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Censurer au nom du bien

Entretien avec Eric Naulleau.


Censurer au nom du bien
Eric Naulleau. © SYSPEO/SIPA

En traitant de « fachos » ceux qui ne pensent pas comme eux, les bien-pensants légitiment la marginalisation des intellos réfractaires au progressisme. Un totalitarisme idéologique que dénonce Éric Naulleau.


Causeur. Vos prises de position vous pénalisent-elles dans votre carrière ?

Éric Naulleau. Mon dernier livre consacré à Sandrine Rousseau est un bon exemple pour vous répondre. La Faute à Rousseau n’a pas obtenu un mot, une ligne, serait-ce pour le critiquer vertement, dans un média de gauche ; aucune invitation sur une chaîne publique, hormis Léa Salamé – dans une émission où j’étais invité pour commenter l’actualité. Il y a une omerta contre les gens de gauche antiwokistes, cela vous vaut marginalisation, ostracisme et la mort sans phrase. Il est ainsi hors de question que j’anime ou que je participe comme chroniqueur à une émission sur le service public, j’ai même perdu mes deux émissions sur Paris Première. Il y a une répartition des intellectuels : si vous êtes dans le bon camp, celui des wokistes, tout va bien pour vous, si vous ne l’êtes pas, c’est le bannissement. Heureusement qu’il n’y a pas de goulag !

Peut-on parler d’un « nouvel esprit français » ?

C’est nouveau et pas nouveau. C’est du sectarisme et du totalitarisme idéologique, mais la gauche en a été coutumière par le passé. Il fut un temps où il était très mal vu d’être un intello anticommuniste. Remplacez anticommuniste par antiwokiste et vous avez aujourd’hui à peu près la même situation.

De nos jours, il existe cependant de nombreux médias où des voix « dissidentes » peuvent s’exprimer.

Certes. Mais ma conception du débat c’est qu’il doit être porté dans tous les médias. Or, M. Mélenchon, par exemple, pose comme seule condition à sa participation à certaines émissions que je sois absent du plateau. Je n’ai jamais subi cela de la part d’une personnalité de droite. Il y a une censure qui ne dit pas son nom.

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Cette censure peut-elle aller plus loin encore ?

Oui, car ceux que j’appelle les antiwokistes sont désignés par les wokistes comme des « fachos ». Et on ne peut donner la parole à un fasciste.

Ça peut donc aller plus loin avec une interdiction quasi officielle : la liberté d’expression a une limite, le fascisme, or un antiwokiste est un fasciste.

Cette simplification extrême des idées et du débat révèle la baisse du niveau général. Il est plus pratique et confortable de n’avoir que des gentils et des méchants.

Le triomphe du wokisme dans le milieu médiatico-intellectuel ne peut s’expliquer que par la baisse du niveau intellectuel général. Le wokisme ne peut pas être discuté, il est devenu une sorte de religion. Là encore, c’est comme le communisme. Ceux qui entraient en communisme entraient dans une sorte d’Église avec un clergé, des grands prêtres, des articles de foi, etc. Et l’on entre en wokisme comme en religion, il y a les grandes prêtresses… et ça ne passe plus par l’entendement et le débat intellectuel. D’ailleurs, quand Sandrine Rousseau dit préférer les jeteuses de sorts aux ingénieurs de l’EPR, elle résume tout : son idéologie est basée sur l’irrationnel. Faire de la sorcière la figure du féminisme nous plonge en pleine magie noire ! Et ça ne peut que marcher ainsi car, dès que vous débattez un peu, leurs arguments s’effondrent. C’est exactement la même chose avec cet autre symbole du progressisme que sont les transsexuels : impossible d’en débattre parce que c’est « transphobe ». Il faut éliminer du débat tout échange intellectuel pour en rester à des arguments d’autorité.

Éric Naulleau, La Faute à Rousseau, Léo Scheer, 2023.

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Été 2023 – Causeur #114

Article extrait du Magazine Causeur




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Journaliste. Dernière publication "Vivre en ville" (Les éditions du Cerf, 2023)

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