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Comment parler de la fille Garrido/Corbière?

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« Je suis antisémite et j’assume ». La fille de Raquel Garrido et d’Alexis Corbière a été placée en garde à vue pour apologie du terrorisme. Le comble, c’est que ses parents s’étaient plutôt éloignés des positions les plus islamo-gauchistes de la France Insoumise. Zola, reviens !


Inès, âgée de 21 ans, fille des députés de la France insoumise Alexis Corbière et Raquel Garrido, est visée par une enquête pour « apologie du terrorisme et provocation publique et directe non suivie d’effet de commettre des atteintes volontaires à la vie. » En octobre dernier, après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël, un compte qui diffusait des messages à caractère antisémite (ils furent hélas légion) a été repéré sur le réseau social X.

Aller casser du sioniste

Sous un article consacré à la prise en otage d’une famille israélienne, raflée sauvagement au sein même de son foyer par les terroristes du Hamas, ce compte répondant au nom de « Babynesou » commentait : « Alors je n’ai peut-être pas d’âme mais ils me font pas du tout de peine, je les trouve plutôt chiants, surtout les gosses. » À l’annonce de la marche parisienne organisée en solidarité avec Israël, « Babynesou » écrivait encore : « Qui se chauffe pour aller casser du sioniste là ? » Ces publications odieuses ont été relayées et dénoncées par le militant Damien Rieu qui a désigné comme l’utilisatrice du compte, photos à l’appui, Inès Corbière, inconnue jusqu’alors des services de police. Dans la foulée, des associations anti-discrimination, dont l’Organisation juive européenne (OJE), ont déposé plainte contre X pour « apologie du terrorisme », réclamant l’identification formelle de cette internaute ainsi que des poursuites judiciaires. Quelques semaines plus tard, le 14 novembre, c’est une vidéo maintes fois relayée sur les réseaux sociaux qui a jeté un nouveau trouble. On y voyait une jeune femme, face caméra, vociférant : « Je suis antisémite, je m’en bats les couilles. J’assume ! » Interpellée au domicile familial, mardi 16 janvier, après perquisition de celui-ci, et placée en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), Inès Corbière est ressortie libre, mercredi, sans poursuite judiciaire. « À ce stade, les investigations se poursuivent » a simplement commenté le parquet de Paris. Une enquête préliminaire a été ouverte.

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Jeudi 18 janvier, Raquel Garrido et Alexis Corbière sont sortis du silence via un communiqué. Il convient de souligner la pudeur et la sobriété de celui-ci : « Nous voulons tout d’abord exprimer avec émotion notre compréhension et affection auprès de toutes les personnes choquées à la lecture ou à l’écoute des propos ou expressions qui sont diffusées dans cette affaire », assurent-ils en préambule. S’ils déplorent ensuite que l’enquête, pourtant soumise au secret, n’ait pas été protégée, ils n’en affirment pas moins devoir, parce que « personnalités politiques de premier plan », « des obligations de rendu de compte. » S’ils réclament que la vie privée comme l’intégrité physique et morale de leurs enfants soient préservées, les députés sont aussi très clairs : « (…) Elle (Inès), doit répondre des expressions qui lui ont été imputées par M. Rieu, comme tout justiciable devant la justice. Elle ne jouit à cet égard, d’aucun privilège ni passe-droit. Nous respectons la procédure en cours. » Ils assurent également : « L’apologie du terrorisme, à savoir l’expression d’un jugement favorable au terrorisme, est un délit qui, tout comme la provocation à la commission d’un délit et l’expression de l’antisémitisme doivent être poursuivis conformément à la loi. » Confronté à « une épreuve familiale et parentale », le couple accepte enfin « sans sourciller » le procès public devant « le tribunal des parents. »

Joie mauvaise

Ceux qui seraient tentés, face au malheur qui frappe des adversaires politiques, de céder à une joie mauvaise, celle que les Allemands nomment Schadenfreude, doivent garder en tête que nos enfants se dévoient parfois, malgré l’éducation donnée et l’amour reçu. Il serait par conséquent très prétentieux de se croire à l’abri de ce genre d’infortune. Au-delà de ces considérations, nécessaires, il convient de réfléchir. Tout en sachant que Raquel Garrido, Alexis Corbière, et François Ruffin, ont condamné sans équivoque les exactions et les pogroms perpétrés par le Hamas, il serait bon que la dérive supposée d’Inès Corbière incite à s’interroger collectivement quant à l’influence de certains discours de LFI sur la montée d’un nouvel antisémitisme. Il n’est pas une journée, en effet, sans que les Insoumis n’alimentent la haine de leur électorat contre Israël. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon vient de déclarer sur X, à propos de la guerre en Israël : « Un génocide n’est pas « une réponse disproportionnée ». C’est un crime contre l’humanité, point final. » Toujours sur X, Ersilia Soudais s’est aussi exprimée récemment : « Meyer Habib qui demande tranquillou de laisser les Israéliens massacrer les Palestiniens. On le laisse déverser sa haine jusqu’à quand ? »

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J’ai une pensée triste pour Zola qui écrivit sa Lettre à la jeunesse, en 1897, avant J’accuse : « Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le vingtième siècle qui va s’ouvrir ! Cent ans après la déclaration des Droits de l’Homme, cent ans après l’acte suprême de tolérance et d’émancipation, on en revient aux guerres de religion, au plus odieux et au plus sot des fanatismes ! » Que penserait-il donc de la faillite du XXIème siècle ; de cet antisémitisme d’un nouveau genre qui prospère et qu’une certaine classe politique cultive ?

Rachida Dati: le gauchisme culturel a de beaux restes

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Elisabeth Lévy revient sur l’arrivée surprise de Rachida Dati au ministère de la Culture – un choix que la plupart des commentateurs nous ont présenté comme follement « disruptif ».


J’ai toujours eu un faible pour Rachida Dati, son côté ambitieuse intrigante, sa façon de porter la haute-couture française; son combat de chipies avec Hidalgo m’amuse. Mais la passation de pouvoir donnait l’impression que Rachida Abdul-Malak cédait la place à Rima Dati, ou le contraire. Et pas seulement parce qu’elles se sont donné du « chère Rachida »/ « chère Rima ». Toutes deux jouaient du violon sur le thème je suis une femme issue de la diversité. Comme si ça leur conférait une once de plus-value !

Chère Rima, chère Delphine, chère Sibyle…

« Vous l’avez dit, madame la Ministre, chère Rima, nous avons cela en commun : la liberté de penser – notamment pour les femmes, une liberté de parler – notamment pour les femmes, une liberté de créer – notamment pour les femmes… Nous avons aussi en commun  d’incarner la diversité culturelle qui fait la force de notre pays », a déclaré Rachida Dati, en arrivant rue de Valois, vendredi 12 janvier. Citons aussi les propos lunaires de Rima Abdul-Malak, tenus sous le regard énamouré des patronnes de l’audiovisuel public Delphine Ernotte et Sibyle Veil. Face à « la désinformation, à la simplification trop fréquente de la pensée» (suivez mon regard), elle a salué le service public de l’audiovisuel dont « les équipes travaillent avec rigueur, en toute indépendance ». La bonne blague ! Rima Abdul-Malak aura méconnu jusqu’au bout le sens de sa fonction : garantir le pluralisme des médias, et pas le piétiner avec sa croisade personnelle contre les chaînes Bolloré.

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Or, en public, Rachida Dati professe la même admiration pour le service public. Elle avait notamment déclaré que France Inter fait partie du parcours républicain des Français.

Vous allez me reprocher d’avoir un dossier un peu léger

Pas tant que ça. En réalité, cette passation des pouvoirs témoigne d’une soumission idéologique au gauchisme culturel. Rachida Dati n’y croit même pas, elle ne veut pas être tricarde sur France Inter. De même, quand elle arbore son statut de femme et de maghrébine, elle cède à l’air du temps multiculti au lieu de défendre l’universalisme.

Pour ses premiers pas à la Culture, elle aurait pu affirmer que la culture n’est pas la propriété de la gauche, rappeler que le ministre n’est pas là pour diffuser la propagande progressiste, ni pour distribuer des bons ou mauvais points aux médias, ni pour promouvoir une culture mondialisée, mais pour permettre aux Français d’accéder à leur héritage commun.

Après Rima Abdul-Malak dont les initiatives s’appelaient « La relève » ou « Nouveau monde » (tout un programme !), on attendait que Rachida Dati assume une vision conservatrice de la culture orientée vers la préservation de l’héritage. Ce n’est pas en disant ce que Le Monde et la presse de gauche veulent entendre qu’elle fera mentir ceux qui la voient simplement comme une traîtresse de droite.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez notre directrice de la rédaction dans la matinale de Patrick Roger, du lundi au jeudi après le journal de 8 heures.

Merci à Stanislas !

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Une tribune libre de Jean-Robert Pitte, ancien président de l’Université Paris-Sorbonne, Membre de l’Institut


Je suis attristé de la haineuse campagne orchestrée par une partie de la gauche parlementaire et par Anne Hidalgo et sa majorité à la Mairie de Paris contre le collège Stanislas et, avec lui, tout l’enseignement privé sous contrat que l’on n’ose plus appeler « libre ». J’ai en effet préparé mon baccalauréat dans cet établissement en 1965-66 et, 58 ans après, je voudrais dire que cette année a été la plus enrichissante de toute ma scolarité. Pardon de vous raconter ma vie, mais je dois vous conter pourquoi j’ai atterri à Stan l’année de mes 16 ans, à plus d’une heure de bus et de métro de chez moi.

Wikimedia commons

Mes parents étaient de modestes employés de bureau[1] vivant chichement avec leurs trois fils dans un petit appartement d’une banlieue sans luxe et sans joie, dans ce département que l’on appelle aujourd’hui le 9-3 : le Pré-Saint-Gervais qui n’était pas encore bobo et dont le ciel était alors obscurci toute l’année par la fumée des usines. Pas de salle de bains, pas de télévision, le premier frigo en 1960, pas de voiture, pas de maison de campagne, mais des vacances dans des « maisons familiales » ou des gîtes : voici le décor de mon enfance. Mon père était né en 1906 au Havre. Il avait été abandonné par son père et ma grand-mère disposait de revenus très aléatoires, si bien que son fils n’avait fréquenté l’école des Frères que pendant les quatre années de la Première Guerre mondiale. Ses maîtres étaient hors d’âge, car tous les jeunes frères étaient mobilisés. Il avait dû travailler comme livreur à partir de l’âge de 12 ans. Néanmoins, il écrivait sans une faute d’orthographe et a passé sa vie à composer des poésies qui se lisent encore avec bonheur. Ma mère, née au Pré-Saint-Gervais en 1909, avait perdu son père à la guerre et avait été scolarisée chez les Sœurs du Saint-Esprit jusqu’au certificat d’études. Même bilan : pas une faute d’orthographe, une écriture calligraphiée, les fables de La Fontaine récitées par cœur des décennies plus tard…  À 14 ans, elle entrait comme employée aux écritures dans une usine. Fervents catholiques, mes parents s’étaient connus au patronage de la paroisse, un vrai lieu de brassage social dans cette petite ville ouvrière et socialiste où les talas n’étaient pas bien vus et avaient peu de chances de bénéficier d’un logement social, dans l’une de ces confortables HBM qu’Henri Sellier avait construites sur les pentes menant aux fortifs et à Paris.

