morand, mais on croise aussi Bernard Frank – belle citation extraite des Rats – Jim Harrison, Pierre Schœndœrffer, André Breton, Louis Aragon et Nancy Cunard, Jean-Luc Coatalem, Antony Palou…

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Frébourg cite Hergé et quelques-uns de ses albums, notamment L’île noire. Il révèle que le père de Tintin n’a jamais mis les pieds en Écosse. Mais c’est ce qu’il faut faire : créer. L’artiste n’est pas là pour reproduire. Il y a une magnifique description de Lisbonne, la ville de Pessoa. La fille de l’Americano y est sans doute pour quelque chose. La fin du chapitre est poignante. Certaines phrases de Frébourg font mouche. Exemple, à propos des danseuses de tango : « Et quand je pense aux femmes tango, à leur souveraineté, je ne peux m’empêcher de les comparer à nos trentenaires mordantes qui veulent arracher un lambeau de pouvoir ». Ou encore : « Les ports sont des mondes verticaux, qui plongent au cœur de la vie. […] Mes voyages portuaires n’ont été qu’une débauche pour échapper au nouvel ordre mondial ». Et encore : « Je ne recherche pas un équilibre – notion physique à laquelle je n’ai jamais cru –, je veux simplement respirer une nature qu’on nous escamote ».

La mer, c’est retrouver l’origine du monde. Ça n’a pas de prix.

Olivier Frébourg, Un homme à la mer (Mercure de France, 2004).

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Les leçons de maintien de Julien Gracq

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L’exposition consacrée à Julien Gracq par la BnF est l’occasion, non seulement de redécouvrir un grand écrivain français, mais aussi de mesurer tout ce que nous avons perdu sur le plan culturel. Gracq, par ses réalisations littéraires, par sa dignité et sa discrétion (il a refusé le prix Goncourt), et même par son brillant parcours scolaire, incarnait une France qui n’existe plus.


« Julien Gracq, la forme d’une œuvre », c’est une exposition épatante consacrée actuellement à l’écrivain par la Bibliothèque nationale de France. L’ermite de Saint-Florent-le-Vieil (1910-2007), qui n’aimait pas « faire visiter les cuisines à l’invité », a légué un fonds de quinze mille feuillets à la BnF. On admire moult manuscrits, l’écriture appliquée du bon élève, professeur, normalien, agrégé, des photographies, préfaces, témoignages. Dernières volontés obligent, il faudra attendre 2027 pour connaitre les secrets de trente cahiers inédits de notules. « Les arbres aux profondes racines sont ceux qui montent haut » (Mistral).

La forme d’une œuvre

Il y a 70 ans, La Littérature à l’estomac, plus tard Lettrines et Préférences, dénonçaient la comédie des prix littéraires, les démons de la théorie, enrôlements, cuistreries de l’Université, la littérature engagée. « L’art tout comme l’économie, n’a jamais voulu se plier aux exigences des idéologues ». Julien Gracq n’a jamais admis pour son art que trois impératifs : la liberté, la qualité, l’intégrité. Sur le métier, Céline est plus trivial : « …C’est que j’travaille et que les autres ne foutent rien ».

Les leçons de maintien et labeur ont été oubliées. 321 nouveaux romans français pour la rentrée littéraire 2023. Des hectolitres de soupes claires, crieuses de vieux chapeaux, exhibitionnistes indignés, nuées de criquets pèlerins insoumis, légions de narcisses mythomanes, bavards, perclus, perdus dans la diversité, les réseaux sociaux et l’auto-friction : un océan de médiocrité, quelques écrivains, peut-être. « – Tout le monde ne peut pas être artiste – Tu as raison, cela ferait de l’encombrement » (Anouilh).

Les éblouissements, le style, l’imaginaire, la liberté, le sombre plaisir d’un cœur mélancolique, importent peu aux mauvais maîtres qui frappent la fausse monnaie de l’évolution des savoirs et du langage. Les vengeuses de races, ennemies de la belle phrase, font parler les orphelins, les esprits enfantins, le pipeau pour tous. Le style, l’imaginaire, la liberté, irradient Au Château d’Argol, Le Rivage des Syrtes, Un Beau ténébreux, Un Balcon en forêt, « imprécis d’histoire et de géographie à l’usage des civilisations rêveuses » (Blondin).

Les programmes scolaires qui se gargarisent « d’émancipation créatrice, célébration du monde »… ignorent Gracq. Pourquoi couper la jeunesse – ardente, pâle, nerveuse de la somptueuse prose poétique du dernier des classiques, de la chambre des cartes de l’Amirauté d’Orsenna, d’héroïnes mystérieuses, envoutantes, Heide, Vanessa, Mona ? Le mammouth vient de changer de cornac. Gabriel Rastignac Attal, novillo de la rue de Grenelle, muscadin noir de la République, a-t-il entendu parler de Gracq ? La France sans sa langue, sa littérature, son histoire, ce n’est plus la France, ce n’est plus grand-chose.

Transmission : le virage du cirque

Les hiérarques de rectorats, sociologues et linguistes atterrants débattent encore et toujours dans le ciel étoilé des actes de parole (locutoires, illocutoires, et perlocutoires), des idées désirables, désirantes. Ils mélangent, ovaires et contre tous, les agendas politiques, culturels, éducatifs, le RSE, recyclent des fumisteries abraxadabrantesques : « l’en commun », les accommodements raisonnables, l’agreg et l’élitisme pour tous. Cette glossolalie fausse est invariablement servie à la sauce citoyenne, participative, inclusive, progressiste… L’ombre est noire tombant des signes… « Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet » (Bossuet).

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Champion de « l’épaisseur du temps long », du prêchi-prêcha égalitaro-multiculturel, dans la position du démissionnaire, à l’insu de son plein gré, Pap N’Diaye récupère un fromage d’ambassadeur au Conseil de l’Europe. Après les rêveries d’un dormeur solidaire, Gabriel Athalie vient s’adorer – éternel – dans le temple de l’Education nationale et réparer des ânes l’irréparable outrage. Le jeune stakhanoviste est au taquet : « Le chantier est colossal… Je ne pleure pas pour mes vacances ». On s’aime à tous vents, à l’Alsacienne et au ministère.

L’éducation est une priorité du second quinquennat Macron. Sans remonter à Chaptal ou Cuvier, c’était déjà le cas pour Edgar Faure, René Haby, François Bayrou, Lionel Jospin, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Michel Blanquer, 25 ministres rue de Grenelle depuis 1968. Niveau et recrutements en chute libre, inégalités, harcèlement, agressions, laïcité en berne…. Abaya pas beaucoup de marges de manœuvre ! « Au siècle du mensonge, parfois, la vérité relève la tête et éclate de rire » (Revel).

Au fil des ans, des émancipations, des ateliers pédago-croc-vacances, du latin sans déclinaisons, Grand oral de l’École des fans, les décompositions françaises et dégringolades s’enchaînent. « Ce qui rend notre culture si difficile à communiquer au peuple [ou à la jeunesse],ce n’est pas qu’elle soit trop haute, c’est qu’elle est trop basse. On prend un singulier remède en l’abaissant encore davantage avant de la lui débiter par morceaux » (Simone Weil).

Pas de vagues, pas d’angoisse… L’Éducation nationale « porte l’ambition de bâtir une École de la réussite de tous les élèves, qui réduit les inégalités et prépare l’avenir de notre pays »… l’art de faire passer les anchois avariés pour des produits exotiques. C’est le premier budget de l’État, en croissance de 6,5 % en 2023, 60 milliards d’euros.

C’est surtout la 2 CV de Bourvil au début du Corniaud« Bah maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément »« Qu’est-ce qu’il y a ? »… Peu importe les Saroyan-de Funès d’IUFM, grands manitous d’INSPÉ, peu importe les programmes, les politiques. La vérité simple et scandaleuse, c’est que l’école, le lycée, l’université n’instruisent plus, ne transmettent plus. Einstein disait que la folie, c’est de faire encore et toujours la même chose et d’attendre des résultats différents. L’alignement des désastres, la barbarie à grande échelle, la crétinisation absolue, arrivent avec la digitalisation du monde, ChatGPT… Farghestan sournois… «Qui vive ?» (Farghestan est bien sûr le pays imaginaire inventé par Julien Gracq dans son grand roman, Le Rivage des Syrtes).

« L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien ; c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé » (Simone Weil, L’enracinement).

« Julien Gracq, la forme d’une œuvre », Bibliothèque nationale de France, site Tolbiac, jusqu’au 3 septembre.

Censurer au nom du bien

En traitant de « fachos » ceux qui ne pensent pas comme eux, les bien-pensants légitiment la marginalisation des intellos réfractaires au progressisme. Un totalitarisme idéologique que dénonce Éric Naulleau.


Causeur. Vos prises de position vous pénalisent-elles dans votre carrière ?

Éric Naulleau. Mon dernier livre consacré à Sandrine Rousseau est un bon exemple pour vous répondre. La Faute à Rousseau n’a pas obtenu un mot, une ligne, serait-ce pour le critiquer vertement, dans un média de gauche ; aucune invitation sur une chaîne publique, hormis Léa Salamé – dans une émission où j’étais invité pour commenter l’actualité. Il y a une omerta contre les gens de gauche antiwokistes, cela vous vaut marginalisation, ostracisme et la mort sans phrase. Il est ainsi hors de question que j’anime ou que je participe comme chroniqueur à une émission sur le service public, j’ai même perdu mes deux émissions sur Paris Première. Il y a une répartition des intellectuels : si vous êtes dans le bon camp, celui des wokistes, tout va bien pour vous, si vous ne l’êtes pas, c’est le bannissement. Heureusement qu’il n’y a pas de goulag !

Peut-on parler d’un « nouvel esprit français » ?

C’est nouveau et pas nouveau. C’est du sectarisme et du totalitarisme idéologique, mais la gauche en a été coutumière par le passé. Il fut un temps où il était très mal vu d’être un intello anticommuniste. Remplacez anticommuniste par antiwokiste et vous avez aujourd’hui à peu près la même situation.

De nos jours, il existe cependant de nombreux médias où des voix « dissidentes » peuvent s’exprimer.

Certes. Mais ma conception du débat c’est qu’il doit être porté dans tous les médias. Or, M. Mélenchon, par exemple, pose comme seule condition à sa participation à certaines émissions que je sois absent du plateau. Je n’ai jamais subi cela de la part d’une personnalité de droite. Il y a une censure qui ne dit pas son nom.

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Cette censure peut-elle aller plus loin encore ?

Oui, car ceux que j’appelle les antiwokistes sont désignés par les wokistes comme des « fachos ». Et on ne peut donner la parole à un fasciste.

Ça peut donc aller plus loin avec une interdiction quasi officielle : la liberté d’expression a une limite, le fascisme, or un antiwokiste est un fasciste.

Cette simplification extrême des idées et du débat révèle la baisse du niveau général. Il est plus pratique et confortable de n’avoir que des gentils et des méchants.

