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Le jour où les députés français ont voté la «préférence nationale»

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Non, la loi immigration adoptée hier soir après des dizaines de péripéties n’a rien d’extrême droite.


Après des mois de tractations et de débats, le parlement a finalement adopté une loi immigration et intégration voulue par Emmanuel Macron. Témoignant de la complexité du fonctionnement de nos institutions comme des difficultés inouïes que présentent les tentatives de réformes de la France, l’adoption de cette loi dite Darmanin laissera des traces importantes dans notre vie politique. Elle peut d’ailleurs d’abord être vue comme la démonstration de l’état de mort cérébrale dans laquelle est plongée la Vème République, système de plus en plus anachronique et illibéral au premier sens du terme. Au-delà de ces blocages institutionnels permanents, il est manifeste que le décalage entre l’opinion publique et la classe politico-médiatique n’a jamais été aussi grand.

Une opinion française radicalisée sur l’immigration

Ainsi le sondage Ifop de septembre 2023 témoignant du regard des Français sur l’immigration montrait qu’une très large majorité des Français, de droite comme de gauche du reste, souhaitaient que les politiques migratoires soient beaucoup plus fermes. Ils étaient 86% à se déclarer favorables à l’expulsion des « délinquants étrangers à l’issue de leur peine de prison » et 80% à vouloir « supprimer ou du moins limiter la délivrance de visas aux pays qui ne récupèrent pas leurs citoyens entrés illégalement en France et ayant l’obligation de quitter le territoire (OQTF) ».

Sur des sujets plus clivants encore, comme celui de la fin de « la libre circulation dans l’espace Schengen des immigrés qui se sont vu refuser une demande de visa dans un des pays membre » ou de la suppression des accords bilatéraux de 1968 signés avec l’Algérie, ils étaient respectivement 74% et 67% à s’y dire prêts. Pis, 72% des Français étaient d’accord avec la suppression de l’Aide médicale d’Etat. Au contraire, seuls 30% d’entre eux déclaraient qu’il fallait augmenter les « dépenses publiques pour favoriser l’intégration des immigrés ».

Emmanuel Macron ne pouvant ignorer la réalité de l’opinion publique, il savait qu’il devait faire de l’immigration l’un de ses chantiers prioritaires. Et pourtant que ce fut dur pour le gouvernement qui s’est retrouvé une fois de plus attaqué par les élus de sa propre majorité, la fameuse « aile gauche » subsistante. De la même manière qu’en 2018, au moment de l’examen de la Loi Collomb, des élus venus des rangs du Parti socialiste tué par Emmanuel Macron ont considéré qu’il était leur devoir de détricoter méthodiquement les mesures envisagées par le Sénat pour proposer un texte allégé. Une version dépouillée qui n’a pourtant pas convaincu Sacha Houlié, président de la Commission des Lois, qui n’a cessé de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement, confirmant d’ailleurs son vote hier aux côtés de 67 autres députés de la majorité, soutenus par sept ministres ayant annoncé qu’ils démissionneraient si la loi immigration issue de la commission mixte paritaire était adoptée.

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Après le vote de la motion de rejet qui a renvoyé le texte au Sénat, votée par une alliance de circonstance allant de la Nupes au RN en passant par le groupe LR, Sacha Houlié s’était d’ailleurs montré dépité : « Nous avions fait un travail qui était susceptible de convenir à tous et d’abord à ceux qui ont en besoin, c’est-à-dire les Français. Ils veulent rétablir le texte du Sénat. On rappelle que le texte du Sénat c’est la suppression de l’AME [Aide médicale d’Etat], la suppression du droit du sol et puis toute une série de mesures extrêmement dures ». Il avait, à l’image de Delphine Batho, compris que la gauche s’était piégée avec sa motion de rejet, ne comprenant ni les nouveaux équilibres parlementaires ni la radicalisation progressive de la société sur ce sujet. Mais prenons le problème à l’envers : par son radicalisme immigrationniste, ne serait-ce pas l’aile gauche du macronisme qui a offert une victoire à la droite en trahissant le texte du Sénat ?

Un gouvernement illisible obsédé par le Rassemblement national

Le gouvernement a eu une attitude incompréhensible ces derniers jours. Songeons qu’en l’espace de quelques semaines, Gérald Darmanin a pu accuser les Républicains de vouloir « régulariser des clandestins » s’ils votaient la motion de rejet en première lecture, puis a hier soir moqué les élus du Rassemblement national de vouloir régulariser ces mêmes clandestins en votant son texte. Gérald Darmanin a la colonne vertébrale d’un ver de terre, capable de toutes les pirouettes politiciennes pour se maintenir en vie. Il est à l’image d’un exécutif fier de faire voter une loi dont il annonce à l’avance que certaines des dispositions qu’elle contient seront jugées en non-conformité avec les normes supérieures par le Conseil Constitutionnel.

Où a-t-on vu jouer pareille comédie dans une démocratie libérale ? Dans un message adressé par un de ses proches, Emmanuel Macron a ainsi fait savoir qu’il comptait lui-même saisir lui-même le Conseil constitutionnel et «retirer» certaines des concessions faites à la droite. Trois dispositions sont notamment susceptibles d’être barrées par les « Sages » : les quotas pluriannuels votés par le parlement, le rétablissement du délit de séjour irrégulier puni par une amende, et le resserrement du regroupement familial ! Emmanuel Macron a donc probablement obtenu au forceps les voix manquantes du Modem en expliquant à François Bayrou que le parlement ne comptait pas puisqu’il lui suffisait d’ordonner à l’EPHAD de la rue de Montpensier de dépouiller sa propre loi de ses éléments les plus novateurs.

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Accusé de jouer un « coup politique », le Rassemblement national s’est pourtant contenté de voter un texte considéré par ses députés comme un moindre mal bien qu’encore largement insuffisant. En cela, Marine Le Pen a tout simplement joué le jeu parlementaire d’une démocratie. Elle a d’ailleurs été victorieuse sans forcer, s’imposant comme une force incontournable dans un scénario grotesque où le président de la République a affirmé qu’il refuserait de promulguer sa loi si elle était votée avec les voix des élus du Rassemblement national. Une démarche inédite qui n’a rien à envier à celle d’un régime autoritaire, les représentants de la nation ne représentant pas leur parti mais les Français dans leur ensemble.

Nous reviendrons sur le fond du projet ces prochains jours, mais il n’est clairement pas « d’extrême-droite » comme veulent le faire croire différentes personnalités médiatiques. Le délit de séjour irrégulier entrainera désormais une amende de 3500 euros d’amende, la belle affaire. Afin d’exécuter les OQTF, sujet épineux, 44 millions d’euros seront débloqués. Bref, rien de nature à changer significativement la situation. Au fond, la gauche s’indigne du rétablissement de dispositions qui furent longtemps la norme et qu’elle a supprimées quand elle était au pouvoir. Elle n’a aucune volonté de contrôler l’immigration comme le font tous les pays du monde, elle veut ouvrir la France en grand. Elle ne distingue pas le citoyen du non-citoyen. La préférence nationale qui l’horripile est pourtant consubstantielle au fait républicain. Qu’est-ce qui peut justifier moralement qu’un étranger bénéficie d’aides sociales avant même d’avoir jamais contribué à la solidarité nationale ? Sur le plan moral, rien. Le gouvernement est plus isolé que jamais. Rejeté par la droite qui voit dans son attitude de la faiblesse et de la versatilité, il est aussi considéré comme d’extrême-droite par une gauche qui se raidit à mesure que la population française s’éloigne de ses idées internationalistes. Grand perdant, Gérald Darmanin aura appris qu’on ne peut plus faire de politique politicienne uniquement basée sur la communication quand un gouvernement n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Ma préférence, à moi…

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Loi immigration. On a le droit d’être opposé à la « préférence nationale », mais l’accusation de racisme est un mensonge éhonté !


Une idée a enflammé le Palais-Bourbon : la préférence nationale. C’était Hollywood à l’Assemblée, un festival de vierges effarouchées. Fabien Roussel a affublé Marianne d’un bandeau sur l’œil façon Le Pen. « Racisme à l’état brut » pleurnichait Aurélien Taché. « Déshonneur », s’enflammait Boris Vallaud. C’est le retour de la collaboration. Bref, pour les belles âmes qui aiment l’humanité mais se fichent de leurs électeurs (beaucoup moins immigrationnistes que leurs élus), les heures les plus sombres reviennent, le fascisme est à nos portes, la République en danger. Et moi je ne me sens pas très bien.

Députés pestiférés

Si cette préférence nationale suscite autant de syncopes, c’est d’abord parce qu’il y a le mot « national » dedans – un très vilain mot – et ensuite parce qu’elle figure depuis longtemps au programme du RN (qui préfère désormais parler de « priorité nationale »).

Hier soir, ces démocrates sourcilleux, très à cheval sur le respect de la volonté populaire quand il s’agit de retraite, n’avaient qu’un mot à la bouche: « lepéniste ». Ces lepénistes sentent tellement mauvais qu’une loi adoptée avec leurs voix serait viciée. Les trois millions de pestiférés qui ont voté RN au premier tour des législatives apprécieront certainement…

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Peut-on admettre qu’on soit hostile à cette idée ? Quand on est député de la nation, pas vraiment ! Pardon, j’ai du mal à le comprendre, car les députés sont élus pour défendre les intérêts de leurs électeurs – le peuple français. La préférence nationale, c’est leur mandat !

L’accusation de racisme est évidemment un mensonge éhonté. Tous ces députés ne sont pas assez idiots pour ne pas comprendre qu’avec cette loi immigration, un Français avec des origines, un Français noir ou arabe aura plus de droits qu’un Américain, un Suédois ou un Italien ! Il ne s’agit pas de racisme, puisqu’il s’agit d’une différence selon la nationalité, pas la couleur de peau. Il n’y a pas de nation sans préférence nationale. Droit de vote : préférence nationale ! Emplois réservés aux nationaux : préférence nationale ! Passeport : préférence nationale ! À part dans la Légion étrangère, glorieuse bizarrerie française, vous ne pouvez pas aller vous faire trouer la peau pour la France sans être français.

Désormais, il faudra attendre cinq ans pour que les étrangers en situation régulière touchent les aides sociales

Certes, il y a bien une nouveauté. Cette préférence nationale est introduite très timidement en matière sociale. Notamment pour les APL. Or, dans ce domaine, il y a une constante, disséquée il y a une dizaine d’années par le regretté Hervé Algalarrondo : la préférence immigrée de la gauche – et de la droite qui s’est soumise à elle. Théorisée par Hollande en 2008 : on n’est pas là pour protéger seulement nos citoyens.

Le préfet Michel Auboin montre comment le logement social a été le fer de lance d’une immigration incontrôlée. Elisabeth Borne a déclaré hier qu’elle était contre les restrictions sur les APL, car il y a des immigrés qui n’arrivent pas à se loger à Paris. Quel aveu ! Les milliers de Français de toutes origines chassés des centres-villes par les loyers délirants n’ont qu’à aller se plaindre ailleurs. Quant à Anne Hidalgo, elle continuera à verser les APL aux migrants. Oui : elle entre en résistance. Avec notre argent. Et si on entrait en résistance contre notre maire ?

Toutefois, il faut avoir un esprit de compromis. Le gouvernement pourrait faire un geste et abolir l’exception culturelle – préférence nationale qui protège les créateurs français. Il y a dans le monde des millions d’artistes qui ont eux aussi besoin de notre soutien !


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, après le journal de 8 heures

Scandale, Miss France fait du 85A et a les cheveux courts!

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La déferlante d’indignation, le tsunami de commentaires moqueurs qui ont accompagné l’élection d’Eve Gilles, représentante du Nord-Pas-de-Calais au titre de Miss France, font réagir notre chroniqueur, grand amateur de beautés diverses et qui en aucun cas ne se limiterait aux standards plébiscités par les imbéciles — dit-il.


Une amie, enseignante aux cheveux courts et aux idées longues, se fait souvent insulter, dans la rue, par les jeunes suppôts de la religion de paix, d’amour et de terrorisme de sa ville. « Sale gouine ! » lancent-ils — rajoutant souvent : « Juive » — non qu’elle en ait le type popularisé par les nazis dans la fameuse « exposition zoologique » (dixit Patrick Modiano) de 1941 Le Juif et la France, au Palais Berlitz, dont je vous recommande l’image en couverture du catalogue, mais c’est pour eux une injure additionnelle.

Pas une Miss standard, et alors ?

Chaque époque et chaque « communauté » se fabrique ses stéréotypes. Pour les Musulmans marseillais, la femme — la vraie — est un clone de Kim Kardashian, source principale de leur usine à fantasmes. Un nombre sidérant d’adolescentes se font lisser les cheveux, elles les teignent en noir en les séparant, comme Morticia Addams, par une raie médiane, dans le prolongement de celle de leurs fessiers surabondants, elles portent des push-up trois fois trop petits pour elles afin d’exhausser leurs mamelles déjà tombantes, et se maquillent à la truelle dans les tons « noir c’est noir ».

Évidemment, cette surexposition de pouffiasses n’a pas manqué d’insinuer dans les cervelles un nouveau standard, vulgaire à souhait.

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Alors, quand l’Académie des Miss élit une jeune femme qui lorgne plus vers Audrey Hepburn que vers Camélia Jordana, ce n’est qu’un cri dans le Landernau. Elle est anorexique puisqu’elle n’est pas boudin. Elle est androgyne — transgenre même, a-t-on pu lire brièvement dans une correction — supprimée depuis — de sa fiche Wikipédia. Elle est née « dans les îles », dit-on non sans un petit sous-entendu raciste de cette native de Dunkerque, sous prétexte que sa mère vient de La Réunion : et la tienne, Etienne ? Elle ne fait pas la taille requise, a même précisé La Voix du Nord, il lui aurait manqué quelques millimètres pour atteindre les fatidiques 1m70 requis pour pouvoir concourir. Diable ! Une Miss qui n’est pas une grande sauterelle, c’est inacceptable, n’est-ce pas…

De surcroît, cette étudiante en Maths / Informatique semble penser — un crime. « J’aimerais montrer que le concours évolue et la société aussi, que la représentation de la femme est diverse, selon moi la beauté ne se résume pas à une coupe de cheveux ou à des formes qu’on a… ou pas », a-t-elle souligné lors de sa qualification dans le top 15, soulignant, avec humour, qu’une couronne tiendrait très bien sur sa tête. Puis d’ajouter, en conférence de presse : « Le body shaming, on le subit au quotidien, peu importe. On a tous nos imperfections. Chaque femme est différente, nous sommes tous uniques. » Ainsi parle Sud-Ouest. Pour un peu elle citait Beauvoir. On ne naît pas Miss, on le devient. Je crois bien !