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Parce que l’anticléricalisme était virulent dans notre ville, singulièrement dans les écoles laïques, nos parents nous mirent au jardin d’enfants chez les Sœurs où nous apprîmes à lire dès 6 ans. Ensuite, ils nous inscrivirent à Saint-Joseph de Pantin, un établissement tenu par la congrégation des Frères des Écoles chrétiennes. Ceux-ci étaient encore majoritaires dans le corps enseignant. Originaires des campagnes catholiques de la France profonde, dont ils avaient conservé les accents, habillés en soutane avec rabat, ils nous menaient à la baguette – ce n’est pas une clause de style ! – ce qui leur vaudrait aujourd’hui mise en examen et nous inculquaient sans indulgence les bases du savoir et les principes religieux et moraux de notre Sainte Mère l’Église. L’école était mal chauffée et un peu délabrée, nous devions marcher une demi-heure pour nous y rendre par tous les temps et je me souviens des longs hivers neigeux et de la pollution qui régnait dans cette noire banlieue. Il y avait encore dans ces années d’après-guerre de nombreux catholiques d’origine modeste et le brassage social était une réalité dans notre école comme dans tous les établissements catholiques des quartiers populaires, puisque les enfants des bourgeois catholiques y étaient aussi inscrits. En ce qui me concerne, brevet des collèges en poche, comme 100% des élèves de Saint-Joseph, j’avais conservé l’année d’avance acquise chez les sœurs, et les Frères incitèrent mes parents à me faire poursuivre des études générales plutôt que d’accéder à ma demande de devenir cuisinier. Ils obtinrent pour moi une place en classe de seconde à La Rochefoucauld, une école réputée, tenue par la même congrégation, mais située dans le très chic 7e arrondissement. Nous étions une petite cohorte d’élèves à venir de Seine-Saint-Denis et représentions déjà l’effort de brassage social qu’accomplissaient les établissements catholiques à cette époque. Les deux heures quotidiennes de transports en commun m’ont permis de dévorer un grand nombre de romans classiques (Alexandre Dumas, Jules Verne, Pierre Benoît, Balzac, etc.), alors qu’il n’y avait aucun livre chez mes parents.

La Rochefoucauld ne préparait que les bacs scientifiques et mon niveau en maths était affligeant. Aussi proposèrent-ils à mes parents de m’envoyer en Terminale Philo à Stanislas. J’ai le souvenir d’un entretien préalable entre le Père directeur et ma mère, en ma présence, dans un immense bureau. Nous étions dans nos petits souliers. Je fus accepté et commença pour moi une année passionnante. Un souvenir : au mois de juin, je reçus une liste de livres à lire pendant les vacances. Je ne l’ai pas conservée, mais je me souviens de deux livres lus en cet été 1965, alors que j’avais 16 ans : Le Banquet de Platon et le pamphlet anti-Barthes de Raymond Picard intitulé Nouvelle critique, nouvelle imposture. Je les ai conservés, tant ces livres détonnaient par rapport à ma mince culture et encore plus à celle de mes parents. L’année me passionna. La pédagogie était beaucoup plus libérale que chez les Frères et j’acquis un début de sens critique et de liberté de penser qui m’a rendu de grands services ensuite. Les professeurs de philo et de français étaient très forts et très pédagogues. Les cours de religion étaient alors obligatoires, mais je faisais partie de ceux qui s’y intéressaient, même si mes convictions religieuses étaient tièdes. J’étais loin de cartonner dans mes résultats, mais j’obtins mon bac de justesse avec un 14 à l’écrit de philo.

En arrivant à la Sorbonne en octobre 1966 pour commencer des études de géographie, bien que l’un des benjamins de ma promotion, je m’aperçus très vite que j’étais à ma place et que j’avais un bon niveau d’expression écrite, résultat de l’exigence des bonnes sœurs, des bons frères et des bons pères qui m’avaient instruit. À la Faculté des Lettres, la plupart des maîtres et de leurs assistants étaient très marqués à gauche et l’Institut de Géographie de Paris était un bastion du Parti communiste. Mon année à Stanislas me permis de relativiser leurs certitudes sur l’URSS et le sous-développement et, en 1968, j’entrai en résistance contre les fadaises du moment. Pur produit de la méritocratie, premier de ma famille à passer le baccalauréat et à entrer à l’université, je ne supportai pas que mes copains, souvent d’origine plus bourgeoise, fassent grève, occupent les amphithéâtres et grimpent sur les barricades comme des enfants gâtés cassant leurs jouets. Je n’ai jamais plus varié dans ces convictions. L’effort, la rigueur sont les seuls instruments de la promotion sociale et je suis fier que mon parcours illustre cette évidence. Sans les bonnes écoles où j’ai étudié depuis la maternelle, nul doute que je n’aurais pas poursuivi mes études et ne serais pas devenu professeur d’université. Mes parents ne regrettèrent pas les efforts financiers qu’ils avaient faits pour que je parvienne à ce résultat. Je n’en tire nulle gloire, mais je leur exprime ma reconnaissance infinie, ainsi qu’aux nombreux maîtres qui m’ont instruit, avec des méthodes parfois maladroites, mais toujours exigeantes.

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Il y a quelques années, le directeur du Collège Stanislas ayant repéré que j’étais un ancien de la maison m’a demandé de venir donner une conférence aux élèves de Terminales. Je suis donc revenu un demi-siècle plus tard dans l’établissement où j’avais préparé le bac. J’ai admiré la motivation des élèves – plus grande que de mon temps- , des professeurs et de l’encadrement de cette maison. J’ai appris qu’elle accueillait toujours des élèves de Seine-Saint-Denis, en particulier musulmans et, pour un certain nombre, gratuitement. Le directeur me raconta qu’une mère voilée était venue le voir en lui disant : « Mon aîné est transformé depuis qu’il est chez vous. Ne pourriez-vous prendre aussi son petit frère ? » En me raccompagnant à la grille du collège à l’heure d’une récréation, il aperçut un élève portant un survêtement à capuche, interdit par le règlement. Un petit coup de sifflet et l’objet du délit fut aussitôt confisqué sans que l’élève fautif ne récrimine.

Que l’on fiche donc la paix à Stanislas et aux établissements d’enseignement privé sous contrat. Ce sont des laboratoires de ce que devrait être toute l’École en France promouvant les valeurs civilisées que sont le travail, l’encadrement intellectuel et affectif individualisé des élèves en lien étroit avec leurs parents, la liberté de penser, l’implication de tous les enseignants dans le projet de l’établissement. Que le message du christianisme inspire beaucoup d’entre eux n’a rien de répréhensible, bien au contraire, d’autant que les enseignements religieux n’y sont plus obligatoires désormais. Malgré cela, des élèves non baptisés et de familles agnostiques, juives ou musulmanes les suivent par curiosité et s’en portent très bien. Il n’y a rien de choquant à ce que, pendant ces heures, on y explique les principes théologiques et moraux qui sont exposés dans le catéchisme de l’Église. C’est le contraire qui serait anormal. La laïcité laïcarde est une absurdité et une petitesse d’esprit hélas trop répandue en France. Que ceux qui en doutent se plongent dans la biographie des pionniers de l’enseignement libre destiné aux pauvres : saint Jean-Baptiste de La Salle ou saint Jean Bosco.

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[1] Jean-Robert Pitte, Une famille d’Europe, Paris, Fayard, 2011.

Et si c’était le talent que la gauche reprochait à Sylvain Tesson?

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Considérant que l’écrivain à succès Sylvain Tesson est une «icône réactionnaire», des centaines de « poétesses, poètes, éditrices et éditeurs, libraires » pétitionnent contre sa nomination comme parrain du Printemps des poètes 2024. On guettera avec gourmandise la réaction de Rachida Dati.


Six cents personnalités du monde de la culture, pour la plupart inconnues, y compris pour les gens ayant un attrait pour les arts et la littérature, viennent de signer une tribune dans Libération – forcément – afin de s’opposer au parrainage du Printemps des poètes par Sylvain Tesson1. Le tort de l’un des écrivains les plus talentueux de sa génération ? Banaliser l’extrême droite ! 

Mauvaises fréquentations

L’auteur serait donc un réactionnaire, catalogué dans un pamphlet récent aux côtés de deux autres infréquentables, Michel Houellebecq et Yann Moix. Il eut le tort de préfacer une réédition du Camp des Saints2, ouvrage visionnaire du regretté Jean Raspail qui, en 1973, prophétisait le débarquement, sur les plages françaises, d’un million de miséreux. Il a beaucoup lu, des auteurs de droite et de gauche ; mais surtout, pour ses contempteurs, il cite Maurice Barrès. Il s’est même un jour rendu à La nouvelle librairie et a discouru sur Radio Courtoisie. N’en jetez plus, la coupe est pleine, débordant de ce que la gauche intolérante ne voudrait voir.

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Et si c’était, au bout du compte, le talent que les sectateurs woke lui reprochent ? La marche de Sylvain Tesson est guidée par le goût de l’aventure et du risque, la recherche du merveilleux là où il se dévoile encore et le penchant pour la solitude bercée par les soleils couchants. Sa plume est trempée dans les mers chaudes et froides du monde, les lacs qui dévoilent leurs mystères dans la brume et les fleuves qui serpentent quand ils ne font office de frontière. 

Avoir du talent ou pas

En amont de ses livres toujours attendus, l’épopée. La vraie, celle au cours de laquelle l’aventurier prend des risques en plantant son piolet dans la paroi, en affrontant la nature parfois hostile, en pénétrant dans des contrées où la neige finit par tout confondre. Sylvain Tesson eut la folie géniale de reproduire la retraite napoléonienne de Russie en… side-car, de s’isoler six mois dans les forêts que l’on devine inhospitalières de Sibérie, de vivre son Odyssée et de la raconter dans Un été avec Homère ou, plus modestement, d’arpenter les petits chemins noirs de la France. 

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Mieux, il est aussi bon orateur qu’écrivain (ce qui est rare !). Le compliment déplaira peut-être à l’homme de lettres qu’il est. Il suffit pourtant d’écouter disserter ce nomade fasciné par la sédimentation, ce sans domicile fixe ancrant chacun de ses pas dans la terre ferme, ce fieffé réactionnaire qui a pour fief la littérature, pour appréhender l’étendue de son éloquence. Le wokisme est un égalitarisme comme les autres, au nom duquel chaque tête qui dépasse doit être tranchée et chaque déviant enchaîné sur un lit de Procuste. Il est une affaire de meutes, forcément veules et lâches, souvent lancée à la poursuite de ceux que le génie isole. « Les hommes déprécient ce qu’ils ne peuvent comprendre », écrivait Goethe. Les adeptes de la cancel culture, munis des ciseaux d’Anastasie, n’ont pas compris que, plus encore que par l’imposition de leur moraline, leur action est dictée par leur incapacité à atteindre le talent des autres.

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  1. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/nous-refusons-que-sylvain-tesson-parraine-le-printemps-des-poetes-par-un-collectif-dont-baptiste-beaulieu-chloe-delaume-jean-damerique-20240118_RR6GMDTTHFFXNGLP7GG7DZ2ZFU/ ↩︎
  2. La tribune de Libération se trompe. Sylvain Tesson a écrit en réalité une préface à Là bas, au loin, si loin…, en 2015 (Bouquins Robert Laffont) NDLR ↩︎

La boîte du bouquiniste

Les bouquinistes virés des quais de Seine par la Ville de Paris ont trouvé refuge à Causeur. Jusqu’à la fin des JO, la rédaction vous ouvre leur boîte à vieux livres.


