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Israël boycotté à l’Eurovision: on connait la chanson

Si Israël pourra bien participer au concours à Vienne en mai prochain, l’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Slovénie ont annoncé qu’ils n’iront pas en Autriche.


L’Europe est une vieille dame épuisée qui croit qu’en levant le petit doigt elle va sauver le monde. Elle a trop vécu, trop bu, trop sermonné, alors elle cherche une cause légère, un geste propre. Cette année, ce sera le concours de l’Eurovision puisque des artistes israéliens s’y produiront. L’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Slovénie ont donc sorti le boycott comme un exorciste son crucifix. On a chassé les fantômes et on s’est cru héroïque. Dans cette affaire, la France, pour une fois, mais avec d’autres, a évité de se ridiculiser.

Le « plus jamais ça » est devenu, pour certains, un abonnement illimité à la bonne conscience. Ça évite de regarder le réel, ça donne même un petit frisson de vertu. Ce vieux continent aux « penchants criminels », comme dit Milner, n’aime pas son propre reflet. Alors il repeint la glace et s’offre une innocence de pacotille.
L’Espagne, d’ailleurs, devrait se souvenir que la « limpieza de sangre » n’est pas née dans les labos du IIIe Reich mais chez ses propres Inquisiteurs, et qu’elle s’est taillée un empire en évangélisant tout un continent à coup de canons, de lances, de haches et de feu… Venir, avec un tel passé, donner des leçons de comportement n’est pas très sérieux.

A relire: Eurovision, la douce revanche d’Israël

Derrière toute cette mise en scène, il y a l’ombre d’Edward Saïd. Pas le vrai – trop complexe – mais sa version low-cost qui découpe le monde en deux couleurs ; les colonisés, d’un côté, les colonisateurs, de l’autre. Une grille simple, pratique, qui permet à l’Occident de se sentir innocent sans faire beaucoup d’efforts. La nuance est fatigante, l’alibi tellement plus reposant.

On ressort donc le mot « colonialisme » par réflexe, pour éviter de regarder les responsabilités d’aujourd’hui. Cette éthique de surface finit toujours de la même manière. Ceux qui tirent se retrouvent exonérés, ceux qui se protègent deviennent suspects. Le boycott d’une émission de divertissement n’est pas une politique, c’est un petit rituel de purification emballé dans du courage de poche. Ça fait du bien à celui qui le pose, le boycotteur. Ça ne change rien à la réalité sur le terrain, et cette posture hypocrite ne fait pas avancer la paix d’un millimètre. Eh oui, s’il suffisait de changer de chaîne pour arrêter une guerre séculaire, ça se saurait.
On assiste peut-être ici à la victoire posthume de l’auteur de L’orientalisme dans sa version sloganisée. Une victoire triste, celle d’une pensée amputée, répétée sans la comprendre, devenue simple décor pour ceux qui préfèrent la pureté imaginaire à la lucidité.

La vraie morale, pourtant, n’est pas un miroir où l’on se regarde devenir vertueux. C’est une promesse, une charge qui demande d’avoir les yeux ouverts, même quand ça fait mal. Cette morale-là ne consiste pas à agir pour se donner bonne conscience, mais pour faire l’Histoire. On se trompe rarement en observant de quel côté l’Europe – du moins, une certaine Europe – se range.

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La novlangue est devenue la nôtre…


Dans une page très éclairante du Journal du Dimanche du 7 décembre 2025, François Bousquet et Pascal Meynadier ont décrypté les mots de 1984, le chef-d’œuvre de George Orwell.

L’antiphrase, « l’art souverain de dire l’inverse de ce qui est ». Le ministère de la Vérité, grâce auquel la vérité devient « une appellation contrôlée ». « On ne falsifie pas, on rectifie… on ne surveille pas, on labellise. »

La doublepensée, qui offre l’avantage de « croire deux choses incompatibles ». L’ennemi, car « le totalitarisme, pour fonctionner, doit disposer d’un visage à brûler »… Une sorte de « front républicain » et de « cordon sanitaire » avant l’heure, la franchise en plus ?

Les deux minutes de la haine, « un défouloir supervisé où la haine devient service public et sévices publics ». L’Assemblée nationale ?

Big Brother, « le culte de la personnalité fonctionne encore mieux quand la personnalité n’existe pas… »

Le télécran : « l’objet domestique de la tyrannie ».

La Police de la Pensée, elle traque le « crimepensée », « seule infraction qu’on peut commettre en dormant ou sans s’en rendre compte ».

La salle 101, « la destruction méthodique de chacun grâce à la connaissance de la peur ultime de chacun… ».

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Chacun de ces mots, chacun de ces pièges, de ces étouffements, chacune de ces tyrannies masquées et de ces tortures mériterait une analyse approfondie, tant ils résonnent tous, fortement, avec notre monde et notre actualité.

Mais j’ai gardé précieusement le mot capital qui me paraît anticiper tragiquement l’état de notre société, le niveau de notre réflexion collective, la pauvreté de notre langage et la faiblesse de notre pensée. Ce mot, c’est « la novlangue ». « Son objectif est simple : réduire le vocabulaire pour réduire la pensée. » Abaisser l’exigence de la pensée et de la vie de l’esprit pour n’avoir plus besoin de la moindre richesse de la langue. Façonner l’idée et le mot de telle manière que l’une et l’autre n’aient plus d’autre ressource que de devenir outrance, insulte, caricature et, pire, mensonge.

La novlangue est présente : elle n’est plus une menace, mais une réalité. Écoutons Sébastien Delogu crachant sur la police et vantant Assa Traoré, « sa petite sœur ». Écoutons les mille vulgarités odieuses ou grossières qui se justifient parce qu’elles sont proférées par des gens sans expression ni fond.

Regardons, à rebours, comment un Jean-Luc Mélenchon a été si délicatement traité devant la commission, parce qu’il l’impressionnait par une culture et un verbe pourtant totalement déconnectés du moindre souci de vérité, mais jamais mis à mal.

La novlangue est présente : on nomme mal et le monde se défait. Les derniers résistants parlent une belle langue et ont une pensée juste dans le désert.

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Bravo Brigitte!

Dans des propos qui n’étaient pas destinés à devenir publics, Brigitte Macron qualifie de « sales connes » des militantes féministes qui ont interrompu un spectacle d’Ary Abittan…


Samedi, des agitées du féminisme dévoyé ont cru malin de troubler le spectacle de l’acteur Ary Abittan, aux Folies Bergères. J’emploie le mot agitées et non pas celui de militantes, car il est des cas, nombreux quand même, où le militantisme mérite respect et considération. Ce n’est évidemment pas le cas ici. De même, pour l’expression « féminisme dévoyé », car ce qui anime ces aboyeuses hystériques n’est pas tant la valorisation et l’épanouissement de la femme que la castration du mâle.

Elles étaient quatre, courageusement cachées sous des masques à l’effigie de l’acteur. Elles braillaient « Abittan violeur ! » Or, il se trouve que notre homme, qui de fait eut à répondre d’une telle accusation devant la justice, a été purement et simplement innocenté, en première instance comme en appel. Mais pour l’Inquisition nouveau genre et ces bergères en folie, gardiennes du troupeau des brebis rousseauistes (Sandrine, pas Jean-Jacques), cela – l’innocence dûment reconnue – ne compte pas plus qu’un pet d’agneau d’un jour, la justice n’étant selon elle que le dernier refuge du patriarcat le plus borné. Donc lavé de toute culpabilité ou non par les tribunaux, le mâle est coupable, forcément coupable, comme aurait dit Duras. À cet égard, un message posté par une autre engagée-enragée dit clairement le niveau de bêtise qu’on atteint ces temps-ci : « Un non-lieu n’efface pas la parole d’une femme. » En d’autres termes, l’accusation fondée ou non d’une femme vaut jugement définitif et doit être considérée comme l’étalon or de la vérité. Splendide.

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Le jour suivant, dimanche, Brigitte Macron, notre Première Dame, a tenu à assister au spectacle de Ary Abittan. Et, avant le lever du rideau, elle a souhaité le rencontrer en coulisses pour lui manifester son soutien. Elle n’y est pas allée par quatre chemins et n’a pas mâché ses mots. L’acteur lui confiant son appréhension de devoir essuyer une nouvelle agression, elle eut cette formule définitive, cette claque expédiée à la figure des excitées : « S’il y a des sales connes on va les foutre dehors. » Alors, là, bravo Madame ! Bravo Brigitte ! Que cela fait du bien d’entendre appeler chat un chat et des connes des connes ! Beaucoup de bien, vraiment. Cela libère !

Là-dessus la pseudo actrice Judith Godrèche, qui n’a plus guère que ce registre-là pour croire exister encore, a considéré opportun d’apporter ses encouragements aux tapageuses masquées : « Moi aussi, je suis une sale conne », a-t-elle revendiqué. Bon, on s’en doutait bien un peu. Merci à elle tout de même de nous apporter cette confirmation très officielle.

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Zack, nouveau gourou écolo

Au Royaume-Uni, l’ancien charlatan Zack Polanski est devenu en peu de temps la personnalité politique de gauche préférée hors Parti travailliste. Faisons connaissance avec l’alter ego britannique de Sandrine Rousseau


En France, on a Sandrine Rousseau, l’impayable députée écolo, pour qui « le monde crève de trop de rationalité » et qui était à deux doigts d’être investie par son parti aux dernières présidentielles. En Amérique, ils ont Zohran Mamdani, le nouveau maire démocrate de New York (également soutenu par le mouvement environnementaliste Sunrise), qui déclarait il y a encore deux ans que « lorsque la botte de la police de New York vous serre le cou, c’est sous l’influence de l’armée israélienne ».