Le standard ne définit pas la beauté

Au moment même où Gabriel Attal promet des cours d’empathie afin de désarmer les futurs harceleurs (j’y reviendrai peut-être), une Miss est harcelée parce qu’elle ne se soumet pas aux standards d’une mode ignoble. Quel beau pays !

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Chaque époque a ses Vénus — et ses Eve. Au XVIe siècle, contrairement à ce que vous imaginez, elles sont tout juste sorties de l’enfance, seins à peine pubères et ligne élancée. Voyez les Vénus de Cranach. Début XVIIe, la reine Marie de Médicis, rondelette dès l’adolescence, impose son standard à Rubens, dont les Grâces sont confortablement dodues, et quelque peu celluliteuses. D’époque en époque, la taille s’est épaissie / amincie, les seins sont devenus plus lourds, le standard nord-américain (ils ont manifestement un problème avec le sein maternel, là-bas) s’est imposé, les actrices pornographiques en ont rajouté, grâce à l’industrie du silicone, puis enlevé — l’évolution des nichons de Pamela Anderson, du ballon de basket à la balle de tennis, est emblématique de ces errements successifs. On a voulu des femmes petites (vos coupes à champagne ont été taillées, à l’origine, sur le sein de la Pompadour), puis on a adoré les créatures de Russ Meyer et épinglé (c’est le sens de « pin-up ») Bettie Page, y compris en Mère Noël. L’image mentale sur laquelle les adolescents se répandaient en « cartes de France » (cherchez, si vous ne savez pas !) a considérablement changé. So what ?

Alors, Eve Gilles a les cheveux courts — la belle affaire ! Ingrid Bergman aussi dans Pour qui sonne le glas, et elle est sublime. Elle a peu de seins ? Garbo n’en avait pas plus, et on l’appelait « la Divine ». Elle est un peu maigrichonne ? Ma foi, elle a bien le temps de grossir et de ressembler aux grosses dondons qui alimentent vos rêves. Telle quelle, elle est très jolie.

La beauté, une idée (pas si) neuve en Europe

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Dans un essai court mais d’une érudition enlevée, Etienne Barilier regarde l’itinéraire de l’Idée de Beauté en Europe (et dans les extensions orientales et occidentales de celle-ci, la Russie et les États-Unis). Face à un Occident qui ne peut plus se voir en peinture, l’écrivain suisse, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, nous invite à regarder nos œuvres, nos tableaux, nos grands textes, car « de la beauté dont nous avons été capables, il faut parler ».


Pouvoir de nouveau se voir en peinture

Il aura fallu un long XXème siècle pour se laisser aller à cette mélancolie de soi. Ça commence en 1914, avec la Crise de l’esprit de Paul Valéry, ça se conclut par la sentence assassine de Susan Sontag : « La vérité est que Mozart, Pascal, l’algèbre de Boole, Shakespeare, le gouvernement parlementaire, les églises baroques, Newton, l’émancipation des femmes, Kant, Marx, les ballets de Balanchine etc.. n’absolvent pas ce que cette civilisation en particulier a forgé dans le monde. La race blanche est vraiment le cancer de l’histoire humaine, c’est la race blanche, et la race blanche seule, avec ses idéologies et ses inventions, qui a éradiqué les civilisations autonomes partout où elles se sont déployées, qui a bouleversé l’équilibre écologique de la planète, et qui aujourd’hui menace l’existence même de la vie ». Certes, un certain nombre de crimes inouïs sont passés par là, et ont été de nature à éradiquer toute confiance en soi. Faut-il jeter trois ou quatre mille ans d’esthétique occidentale avec l’eau du bain ? Après tout, rappelle l’auteur, le Japon, lui aussi, « a commis nombre d’atrocités avant et pendant la Seconde Guerre mondiale mais (…) personne ne songe, ni les Japonais ni le reste du monde, à décréter que par conséquent les rouleaux et les paravents de soie du musée de Kyoto, le Kinkaku-Ji, les films de Mizoguchi ou les romans de Kawabata et de Tanizaki sont à jeter aux orties pour causes d’impuissance à racheter les crimes nippons ».

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Dans son essai, Etienne Barilier propose de mettre en sourdine le sens critique hypertrophié de l’Occident – avec pour résultat, le désenchantement du monde. Après tout, d’autres civilisations, paisiblement installées sur leurs légendes dorées, ne se remettent pas en cause aussi facilement. Il fait également dialoguer les grands esprits européens. Depuis Platon, le Beau doit vivre dans un étroit compagnonnage avec le Vrai et le Bon qui lui sont collés aux basques comme les deux larrons au Christ sur la croix. L’auteur montre comment la littérature extrême-orientale, et en particulier japonaise, échappe (à peu près) à cette triade, signe que ces trois idées n’étaient pas obligatoirement faites pour vivre ensemble.

Trop beau pour être faux

L’auteur passe par un long détour et nous raconte l’histoire du portrait de jeune fille de Ginevra Cantofoli (première moitié du XVIIème siècle). Pendant très longtemps, il fut attribué à Guido Reni et associé au triste sort de Béatrice Cenci, fille d’un aristocrate romain qui avait eu à se débarrasser de son paternel à coups de marteau pour déjouer les tentatives d’inceste d’icelui. Condamnée à la décapitation, Beatrice Cenci a ému les Romains. Pendant plusieurs siècles, les grands esprits européens s’émerveillèrent devant le tableau. « Désespoir, chagrin, pathétique », pour les uns, « tristesse insondable » pour les autres, « sauvagerie d’une terreur combattue et surmontée » pour Dickens. Jusqu’à ce que les historiens s’aperçoivent qu’il s’agissait d’une peintre bolonaise par une autre peintre, sans aspiration particulièrement tragique. Plutôt que de faire des gorges chaudes de cette méprise historique, l’auteur propose ceci : « Shelley, Hawthorne, Disckens, Melville, Artaud, malgré les minutes du procès, les listes d’état civil et les autres documents d’archives, créent une réalité poétique, et cette réalité, plus que les faits bruts, nous livre une vérité précieuse. La méditation d’une Béatrice Cenci purement fantasmatique a permis à ces créateurs d’atteindre aux profondeurs de l’âme humaine. Cela ne veut pas dire que leurs inventions, si belles soient-elles, puissent prétendre à remplacer la vérité historique. Mais peut-être nous enrichissent-elles mieux que celle-ci ne parvient à le faire ».

Shakespeare ou une paire de bottes

À partir du XIXème siècle, le Beau semble débuter un nouveau compagnonnage avec le mal en Occident, parmi « les mystiques de la beauté satanique, de la beauté fleur du mal » ; inversion des valeurs et transgression des signes qui ne sont possibles que parce que les signes préexistent et sont toujours là. Il y a aussi, en Russie, la discussion entre Tolstoï – qui demandait : « Que vaut Shakespeare en face d’une paire de botte, pour celui qui doit marcher pieds nus ? » – et Dostoïevski, qui répondait, dans Les Démons : « Et moi je déclare que Shakespeare et Raphaël sont au-dessus de l’émancipation des paysans, au-dessus de la nationalité, au-dessus du socialisme, au-dessus de la jeune génération, au-dessus de la chimie, au-dessus presque de l’humanité toute entière car ils sont déjà le fruit, le vrai fruit de l’humanité, le plus beau fruit peut-être qu’elle ne puisse jamais donner, car ils réalisent déjà une forme de beauté parfaite, sans laquelle je ne consentirai peut-être pas à vivre… ». À travers le personnage de Nicolaï Stavroguine, Dostoïevski pressent le nihilisme révolutionnaire qui guette.

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Avec Wagner et Céline, l’esthétique va même s’acoquiner avec l’antisémitisme. Etienne Barilier suggère qu’il est possible de se frayer un chemin vers le beau sans se laisser infester par le poison de ces œuvres : « Mais lorsque la beauté n’a pas transmué le mal et semble l’abriter en son sein, chez un Wagner, un Céline ? Je crois que si nous savons les lire ou les écouter, nous pouvons en recueillir la lumière sans être pris dans le vertige de leur nuit secrète. Oui, chez Céline ou chez Wagner, le mal est au cœur de l’œuvre, transie du désir de mort ou de pouvoir. Mais la lumière du beau n’en est pas éteinte pour autant ».

Alors ? Si l’on veut croire que la Beauté sauvera le monde (Dostoïevski) et que l’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau (Nietzsche), alors peut-être que la grande parousie salvatrice n’est plus très loin.

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Finnegans woke

La polémique qui oppose les fondateurs irlandais du Web Summit, grand-messe de la tech internationale, à l’entrepreneur israélien Ran Harnevo révèle que les Irlandais sont à la pointe de la critique d’Israël. C’est que les anciens frères d’armes de l’OLP se voient comme le seul peuple européen victime du colonialisme européen.


Comme bien des tempêtes médiatiques, celle-ci commence par un tweet. Vendredi 13 octobre, Paddy (Patrick) Cosgrave, un entrepreneur irlandais cofondateur et PDG du Web Summit, la grand-messe de la tech créée en 2009 à Dublin mais qui se tient à Lisbonne depuis 2016, publie sur X une petite phrase : « Les crimes de guerre sont des crimes de guerre, même lorsqu’ils sont commis par des alliés, et devraient être dénoncés pour ce qu’ils sont. » Paddy fait bien entendu référence aux bombardements israéliens à Gaza, mais six jours après le massacre du 7 octobre, il ne le mentionne même pas. Et, sans disposer d’informations fiables sur les bombardements israéliens, il parle de « crimes de guerre » comme s’il s’agissait d’une évidence.

La bévue de Paddy Cosgrave

Son tweet ne passe pas inaperçu. Google, Meta et Intel, ainsi que Siemens, IBM, Stripe, Amazon et le groupe Volkswagen, se retirent de l’événement. Une décision suivie par les principaux sponsors et intervenants dont Gillian Anderson (X-Files), Nick Clegg (ancien ministre britannique) et Amy Poehler (actrice américaine), tous choqués par le tweet.

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Face à la tournure que prend l’affaire, le 17 octobre, Paddy Cosgrave présente ses excuses : il reconnaît avoir manqué de compassion et il condamne l’attaque du Hamas. Mais dans le monde de la tech où des Israéliens jouent un rôle important, c’est trop tard. L’indignation est générale et Ran Harnevo, entrepreneur israélien du secteur, a lancé une campagne contre Paddy Cosgrave, dénonçant la bouillie idéologique dont il est nourri, qui le rend aveugle au pire massacre de juifs depuis 1945.

Ran Harnevo est un entrepreneur en série au parcours typiquement israélien. Après un long service dans l’armée de l’air, il a passé quelques années à se chercher une vocation entre une activité de journaliste à Tel-Aviv et la vie sur une plateforme pétrolière offshore en Afrique, avant de se tourner vers l’entrepreneuriat high-tech. Au début des années 2010, il fonde 5min Media, une société qui produit et diffuse de courtes vidéos pédagogiques (tutoriels « How tos »). En 2016, il vend sa société à AOL pour 65 millions de dollars. De retour en Israël après un long séjour à New York, il se jette en janvier 2023 dans le mouvement de protestation contre la réforme constitutionnelle. Très vite, il s’impose comme l’un des visages du mouvement, aux côtés de Shikma Bressler, Ami Dror et Moshé Radman Aboutbol.

L’« Irish Connection »

Le 7 octobre, comme tous ses « Frères d’armes », nom du mouvement de contestation, Ran Harnevo met de côté le militantisme politique pour se consacrer à la défense de son pays. Et c’est ainsi que le 13 octobre, quand le scandale éclate, Paddy Cosgrave et son entreprise trouvent face à eux un homme déterminé à ne pas laisser passer l’affront. Après quelques jours de polémique, en pleine tenue de la conférence annuelle, Cosgrave démissionne.

L’histoire en serait restée là si Web Summit avait lâché l’affaire. Mais on assiste hélas à de nouveaux rebondissements. La vidéo de Ran Harnevo critiquant Paddy Cosgrave, qui était devenue virale, disparaît suite à une plainte pour violation de droits d’auteurs déposée par…Web Summit. Dans la foulée, Harnevo, partage sur X des captures d’écran de la réclamation que lui a adresséeq la plateforme : on découvre que c’est Adam Connon, haut dirigeant de Web Summit, qui a signalé la présumée violation des droits d’auteur. Son implication dans cette affaire permet de remonter la piste idéologique qui passe par les messages anti-israéliens de Cosgrave : l’« Irish Connection ».

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Comme son patron et associé Cosgrave, Connon est irlandais et tous deux sont actionnaires du web media The Ditch, une sorte de Mediapart irlandais, dans laquelle la société Web Summit possède des parts. Or, ce site, virulemment anti-israélien, a, dans le cadre de sa couverture de la guerre, publié un tweet qualifiant Israël d’État raciste, suprémaciste et pratiquant l’apartheid. Le tweet a été rapidement effacé, mais le tollé est tel que Web Summit doit s’engager à se retirer du capital de la société éditrice de The Ditch et à prendre ses distances avec le média. On peut comprendre à la fois quel genre de lecture a nourri la vision du monde de Paddy Cosgrave et le mécontentement d’Adam Connon voire, peut-être, sa volonté de prendre une petite revanche. Ainsi, selon Harnevo, Connon lui reproche d’avoir intégré à sa vidéo des extraits de la bande-annonce officielle du Web Summit 2023 pour « promouvoir un programme politique […] concernant le conflit entre Israël et la Palestine, sans notre consentement ». Connon pousse le bouchon encore plus loin en précisant : « Le style et la présentation de la vidéo sont faussement similaires à notre bande-annonce, ce qui peut prêter à confusion […] en associant le Web Summit à un contenu politique qu’il n’a jamais approuvé. » Harnevo déclare qu’il se battra jusqu’au bout, ajoutant qu’un nombre considérable d’avocats ont proposé leurs services bénévoles.