Georges Conchon (1925-1990) n’avait pas la tête de l’emploi. Ne vous fiez pas à son faux air de Philippe Castelli et à son emploi hautement symbolique de secrétaire des débats au Sénat. Ce fonctionnaire d’élite, proche de Michel Rocard, ancien condisciple de Giscard, ami de Jean Carmet et de Gérard Depardieu, aimait pointer la rapacité des hommes. Le système ne lui résistait pas, il le décortiquait et le dépeçait avec une voracité jouissive, qu’il s’attaque à la décolonisation ou à la dinguerie des marchés financiers, son réquisitoire drôle est toujours férocement d’actualité. Sous cette figure placide, vaguement ennuyeuse, la pipe inamovible, se cachaient un pamphlétaire rigolard, un écrivain révolté en costume trois-pièces et un habitué des listes des meilleures ventes. Conchon, aujourd’hui honteusement oublié, a été honoré tout au long de sa carrière. Dès 1956, il a reçu le prix Fénéon pour Les Honneurs de la guerre, puis, en 1960, le prix des Libraires pour La Corrida de la victoire, et il décrocha même le prix Goncourt en 1964 pour L’État sauvage.

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Il était invité à la table de Pivot le vendredi soir et les films adaptés ou non de ses romans connurent des succès au box-office. Il a notamment écrit Sept morts sur ordonnance pour Jacques Rouffio et La Victoire en chantant pour Jean-Jacques Annaud, Oscar du meilleur film étranger en 1977. Un an plus tard, en 1978, il s’intéresse à une « vieille » affaire de 1974 où 66 milliards se sont évaporés dans la nature. Pour tout le monde ? « Il en fut très peu parlé. Même dans Le Monde, dont ce serait pourtant assez le genre. Un moment on a pu croire qu’ils allaient lever un coin du voile, au Monde, mais ils l’ont vite lâché. Closed, tout de suite. Occulted ! » écrit-il au début de ce roman sobrement intitulé Le Sucre et illustré par Ferracci, l’affichiste star des seventies, qui a paru aux éditions Albin Michel.

De quoi s’agit-il ? Du marché à terme des marchandises qui fait grimper artificiellement le prix du sucre, de la faillite des boursicoteurs, de la gabegie des grandes institutions et du silence complice de l’État. Le sujet est complexe, vitreux, inflammable, même son héros malheureux, Adrien Courtois, inspecteur des impôts tentant de faire fructifier l’héritage de son épouse, pharmacienne à Carpentras, n’y comprend plus rien.« Mais le principe du marché à terme, son charme, sa glorieuse incertitude, c’est justement la spéculation sur l’imprévisible », avance l’auteur, un brin goguenard. Conchon, c’est Albert Londres chez les Pieds nickelés, la rigueur d’une enquête journalistique à l’américaine avec ce style rapide, haché, tendu et un côté bistrotier, la vanne fuse sur le zinc. Dans ce roman de 1978 qui précède le film de Rouffio, on admire surtout son art du portait, toute cette faune sauvage, remisiers, commissionnaires, banquiers, hautsfonctionnaires qui court après « un petit sou » de plus. Et puis, il y a Raoul d’Homécourt dela Vibraye, incarné par Depardieu, qui explique àAdrien Courtois les mécanismes naturels de la déroute : « Fais donc pas cette tête ! T’es pas le premier, tu seras pas le dernier. Y a pas d’exemple, pas un seul exemple, tu m’entends, d’un petit spéculateur qui y ait pas laissé sa chemise. Depuis que le Marché est Marché, ça devrait se savoir, et ÇA SE SAIT PAS !… »

Georges Conchon, Le Sucre, Albin Michel, 1978.

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Michel Drucker et les coupeuses de tête

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Michel Drucker suscite une tempête sur les réseaux sociaux, après son passage sur France 2. Quelle époque ! « Vous avez vraiment souffert ? » a-t-il osé demander à Marie Portolano, samedi dernier. Mme Portolano s’est fait connaitre avec son enquête sur le sexisme dans le journalisme sportif, avant d’animer des concours de pâtisserie et « Télématin ». Le regard libre d’Elisabeth Lévy.


Tempête sur les réseaux sociaux. Même Michel Drucker, a-t-on envie de dire, déchaîne les néo-féministes des deux sexes. Il était invité samedi de Quelle Epoque sur France 2. Marie Portolano et Thomas Sotto, co-présentateurs de Télématin sur France 2 étaient là aussi, pour promouvoir leur émission. Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné… Passons.

Le « vieux monde sexiste » frappe à une heure de grande écoute

Drucker s’adresse à Portolano, auteur d’un documentaire sur le sexisme dans le journalisme sportif intitulé «Je ne suis pas une salope, je suis journaliste» :

« C’est l’ancien reporter sportif qui vous parle Marie, vous avez vraiment souffert avec les copains des sports, avec les mecs des sports ?
– Euh, non! … J’étais pas la seule…
– Ils ont vraiment eu des attitudes inconvenantes, vraiment? »

À lire aussi, du même auteur: Kompromat à la française

Précisons qu’il a un sourire en coin, bienveillant et un brin paternel. Sur le plateau, personne ne moufte. Tout de même c’est Drucker. Et Léa Salamé lance un autre sujet.

Mais sur les réseaux, c’est un véritable hallali. « A vomir, une honte, qu’il dégage ce fossile » peut-on y lire. Ce « vraiment » ne passe pas.

Il croit qu’on ment ! s’indignent des femmes témoignant dans le documentaire. 20 Minutes parle carrément de questions misogynes[1], Télérama déplore un « désolant paternalisme » et un certain Rémi apporte son soutien à Portolano, laquelle aurait été victime d’une agression, selon lui. On aimerait savoir ce qu’en pensent les victimes de vraies agressions.  

Michel Drucker a peut-être été maladroit…

Mais il a POSE UNE QUESTION ! Drucker est un peu perplexe, car, lui, à son époque, aux sports, il n’a pas vu cela. Il se demande peut-être si les mots ont le même sens aujourd’hui qu’hier. Une blague lourde, c’est une agression? Un compliment, c’est sexiste ? Le documentaire de Mme Portolano révèle certainement des choses qui nous semblent accablantes aujourd’hui. Que tout le monde acceptait alors.

À lire aussi, Martin Pimentel: Affaire Depardieu: «Brigitte» mi-woke, mi-réac

Je vous disais récemment que la révolution #metoo entrait dans sa phase terroriste. Que ça tombe sur Michel Drucker, l’urbanité faite homme, le prouve. Personne ne l’accuse de s’être mal comporté, mais pour une question – je le répète – il devient l’ennemi du peuple, l’ennemi des femmes. Questionner la parole des femmes, comme celle du Parti ou de Dieu, c’est blasphématoire. Douter est un crime. Vous avez juste le droit de vous prosterner et de dire « Amen ».

Autre classique totalitaire : la dénonciation des pères. Pour que les lendemains chantent, les hiers doivent avoir été une longue nuit. Au rancart les boomers. En réalité les petits gardes roses d’aujourd’hui ont plus en commun qu’ils ne le croient avec leurs parents et leurs grands-parents ex-soixante-huitards et ex-extrême gauchistes: le fanatisme, l’intolérance, l’esprit de procès et de lynchage.

En prime, ils ont lu moins de livres. 


[1] https://www.20minutes.fr/arts-stars/people/4070581-20240115-epoque-malaise-apres-serie-questions-misogynes-michel-drucker-marie-portolano

«Affaire Stan»: Et pendant ce temps, au Royaume Uni…

Pendant que les Français (ou leurs journalistes) se passionnent pour la scolarité des enfants de la nouvelle ministre de l’Éducation, que la gauche dénonce un prétendu « séparatisme » scolaire de Mme Oudéa Castéra et s’interroge sur les cours de caté de l’établissement privé Stanislas, au Royaume Uni, la Haute Cour d’Angleterre est invitée à se prononcer d’ici à la semaine prochaine sur une plainte pour discrimination visant la Michaela Community School, école privée très prisée située à Wembley. Jeremy Stubbs raconte.


Alors qu’un débat animé que l’on pensait éteint et qu’une « guerre » entre école publique et école privée reprennent dans l’hexagone, je voudrais ce matin vous raconter l’histoire de Katharine Birbalsingh, la directrice d’une école londonienne – peut-être la directrice d’école la plus célèbre de toute l’Angleterre. Sur l’échiquier politique, ses succès indéniables dans le domaine de l’éducation lui ont valu les louanges de la droite et les huées de la gauche. Car cette femme, née en Nouvelle-Zélande d’un père guyanien d’ascendance indienne et d’une mère jamaïcaine, élevée au Canada, mais ayant passé toute sa vie d’adulte au Royaume Uni, a fondé une école en 2014 qui a battu presque tous les records en matière de réussite scolaire.

« École libre » made in GB

La Michaela Community School, située à Wembley, dans une banlieue difficile de la capitale britannique, fait à la fois collège et lycée, selon le modèle anglais. (Si je dis « anglais », c’est parce que système scolaire n’est pas le même dans tous les pays du Royaume Uni). Le statut de cet établissement est celui d’une « école libre », c’est-à-dire qu’elle est financée par l’État, les élèves n’ont pas de frais de scolarité, mais l’école est largement indépendante de l’autorité locale – du rectorat, si vous voulez. Elle a plus de liberté que les écoles publiques pour choisir son propre programme et ses propres méthodes pédagogiques.

Dans un environnement qui met l’accent sur la bienveillance, la reconnaissance et l’épanouissement, l’école impose une discipline très stricte. On l’a même appelée « l’école la plus stricte de l’Angleterre ». Il y a une tolérance zéro pour les mauvais comportements ; le système de sanctions et de récompenses est expliqué en début de chaque année ; et le port de l’uniforme est obligatoire. Les méthodes pédagogiques sont les bonnes vieilles méthodes traditionnelles. La mémorisation est à l’honneur. L’apprentissage de la langue anglaise – en respectant scrupuleusement les règles grammaticales, l’orthographe et la précision du vocabulaire – est au cœur du programme. L’étude des pièces de Shakespeare est obligatoire. Et les réussites en mathématiques montrent combien cette matière est prise au sérieux.

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Les élèves sont de toutes les origines ethniques présentes outre-Manche et de toutes les grandes religions. C’est donc une école multiculturelle. Pourtant, on enseigne aux jeunes que ce qu’ils ont en commun, c’est le fait d’être Britanniques. Tout est fait pour promouvoir une identité proprement nationale. L’histoire et la culture britanniques sont au programme, et si les pages sombres ne sont pas cachées, les apports positifs ne le sont pas non plus. Pour montrer que l’élève peut être fier de son pays, on a recours aux chansons patriotiques.

Katharine Birbalsingh, une directrice pas adepte de ce wokisme en vogue ailleurs

Katharine Birbalsingh ne nie pas l’existence du racisme dans la société, mais rejette l’idée que la solution réside dans l’idéologie victimaire, dans la doctrine de la diversité et de l’inclusivité ou dans tout ce qui introduit la notion d’une ségrégation entre les élèves. La vraie réponse aux difficultés des minorités ethniques et religieuses se trouve dans la discipline et la réussite scolaire. Et la réussite scolaire est au rendez-vous. Le taux de réussite des élèves aux examens nationaux et dans la compétition pour les places dans les meilleures universités est parmi les plus élevés de tout le pays. Et à chaque visite des inspecteurs d’école, l’établissement est jugé excellent dans toutes les catégories. En 2020, Mme Birbalsingh a été décorée par la reine Elisabeth !