Les Britanniques, eux, ont Zack Polanski, le nouveau président du Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles, élu à son poste début septembre. C’est en un temps record que cet ancien libéral-démocrate est devenu une star de la politique. Grâce à des déclarations baroques, il ne cesse de faire le buzz sur les réseaux sociaux. Car Polanski ne se contente pas de vouloir classiquement taxer les riches et d’accuser Israël de génocide. Il propose aussi de légaliser toutes les drogues, de sortir de l’OTAN et d’accorder l’indépendance au Pays de Galles (à rebours de l’intitulé même de sa formation1). Résultat, selon le dernier sondage de l’institut YouGov, sa cote de sympathie s’est envolée à 12 %, ce qui fait de lui la personnalité de la gauche non travailliste préférée du pays. Et dire que le quadragénaire a fait mille métiers avant d’arriver à la célébrité : barman, physionomiste de boîte de nuit, acteur, et même hypnothérapeute ! Mais attention, dans le genre escroc. En 2013, Polanski se vantait dans les colonnes du journal à scandale The Sun d’être capable, grâce à ses pouvoirs de suggestion mentale, d’augmenter la taille de la poitrine de ses clientes ! Cette archive gênante n’a pas manqué de refaire surface et l’intéressé a présenté ses excuses. Non pour avoir été un sacré charlatan, mais parce qu’il a glorifié le volume mammaire des femmes, soit le plus abject des sexismes aux yeux de ses nouveaux amis verts.

Pour clore la polémique, Polanski a cité Tony Benn, la figure tutélaire de l’aile gauche du Parti travailliste (le « bennisme ») : « Je me fiche d’où tu viens. Ce qui compte, c’est où tu vas. »


  1. Leader du « Green Party of England and Wales » NDLR ↩︎

La drogue, poésie noire de notre renoncement

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Charles Rojzman est très pessimiste quant à l’issue de la guerre de la France contre le « narcotrafic ».


Les faits divers du matin se ressemblent : un adolescent abattu devant son immeuble, une mère frappée par une balle perdue, une rafale tirée sur un simple hall d’entrée devenu frontière de clans. Les autorités parlent d’« opérations », de « mobilisation », de « lutte contre les réseaux ». On évoque même une « guerre contre le narcotrafic ». Mais quelle guerre, quand l’ennemi se multiplie plus vite qu’on ne l’arrête, quand chaque point de deal détruit ressemble à un membre coupé qui repousse aussitôt ? Les politiciens répètent que la solution viendra à long terme, comme on récite une prière dont on ne croit plus un mot.

Nouvelle France

En vérité, la maîtrise leur échappe. Le trafic n’est plus seulement un crime : c’est un pouvoir parallèle, une souveraineté nocturne qui, chaque semaine, mord un peu plus profondément dans le pays. Chaque tir, chaque corps au sol rappelle la même évidence : ce qui circule dans les veines de la France n’est plus du sang, mais une résignation corrosive — l’annonce d’une chute qu’on n’ose pas nommer.

La France est entrée dans une saison d’opium : un temps mourant où les villes, le soir venu, respirent comme un organisme intoxiqué. On croit encore à l’idée d’incivilités, maigre paravent de mots qu’agite une société qui n’ose plus se regarder dans la glace. En vérité, ce ne sont pas des débordements : ce sont les secousses d’un corps qui se défait, les spasmes d’une nation qui ne sait plus quel souffle la traverse.

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La drogue n’est pas une ombre jetée sur la France : elle est son miroir, une eau noire où se reflète l’effondrement intérieur. Elle relie les barres d’immeubles aux avenues bourgeoises, les caves humides aux appartements feutrés où l’on sniffe en murmurant des phrases progressistes. Les trafics ne font que respecter la géographie morale du pays : partout des fissures, partout des veines ouvertes, partout cette attente d’une délivrance chimique qui tienne lieu de destin.

On ne sait plus ce que c’est qu’habiter un monde. Alors on s’endort dans les vapeurs du cannabis, on s’éveille dans l’éclair blanc de la cocaïne, on traverse la journée avec des pilules qui tiennent lieu de credo. Une génération entière vit sous perfusion d’oubli, et l’on voudrait croire qu’il s’agit d’un phénomène marginal. Non : c’est le nouvel ornement du siècle, l’aura toxique d’une civilisation qui n’a plus que cela à offrir — l’abrutissement comme consolation.

Vacarme sourd

Nos dirigeants eux aussi, avancent dans ce brouillard. On les voit, ces visages polis par les caméras, trembler parfois sous l’effort de la maîtrise. Ils parlent d’ordre, de sécurité, d’avenir ; mais leurs voix, à peine audibles sous les projecteurs, portent la fatigue d’une époque où l’on gouverne à la place du sens disparu. Eux aussi parfois cherchent refuge : dans la poudre, dans les psychotropes légaux, dans les illusions diplomatiques. Le pouvoir n’est plus vertical : il est vacillant, pareil à un funambule ivre qui avance au-dessus du vide.

La France, jadis figure de clarté, se déplace aujourd’hui dans une lumière trouble. Elle ne croit plus en la transcendance, ni en l’histoire, ni en la continuité ; elle s’est réfugiée dans l’instant, comme ces malades qui n’attendent plus rien du lendemain. La drogue n’est pas un produit : c’est une liturgie substitutive, la religion liquide d’un peuple qui a perdu sa mémoire.

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Et tout ce qui n’est pas chimique devient idéologique. On se convainc de progrès tandis que l’on glisse. On proclame la solidarité en évitant soigneusement la vérité. On vit dans un vacarme moral pour couvrir la rumeur sourde de la défaite. Les villes, la nuit, en portent la trace : odeur d’essence brûlée, pas pressés d’adolescents sans horizon, voitures qui flambent comme des cierges funéraires, sirènes perdues dans la profondeur des cités.

La France ne meurt pas : elle se nie. Elle se dissout dans un mélange de culpabilité, d’anomie, de jouissance triste. Elle se tient debout encore, à peine, telle une figure de roman russe, cherchant dans la douleur une noblesse qu’elle n’a plus le courage de conquérir.

La drogue n’est pas notre ennemie. Elle est la poésie noire de notre renoncement.

Et tandis que les dirigeants se débattent dans l’ombre, que la jeunesse se consume dans l’éclat bref des paradis chimiques, que les intellectuels anesthésient la catastrophe sous des discours usés, la France avance vers son propre crépuscule, lentement, magnifiquement, tragiquement — comme une cathédrale sans fidèles, où l’encens seul subsiste, tournoyant dans l’air vide.

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Le RN fout le bordel

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La pénalisation des clients ayant aggravé la situation des prostituées, le député Jean-Philippe Tanguy prépare un projet de loi pour rouvrir les maisons closes. Une excellente idée.


Le Rassemblement national veut rouvrir les maisons closes. Une idée qui affole le braillomètre et enrage les ligues de vertu féministe ne peut pas être mauvaise. Cette proposition de Jean-Philippe Tanguy de créer des bordels sans proxénètes, gérés par des femmes (pourquoi pas des hommes) qui décident librement de se prostituer est excellente d’un point de vue pragmatique et philosophique.

Touche pas à ma pute !

La loi de 2016 interdit de recourir aux services d’une prostituée mais autorise le racolage – comme si des boulangers avaient le droit de vendre du pain, mais qu’il était tout à fait interdit d’en acheter ! Comme l’observe Tanguy, elle n’a pas fait disparaître la prostitution. On trouve en outre sur internet de quoi satisfaire tous les fantasmes. Mais, en la plongeant dans l’illégalité, la loi a rendu les prostituées plus précaires. Cette activité doit donc être encadrée. La maison close apparait comme la solution la plus sûre, la plus digne, et la plus rationnelle économiquement (c’est une mise en commun de moyens, comme des avocats ou des médecins le font).

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Mais en légiférant, on légitime, répliquera-t-on. Et on contredit l’objectif abolitionniste affiché par la France. Tant mieux. Cet objectif est ridicule, liberticide, paternaliste et lesté de puritanisme bourgeois. C’est une « fausse vertu, un faux humanisme qui déshumanise les prostituées », dit Tanguy qui en a croisé quelques-unes en faisant des maraudes dans sa jeunesse.

Arrêtons de mentir

Numéro 7 de « Causeur », novembre 2013.

Si la prostitution a existé sous tous les cieux et régimes, y compris quand on embastillait les « femmes de mauvaise vie », c’est qu’elle répond à une demande sociale. La prostitution a sauvé le mariage et la famille bourgeois et engendré des personnages inoubliables de putains magnifiques dans la littérature ou le cinéma, Nana chez Zola, Esther chez Balzac, Belle de jour avec Deneuve chez Buñuel… Ce n’est pas la prostitution qu’il faut combattre mais l’exploitation.

Non seulement les lois anti-prostitution ne parviennent pas à la supprimer, mais l’objectif de l’abolition est parfaitement illibéral. Au nom de quoi interdirait-on à des femmes de se prostituer ? Elles sont aliénées, me dit-on, mais quand t’es amoureuse à l’œil aussi. Personne ne peut décider pour l’autre ce qu’est être libre (c’est d’ailleurs pour cela que je ne veux pas restreindre le voile islamique au nom de la liberté des femmes, mais au nom de ma liberté de ne pas voir ce symbole d’inégalité).

A ne pas manquer: Causeur #140: Il était une foi en France

Certaines femmes considèrent que leur corps est un temple qu’on ne peut pénétrer qu’après en avoir fait huit fois le tour et signé un contrat, d’autres trouvent naturel de monnayer des actes sexuels, c’est leur droit à chacune. La prostitution fait peur, parce qu’elle concerne le désir, la sexualité, les tourments de l’âme humaine. Dès lors qu’il n’y a pas de violence, ce n’est ni à la société ni à l’État de décider dans quelles conditions des adultes libres s’adonnent au stupre et à la fornication. (En bon français, mêlez-vous de vos fesses).

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Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, avec Patrick Roger

Liste noire: la gauche lyncheuse se poutinise

Après s’être attaqué à Pascal Praud, Complément d’enquête charge l’entrepreneur Bernard Arnault. Alors qu’il est en tête dans plusieurs sondages d’intention de vote, une plainte est déposée contre Jordan Bardella pour son « média training ».


La gauche lyncheuse a complété sa liste noire. Vincent Bolloré, Pierre-Edouard Stérin, Bernard Arnault, sont parmi les nouveaux proscrits. Ainsi font les Amis de la Terreur.

Les épurateurs détestent ceux qui ont fait fortune, qui leur tiennent tête, pensent mal, écoutent le peuple, lui donnent la parole. Tout cela fait du monde.