Le triomphe du wokisme dans le milieu médiatico-intellectuel ne peut s’expliquer que par la baisse du niveau intellectuel général. Le wokisme ne peut pas être discuté, il est devenu une sorte de religion. Là encore, c’est comme le communisme. Ceux qui entraient en communisme entraient dans une sorte d’Église avec un clergé, des grands prêtres, des articles de foi, etc. Et l’on entre en wokisme comme en religion, il y a les grandes prêtresses… et ça ne passe plus par l’entendement et le débat intellectuel. D’ailleurs, quand Sandrine Rousseau dit préférer les jeteuses de sorts aux ingénieurs de l’EPR, elle résume tout : son idéologie est basée sur l’irrationnel. Faire de la sorcière la figure du féminisme nous plonge en pleine magie noire ! Et ça ne peut que marcher ainsi car, dès que vous débattez un peu, leurs arguments s’effondrent. C’est exactement la même chose avec cet autre symbole du progressisme que sont les transsexuels : impossible d’en débattre parce que c’est « transphobe ». Il faut éliminer du débat tout échange intellectuel pour en rester à des arguments d’autorité.

Éric Naulleau, La Faute à Rousseau, Léo Scheer, 2023.

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Une secrétaire d’Etat rappelée à l’ordre: le gouvernement se méfie du nouveau JDD

C’est au nom du « pluralisme », principe fondamental de la démocratie, que Sabrina Agresti-Roubache a accepté d’être interviewée dans le premier numéro du JDD dirigé désormais par Geoffroy Lejeune. Le gouvernement n’a pas apprécié, Clément Beaune proclamant sur RMC qu’on ne peut pas parler avec « n’importe qui ». Et le cabinet d’Elisabeth Borne a pris rendez-vous avec la secrétaire d’Etat pour la rentrée. Tribune.


En accordant une interview au renaissant Journal du Dimanche, Madame Sabrina Agresti-Roubache, toute fraîche Secrétaire d’Etat à la Ville, est entrée, d’un seul coup, en voie de diabolisation. Voie rapide, voie express même. Pensez, un membre du gouvernement accepter l’invitation à s’exprimer dans un journal dont la direction est désormais assurée par Geoffroy Lejeune, ex-directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, journaliste d’expérience et compétent dont tout ce que ses détracteurs se plaisent à en dire est qu’il serait « marqué à l’extrême-droite ». Marqué par qui, au nom de quoi, selon quels critères, du fait de quels grands crimes ? On ne se donnera pas la peine de préciser, d’argumenter, de justifier. L’anathème se suffit à lui-même. La formulation dispense de la moindre analyse.

C’est ici la marque majeure, confortable et terrible de toute inquisition. Le procès est jugé d’avance. Procès en réputation, en l’occurrence. L’a priori vaut jurisprudence. Ainsi, un peu à la manière d’un chanoine d’autrefois qui se serait fait surprendre revenant de chez les dames de petite vertu, Madame Sabrina Agresti-Roubache – courageuse frondeuse du politiquement correct – a eu droit, nous dit-on, à un recadrage maison de Madame Borne, première ministre et grande experte dans le domaine du recadrage justement, attendu qu’elle a eu le bonheur d’en essuyer une bonne demi-douzaine tombés d’en haut dans le temps record d’une petite année passée à Matignon.

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« Le pluralisme, c’est d’accepter la confrontation » a déclaré l’interviewée du JDD. Personnellement, je verrais dans ces propos non seulement la marque du bon sens, mais aussi l’expression d’un certain panache, l’indice d’une gourmandise joyeuse pour le défi. Le panache, voilà bien ce qui manque à Matignon et dans ses annexes ministérielles. Si ces hautes personnalités en avaient la moindre notion, elles se seraient empressées de féliciter la téméraire, de l’encenser d’avoir eu le courage de porter la bonne et sainte parole gouvernementale jusque dans le camp du diable ! Oui, ce beau petit monde aurait dû avoir à cœur de saluer l’incartade canaille, le pas de côté gaiement assumé.

Mais ceux-là ignorent le fin plaisir de ces subtilités. Ils sont les puritains d’un formalisme intellectuel étroit, rigide, stérile. Technocratiquement irréprochable, mais ennuyeux à mourir. Ils sont gris et ternes, lénifiants. Et c’est bien pour ça qu’ils sont d’un tel ennui, pour ça que nous les subissons avec une si profonde lassitude. Sont-ils seulement « vivants » ? se surprend-on à penser parfois.

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Nicole Croisille: quand la voix devient spectacle

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Danseuse et actrice, c’est surtout pour sa voix qu’on se souviendra de celle qui a chanté « Une femme avec toi ». Pourtant, son répertoire ne se réduit pas à ce titre et mérite d’être redécouvert dans son intégralité.


Dans cette chronique, point de souvenirs personnels, juste une envie de réhabiliter une chanteuse un peu oubliée. Je vais donc vous parler d’elle : Nicole Croisille, cette chanteuse à voix, si discrète, et qui fit, justement, peu parler d’elle. Pas de scandales, pas d’amours tapageuses autour d’elle. Cependant sa voix nous accompagne depuis des décennies Nous connaissons tous son tube : « Une femme avec toi », et surtout ce passage mythique « Il était heureux comme un italien, quand il sait qu’il aura de l’amour et du vin », qui fait maintenant partie de notre patrimoine.

Elle a cette façon unique de chanter, sa voix à la fois puissante et voilée ne sombre jamais dans le pathos, et s’incarne, pour laisser place à l’émotion juste. Bref, nous sommes loin des beuglements de Lara Fabian. Elle dit qu’elle a trouvé sa voix et sa voie, lorsqu’elle a laissé tomber sa technique vocale de chanteuse de jazz. Le journaliste François Chalais disait ceci : « Sa voix est un spectacle, quand elle commence à chanter, on a l’impression qu’elle lève un rideau sur quelque chose qui la bouleverse intérieurement ». Quant à Léo Ferré, il disait de sa voix qu’elle était extraordinaire. Sacré compliment de la part de ce monstre sacré qui ne devait pas en faire souvent.

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Elle a cependant commencé comme danseuse, et là aussi, c’est du sérieux. Elle intègre l’Opéra de Paris, puis les ballets de la Comédie Française. Elle a même appris à danser à Claude François ! « Il voulait être Gene Kelly, Fred Astaire, mais n’avait jamais dansé de sa vie, alors je lui ai appris ».

Et, last but not least, elle a également exercé ses talents auprès de Joséphine Baker.

Sous ses airs de bourgeoise un peu lisse, au brushing impeccable, qui a l’air de se rendre à un cocktail, Nicole recèle des tas de secrets. Elle représente une France qui n’est plus. Et la regarder et l’entendre chanter a quelque chose de rassurant. Nous avons envie de garder près de nous cette dame de maintenant 84 ans qui semble ne jamais vieillir.

Elle débute enfin sa carrière de chanteuse en 1962 avec Lelouch et Pierre Barouh. Le fameux « chabadabada » qui est en fait « dabadabada ». « Jusqu’au dernier moment, nous n’avions pas de paroles, alors j’ai proposé des onomatopées de jazz », dit-elle. Onomatopées qui sont entrées dans la légende : qui n’a pas eu envie de les fredonner avec son amoureux ou son amoureuse, sous la grisaille d’une plage Normande ?

Mais c’est comme chanteuse populaire – ce statut pour moi si respectable et qui est en train de disparaître – qu’elle connut enfin le succès. Ses chansons parlent bien entendu d’amour, mais de manière un peu ambiguë ; ce ne sont pas des amours perdues, mais des entre-deux, des situations qui semblent inextricables : « S’il n’ose pas m’écrire ce qu’il en est, c’est qu’il gâche sa vie et qu’il le sait » – dans « Parlez-moi de lui », cette chanson si intrigante, une Pénélope qui semble attendre en vain son Ulysse, ma préférée. Dans « Téléphone moi », elle n’arrive pas à quitter son mari pour son amant, et dans « J’ai besoin de lui, j’ai besoin de toi »elle clame son amour pour deux hommes : « Mais ça ne se dit pas ». Et puis, nous avons cette chanson un peu méconnue : « Emma », où elle incarne Emma Bovary, en quelques mots, elle campe l’atmosphère du chef-d’œuvre de Flaubert : « Dans la Normandie matinale, quand les vaches ruminent déjà, quand la brume s’étire sur les champs, elle cachait ses yeux sous ses draps, et disait à celui qui n’était jamais là : Emma, je m’appelle Emma, et je ne sais pas, si jamais cœur aima ».

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Bref, Nicole Croisille est une grande chanteuse, et pas seulement pour « Une femme avec toi ». Tout son répertoire mériterait d’être réécouté.

Je garde le meilleur, en tout cas le plus surprenant, pour la fin. Elle a joué dans Les monologues du vagin et dans une pièce nommée Hard, qui se passe dans le milieu du porno.

Toujours se méfier des blondes au look de cousines de province. Elles ont plus d’un tour dans leur sac.

Est-il honteux d’être chauvin à la carte?

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je me pose cette question. Le billet de Philippe Bilger.


Chauvin, en général, a une connotation négative : c’est le supporteur qui en fait trop, qui en veut trop, qui est d’une insigne mauvaise foi et n’accepte jamais la défaite de son équipe. Il est vrai qu’on est rarement impartial quand on soutient son sportif préféré ou qu’on est passionné par le rugby ou le football.

Je n’ai pas besoin des équipes de France pour m’abandonner parfois à une dilection démesurée pour le Stade toulousain en rugby ou les équipes de Reims, de Lens ou à un degré moindre de Monaco pour le football. Cela tient à des ressorts parfois imprévisibles mais souvent liés à ma détestation de l’argent qui coule à flots (on comprendra pourquoi le PSG du Qatar ne me plaît pas), à des nostalgies de jeunesse (la grande équipe de Reims) ou à de la sympathie pour une région et un public très populaire et chaleureux (Lens). De plus, globalement, je me sens plus épris des groupes vaillants et solidaires que des grosses machines. J’admets que ce peut être injuste mais c’est comme ça.

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Cette affection que j’éprouve pour quelques équipes, j’ose le dire, me cause des déceptions fortes quand elles sont vaincues. Au point parfois de m’avoir empêché de dormir tellement il m’arrivait de revivre les instants où le destin sportif avait tourné et où mon favori avait perdu après avoir tenu longtemps. J’ai conscience du caractère un peu puéril de ces états d’âme mais je n’ai jamais tourné en dérision des événements et des compétitions au prétexte que les intellectuels s’en moquaient ou les méprisaient.

J’ai eu envie d’écrire ce billet quand je me suis rendu compte que pour les équipes de France j’avais un enthousiasme intermittent. Que j’étais chauvin pour telle et neutre pour telle autre. Je n’ai jamais eu honte, selon les périodes, d’être partisan absolu de l’équipe de France de foot en 1958, de celle de rugby depuis que Fabien Galthié et de formidables joueurs ont su la remettre en état de marche et de victoires. Mais, attention, le Coupe du monde à venir n’est pas encore, de loin pas, dans le camp français !