Ce n’est donc pas une surprise si elle est devenue une cible pour la gauche et l’extrême-gauche wokiste. Elle a fait l’objet non seulement de critiques de la part des partisans d’une pédagogie plus molle ou plus militante, mais aussi d’insultes et de menaces d’activistes haineux. Et c’est là qu’arrive l’histoire qui nous préoccupe aujourd’hui.

Quand l’islam s’en mêle

En mars 2023 l’école interdit les rituels de prière musulmans à l’école – c’est-à-dire la pratique de la Sâlat. En réponse, certaines personnes à l’extérieur ont cherché à insulter, intimider et agresser le personnel enseignant. Cette semaine, la Haute Cour d’Angleterre examine la plainte portée par une élève musulmane qui accuse l’école Michaela de discrimination : pour elle, cette interdiction serait contraire à son droit à la liberté de conscience ou de religion. Selon l’avocat de la plaignante, un chrétien pourrait prier en silence, assis dans la cour de récré, mais un musulman doit pouvoir accomplir tout un rituel – d’où l’accusation de discrimination.

Katharine Birbalsingh s’est déjà défendue : son école d’environ 700 élèves est une école laïque. En anglais, on dit « secular », c’est-à-dire ouverte à toutes les religions sans en privilégier aucune. Chaque « communauté » a dû faire des concessions pour permettre à tous de vivre ensemble : les Témoins de Jéhovah ont dû accepter d’étudier le Macbeth de Shakespeare, en dépit des scènes de sorcellerie dans cette pièce ; les chrétiens ont dû accepter les séances de révision le dimanche ; les hindous, la présence d’œufs dans les cuisines… Les musulmans sont priés d’accepter l’absence de salles de prière. Il faut dire que, outre-Manche, les salles de prière musulmane ne sont pas du tout obligatoires dans les établissements publics et y sont d’ailleurs très rares. Pourquoi donc s’en prendre à l’école Michaela en particulier ? D’autres questions se posent : qui a coaché la plaignante ? qui paie les frais d’une avocate de haut niveau, qualifiée pour plaider devant la Haute Cour ?

L’école Michaela est vraiment l’école telle que nous la rêvons – l’école où la discipline permet le respect mutuel et encourage l’ouverture à l’autre ; l’école où les méthodes pédagogiques centrées sur les capacités à acquérir font progresser l’élève ; l’école où les critères d’excellence poussent chacun à se dépasser et à dépasser sa condition sociale. C’est donc, pour certains, l’école à détruire et sa directrice, la femme à abattre.

La fin des non-dits en politique et ailleurs?

Dans le monde politique, la semaine écoulée a démontré que plus rien n’était à l’abri de la suspicion.


On m’accordera, je l’espère, que depuis la démission forcée d’Elisabeth Borne, dans le domaine politique, notamment au plus haut niveau présidentiel, l’intérêt et la grandeur de la France sont radicalement passés au second plan. On me concédera que la vie politicienne a été portée à son zénith et qu’on n’y voie pas un reproche de ma part : je l’adore. C’est juste un constat. « Politicienne » est d’ailleurs un peu faible. C’est davantage un champ de coups fourrés, de magouilles, de pièges, de vengeances, d’humeurs, de rétorsions, de secrets et de leurres : un vaudeville démocratique qui laisse loin derrière lui la moindre allure républicaine.

Le poison de la transparence

En même temps on découvre un processus qui d’une certaine manière pourrait être perçu tel un progrès par rapport à l’hypocrisie habituelle : l’éradication des non-dits, la fin des « je n’en pense pas moins mais je ne dirai rien ». Je ne fais pas allusion aux réseaux sociaux où depuis longtemps le cloaque, parfois pertinent dans ses douteuses extrémités, domine et où on n’hésite pas à révéler ce qui devrait demeurer secret et qui même ne devrait pas être abordé.

Avant de faire un sort à notre monde politique qui est atteint par ce poison – cette transparence d’un nouveau genre ? -, on est bien obligé de constater que dans notre quotidienneté en quelque sorte civile, il y a longtemps que les non-dits ne sont plus définis comme le comble de la politesse, un miracle de la civilité. Nous sommes loin de ce qu’Alain Finkielkraut expose magnifiquement dans son dernier livre à partir d’une explication d’Emmanuel Levinas pour qui l’autre et son visage constituent ce qui vont nous détourner forcément de nous-même pour nous conduire au respect du prochain.

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Au fil des jours, et de plus en plus – je me sens moi-même coupable de cela -, le besoin de dire le vrai, même s’il offense, est devenu le signe d’une sincérité qui se flatte de tous ces non-dits qu’elle écrase. J’ai bien conscience que pousser à l’extrême un tel processus pourrait constituer notre humanité comme un champ de ruines mais n’est-il pas dur parfois de taire les seules choses qui seraient susceptibles de permettre l’élucidation d’autrui et de ses postures ? Cette politesse qui incite à s’abstenir, cette urbanité qui s’efforce d’occulter, cette douceur d’une civilité systématique n’étaient pas étrangères au débat politique, aux joutes partisanes. Derrière les affrontements idéologiques les plus rudes, subsistait le souci des personnes et de leurs tréfonds de même que des siens. Ils restaient dans l’ombre.

Tout cela est fini. Les non-dits sont totalement vaincus. Non seulement l’exigence de rassemblement, vœu pieux de tous les présidents de la République, n’a jamais été concrétisée mais avec Emmanuel Macron, la dislocation du pays en trois familles politiques et en de multiples antagonismes ponctuels a pris un tour tellement personnel qu’il en est jouissif ou dévastateur.

François Baroin : quand Rachida fâchée, elle toujours faire ainsi !

Il y a d’un coup une libération de la parole intime, du verbe qui n’osait pas s’exprimer, moins par morale que par la crainte de devenir à son tour la cible : maintenant, ce qui gisait au fond surgit à la surface. Le Premier ministre est stigmatisé parce qu’il ne serait pas « un homosexuel ostentatoire » et qu’il serait juif – alors qu’il ne l’est pas d’ailleurs. Fabien Roussel le qualifie de « Dalida… paroles, paroles, paroles » ! On exprime ouvertement la honte d’avoir un ministre des Affaires étrangères qui parle si mal le français en Ukraine. S’il y a une déplorable maladresse de communication de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale qui a gardé les sports dans son portefeuille (mauvaise idée !), la manière dont elle est traitée relève d’une inquisition qui fait bon marché de la liberté des choix familiaux. Plus rien n’est à l’abri de la suspicion, même la plus intime, quand un pouvoir peu lucide dans sa sélection ministérielle n’a pas su prévenir les inéluctables controverses.

Les Républicains ne sont pas épargnés. Lors de ses vœux à Troyes, François Baroin s’en prend à Rachida Dati en lui reprochant son entrée au gouvernement et son illusion pour son « deal » avec le président en ce qui concerne la Mairie de Paris en 2026. Elle lui a répliqué vertement en l’accusant de n’avoir été qu’un « héritier » dont les autres ont fait la carrière et qui s’est toujours défaussé quand son parti avait besoin de lui.

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Je ne me prononce pas sur le fond de ces disputes mais elles mettent en lumière que les arrière-pensées, même les plus vindicatives, ont pris la relève des faux consensus et des apparentes concordes. Je ne peux m’empêcher de relever que sous ces antagonismes qui révèlent des actions ou des abstentions politiques, des tactiques partisanes, on retrouve toujours les mêmes responsables qui continuent, directement comme Eric Ciotti ou indirectement, vicieusement comme Nicolas Sarkozy, à s’occuper des Républicains. On aboutit à ce paradoxe que si LFI a fait perdre délibérément au débat parlementaire sa tenue et que Jean-Luc Mélenchon a explosé en mille provocations, aucun député de son camp n’a jamais violemment disqualifié ce dernier, tant une retenue, une peur persistent, qui le protègent. Il y a encore beaucoup de non-dits chez eux comme peut-être aussi au Rassemblement national où on fait silence pour ne pas faire apparaître que Jordan Bardella serait meilleur que Marine Le Pen en 2027.

La fin de la plupart des non-dits en politique est-elle en définitive une heureuse évolution ? On pourrait répondre par l’affirmative si elle était compatible avec l’essentiel qui est le programme, l’élaboration du projet. Ou faut-il tristement admettre que ce qui manque, ce ne sont pas les idées mais les personnalités, les intégrités et les courages ? En tout cas, pour l’instant, quel jeu de massacre !

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Hausse des taux et baisse du niveau

Si les Français sont notoirement nuls en économie, leurs élites, à commencer par Christine Lagarde, ne semblent pas tellement plus calées. On a pu s’en apercevoir à l’occasion de la crise inflationniste post-Covid.


Les économistes des générations futures regarderont le début du XXIe siècle comme l’une des périodes les plus étonnantes de leur discipline. Pendant quelques années, nous avons en effet mis à bas toutes les certitudes acquises, défié toutes les lois du marché. À partir de la crise des subprimes, en 2008, les banques centrales ont pu faire tourner la planche à billets à plein régime, sans créer d’inflation. À rebours de la théorie, les taux d’intérêt ont connu alors un niveau historiquement bas. L’Allemagne a pu même emprunter à des taux négatifs, une aberration. On prêtait 100 euros aux Teutons et ils promettaient d’en rendre 99 à leur créancier ravi. Essayez chez le boucher : « Vous le mettrez sur ma note, René, et je repasserai vous donner moins. » Gueule de René.

Dans son sillage, la France a pu continuer à faire ce qu’elle sait le mieux : s’endetter pour déverser par brassées des milliards d’euros sur des clientèles diverses. Avec, au cours de cette période bénie, l’argument de la « bonne affaire ». Emprunter à de telles conditions, il fallait être un décliniste réactionnaire pour ne pas vouloir profiter de l’aubaine. Et Dieu sait si Sarkozy, Hollande et Macron en abusèrent, non pour investir dans la défense ou le nucléaire, mais pour calmer les bonnets rouges, les banlieues, les gilets jaunes, et tous les autres Gaulois réfractaires au boulot autant qu’à l’arithmétique.

Culture financière : les Français en queue de classement

Parallèlement à cette légitimation du tropisme français pour la gestion dispendieuse des deniers publics, cette faiblesse historique des taux a eu de multiples effets. L’argent placé sur un compte épargne ne rapportait rien ; on se devait d’investir à tout prix dans quelque chose, le cas échéant et parfois de préférence, dans n’importe quoi. Le plus visible a été bien sûr la hausse vertigineuse de l’immobilier, mais également celle de tous les actifs, actions, start-ups au businessmodel fumeux, montres, Porsche, bitcoins, jusqu’aux plus baroques – les NFT et les Bored Ape, littéralement les « singes las », sorte de vignette Panini virtuelle à 300 000 euros le bout.