A lire aussi, Didier Desrimais: L’immigration, la science et les gardiens du temple médiatique

Parmi les journalistes, Pascal Praud a été promu pestiféré No 1, y compris dans une vidéo accusatrice de l’Élysée du 1er décembre. Ce week-end, le Nouvel Obs a fait sa couverture sur la star de CNews (« Profession propagandiste ») accusée d’« orchestrer la montée de l’extrême droite ». Le 21 novembre, Libération avait ouvert le tir à vue en titrant finement sur la « Praudpagande ». Jeudi, France 2 démolissait pour sa part, dans Cash Investigation, l’entrepreneur Bernard Arnault, patron de LVMH. Le même soir, l’extrême gauche tentait violemment de perturber La Nuit du Bien Commun, aux Folies Bergères : une œuvre caritative lancée initialement par le milliardaire catholique Pierre-Edouard Stérin.

Plus généralement, la « bollosphère », force médiatique construite par Vincent Bolloré, est désormais l’unique obsession du pouvoir et de sa presse labellisée. Celle-ci ne se résout pas à sa marginalisation par le numérique et les médias alternatifs, audiovisuels et écrits. Parmi eux, le magazine Frontières, dont le dernier numéro a révélé que le député LFI Raphaël Arnault, fiché S, a été définitivement condamné (quatre mois de prison avec sursis) pour « violences volontaires en réunion ». Parallèlement, Jordan Bardella, en tête dans les sondages pour la présidentielle, vient d’être visé opportunément par une plainte de l’association AC Corruption auprès du Parquet national financier, pour « favoritisme » et « détournement de fonds publics ». Bref, le progressisme en sursis a remobilisé ses sicaires.

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Les censeurs et les coupeurs de têtes n’ont qu’un ennemi en ligne de mire : le « populisme ». Il peut être aussi bien politique que scientifique, télévisuel, religieux, artistique, littéraire, etc. En fait, le populisme est là où l’opinion autorisée n’a plus prise. Autant dire que ce retour au bon sens est partout. La gauche, mélenchoniste et macronienne, est submergée par ce qu’elle appelle les « réactionnaires ». Mais ces dissidents ne sont autres que les Français excédés et réactifs. Longtemps bernés, ils récusent les certitudes et les mensonges de ceux qui prétendent les guider et les informer.

Les assauts contre la liberté d’expression sont menés par un pouvoir qui ne sait convaincre qu’avec le matraquage de sa police de la pensée. La poutinisation de la gauche a atteint Emmanuel Macron dans ses tentatives de contrôle de la parole sur l’internet (dont X, à travers ses algorithmes) et les chaînes privées. La haine que déversent les « humanistes » contre Praud et ses succès d’audience dévoile leurs intolérances. Pour avoir choisi de quitter son émission (L’heure des pros) il y a près de quatre ans sur un désaccord personnel, je reconnais d’autant plus volontiers, derrière le one-man-show de l’acteur, la justesse et l’efficacité de sa récente radicalisation face à un système en sursis qui lui-même se raidit, mais se noie.

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Venezuela: une crise américaine, un sujet français

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Alors que le ministre français des Affaires étrangères s’inquiète des opérations américaines contre le narcotrafic au large du Venezuela, il est nécessaire de regarder la situation sans naïveté ni œillères idéologiques. Le Venezuela, miné par les cartels, déstabilise toute la région… jusqu’à la Guyane française.


C’est l’un des navires les plus modernes au monde. L’USS Gerald R. Ford, 340 m de long, 100 000 tonnes, 4 000 marins, une escadre aérienne complète d’environ 70 appareils, tout cela pour un prix avoisinant les 13 milliards de dollars. Il a quitté la Méditerranée il y a quelques jours. Depuis la semaine dernière, il mouille dans les Caraïbes, à quelques centaines de kilomètres du Venezuela, puissance pétrolière devenue narco-État corrompu. Dans sa ligne de mire : le régime de Nicolás Maduro, bête noire de Donald Trump. Devant cette montée des tensions, la réaction de la France, puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité… et puissance régionale, était attendue.

On oublie trop souvent que la Guyane, ce sont 84 000 km² de territoire français en Amérique du Sud, l’équivalent du Portugal ou de l’Autriche. Le 12 novembre, au G7 diplomatique au Canada, Jean-Noël Barrot a condamné fermement la stratégie américaine, estimant que ces opérations «s’affranchissaient du droit international».

On connaît l’anti-trumpisme du Quai d’Orsay, mais la réaction à tout de même de quoi surprendre. Car en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, la France est en première ligne face au narco-État vénézuélien. Les routes maritimes et aériennes en provenance de Caracas structurent un trafic devenu un défi sécuritaire majeur. En 2024, les saisies de cocaïne ont bondi de plus de 30 % en Guyane, et de 180% en Martinique et en Guadeloupe. Et si les « narcos » vénézuéliens n’en sont pas les seuls responsables, leurs réseaux alimentent une violence hors-normes dans ces territoires, où le taux d’homicide est sept fois supérieur à celui de la métropole.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles

On peut débattre de la légalité des frappes américaines visant les embarcations chargées de drogue au large du Venezuela. Mais les faits sont connus : la criminalité a explosé parallèlement à l’effondrement économique du pays. Les cartels ont trouvé dans le chaos vénézuélien un terrain idéal où prospérer, corrompant police, armée et responsables politiques.

Les accusations de connivence entre autorités vénézuéliennes et narcotrafiquants ne sont pas infondées. Les États-Unis, dont la population forme le principal marché de la drogue, ont des raisons d’être mécontents, ne serait-ce que de l’inefficacité des mesures déployées par Caracas pour lutter contre les narcotrafiquants.

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Dans ce contexte, il n’est pas illégitime qu’un État cherche des moyens pour se protéger de cette menace criminelle transnationale. Les frappes américaines relèvent de cette logique défensive. Selon Reuters, l’armée américaine a déjà détruit quatorze embarcations, tuant leurs occupants. Ces éliminations sommaires, sans jugement, posent la question de leur fondement juridique. Des experts du United Nations Human Rights Council les ont ainsi qualifiées d’«exécutions extrajudiciaires». S’il faut tenir compte de cette opinion, il faut aussi faire remarquer que ces frappes restent limitées

et précisément ciblées. Elles relèvent de mesures exceptionnelles, non d’une attaque contre la souveraineté vénézuélienne.

Un élément trop peu commenté tend à le confirmer : non seulement les forces armées et la police du Venezuela n’ont jamais été ciblées par les Américains, mais elles ne cherchent pas à protéger les embarcations visées. C’est pourquoi les pays latino-américains se sont contentés de protestations de façade. Tous savent que le Venezuela est devenu un narco-État dont les trafics empoisonnent le continent.

L’administration Trump use d’un ton abrupt, mais sa stratégie reste coercitive et calibrée. Rien qui ne ressemble à une invasion en préparation. Nous sommes loin des interventions à Grenade, Panama ou au Nicaragua qu’a pu opérer dans le passé « Oncle Sam ».

Regarder la situation avec lucidité

La France doit tenir compte de cette réalité. Le Venezuela n’est pas seulement un théâtre de confrontation entre Washington et Caracas : il s’agit d’un État effondré dont les réseaux criminels frappent notre propre territoire. Avant de condamner les États-Unis, il faut peser les responsabilités de chacun, les risques régionaux, et le coût humain de l’impuissance vénézuélienne.

L’Amérique latine n’a ni besoin d’un affrontement idéologique supplémentaire ni même de postures diplomatiques «de principe». Elle a besoin d’un réalisme froid : reconnaître les causes profondes de la crise et, surtout, oser affronter un narcotrafic qui dépasse très largement les frontières du continent. On sait depuis Thomas Hobbes que la principale justification à l’existence des États est la sécurité qu’ils apportent aux individus. Qu’ils soient américains ou européens, les États ne peuvent donc pas perdre ce combat.

Françoise par Caroline

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Tous les lundis à 21 heures, Caroline Loeb est Françoise Sagan au Théâtre de Poche Montparnasse sur une mise en scène d’Alex Lutz avec la collaboration de Sophie Barjac. L’intelligence sans fard, la drôlerie frivole, la profondeur non pesante, la malice de la romancière éclatent sur la scène dans une interprétation virtuose. « Françoise par Sagan » est un cadeau de Noël.


D’abord, il y a le mimétisme. Presque la copie conforme. Le trouble est délicieux. La même démarche, les sautillements, puis les recroquevillements, la manière de porter sa cigarette, de traverser la scène comme si elle voulait éviter les danseurs fatigués sur la piste de chez Castel. Les pauses aussi dans le noir, de profil, dans un demi-silence, est-ce un chat noir des boulevard ou Juliette Gréco sortie des caves de Saint-Germain ? Sphynx des « fifties », parfum de Normandie, herbes folles et roulette de casino, petit matin pluvieux et amitiés fécondes, Sagan est bien là, devant nos yeux. Son incarnation. Sa poursuite. Difficile de faire la différence. Dès les premiers instants, on voit danser cette cavalcade qui a surgi dans le paysage littéraire après le Prix des Critiques en 1954. Elle secoua si fort l’édition que cette vieille maîtresse acariâtre ne s’en est toujours pas remise. Son onde oscille encore. Il ne s’agit pas d’une imitation qui serait grotesque et déplacée, il s’agit plutôt d’une survivance de la mémoire. Entre nous, dans l’intimité du théâtre où le faux et le vrai perdent la raison, on visite un monument de la littérature. Une idole d’un métier aujourd’hui disparu. On voyage avec elle, dans ses mots (le texte de la pièce est tiré des entretiens de « Je ne renie rien »).