Songeant au parcours exceptionnel de nos Bleus du ballon ovale, et l’espérant victorieux, j’ai comparé avec mon allégresse relative face à l’équipe de France de foot. Bien sûr, je suis heureux quand elle l’emporte mais j’ose dire qu’il y a un climat général, des touches de vulgarité, du narcissisme ici ou là, de l’arrogance, un manque de simplicité, une attitude tristounette (comme s’ils étaient au SMIC), un engagement citoyen parfois discutable de certains, qui ne font pas de moi un épris absolu de ce groupe d’hommes talentueux certes mais, je le ressens comme cela, pas infiniment sympathiques. Avec en plus un sélectionneur, Didier Deschamps, bon technicien mais spécialiste en banalités – et dire que VSD l’a un jour qualifié de génie !

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En revanche, je me découvre totalement inconditionnel de notre prodige Léon Marchand et de l’équipe de France de natation, avec Maxime Grousset et quelques autres (L’Equipe). Il faudrait que je réfléchisse davantage à cette adhésion sans réserve pour ces sportifs de haut niveau qui n’ont pas de tenue que dans l’eau. J’adore ces talents, voire ces génies de la coulée individuelle mais qui, la course accomplie, se replongent avec modestie dans le collectif. Applaudis, ils applaudissent ensuite leurs compagnons.

Il y a probablement, derrière ces contrastes qui m’habitent, le fait que dans certaines équipes je porte particulièrement au pinacle l’un de ses membres, Antoine Dupont ou Léon Marchand alors que, si Kylian Mbappé est prodigieux balle au pied, je ne suis pas, depuis quelque temps, forcément convaincu par toutes les facettes de sa personnalité et son implication dans la vie sociale et médiatique. Ce n’est pas une perception objective mais celle d’une subjectivité qui a évolué un peu, moins vite que lui sur le terrain !

Il est donc clair que les sportifs en chambre comme moi n’ont nulle obligation d’être chauvins (qu’on m’épargne l’opprobre lexical sur ce terme ! ) à plein temps et pour tout ce que le pavillon sportif national recouvre. Ils ont le choix, ils aiment qui ils veulent et leur humeur a le droit d’être allègre, inconditionnelle ou réservée, c’est selon.

Ils sont libres.

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Lizzo accusée par trois femmes de couleur de harcèlement et de discrimination

La chanteuse américaine dont le succès repose, non seulement sur ses qualités d’artiste, mais aussi sur sa dénonciation de la grossophobie et sa promotion de la « body positivity », vient d’être accusée de ce qu’elle condamne chez les autres. Elle a bien sûr droit à la présomption d’innocence, mais ces accusations doivent mettre mal à l’aise les idéologues qui prétendent qu’il faut toujours croire les victimes quand ces dernières sont femmes et non-blanches.


La planète wokiste est en pleine ébullition depuis quelques jours. Ses militants éveillés aux micro-agressions qui émaneraient de la société occidentale qu’ils jugent comme structurellement phallocrate, raciste, homophobe, transphobe et grossophobe, se réveillent complètement sonnés par ce qui vient de se passer : une de leurs égéries est mise sur le banc des accusés où se trouvent généralement des mâles blancs de plus 50 ans.

Pourtant, l’accusée a le profil de la victime idéale dans le monde des minorités se vivant comme constamment discriminées : elle est obèse et noire et elle est mondialement connue. Mais voilà, derrière le rôle de victime auto-proclamée peut se cacher un bourreau bien épais. On a donc appris que Lizzo, cette pop star américaine récompensée d’un Grammy Award cette année, devançant Queen B et la chanteuse britannique Adèle, est accusée par trois de ses anciennes danseuses de ce qu’elle n’a eu de cesse de dénoncer et de combattre.  Harcèlement sexuel, discrimination religieuse et raciale, grossophobie, et plusieurs autres faits d’agression, tels sont les chefs d’accusation retenus à l’encontre de la star. Si ces accusations s’avèrent fondées, ce sera le comble pour celle qui a fait de sa corpulence XXXL et de sa couleur de peau sa marque de fabrique.

Je twerke, donc je suis

Car Lizzo est certes célèbre pour ses chansons pop mais aussi pour ses vidéos tapageuses sur les réseaux sociaux où on la voit quasi nue, exhiber fièrement ses bourrelets en twerkant en bikini, ou poser vêtue d’un minuscule string laissant dévoiler son énorme derrière alors qu’elle montait à bord d’un jet privé…. de vrais moments de grâce ! Dans d’autres vidéos, elle se montre en peignoir de bain après sa douche et s’auto-proclame « norme de beauté ». Et c’est précisément l’exhibitionnisme de sa chair débordante, cette « fat pride », qui a plu aux « fat activists », ces militants de la graisse qui revendiquent l’utilisation du mot « gras » pour dénoncer la grossophobie qui serait structurellement ancrée dans la société blanche occidentale.

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C’est ainsi que Lizzo est devenue l’une de leurs ambassadrices. Aubrey Gordon, une influenceuse connue sous le pseudonyme de Your Fat Friend et qui se définit comme une « autrice, femme blanche grosse et queer et fat activist », a fait de Lizzo une des figures de proue du mouvement pro graisse et une icône de la lutte intersectionnelle, se référant à elle plusieurs fois dans ses prises de position comme dans son dernier bestseller destiné à évangéliser les consciences à la grossophobie : « You Just Need to Lose Weight » and 19 Other Myths About Fat People (« Vous n’avez qu’à perdre du poids » et 19 autres mythes au sujet des gros, Beacon Press, 2023).

Mais voilà, les accusations récentes suggèrent que les bourrelets ne seraient pas si acceptés que ça par la pop star ! Ses danseuses, également noires et clairement en surpoids, l’accusent entre autres d’avoir fait des remarques déplacées sur leur prise de poids. Voilà que Lizzo, obèse et fière de l’être, serait grossophobe ? Est-ce la célébrité qui lui a retourné le cerveau ? Peut-être… Mais ses fans diront sans doute pour l’excuser qu’elle a dû intérioriser les normes de la société blanche, patriarcale, raciste et grossophobe qu’elle est censée déconstruire.

Mince-ophobie

En tout cas cet épisode pourrait être de nature à torpiller le manichéisme teinté de moralisme primaire selon lequel les gros sont de gentilles victimes et les minces de méchants bourreaux. Cette vision binaire, affligeante de bêtise, est d’ailleurs au cœur de l’essai d’Olivier Bardolle, Éloge de la graisse, dans lequel il explique ni plus ni moins que les minces sont des néofascistes narcissiques, obsédés par leur image et le contrôle, et que les gros sont des victimes vulnérables, ouverts sur le monde, lucides, hypersensibles, et bien entendu hyper-altruistes. 

Le cas de Lizzo suggère exactement le contraire : qu’on peut faire partie de ces minorités dites victimisées et être un gros bourreau machiavélique.

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Quant aux accusations d’harcèlement sexuel, si elles s’avèrent vraies, cela jette un pavé de discrédit dans la marre du mouvement #Metoo, puisqu’elles prouvent bien que le statut de victime n’est pas ancré génétiquement dans un sexe, que ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on est victime par nature, que des femmes peuvent également harceler d’autres femmes et que la sororité n’est pas un bouclier anti-vice. Idem pour le mouvement #BLM (black lives matter) qui laisse toujours penser que les Afro-américains sont victimes de racisme uniquement de la part de « rednecks » pro-Trump, prêts à se lancer à l’assaut du Capitole une deuxième fois. Si Lizzo a fait preuve de racisme envers ses sœurs de couleur, cela démontre que le racisme n’a pas de couleur de peau. Bienvenu dans la réalité complexe du comportement humain.

Il reste que Lizzo sera bien contente de pouvoir se réclamer du principe de la présomption d’innocence que certaines néoféministes misandres en France souhaitent abolir.

Espérons que cette polémique fera prendre conscience des écueils de ce qui pourrait s’appeler, si on tente un néologisme, « le grossisme », cette idéologie qui conçoit la grossophobie, non pas comme un comportement individuel, mais comme un mal structurel propre à la société occidentale.    

Zoé Valdés contre le Monde

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Zoé Valdés, à Paris 29/09/2007 ANDERSEN ULF/SIPA sipausa30053227_000006

La romancière, poétesse et scénariste cubaine, Zoé Valdés, vit en exil entre la France et l’Espagne. Aux dernières élections espagnoles, elle s’est présentée comme candidate au Sénat pour le parti VOX. Afin de dissiper tous les malentendus concernant ce parti réputé d’extrême-droite, elle a accepté de donner une interview au Monde. Sans savoir que le journal de référence allait déformer ses propos pour la décrédibiliser. Tribune.


Le samedi 22 juillet, à la veille des élections législatives en Espagne, où je me présentais comme candidate au Sénat pour le parti conservateur VOX, Le Monde a publié une interview avec moi que je qualifierais d’infâme. Quelques jours auparavant, la journaliste m’avait contactée pour savoir si je serais d’accord pour lui parler. Ayant lu les mensonges que la presse officielle raconte sur ce parti et sur moi-même, j’ai annoncé que j’enregistrerais l’interview. Les questions ont porté sur des sujets connus, comme le prétendu machisme (un mensonge) de ce parti qualifié par beaucoup d’extrême droite. On sait qu’actuellement toute personne qui ne pense pas comme la gauche est non seulement classée « extrême droite » mais aussi annulée et effacée. Venant d’où je viens, de Cuba, où il n’y a qu’un seul parti, répressif, le Parti communiste de Cuba, je me suis toujours sentie libre ici en Europe. Au début, et dès que j’ai pu, j’ai voté en France pour le centre droit, et pour la gauche uniquement lorsque j’appartenais au Comité de soutien à Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Je ne l’ai pas refait. Je suis une personne libre et en aucun cas une idiote. Je n’avais jamais été membre d’aucun parti, ni à Cuba, ni en Espagne, ni en France; mais la « Lettre de Madrid » publiée par VOX, dont j’étais l’une des premières signataires, au nom de la défense de la liberté et des droits contre le communisme et contre le Forum de Sao Paulo, et au nom de la défense de la langue espagnole, m’a amenée à connaître le premier « Manifeste » du parti, datant de 2014, dans lequel je me suis retrouvée. En plus des attaques haineuses des médias de gauche traditionnels, inondés de millions d’euros par le gouvernement de Pedro Sánchez, le pire président que l’Espagne ait jamais connu, ce qui m’a attirée vers VOX avec curiosité et intérêt, c’est que c’est le seul parti (et Dieu sait combien de partis j’ai fréquentés, tant en Espagne qu’en France) qui a compris l’urgence de mettre fin au castrisme à Cuba, après plus de 64 ans de tyrannie. Moi, je reste avant tout cubaine. Je n’avais adhéré à aucun parti, je le souligne, jusqu’à la publication de l’interview dans Le Monde avec Sandrine Morel : on peut être candidat au Sénat en Espagne sans être membre du parti qui vous propose. Après l’interview, j’ai adhéré sans aucune hésitation.