L’histoire n’est donc pas terminée, mais elle révèle un phénomène intéressant et peu connu : l’hostilité de nombreux Irlandais pour Israël. Les familiers des coulisses de la politique étrangère de l’UE ne sont pas surpris, car Dublin est toujours à la pointe de la critique la plus sévère d’Israël. Cette étonnante inimitié tient probablement au fait que les Irlandais se voient comme le seul peuple européen victime du colonialisme européen. De surcroît, leur lutte de libération est récente et sa dimension violente l’inscrit dans l’histoire des organisations terroristes de la fin du XXe siècle. Dès le début des années 1970, l’IRA (Armée républicaine irlandaise), s’est tournée vers le leader du marché terroriste, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Bien fournie en armes, jouissant des relations solides derrière le rideau de fer et de camps d’entraînement au Liban et ailleurs, l’OLP est devenue une sorte de « grand frère » de l’IRA. Il faut croire qu’un demi-siècle plus tard, « la rue irlandaise » conserve un petit penchant pour le massacre d’innocents. Si c’est pour la bonne cause, bien sûr.

“Le temps qui reste” de Patrick Boucheron: tract politico-woke ou libelle indigeste?

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Patrick Boucheron, historien et professeur au Collège de France, avait connu un franc succès auprès des déconstructeurs du « roman national » en dirigeant L’Histoire mondiale de la France, sorti en 2017.


Dans cet ouvrage qualifié d’ « opération politique et destructionniste » par l’historien Patrice Gueniffey, Patrick Boucheron proposait hardiment de « mobiliser une conception pluraliste de l’histoire contre l’étrécissement identitaire », mais aussi de « dépayser l’émotion de l’appartenance et d’accueillir l’étrange familiarité du lointain » afin de contester « une critique de la diversité culturelle dans laquelle se discerne de plus en plus une hostilité face aux effets supposément destructeurs de l’immigration ».

Tout un programme qui, on l’aura compris, n’avait pas grand chose à voir avec l’histoire de France mais beaucoup avec l’idéologie woke sur son versant immigrationniste et diversitaire. L’Histoire mondiale de la France était censée décrire une « France d’avant la France qui se dissout dans les prémices d’une humanité métisse et migrante ». Nous apprîmes ainsi, entre autres, que « l’homme de Cro-Magnon est un métis, par vocation », et que la France, pays d’immigration depuis la préhistoire, devait surtout se prémunir de « la régression identitaire d’un nationalisme dangereusement étriqué ». Cet ouvrage a incontestablement été la plus grande entourloupe historiographique de ce début de siècle. Cette somme d’articles démolissant la France, son histoire, ses plus grands événements comme ses plus grands hommes, s’est vendue à des dizaines de milliers d’exemplaires et a largement contribué au wokisme grandissant qui taraude les universités de notre pays.

Un historien dans le feu de l’action

Patrick Boucheron a récemment décidé de nous parler un peu de lui et, plus précisément, de son engagement écologique et politique. Autant le dire tout de suite, malgré les nombreuses tentatives de dissimulation, la modestie n’est pas ce qui qualifie le mieux le professeur au Collège de France. Son dernier opuscule, paru au Seuil, s’appelle Le temps qui reste et est composé d’une cinquantaine de pages dont chacune rend hommage d’une manière ou d’une autre à l’auteur, lequel espère avoir « le courage et la modestie de ne plus reculer devant l’obstacle et de se tenir là, face au vent, dans la mêlée ». Les nombreuses formules pompeuses de ce genre rendent la lecture du livret fastidieuse mais renseignent idéalement sur ce que le brillant professeur au Collège de France pense du courageux activiste écologiste en devenir bien décidé à agir depuis qu’il a réalisé « qu’une forme supérieure de lucidité ne peut s’éclairer qu’au feu de l’action ». Le style du professeur au Collège de France oscille entre la simple boursouflure et l’affectation grotesque ; l’ensemble est ponctué d’effets de manche littéraires cachant mal une grande fatuité : « Voilà pourquoi l’historien que je tâche d’être cherchera toujours le moyen de s’exposer sans s’afficher, d’échapper à l’indignité de celui qui cherche à tirer bénéfice de ce qu’il écrit », écrit humblement le professeur au Collège de France. Et on songe immédiatement à une sentence de La Bruyère : « La fausse modestie est le dernier raffinement de la vanité. »  

Greta Thunberg à la Marche pour le climat, Paris, 22 février 2019. © Denis Meyer/ Hans Lucas/ AFP

Donc, le temps est venu d’agir. Heureusement, les jeunes générations montrent l’exemple, écrit Patrick Boucheron en comparant Greta Thunberg, allons-y gaiement, à Jeanne d’Arc. Patrick comprend Greta – ses simples et rudes sermons, ses frustes mais nécessaires rappels à l’ordre, ses rudimentaires et répétitives admonestations – mais Greta comprend-elle Patrick lorsque celui-ci déclame : « Notre conception contemporaine du temps qui reste est celle d’un temps qui manque, et s’il manque, c’est que nous manquons au temps – je veux dire que nous sommes désormais comptables de nos manquements. […] Voilà pourquoi l’histoire du temps qui manque ne saurait être totalement désespérante – parce qu’elle est aussi l’histoire du temps qui reste, qui n’est assurément pas un temps d’attente mais de prise de conscience de tout ce que nous n’avons pas perdu » ? (Traduction de cette ratatouille gracieusement offerte à Mlle Thunberg : tout n’est pas fichu si chacun y met du sien, bien malin qui sait de quoi demain sera fait, tant qu’il y a de la vie y’a de l’espoir, ne vendons pas la peau du temps qui reste avant de l’avoir tué, et toutes ces sortes de choses).

Un historien de tous les combats

La deuxième partie du livret est un grand fourre-tout intersectionnel. Patrick Boucheron se penche sur les nombreuses sources « d’indignation » de notre époque : la « responsabilité humaine dans le changement climatique », bien sûr, mais aussi les violences faites aux femmes, les violences policières, le racisme, le capitalisme néolibéral, la montée de l’extrême droite, etc. Les catastrophes s’amoncellent, le danger réactionnaire pointe le bout de son nez mais, heureusement, de jeunes militants se révoltent contre toutes ces menaces – et le professeur avoue hésiter quand il s’agit de verser soi-même dans la force physique, brutale et révolutionnaire des activistes. Il nous offre à cette occasion une nouvelle version de “retenez-moi ou je fais un malheur !” : « Tandis que partout s’accumulent les périls, il y a tant à faire pour essayer d’empêcher la continuation du pire, tant de combats concrets à mener, tant de foyers incandescents d’effervescence politique, tant d’invention et de courage, que la tentation est forte de les rejoindre simplement, en envoyant tout valdinguer, nos livres et nos scrupules. » Mais le frêle intellectuel connaît ses limites et préfère plutôt « prendre sa part des combats à mener en rendant serviable à toutes et à tous un travail de pensée ».

A lire aussi, du même auteur: L’ultradroite! L’ultradroite, vous dis-je!

Les sujets « d’indignation » s’empilent alors dans le plus grand désordre. Face aux violences policières, le comité “La vérité pour Adama” a su montrer l’exemple d’une « indignation si puissante » que beaucoup (devinez qui) s’en effrayèrent, écrit l’historien. Les « rodomontades sur l’islam et l’immigration » l’ont conduit par ailleurs à écrire une tribune en 2018 « pour dénoncer l’indignité de la politique gouvernementale face à la crise des migrants » – on s’étonne, l’immigration n’ayant jamais été aussi importante que depuis qu’Emmanuel Macron dirige la France, pays au demeurant on ne peut plus accueillant pour les immigrés légaux ou illégaux. Bien entendu, la possibilité de l’élection de Marine Le Pen en 2027 lui donne des maux d’estomac – raison pour laquelle il appelle à la rescousse les journalistes de Mediapart, Edwy Plenel en tête.

Pas le temps de parler aux thuriféraires de l’enracinement

Au milieu de ce fatras, après avoir cité quelques personnalités bien connues des milieux écologistes, immigrationnistes ou wokistes – Camille Étienne, Bruno Latour, Jean-Pierre Dupuy, Mathieu Potte-Bonneville, Didier Fassin, mais aussi Deleuze et Derrida, entre autres – l’historien évoque « la grande penseuse de l’écoféminisme Donna J. Haraway » et son livre Vivre avec le trouble. Cette philosophe, égérie de Paris-VIII qui conteste l’objectivité scientifique – les sciences sont, selon elle, des « savoirs situés » derrière lesquels se cachent le plus souvent un dominant ou un oppresseur, plutôt occidental, plutôt masculin, plutôt blanc – est une théoricienne et sympathisante fanatique de toutes les idéologies écologistes et wokes susceptibles de « troubler » (ou « brouiller ») les frontières anatomiques, sexuelles, naturelles, culturelles ou géographiques. Son objectif est d’effacer les limites entre l’homme, la machine et l’animal afin d’éradiquer l’idée même d’humanité dans un monde occidental qu’elle considère être par ailleurs « trop blanc, trop masculin, trop hétérosexuel et trop humain ». Son programme final, exposé justement dans Vivre avec le trouble, est un « monde où les pensées émanent de symbiotes à corps multiples », un monde « résolument queer » où « l’Humain, décomposé en humus, composte avec les autres espèces » afin de nouer des « relations multispécifiques » avec notre « Terre abîmée ». Le délire « compostiste » et « multi-symbiotique » de Mme Haraway est très supérieur, si j’ose dire, aux simples élucubrations écoféministes. M. Boucheron adhère-t-il totalement au projet ahurissant et déshumanisant de Mme Haraway ? Si oui, nous lui conseillons de regarder le film Alice et le maire dans lequel une adepte radicale des théories harawayiennes est obligée d’aller régulièrement se reposer dans une… clinique psychiatrique.

Pour conclure, notons que, à l’instar de Geoffroy de Lagasnerie, Patrick Boucheron réfute l’idée de débattre avec de potentiels contradicteurs et préconise que « les conjurations d’intelligence » – en clair, les élites universitaires qui se seront abreuvées aux sources wokes et immigrationnistes de Boucheron, Butler, Héran et autres Fassin – ne perdent pas « le peu de temps qui [leur] reste » à tenter de convaincre les « thuriféraires de l’enracinement ». Préconisations inutiles, il y a longtemps que les « conjurations d’intelligence » préfèrent empêcher la tenue de certaines conférences plutôt que de se frotter à des idées différentes des leurs. Pour empêcher toute conversation contradictoire on peut aussi, comme le fit Patrick Boucheron lors d’un débat organisé par Le Monde, face à Alain Finkielkraut qui voulait évoquer la controverse sur le livre de Sylvain Gouguenheim Aristote au Mont Saint-Michel, arguer, sur un ton hautain, de son titre universitaire et de sa spécialisation : « Je suis professeur au Collège de France… je suis médiéviste, ma voix sur un sujet d’histoire médiévale, que ça vous plaise ou non, vaut un peu plus que la vôtre. » En revanche, sur certaines théories et certains auteurs wokes cités à la va-vite pour épater la galerie gauchiste et universitaire, si nous osions, nous lui répliquerions qu’il ne touche pas son caramel et va devoir bosser un peu… parce que pour l’instant, que cela lui plaise ou non, sur ces sujets-là, sa voix ne vaut pas un kopeck.

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«Lorraine Airport»: Victoire contre un francocide!

En 2015, pour faire chic, l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine s’était renommé « Lorraine Airport ». Après huit ans de procédures, la justice confirme enfin qu’en France on parle le français.


Une victoire significative vient d’être remportée contre le tout à l’anglais, par les défenseurs du français, qui entendent faire respecter l’article 2 de la Constitution ainsi que la loi Toubon. Il s’agit de l’affaire de l’aéroport de « Metz Nancy Lorraine », qui vient de trouver son dénouement.

L’affaire a commencé, le 21 août 2015, par un recours gracieux de l’AFRAV (Francophonie Avenir) au directeur de l’aéroport, lui demandant de ne pas utiliser la marque « LORRAINE AIRPORT » au prétexte qu’elle contrevient aux articles 1, 2 et 14 de la loi 94-665, relative à l’emploi de la langue française en France. L’affaire durera huit ans. Le 14 décembre 2023, le juge donne raison, par ordonnance1, à l’AFRAV et condamne la partie adverse à verser 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de la procédure civile. Belle victoire pour faire respecter la loi !

A lire aussi: Langue française à Villers-Cotterêts: vous reprendrez bien quelques lieux communs…

Dire le caractère exemplaire de cette affaire, est-ce peser « des œufs de mouche dans une balance en toile d’araignée » — pour reprendre une image prêtée à Voltaire ? On connaît la soumission générale à l’anglais informatique et commercial, au globish d’aéroport, des institutions, des services publics et des entreprises, des commerces, des médias et des dirigeants européens, de nos élites médiatisées, comme en témoigne l’affaire de notre Identity card2. Et si certains commentateurs de notre actualité préfèrent écrire un énième livre sur les années folles soixante-huitardes ou faire un énième état des lieux des misères du pays, des preux de notre langue, eux, luttent, inlassablement, depuis des années, au sein de leurs associations et dans les journaux, et montent au créneau contre l’anglicisation galopante du français dans notre pays et en francophonie : délitement syntaxique, appauvrissement du vocabulaire, méconnaissance des temps et des modes. Et il y a à  de quoi faire face à un président multiculturaliste, champion de la sape de la langue française dans l’espace francophone, qui pense que parler anglais, c’est bon pour la planète. Comme si parler anglais allait convaincre un investisseur chinois, russe, turc ou brésilien — qui, eux, s’expriment dans leur langue quand ils signent des contrats— de signer quelque accord que ce soit avec la France.

On connaît le nom de Monsieur De Poli qui œuvre au sein de l’AFRAV. C’est « le terroriste bienveillant » redouté des journalistes dont parle Le Figaro, « le chasseur d’anglicismes » infatigable qui commence tous ses articles (des dizaines de milliers !) par un « Vous permettez, Monsieur, de vous écrire… » pour dénoncer un anglicisme et proposer une expression française équivalente, conformément à la loi Toubon. Lui, ainsi que les héros du quotidien dont on ne peut citer tous les noms, doit inciter chacun d’entre nous, puisque notre langue est notre chose commune, à réagir contre la dérive du tout à l’anglais, en écrivant aux médias. Encore faut-il être persuadé que ce n’est pas ajouter une goutte d’eau à la mer.