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Tout est là, en place, les gestes naturels, l’impression très agréable de passer une soirée dans le feutré d’un bar d’hôtel, d’échanger des confidences avec l’enfant chérie des librairies, de comprendre sa mécanique, de se frotter à cette montagne. Sagan n’est pas un charmant petit monstre, elle est une montagne de volonté, un monstre de travail. Un bulldozer qui ne sue pas. On est aux anges car la chorégraphie s’anime. Le côté fluet de ballerine, bourgeoise propédeutique, fille de famille espiègle et taiseuse s’agite et puis, le côté terrien, cette franchise et cette absence de jugement dans ses propos, nous terrassent par son intelligence si peu commune. Françoise était une fille du Lot, elle déroute par son honnêteté. Contrairement aux spécimens menteurs de son espèce, elle n’esquive pas. Frontale. Elle assume tout, ses dévers et ses succès. Ses excès de vitesse et ses addictions. Elle ne se victimise jamais, elle a trop d’honneur. Elle ne quémande rien. On est saisi par cette silhouette d’un autre temps, de mise modeste, qui bientôt va laisser éclater son brio. Un brio non trafiqué pour épater la galerie, un brio de naissance, d’essence pure. Caroline Loeb, magistrale, jamais caricaturale, fluide et décidée, avance dans l’épure. Parfois, elle se déchausse ; parfois elle nous tourne le dos. L’arabesque est souple. Les ruptures de lumière l’habillent. Les coutures de la mise en scène disparaissent. Elle fait corps avec son personnage et nous avec cette figure. Rarement, j’ai entendu une telle qualité d’écoute dans une salle parisienne un lundi de décembre ; ce soir-là, même les tousseurs et les marmonneurs se sont tus. Par respect. Sagan ou Loeb, on ne sait plus très bien, nous obligent à une certaine vérité. Après, le corps, la voix si reconnaissable, si identifiable, surtout dans ses accélérations finales, se glisse dans la nuit d’hiver. Caroline Loeb se dédouble.

Il y avait chez Françoise Sagan, une rythmique propre à La Fontaine, c’était finalement une moraliste endiablée, elle avait le bonheur enfantin de construire des phrases, de surprendre son auditoire et de feindre l’indifférence avec un clin d’œil. Elle ne jetait pas les mots à la va-vite, elle en mesurait l’écho, elle s’en amusait, se délectait même de leur impertinence et pourtant, elle ne voulait pas tricher. Là, réside sa supériorité intellectuelle. Comme un bon joueur de poker, elle masquait ses coups, mariait les paradoxes, et nous mettait à terre par une fulgurance. Elle dégainait des maximes sans l’air d’y toucher. La morale de ses anecdotes, de ses souvenirs, de ses turpitudes est purificatrice dans notre époque vermoulue. Caroline Loeb nous transmet cette vivacité d’esprit-là.

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Michel Bouquet avait des doutes sur l’art d’enseigner la comédie, il disait seulement à ses élèves, de ne pas trahir le texte. Rien que le texte. Caroline Loeb nous donne la pulpe du texte. Elle évoque l’enfance, l’argent, l’amour, la mort, la sexualité, le théâtre, l’amitié, la nature, la solitude et l’écriture. Entre nous, sur l’écriture, on dit beaucoup de choses banales et gonflées, la banalité était étrangère à Sagan.

La gauche Diafoirus

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« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 


Fièvres pourprées avec transports au cerveau, lassitudes par tous les membres, voile islamiste devant les yeux, narcotrafic pour tous, parlement hystérique et impuissant, 3500 milliards de dette publique et l’Europe-citadelle sans remparts prise d’assaut, au sud, à l’est, à l’ouest, qui fait la Cosette… Contrairement à ceux d’Argan, les maux de Marianne ne sont pas imaginaires.

Le camp du bien qui depuis des générations se complait dans l’empyrée des bons sentiments et le rousseauisme lacrymal est rattrapé par le réel, désemparé. Un malheur n’arrive jamais seul : l’Arcom donne raison à CNews, l’Institut Thomas More prouve que Radio France est woke. Le gauchisme d’atmosphère exaspère, l’audience baisse. Mauvaise passe ? Comment noyer le poison ? Pour les benêts de la crèche progressiste, tout est simple. Diabolus ex machina, l’extrême droite menace le monde ; contre ce fléau, il existe un remède miracle, les impôts. Rabâchée ad nauseam la double imposture devient vérité.

« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 

A Moscou, Pékin, rue d’Ulm, au Flore, éclairé, éclectique, l’intellectuel progressiste n’a jamais manqué d’idoles : Marat, Fouquier-Tinville, Hegel, Marx, Lénine, Staline, Trotski, Castro, Mao, Khomeiny, Maduro, le Hamas… A la grande époque, les esprits supérieurs, déployaient et repliaient dans le jargon, le futur radieux, la surhistoire de la logique du concept, la fonction ligaturante de la praxis et du goulag. Un seul maître vous manque, et tout est dépeuplé.

Ramollie par la chute du mur de Berlin et l’écroulement des humanités, la gauche a abandonné les farces et attrapes de la dialectique négative pour se reconvertir dans des Bourdieuseries de Prisunic, l’indignation en rose et noir, la moraline. Elle recycle ses anchois avariés en produits exotiques : guerre des genres, des sexes, lutte des races, L’Éthique à Nikoumouk. L’objectif reste l’abolition des frontières, la libanisation, le communautarisme, la destruction de l’Etat, de la nation, jouir sans entraves, l’émancipation, la rééducation. Pas de liberté pour les amis de la liberté. Sandrine Rousseau déconstruit les hommes, Ian Brossat veut interdire Le Figaro Magazine, Emmanuel Macron souhaite labelliser les médias. Il faut fendre la presse.

L’extrême droite, dont le centre est partout et la circonférence nulle part, est une lotion magique, dangereuse, insaisissable, indispensable, qui fait dresser les cheveux sur la tête. « Facho » : le mot magique qui disqualifie l’adversaire et dispense de réfléchir. Autour d’un noyau maléfique, la « fachosphère » – intensité neuf sur l’échelle de « Reichter » – gravite une infinité de droites et tangentes fascistoïdes : réac, passéiste, dure, Bolloréeuse, Causeuresque, demi-molle, ultra-conservatrice, libertarienne, illibérale, crypto-ante-néo-libérale, populiste…

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Hitler, Jordan Bardella, Marine Le Pen, le mamba noir, Gargamel, Vincent Bolloré, Pierre-Édouard Stérin, Dracula, Philippe de Villiers, Néron, la vipère du Gabon, Alain Delon, Michel Sardou, Boualem Sansal, Jeanne d’Arc, Hergé, le capitaine Haddock, Louis XIV, Brigitte Bardot, Méphisto, Bruno Retailleau, Adolfo Ramirez, Olrik, Spectre, Éric Zemmour, Zeus, Zorglub, sont d’extrême droite.

Tout le monde a été, est, ou sera d’extrême droite. Elle est partout… Elle défend les frontières, les principes, la famille, l’Académie française, la Marseillaise, le latin, la laïcité, les crèches de Noël, le travail, le mérite, la morale, les Chrétiens d’Orient, la culture, les traditions, le nauséabond qui nous rappelle les heures les plus sombres… Les « Grosses Têtes » progressistes, silentiaires de France Inter, inquisiteurs, dénonciateurs démonologues, Patrick Cohen, Thomas Legrand, Thomas Piketty et les oies du Capital, « font ce qu’il faut », excommunient, pourchassent les mal-pensants, vipères lubriques, hyènes dactylographes de CNews.

Plus le camp du bien s’angoisse, alerte, dénonce, plus les malfaisants prospèrent. Le peuple a compris la tartufferie des guérilleros de Télérama, Francs-Tireurs et Partisans du Festival de Cannes, sous contrat Lancôme. Les « sans dents » ne votent plus à gauche. Les promesses démago, paranoïas ubuesques, prophéties auto-réalisatrices, nourrissent l’incrédulité, le désespoir, les fanatismes.

Le Grand-Guignol antifasciste, l’hystérie de convenance, tiennent lieu de programme et de ciment aux gauches éparpillées, décérébrées. Les pompiers incendiaires, crieurs patentés aux loups d’extrême droite, instrumentalisent l’histoire et la douleur des dizaines de millions de victimes du totalitarisme. Les procès en sorcellerie insultent la mémoire de nos aïeux qui ont souffert dans leur chair, l’oppression, la violence, les barbaries, fasciste, communiste, nazie. Comment sortir de la nasse ?

« Des impôts, des impôts, plus d’impôts, vous dis-je ! »

Égrotante, déprimée, Marianne cherche désespéramment un médecin compétent et conventionné. Confrontés aux déficits abyssaux, une croissance atone, un chômage structurel, la désindustrialisation, certains praticiens, un prix Nobel d’économie (Jean Tirole), le Président de la BPI (Nicolas Dufourcq), suggèrent d’alléger le fardeau de la dette, de réduire le train de vie de l’Etat, de remettre la comptabilité au carré, des potages légers, une cure de vitamines C pour encourager l’esprit d’entreprise, pour retrouver des marges de manœuvres et échapper à la cessation des paiements. Rien n’y fait.

« Ignorantus, ignoranta, Ignorantum.Il faut boire votre vin pur, et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner » (Toinette, Le Malade imaginaire). Thomas Diafoisrus Piketty, Gabriel Zucman Purgon, les stakhanovistes des RTT, tous les connétables du déclin, à la barre depuis 1981, ont un programme unique, inique : planter des impôts pour récolter des fonctionnaires et réciproquement ; une obsession, trancher ce qui dépasse, saigner, purger et tondre les entrepreneurs. Pour soigner le foie, la rate, le chômage, les déficits, l’insécurité, une solution : la taille, la gabelle, la capitation, la CVAE, CFE, CSG, CRDS, IFI, des impôts vous dis-je ! A venir, une Contribution des Hauts Patrimoines et l’impôt sur les os.

« Vous avez là aussi un œil droit que je me ferais crever, si j’étais à votre place ; Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt: vous en verrez plus clair de l’œil gauche » (Le Malade imaginaire).

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Israël boycotté à l’Eurovision: on connait la chanson

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Des manifestants appelent au boycott de l'Eurovision devant le siège de la télévision publique à Dublin, Irlande, 1er novembre 2025 © Annabelle Hamil/ZUMA/SIPA

Si Israël pourra bien participer au concours à Vienne en mai prochain, l’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Slovénie ont annoncé qu’ils n’iront pas en Autriche.