Droit de réponse

Je n’avais jamais eu de soucis avec Le Monde, qui avait publié le 5 avril 1995 un article signé par Erik Orsenna, consacré à mon roman Le Néant Quotidien (Actes-Sud). Mais apparemment un récent entretien dans El País aurait dérangé quelqu’un dans la hiérarchie de ce journal étroitement lié au Monde. Par conséquent, mes propos dans l’interview que j’ai donnée au Monde, bien qu’enregistrés par moi, ont été grossièrement instrumentalisés par la journaliste, Sandrine Morel. Cette dernière a essayé de me montrer comme une imbécile manipulée par un parti qui, à ses yeux, est diabolique. Ce même parti qui a été fondé par José Manuel Ortega Lara, victime de l’organisation terroriste ETA (qui l’a enlevé et séquestré pendant 532 jours), par Santiago Abascal, et par d’autres anciens membres du Parti populaire, le parti de la droite traditionnelle. Des assassins de l’ETA, ayant rallié le parti basque Bildu, gouvernent avec les communistes de Podemos dans le gouvernement de Pedro Sánchez. VOX n’a ​​assassiné personne et pour moi ne représente pas un parti d’extrême droite. En revanche, Bildu et le Parti nationaliste basque (PNV), dont Sánchez dépend maintenant pour gouverner, sont bien des partis d’extrême droite et de l’ultra-gauche. Dans l’interview avec Sandrine Morel, j’ai répondu en exerçant mon droit de réponse protégé par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 en France. La journaliste n’a pas répondu à mes appels. Le directeur du Monde International, Jean-Philippe Rémy, après de nombreux jours d’attente, a finalement répondu qu’ils ne respecteraient pas mon droit de réponse. Je continue à insister par l’intermédiaire d’un avocat.

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C’est en 2017 que j’ai découvert VOX, après avoir rencontré Rocío Monasterio, d’origine cubaine, architecte de profession, et anticastriste, car sa famille s’était exilée. VOX est un parti constitutionnel qui, avec le temps, est devenu la troisième force électorale en Espagne. Un parti d’« extrême nécessité » face à la mollesse politique du Parti populaire de Mariano Rajoy. Dans l’interview de Sandrine Morel, journaliste proche de Guillermo Altares, directeur de la rubrique Culture d’El País, elle se moque de moi et qualifie de façon tendancieuse les victimes des dictatures et tyrannies hispano-américaines de gauche et communiste, comme la cubaine. Selon elle, nous autres victimes, serions tout simplement manipulées par VOX qui tente de nous inoculer je ne sais quel venin. Cette interview donc vise à me discréditer politiquement et en tant qu’écrivaine. C’est un lynchage médiatique semblable à ceux pratiqués par les régimes communistes à l’encontre des éditeurs et des maisons d’édition. Pour arriver à ses fins, Morel cite la minute de silence pour une femme assassinée pendant laquelle deux membres masculins de VOX auraient ri. Or, c’est parfaitement faux, car, au moment de la prise de la photo, non seulement la minute de silence n’avait pas encore eu lieu, mais d’autres femmes présentes appartenant à un autre parti souriaient aussi. En revanche, pas une seule mention de cette autre photo où la communiste Ada Colau, la maire qui a détruit Barcelone, une ville qui à une époque rivalisait avec Paris, rit pendant la minute de silence pour les victimes du terrorisme de l’ETA, aux côtés des rois d’Espagne.

Morel affirme qu’elle me sent « mal à l’aise », mais à aucun moment je me suis sentie mal à l’aise. Elle soutient que je tente de me justifier « tant bien que mal ». C’est plutôt elle qui me connaît mal et ne semble avoir lu mes textes, car je ne justifie jamais ce que j’ai pensé en profondeur. Elle, qui ne sait rien de moi, écrit qu’elle me sait très conservatrice. Elle semble ignorer, par exemple, que j’ai appartenu au Comité de Soutien de la socialiste Anne Hidalgo, que je ne soutiendrai plus jamais depuis qu’elle a déroulé le tapis rouge pour le tyran Castro II à la mairie de Paris. Elle ne mentionne pas non plus que je n’avais pas soutenu Donald Trump, que je trouvais mauvais, jusqu’à ce que les préjugés de la presse à son égard me convainquent qu’en fait Trump est un bon patriote.

Castrisme européen

Elle ajoute que je ne suis pas une adhérente de VOX, et c’est vrai (voir ci-dessus), et que je passe seulement une partie de ma vie en Espagne. Mais que sait-elle de mes déplacements ? J’ai sûrement passé plus de temps en Espagne, étant espagnole, que le socialiste espagnol Jorge Semprún quand, vivant aussi en France, il fut nommé ministre de la Culture par le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE). Il y a aussi la controverse sur la photographie qui montre Yolanda Díaz, la deuxième vice-présidente du gouvernement espagnol et membre du Parti communiste, à côté d’une affiche de Che Guevara. Cette photo n’a pas été pas prise dans sa jeunesse, mais quand elle exerçait déjà une charge politique importante. D’ailleurs, elle a apporté son soutien inconditionnel au dictateur vénézuélien, Hugo Chávez, et elle a été soutenu à son tour par Jean-Luc Mélenchon, qui a fait l’éloge du régime cubain.

Afin de me décrédibiliser, Morel soulève la question de Pedro Sánchez qui a parfois chanté L’Internationale en levant le poing, sans mentionner ce qu’ont prouvé les récentes élections municipales et des communautés autonomes en Espagne, aussi bien que plusieurs livres publiés par des politiques de centre gauche, comme celui de Rosa Díez, leader fondatrice du parti Union Progrès et Démocratie (UPyD), intitulé Caudillo Sánchez. Sánchez est détesté par les Espagnols à tel point que la chanson de l’été proclame : « ¡Que te vote Txapote! » (« Que Txapote vote pour toi ! »), Txapote étant le terroriste de l’ETA qui assassina d’une balle dans la nuque le jeune du Parti Populaire, Miguel Ángel Blanco. C’est une référence évidente au fait que Sánchez gouverne avec des terroristes. L’Espagne ayant la présidence du Conseil européen, Sánchez a invité plusieurs narco-dictateurs au sommet entre l’UE et la Communauté d’États latino-américains et caraïbes (CELAC), notamment la criminelle Delcy Rodríguez, ministre vénézuélienne dont la présence est interdite en Europe et qui a violé l’espace européen en transportant des valises suspectes en Espagne en 2020.

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Morel mentionne un clip publicitaire de VOX, « Les Latinos », le parti voulant attirer les « Latinos » en faisant appel à leur sens de « la liberté ». Les guillemets ici sont de Morel, comme si dans le cas des Latinos on devait mettre « la liberté » entre guillemets. Le terme latino correspond à une définition promue par les Démocrates nord-américains à laquelle je ne m’identifie pas : je suis Ibéro-cubaine et franco-caribéenne, je ne suis pas latina.

Sandrine Morel soulève le cas d’une œuvre de Virginia Woolf, Orlando, prétendument censurée par une municipalité VOX. Elle ne mentionne pas le fait que le gouvernement sanchiste, non content d’arroser la presse d’aides et de subventionner des films qui faussent l’histoire de l’Espagne, censure des artistes indépendants comme Carlos Hernando, qui a tourné un film critique à l’égard du Premier ministre, El Autócrata. En revanche, il est vrai que je ne me définis pas comme féministe, car ce sont mon œuvre et mes idées qui me définissent comme telle. Je ne vais pas partout chanter que je suis féministe. Les véritables féministes agissent sans se vanter. J’agis uniquement au nom de mes principes. Je ne suis pas du tout motivée par la haine que je laisse à une gauche vieillie, obsolète et donneuse de leçons de morale.

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Si j’avais été face à Maître Jacques Isorni…

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Procès de Robert Brasillach défendu par Jacques Isorni. © Capture d'écran Twitter @Avi_Bitton

Un peu de « justice-fiction », pour s’imaginer en face d’un brillant avocat : Maître Jacques Isorni. Le billet de Philippe Bilger.


Comme magistrat, il m’était arrivé de croiser Maître Jacques Isorni et même de requérir dans un procès où il était prévenu, avec trois autres personnalités, pour apologie de crime concernant une tribune qui vantait l’action du maréchal Pétain.

Je connaissais évidemment son implication de défenseur dans plusieurs « procès historiques », que ce soit par exemple celui du susnommé ou celui de Robert Brasillach condamné à mort et fusillé. Puis-je, pour ce dernier, me permettre de renvoyer à mon livre 20 minutes pour la mort ?

Ce qui a suscité mon envie d’écrire ce billet de « justice-fiction » est la mine que constitue le Isorni – Les procès historiques de Gilles Antonowicz devenu au fil des années le spécialiste aussi bien de Jacques Isorni que de Maurice Garçon sur lequel il ne cesse de projeter une lumière passionnante sur tous les aspects d’un talent multiple.

Une citation de Jacques Vergès en particulier, m’a intéressé parce qu’elle se rapportait au rôle de l’avocat et de l’avocat général à la cour d’assises et que, selon Gilles Antonowicz , elle expliquait bien « la patte » et la démarche de Jacques Isorni.

« Défendre, c’est présenter avec les mêmes faits qui servent de support à l’accusation, une autre histoire tout aussi fausse et tout aussi vraie que la première… Et sur le plan esthétique au moins, les chances sont du côté de la défense. Chargé de défendre, puisqu’il parle au nom de la société, les idées et les valeurs de la majorité, le procureur est condamné à faire du roman de gare. Tandis que l’avocat de la défense, contraint à chaque coup de rechercher d’autres règles, atteint parfois au chef-d’œuvre ».

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Je pourrais voir dans cette supériorité prêtée à l’avocat une sorte d’inévitable corporatisme, le réflexe naturel d’un représentant éminent – quoique discuté – de cette profession. En même temps il me serait facile de montrer comment Jacques Vergès a choisi parfois les causes les plus difficiles non parce qu’elles seraient les plus belles mais en raison du fait que, qualifiées de désespérées, elles permettaient à l’avocat de ne jamais être jugé. Combien de fois n’a-t-il pas annoncé des révélations et des coups d’éclat qui n’ont jamais eu lieu… Il a souvent été meilleur hors des procès que durant leur cours ! Omar Raddad ne serait pas le plus mauvais exemple de cette carence…

Jacques Isorni, incomparable sur le plan de la verve, de la fougue et du courage intellectuel et judiciaire, n’a cependant rien à voir avec ce qui est soutenu par son confrère Vergès. Certes il a aussi plaidé dans de terribles affaires où le décret de condamnation était pris avant l’heure. Pour Robert Brasillach notamment, sa défense, aussi exaltée et convaincue qu’elle ait été, était vouée à demeurer un brillant exercice sans la moindre espérance de succès. Le sort n’aurait en rien été modifié même si Jacques Isorni, résidant sur le même palier que l’avocat général Reboul, n’avait pas été d’une certaine manière limité, entravé par cette proximité et cette familiarité.