Si l’affaire de LORRAINE AIR PORT (après celle du Health Data Hub, gagnée l’an dernier sur le ministère de la Santé) illustre les vers de La Fontaine : « Patience et longueur de temps / Font plus que force ni que rage », ayons conscience qu’il n’est plus temps de perdre du temps quand il s’agit de garder notre langue en usage et santé contre la gangrène qui guette son grand corps malade. Le ministère de l’Education Nationale semble avoir compris que le temps, en effet, nous était compté.


  1. https://www.francophonie-avenir.com/Archives/Ordonnance-de-jugement-du-Tribunal-judiciaire-de-Metz-du-14-decembre-2023-au-sujet-de-l-affaire-Lorraine-Airport.PDF ↩︎
  2. https://www.causeur.fr/bilinguisme-franco-anglais-de-la-carte-didentite-une-forfaiture-240501 ↩︎

Wokisme chez Disney: «libéré, délivré»?

Le dernier film d’animation des studios Disney, « Wish », a été boudé par les Américains. Mais, il pourrait être rentabilisé grâce aux ventes à l’international. Il raconte l’histoire émouvante d’une adolescente et d’une étoile filante magique, et nous épargne la leçon de morale woke…


L’année 2023 s’est révélée très dure pour la vénérable maison Disney. Une série de navets aurait entraîné une perte d’un milliard de dollars. La raison en est que le géant du divertissement se trouve entre l’enclume et le marteau. D’un côté, ses films d’animation classiques sont accusés par une nouvelle génération de racisme, sexisme, homophobie et validisme. Mais, de l’autre, sa tentative de se racheter en produisant des films ouvertement wokistes a attiré les foudres des conservateurs et détourné une grande partie du public !

La liste de ses échecs s’allonge. En 2022 : Avalonia et Buzz l’Éclair qui incorporent des éléments gay et lesbiens. En 2023 : le cinquième Indiana Jones qui critique le capitalisme et le colonialisme ; The Marvels qui met en scène trois superhéroïnes féministes ; et La Petite Sirène qui présente une sirène noire et fait référence à MeToo et au mouvement des drag-queens. La dernière déclaration financière de l’entreprise explique ses pertes en reconnaissant que ses « positions sur des questions d’intérêt général » présentaient « des risques ».

A lire aussi, Samuel Fitoussi: «Le wokisme a profondément appauvri l’univers Disney!»

Disney n’est plus dans le cœur des Américains. Selon le classement annuel des marques les plus aimées, réalisé par Axios-Harris en 2023, la firme a dégringolé à la 77e place, alors qu’elle était à la cinquième en 2019. Bob Iger, l’ancien PDG rappelé à la tête du groupe en 2022 pour tenter de redresser la situation, a récemment confié au New York Times qu’il fallait revenir aux fondamentaux du divertissement et laisser tomber les « messages ». En effet, la sortie de la nouvelle version de Blanche-Neige, qui a fait scandale quand le public a appris que les sept nains seraient remplacés par des « créatures magiques », a été retardée jusqu’en 2025 pour que le film soit révisé. Selon une récente photo de plateau, Grincheux et compagnie semblent être de retour. Pourtant, la dernière sortie de Disney, WishAsha et la bonne étoile, d’un sentimentalisme parfaitement conventionnel, a encore été un échec. Comme si la vénérable maison avait oublié l’art de faire un bon film.

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Gérard Depardieu: Abdul-Malak pulvérise la présomption d’innocence

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Selon la ministre de la Culture, l’acteur fait honte à la France. Emmanuel Macron, qui ne l’entend pas de cette oreille, recadrera-t-il Rima Abdul-Malak ? Le regard libre d’Elisabeth Lévy


La famille Depardieu fait bloc autour de Gérard, dans une tribune1 publiée par le Journal du Dimanche signée par sa fille Julie, son ex-femme Elisabeth et d’autres membres de la famille. Rappelons que sur France 2, Complément d’enquête a diffusé des extraits des rushs du film de Yann Moix (sans son accord). Sur ces chutes, le comédien profère des blagues graveleuses sur un ton rigolard. Il semble faire des commentaires sexuels sur une très jeune cavalière.

Je l’avoue, ça ne m’a pas choquée. Apparemment, notre pays est peuplé de gens intraitables sur la pudeur, la belle langue et l’humour convenable. La diffusion de ces images a déclenché un tel hallali qu’on avait l’impression qu’il avait agressé la fillette.

Tous les lyncheurs devraient lire le texte du Journal du Dimanche :

On y apprend apparemment que le montage de Complément d’enquête était manipulatoire – c’est ce que dit Yann Moix – et que Gérard Depardieu qui appelle tout le monde « fifille » ne parlait pas de la fillette. « S’agissait-il, se demande sa famille, de le faire passer pour pédophile ? » Quoi qu’il en soit, il s’agit une fois de plus d’une terrible faillite du tribunal médiatique.

A lire aussi: C’est curieux, chez les amateurs de vin, ce besoin de faire des phrases…

« Il faut cesser l’amalgame entre les paroles et les actes. Grossier, grivois, gaulois, lourd parfois mais pas violent ! » peut-on aussi lire.  Oui : blagues lourdes et propos salaces ne sont pas un crime. Et de plus, c’est pour ses excès qu’on aime Depardieu depuis les Valseuses. « Pour lui et pour toute la famille les dégâts sont indescriptibles ». Les inquisiteurs en chambre qui jugent et condamnent sans avoir la moindre idée des faits dont ils parlent doivent savoir qu’ils détruisent aussi des enfants, des épouses, des amis. Bref, des êtres humains qui ont droit à la vie privée.

Et la ministre de la Culture a donc condamné le comédien. C’est encore plus grave. Mais pas étonnant. Rima Abdul-Malak rate rarement l’occasion de proférer une énormité. Et elle a une conception baroque des institutions. Au mépris de la séparation des pouvoirs, elle avait menacé C8 et CNews de les priver de fréquence, ce qui n’est pas dans ses attributions. Certes, Gérard Depardieu est accusé de viol. En mère supérieure de l’ordre des sœurs de metoo, Rima Abdul-Malak pulvérise la présomption d’innocence : elle déclare que Depardieu fait honte à la France et annonce une procédure pour lui retirer la Légion d’honneur. Votre Légion d’honneur vous pouvez vous la garder, répond-il en substance via ses avocats.

La sortie de la ministre a fortement énervé Macron (info parue dans le JDD). En privé, le président soutient Gérard Depardieu. Mais en public, il n’ose pas s’opposer à la doxa néo-féministe. Il paraît qu’il va engueuler sa ministre. Il devrait plutôt la congédier ; elle est légèrement moins utile au rayonnement de la France que Gérard Depardieu et toutes ses outrances.

  1. https://www.lejdd.fr/culture/la-famille-depardieu-soutient-gerard-140472 ↩︎

Agression d’une ado à Lyon: Oh comme c’est bizarre…

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Par respect pour leur victime, les autorités demandaient aux internautes de cesser de partager la vidéo d’une agression violente à Lyon commise par des racailles islamisées. Mais c’est bien tout le tintouin généré sur les réseaux sociaux par la vidéo qui semble avoir permis la garde à vue de quatre délinquantes.


Jeudi 14 décembre, la vidéo d’une scène révoltante a été diffusée sur les réseaux sociaux, notamment Telegram et X (ex-Twitter), et y est rapidement devenue virale, grâce entre autres à Fdesouche. On y voit une adolescente (il s’avérera qu’elle a 13 ans) se faire insulter, menacer, traîner par les cheveux et passer à tabac par un groupe de filles – sur la vidéo, il semble qu’il y en ait quatre, deux d’entre elles se rendant coupables de violences. Ce que l’on sait des faits – du moins ce qui en a été rendu public à ce stade – a été parfaitement résumé par Amaury Bucco, de Valeurs Actuelles, sur le plateau de Cyril Hanouna. Ce que je veux souligner ici, c’est l’attitude des autorités.

En effet, dès le 14 décembre la préfecture du Rhône et la Police Nationale ont demandé de ne plus diffuser la vidéo du tabassage « par respect pour la victime. » Et le lendemain, 15 décembre, quatre personnes étaient placées en garde-à-vue dans le cadre de l’enquête sur cette agression. On aimerait approuver cet appel à préserver la pudeur de la victime et se réjouir de cette célérité, mais malheureusement…

L’enquête relancée

On sait maintenant que les faits remontaient au 10 octobre, et que le père de la victime avait déposé plainte peu après, le 12 octobre, soit deux mois avant la diffusion de cette vidéo. Deux mois pendant lesquelles les auteurs de l’agression n’ont pas été inquiétés, alors qu’une fois la vidéo devenue virale les interpellations n’ont pas pris 24 heures. De là à penser que sans le buzz sur les réseaux il n’y aurait toujours rien de fait… Personne en tout cas n’imagine que les interpellations étaient de toute façon prévues le 15 décembre, et que c’est pure coïncidence si la vidéo de l’agression a été rendue publique la veille !

Le père de l’adolescente passée à tabac le constate : « Ça fait des mois que j’ai porté plainte…. depuis l’agression de ma fille. Et là, depuis que la vidéo a été diffusée ça a fait bouger les choses. » « Par respect pour les victimes », la priorité ne devrait-elle pas être de combattre de telles agressions plutôt que de les taire ? Et, pour les combattre, de les traiter au plan sécuritaire sans attendre un scandale médiatique pour agir, mais aussi au plan politique, et donc de les mettre dans le débat public pour éclairer les décisions des électeurs ?

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Car la multiplication de ces violences est un fait politique majeur, et il faut les voir pour prendre véritablement conscience de ce qu’elles sont, il faut entendre cette jeune fille de treize ans répéter « je suis désolée » (alors qu’elle n’a rigoureusement rien à se reprocher) pour comprendre la peur, l’humiliation qui lui ont été infligées, et c’est à cette aune qu’il faut juger les évolutions de notre société, c’est à cette aune qu’il faut juger l’action – ou l’inaction – de l’Etat, c’est à cette aune qu’il faudra juger les sanctions que l’institution judiciaire infligera – ou non – aux coupables de l’agression. Ce n’est pas respecter les victimes que de vouloir empêcher le souverain – c’est-à-dire le peuple français – de constater leur souffrance et d’en demander des comptes à tous les responsables.

Bonnes et mauvaises victimes médiatiques

Faut-il faire un lien avec les désormais classiques accusations en « récupération » et « instrumentalisation », sans oublier « complotisme » et « populisme » – toujours « d’extrême-droite » bien sûr – dès que quelqu’un met en évidence un fait illustrant un phénomène de société qui ne va pas dans le sens de la bien-pensance ? Alors que, rappelons-le, la diffusion massive de la photo du petit Aylan Kurdi avait été applaudie par ceux-là mêmes qui voudraient qu’on ne parle pas de Lola, qu’on ne parle pas d’Enzo, qu’on ne parle pas de Jérémy Cohen, qu’on ne parle pas de Mégane, qu’on ne parle pas de Thomas.

Dans le cas d’espèce, celle des agresseurs qui se montre la plus enragée sur la vidéo porte un foulard islamique, et il semble que sa motivation est que sa victime aurait dénoncé son frère, un certain Yassine, qui l’aurait agressée sexuellement. On pense alors bien sûr au silence systématique des associations « féministes » progressistes face aux agressions (y compris sexuelles) dont se rendent coupables des « racisés ». On pense surtout aux travaux de Maurice Berger sur la dimension clanique de certaines diasporas présentes sur notre sol, notamment arabo-musulmanes et africaines.

Deux France face-à-face

Mais ce n’est pas tout. Si l’État n’assure plus la sécurité des citoyens, ceux-ci ne devront-ils pas tous se tourner vers des solidarités de type clanique pour espérer s’en sortir, ne pas être seuls face aux bandes, ou rechercher la « protection » de nouveaux seigneurs féodaux ? Il semble qu’après son agression, constatant au fil des jours, des semaines, des mois que l’enquête n’aboutissait à rien de concret et que la menace perdurait, la jeune victime ait fait appel à l’influenceur communautariste Bassem Braiki pour demander son aide, se prétendant tunisienne afin de le convaincre, et que c’est lui qui a permis la médiatisation de l’affaire et donc, très probablement, sa véritable prise en compte par les autorités. Souvenons-nous qu’à Dijon, déjà, c’est un imam et non la République qui a servi de « juge de paix » aux affrontements entre bandes maghrébines et tchétchènes. On en revient, encore et toujours, à l’implacable mécanique d’effondrement décrite par Ibn Khaldoun : l’empire en train de se déliter s’oppose avec violence à ce que les citoyens ordinaires puissent se défendre eux-mêmes, car ils pourraient alors résister à sa prédation fiscale, mais refuse de les protéger contre les barbares que des « élites » décadentes préfèrent essayer d’acheter, ou maintenir à distance en leur livrant le reste de la population…

Il est certain en tout cas qu’en plein débat – houleux – sur l’immigration, l’écho médiatique rencontré par des faits comme l’agression de Lyon n’arrange pas ceux qui veulent la poursuite de l’immigration massive et continuent à chanter les louanges du « vivre-ensemble » au mépris du réel – car ce qu’ils appellent « faits divers » est une tendance de fond, corroborée dans toute l’Europe par toutes les études statistiques sérieuses. Je laisse la conclusion au collectif Némésis, qui a répondu à la Préfecture du Rhône : « On arrêtera de diffuser les vidéos quand vous passerez plus de temps à traquer les auteurs de ce genre de méfaits plutôt que ceux qui partagent ladite vidéo. »

Le jour où les députés français ont voté la «préférence nationale»

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Sacha Houlié et Gérald Darmanin, Assemblée nationale, 19 décembre 2023 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Non, la loi immigration adoptée hier soir après des dizaines de péripéties n’a rien d’extrême droite.