L’Europe est une vieille dame épuisée qui croit qu’en levant le petit doigt elle va sauver le monde. Elle a trop vécu, trop bu, trop sermonné, alors elle cherche une cause légère, un geste propre. Cette année, ce sera le concours de l’Eurovision puisque des artistes israéliens s’y produiront. L’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Slovénie ont donc sorti le boycott comme un exorciste son crucifix. On a chassé les fantômes et on s’est cru héroïque. Dans cette affaire, la France, pour une fois, mais avec d’autres, a évité de se ridiculiser.

Le « plus jamais ça » est devenu, pour certains, un abonnement illimité à la bonne conscience. Ça évite de regarder le réel, ça donne même un petit frisson de vertu. Ce vieux continent aux « penchants criminels », comme dit Milner, n’aime pas son propre reflet. Alors il repeint la glace et s’offre une innocence de pacotille.
L’Espagne, d’ailleurs, devrait se souvenir que la « limpieza de sangre » n’est pas née dans les labos du IIIe Reich mais chez ses propres Inquisiteurs, et qu’elle s’est taillée un empire en évangélisant tout un continent à coup de canons, de lances, de haches et de feu… Venir, avec un tel passé, donner des leçons de comportement n’est pas très sérieux.

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Derrière toute cette mise en scène, il y a l’ombre d’Edward Saïd. Pas le vrai – trop complexe – mais sa version low-cost qui découpe le monde en deux couleurs ; les colonisés, d’un côté, les colonisateurs, de l’autre. Une grille simple, pratique, qui permet à l’Occident de se sentir innocent sans faire beaucoup d’efforts. La nuance est fatigante, l’alibi tellement plus reposant.

On ressort donc le mot « colonialisme » par réflexe, pour éviter de regarder les responsabilités d’aujourd’hui. Cette éthique de surface finit toujours de la même manière. Ceux qui tirent se retrouvent exonérés, ceux qui se protègent deviennent suspects. Le boycott d’une émission de divertissement n’est pas une politique, c’est un petit rituel de purification emballé dans du courage de poche. Ça fait du bien à celui qui le pose, le boycotteur. Ça ne change rien à la réalité sur le terrain, et cette posture hypocrite ne fait pas avancer la paix d’un millimètre. Eh oui, s’il suffisait de changer de chaîne pour arrêter une guerre séculaire, ça se saurait.
On assiste peut-être ici à la victoire posthume de l’auteur de L’orientalisme dans sa version sloganisée. Une victoire triste, celle d’une pensée amputée, répétée sans la comprendre, devenue simple décor pour ceux qui préfèrent la pureté imaginaire à la lucidité.

La vraie morale, pourtant, n’est pas un miroir où l’on se regarde devenir vertueux. C’est une promesse, une charge qui demande d’avoir les yeux ouverts, même quand ça fait mal. Cette morale-là ne consiste pas à agir pour se donner bonne conscience, mais pour faire l’Histoire. On se trompe rarement en observant de quel côté l’Europe – du moins, une certaine Europe – se range.

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La novlangue est devenue la nôtre…

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L'écrivain britannique George Orwell (1903-1950). DR.

Dans une page très éclairante du Journal du Dimanche du 7 décembre 2025, François Bousquet et Pascal Meynadier ont décrypté les mots de 1984, le chef-d’œuvre de George Orwell.

L’antiphrase, « l’art souverain de dire l’inverse de ce qui est ». Le ministère de la Vérité, grâce auquel la vérité devient « une appellation contrôlée ». « On ne falsifie pas, on rectifie… on ne surveille pas, on labellise. »

La doublepensée, qui offre l’avantage de « croire deux choses incompatibles ». L’ennemi, car « le totalitarisme, pour fonctionner, doit disposer d’un visage à brûler »… Une sorte de « front républicain » et de « cordon sanitaire » avant l’heure, la franchise en plus ?

Les deux minutes de la haine, « un défouloir supervisé où la haine devient service public et sévices publics ». L’Assemblée nationale ?

Big Brother, « le culte de la personnalité fonctionne encore mieux quand la personnalité n’existe pas… »

Le télécran : « l’objet domestique de la tyrannie ».

La Police de la Pensée, elle traque le « crimepensée », « seule infraction qu’on peut commettre en dormant ou sans s’en rendre compte ».

La salle 101, « la destruction méthodique de chacun grâce à la connaissance de la peur ultime de chacun… ».

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Chacun de ces mots, chacun de ces pièges, de ces étouffements, chacune de ces tyrannies masquées et de ces tortures mériterait une analyse approfondie, tant ils résonnent tous, fortement, avec notre monde et notre actualité.

Mais j’ai gardé précieusement le mot capital qui me paraît anticiper tragiquement l’état de notre société, le niveau de notre réflexion collective, la pauvreté de notre langage et la faiblesse de notre pensée. Ce mot, c’est « la novlangue ». « Son objectif est simple : réduire le vocabulaire pour réduire la pensée. » Abaisser l’exigence de la pensée et de la vie de l’esprit pour n’avoir plus besoin de la moindre richesse de la langue. Façonner l’idée et le mot de telle manière que l’une et l’autre n’aient plus d’autre ressource que de devenir outrance, insulte, caricature et, pire, mensonge.

La novlangue est présente : elle n’est plus une menace, mais une réalité. Écoutons Sébastien Delogu crachant sur la police et vantant Assa Traoré, « sa petite sœur ». Écoutons les mille vulgarités odieuses ou grossières qui se justifient parce qu’elles sont proférées par des gens sans expression ni fond.

Regardons, à rebours, comment un Jean-Luc Mélenchon a été si délicatement traité devant la commission, parce qu’il l’impressionnait par une culture et un verbe pourtant totalement déconnectés du moindre souci de vérité, mais jamais mis à mal.

La novlangue est présente : on nomme mal et le monde se défait. Les derniers résistants parlent une belle langue et ont une pensée juste dans le désert.

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Bravo Brigitte!

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Entre Brigitte Macron et les féministes, la guerre est déclarée © Eliot Blondet-Pool/SIPA

Dans des propos qui n’étaient pas destinés à devenir publics, Brigitte Macron qualifie de « sales connes » des militantes féministes qui ont interrompu un spectacle d’Ary Abittan…


Samedi, des agitées du féminisme dévoyé ont cru malin de troubler le spectacle de l’acteur Ary Abittan, aux Folies Bergères. J’emploie le mot agitées et non pas celui de militantes, car il est des cas, nombreux quand même, où le militantisme mérite respect et considération. Ce n’est évidemment pas le cas ici. De même, pour l’expression « féminisme dévoyé », car ce qui anime ces aboyeuses hystériques n’est pas tant la valorisation et l’épanouissement de la femme que la castration du mâle.

Elles étaient quatre, courageusement cachées sous des masques à l’effigie de l’acteur. Elles braillaient « Abittan violeur ! » Or, il se trouve que notre homme, qui de fait eut à répondre d’une telle accusation devant la justice, a été purement et simplement innocenté, en première instance comme en appel. Mais pour l’Inquisition nouveau genre et ces bergères en folie, gardiennes du troupeau des brebis rousseauistes (Sandrine, pas Jean-Jacques), cela – l’innocence dûment reconnue – ne compte pas plus qu’un pet d’agneau d’un jour, la justice n’étant selon elle que le dernier refuge du patriarcat le plus borné. Donc lavé de toute culpabilité ou non par les tribunaux, le mâle est coupable, forcément coupable, comme aurait dit Duras. À cet égard, un message posté par une autre engagée-enragée dit clairement le niveau de bêtise qu’on atteint ces temps-ci : « Un non-lieu n’efface pas la parole d’une femme. » En d’autres termes, l’accusation fondée ou non d’une femme vaut jugement définitif et doit être considérée comme l’étalon or de la vérité. Splendide.

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Le jour suivant, dimanche, Brigitte Macron, notre Première Dame, a tenu à assister au spectacle de Ary Abittan. Et, avant le lever du rideau, elle a souhaité le rencontrer en coulisses pour lui manifester son soutien. Elle n’y est pas allée par quatre chemins et n’a pas mâché ses mots. L’acteur lui confiant son appréhension de devoir essuyer une nouvelle agression, elle eut cette formule définitive, cette claque expédiée à la figure des excitées : « S’il y a des sales connes on va les foutre dehors. » Alors, là, bravo Madame ! Bravo Brigitte ! Que cela fait du bien d’entendre appeler chat un chat et des connes des connes ! Beaucoup de bien, vraiment. Cela libère !

Là-dessus la pseudo actrice Judith Godrèche, qui n’a plus guère que ce registre-là pour croire exister encore, a considéré opportun d’apporter ses encouragements aux tapageuses masquées : « Moi aussi, je suis une sale conne », a-t-elle revendiqué. Bon, on s’en doutait bien un peu. Merci à elle tout de même de nous apporter cette confirmation très officielle.

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Zack, nouveau gourou écolo

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DR.

Au Royaume-Uni, l’ancien charlatan Zack Polanski est devenu en peu de temps la personnalité politique de gauche préférée hors Parti travailliste. Faisons connaissance avec l’alter ego britannique de Sandrine Rousseau


En France, on a Sandrine Rousseau, l’impayable députée écolo, pour qui « le monde crève de trop de rationalité » et qui était à deux doigts d’être investie par son parti aux dernières présidentielles. En Amérique, ils ont Zohran Mamdani, le nouveau maire démocrate de New York (également soutenu par le mouvement environnementaliste Sunrise), qui déclarait il y a encore deux ans que « lorsque la botte de la police de New York vous serre le cou, c’est sous l’influence de l’armée israélienne ».