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Les Français restent bien calés en fond de classement européen pour la culture financière (14e sur 18 en 2020), mais ils en tirent une certaine fierté. Fidèles au Général, « l’intendance suivra » semble être leur motto pour ne prêter qu’une oreille distraite aux données macroéconomiques. Tout ce qui dépasse la valeur d’une résidence principale leur semble équivalent – un million, un milliard, c’est du domaine de l’abstraction. Lorsque les effets de la planche à billets se sont enfin alignés sur ce qui était écrit dans les manuels d’économie – le retour d’une vigoureuse inflation, ils ont bien sûr mis cela sur le compte des « patrons » désireux de s’en mettre plein les poches. Ils n’avaient d’ailleurs pas complètement tort, puisqu’on estime qu’un peu moins de la moitié de la hausse des prix n’a eu comme autre motivation que celle d’améliorer leurs marges. Néanmoins, anecdotique pendant dix ans, l’inflation a atteint 8,6 % en zone euro en décembre 2022, avec des conséquences très concrètes pour l’État, les entreprises et les particuliers. Hausse des taux d’emprunt, difficultés à acheter, tout cela s’est traduit par un gel du marché de l’immobilier, une chute des prix en cours que certains pronostiquent à 20 % (!). La valeur de certaines starts-ups, les fameuses licornes valorisées plus d’un milliard de dollars, s’est vaporisée. Et nos gouvernants devront désormais trouver 72 milliards en 2027, une paille, pour payer les intérêts de la dette contre 33 milliards en 2023. Pour faire face à cette dépense supplémentaire de 39 milliards (c’est combien en pavillons de banlieue ?), il suffirait de… supprimer l’Éducation nationale – 40,3 milliards en 2023. Vu ce qu’on y apprend – surtout en économie – et les coups de couteau qu’on y risque, sans doute un mal pour un bien.

Politique de la FED et politique de la BCE

Là où les choses se sont compliquées, c’est quand les élites européennes et plus précisément celles de la BCE sont entrées dans la danse pour gérer la vague inflationniste. Pour faire simple, il convenait d’augmenter rapidement les taux d’intérêt pour lutter contre la surchauffe, en restant prêt à les baisser aussi prestement, dès que leur niveau risquait de déclencher une récession. Certes perçues comme des apparatchiks sans cœur, mais crédités d’une expertise technique, Christine Lagarde et ses équipes ont réagi comme on pouvait, hélas, s’y attendre. Aussi médiocre en matière économique que ses concitoyens, Mamie BCE n’a évité aucune des chausse-trappes que la crise à venir avait dissimulées sous ses pas. En septembre 2021, la reine Christine déclare que « l’inflation est transitoire », alors que tout indique le contraire. En décembre 2021, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, sans doute amoureux de la saucisse de Francfort, précise que « l’inflation devrait revenir à son niveau cible de 2 % en 2023 ». Nous serons en réalité à 5,3 %. Pendant ce temps-là, la Fed avait déjà commencé à relever ses taux, mais la BCE n’a pourtant pas eu le réflexe de survie du cancre : copier sur son voisin. Puis vint (enfin) l’indispensable hausse des taux d’intérêt, trop tardive et surtout trop brutale. Et tandis que tout indiquait que l’inflation allait reculer et qu’il convenait donc de lentement mais sûrement, ramener de la toile afin de ne pas asphyxier l’économie, le 14 juillet 2023 Lagarde se meurt (de honte), mais ne se rend pas (à l’évidence) : « La BCE ne s’engagera pas dans un cycle de resserrement monétaire trop rapide. »Quelques jours après, le sieur Villeroy, lucide, renchérit :« La Banque de France ne prévoit pas de baisse des taux d’intérêt avant 2025. » Six mois plus tard, le même annonce, sans surprise, une première baisse des taux. La planète financière voit l’inflation rentrer dans la niche en 2024, tandis qu’au royaume de Oui-Oui, à Francfort, la reine Christine se dit assez hostile à une inflexion des taux.En clair, elle est favorable à une prochaine contraction économique européenne. La France vient d’ailleurs d’enregistrer un premier trimestre de croissance négative. Devinez ce que fait la Fed avec ses taux ? Le contraire.

Qu’importe la récession à venir. N’est-il pas finalement rassurant de constater que le niveau de nos dirigeants est indexé sur celui de la population française ? Au moment où le chômage hexagonal, toujours plus élevé qu’en Europe du Nord ou aux États-Unis (même lorsqu’il baisse) est en passe de remonter, ce triomphe de l’égalitarisme réchauffera les cœurs.

Coordonne-moi plus fort

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Après les plateaux de cinéma, les coordinatrices d’intimité s’attaquent au marché de l’art lyrique.


J’ai appris récemment sur les réseaux sociaux qu’une association d’artistes lyriques organisait une conférence autour des « scènes intimes » à l’opéra, animée par la première coordinatrice d’intimité en France : Monia Aït El Hadj. Ma grand-mère disait toujours :« il n’y a pas de sot métier ». Elle a eu le privilège de mourir de vieillesse sans connaitre cette nouvelle lubie.

Va te faire coordonner chez les Grecs 

Coordinateur d’intimité ? L’intrusion de cet oxymore managérial dans le domaine des dessous chic m’a laissée songeuse. A priori, les intimités se coordonnent très bien toutes seules. S’agit-il d’un assistant de réalisateur porno ? Un groom grognon apportant le gel, les capotes et le gode sur le set d’un threesome tourné dans un studio de Budapest ? Une femme préparatrice en érection ? Fichtre. Mon imagination est très hétéronormée… En réalité, « la coordinatrice d’intimité est une personne multidisciplinaire qui accompagne la mise en scène et les interprètes dans la création des scènes intimes (comme la nudité, la sexualité simulée, des violences sexuelles, ou de manière plus large tout ce qui implique un contenu exposé ou intime…) ». Tout un programme. Le consentement, c’est ceux qui en parlent le plus qui le respectent le moins.

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Sans surprise, cette profession de grue, lancée à l’assaut des secteurs culturels de moins en moins subventionnés vient des Etats-Unis… Dans leur formation, des choses aussi utiles que la queer theory, la psychanalyse, les droits des LGBT, ou le bdsm dans l’underground new-yorkais. Des sujets qui s’étudient en bibliothèque quand on n’a pas de vie… Vous connaissiez l’histoire du Belge qui s’occupe de sa femme dans une partouze ? Sa bêtise est désormais pulvérisée par la coordinatrice d’intimité blonde qui n’assume pas son côté voyeur. Les Anglo-saxons n’en manquent pas une. Vivement le retour de la Saint-Barthélémy. 

On se coordonne et on se fait une bouffe ?

Je raconte ça à une amie et collègue soprano à l’étranger. Elle me répond, atterrée, qu’un ténor d’une tête et demie de moins qu’elle lui a demandé l’autorisation de poser sa main sur son épaule pendant qu’elle chantait le second air de Donna Anna dans Don Giovanni « ne me dis pas, mon amour, que je suis cruelle pour toi. » C’est une wagnérienne, elle en impose. Quand une chanteuse d’1m80 et 130 décibels parle, les ténors légers écoutent : « Si tu as un rapport à ton corps tellement effacé que tu imagines me violer de l’épaule, que fais-tu dans ce métier ? Je suis capable de réagir dans un jeu de scène si tu vas trop loin. »

Construire une technique vocale, c’est libérer une énergie et une musculature, du périnée au diaphragme. Il vaut mieux être à l’aise avec son corps et incarnée pour chanter. On fait rarement mieux que l’incarnation et la boxe pour répliquer en cas de problème de consentement. Ne parle-t-on pas de « bêtes de scène » pour qualifier le caractère instinctif que doit avoir un artiste ?  « Il ne s’agit pas de censurer ou d’être une sorte de police des bonnes mœurs, mais de s’assurer que les interprètes se sentent en sécurité en ayant pu exprimer leurs limites et donner clairement leur consentement tout au long du processus créatif. Le but est de faire se rencontrer ce qu’a imaginé un réalisateur et ce qu’est prêt à jouer un artiste. » Que reste-t-il de la spontanéité d’un corps quand il faut une tierce personne pour assurer le geste de l’un et le consentement de l’autre ?

Jésus a dit : « Coordonnez-vous les uns les autres »

Les coordinateurs d’intimité sont avant tout le reflet d’une société dont la peur des femmes, prédominante, amène des psychorigides à se prémunir d’hystériques imaginaires. Vite, des juristes tenant la chandelle sur un tournage pour éviter les procès ! Qu’il puisse y avoir des problèmes de consentement dans l’art, qui en doute ? Sharon Stone a par exemple dit qu’elle ignorait qu’on voyait son sexe dans Basic Instinct. Il faut parfois de la réalité pour rendre crédible une scène. Portman a vraiment été tondue pour V comme vendetta.

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Dans l’Opéra, cela se double d’une contradiction majeure : une sur-représentation de scènes de sexe dans des mises en scène contemporaines parfois pornographiques, et un attrait pour des voix de moins en moins charnues et puissantes, comme si l’oreille souhaitait évacuer l’existence des femmes dans un art où elles sont pourtant reines. Voilà qui devraient intéresser Mona Chollet bien plus que les sorcières. Juste avant que Charcot torture ses patientes à la Salpêtrière, Donizetti créait Lucia di Lamermoor, dont le livret explique bien, contrairement à la médecine de l’époque, pourquoi une femme bascule dans la folie, ce qu’est un viol conjugal, la manipulation et « l’emprise ». Plus féministe qu’un contre-ut écrit à une époque où les théâtres étaient peuplés de demi-mondaines pour défendre sur scène des bourgeoises victimes du patriarcat, tu meurs.

La levrette est une cascade comme une autre

« Notre métier est proche de celui du coordinateur de cascade. D’ailleurs, il ne viendrait à l’idée de personne de tourner une cascade sans préparation ! »  Paloma García Martens m’aura achevée avec cette comparaison. Sauter d’un immeuble, simuler une levrette, dans les deux cas, les risques sont-ils vraiment les mêmes ? Seul Belmondo aurait sérieusement pu répondre à cette question.

Et de poursuivre : « Ces scènes sont encore souvent laissées à la totale improvisation. Le but pour un interprète n’est pas de jouer sa propre intimité ou sexualité sur un plateau, mais celle de son personnage. Or, il est impossible de travailler cet aspect de la narration lorsque ces scènes sont improvisées ou lorsque l’on prend juste quelques minutes avant le tournage pour s’en parler. » Nous travaillons tous nos personnages avec les détails les plus ténus possibles. La sexualité ne fait pas exception.

Je laisse là cette chronique du monde contemporain tel qu’il déraille, j’ai un rendez-vous de coordination personnelle qui m’attend.

Comment parler de la fille Garrido/Corbière?

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« Je suis antisémite et j’assume ». La fille de Raquel Garrido et d’Alexis Corbière a été placée en garde à vue pour apologie du terrorisme. Le comble, c’est que ses parents s’étaient plutôt éloignés des positions les plus islamo-gauchistes de la France Insoumise. Zola, reviens !


Inès, âgée de 21 ans, fille des députés de la France insoumise Alexis Corbière et Raquel Garrido, est visée par une enquête pour « apologie du terrorisme et provocation publique et directe non suivie d’effet de commettre des atteintes volontaires à la vie. » En octobre dernier, après l’attaque terroriste du Hamas contre Israël, un compte qui diffusait des messages à caractère antisémite (ils furent hélas légion) a été repéré sur le réseau social X.