Après des mois de tractations et de débats, le parlement a finalement adopté une loi immigration et intégration voulue par Emmanuel Macron. Témoignant de la complexité du fonctionnement de nos institutions comme des difficultés inouïes que présentent les tentatives de réformes de la France, l’adoption de cette loi dite Darmanin laissera des traces importantes dans notre vie politique. Elle peut d’ailleurs d’abord être vue comme la démonstration de l’état de mort cérébrale dans laquelle est plongée la Vème République, système de plus en plus anachronique et illibéral au premier sens du terme. Au-delà de ces blocages institutionnels permanents, il est manifeste que le décalage entre l’opinion publique et la classe politico-médiatique n’a jamais été aussi grand.

Une opinion française radicalisée sur l’immigration

Ainsi le sondage Ifop de septembre 2023 témoignant du regard des Français sur l’immigration montrait qu’une très large majorité des Français, de droite comme de gauche du reste, souhaitaient que les politiques migratoires soient beaucoup plus fermes. Ils étaient 86% à se déclarer favorables à l’expulsion des « délinquants étrangers à l’issue de leur peine de prison » et 80% à vouloir « supprimer ou du moins limiter la délivrance de visas aux pays qui ne récupèrent pas leurs citoyens entrés illégalement en France et ayant l’obligation de quitter le territoire (OQTF) ».

Sur des sujets plus clivants encore, comme celui de la fin de « la libre circulation dans l’espace Schengen des immigrés qui se sont vu refuser une demande de visa dans un des pays membre » ou de la suppression des accords bilatéraux de 1968 signés avec l’Algérie, ils étaient respectivement 74% et 67% à s’y dire prêts. Pis, 72% des Français étaient d’accord avec la suppression de l’Aide médicale d’Etat. Au contraire, seuls 30% d’entre eux déclaraient qu’il fallait augmenter les « dépenses publiques pour favoriser l’intégration des immigrés ».

Emmanuel Macron ne pouvant ignorer la réalité de l’opinion publique, il savait qu’il devait faire de l’immigration l’un de ses chantiers prioritaires. Et pourtant que ce fut dur pour le gouvernement qui s’est retrouvé une fois de plus attaqué par les élus de sa propre majorité, la fameuse « aile gauche » subsistante. De la même manière qu’en 2018, au moment de l’examen de la Loi Collomb, des élus venus des rangs du Parti socialiste tué par Emmanuel Macron ont considéré qu’il était leur devoir de détricoter méthodiquement les mesures envisagées par le Sénat pour proposer un texte allégé. Une version dépouillée qui n’a pourtant pas convaincu Sacha Houlié, président de la Commission des Lois, qui n’a cessé de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement, confirmant d’ailleurs son vote hier aux côtés de 67 autres députés de la majorité, soutenus par sept ministres ayant annoncé qu’ils démissionneraient si la loi immigration issue de la commission mixte paritaire était adoptée.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Ma préférence, à moi…

Après le vote de la motion de rejet qui a renvoyé le texte au Sénat, votée par une alliance de circonstance allant de la Nupes au RN en passant par le groupe LR, Sacha Houlié s’était d’ailleurs montré dépité : « Nous avions fait un travail qui était susceptible de convenir à tous et d’abord à ceux qui ont en besoin, c’est-à-dire les Français. Ils veulent rétablir le texte du Sénat. On rappelle que le texte du Sénat c’est la suppression de l’AME [Aide médicale d’Etat], la suppression du droit du sol et puis toute une série de mesures extrêmement dures ». Il avait, à l’image de Delphine Batho, compris que la gauche s’était piégée avec sa motion de rejet, ne comprenant ni les nouveaux équilibres parlementaires ni la radicalisation progressive de la société sur ce sujet. Mais prenons le problème à l’envers : par son radicalisme immigrationniste, ne serait-ce pas l’aile gauche du macronisme qui a offert une victoire à la droite en trahissant le texte du Sénat ?

Un gouvernement illisible obsédé par le Rassemblement national

Le gouvernement a eu une attitude incompréhensible ces derniers jours. Songeons qu’en l’espace de quelques semaines, Gérald Darmanin a pu accuser les Républicains de vouloir « régulariser des clandestins » s’ils votaient la motion de rejet en première lecture, puis a hier soir moqué les élus du Rassemblement national de vouloir régulariser ces mêmes clandestins en votant son texte. Gérald Darmanin a la colonne vertébrale d’un ver de terre, capable de toutes les pirouettes politiciennes pour se maintenir en vie. Il est à l’image d’un exécutif fier de faire voter une loi dont il annonce à l’avance que certaines des dispositions qu’elle contient seront jugées en non-conformité avec les normes supérieures par le Conseil Constitutionnel.

Où a-t-on vu jouer pareille comédie dans une démocratie libérale ? Dans un message adressé par un de ses proches, Emmanuel Macron a ainsi fait savoir qu’il comptait lui-même saisir lui-même le Conseil constitutionnel et «retirer» certaines des concessions faites à la droite. Trois dispositions sont notamment susceptibles d’être barrées par les « Sages » : les quotas pluriannuels votés par le parlement, le rétablissement du délit de séjour irrégulier puni par une amende, et le resserrement du regroupement familial ! Emmanuel Macron a donc probablement obtenu au forceps les voix manquantes du Modem en expliquant à François Bayrou que le parlement ne comptait pas puisqu’il lui suffisait d’ordonner à l’EPHAD de la rue de Montpensier de dépouiller sa propre loi de ses éléments les plus novateurs.

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Accusé de jouer un « coup politique », le Rassemblement national s’est pourtant contenté de voter un texte considéré par ses députés comme un moindre mal bien qu’encore largement insuffisant. En cela, Marine Le Pen a tout simplement joué le jeu parlementaire d’une démocratie. Elle a d’ailleurs été victorieuse sans forcer, s’imposant comme une force incontournable dans un scénario grotesque où le président de la République a affirmé qu’il refuserait de promulguer sa loi si elle était votée avec les voix des élus du Rassemblement national. Une démarche inédite qui n’a rien à envier à celle d’un régime autoritaire, les représentants de la nation ne représentant pas leur parti mais les Français dans leur ensemble.

Nous reviendrons sur le fond du projet ces prochains jours, mais il n’est clairement pas « d’extrême-droite » comme veulent le faire croire différentes personnalités médiatiques. Le délit de séjour irrégulier entrainera désormais une amende de 3500 euros d’amende, la belle affaire. Afin d’exécuter les OQTF, sujet épineux, 44 millions d’euros seront débloqués. Bref, rien de nature à changer significativement la situation. Au fond, la gauche s’indigne du rétablissement de dispositions qui furent longtemps la norme et qu’elle a supprimées quand elle était au pouvoir. Elle n’a aucune volonté de contrôler l’immigration comme le font tous les pays du monde, elle veut ouvrir la France en grand. Elle ne distingue pas le citoyen du non-citoyen. La préférence nationale qui l’horripile est pourtant consubstantielle au fait républicain. Qu’est-ce qui peut justifier moralement qu’un étranger bénéficie d’aides sociales avant même d’avoir jamais contribué à la solidarité nationale ? Sur le plan moral, rien. Le gouvernement est plus isolé que jamais. Rejeté par la droite qui voit dans son attitude de la faiblesse et de la versatilité, il est aussi considéré comme d’extrême-droite par une gauche qui se raidit à mesure que la population française s’éloigne de ses idées internationalistes. Grand perdant, Gérald Darmanin aura appris qu’on ne peut plus faire de politique politicienne uniquement basée sur la communication quand un gouvernement n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Ma préférence, à moi…

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Loi immigration. Marine Le Pen proclame une « victoire idéologique ». Paris, 19 décembre 2023 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Loi immigration. On a le droit d’être opposé à la « préférence nationale », mais l’accusation de racisme est un mensonge éhonté !


Une idée a enflammé le Palais-Bourbon : la préférence nationale. C’était Hollywood à l’Assemblée, un festival de vierges effarouchées. Fabien Roussel a affublé Marianne d’un bandeau sur l’œil façon Le Pen. « Racisme à l’état brut » pleurnichait Aurélien Taché. « Déshonneur », s’enflammait Boris Vallaud. C’est le retour de la collaboration. Bref, pour les belles âmes qui aiment l’humanité mais se fichent de leurs électeurs (beaucoup moins immigrationnistes que leurs élus), les heures les plus sombres reviennent, le fascisme est à nos portes, la République en danger. Et moi je ne me sens pas très bien.

Députés pestiférés

Si cette préférence nationale suscite autant de syncopes, c’est d’abord parce qu’il y a le mot « national » dedans – un très vilain mot – et ensuite parce qu’elle figure depuis longtemps au programme du RN (qui préfère désormais parler de « priorité nationale »).

Hier soir, ces démocrates sourcilleux, très à cheval sur le respect de la volonté populaire quand il s’agit de retraite, n’avaient qu’un mot à la bouche: « lepéniste ». Ces lepénistes sentent tellement mauvais qu’une loi adoptée avec leurs voix serait viciée. Les trois millions de pestiférés qui ont voté RN au premier tour des législatives apprécieront certainement…

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Peut-on admettre qu’on soit hostile à cette idée ? Quand on est député de la nation, pas vraiment ! Pardon, j’ai du mal à le comprendre, car les députés sont élus pour défendre les intérêts de leurs électeurs – le peuple français. La préférence nationale, c’est leur mandat !

L’accusation de racisme est évidemment un mensonge éhonté. Tous ces députés ne sont pas assez idiots pour ne pas comprendre qu’avec cette loi immigration, un Français avec des origines, un Français noir ou arabe aura plus de droits qu’un Américain, un Suédois ou un Italien ! Il ne s’agit pas de racisme, puisqu’il s’agit d’une différence selon la nationalité, pas la couleur de peau. Il n’y a pas de nation sans préférence nationale. Droit de vote : préférence nationale ! Emplois réservés aux nationaux : préférence nationale ! Passeport : préférence nationale ! À part dans la Légion étrangère, glorieuse bizarrerie française, vous ne pouvez pas aller vous faire trouer la peau pour la France sans être français.

Désormais, il faudra attendre cinq ans pour que les étrangers en situation régulière touchent les aides sociales

Certes, il y a bien une nouveauté. Cette préférence nationale est introduite très timidement en matière sociale. Notamment pour les APL. Or, dans ce domaine, il y a une constante, disséquée il y a une dizaine d’années par le regretté Hervé Algalarrondo : la préférence immigrée de la gauche – et de la droite qui s’est soumise à elle. Théorisée par Hollande en 2008 : on n’est pas là pour protéger seulement nos citoyens.

Le préfet Michel Auboin montre comment le logement social a été le fer de lance d’une immigration incontrôlée. Elisabeth Borne a déclaré hier qu’elle était contre les restrictions sur les APL, car il y a des immigrés qui n’arrivent pas à se loger à Paris. Quel aveu ! Les milliers de Français de toutes origines chassés des centres-villes par les loyers délirants n’ont qu’à aller se plaindre ailleurs. Quant à Anne Hidalgo, elle continuera à verser les APL aux migrants. Oui : elle entre en résistance. Avec notre argent. Et si on entrait en résistance contre notre maire ?

Toutefois, il faut avoir un esprit de compromis. Le gouvernement pourrait faire un geste et abolir l’exception culturelle – préférence nationale qui protège les créateurs français. Il y a dans le monde des millions d’artistes qui ont eux aussi besoin de notre soutien !


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, après le journal de 8 heures

Scandale, Miss France fait du 85A et a les cheveux courts!

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Miss Nord Pas-de-Calais Eve Gilles, devient Miss France 2024 le 17 décembre 2023 ©Anthony Ghnassia/SIPA

La déferlante d’indignation, le tsunami de commentaires moqueurs qui ont accompagné l’élection d’Eve Gilles, représentante du Nord-Pas-de-Calais au titre de Miss France, font réagir notre chroniqueur, grand amateur de beautés diverses et qui en aucun cas ne se limiterait aux standards plébiscités par les imbéciles — dit-il.


Une amie, enseignante aux cheveux courts et aux idées longues, se fait souvent insulter, dans la rue, par les jeunes suppôts de la religion de paix, d’amour et de terrorisme de sa ville. « Sale gouine ! » lancent-ils — rajoutant souvent : « Juive » — non qu’elle en ait le type popularisé par les nazis dans la fameuse « exposition zoologique » (dixit Patrick Modiano) de 1941 Le Juif et la France, au Palais Berlitz, dont je vous recommande l’image en couverture du catalogue, mais c’est pour eux une injure additionnelle.

Pas une Miss standard, et alors ?

Chaque époque et chaque « communauté » se fabrique ses stéréotypes. Pour les Musulmans marseillais, la femme — la vraie — est un clone de Kim Kardashian, source principale de leur usine à fantasmes. Un nombre sidérant d’adolescentes se font lisser les cheveux, elles les teignent en noir en les séparant, comme Morticia Addams, par une raie médiane, dans le prolongement de celle de leurs fessiers surabondants, elles portent des push-up trois fois trop petits pour elles afin d’exhausser leurs mamelles déjà tombantes, et se maquillent à la truelle dans les tons « noir c’est noir ».

Évidemment, cette surexposition de pouffiasses n’a pas manqué d’insinuer dans les cervelles un nouveau standard, vulgaire à souhait.

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Alors, quand l’Académie des Miss élit une jeune femme qui lorgne plus vers Audrey Hepburn que vers Camélia Jordana, ce n’est qu’un cri dans le Landernau. Elle est anorexique puisqu’elle n’est pas boudin. Elle est androgyne — transgenre même, a-t-on pu lire brièvement dans une correction — supprimée depuis — de sa fiche Wikipédia. Elle est née « dans les îles », dit-on non sans un petit sous-entendu raciste de cette native de Dunkerque, sous prétexte que sa mère vient de La Réunion : et la tienne, Etienne ? Elle ne fait pas la taille requise, a même précisé La Voix du Nord, il lui aurait manqué quelques millimètres pour atteindre les fatidiques 1m70 requis pour pouvoir concourir. Diable ! Une Miss qui n’est pas une grande sauterelle, c’est inacceptable, n’est-ce pas…

De surcroît, cette étudiante en Maths / Informatique semble penser — un crime. « J’aimerais montrer que le concours évolue et la société aussi, que la représentation de la femme est diverse, selon moi la beauté ne se résume pas à une coupe de cheveux ou à des formes qu’on a… ou pas », a-t-elle souligné lors de sa qualification dans le top 15, soulignant, avec humour, qu’une couronne tiendrait très bien sur sa tête. Puis d’ajouter, en conférence de presse : « Le body shaming, on le subit au quotidien, peu importe. On a tous nos imperfections. Chaque femme est différente, nous sommes tous uniques. » Ainsi parle Sud-Ouest. Pour un peu elle citait Beauvoir. On ne naît pas Miss, on le devient. Je crois bien !