C’est surtout la vision de l’avocat général, telle que décrite par Jacques Vergès, qui me semble totalement fausse, caricaturale. Non seulement par rapport à la conception que j’en avais et à ma pratique qui tentait le moins médiocrement possible de correspondre à mon idéal mais aussi, j’en suis sûr, si on considère aujourd’hui la manière dont la plupart des accusateurs publics exercent leur fonction.

Prétendre que l’avocat général aux assises en serait réduit à faire « du roman de gare » est une absurdité alors que précisément il est le seul protagoniste, au cours des audiences, qui dispose de l’immense liberté de pouvoir récuser la fiction. Avocat de tous les citoyens, il n’a d’autre maître que lui-même et ses propos, son discours, ses réquisitions ont la chance de ne pouvoir être dictés que par sa perception exclusive et évidemment évolutive des débats. L’accusateur qui se laisserait aller aux stéréotypes serait impardonnable. Il se priverait de la fabuleuse opportunité de l’oralité et de l’incomparable apport, par rapport au dossier de papier, de l’effervescence et du désordre stimulant des mille joutes, questionnements et réponses, de quelque côté qu’ils viennent, qui irrigueront la justice criminelle.

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Ni roman et encore moins de gare alors que l’accusateur n’est tenu par rien d’autre que par le devoir passionnant de se plonger au coeur de la fournaise de ces journées dont il devra bien se garder de définir l’issue avant l’heure, ce qui serait le moyen le plus sûr et le plus calamiteux pour manquer l’objectif de la vérité : condamnation, acquittement de l’innocent ou acquittement motivé par le doute. Il n’a pas de roman à proposer puisque la réalité dont il a la charge sera infiniment plus bouleversante, dans tous les cas, que la fiction même la plus achevée.

L’avocat général est la personne la plus libre dans le procès criminel s’il parvient en plus à ne jamais tomber dans cet écueil de trop concéder au personnage et trop peu au professionnel, trop au narcissisme et trop peu à l’authenticité. Quel que soit le talent de l’avocat, qui aura évidemment une incidence sur l’arrêt futur, il accomplit une belle mission. Mais il est ligoté par le mandat ou la subtile injonction qui émane de l’accusé. Au mieux, sa liberté sera surveillée. Pour l’avocat de la partie civile, l’assujettissement sera encore pire : rien de plus totalitaire que l’emprise d’une famille tragiquement meurtrie.

Alors, si revenant en arrière, aux assises, je m’étais retrouvé face à Maître Isorni, au moment capital de la confrontation de nos verbes, je n’aurais pas inventé le mien mais j’aurais admiré le sien.

Et nous aurions attendu ensemble le verdict.

Combat contre l’endométriose : redonnons un sens au mot féminisme !

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Marie Dauchy ©Marie Dauchy

Un certain courant du féminisme, très en vue dans les milieux politique et médiatique, reste obsédé par des questions inspirées par la théorie du genre et néglige les vraies difficultés auxquelles les femmes doivent faire face, comme le fléau de l’endométriose, une maladie très douloureuse et mal comprise qui touche un grand nombre de femmes. Tribune libre de Marie Dauchy, eurodéputée du Rassemblement national depuis 2022.


Le féminisme n’est plus. Il s’est depuis longtemps perdu. Ce noble et grand combat pour la justice, l’égalité et la dignité a été préempté et dénaturé par des idéologues qui s’intéressent moins à l’amélioration des conditions de vie des femmes qu’à une recherche d’indifférenciation généralisée de tout : entre invention de l’homme enceint, négation de l’instinct maternel, développement de l’écriture inclusive ou encore assimilation des personnes transgenres au sexe de leur choix.

Ce nouveau féminisme – désormais majoritaire – puise ses théories dans les études de genre anglo-saxonnes, elles-mêmes inspirées par la philosophie française de la déconstruction qui, entre les années 1960 et 1970, sous la plume de penseurs comme Jacques Derrida, Gilles Deleuze ou Michel Foucault, posait que tout n’est que pure construction sociale. Partant de ce principe, aucune règle n’existe ; rien n’est intangible, pas même le sexe, et il conviendrait d’anéantir toute distinction entre hommes et femmes sur le fondement de la simple volonté individuelle.

Et c’est très certainement là que se situe le cœur du problème permettant de comprendre les véritables tenants et aboutissants du néo-féminisme : la question de la volonté individuelle ; celle du choix. Dans une société où l’individualisme et le matérialisme atteignent un paroxysme dans la mise en avant de la satisfaction des désirs personnels, le féminisme s’est changé en caprice d’une élite de petits-bourgeois « progressistes » qui ne se satisfont plus de ce que la nature leur a donné et qu’ils perçoivent comme une contrainte. Il s’agit donc pour eux de déconstruire cet ordre naturel par tous les moyens.

L’exemple le plus criant de cette volonté de destruction est évidemment celui de la famille : aux rôles spécifiques de la mère et du père, devraient se substituer ceux des « parent 1 » et « parent 2 » dans l’indifférenciation la plus totale ; tout ceci étant évidemment rendu possible par la procréation médicalement assistée, qui, c’est écrit, ouvrira la voie à la gestation pour autrui.

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Au-delà de toutes autres considérations par ailleurs fondamentales telles que le bien-être des enfants et leur construction psychique, le problème de cette vision des choses, c’est qu’à vouloir tout indifférencier, on est très vite rattrapé par la réalité biologique qui pose des différences insurmontables entre hommes et femmes sur lesquelles la science est unanime : les différences physiques, à l’évidence, comme les différences psychologiques et de comportements sociaux. Nier ces différences entre le masculin et le féminin – ou prétendre vouloir s’en défaire – entraine deux problèmes majeurs : de manière générale, cela revient à remettre en cause notre humanité qui est intrinsèquement polarisée entre des principes masculins et féminins, mais de manière plus spécifique, cela revient à porter une atteinte grave aux femmes qui ont des besoins qui leur sont propres. Et c’est là que mon combat pour la santé des femmes prend tout son sens.

J’ai l’honneur, depuis maintenant à peu près un an, d’être élue député français au Parlement européen. Dès les premiers mois de mon mandat, j’ai souhaité orienter mon action politique en faveur de la santé des femmes, dans le prolongement de l’engagement qui était le mien en tant qu’élue locale sur mon territoire de Savoie. Cette question est infiniment complexe et tient tout autant à la qualité de nos modes de vie, qu’à la formation des médecins et à la recherche scientifique. Mais elle ne peut être véritablement traitée qu’en partant d’un principe à première vue simple mais sur lequel les néo-féministes tentent pourtant de revenir : une femme est une femme.

Depuis plusieurs années maintenant, je suis donc engagée dans un combat qui me tient particulièrement à cœur et qui condense à lui seul toutes les problématiques relatives à la santé des femmes : le combat contre l’endométriose. Cette maladie chronique fortement handicapante, qui intervient au moment des règles, touche entre 10% et 20% des femmes en âge de procréer (soit environ 14 millions de femmes en Europe). Pour l’heure, le diagnostic et la formation du personnel médical restent encore très lacunaires et aucun traitement curatif n’existe.

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Les femmes atteintes d’endométriose, à supposer qu’elles puissent être diagnostiquées, sont donc plongées dans un état d’assujettissement total à des traitements qui ne font au mieux que dissiper un tant soit peu la douleur, sans perspective de guérison et qui peut engendrer des complications comme la stérilité, voire la dépendance médicamenteuse. Il s’agit donc d’un véritable calvaire, que ce soit en termes de souffrances physiques, mais également pour ce qui est de la vie professionnelle, affective et familiale. Près de 85% des femmes atteintes par la maladie affirment même avoir déjà eu des idées suicidaires.

En avril, j’ai donc déposé au Parlement européen une proposition de Résolution visant à coordonner les efforts de recherche sur cette maladie entre les États membres de l’Union européenne, pour tirer parti des meilleures pratiques actuellement existantes en Europe, en partant du principe que certains pays sont bien en avance sur d’autres. Au-delà de l’aspect médical et sanitaire, mon combat de parlementaire est aussi un combat féministe ; mais féministe au sens premier du terme, c’est-à-dire celui qui vise à l’amélioration objective des conditions de vie des femmes, loin de celui qui les enferme dans une lutte aveugle contre tout ce qui les distingue de l’homme et qui n’aboutit au final qu’à une guerre des sexes.

C’est donc aujourd’hui deux visions du féminisme qui s’affrontent et je m’en suis bien rendu compte en tentant de porter le combat contre l’endométriose au Parlement européen : alors que ma proposition avait pour ambition de rassembler, la Commission de l’Environnement du Parlement européen en charge du texte a décidé de ne même pas soumettre le texte à l’étude. La gauche et les macronistes ont prétexté qu’il n’y avait pas de sens à étudier un texte sur une maladie précise, niant de fait le caractère de fléau de santé publique de l’endométriose. Les mêmes qui, sans hésitation, s’empressaient de voter au même moment en faveur d’une Résolution inutile dénonçant les politiques anti-LGBT en Ouganda…

Lutter pour la santé des femmes et, au final, leur indépendance en prenant en compte les réalités qui leur sont propres : voilà ma conception du féminisme ! Le reste n’est qu’un combat purement idéologique porté par une élite de petits bourgeois privilégiés qui souhaitent faire fi de ce que nous sommes intrinsèquement.

La semaine dernière, je me suis amusée à voir passer sur mon fil d’actualités Twitter une réaction de Sandrine Rousseau qui critiquait le concours Miss France en réaction à la mort de Geneviève de Fontenay. Elle dénonçait – portant cette critique en étendard de sa conception du féminisme – la standardisation des corps, le formatage, les normes et les notes, pour au final glorifier ce qui, selon elle, devrait davantage être mis en avant : les concours de Miss transgenre.

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Sans entrer dans le débat sur le concours Miss France en lui-même – de ce qu’il peut représenter en matière de célébration du beau, de l’élégance ou même de la haute couture à la française – cette réaction ne m’inspire qu’une seule réflexion : nos visions du féminisme sont opposées. Plus encore, elles sont fondamentalement antagonistes. Je laisse volontiers à Sandrine Rousseau le combat pour la dénaturation de la femme, car mon combat est tout autre. Mon combat, c’est de faire en sorte que les femmes vivent en bonne santé, de manière épanouie et qu’elles trouvent toute leur place dans la société en tant que femmes, fières d’être femmes.

J’espère que mon implication en faveur de la santé des femmes saura inspirer d’autres initiatives pour que le féminisme retrouve ses lettres de noblesse. Il est grand temps que les véritables féministes se ré-emparent de cette lutte qui est la seule qui puisse aboutir à une réelle égalité entre les sexes. En un mot, il est temps de redonner un sens au féminisme !

L’enfant des ports

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Port et embarcadere de St Denis d'Oleron a l'ile d'Oleron, Charente-Maritime 22/04/2014 XAVIER FRANCOLON/SIPA 00689026_000005

Olivier Frébourg est un ces auteurs qui savent faire rêver. Un homme à la mer en est la démonstration parfaite.