Les Britanniques, eux, ont Zack Polanski, le nouveau président du Parti vert d’Angleterre et du Pays de Galles, élu à son poste début septembre. C’est en un temps record que cet ancien libéral-démocrate est devenu une star de la politique. Grâce à des déclarations baroques, il ne cesse de faire le buzz sur les réseaux sociaux. Car Polanski ne se contente pas de vouloir classiquement taxer les riches et d’accuser Israël de génocide. Il propose aussi de légaliser toutes les drogues, de sortir de l’OTAN et d’accorder l’indépendance au Pays de Galles (à rebours de l’intitulé même de sa formation1). Résultat, selon le dernier sondage de l’institut YouGov, sa cote de sympathie s’est envolée à 12 %, ce qui fait de lui la personnalité de la gauche non travailliste préférée du pays. Et dire que le quadragénaire a fait mille métiers avant d’arriver à la célébrité : barman, physionomiste de boîte de nuit, acteur, et même hypnothérapeute ! Mais attention, dans le genre escroc. En 2013, Polanski se vantait dans les colonnes du journal à scandale The Sun d’être capable, grâce à ses pouvoirs de suggestion mentale, d’augmenter la taille de la poitrine de ses clientes ! Cette archive gênante n’a pas manqué de refaire surface et l’intéressé a présenté ses excuses. Non pour avoir été un sacré charlatan, mais parce qu’il a glorifié le volume mammaire des femmes, soit le plus abject des sexismes aux yeux de ses nouveaux amis verts.

Pour clore la polémique, Polanski a cité Tony Benn, la figure tutélaire de l’aile gauche du Parti travailliste (le « bennisme ») : « Je me fiche d’où tu viens. Ce qui compte, c’est où tu vas. »


  1. Leader du « Green Party of England and Wales » NDLR ↩︎

La drogue, poésie noire de notre renoncement

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Cité Bel Horizon, Marseille, novembre 2025 © Frederic MUNSCH/SIPA

Charles Rojzman est très pessimiste quant à l’issue de la guerre de la France contre le « narcotrafic ».


Les faits divers du matin se ressemblent : un adolescent abattu devant son immeuble, une mère frappée par une balle perdue, une rafale tirée sur un simple hall d’entrée devenu frontière de clans. Les autorités parlent d’« opérations », de « mobilisation », de « lutte contre les réseaux ». On évoque même une « guerre contre le narcotrafic ». Mais quelle guerre, quand l’ennemi se multiplie plus vite qu’on ne l’arrête, quand chaque point de deal détruit ressemble à un membre coupé qui repousse aussitôt ? Les politiciens répètent que la solution viendra à long terme, comme on récite une prière dont on ne croit plus un mot.

Nouvelle France

En vérité, la maîtrise leur échappe. Le trafic n’est plus seulement un crime : c’est un pouvoir parallèle, une souveraineté nocturne qui, chaque semaine, mord un peu plus profondément dans le pays. Chaque tir, chaque corps au sol rappelle la même évidence : ce qui circule dans les veines de la France n’est plus du sang, mais une résignation corrosive — l’annonce d’une chute qu’on n’ose pas nommer.

La France est entrée dans une saison d’opium : un temps mourant où les villes, le soir venu, respirent comme un organisme intoxiqué. On croit encore à l’idée d’incivilités, maigre paravent de mots qu’agite une société qui n’ose plus se regarder dans la glace. En vérité, ce ne sont pas des débordements : ce sont les secousses d’un corps qui se défait, les spasmes d’une nation qui ne sait plus quel souffle la traverse.

A lire aussi, Olivier Dartigolles: Trafic de drogue: faut-il punir les consommateurs?

La drogue n’est pas une ombre jetée sur la France : elle est son miroir, une eau noire où se reflète l’effondrement intérieur. Elle relie les barres d’immeubles aux avenues bourgeoises, les caves humides aux appartements feutrés où l’on sniffe en murmurant des phrases progressistes. Les trafics ne font que respecter la géographie morale du pays : partout des fissures, partout des veines ouvertes, partout cette attente d’une délivrance chimique qui tienne lieu de destin.

On ne sait plus ce que c’est qu’habiter un monde. Alors on s’endort dans les vapeurs du cannabis, on s’éveille dans l’éclair blanc de la cocaïne, on traverse la journée avec des pilules qui tiennent lieu de credo. Une génération entière vit sous perfusion d’oubli, et l’on voudrait croire qu’il s’agit d’un phénomène marginal. Non : c’est le nouvel ornement du siècle, l’aura toxique d’une civilisation qui n’a plus que cela à offrir — l’abrutissement comme consolation.

Vacarme sourd

Nos dirigeants eux aussi, avancent dans ce brouillard. On les voit, ces visages polis par les caméras, trembler parfois sous l’effort de la maîtrise. Ils parlent d’ordre, de sécurité, d’avenir ; mais leurs voix, à peine audibles sous les projecteurs, portent la fatigue d’une époque où l’on gouverne à la place du sens disparu. Eux aussi parfois cherchent refuge : dans la poudre, dans les psychotropes légaux, dans les illusions diplomatiques. Le pouvoir n’est plus vertical : il est vacillant, pareil à un funambule ivre qui avance au-dessus du vide.

La France, jadis figure de clarté, se déplace aujourd’hui dans une lumière trouble. Elle ne croit plus en la transcendance, ni en l’histoire, ni en la continuité ; elle s’est réfugiée dans l’instant, comme ces malades qui n’attendent plus rien du lendemain. La drogue n’est pas un produit : c’est une liturgie substitutive, la religion liquide d’un peuple qui a perdu sa mémoire.

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Et tout ce qui n’est pas chimique devient idéologique. On se convainc de progrès tandis que l’on glisse. On proclame la solidarité en évitant soigneusement la vérité. On vit dans un vacarme moral pour couvrir la rumeur sourde de la défaite. Les villes, la nuit, en portent la trace : odeur d’essence brûlée, pas pressés d’adolescents sans horizon, voitures qui flambent comme des cierges funéraires, sirènes perdues dans la profondeur des cités.

La France ne meurt pas : elle se nie. Elle se dissout dans un mélange de culpabilité, d’anomie, de jouissance triste. Elle se tient debout encore, à peine, telle une figure de roman russe, cherchant dans la douleur une noblesse qu’elle n’a plus le courage de conquérir.

La drogue n’est pas notre ennemie. Elle est la poésie noire de notre renoncement.

Et tandis que les dirigeants se débattent dans l’ombre, que la jeunesse se consume dans l’éclat bref des paradis chimiques, que les intellectuels anesthésient la catastrophe sous des discours usés, la France avance vers son propre crépuscule, lentement, magnifiquement, tragiquement — comme une cathédrale sans fidèles, où l’encens seul subsiste, tournoyant dans l’air vide.

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Le RN fout le bordel

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Le député RN Jean-Philippe Tanguy, 3 novembre © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

La pénalisation des clients ayant aggravé la situation des prostituées, le député Jean-Philippe Tanguy prépare un projet de loi pour rouvrir les maisons closes. Une excellente idée.


Le Rassemblement national veut rouvrir les maisons closes. Une idée qui affole le braillomètre et enrage les ligues de vertu féministe ne peut pas être mauvaise. Cette proposition de Jean-Philippe Tanguy de créer des bordels sans proxénètes, gérés par des femmes (pourquoi pas des hommes) qui décident librement de se prostituer est excellente d’un point de vue pragmatique et philosophique.

Touche pas à ma pute !

La loi de 2016 interdit de recourir aux services d’une prostituée mais autorise le racolage – comme si des boulangers avaient le droit de vendre du pain, mais qu’il était tout à fait interdit d’en acheter ! Comme l’observe Tanguy, elle n’a pas fait disparaître la prostitution. On trouve en outre sur internet de quoi satisfaire tous les fantasmes. Mais, en la plongeant dans l’illégalité, la loi a rendu les prostituées plus précaires. Cette activité doit donc être encadrée. La maison close apparait comme la solution la plus sûre, la plus digne, et la plus rationnelle économiquement (c’est une mise en commun de moyens, comme des avocats ou des médecins le font).

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Mais en légiférant, on légitime, répliquera-t-on. Et on contredit l’objectif abolitionniste affiché par la France. Tant mieux. Cet objectif est ridicule, liberticide, paternaliste et lesté de puritanisme bourgeois. C’est une « fausse vertu, un faux humanisme qui déshumanise les prostituées », dit Tanguy qui en a croisé quelques-unes en faisant des maraudes dans sa jeunesse.

Arrêtons de mentir

Numéro 7 de « Causeur », novembre 2013.

Si la prostitution a existé sous tous les cieux et régimes, y compris quand on embastillait les « femmes de mauvaise vie », c’est qu’elle répond à une demande sociale. La prostitution a sauvé le mariage et la famille bourgeois et engendré des personnages inoubliables de putains magnifiques dans la littérature ou le cinéma, Nana chez Zola, Esther chez Balzac, Belle de jour avec Deneuve chez Buñuel… Ce n’est pas la prostitution qu’il faut combattre mais l’exploitation.

Non seulement les lois anti-prostitution ne parviennent pas à la supprimer, mais l’objectif de l’abolition est parfaitement illibéral. Au nom de quoi interdirait-on à des femmes de se prostituer ? Elles sont aliénées, me dit-on, mais quand t’es amoureuse à l’œil aussi. Personne ne peut décider pour l’autre ce qu’est être libre (c’est d’ailleurs pour cela que je ne veux pas restreindre le voile islamique au nom de la liberté des femmes, mais au nom de ma liberté de ne pas voir ce symbole d’inégalité).

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Certaines femmes considèrent que leur corps est un temple qu’on ne peut pénétrer qu’après en avoir fait huit fois le tour et signé un contrat, d’autres trouvent naturel de monnayer des actes sexuels, c’est leur droit à chacune. La prostitution fait peur, parce qu’elle concerne le désir, la sexualité, les tourments de l’âme humaine. Dès lors qu’il n’y a pas de violence, ce n’est ni à la société ni à l’État de décider dans quelles conditions des adultes libres s’adonnent au stupre et à la fornication. (En bon français, mêlez-vous de vos fesses).

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Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, avec Patrick Roger

Liste noire: la gauche lyncheuse se poutinise

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Affichage de rue de l'extrème gauche contre Pierre-Edouard Stérin, Paris, décembre 2025. DR.

Après s’être attaqué à Pascal Praud, Complément d’enquête charge l’entrepreneur Bernard Arnault. Alors qu’il est en tête dans plusieurs sondages d’intention de vote, une plainte est déposée contre Jordan Bardella pour son « média training ».


La gauche lyncheuse a complété sa liste noire. Vincent Bolloré, Pierre-Edouard Stérin, Bernard Arnault, sont parmi les nouveaux proscrits. Ainsi font les Amis de la Terreur.