Le standard ne définit pas la beauté

Au moment même où Gabriel Attal promet des cours d’empathie afin de désarmer les futurs harceleurs (j’y reviendrai peut-être), une Miss est harcelée parce qu’elle ne se soumet pas aux standards d’une mode ignoble. Quel beau pays !

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Chaque époque a ses Vénus — et ses Eve. Au XVIe siècle, contrairement à ce que vous imaginez, elles sont tout juste sorties de l’enfance, seins à peine pubères et ligne élancée. Voyez les Vénus de Cranach. Début XVIIe, la reine Marie de Médicis, rondelette dès l’adolescence, impose son standard à Rubens, dont les Grâces sont confortablement dodues, et quelque peu celluliteuses. D’époque en époque, la taille s’est épaissie / amincie, les seins sont devenus plus lourds, le standard nord-américain (ils ont manifestement un problème avec le sein maternel, là-bas) s’est imposé, les actrices pornographiques en ont rajouté, grâce à l’industrie du silicone, puis enlevé — l’évolution des nichons de Pamela Anderson, du ballon de basket à la balle de tennis, est emblématique de ces errements successifs. On a voulu des femmes petites (vos coupes à champagne ont été taillées, à l’origine, sur le sein de la Pompadour), puis on a adoré les créatures de Russ Meyer et épinglé (c’est le sens de « pin-up ») Bettie Page, y compris en Mère Noël. L’image mentale sur laquelle les adolescents se répandaient en « cartes de France » (cherchez, si vous ne savez pas !) a considérablement changé. So what ?

Alors, Eve Gilles a les cheveux courts — la belle affaire ! Ingrid Bergman aussi dans Pour qui sonne le glas, et elle est sublime. Elle a peu de seins ? Garbo n’en avait pas plus, et on l’appelait « la Divine ». Elle est un peu maigrichonne ? Ma foi, elle a bien le temps de grossir et de ressembler aux grosses dondons qui alimentent vos rêves. Telle quelle, elle est très jolie.

La beauté, une idée (pas si) neuve en Europe

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Portrait de jeune fille de Ginevra Cantofoli DR.

Dans un essai court mais d’une érudition enlevée, Etienne Barilier regarde l’itinéraire de l’Idée de Beauté en Europe (et dans les extensions orientales et occidentales de celle-ci, la Russie et les États-Unis). Face à un Occident qui ne peut plus se voir en peinture, l’écrivain suisse, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, nous invite à regarder nos œuvres, nos tableaux, nos grands textes, car « de la beauté dont nous avons été capables, il faut parler ».


Pouvoir de nouveau se voir en peinture

Il aura fallu un long XXème siècle pour se laisser aller à cette mélancolie de soi. Ça commence en 1914, avec la Crise de l’esprit de Paul Valéry, ça se conclut par la sentence assassine de Susan Sontag : « La vérité est que Mozart, Pascal, l’algèbre de Boole, Shakespeare, le gouvernement parlementaire, les églises baroques, Newton, l’émancipation des femmes, Kant, Marx, les ballets de Balanchine etc.. n’absolvent pas ce que cette civilisation en particulier a forgé dans le monde. La race blanche est vraiment le cancer de l’histoire humaine, c’est la race blanche, et la race blanche seule, avec ses idéologies et ses inventions, qui a éradiqué les civilisations autonomes partout où elles se sont déployées, qui a bouleversé l’équilibre écologique de la planète, et qui aujourd’hui menace l’existence même de la vie ». Certes, un certain nombre de crimes inouïs sont passés par là, et ont été de nature à éradiquer toute confiance en soi. Faut-il jeter trois ou quatre mille ans d’esthétique occidentale avec l’eau du bain ? Après tout, rappelle l’auteur, le Japon, lui aussi, « a commis nombre d’atrocités avant et pendant la Seconde Guerre mondiale mais (…) personne ne songe, ni les Japonais ni le reste du monde, à décréter que par conséquent les rouleaux et les paravents de soie du musée de Kyoto, le Kinkaku-Ji, les films de Mizoguchi ou les romans de Kawabata et de Tanizaki sont à jeter aux orties pour causes d’impuissance à racheter les crimes nippons ».

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Dans son essai, Etienne Barilier propose de mettre en sourdine le sens critique hypertrophié de l’Occident – avec pour résultat, le désenchantement du monde. Après tout, d’autres civilisations, paisiblement installées sur leurs légendes dorées, ne se remettent pas en cause aussi facilement. Il fait également dialoguer les grands esprits européens. Depuis Platon, le Beau doit vivre dans un étroit compagnonnage avec le Vrai et le Bon qui lui sont collés aux basques comme les deux larrons au Christ sur la croix. L’auteur montre comment la littérature extrême-orientale, et en particulier japonaise, échappe (à peu près) à cette triade, signe que ces trois idées n’étaient pas obligatoirement faites pour vivre ensemble.

Trop beau pour être faux

L’auteur passe par un long détour et nous raconte l’histoire du portrait de jeune fille de Ginevra Cantofoli (première moitié du XVIIème siècle). Pendant très longtemps, il fut attribué à Guido Reni et associé au triste sort de Béatrice Cenci, fille d’un aristocrate romain qui avait eu à se débarrasser de son paternel à coups de marteau pour déjouer les tentatives d’inceste d’icelui. Condamnée à la décapitation, Beatrice Cenci a ému les Romains. Pendant plusieurs siècles, les grands esprits européens s’émerveillèrent devant le tableau. « Désespoir, chagrin, pathétique », pour les uns, « tristesse insondable » pour les autres, « sauvagerie d’une terreur combattue et surmontée » pour Dickens. Jusqu’à ce que les historiens s’aperçoivent qu’il s’agissait d’une peintre bolonaise par une autre peintre, sans aspiration particulièrement tragique. Plutôt que de faire des gorges chaudes de cette méprise historique, l’auteur propose ceci : « Shelley, Hawthorne, Disckens, Melville, Artaud, malgré les minutes du procès, les listes d’état civil et les autres documents d’archives, créent une réalité poétique, et cette réalité, plus que les faits bruts, nous livre une vérité précieuse. La méditation d’une Béatrice Cenci purement fantasmatique a permis à ces créateurs d’atteindre aux profondeurs de l’âme humaine. Cela ne veut pas dire que leurs inventions, si belles soient-elles, puissent prétendre à remplacer la vérité historique. Mais peut-être nous enrichissent-elles mieux que celle-ci ne parvient à le faire ».

Shakespeare ou une paire de bottes

À partir du XIXème siècle, le Beau semble débuter un nouveau compagnonnage avec le mal en Occident, parmi « les mystiques de la beauté satanique, de la beauté fleur du mal » ; inversion des valeurs et transgression des signes qui ne sont possibles que parce que les signes préexistent et sont toujours là. Il y a aussi, en Russie, la discussion entre Tolstoï – qui demandait : « Que vaut Shakespeare en face d’une paire de botte, pour celui qui doit marcher pieds nus ? » – et Dostoïevski, qui répondait, dans Les Démons : « Et moi je déclare que Shakespeare et Raphaël sont au-dessus de l’émancipation des paysans, au-dessus de la nationalité, au-dessus du socialisme, au-dessus de la jeune génération, au-dessus de la chimie, au-dessus presque de l’humanité toute entière car ils sont déjà le fruit, le vrai fruit de l’humanité, le plus beau fruit peut-être qu’elle ne puisse jamais donner, car ils réalisent déjà une forme de beauté parfaite, sans laquelle je ne consentirai peut-être pas à vivre… ». À travers le personnage de Nicolaï Stavroguine, Dostoïevski pressent le nihilisme révolutionnaire qui guette.

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Avec Wagner et Céline, l’esthétique va même s’acoquiner avec l’antisémitisme. Etienne Barilier suggère qu’il est possible de se frayer un chemin vers le beau sans se laisser infester par le poison de ces œuvres : « Mais lorsque la beauté n’a pas transmué le mal et semble l’abriter en son sein, chez un Wagner, un Céline ? Je crois que si nous savons les lire ou les écouter, nous pouvons en recueillir la lumière sans être pris dans le vertige de leur nuit secrète. Oui, chez Céline ou chez Wagner, le mal est au cœur de l’œuvre, transie du désir de mort ou de pouvoir. Mais la lumière du beau n’en est pas éteinte pour autant ».

Alors ? Si l’on veut croire que la Beauté sauvera le monde (Dostoïevski) et que l’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau (Nietzsche), alors peut-être que la grande parousie salvatrice n’est plus très loin.

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Finnegans woke

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Fresque propalestinienne dans l’ouest de Belfast, en Irlande du Nord. ©D.R

La polémique qui oppose les fondateurs irlandais du Web Summit, grand-messe de la tech internationale, à l’entrepreneur israélien Ran Harnevo révèle que les Irlandais sont à la pointe de la critique d’Israël. C’est que les anciens frères d’armes de l’OLP se voient comme le seul peuple européen victime du colonialisme européen.


Comme bien des tempêtes médiatiques, celle-ci commence par un tweet. Vendredi 13 octobre, Paddy (Patrick) Cosgrave, un entrepreneur irlandais cofondateur et PDG du Web Summit, la grand-messe de la tech créée en 2009 à Dublin mais qui se tient à Lisbonne depuis 2016, publie sur X une petite phrase : « Les crimes de guerre sont des crimes de guerre, même lorsqu’ils sont commis par des alliés, et devraient être dénoncés pour ce qu’ils sont. » Paddy fait bien entendu référence aux bombardements israéliens à Gaza, mais six jours après le massacre du 7 octobre, il ne le mentionne même pas. Et, sans disposer d’informations fiables sur les bombardements israéliens, il parle de « crimes de guerre » comme s’il s’agissait d’une évidence.

La bévue de Paddy Cosgrave

Son tweet ne passe pas inaperçu. Google, Meta et Intel, ainsi que Siemens, IBM, Stripe, Amazon et le groupe Volkswagen, se retirent de l’événement. Une décision suivie par les principaux sponsors et intervenants dont Gillian Anderson (X-Files), Nick Clegg (ancien ministre britannique) et Amy Poehler (actrice américaine), tous choqués par le tweet.

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Face à la tournure que prend l’affaire, le 17 octobre, Paddy Cosgrave présente ses excuses : il reconnaît avoir manqué de compassion et il condamne l’attaque du Hamas. Mais dans le monde de la tech où des Israéliens jouent un rôle important, c’est trop tard. L’indignation est générale et Ran Harnevo, entrepreneur israélien du secteur, a lancé une campagne contre Paddy Cosgrave, dénonçant la bouillie idéologique dont il est nourri, qui le rend aveugle au pire massacre de juifs depuis 1945.

Ran Harnevo est un entrepreneur en série au parcours typiquement israélien. Après un long service dans l’armée de l’air, il a passé quelques années à se chercher une vocation entre une activité de journaliste à Tel-Aviv et la vie sur une plateforme pétrolière offshore en Afrique, avant de se tourner vers l’entrepreneuriat high-tech. Au début des années 2010, il fonde 5min Media, une société qui produit et diffuse de courtes vidéos pédagogiques (tutoriels « How tos »). En 2016, il vend sa société à AOL pour 65 millions de dollars. De retour en Israël après un long séjour à New York, il se jette en janvier 2023 dans le mouvement de protestation contre la réforme constitutionnelle. Très vite, il s’impose comme l’un des visages du mouvement, aux côtés de Shikma Bressler, Ami Dror et Moshé Radman Aboutbol.

L’« Irish Connection »

Le 7 octobre, comme tous ses « Frères d’armes », nom du mouvement de contestation, Ran Harnevo met de côté le militantisme politique pour se consacrer à la défense de son pays. Et c’est ainsi que le 13 octobre, quand le scandale éclate, Paddy Cosgrave et son entreprise trouvent face à eux un homme déterminé à ne pas laisser passer l’affront. Après quelques jours de polémique, en pleine tenue de la conférence annuelle, Cosgrave démissionne.

L’histoire en serait restée là si Web Summit avait lâché l’affaire. Mais on assiste hélas à de nouveaux rebondissements. La vidéo de Ran Harnevo critiquant Paddy Cosgrave, qui était devenue virale, disparaît suite à une plainte pour violation de droits d’auteurs déposée par…Web Summit. Dans la foulée, Harnevo, partage sur X des captures d’écran de la réclamation que lui a adresséeq la plateforme : on découvre que c’est Adam Connon, haut dirigeant de Web Summit, qui a signalé la présumée violation des droits d’auteur. Son implication dans cette affaire permet de remonter la piste idéologique qui passe par les messages anti-israéliens de Cosgrave : l’« Irish Connection ».

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Comme son patron et associé Cosgrave, Connon est irlandais et tous deux sont actionnaires du web media The Ditch, une sorte de Mediapart irlandais, dans laquelle la société Web Summit possède des parts. Or, ce site, virulemment anti-israélien, a, dans le cadre de sa couverture de la guerre, publié un tweet qualifiant Israël d’État raciste, suprémaciste et pratiquant l’apartheid. Le tweet a été rapidement effacé, mais le tollé est tel que Web Summit doit s’engager à se retirer du capital de la société éditrice de The Ditch et à prendre ses distances avec le média. On peut comprendre à la fois quel genre de lecture a nourri la vision du monde de Paddy Cosgrave et le mécontentement d’Adam Connon voire, peut-être, sa volonté de prendre une petite revanche. Ainsi, selon Harnevo, Connon lui reproche d’avoir intégré à sa vidéo des extraits de la bande-annonce officielle du Web Summit 2023 pour « promouvoir un programme politique […] concernant le conflit entre Israël et la Palestine, sans notre consentement ». Connon pousse le bouchon encore plus loin en précisant : « Le style et la présentation de la vidéo sont faussement similaires à notre bande-annonce, ce qui peut prêter à confusion […] en associant le Web Summit à un contenu politique qu’il n’a jamais approuvé. » Harnevo déclare qu’il se battra jusqu’au bout, ajoutant qu’un nombre considérable d’avocats ont proposé leurs services bénévoles.