Promenade dans un village de l’île d’Oléron. Je tombe sur le livre d’Olivier Frébourg, Un homme à la mer (2004). Après une carte postale sur Louis Brauquier, ça se tient. Olivier Frébourg est né en 1965 à Dieppe. J’ai passé une partie de mon adolescence dans ce port où les trains s’engouffraient dans le ventre des ferrys direction Southampton. En 1989, il a publié son premier livre, Roger Nimier. Trafiquant d’insolence, aux Éditions du Rocher. C’était un essai inspiré sur le plus turbulent des hussards, le fils spirituel de Paul Morand. Peu de temps après, je publiais ma bio de Philippe Sollers chez le même éditeur. C’était une maison audacieuse, dirigée par Jean-Paul Bertrand, un homme qui faisait des coups éditoriaux et donnait sa chance aux écrivains en herbe. Un homme à la mer est à la fois une autobiographie et une déclaration d’amour à la mer. Quoi de plus naturel, me direz-vous, pour un fils de capitaine au long-cours.

Les marins ont souvent horreur des océans qui sont capables de détruire leur existence en une poignée de minutes. Olivier Frébourg n’est pas marin – il est le fondateur des Éditions des Équateurs – mais il affectionne les ambiances maritimes. Il faut dire qu’elles ont beaucoup influencé les écrivains, à commencer par le plus brillant d’entre eux : Georges Simenon. Le livre de Frébourg se lit d’une traite, comme on avale un verre de rhum, le soir, quand la brume descend sur la jetée et que le phare du coin jette un éclairage intermittent sur le naufrage de nos amours. Frébourg écrit : « L’une des situations idéales de la littérature est une conversation de bar, la nuit, dans un port entre un homme et une femme ». C’est parfois un soliloque face à un miroir qui brille comme celui d’un bordel. Il faut également savoir appareiller, rappelle Frébourg, pour « fuir la mort qui rôde autour de nous ». On voyage beaucoup et loin dans son journal de bord. On rencontre des écrivains, qui sont plus que des écrivains, puisqu’ils nous accompagnent dans nos périples hasardeux. J’ai cité Morand, mais on croise aussi Bernard Frank – belle citation extraite des Rats – Jim Harrison, Pierre Schœndœrffer, André Breton, Louis Aragon et Nancy Cunard, Jean-Luc Coatalem, Antony Palou…

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Frébourg cite Hergé et quelques-uns de ses albums, notamment L’île noire. Il révèle que le père de Tintin n’a jamais mis les pieds en Écosse. Mais c’est ce qu’il faut faire : créer. L’artiste n’est pas là pour reproduire. Il y a une magnifique description de Lisbonne, la ville de Pessoa. La fille de l’Americano y est sans doute pour quelque chose. La fin du chapitre est poignante. Certaines phrases de Frébourg font mouche. Exemple, à propos des danseuses de tango : « Et quand je pense aux femmes tango, à leur souveraineté, je ne peux m’empêcher de les comparer à nos trentenaires mordantes qui veulent arracher un lambeau de pouvoir ». Ou encore : « Les ports sont des mondes verticaux, qui plongent au cœur de la vie. […] Mes voyages portuaires n’ont été qu’une débauche pour échapper au nouvel ordre mondial ». Et encore : « Je ne recherche pas un équilibre – notion physique à laquelle je n’ai jamais cru –, je veux simplement respirer une nature qu’on nous escamote ».

La mer, c’est retrouver l’origine du monde. Ça n’a pas de prix.

Olivier Frébourg, Un homme à la mer (Mercure de France, 2004).

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Les leçons de maintien de Julien Gracq

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Julien Gracq, 08/12/1951 ECLAIR MONDIAL/SIPA 00072041_000002

L’exposition consacrée à Julien Gracq par la BnF est l’occasion, non seulement de redécouvrir un grand écrivain français, mais aussi de mesurer tout ce que nous avons perdu sur le plan culturel. Gracq, par ses réalisations littéraires, par sa dignité et sa discrétion (il a refusé le prix Goncourt), et même par son brillant parcours scolaire, incarnait une France qui n’existe plus.


« Julien Gracq, la forme d’une œuvre », c’est une exposition épatante consacrée actuellement à l’écrivain par la Bibliothèque nationale de France. L’ermite de Saint-Florent-le-Vieil (1910-2007), qui n’aimait pas « faire visiter les cuisines à l’invité », a légué un fonds de quinze mille feuillets à la BnF. On admire moult manuscrits, l’écriture appliquée du bon élève, professeur, normalien, agrégé, des photographies, préfaces, témoignages. Dernières volontés obligent, il faudra attendre 2027 pour connaitre les secrets de trente cahiers inédits de notules. « Les arbres aux profondes racines sont ceux qui montent haut » (Mistral).

La forme d’une œuvre

Il y a 70 ans, La Littérature à l’estomac, plus tard Lettrines et Préférences, dénonçaient la comédie des prix littéraires, les démons de la théorie, enrôlements, cuistreries de l’Université, la littérature engagée. « L’art tout comme l’économie, n’a jamais voulu se plier aux exigences des idéologues ». Julien Gracq n’a jamais admis pour son art que trois impératifs : la liberté, la qualité, l’intégrité. Sur le métier, Céline est plus trivial : « …C’est que j’travaille et que les autres ne foutent rien ».

Les leçons de maintien et labeur ont été oubliées. 321 nouveaux romans français pour la rentrée littéraire 2023. Des hectolitres de soupes claires, crieuses de vieux chapeaux, exhibitionnistes indignés, nuées de criquets pèlerins insoumis, légions de narcisses mythomanes, bavards, perclus, perdus dans la diversité, les réseaux sociaux et l’auto-friction : un océan de médiocrité, quelques écrivains, peut-être. « – Tout le monde ne peut pas être artiste – Tu as raison, cela ferait de l’encombrement » (Anouilh).

Les éblouissements, le style, l’imaginaire, la liberté, le sombre plaisir d’un cœur mélancolique, importent peu aux mauvais maîtres qui frappent la fausse monnaie de l’évolution des savoirs et du langage. Les vengeuses de races, ennemies de la belle phrase, font parler les orphelins, les esprits enfantins, le pipeau pour tous. Le style, l’imaginaire, la liberté, irradient Au Château d’Argol, Le Rivage des Syrtes, Un Beau ténébreux, Un Balcon en forêt, « imprécis d’histoire et de géographie à l’usage des civilisations rêveuses » (Blondin).

Les programmes scolaires qui se gargarisent « d’émancipation créatrice, célébration du monde »… ignorent Gracq. Pourquoi couper la jeunesse – ardente, pâle, nerveuse de la somptueuse prose poétique du dernier des classiques, de la chambre des cartes de l’Amirauté d’Orsenna, d’héroïnes mystérieuses, envoutantes, Heide, Vanessa, Mona ? Le mammouth vient de changer de cornac. Gabriel Rastignac Attal, novillo de la rue de Grenelle, muscadin noir de la République, a-t-il entendu parler de Gracq ? La France sans sa langue, sa littérature, son histoire, ce n’est plus la France, ce n’est plus grand-chose.

Transmission : le virage du cirque

Les hiérarques de rectorats, sociologues et linguistes atterrants débattent encore et toujours dans le ciel étoilé des actes de parole (locutoires, illocutoires, et perlocutoires), des idées désirables, désirantes. Ils mélangent, ovaires et contre tous, les agendas politiques, culturels, éducatifs, le RSE, recyclent des fumisteries abraxadabrantesques : « l’en commun », les accommodements raisonnables, l’agreg et l’élitisme pour tous. Cette glossolalie fausse est invariablement servie à la sauce citoyenne, participative, inclusive, progressiste… L’ombre est noire tombant des signes… « Le plus grand dérèglement de l’esprit, c’est de croire les choses parce qu’on veut qu’elles soient et non parce qu’on a vu qu’elles sont en effet » (Bossuet).

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Champion de « l’épaisseur du temps long », du prêchi-prêcha égalitaro-multiculturel, dans la position du démissionnaire, à l’insu de son plein gré, Pap N’Diaye récupère un fromage d’ambassadeur au Conseil de l’Europe. Après les rêveries d’un dormeur solidaire, Gabriel Athalie vient s’adorer – éternel – dans le temple de l’Education nationale et réparer des ânes l’irréparable outrage. Le jeune stakhanoviste est au taquet : « Le chantier est colossal… Je ne pleure pas pour mes vacances ». On s’aime à tous vents, à l’Alsacienne et au ministère.

L’éducation est une priorité du second quinquennat Macron. Sans remonter à Chaptal ou Cuvier, c’était déjà le cas pour Edgar Faure, René Haby, François Bayrou, Lionel Jospin, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Michel Blanquer, 25 ministres rue de Grenelle depuis 1968. Niveau et recrutements en chute libre, inégalités, harcèlement, agressions, laïcité en berne…. Abaya pas beaucoup de marges de manœuvre ! « Au siècle du mensonge, parfois, la vérité relève la tête et éclate de rire » (Revel).

Au fil des ans, des émancipations, des ateliers pédago-croc-vacances, du latin sans déclinaisons, Grand oral de l’École des fans, les décompositions françaises et dégringolades s’enchaînent. « Ce qui rend notre culture si difficile à communiquer au peuple [ou à la jeunesse],ce n’est pas qu’elle soit trop haute, c’est qu’elle est trop basse. On prend un singulier remède en l’abaissant encore davantage avant de la lui débiter par morceaux » (Simone Weil).

Pas de vagues, pas d’angoisse… L’Éducation nationale « porte l’ambition de bâtir une École de la réussite de tous les élèves, qui réduit les inégalités et prépare l’avenir de notre pays »… l’art de faire passer les anchois avariés pour des produits exotiques. C’est le premier budget de l’État, en croissance de 6,5 % en 2023, 60 milliards d’euros.

C’est surtout la 2 CV de Bourvil au début du Corniaud« Bah maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément »« Qu’est-ce qu’il y a ? »… Peu importe les Saroyan-de Funès d’IUFM, grands manitous d’INSPÉ, peu importe les programmes, les politiques. La vérité simple et scandaleuse, c’est que l’école, le lycée, l’université n’instruisent plus, ne transmettent plus. Einstein disait que la folie, c’est de faire encore et toujours la même chose et d’attendre des résultats différents. L’alignement des désastres, la barbarie à grande échelle, la crétinisation absolue, arrivent avec la digitalisation du monde, ChatGPT… Farghestan sournois… «Qui vive ?» (Farghestan est bien sûr le pays imaginaire inventé par Julien Gracq dans son grand roman, Le Rivage des Syrtes).

« L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien ; c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé » (Simone Weil, L’enracinement).

« Julien Gracq, la forme d’une œuvre », Bibliothèque nationale de France, site Tolbiac, jusqu’au 3 septembre.

Censurer au nom du bien

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Eric Naulleau. © SYSPEO/SIPA

En traitant de « fachos » ceux qui ne pensent pas comme eux, les bien-pensants légitiment la marginalisation des intellos réfractaires au progressisme. Un totalitarisme idéologique que dénonce Éric Naulleau.