Aller casser du sioniste

Sous un article consacré à la prise en otage d’une famille israélienne, raflée sauvagement au sein même de son foyer par les terroristes du Hamas, ce compte répondant au nom de « Babynesou » commentait : « Alors je n’ai peut-être pas d’âme mais ils me font pas du tout de peine, je les trouve plutôt chiants, surtout les gosses. » À l’annonce de la marche parisienne organisée en solidarité avec Israël, « Babynesou » écrivait encore : « Qui se chauffe pour aller casser du sioniste là ? » Ces publications odieuses ont été relayées et dénoncées par le militant Damien Rieu qui a désigné comme l’utilisatrice du compte, photos à l’appui, Inès Corbière, inconnue jusqu’alors des services de police. Dans la foulée, des associations anti-discrimination, dont l’Organisation juive européenne (OJE), ont déposé plainte contre X pour « apologie du terrorisme », réclamant l’identification formelle de cette internaute ainsi que des poursuites judiciaires. Quelques semaines plus tard, le 14 novembre, c’est une vidéo maintes fois relayée sur les réseaux sociaux qui a jeté un nouveau trouble. On y voyait une jeune femme, face caméra, vociférant : « Je suis antisémite, je m’en bats les couilles. J’assume ! » Interpellée au domicile familial, mardi 16 janvier, après perquisition de celui-ci, et placée en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), Inès Corbière est ressortie libre, mercredi, sans poursuite judiciaire. « À ce stade, les investigations se poursuivent » a simplement commenté le parquet de Paris. Une enquête préliminaire a été ouverte.

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Jeudi 18 janvier, Raquel Garrido et Alexis Corbière sont sortis du silence via un communiqué. Il convient de souligner la pudeur et la sobriété de celui-ci : « Nous voulons tout d’abord exprimer avec émotion notre compréhension et affection auprès de toutes les personnes choquées à la lecture ou à l’écoute des propos ou expressions qui sont diffusées dans cette affaire », assurent-ils en préambule. S’ils déplorent ensuite que l’enquête, pourtant soumise au secret, n’ait pas été protégée, ils n’en affirment pas moins devoir, parce que « personnalités politiques de premier plan », « des obligations de rendu de compte. » S’ils réclament que la vie privée comme l’intégrité physique et morale de leurs enfants soient préservées, les députés sont aussi très clairs : « (…) Elle (Inès), doit répondre des expressions qui lui ont été imputées par M. Rieu, comme tout justiciable devant la justice. Elle ne jouit à cet égard, d’aucun privilège ni passe-droit. Nous respectons la procédure en cours. » Ils assurent également : « L’apologie du terrorisme, à savoir l’expression d’un jugement favorable au terrorisme, est un délit qui, tout comme la provocation à la commission d’un délit et l’expression de l’antisémitisme doivent être poursuivis conformément à la loi. » Confronté à « une épreuve familiale et parentale », le couple accepte enfin « sans sourciller » le procès public devant « le tribunal des parents. »

Joie mauvaise

Ceux qui seraient tentés, face au malheur qui frappe des adversaires politiques, de céder à une joie mauvaise, celle que les Allemands nomment Schadenfreude, doivent garder en tête que nos enfants se dévoient parfois, malgré l’éducation donnée et l’amour reçu. Il serait par conséquent très prétentieux de se croire à l’abri de ce genre d’infortune. Au-delà de ces considérations, nécessaires, il convient de réfléchir. Tout en sachant que Raquel Garrido, Alexis Corbière, et François Ruffin, ont condamné sans équivoque les exactions et les pogroms perpétrés par le Hamas, il serait bon que la dérive supposée d’Inès Corbière incite à s’interroger collectivement quant à l’influence de certains discours de LFI sur la montée d’un nouvel antisémitisme. Il n’est pas une journée, en effet, sans que les Insoumis n’alimentent la haine de leur électorat contre Israël. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon vient de déclarer sur X, à propos de la guerre en Israël : « Un génocide n’est pas « une réponse disproportionnée ». C’est un crime contre l’humanité, point final. » Toujours sur X, Ersilia Soudais s’est aussi exprimée récemment : « Meyer Habib qui demande tranquillou de laisser les Israéliens massacrer les Palestiniens. On le laisse déverser sa haine jusqu’à quand ? »

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J’ai une pensée triste pour Zola qui écrivit sa Lettre à la jeunesse, en 1897, avant J’accuse : « Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le vingtième siècle qui va s’ouvrir ! Cent ans après la déclaration des Droits de l’Homme, cent ans après l’acte suprême de tolérance et d’émancipation, on en revient aux guerres de religion, au plus odieux et au plus sot des fanatismes ! » Que penserait-il donc de la faillite du XXIème siècle ; de cet antisémitisme d’un nouveau genre qui prospère et qu’une certaine classe politique cultive ?

Rachida Dati: le gauchisme culturel a de beaux restes

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Mesdames Rachida Dati et Rima Abdul-Malak, Paris, 12 janvier 2024 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

Elisabeth Lévy revient sur l’arrivée surprise de Rachida Dati au ministère de la Culture – un choix que la plupart des commentateurs nous ont présenté comme follement « disruptif ».


J’ai toujours eu un faible pour Rachida Dati, son côté ambitieuse intrigante, sa façon de porter la haute-couture française; son combat de chipies avec Hidalgo m’amuse. Mais la passation de pouvoir donnait l’impression que Rachida Abdul-Malak cédait la place à Rima Dati, ou le contraire. Et pas seulement parce qu’elles se sont donné du « chère Rachida »/ « chère Rima ». Toutes deux jouaient du violon sur le thème je suis une femme issue de la diversité. Comme si ça leur conférait une once de plus-value !

Chère Rima, chère Delphine, chère Sibyle…

« Vous l’avez dit, madame la Ministre, chère Rima, nous avons cela en commun : la liberté de penser – notamment pour les femmes, une liberté de parler – notamment pour les femmes, une liberté de créer – notamment pour les femmes… Nous avons aussi en commun  d’incarner la diversité culturelle qui fait la force de notre pays », a déclaré Rachida Dati, en arrivant rue de Valois, vendredi 12 janvier. Citons aussi les propos lunaires de Rima Abdul-Malak, tenus sous le regard énamouré des patronnes de l’audiovisuel public Delphine Ernotte et Sibyle Veil. Face à « la désinformation, à la simplification trop fréquente de la pensée» (suivez mon regard), elle a salué le service public de l’audiovisuel dont « les équipes travaillent avec rigueur, en toute indépendance ». La bonne blague ! Rima Abdul-Malak aura méconnu jusqu’au bout le sens de sa fonction : garantir le pluralisme des médias, et pas le piétiner avec sa croisade personnelle contre les chaînes Bolloré.

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Or, en public, Rachida Dati professe la même admiration pour le service public. Elle avait notamment déclaré que France Inter fait partie du parcours républicain des Français.

Vous allez me reprocher d’avoir un dossier un peu léger

Pas tant que ça. En réalité, cette passation des pouvoirs témoigne d’une soumission idéologique au gauchisme culturel. Rachida Dati n’y croit même pas, elle ne veut pas être tricarde sur France Inter. De même, quand elle arbore son statut de femme et de maghrébine, elle cède à l’air du temps multiculti au lieu de défendre l’universalisme.

Pour ses premiers pas à la Culture, elle aurait pu affirmer que la culture n’est pas la propriété de la gauche, rappeler que le ministre n’est pas là pour diffuser la propagande progressiste, ni pour distribuer des bons ou mauvais points aux médias, ni pour promouvoir une culture mondialisée, mais pour permettre aux Français d’accéder à leur héritage commun.

Après Rima Abdul-Malak dont les initiatives s’appelaient « La relève » ou « Nouveau monde » (tout un programme !), on attendait que Rachida Dati assume une vision conservatrice de la culture orientée vers la préservation de l’héritage. Ce n’est pas en disant ce que Le Monde et la presse de gauche veulent entendre qu’elle fera mentir ceux qui la voient simplement comme une traîtresse de droite.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez notre directrice de la rédaction dans la matinale de Patrick Roger, du lundi au jeudi après le journal de 8 heures.

Merci à Stanislas !

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Le geographe Jean-Robert Pitte, photographié en juin 2021 © SADAKA EDMOND/SIPA

Une tribune libre de Jean-Robert Pitte, ancien président de l’Université Paris-Sorbonne, Membre de l’Institut


Je suis attristé de la haineuse campagne orchestrée par une partie de la gauche parlementaire et par Anne Hidalgo et sa majorité à la Mairie de Paris contre le collège Stanislas et, avec lui, tout l’enseignement privé sous contrat que l’on n’ose plus appeler « libre ». J’ai en effet préparé mon baccalauréat dans cet établissement en 1965-66 et, 58 ans après, je voudrais dire que cette année a été la plus enrichissante de toute ma scolarité. Pardon de vous raconter ma vie, mais je dois vous conter pourquoi j’ai atterri à Stan l’année de mes 16 ans, à plus d’une heure de bus et de métro de chez moi.

Wikimedia commons

Mes parents étaient de modestes employés de bureau[1] vivant chichement avec leurs trois fils dans un petit appartement d’une banlieue sans luxe et sans joie, dans ce département que l’on appelle aujourd’hui le 9-3 : le Pré-Saint-Gervais qui n’était pas encore bobo et dont le ciel était alors obscurci toute l’année par la fumée des usines. Pas de salle de bains, pas de télévision, le premier frigo en 1960, pas de voiture, pas de maison de campagne, mais des vacances dans des « maisons familiales » ou des gîtes : voici le décor de mon enfance. Mon père était né en 1906 au Havre. Il avait été abandonné par son père et ma grand-mère disposait de revenus très aléatoires, si bien que son fils n’avait fréquenté l’école des Frères que pendant les quatre années de la Première Guerre mondiale. Ses maîtres étaient hors d’âge, car tous les jeunes frères étaient mobilisés. Il avait dû travailler comme livreur à partir de l’âge de 12 ans. Néanmoins, il écrivait sans une faute d’orthographe et a passé sa vie à composer des poésies qui se lisent encore avec bonheur. Ma mère, née au Pré-Saint-Gervais en 1909, avait perdu son père à la guerre et avait été scolarisée chez les Sœurs du Saint-Esprit jusqu’au certificat d’études. Même bilan : pas une faute d’orthographe, une écriture calligraphiée, les fables de La Fontaine récitées par cœur des décennies plus tard…  À 14 ans, elle entrait comme employée aux écritures dans une usine. Fervents catholiques, mes parents s’étaient connus au patronage de la paroisse, un vrai lieu de brassage social dans cette petite ville ouvrière et socialiste où les talas n’étaient pas bien vus et avaient peu de chances de bénéficier d’un logement social, dans l’une de ces confortables HBM qu’Henri Sellier avait construites sur les pentes menant aux fortifs et à Paris.