L’histoire n’est donc pas terminée, mais elle révèle un phénomène intéressant et peu connu : l’hostilité de nombreux Irlandais pour Israël. Les familiers des coulisses de la politique étrangère de l’UE ne sont pas surpris, car Dublin est toujours à la pointe de la critique la plus sévère d’Israël. Cette étonnante inimitié tient probablement au fait que les Irlandais se voient comme le seul peuple européen victime du colonialisme européen. De surcroît, leur lutte de libération est récente et sa dimension violente l’inscrit dans l’histoire des organisations terroristes de la fin du XXe siècle. Dès le début des années 1970, l’IRA (Armée républicaine irlandaise), s’est tournée vers le leader du marché terroriste, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Bien fournie en armes, jouissant des relations solides derrière le rideau de fer et de camps d’entraînement au Liban et ailleurs, l’OLP est devenue une sorte de « grand frère » de l’IRA. Il faut croire qu’un demi-siècle plus tard, « la rue irlandaise » conserve un petit penchant pour le massacre d’innocents. Si c’est pour la bonne cause, bien sûr.

“Le temps qui reste” de Patrick Boucheron: tract politico-woke ou libelle indigeste?

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L'historien français Patrick Boucheron prend la pose à Paris, 5 juillet 2018 © ERIC DESSONS/JDD/SIPA

Patrick Boucheron, historien et professeur au Collège de France, avait connu un franc succès auprès des déconstructeurs du « roman national » en dirigeant L’Histoire mondiale de la France, sorti en 2017.


Dans cet ouvrage qualifié d’ « opération politique et destructionniste » par l’historien Patrice Gueniffey, Patrick Boucheron proposait hardiment de « mobiliser une conception pluraliste de l’histoire contre l’étrécissement identitaire », mais aussi de « dépayser l’émotion de l’appartenance et d’accueillir l’étrange familiarité du lointain » afin de contester « une critique de la diversité culturelle dans laquelle se discerne de plus en plus une hostilité face aux effets supposément destructeurs de l’immigration ».

Tout un programme qui, on l’aura compris, n’avait pas grand chose à voir avec l’histoire de France mais beaucoup avec l’idéologie woke sur son versant immigrationniste et diversitaire. L’Histoire mondiale de la France était censée décrire une « France d’avant la France qui se dissout dans les prémices d’une humanité métisse et migrante ». Nous apprîmes ainsi, entre autres, que « l’homme de Cro-Magnon est un métis, par vocation », et que la France, pays d’immigration depuis la préhistoire, devait surtout se prémunir de « la régression identitaire d’un nationalisme dangereusement étriqué ». Cet ouvrage a incontestablement été la plus grande entourloupe historiographique de ce début de siècle. Cette somme d’articles démolissant la France, son histoire, ses plus grands événements comme ses plus grands hommes, s’est vendue à des dizaines de milliers d’exemplaires et a largement contribué au wokisme grandissant qui taraude les universités de notre pays.

Un historien dans le feu de l’action

Patrick Boucheron a récemment décidé de nous parler un peu de lui et, plus précisément, de son engagement écologique et politique. Autant le dire tout de suite, malgré les nombreuses tentatives de dissimulation, la modestie n’est pas ce qui qualifie le mieux le professeur au Collège de France. Son dernier opuscule, paru au Seuil, s’appelle Le temps qui reste et est composé d’une cinquantaine de pages dont chacune rend hommage d’une manière ou d’une autre à l’auteur, lequel espère avoir « le courage et la modestie de ne plus reculer devant l’obstacle et de se tenir là, face au vent, dans la mêlée ». Les nombreuses formules pompeuses de ce genre rendent la lecture du livret fastidieuse mais renseignent idéalement sur ce que le brillant professeur au Collège de France pense du courageux activiste écologiste en devenir bien décidé à agir depuis qu’il a réalisé « qu’une forme supérieure de lucidité ne peut s’éclairer qu’au feu de l’action ». Le style du professeur au Collège de France oscille entre la simple boursouflure et l’affectation grotesque ; l’ensemble est ponctué d’effets de manche littéraires cachant mal une grande fatuité : « Voilà pourquoi l’historien que je tâche d’être cherchera toujours le moyen de s’exposer sans s’afficher, d’échapper à l’indignité de celui qui cherche à tirer bénéfice de ce qu’il écrit », écrit humblement le professeur au Collège de France. Et on songe immédiatement à une sentence de La Bruyère : « La fausse modestie est le dernier raffinement de la vanité. »  

Greta Thunberg à la Marche pour le climat, Paris, 22 février 2019. © Denis Meyer/ Hans Lucas/ AFP

Donc, le temps est venu d’agir. Heureusement, les jeunes générations montrent l’exemple, écrit Patrick Boucheron en comparant Greta Thunberg, allons-y gaiement, à Jeanne d’Arc. Patrick comprend Greta – ses simples et rudes sermons, ses frustes mais nécessaires rappels à l’ordre, ses rudimentaires et répétitives admonestations – mais Greta comprend-elle Patrick lorsque celui-ci déclame : « Notre conception contemporaine du temps qui reste est celle d’un temps qui manque, et s’il manque, c’est que nous manquons au temps – je veux dire que nous sommes désormais comptables de nos manquements. […] Voilà pourquoi l’histoire du temps qui manque ne saurait être totalement désespérante – parce qu’elle est aussi l’histoire du temps qui reste, qui n’est assurément pas un temps d’attente mais de prise de conscience de tout ce que nous n’avons pas perdu » ? (Traduction de cette ratatouille gracieusement offerte à Mlle Thunberg : tout n’est pas fichu si chacun y met du sien, bien malin qui sait de quoi demain sera fait, tant qu’il y a de la vie y’a de l’espoir, ne vendons pas la peau du temps qui reste avant de l’avoir tué, et toutes ces sortes de choses).

Un historien de tous les combats

La deuxième partie du livret est un grand fourre-tout intersectionnel. Patrick Boucheron se penche sur les nombreuses sources « d’indignation » de notre époque : la « responsabilité humaine dans le changement climatique », bien sûr, mais aussi les violences faites aux femmes, les violences policières, le racisme, le capitalisme néolibéral, la montée de l’extrême droite, etc. Les catastrophes s’amoncellent, le danger réactionnaire pointe le bout de son nez mais, heureusement, de jeunes militants se révoltent contre toutes ces menaces – et le professeur avoue hésiter quand il s’agit de verser soi-même dans la force physique, brutale et révolutionnaire des activistes. Il nous offre à cette occasion une nouvelle version de “retenez-moi ou je fais un malheur !” : « Tandis que partout s’accumulent les périls, il y a tant à faire pour essayer d’empêcher la continuation du pire, tant de combats concrets à mener, tant de foyers incandescents d’effervescence politique, tant d’invention et de courage, que la tentation est forte de les rejoindre simplement, en envoyant tout valdinguer, nos livres et nos scrupules. » Mais le frêle intellectuel connaît ses limites et préfère plutôt « prendre sa part des combats à mener en rendant serviable à toutes et à tous un travail de pensée ».

A lire aussi, du même auteur: L’ultradroite! L’ultradroite, vous dis-je!

Les sujets « d’indignation » s’empilent alors dans le plus grand désordre. Face aux violences policières, le comité “La vérité pour Adama” a su montrer l’exemple d’une « indignation si puissante » que beaucoup (devinez qui) s’en effrayèrent, écrit l’historien. Les « rodomontades sur l’islam et l’immigration » l’ont conduit par ailleurs à écrire une tribune en 2018 « pour dénoncer l’indignité de la politique gouvernementale face à la crise des migrants » – on s’étonne, l’immigration n’ayant jamais été aussi importante que depuis qu’Emmanuel Macron dirige la France, pays au demeurant on ne peut plus accueillant pour les immigrés légaux ou illégaux. Bien entendu, la possibilité de l’élection de Marine Le Pen en 2027 lui donne des maux d’estomac – raison pour laquelle il appelle à la rescousse les journalistes de Mediapart, Edwy Plenel en tête.

Pas le temps de parler aux thuriféraires de l’enracinement

Au milieu de ce fatras, après avoir cité quelques personnalités bien connues des milieux écologistes, immigrationnistes ou wokistes – Camille Étienne, Bruno Latour, Jean-Pierre Dupuy, Mathieu Potte-Bonneville, Didier Fassin, mais aussi Deleuze et Derrida, entre autres – l’historien évoque « la grande penseuse de l’écoféminisme Donna J. Haraway » et son livre Vivre avec le trouble. Cette philosophe, égérie de Paris-VIII qui conteste l’objectivité scientifique – les sciences sont, selon elle, des « savoirs situés » derrière lesquels se cachent le plus souvent un dominant ou un oppresseur, plutôt occidental, plutôt masculin, plutôt blanc – est une théoricienne et sympathisante fanatique de toutes les idéologies écologistes et wokes susceptibles de « troubler » (ou « brouiller ») les frontières anatomiques, sexuelles, naturelles, culturelles ou géographiques. Son objectif est d’effacer les limites entre l’homme, la machine et l’animal afin d’éradiquer l’idée même d’humanité dans un monde occidental qu’elle considère être par ailleurs « trop blanc, trop masculin, trop hétérosexuel et trop humain ». Son programme final, exposé justement dans Vivre avec le trouble, est un « monde où les pensées émanent de symbiotes à corps multiples », un monde « résolument queer » où « l’Humain, décomposé en humus, composte avec les autres espèces » afin de nouer des « relations multispécifiques » avec notre « Terre abîmée ». Le délire « compostiste » et « multi-symbiotique » de Mme Haraway est très supérieur, si j’ose dire, aux simples élucubrations écoféministes. M. Boucheron adhère-t-il totalement au projet ahurissant et déshumanisant de Mme Haraway ? Si oui, nous lui conseillons de regarder le film Alice et le maire dans lequel une adepte radicale des théories harawayiennes est obligée d’aller régulièrement se reposer dans une… clinique psychiatrique.

Pour conclure, notons que, à l’instar de Geoffroy de Lagasnerie, Patrick Boucheron réfute l’idée de débattre avec de potentiels contradicteurs et préconise que « les conjurations d’intelligence » – en clair, les élites universitaires qui se seront abreuvées aux sources wokes et immigrationnistes de Boucheron, Butler, Héran et autres Fassin – ne perdent pas « le peu de temps qui [leur] reste » à tenter de convaincre les « thuriféraires de l’enracinement ». Préconisations inutiles, il y a longtemps que les « conjurations d’intelligence » préfèrent empêcher la tenue de certaines conférences plutôt que de se frotter à des idées différentes des leurs. Pour empêcher toute conversation contradictoire on peut aussi, comme le fit Patrick Boucheron lors d’un débat organisé par Le Monde, face à Alain Finkielkraut qui voulait évoquer la controverse sur le livre de Sylvain Gouguenheim Aristote au Mont Saint-Michel, arguer, sur un ton hautain, de son titre universitaire et de sa spécialisation : « Je suis professeur au Collège de France… je suis médiéviste, ma voix sur un sujet d’histoire médiévale, que ça vous plaise ou non, vaut un peu plus que la vôtre. » En revanche, sur certaines théories et certains auteurs wokes cités à la va-vite pour épater la galerie gauchiste et universitaire, si nous osions, nous lui répliquerions qu’il ne touche pas son caramel et va devoir bosser un peu… parce que pour l’instant, que cela lui plaise ou non, sur ces sujets-là, sa voix ne vaut pas un kopeck.

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«Lorraine Airport»: Victoire contre un francocide!

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En 2015, pour faire chic, l’aéroport de Metz-Nancy-Lorraine s’était renommé « Lorraine Airport ». Après huit ans de procédures, la justice confirme enfin qu’en France on parle le français.


Une victoire significative vient d’être remportée contre le tout à l’anglais, par les défenseurs du français, qui entendent faire respecter l’article 2 de la Constitution ainsi que la loi Toubon. Il s’agit de l’affaire de l’aéroport de « Metz Nancy Lorraine », qui vient de trouver son dénouement.

L’affaire a commencé, le 21 août 2015, par un recours gracieux de l’AFRAV (Francophonie Avenir) au directeur de l’aéroport, lui demandant de ne pas utiliser la marque « LORRAINE AIRPORT » au prétexte qu’elle contrevient aux articles 1, 2 et 14 de la loi 94-665, relative à l’emploi de la langue française en France. L’affaire durera huit ans. Le 14 décembre 2023, le juge donne raison, par ordonnance1, à l’AFRAV et condamne la partie adverse à verser 2500 euros au titre de l’article 700 du Code de la procédure civile. Belle victoire pour faire respecter la loi !

A lire aussi: Langue française à Villers-Cotterêts: vous reprendrez bien quelques lieux communs…

Dire le caractère exemplaire de cette affaire, est-ce peser « des œufs de mouche dans une balance en toile d’araignée » — pour reprendre une image prêtée à Voltaire ? On connaît la soumission générale à l’anglais informatique et commercial, au globish d’aéroport, des institutions, des services publics et des entreprises, des commerces, des médias et des dirigeants européens, de nos élites médiatisées, comme en témoigne l’affaire de notre Identity card2. Et si certains commentateurs de notre actualité préfèrent écrire un énième livre sur les années folles soixante-huitardes ou faire un énième état des lieux des misères du pays, des preux de notre langue, eux, luttent, inlassablement, depuis des années, au sein de leurs associations et dans les journaux, et montent au créneau contre l’anglicisation galopante du français dans notre pays et en francophonie : délitement syntaxique, appauvrissement du vocabulaire, méconnaissance des temps et des modes. Et il y a à  de quoi faire face à un président multiculturaliste, champion de la sape de la langue française dans l’espace francophone, qui pense que parler anglais, c’est bon pour la planète. Comme si parler anglais allait convaincre un investisseur chinois, russe, turc ou brésilien — qui, eux, s’expriment dans leur langue quand ils signent des contrats— de signer quelque accord que ce soit avec la France.