Causeur. Vos prises de position vous pénalisent-elles dans votre carrière ?

Éric Naulleau. Mon dernier livre consacré à Sandrine Rousseau est un bon exemple pour vous répondre. La Faute à Rousseau n’a pas obtenu un mot, une ligne, serait-ce pour le critiquer vertement, dans un média de gauche ; aucune invitation sur une chaîne publique, hormis Léa Salamé – dans une émission où j’étais invité pour commenter l’actualité. Il y a une omerta contre les gens de gauche antiwokistes, cela vous vaut marginalisation, ostracisme et la mort sans phrase. Il est ainsi hors de question que j’anime ou que je participe comme chroniqueur à une émission sur le service public, j’ai même perdu mes deux émissions sur Paris Première. Il y a une répartition des intellectuels : si vous êtes dans le bon camp, celui des wokistes, tout va bien pour vous, si vous ne l’êtes pas, c’est le bannissement. Heureusement qu’il n’y a pas de goulag !

Peut-on parler d’un « nouvel esprit français » ?

C’est nouveau et pas nouveau. C’est du sectarisme et du totalitarisme idéologique, mais la gauche en a été coutumière par le passé. Il fut un temps où il était très mal vu d’être un intello anticommuniste. Remplacez anticommuniste par antiwokiste et vous avez aujourd’hui à peu près la même situation.

De nos jours, il existe cependant de nombreux médias où des voix « dissidentes » peuvent s’exprimer.

Certes. Mais ma conception du débat c’est qu’il doit être porté dans tous les médias. Or, M. Mélenchon, par exemple, pose comme seule condition à sa participation à certaines émissions que je sois absent du plateau. Je n’ai jamais subi cela de la part d’une personnalité de droite. Il y a une censure qui ne dit pas son nom.

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Cette censure peut-elle aller plus loin encore ?

Oui, car ceux que j’appelle les antiwokistes sont désignés par les wokistes comme des « fachos ». Et on ne peut donner la parole à un fasciste.

Ça peut donc aller plus loin avec une interdiction quasi officielle : la liberté d’expression a une limite, le fascisme, or un antiwokiste est un fasciste.

Cette simplification extrême des idées et du débat révèle la baisse du niveau général. Il est plus pratique et confortable de n’avoir que des gentils et des méchants.

Le triomphe du wokisme dans le milieu médiatico-intellectuel ne peut s’expliquer que par la baisse du niveau intellectuel général. Le wokisme ne peut pas être discuté, il est devenu une sorte de religion. Là encore, c’est comme le communisme. Ceux qui entraient en communisme entraient dans une sorte d’Église avec un clergé, des grands prêtres, des articles de foi, etc. Et l’on entre en wokisme comme en religion, il y a les grandes prêtresses… et ça ne passe plus par l’entendement et le débat intellectuel. D’ailleurs, quand Sandrine Rousseau dit préférer les jeteuses de sorts aux ingénieurs de l’EPR, elle résume tout : son idéologie est basée sur l’irrationnel. Faire de la sorcière la figure du féminisme nous plonge en pleine magie noire ! Et ça ne peut que marcher ainsi car, dès que vous débattez un peu, leurs arguments s’effondrent. C’est exactement la même chose avec cet autre symbole du progressisme que sont les transsexuels : impossible d’en débattre parce que c’est « transphobe ». Il faut éliminer du débat tout échange intellectuel pour en rester à des arguments d’autorité.

Éric Naulleau, La Faute à Rousseau, Léo Scheer, 2023.

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Une secrétaire d’Etat rappelée à l’ordre: le gouvernement se méfie du nouveau JDD

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Sabrina Agresti-Roubache, Marseille 28/7/23 SOPA Images/SIPA 01122062_000010

C’est au nom du « pluralisme », principe fondamental de la démocratie, que Sabrina Agresti-Roubache a accepté d’être interviewée dans le premier numéro du JDD dirigé désormais par Geoffroy Lejeune. Le gouvernement n’a pas apprécié, Clément Beaune proclamant sur RMC qu’on ne peut pas parler avec « n’importe qui ». Et le cabinet d’Elisabeth Borne a pris rendez-vous avec la secrétaire d’Etat pour la rentrée. Tribune.


En accordant une interview au renaissant Journal du Dimanche, Madame Sabrina Agresti-Roubache, toute fraîche Secrétaire d’Etat à la Ville, est entrée, d’un seul coup, en voie de diabolisation. Voie rapide, voie express même. Pensez, un membre du gouvernement accepter l’invitation à s’exprimer dans un journal dont la direction est désormais assurée par Geoffroy Lejeune, ex-directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, journaliste d’expérience et compétent dont tout ce que ses détracteurs se plaisent à en dire est qu’il serait « marqué à l’extrême-droite ». Marqué par qui, au nom de quoi, selon quels critères, du fait de quels grands crimes ? On ne se donnera pas la peine de préciser, d’argumenter, de justifier. L’anathème se suffit à lui-même. La formulation dispense de la moindre analyse.

C’est ici la marque majeure, confortable et terrible de toute inquisition. Le procès est jugé d’avance. Procès en réputation, en l’occurrence. L’a priori vaut jurisprudence. Ainsi, un peu à la manière d’un chanoine d’autrefois qui se serait fait surprendre revenant de chez les dames de petite vertu, Madame Sabrina Agresti-Roubache – courageuse frondeuse du politiquement correct – a eu droit, nous dit-on, à un recadrage maison de Madame Borne, première ministre et grande experte dans le domaine du recadrage justement, attendu qu’elle a eu le bonheur d’en essuyer une bonne demi-douzaine tombés d’en haut dans le temps record d’une petite année passée à Matignon.

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« Le pluralisme, c’est d’accepter la confrontation » a déclaré l’interviewée du JDD. Personnellement, je verrais dans ces propos non seulement la marque du bon sens, mais aussi l’expression d’un certain panache, l’indice d’une gourmandise joyeuse pour le défi. Le panache, voilà bien ce qui manque à Matignon et dans ses annexes ministérielles. Si ces hautes personnalités en avaient la moindre notion, elles se seraient empressées de féliciter la téméraire, de l’encenser d’avoir eu le courage de porter la bonne et sainte parole gouvernementale jusque dans le camp du diable ! Oui, ce beau petit monde aurait dû avoir à cœur de saluer l’incartade canaille, le pas de côté gaiement assumé.

Mais ceux-là ignorent le fin plaisir de ces subtilités. Ils sont les puritains d’un formalisme intellectuel étroit, rigide, stérile. Technocratiquement irréprochable, mais ennuyeux à mourir. Ils sont gris et ternes, lénifiants. Et c’est bien pour ça qu’ils sont d’un tel ennui, pour ça que nous les subissons avec une si profonde lassitude. Sont-ils seulement « vivants » ? se surprend-on à penser parfois.

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Nicole Croisille: quand la voix devient spectacle

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Nicolle Croisille lors de la 9eme edition de la Nuit de la Deprime, au Theatre des Folies Bergere 30/01/2023 Stephane Allaman/SIPA 01101414_000133

Danseuse et actrice, c’est surtout pour sa voix qu’on se souviendra de celle qui a chanté « Une femme avec toi ». Pourtant, son répertoire ne se réduit pas à ce titre et mérite d’être redécouvert dans son intégralité.


Dans cette chronique, point de souvenirs personnels, juste une envie de réhabiliter une chanteuse un peu oubliée. Je vais donc vous parler d’elle : Nicole Croisille, cette chanteuse à voix, si discrète, et qui fit, justement, peu parler d’elle. Pas de scandales, pas d’amours tapageuses autour d’elle. Cependant sa voix nous accompagne depuis des décennies Nous connaissons tous son tube : « Une femme avec toi », et surtout ce passage mythique « Il était heureux comme un italien, quand il sait qu’il aura de l’amour et du vin », qui fait maintenant partie de notre patrimoine.

Elle a cette façon unique de chanter, sa voix à la fois puissante et voilée ne sombre jamais dans le pathos, et s’incarne, pour laisser place à l’émotion juste. Bref, nous sommes loin des beuglements de Lara Fabian. Elle dit qu’elle a trouvé sa voix et sa voie, lorsqu’elle a laissé tomber sa technique vocale de chanteuse de jazz. Le journaliste François Chalais disait ceci : « Sa voix est un spectacle, quand elle commence à chanter, on a l’impression qu’elle lève un rideau sur quelque chose qui la bouleverse intérieurement ». Quant à Léo Ferré, il disait de sa voix qu’elle était extraordinaire. Sacré compliment de la part de ce monstre sacré qui ne devait pas en faire souvent.

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Elle a cependant commencé comme danseuse, et là aussi, c’est du sérieux. Elle intègre l’Opéra de Paris, puis les ballets de la Comédie Française. Elle a même appris à danser à Claude François ! « Il voulait être Gene Kelly, Fred Astaire, mais n’avait jamais dansé de sa vie, alors je lui ai appris ».

Et, last but not least, elle a également exercé ses talents auprès de Joséphine Baker.

Sous ses airs de bourgeoise un peu lisse, au brushing impeccable, qui a l’air de se rendre à un cocktail, Nicole recèle des tas de secrets. Elle représente une France qui n’est plus. Et la regarder et l’entendre chanter a quelque chose de rassurant. Nous avons envie de garder près de nous cette dame de maintenant 84 ans qui semble ne jamais vieillir.

Elle débute enfin sa carrière de chanteuse en 1962 avec Lelouch et Pierre Barouh. Le fameux « chabadabada » qui est en fait « dabadabada ». « Jusqu’au dernier moment, nous n’avions pas de paroles, alors j’ai proposé des onomatopées de jazz », dit-elle. Onomatopées qui sont entrées dans la légende : qui n’a pas eu envie de les fredonner avec son amoureux ou son amoureuse, sous la grisaille d’une plage Normande ?

Mais c’est comme chanteuse populaire – ce statut pour moi si respectable et qui est en train de disparaître – qu’elle connut enfin le succès. Ses chansons parlent bien entendu d’amour, mais de manière un peu ambiguë ; ce ne sont pas des amours perdues, mais des entre-deux, des situations qui semblent inextricables : « S’il n’ose pas m’écrire ce qu’il en est, c’est qu’il gâche sa vie et qu’il le sait » – dans « Parlez-moi de lui », cette chanson si intrigante, une Pénélope qui semble attendre en vain son Ulysse, ma préférée. Dans « Téléphone moi », elle n’arrive pas à quitter son mari pour son amant, et dans « J’ai besoin de lui, j’ai besoin de toi »elle clame son amour pour deux hommes : « Mais ça ne se dit pas ». Et puis, nous avons cette chanson un peu méconnue : « Emma », où elle incarne Emma Bovary, en quelques mots, elle campe l’atmosphère du chef-d’œuvre de Flaubert : « Dans la Normandie matinale, quand les vaches ruminent déjà, quand la brume s’étire sur les champs, elle cachait ses yeux sous ses draps, et disait à celui qui n’était jamais là : Emma, je m’appelle Emma, et je ne sais pas, si jamais cœur aima ».