Les épurateurs détestent ceux qui ont fait fortune, qui leur tiennent tête, pensent mal, écoutent le peuple, lui donnent la parole. Tout cela fait du monde.

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Parmi les journalistes, Pascal Praud a été promu pestiféré No 1, y compris dans une vidéo accusatrice de l’Élysée du 1er décembre. Ce week-end, le Nouvel Obs a fait sa couverture sur la star de CNews (« Profession propagandiste ») accusée d’« orchestrer la montée de l’extrême droite ». Le 21 novembre, Libération avait ouvert le tir à vue en titrant finement sur la « Praudpagande ». Jeudi, France 2 démolissait pour sa part, dans Cash Investigation, l’entrepreneur Bernard Arnault, patron de LVMH. Le même soir, l’extrême gauche tentait violemment de perturber La Nuit du Bien Commun, aux Folies Bergères : une œuvre caritative lancée initialement par le milliardaire catholique Pierre-Edouard Stérin.

Plus généralement, la « bollosphère », force médiatique construite par Vincent Bolloré, est désormais l’unique obsession du pouvoir et de sa presse labellisée. Celle-ci ne se résout pas à sa marginalisation par le numérique et les médias alternatifs, audiovisuels et écrits. Parmi eux, le magazine Frontières, dont le dernier numéro a révélé que le député LFI Raphaël Arnault, fiché S, a été définitivement condamné (quatre mois de prison avec sursis) pour « violences volontaires en réunion ». Parallèlement, Jordan Bardella, en tête dans les sondages pour la présidentielle, vient d’être visé opportunément par une plainte de l’association AC Corruption auprès du Parquet national financier, pour « favoritisme » et « détournement de fonds publics ». Bref, le progressisme en sursis a remobilisé ses sicaires.

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Les censeurs et les coupeurs de têtes n’ont qu’un ennemi en ligne de mire : le « populisme ». Il peut être aussi bien politique que scientifique, télévisuel, religieux, artistique, littéraire, etc. En fait, le populisme est là où l’opinion autorisée n’a plus prise. Autant dire que ce retour au bon sens est partout. La gauche, mélenchoniste et macronienne, est submergée par ce qu’elle appelle les « réactionnaires ». Mais ces dissidents ne sont autres que les Français excédés et réactifs. Longtemps bernés, ils récusent les certitudes et les mensonges de ceux qui prétendent les guider et les informer.

Les assauts contre la liberté d’expression sont menés par un pouvoir qui ne sait convaincre qu’avec le matraquage de sa police de la pensée. La poutinisation de la gauche a atteint Emmanuel Macron dans ses tentatives de contrôle de la parole sur l’internet (dont X, à travers ses algorithmes) et les chaînes privées. La haine que déversent les « humanistes » contre Praud et ses succès d’audience dévoile leurs intolérances. Pour avoir choisi de quitter son émission (L’heure des pros) il y a près de quatre ans sur un désaccord personnel, je reconnais d’autant plus volontiers, derrière le one-man-show de l’acteur, la justesse et l’efficacité de sa récente radicalisation face à un système en sursis qui lui-même se raidit, mais se noie.

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Venezuela: une crise américaine, un sujet français

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Caracas, juin 2025 © Ariana Cubillos/AP/SIPA

Alors que le ministre français des Affaires étrangères s’inquiète des opérations américaines contre le narcotrafic au large du Venezuela, il est nécessaire de regarder la situation sans naïveté ni œillères idéologiques. Le Venezuela, miné par les cartels, déstabilise toute la région… jusqu’à la Guyane française.


C’est l’un des navires les plus modernes au monde. L’USS Gerald R. Ford, 340 m de long, 100 000 tonnes, 4 000 marins, une escadre aérienne complète d’environ 70 appareils, tout cela pour un prix avoisinant les 13 milliards de dollars. Il a quitté la Méditerranée il y a quelques jours. Depuis la semaine dernière, il mouille dans les Caraïbes, à quelques centaines de kilomètres du Venezuela, puissance pétrolière devenue narco-État corrompu. Dans sa ligne de mire : le régime de Nicolás Maduro, bête noire de Donald Trump. Devant cette montée des tensions, la réaction de la France, puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité… et puissance régionale, était attendue.

On oublie trop souvent que la Guyane, ce sont 84 000 km² de territoire français en Amérique du Sud, l’équivalent du Portugal ou de l’Autriche. Le 12 novembre, au G7 diplomatique au Canada, Jean-Noël Barrot a condamné fermement la stratégie américaine, estimant que ces opérations «s’affranchissaient du droit international».

On connaît l’anti-trumpisme du Quai d’Orsay, mais la réaction à tout de même de quoi surprendre. Car en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, la France est en première ligne face au narco-État vénézuélien. Les routes maritimes et aériennes en provenance de Caracas structurent un trafic devenu un défi sécuritaire majeur. En 2024, les saisies de cocaïne ont bondi de plus de 30 % en Guyane, et de 180% en Martinique et en Guadeloupe. Et si les « narcos » vénézuéliens n’en sont pas les seuls responsables, leurs réseaux alimentent une violence hors-normes dans ces territoires, où le taux d’homicide est sept fois supérieur à celui de la métropole.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles

On peut débattre de la légalité des frappes américaines visant les embarcations chargées de drogue au large du Venezuela. Mais les faits sont connus : la criminalité a explosé parallèlement à l’effondrement économique du pays. Les cartels ont trouvé dans le chaos vénézuélien un terrain idéal où prospérer, corrompant police, armée et responsables politiques.

Les accusations de connivence entre autorités vénézuéliennes et narcotrafiquants ne sont pas infondées. Les États-Unis, dont la population forme le principal marché de la drogue, ont des raisons d’être mécontents, ne serait-ce que de l’inefficacité des mesures déployées par Caracas pour lutter contre les narcotrafiquants.

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Dans ce contexte, il n’est pas illégitime qu’un État cherche des moyens pour se protéger de cette menace criminelle transnationale. Les frappes américaines relèvent de cette logique défensive. Selon Reuters, l’armée américaine a déjà détruit quatorze embarcations, tuant leurs occupants. Ces éliminations sommaires, sans jugement, posent la question de leur fondement juridique. Des experts du United Nations Human Rights Council les ont ainsi qualifiées d’«exécutions extrajudiciaires». S’il faut tenir compte de cette opinion, il faut aussi faire remarquer que ces frappes restent limitées

et précisément ciblées. Elles relèvent de mesures exceptionnelles, non d’une attaque contre la souveraineté vénézuélienne.

Un élément trop peu commenté tend à le confirmer : non seulement les forces armées et la police du Venezuela n’ont jamais été ciblées par les Américains, mais elles ne cherchent pas à protéger les embarcations visées. C’est pourquoi les pays latino-américains se sont contentés de protestations de façade. Tous savent que le Venezuela est devenu un narco-État dont les trafics empoisonnent le continent.

L’administration Trump use d’un ton abrupt, mais sa stratégie reste coercitive et calibrée. Rien qui ne ressemble à une invasion en préparation. Nous sommes loin des interventions à Grenade, Panama ou au Nicaragua qu’a pu opérer dans le passé « Oncle Sam ».

Regarder la situation avec lucidité

La France doit tenir compte de cette réalité. Le Venezuela n’est pas seulement un théâtre de confrontation entre Washington et Caracas : il s’agit d’un État effondré dont les réseaux criminels frappent notre propre territoire. Avant de condamner les États-Unis, il faut peser les responsabilités de chacun, les risques régionaux, et le coût humain de l’impuissance vénézuélienne.

L’Amérique latine n’a ni besoin d’un affrontement idéologique supplémentaire ni même de postures diplomatiques «de principe». Elle a besoin d’un réalisme froid : reconnaître les causes profondes de la crise et, surtout, oser affronter un narcotrafic qui dépasse très largement les frontières du continent. On sait depuis Thomas Hobbes que la principale justification à l’existence des États est la sécurité qu’ils apportent aux individus. Qu’ils soient américains ou européens, les États ne peuvent donc pas perdre ce combat.

Françoise par Caroline

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© Lioneel Blancafort

Tous les lundis à 21 heures, Caroline Loeb est Françoise Sagan au Théâtre de Poche Montparnasse sur une mise en scène d’Alex Lutz avec la collaboration de Sophie Barjac. L’intelligence sans fard, la drôlerie frivole, la profondeur non pesante, la malice de la romancière éclatent sur la scène dans une interprétation virtuose. « Françoise par Sagan » est un cadeau de Noël.


D’abord, il y a le mimétisme. Presque la copie conforme. Le trouble est délicieux. La même démarche, les sautillements, puis les recroquevillements, la manière de porter sa cigarette, de traverser la scène comme si elle voulait éviter les danseurs fatigués sur la piste de chez Castel. Les pauses aussi dans le noir, de profil, dans un demi-silence, est-ce un chat noir des boulevard ou Juliette Gréco sortie des caves de Saint-Germain ? Sphynx des « fifties », parfum de Normandie, herbes folles et roulette de casino, petit matin pluvieux et amitiés fécondes, Sagan est bien là, devant nos yeux. Son incarnation. Sa poursuite. Difficile de faire la différence. Dès les premiers instants, on voit danser cette cavalcade qui a surgi dans le paysage littéraire après le Prix des Critiques en 1954. Elle secoua si fort l’édition que cette vieille maîtresse acariâtre ne s’en est toujours pas remise. Son onde oscille encore. Il ne s’agit pas d’une imitation qui serait grotesque et déplacée, il s’agit plutôt d’une survivance de la mémoire. Entre nous, dans l’intimité du théâtre où le faux et le vrai perdent la raison, on visite un monument de la littérature. Une idole d’un métier aujourd’hui disparu. On voyage avec elle, dans ses mots (le texte de la pièce est tiré des entretiens de « Je ne renie rien »).