On connaît le nom de Monsieur De Poli qui œuvre au sein de l’AFRAV. C’est « le terroriste bienveillant » redouté des journalistes dont parle Le Figaro, « le chasseur d’anglicismes » infatigable qui commence tous ses articles (des dizaines de milliers !) par un « Vous permettez, Monsieur, de vous écrire… » pour dénoncer un anglicisme et proposer une expression française équivalente, conformément à la loi Toubon. Lui, ainsi que les héros du quotidien dont on ne peut citer tous les noms, doit inciter chacun d’entre nous, puisque notre langue est notre chose commune, à réagir contre la dérive du tout à l’anglais, en écrivant aux médias. Encore faut-il être persuadé que ce n’est pas ajouter une goutte d’eau à la mer.

Si l’affaire de LORRAINE AIR PORT (après celle du Health Data Hub, gagnée l’an dernier sur le ministère de la Santé) illustre les vers de La Fontaine : « Patience et longueur de temps / Font plus que force ni que rage », ayons conscience qu’il n’est plus temps de perdre du temps quand il s’agit de garder notre langue en usage et santé contre la gangrène qui guette son grand corps malade. Le ministère de l’Education Nationale semble avoir compris que le temps, en effet, nous était compté.


  1. https://www.francophonie-avenir.com/Archives/Ordonnance-de-jugement-du-Tribunal-judiciaire-de-Metz-du-14-decembre-2023-au-sujet-de-l-affaire-Lorraine-Airport.PDF ↩︎
  2. https://www.causeur.fr/bilinguisme-franco-anglais-de-la-carte-didentite-une-forfaiture-240501 ↩︎

Wokisme chez Disney: «libéré, délivré»?

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"Wish, Asha et la bonne étoile" (2023), le film de Noël de Disney.

Le dernier film d’animation des studios Disney, « Wish », a été boudé par les Américains. Mais, il pourrait être rentabilisé grâce aux ventes à l’international. Il raconte l’histoire émouvante d’une adolescente et d’une étoile filante magique, et nous épargne la leçon de morale woke…


L’année 2023 s’est révélée très dure pour la vénérable maison Disney. Une série de navets aurait entraîné une perte d’un milliard de dollars. La raison en est que le géant du divertissement se trouve entre l’enclume et le marteau. D’un côté, ses films d’animation classiques sont accusés par une nouvelle génération de racisme, sexisme, homophobie et validisme. Mais, de l’autre, sa tentative de se racheter en produisant des films ouvertement wokistes a attiré les foudres des conservateurs et détourné une grande partie du public !

La liste de ses échecs s’allonge. En 2022 : Avalonia et Buzz l’Éclair qui incorporent des éléments gay et lesbiens. En 2023 : le cinquième Indiana Jones qui critique le capitalisme et le colonialisme ; The Marvels qui met en scène trois superhéroïnes féministes ; et La Petite Sirène qui présente une sirène noire et fait référence à MeToo et au mouvement des drag-queens. La dernière déclaration financière de l’entreprise explique ses pertes en reconnaissant que ses « positions sur des questions d’intérêt général » présentaient « des risques ».

A lire aussi, Samuel Fitoussi: «Le wokisme a profondément appauvri l’univers Disney!»

Disney n’est plus dans le cœur des Américains. Selon le classement annuel des marques les plus aimées, réalisé par Axios-Harris en 2023, la firme a dégringolé à la 77e place, alors qu’elle était à la cinquième en 2019. Bob Iger, l’ancien PDG rappelé à la tête du groupe en 2022 pour tenter de redresser la situation, a récemment confié au New York Times qu’il fallait revenir aux fondamentaux du divertissement et laisser tomber les « messages ». En effet, la sortie de la nouvelle version de Blanche-Neige, qui a fait scandale quand le public a appris que les sept nains seraient remplacés par des « créatures magiques », a été retardée jusqu’en 2025 pour que le film soit révisé. Selon une récente photo de plateau, Grincheux et compagnie semblent être de retour. Pourtant, la dernière sortie de Disney, WishAsha et la bonne étoile, d’un sentimentalisme parfaitement conventionnel, a encore été un échec. Comme si la vénérable maison avait oublié l’art de faire un bon film.

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Gérard Depardieu: Abdul-Malak pulvérise la présomption d’innocence

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Bruxelles, 25 juin 2018 © Daina Le Lardic/Isopix/SIPA

Selon la ministre de la Culture, l’acteur fait honte à la France. Emmanuel Macron, qui ne l’entend pas de cette oreille, recadrera-t-il Rima Abdul-Malak ? Le regard libre d’Elisabeth Lévy


La famille Depardieu fait bloc autour de Gérard, dans une tribune1 publiée par le Journal du Dimanche signée par sa fille Julie, son ex-femme Elisabeth et d’autres membres de la famille. Rappelons que sur France 2, Complément d’enquête a diffusé des extraits des rushs du film de Yann Moix (sans son accord). Sur ces chutes, le comédien profère des blagues graveleuses sur un ton rigolard. Il semble faire des commentaires sexuels sur une très jeune cavalière.

Je l’avoue, ça ne m’a pas choquée. Apparemment, notre pays est peuplé de gens intraitables sur la pudeur, la belle langue et l’humour convenable. La diffusion de ces images a déclenché un tel hallali qu’on avait l’impression qu’il avait agressé la fillette.

Tous les lyncheurs devraient lire le texte du Journal du Dimanche :

On y apprend apparemment que le montage de Complément d’enquête était manipulatoire – c’est ce que dit Yann Moix – et que Gérard Depardieu qui appelle tout le monde « fifille » ne parlait pas de la fillette. « S’agissait-il, se demande sa famille, de le faire passer pour pédophile ? » Quoi qu’il en soit, il s’agit une fois de plus d’une terrible faillite du tribunal médiatique.

A lire aussi: C’est curieux, chez les amateurs de vin, ce besoin de faire des phrases…

« Il faut cesser l’amalgame entre les paroles et les actes. Grossier, grivois, gaulois, lourd parfois mais pas violent ! » peut-on aussi lire.  Oui : blagues lourdes et propos salaces ne sont pas un crime. Et de plus, c’est pour ses excès qu’on aime Depardieu depuis les Valseuses. « Pour lui et pour toute la famille les dégâts sont indescriptibles ». Les inquisiteurs en chambre qui jugent et condamnent sans avoir la moindre idée des faits dont ils parlent doivent savoir qu’ils détruisent aussi des enfants, des épouses, des amis. Bref, des êtres humains qui ont droit à la vie privée.

Et la ministre de la Culture a donc condamné le comédien. C’est encore plus grave. Mais pas étonnant. Rima Abdul-Malak rate rarement l’occasion de proférer une énormité. Et elle a une conception baroque des institutions. Au mépris de la séparation des pouvoirs, elle avait menacé C8 et CNews de les priver de fréquence, ce qui n’est pas dans ses attributions. Certes, Gérard Depardieu est accusé de viol. En mère supérieure de l’ordre des sœurs de metoo, Rima Abdul-Malak pulvérise la présomption d’innocence : elle déclare que Depardieu fait honte à la France et annonce une procédure pour lui retirer la Légion d’honneur. Votre Légion d’honneur vous pouvez vous la garder, répond-il en substance via ses avocats.

La sortie de la ministre a fortement énervé Macron (info parue dans le JDD). En privé, le président soutient Gérard Depardieu. Mais en public, il n’ose pas s’opposer à la doxa néo-féministe. Il paraît qu’il va engueuler sa ministre. Il devrait plutôt la congédier ; elle est légèrement moins utile au rayonnement de la France que Gérard Depardieu et toutes ses outrances.

  1. https://www.lejdd.fr/culture/la-famille-depardieu-soutient-gerard-140472 ↩︎

Agression d’une ado à Lyon: Oh comme c’est bizarre…

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DR.

Par respect pour leur victime, les autorités demandaient aux internautes de cesser de partager la vidéo d’une agression violente à Lyon commise par des racailles islamisées. Mais c’est bien tout le tintouin généré sur les réseaux sociaux par la vidéo qui semble avoir permis la garde à vue de quatre délinquantes.


Jeudi 14 décembre, la vidéo d’une scène révoltante a été diffusée sur les réseaux sociaux, notamment Telegram et X (ex-Twitter), et y est rapidement devenue virale, grâce entre autres à Fdesouche. On y voit une adolescente (il s’avérera qu’elle a 13 ans) se faire insulter, menacer, traîner par les cheveux et passer à tabac par un groupe de filles – sur la vidéo, il semble qu’il y en ait quatre, deux d’entre elles se rendant coupables de violences. Ce que l’on sait des faits – du moins ce qui en a été rendu public à ce stade – a été parfaitement résumé par Amaury Bucco, de Valeurs Actuelles, sur le plateau de Cyril Hanouna. Ce que je veux souligner ici, c’est l’attitude des autorités.

En effet, dès le 14 décembre la préfecture du Rhône et la Police Nationale ont demandé de ne plus diffuser la vidéo du tabassage « par respect pour la victime. » Et le lendemain, 15 décembre, quatre personnes étaient placées en garde-à-vue dans le cadre de l’enquête sur cette agression. On aimerait approuver cet appel à préserver la pudeur de la victime et se réjouir de cette célérité, mais malheureusement…

L’enquête relancée

On sait maintenant que les faits remontaient au 10 octobre, et que le père de la victime avait déposé plainte peu après, le 12 octobre, soit deux mois avant la diffusion de cette vidéo. Deux mois pendant lesquelles les auteurs de l’agression n’ont pas été inquiétés, alors qu’une fois la vidéo devenue virale les interpellations n’ont pas pris 24 heures. De là à penser que sans le buzz sur les réseaux il n’y aurait toujours rien de fait… Personne en tout cas n’imagine que les interpellations étaient de toute façon prévues le 15 décembre, et que c’est pure coïncidence si la vidéo de l’agression a été rendue publique la veille !

Le père de l’adolescente passée à tabac le constate : « Ça fait des mois que j’ai porté plainte…. depuis l’agression de ma fille. Et là, depuis que la vidéo a été diffusée ça a fait bouger les choses. » « Par respect pour les victimes », la priorité ne devrait-elle pas être de combattre de telles agressions plutôt que de les taire ? Et, pour les combattre, de les traiter au plan sécuritaire sans attendre un scandale médiatique pour agir, mais aussi au plan politique, et donc de les mettre dans le débat public pour éclairer les décisions des électeurs ?

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Car la multiplication de ces violences est un fait politique majeur, et il faut les voir pour prendre véritablement conscience de ce qu’elles sont, il faut entendre cette jeune fille de treize ans répéter « je suis désolée » (alors qu’elle n’a rigoureusement rien à se reprocher) pour comprendre la peur, l’humiliation qui lui ont été infligées, et c’est à cette aune qu’il faut juger les évolutions de notre société, c’est à cette aune qu’il faut juger l’action – ou l’inaction – de l’Etat, c’est à cette aune qu’il faudra juger les sanctions que l’institution judiciaire infligera – ou non – aux coupables de l’agression. Ce n’est pas respecter les victimes que de vouloir empêcher le souverain – c’est-à-dire le peuple français – de constater leur souffrance et d’en demander des comptes à tous les responsables.

Bonnes et mauvaises victimes médiatiques

Faut-il faire un lien avec les désormais classiques accusations en « récupération » et « instrumentalisation », sans oublier « complotisme » et « populisme » – toujours « d’extrême-droite » bien sûr – dès que quelqu’un met en évidence un fait illustrant un phénomène de société qui ne va pas dans le sens de la bien-pensance ? Alors que, rappelons-le, la diffusion massive de la photo du petit Aylan Kurdi avait été applaudie par ceux-là mêmes qui voudraient qu’on ne parle pas de Lola, qu’on ne parle pas d’Enzo, qu’on ne parle pas de Jérémy Cohen, qu’on ne parle pas de Mégane, qu’on ne parle pas de Thomas.

Dans le cas d’espèce, celle des agresseurs qui se montre la plus enragée sur la vidéo porte un foulard islamique, et il semble que sa motivation est que sa victime aurait dénoncé son frère, un certain Yassine, qui l’aurait agressée sexuellement. On pense alors bien sûr au silence systématique des associations « féministes » progressistes face aux agressions (y compris sexuelles) dont se rendent coupables des « racisés ». On pense surtout aux travaux de Maurice Berger sur la dimension clanique de certaines diasporas présentes sur notre sol, notamment arabo-musulmanes et africaines.

Deux France face-à-face

Mais ce n’est pas tout. Si l’État n’assure plus la sécurité des citoyens, ceux-ci ne devront-ils pas tous se tourner vers des solidarités de type clanique pour espérer s’en sortir, ne pas être seuls face aux bandes, ou rechercher la « protection » de nouveaux seigneurs féodaux ? Il semble qu’après son agression, constatant au fil des jours, des semaines, des mois que l’enquête n’aboutissait à rien de concret et que la menace perdurait, la jeune victime ait fait appel à l’influenceur communautariste Bassem Braiki pour demander son aide, se prétendant tunisienne afin de le convaincre, et que c’est lui qui a permis la médiatisation de l’affaire et donc, très probablement, sa véritable prise en compte par les autorités. Souvenons-nous qu’à Dijon, déjà, c’est un imam et non la République qui a servi de « juge de paix » aux affrontements entre bandes maghrébines et tchétchènes. On en revient, encore et toujours, à l’implacable mécanique d’effondrement décrite par Ibn Khaldoun : l’empire en train de se déliter s’oppose avec violence à ce que les citoyens ordinaires puissent se défendre eux-mêmes, car ils pourraient alors résister à sa prédation fiscale, mais refuse de les protéger contre les barbares que des « élites » décadentes préfèrent essayer d’acheter, ou maintenir à distance en leur livrant le reste de la population…

Il est certain en tout cas qu’en plein débat – houleux – sur l’immigration, l’écho médiatique rencontré par des faits comme l’agression de Lyon n’arrange pas ceux qui veulent la poursuite de l’immigration massive et continuent à chanter les louanges du « vivre-ensemble » au mépris du réel – car ce qu’ils appellent « faits divers » est une tendance de fond, corroborée dans toute l’Europe par toutes les études statistiques sérieuses. Je laisse la conclusion au collectif Némésis, qui a répondu à la Préfecture du Rhône : « On arrêtera de diffuser les vidéos quand vous passerez plus de temps à traquer les auteurs de ce genre de méfaits plutôt que ceux qui partagent ladite vidéo. »