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Bref, Nicole Croisille est une grande chanteuse, et pas seulement pour « Une femme avec toi ». Tout son répertoire mériterait d’être réécouté.

Je garde le meilleur, en tout cas le plus surprenant, pour la fin. Elle a joué dans Les monologues du vagin et dans une pièce nommée Hard, qui se passe dans le milieu du porno.

Toujours se méfier des blondes au look de cousines de province. Elles ont plus d’un tour dans leur sac.

Est-il honteux d’être chauvin à la carte?

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Ballon du match du tournoi U20 des 6 nations France contre Ecosse 24/02/2023 DANIEL VAQUERO/SIPA 01104220_000059

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je me pose cette question. Le billet de Philippe Bilger.


Chauvin, en général, a une connotation négative : c’est le supporteur qui en fait trop, qui en veut trop, qui est d’une insigne mauvaise foi et n’accepte jamais la défaite de son équipe. Il est vrai qu’on est rarement impartial quand on soutient son sportif préféré ou qu’on est passionné par le rugby ou le football.

Je n’ai pas besoin des équipes de France pour m’abandonner parfois à une dilection démesurée pour le Stade toulousain en rugby ou les équipes de Reims, de Lens ou à un degré moindre de Monaco pour le football. Cela tient à des ressorts parfois imprévisibles mais souvent liés à ma détestation de l’argent qui coule à flots (on comprendra pourquoi le PSG du Qatar ne me plaît pas), à des nostalgies de jeunesse (la grande équipe de Reims) ou à de la sympathie pour une région et un public très populaire et chaleureux (Lens). De plus, globalement, je me sens plus épris des groupes vaillants et solidaires que des grosses machines. J’admets que ce peut être injuste mais c’est comme ça.

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Cette affection que j’éprouve pour quelques équipes, j’ose le dire, me cause des déceptions fortes quand elles sont vaincues. Au point parfois de m’avoir empêché de dormir tellement il m’arrivait de revivre les instants où le destin sportif avait tourné et où mon favori avait perdu après avoir tenu longtemps. J’ai conscience du caractère un peu puéril de ces états d’âme mais je n’ai jamais tourné en dérision des événements et des compétitions au prétexte que les intellectuels s’en moquaient ou les méprisaient.

J’ai eu envie d’écrire ce billet quand je me suis rendu compte que pour les équipes de France j’avais un enthousiasme intermittent. Que j’étais chauvin pour telle et neutre pour telle autre. Je n’ai jamais eu honte, selon les périodes, d’être partisan absolu de l’équipe de France de foot en 1958, de celle de rugby depuis que Fabien Galthié et de formidables joueurs ont su la remettre en état de marche et de victoires. Mais, attention, le Coupe du monde à venir n’est pas encore, de loin pas, dans le camp français !

Songeant au parcours exceptionnel de nos Bleus du ballon ovale, et l’espérant victorieux, j’ai comparé avec mon allégresse relative face à l’équipe de France de foot. Bien sûr, je suis heureux quand elle l’emporte mais j’ose dire qu’il y a un climat général, des touches de vulgarité, du narcissisme ici ou là, de l’arrogance, un manque de simplicité, une attitude tristounette (comme s’ils étaient au SMIC), un engagement citoyen parfois discutable de certains, qui ne font pas de moi un épris absolu de ce groupe d’hommes talentueux certes mais, je le ressens comme cela, pas infiniment sympathiques. Avec en plus un sélectionneur, Didier Deschamps, bon technicien mais spécialiste en banalités – et dire que VSD l’a un jour qualifié de génie !

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En revanche, je me découvre totalement inconditionnel de notre prodige Léon Marchand et de l’équipe de France de natation, avec Maxime Grousset et quelques autres (L’Equipe). Il faudrait que je réfléchisse davantage à cette adhésion sans réserve pour ces sportifs de haut niveau qui n’ont pas de tenue que dans l’eau. J’adore ces talents, voire ces génies de la coulée individuelle mais qui, la course accomplie, se replongent avec modestie dans le collectif. Applaudis, ils applaudissent ensuite leurs compagnons.

Il y a probablement, derrière ces contrastes qui m’habitent, le fait que dans certaines équipes je porte particulièrement au pinacle l’un de ses membres, Antoine Dupont ou Léon Marchand alors que, si Kylian Mbappé est prodigieux balle au pied, je ne suis pas, depuis quelque temps, forcément convaincu par toutes les facettes de sa personnalité et son implication dans la vie sociale et médiatique. Ce n’est pas une perception objective mais celle d’une subjectivité qui a évolué un peu, moins vite que lui sur le terrain !

Il est donc clair que les sportifs en chambre comme moi n’ont nulle obligation d’être chauvins (qu’on m’épargne l’opprobre lexical sur ce terme ! ) à plein temps et pour tout ce que le pavillon sportif national recouvre. Ils ont le choix, ils aiment qui ils veulent et leur humeur a le droit d’être allègre, inconditionnelle ou réservée, c’est selon.

Ils sont libres.

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Lizzo accusée par trois femmes de couleur de harcèlement et de discrimination

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Lizzo en concert, Rod Laver Arena, Melbourne, Australie 17 juillet 2023 Richard Nicholson/Shutterstock/SIPA shutterstock41085568_000004

La chanteuse américaine dont le succès repose, non seulement sur ses qualités d’artiste, mais aussi sur sa dénonciation de la grossophobie et sa promotion de la « body positivity », vient d’être accusée de ce qu’elle condamne chez les autres. Elle a bien sûr droit à la présomption d’innocence, mais ces accusations doivent mettre mal à l’aise les idéologues qui prétendent qu’il faut toujours croire les victimes quand ces dernières sont femmes et non-blanches.


La planète wokiste est en pleine ébullition depuis quelques jours. Ses militants éveillés aux micro-agressions qui émaneraient de la société occidentale qu’ils jugent comme structurellement phallocrate, raciste, homophobe, transphobe et grossophobe, se réveillent complètement sonnés par ce qui vient de se passer : une de leurs égéries est mise sur le banc des accusés où se trouvent généralement des mâles blancs de plus 50 ans.

Pourtant, l’accusée a le profil de la victime idéale dans le monde des minorités se vivant comme constamment discriminées : elle est obèse et noire et elle est mondialement connue. Mais voilà, derrière le rôle de victime auto-proclamée peut se cacher un bourreau bien épais. On a donc appris que Lizzo, cette pop star américaine récompensée d’un Grammy Award cette année, devançant Queen B et la chanteuse britannique Adèle, est accusée par trois de ses anciennes danseuses de ce qu’elle n’a eu de cesse de dénoncer et de combattre.  Harcèlement sexuel, discrimination religieuse et raciale, grossophobie, et plusieurs autres faits d’agression, tels sont les chefs d’accusation retenus à l’encontre de la star. Si ces accusations s’avèrent fondées, ce sera le comble pour celle qui a fait de sa corpulence XXXL et de sa couleur de peau sa marque de fabrique.

Je twerke, donc je suis

Car Lizzo est certes célèbre pour ses chansons pop mais aussi pour ses vidéos tapageuses sur les réseaux sociaux où on la voit quasi nue, exhiber fièrement ses bourrelets en twerkant en bikini, ou poser vêtue d’un minuscule string laissant dévoiler son énorme derrière alors qu’elle montait à bord d’un jet privé…. de vrais moments de grâce ! Dans d’autres vidéos, elle se montre en peignoir de bain après sa douche et s’auto-proclame « norme de beauté ». Et c’est précisément l’exhibitionnisme de sa chair débordante, cette « fat pride », qui a plu aux « fat activists », ces militants de la graisse qui revendiquent l’utilisation du mot « gras » pour dénoncer la grossophobie qui serait structurellement ancrée dans la société blanche occidentale.

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C’est ainsi que Lizzo est devenue l’une de leurs ambassadrices. Aubrey Gordon, une influenceuse connue sous le pseudonyme de Your Fat Friend et qui se définit comme une « autrice, femme blanche grosse et queer et fat activist », a fait de Lizzo une des figures de proue du mouvement pro graisse et une icône de la lutte intersectionnelle, se référant à elle plusieurs fois dans ses prises de position comme dans son dernier bestseller destiné à évangéliser les consciences à la grossophobie : « You Just Need to Lose Weight » and 19 Other Myths About Fat People (« Vous n’avez qu’à perdre du poids » et 19 autres mythes au sujet des gros, Beacon Press, 2023).

Mais voilà, les accusations récentes suggèrent que les bourrelets ne seraient pas si acceptés que ça par la pop star ! Ses danseuses, également noires et clairement en surpoids, l’accusent entre autres d’avoir fait des remarques déplacées sur leur prise de poids. Voilà que Lizzo, obèse et fière de l’être, serait grossophobe ? Est-ce la célébrité qui lui a retourné le cerveau ? Peut-être… Mais ses fans diront sans doute pour l’excuser qu’elle a dû intérioriser les normes de la société blanche, patriarcale, raciste et grossophobe qu’elle est censée déconstruire.

Mince-ophobie

En tout cas cet épisode pourrait être de nature à torpiller le manichéisme teinté de moralisme primaire selon lequel les gros sont de gentilles victimes et les minces de méchants bourreaux. Cette vision binaire, affligeante de bêtise, est d’ailleurs au cœur de l’essai d’Olivier Bardolle, Éloge de la graisse, dans lequel il explique ni plus ni moins que les minces sont des néofascistes narcissiques, obsédés par leur image et le contrôle, et que les gros sont des victimes vulnérables, ouverts sur le monde, lucides, hypersensibles, et bien entendu hyper-altruistes. 

Le cas de Lizzo suggère exactement le contraire : qu’on peut faire partie de ces minorités dites victimisées et être un gros bourreau machiavélique.

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Quant aux accusations d’harcèlement sexuel, si elles s’avèrent vraies, cela jette un pavé de discrédit dans la marre du mouvement #Metoo, puisqu’elles prouvent bien que le statut de victime n’est pas ancré génétiquement dans un sexe, que ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on est victime par nature, que des femmes peuvent également harceler d’autres femmes et que la sororité n’est pas un bouclier anti-vice. Idem pour le mouvement #BLM (black lives matter) qui laisse toujours penser que les Afro-américains sont victimes de racisme uniquement de la part de « rednecks » pro-Trump, prêts à se lancer à l’assaut du Capitole une deuxième fois. Si Lizzo a fait preuve de racisme envers ses sœurs de couleur, cela démontre que le racisme n’a pas de couleur de peau. Bienvenu dans la réalité complexe du comportement humain.

Il reste que Lizzo sera bien contente de pouvoir se réclamer du principe de la présomption d’innocence que certaines néoféministes misandres en France souhaitent abolir.

Espérons que cette polémique fera prendre conscience des écueils de ce qui pourrait s’appeler, si on tente un néologisme, « le grossisme », cette idéologie qui conçoit la grossophobie, non pas comme un comportement individuel, mais comme un mal structurel propre à la société occidentale.