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Tout est là, en place, les gestes naturels, l’impression très agréable de passer une soirée dans le feutré d’un bar d’hôtel, d’échanger des confidences avec l’enfant chérie des librairies, de comprendre sa mécanique, de se frotter à cette montagne. Sagan n’est pas un charmant petit monstre, elle est une montagne de volonté, un monstre de travail. Un bulldozer qui ne sue pas. On est aux anges car la chorégraphie s’anime. Le côté fluet de ballerine, bourgeoise propédeutique, fille de famille espiègle et taiseuse s’agite et puis, le côté terrien, cette franchise et cette absence de jugement dans ses propos, nous terrassent par son intelligence si peu commune. Françoise était une fille du Lot, elle déroute par son honnêteté. Contrairement aux spécimens menteurs de son espèce, elle n’esquive pas. Frontale. Elle assume tout, ses dévers et ses succès. Ses excès de vitesse et ses addictions. Elle ne se victimise jamais, elle a trop d’honneur. Elle ne quémande rien. On est saisi par cette silhouette d’un autre temps, de mise modeste, qui bientôt va laisser éclater son brio. Un brio non trafiqué pour épater la galerie, un brio de naissance, d’essence pure. Caroline Loeb, magistrale, jamais caricaturale, fluide et décidée, avance dans l’épure. Parfois, elle se déchausse ; parfois elle nous tourne le dos. L’arabesque est souple. Les ruptures de lumière l’habillent. Les coutures de la mise en scène disparaissent. Elle fait corps avec son personnage et nous avec cette figure. Rarement, j’ai entendu une telle qualité d’écoute dans une salle parisienne un lundi de décembre ; ce soir-là, même les tousseurs et les marmonneurs se sont tus. Par respect. Sagan ou Loeb, on ne sait plus très bien, nous obligent à une certaine vérité. Après, le corps, la voix si reconnaissable, si identifiable, surtout dans ses accélérations finales, se glisse dans la nuit d’hiver. Caroline Loeb se dédouble.

Il y avait chez Françoise Sagan, une rythmique propre à La Fontaine, c’était finalement une moraliste endiablée, elle avait le bonheur enfantin de construire des phrases, de surprendre son auditoire et de feindre l’indifférence avec un clin d’œil. Elle ne jetait pas les mots à la va-vite, elle en mesurait l’écho, elle s’en amusait, se délectait même de leur impertinence et pourtant, elle ne voulait pas tricher. Là, réside sa supériorité intellectuelle. Comme un bon joueur de poker, elle masquait ses coups, mariait les paradoxes, et nous mettait à terre par une fulgurance. Elle dégainait des maximes sans l’air d’y toucher. La morale de ses anecdotes, de ses souvenirs, de ses turpitudes est purificatrice dans notre époque vermoulue. Caroline Loeb nous transmet cette vivacité d’esprit-là.

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Michel Bouquet avait des doutes sur l’art d’enseigner la comédie, il disait seulement à ses élèves, de ne pas trahir le texte. Rien que le texte. Caroline Loeb nous donne la pulpe du texte. Elle évoque l’enfance, l’argent, l’amour, la mort, la sexualité, le théâtre, l’amitié, la nature, la solitude et l’écriture. Entre nous, sur l’écriture, on dit beaucoup de choses banales et gonflées, la banalité était étrangère à Sagan.

La gauche Diafoirus

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Le communiste Ian Brossat, en train de défiler pour une bonne cause, Paris, avril 2025 © ISA HARSIN/SIPA

« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 


Fièvres pourprées avec transports au cerveau, lassitudes par tous les membres, voile islamiste devant les yeux, narcotrafic pour tous, parlement hystérique et impuissant, 3500 milliards de dette publique et l’Europe-citadelle sans remparts prise d’assaut, au sud, à l’est, à l’ouest, qui fait la Cosette… Contrairement à ceux d’Argan, les maux de Marianne ne sont pas imaginaires.

Le camp du bien qui depuis des générations se complait dans l’empyrée des bons sentiments et le rousseauisme lacrymal est rattrapé par le réel, désemparé. Un malheur n’arrive jamais seul : l’Arcom donne raison à CNews, l’Institut Thomas More prouve que Radio France est woke. Le gauchisme d’atmosphère exaspère, l’audience baisse. Mauvaise passe ? Comment noyer le poison ? Pour les benêts de la crèche progressiste, tout est simple. Diabolus ex machina, l’extrême droite menace le monde ; contre ce fléau, il existe un remède miracle, les impôts. Rabâchée ad nauseam la double imposture devient vérité.

« L’extrême droite, l’extrême droite, l’extrême droite, vous dis-je ! » 

A Moscou, Pékin, rue d’Ulm, au Flore, éclairé, éclectique, l’intellectuel progressiste n’a jamais manqué d’idoles : Marat, Fouquier-Tinville, Hegel, Marx, Lénine, Staline, Trotski, Castro, Mao, Khomeiny, Maduro, le Hamas… A la grande époque, les esprits supérieurs, déployaient et repliaient dans le jargon, le futur radieux, la surhistoire de la logique du concept, la fonction ligaturante de la praxis et du goulag. Un seul maître vous manque, et tout est dépeuplé.

Ramollie par la chute du mur de Berlin et l’écroulement des humanités, la gauche a abandonné les farces et attrapes de la dialectique négative pour se reconvertir dans des Bourdieuseries de Prisunic, l’indignation en rose et noir, la moraline. Elle recycle ses anchois avariés en produits exotiques : guerre des genres, des sexes, lutte des races, L’Éthique à Nikoumouk. L’objectif reste l’abolition des frontières, la libanisation, le communautarisme, la destruction de l’Etat, de la nation, jouir sans entraves, l’émancipation, la rééducation. Pas de liberté pour les amis de la liberté. Sandrine Rousseau déconstruit les hommes, Ian Brossat veut interdire Le Figaro Magazine, Emmanuel Macron souhaite labelliser les médias. Il faut fendre la presse.

L’extrême droite, dont le centre est partout et la circonférence nulle part, est une lotion magique, dangereuse, insaisissable, indispensable, qui fait dresser les cheveux sur la tête. « Facho » : le mot magique qui disqualifie l’adversaire et dispense de réfléchir. Autour d’un noyau maléfique, la « fachosphère » – intensité neuf sur l’échelle de « Reichter » – gravite une infinité de droites et tangentes fascistoïdes : réac, passéiste, dure, Bolloréeuse, Causeuresque, demi-molle, ultra-conservatrice, libertarienne, illibérale, crypto-ante-néo-libérale, populiste…

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Hitler, Jordan Bardella, Marine Le Pen, le mamba noir, Gargamel, Vincent Bolloré, Pierre-Édouard Stérin, Dracula, Philippe de Villiers, Néron, la vipère du Gabon, Alain Delon, Michel Sardou, Boualem Sansal, Jeanne d’Arc, Hergé, le capitaine Haddock, Louis XIV, Brigitte Bardot, Méphisto, Bruno Retailleau, Adolfo Ramirez, Olrik, Spectre, Éric Zemmour, Zeus, Zorglub, sont d’extrême droite.

Tout le monde a été, est, ou sera d’extrême droite. Elle est partout… Elle défend les frontières, les principes, la famille, l’Académie française, la Marseillaise, le latin, la laïcité, les crèches de Noël, le travail, le mérite, la morale, les Chrétiens d’Orient, la culture, les traditions, le nauséabond qui nous rappelle les heures les plus sombres… Les « Grosses Têtes » progressistes, silentiaires de France Inter, inquisiteurs, dénonciateurs démonologues, Patrick Cohen, Thomas Legrand, Thomas Piketty et les oies du Capital, « font ce qu’il faut », excommunient, pourchassent les mal-pensants, vipères lubriques, hyènes dactylographes de CNews.

Plus le camp du bien s’angoisse, alerte, dénonce, plus les malfaisants prospèrent. Le peuple a compris la tartufferie des guérilleros de Télérama, Francs-Tireurs et Partisans du Festival de Cannes, sous contrat Lancôme. Les « sans dents » ne votent plus à gauche. Les promesses démago, paranoïas ubuesques, prophéties auto-réalisatrices, nourrissent l’incrédulité, le désespoir, les fanatismes.

Le Grand-Guignol antifasciste, l’hystérie de convenance, tiennent lieu de programme et de ciment aux gauches éparpillées, décérébrées. Les pompiers incendiaires, crieurs patentés aux loups d’extrême droite, instrumentalisent l’histoire et la douleur des dizaines de millions de victimes du totalitarisme. Les procès en sorcellerie insultent la mémoire de nos aïeux qui ont souffert dans leur chair, l’oppression, la violence, les barbaries, fasciste, communiste, nazie. Comment sortir de la nasse ?

« Des impôts, des impôts, plus d’impôts, vous dis-je ! »

Égrotante, déprimée, Marianne cherche désespéramment un médecin compétent et conventionné. Confrontés aux déficits abyssaux, une croissance atone, un chômage structurel, la désindustrialisation, certains praticiens, un prix Nobel d’économie (Jean Tirole), le Président de la BPI (Nicolas Dufourcq), suggèrent d’alléger le fardeau de la dette, de réduire le train de vie de l’Etat, de remettre la comptabilité au carré, des potages légers, une cure de vitamines C pour encourager l’esprit d’entreprise, pour retrouver des marges de manœuvres et échapper à la cessation des paiements. Rien n’y fait.

« Ignorantus, ignoranta, Ignorantum.Il faut boire votre vin pur, et, pour épaissir votre sang, qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande; du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et conglutiner » (Toinette, Le Malade imaginaire). Thomas Diafoisrus Piketty, Gabriel Zucman Purgon, les stakhanovistes des RTT, tous les connétables du déclin, à la barre depuis 1981, ont un programme unique, inique : planter des impôts pour récolter des fonctionnaires et réciproquement ; une obsession, trancher ce qui dépasse, saigner, purger et tondre les entrepreneurs. Pour soigner le foie, la rate, le chômage, les déficits, l’insécurité, une solution : la taille, la gabelle, la capitation, la CVAE, CFE, CSG, CRDS, IFI, des impôts vous dis-je ! A venir, une Contribution des Hauts Patrimoines et l’impôt sur les os.

« Vous avez là aussi un œil droit que je me ferais crever, si j’étais à votre place ; Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt: vous en verrez plus clair de l’œil gauche » (Le Malade imaginaire).

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