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Parce que l’anticléricalisme était virulent dans notre ville, singulièrement dans les écoles laïques, nos parents nous mirent au jardin d’enfants chez les Sœurs où nous apprîmes à lire dès 6 ans. Ensuite, ils nous inscrivirent à Saint-Joseph de Pantin, un établissement tenu par la congrégation des Frères des Écoles chrétiennes. Ceux-ci étaient encore majoritaires dans le corps enseignant. Originaires des campagnes catholiques de la France profonde, dont ils avaient conservé les accents, habillés en soutane avec rabat, ils nous menaient à la baguette – ce n’est pas une clause de style ! – ce qui leur vaudrait aujourd’hui mise en examen et nous inculquaient sans indulgence les bases du savoir et les principes religieux et moraux de notre Sainte Mère l’Église. L’école était mal chauffée et un peu délabrée, nous devions marcher une demi-heure pour nous y rendre par tous les temps et je me souviens des longs hivers neigeux et de la pollution qui régnait dans cette noire banlieue. Il y avait encore dans ces années d’après-guerre de nombreux catholiques d’origine modeste et le brassage social était une réalité dans notre école comme dans tous les établissements catholiques des quartiers populaires, puisque les enfants des bourgeois catholiques y étaient aussi inscrits. En ce qui me concerne, brevet des collèges en poche, comme 100% des élèves de Saint-Joseph, j’avais conservé l’année d’avance acquise chez les sœurs, et les Frères incitèrent mes parents à me faire poursuivre des études générales plutôt que d’accéder à ma demande de devenir cuisinier. Ils obtinrent pour moi une place en classe de seconde à La Rochefoucauld, une école réputée, tenue par la même congrégation, mais située dans le très chic 7e arrondissement. Nous étions une petite cohorte d’élèves à venir de Seine-Saint-Denis et représentions déjà l’effort de brassage social qu’accomplissaient les établissements catholiques à cette époque. Les deux heures quotidiennes de transports en commun m’ont permis de dévorer un grand nombre de romans classiques (Alexandre Dumas, Jules Verne, Pierre Benoît, Balzac, etc.), alors qu’il n’y avait aucun livre chez mes parents.

La Rochefoucauld ne préparait que les bacs scientifiques et mon niveau en maths était affligeant. Aussi proposèrent-ils à mes parents de m’envoyer en Terminale Philo à Stanislas. J’ai le souvenir d’un entretien préalable entre le Père directeur et ma mère, en ma présence, dans un immense bureau. Nous étions dans nos petits souliers. Je fus accepté et commença pour moi une année passionnante. Un souvenir : au mois de juin, je reçus une liste de livres à lire pendant les vacances. Je ne l’ai pas conservée, mais je me souviens de deux livres lus en cet été 1965, alors que j’avais 16 ans : Le Banquet de Platon et le pamphlet anti-Barthes de Raymond Picard intitulé Nouvelle critique, nouvelle imposture. Je les ai conservés, tant ces livres détonnaient par rapport à ma mince culture et encore plus à celle de mes parents. L’année me passionna. La pédagogie était beaucoup plus libérale que chez les Frères et j’acquis un début de sens critique et de liberté de penser qui m’a rendu de grands services ensuite. Les professeurs de philo et de français étaient très forts et très pédagogues. Les cours de religion étaient alors obligatoires, mais je faisais partie de ceux qui s’y intéressaient, même si mes convictions religieuses étaient tièdes. J’étais loin de cartonner dans mes résultats, mais j’obtins mon bac de justesse avec un 14 à l’écrit de philo.

En arrivant à la Sorbonne en octobre 1966 pour commencer des études de géographie, bien que l’un des benjamins de ma promotion, je m’aperçus très vite que j’étais à ma place et que j’avais un bon niveau d’expression écrite, résultat de l’exigence des bonnes sœurs, des bons frères et des bons pères qui m’avaient instruit. À la Faculté des Lettres, la plupart des maîtres et de leurs assistants étaient très marqués à gauche et l’Institut de Géographie de Paris était un bastion du Parti communiste. Mon année à Stanislas me permis de relativiser leurs certitudes sur l’URSS et le sous-développement et, en 1968, j’entrai en résistance contre les fadaises du moment. Pur produit de la méritocratie, premier de ma famille à passer le baccalauréat et à entrer à l’université, je ne supportai pas que mes copains, souvent d’origine plus bourgeoise, fassent grève, occupent les amphithéâtres et grimpent sur les barricades comme des enfants gâtés cassant leurs jouets. Je n’ai jamais plus varié dans ces convictions. L’effort, la rigueur sont les seuls instruments de la promotion sociale et je suis fier que mon parcours illustre cette évidence. Sans les bonnes écoles où j’ai étudié depuis la maternelle, nul doute que je n’aurais pas poursuivi mes études et ne serais pas devenu professeur d’université. Mes parents ne regrettèrent pas les efforts financiers qu’ils avaient faits pour que je parvienne à ce résultat. Je n’en tire nulle gloire, mais je leur exprime ma reconnaissance infinie, ainsi qu’aux nombreux maîtres qui m’ont instruit, avec des méthodes parfois maladroites, mais toujours exigeantes.

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Il y a quelques années, le directeur du Collège Stanislas ayant repéré que j’étais un ancien de la maison m’a demandé de venir donner une conférence aux élèves de Terminales. Je suis donc revenu un demi-siècle plus tard dans l’établissement où j’avais préparé le bac. J’ai admiré la motivation des élèves – plus grande que de mon temps- , des professeurs et de l’encadrement de cette maison. J’ai appris qu’elle accueillait toujours des élèves de Seine-Saint-Denis, en particulier musulmans et, pour un certain nombre, gratuitement. Le directeur me raconta qu’une mère voilée était venue le voir en lui disant : « Mon aîné est transformé depuis qu’il est chez vous. Ne pourriez-vous prendre aussi son petit frère ? » En me raccompagnant à la grille du collège à l’heure d’une récréation, il aperçut un élève portant un survêtement à capuche, interdit par le règlement. Un petit coup de sifflet et l’objet du délit fut aussitôt confisqué sans que l’élève fautif ne récrimine.

Que l’on fiche donc la paix à Stanislas et aux établissements d’enseignement privé sous contrat. Ce sont des laboratoires de ce que devrait être toute l’École en France promouvant les valeurs civilisées que sont le travail, l’encadrement intellectuel et affectif individualisé des élèves en lien étroit avec leurs parents, la liberté de penser, l’implication de tous les enseignants dans le projet de l’établissement. Que le message du christianisme inspire beaucoup d’entre eux n’a rien de répréhensible, bien au contraire, d’autant que les enseignements religieux n’y sont plus obligatoires désormais. Malgré cela, des élèves non baptisés et de familles agnostiques, juives ou musulmanes les suivent par curiosité et s’en portent très bien. Il n’y a rien de choquant à ce que, pendant ces heures, on y explique les principes théologiques et moraux qui sont exposés dans le catéchisme de l’Église. C’est le contraire qui serait anormal. La laïcité laïcarde est une absurdité et une petitesse d’esprit hélas trop répandue en France. Que ceux qui en doutent se plongent dans la biographie des pionniers de l’enseignement libre destiné aux pauvres : saint Jean-Baptiste de La Salle ou saint Jean Bosco.

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[1] Jean-Robert Pitte, Une famille d’Europe, Paris, Fayard, 2011.

Et si c’était le talent que la gauche reprochait à Sylvain Tesson?

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Sylvain Tesson © Hannah Assouline

Considérant que l’écrivain à succès Sylvain Tesson est une «icône réactionnaire», des centaines de « poétesses, poètes, éditrices et éditeurs, libraires » pétitionnent contre sa nomination comme parrain du Printemps des poètes 2024. On guettera avec gourmandise la réaction de Rachida Dati.


Six cents personnalités du monde de la culture, pour la plupart inconnues, y compris pour les gens ayant un attrait pour les arts et la littérature, viennent de signer une tribune dans Libération – forcément – afin de s’opposer au parrainage du Printemps des poètes par Sylvain Tesson1. Le tort de l’un des écrivains les plus talentueux de sa génération ? Banaliser l’extrême droite ! 

Mauvaises fréquentations

L’auteur serait donc un réactionnaire, catalogué dans un pamphlet récent aux côtés de deux autres infréquentables, Michel Houellebecq et Yann Moix. Il eut le tort de préfacer une réédition du Camp des Saints2, ouvrage visionnaire du regretté Jean Raspail qui, en 1973, prophétisait le débarquement, sur les plages françaises, d’un million de miséreux. Il a beaucoup lu, des auteurs de droite et de gauche ; mais surtout, pour ses contempteurs, il cite Maurice Barrès. Il s’est même un jour rendu à La nouvelle librairie et a discouru sur Radio Courtoisie. N’en jetez plus, la coupe est pleine, débordant de ce que la gauche intolérante ne voudrait voir.

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Et si c’était, au bout du compte, le talent que les sectateurs woke lui reprochent ? La marche de Sylvain Tesson est guidée par le goût de l’aventure et du risque, la recherche du merveilleux là où il se dévoile encore et le penchant pour la solitude bercée par les soleils couchants. Sa plume est trempée dans les mers chaudes et froides du monde, les lacs qui dévoilent leurs mystères dans la brume et les fleuves qui serpentent quand ils ne font office de frontière. 

Avoir du talent ou pas

En amont de ses livres toujours attendus, l’épopée. La vraie, celle au cours de laquelle l’aventurier prend des risques en plantant son piolet dans la paroi, en affrontant la nature parfois hostile, en pénétrant dans des contrées où la neige finit par tout confondre. Sylvain Tesson eut la folie géniale de reproduire la retraite napoléonienne de Russie en… side-car, de s’isoler six mois dans les forêts que l’on devine inhospitalières de Sibérie, de vivre son Odyssée et de la raconter dans Un été avec Homère ou, plus modestement, d’arpenter les petits chemins noirs de la France. 

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Mieux, il est aussi bon orateur qu’écrivain (ce qui est rare !). Le compliment déplaira peut-être à l’homme de lettres qu’il est. Il suffit pourtant d’écouter disserter ce nomade fasciné par la sédimentation, ce sans domicile fixe ancrant chacun de ses pas dans la terre ferme, ce fieffé réactionnaire qui a pour fief la littérature, pour appréhender l’étendue de son éloquence. Le wokisme est un égalitarisme comme les autres, au nom duquel chaque tête qui dépasse doit être tranchée et chaque déviant enchaîné sur un lit de Procuste. Il est une affaire de meutes, forcément veules et lâches, souvent lancée à la poursuite de ceux que le génie isole. « Les hommes déprécient ce qu’ils ne peuvent comprendre », écrivait Goethe. Les adeptes de la cancel culture, munis des ciseaux d’Anastasie, n’ont pas compris que, plus encore que par l’imposition de leur moraline, leur action est dictée par leur incapacité à atteindre le talent des autres.

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  1. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/nous-refusons-que-sylvain-tesson-parraine-le-printemps-des-poetes-par-un-collectif-dont-baptiste-beaulieu-chloe-delaume-jean-damerique-20240118_RR6GMDTTHFFXNGLP7GG7DZ2ZFU/ ↩︎
  2. La tribune de Libération se trompe. Sylvain Tesson a écrit en réalité une préface à Là bas, au loin, si loin…, en 2015 (Bouquins Robert Laffont) NDLR ↩︎

La boîte du bouquiniste

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Georges Conchon. DR.

Les bouquinistes virés des quais de Seine par la Ville de Paris ont trouvé refuge à Causeur. Jusqu’à la fin des JO, la rédaction vous ouvre leur boîte à vieux livres.


Georges Conchon (1925-1990) n’avait pas la tête de l’emploi. Ne vous fiez pas à son faux air de Philippe Castelli et à son emploi hautement symbolique de secrétaire des débats au Sénat. Ce fonctionnaire d’élite, proche de Michel Rocard, ancien condisciple de Giscard, ami de Jean Carmet et de Gérard Depardieu, aimait pointer la rapacité des hommes. Le système ne lui résistait pas, il le décortiquait et le dépeçait avec une voracité jouissive, qu’il s’attaque à la décolonisation ou à la dinguerie des marchés financiers, son réquisitoire drôle est toujours férocement d’actualité. Sous cette figure placide, vaguement ennuyeuse, la pipe inamovible, se cachaient un pamphlétaire rigolard, un écrivain révolté en costume trois-pièces et un habitué des listes des meilleures ventes. Conchon, aujourd’hui honteusement oublié, a été honoré tout au long de sa carrière. Dès 1956, il a reçu le prix Fénéon pour Les Honneurs de la guerre, puis, en 1960, le prix des Libraires pour La Corrida de la victoire, et il décrocha même le prix Goncourt en 1964 pour L’État sauvage.

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Il était invité à la table de Pivot le vendredi soir et les films adaptés ou non de ses romans connurent des succès au box-office. Il a notamment écrit Sept morts sur ordonnance pour Jacques Rouffio et La Victoire en chantant pour Jean-Jacques Annaud, Oscar du meilleur film étranger en 1977. Un an plus tard, en 1978, il s’intéresse à une « vieille » affaire de 1974 où 66 milliards se sont évaporés dans la nature. Pour tout le monde ? « Il en fut très peu parlé. Même dans Le Monde, dont ce serait pourtant assez le genre. Un moment on a pu croire qu’ils allaient lever un coin du voile, au Monde, mais ils l’ont vite lâché. Closed, tout de suite. Occulted ! » écrit-il au début de ce roman sobrement intitulé Le Sucre et illustré par Ferracci, l’affichiste star des seventies, qui a paru aux éditions Albin Michel.

De quoi s’agit-il ? Du marché à terme des marchandises qui fait grimper artificiellement le prix du sucre, de la faillite des boursicoteurs, de la gabegie des grandes institutions et du silence complice de l’État. Le sujet est complexe, vitreux, inflammable, même son héros malheureux, Adrien Courtois, inspecteur des impôts tentant de faire fructifier l’héritage de son épouse, pharmacienne à Carpentras, n’y comprend plus rien.« Mais le principe du marché à terme, son charme, sa glorieuse incertitude, c’est justement la spéculation sur l’imprévisible », avance l’auteur, un brin goguenard. Conchon, c’est Albert Londres chez les Pieds nickelés, la rigueur d’une enquête journalistique à l’américaine avec ce style rapide, haché, tendu et un côté bistrotier, la vanne fuse sur le zinc. Dans ce roman de 1978 qui précède le film de Rouffio, on admire surtout son art du portait, toute cette faune sauvage, remisiers, commissionnaires, banquiers, hautsfonctionnaires qui court après « un petit sou » de plus. Et puis, il y a Raoul d’Homécourt dela Vibraye, incarné par Depardieu, qui explique àAdrien Courtois les mécanismes naturels de la déroute : « Fais donc pas cette tête ! T’es pas le premier, tu seras pas le dernier. Y a pas d’exemple, pas un seul exemple, tu m’entends, d’un petit spéculateur qui y ait pas laissé sa chemise. Depuis que le Marché est Marché, ça devrait se savoir, et ÇA SE SAIT PAS !… »

Georges Conchon, Le Sucre, Albin Michel, 1978.

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Michel Drucker et les coupeuses de tête

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Les animateurs de France 2 Michel Drucker et Marie Portolano. Capture France 2.

Michel Drucker suscite une tempête sur les réseaux sociaux, après son passage sur France 2. Quelle époque ! « Vous avez vraiment souffert ? » a-t-il osé demander à Marie Portolano, samedi dernier. Mme Portolano s’est fait connaitre avec son enquête sur le sexisme dans le journalisme sportif, avant d’animer des concours de pâtisserie et « Télématin ». Le regard libre d’Elisabeth Lévy.


Tempête sur les réseaux sociaux. Même Michel Drucker, a-t-on envie de dire, déchaîne les néo-féministes des deux sexes. Il était invité samedi de Quelle Epoque sur France 2. Marie Portolano et Thomas Sotto, co-présentateurs de Télématin sur France 2 étaient là aussi, pour promouvoir leur émission. Passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné… Passons.

Le « vieux monde sexiste » frappe à une heure de grande écoute

Drucker s’adresse à Portolano, auteur d’un documentaire sur le sexisme dans le journalisme sportif intitulé «Je ne suis pas une salope, je suis journaliste» :

« C’est l’ancien reporter sportif qui vous parle Marie, vous avez vraiment souffert avec les copains des sports, avec les mecs des sports ?
– Euh, non! … J’étais pas la seule…
– Ils ont vraiment eu des attitudes inconvenantes, vraiment? »

À lire aussi, du même auteur: Kompromat à la française

Précisons qu’il a un sourire en coin, bienveillant et un brin paternel. Sur le plateau, personne ne moufte. Tout de même c’est Drucker. Et Léa Salamé lance un autre sujet.

Mais sur les réseaux, c’est un véritable hallali. « A vomir, une honte, qu’il dégage ce fossile » peut-on y lire. Ce « vraiment » ne passe pas.

Il croit qu’on ment ! s’indignent des femmes témoignant dans le documentaire. 20 Minutes parle carrément de questions misogynes[1], Télérama déplore un « désolant paternalisme » et un certain Rémi apporte son soutien à Portolano, laquelle aurait été victime d’une agression, selon lui. On aimerait savoir ce qu’en pensent les victimes de vraies agressions.  

Michel Drucker a peut-être été maladroit…

Mais il a POSE UNE QUESTION ! Drucker est un peu perplexe, car, lui, à son époque, aux sports, il n’a pas vu cela. Il se demande peut-être si les mots ont le même sens aujourd’hui qu’hier. Une blague lourde, c’est une agression? Un compliment, c’est sexiste ? Le documentaire de Mme Portolano révèle certainement des choses qui nous semblent accablantes aujourd’hui. Que tout le monde acceptait alors.

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Je vous disais récemment que la révolution #metoo entrait dans sa phase terroriste. Que ça tombe sur Michel Drucker, l’urbanité faite homme, le prouve. Personne ne l’accuse de s’être mal comporté, mais pour une question – je le répète – il devient l’ennemi du peuple, l’ennemi des femmes. Questionner la parole des femmes, comme celle du Parti ou de Dieu, c’est blasphématoire. Douter est un crime. Vous avez juste le droit de vous prosterner et de dire « Amen ».

Autre classique totalitaire : la dénonciation des pères. Pour que les lendemains chantent, les hiers doivent avoir été une longue nuit. Au rancart les boomers. En réalité les petits gardes roses d’aujourd’hui ont plus en commun qu’ils ne le croient avec leurs parents et leurs grands-parents ex-soixante-huitards et ex-extrême gauchistes: le fanatisme, l’intolérance, l’esprit de procès et de lynchage.

En prime, ils ont lu moins de livres. 


[1] https://www.20minutes.fr/arts-stars/people/4070581-20240115-epoque-malaise-apres-serie-questions-misogynes-michel-drucker-marie-portolano

«Affaire Stan»: Et pendant ce temps, au Royaume Uni…

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Mme Birbalsingh, photographiée dans une classe de son établissement scolaire privé, janvier 2023 © Geoff Pugh/Shutterstock/SIPA

Pendant que les Français (ou leurs journalistes) se passionnent pour la scolarité des enfants de la nouvelle ministre de l’Éducation, que la gauche dénonce un prétendu « séparatisme » scolaire de Mme Oudéa Castéra et s’interroge sur les cours de caté de l’établissement privé Stanislas, au Royaume Uni, la Haute Cour d’Angleterre est invitée à se prononcer d’ici à la semaine prochaine sur une plainte pour discrimination visant la Michaela Community School, école privée très prisée située à Wembley. Jeremy Stubbs raconte.


Alors qu’un débat animé que l’on pensait éteint et qu’une « guerre » entre école publique et école privée reprennent dans l’hexagone, je voudrais ce matin vous raconter l’histoire de Katharine Birbalsingh, la directrice d’une école londonienne – peut-être la directrice d’école la plus célèbre de toute l’Angleterre. Sur l’échiquier politique, ses succès indéniables dans le domaine de l’éducation lui ont valu les louanges de la droite et les huées de la gauche. Car cette femme, née en Nouvelle-Zélande d’un père guyanien d’ascendance indienne et d’une mère jamaïcaine, élevée au Canada, mais ayant passé toute sa vie d’adulte au Royaume Uni, a fondé une école en 2014 qui a battu presque tous les records en matière de réussite scolaire.

« École libre » made in GB

La Michaela Community School, située à Wembley, dans une banlieue difficile de la capitale britannique, fait à la fois collège et lycée, selon le modèle anglais. (Si je dis « anglais », c’est parce que système scolaire n’est pas le même dans tous les pays du Royaume Uni). Le statut de cet établissement est celui d’une « école libre », c’est-à-dire qu’elle est financée par l’État, les élèves n’ont pas de frais de scolarité, mais l’école est largement indépendante de l’autorité locale – du rectorat, si vous voulez. Elle a plus de liberté que les écoles publiques pour choisir son propre programme et ses propres méthodes pédagogiques.

Dans un environnement qui met l’accent sur la bienveillance, la reconnaissance et l’épanouissement, l’école impose une discipline très stricte. On l’a même appelée « l’école la plus stricte de l’Angleterre ». Il y a une tolérance zéro pour les mauvais comportements ; le système de sanctions et de récompenses est expliqué en début de chaque année ; et le port de l’uniforme est obligatoire. Les méthodes pédagogiques sont les bonnes vieilles méthodes traditionnelles. La mémorisation est à l’honneur. L’apprentissage de la langue anglaise – en respectant scrupuleusement les règles grammaticales, l’orthographe et la précision du vocabulaire – est au cœur du programme. L’étude des pièces de Shakespeare est obligatoire. Et les réussites en mathématiques montrent combien cette matière est prise au sérieux.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Une idée folle: réinventer l’école!

Les élèves sont de toutes les origines ethniques présentes outre-Manche et de toutes les grandes religions. C’est donc une école multiculturelle. Pourtant, on enseigne aux jeunes que ce qu’ils ont en commun, c’est le fait d’être Britanniques. Tout est fait pour promouvoir une identité proprement nationale. L’histoire et la culture britanniques sont au programme, et si les pages sombres ne sont pas cachées, les apports positifs ne le sont pas non plus. Pour montrer que l’élève peut être fier de son pays, on a recours aux chansons patriotiques.

Katharine Birbalsingh, une directrice pas adepte de ce wokisme en vogue ailleurs

Katharine Birbalsingh ne nie pas l’existence du racisme dans la société, mais rejette l’idée que la solution réside dans l’idéologie victimaire, dans la doctrine de la diversité et de l’inclusivité ou dans tout ce qui introduit la notion d’une ségrégation entre les élèves. La vraie réponse aux difficultés des minorités ethniques et religieuses se trouve dans la discipline et la réussite scolaire. Et la réussite scolaire est au rendez-vous. Le taux de réussite des élèves aux examens nationaux et dans la compétition pour les places dans les meilleures universités est parmi les plus élevés de tout le pays. Et à chaque visite des inspecteurs d’école, l’établissement est jugé excellent dans toutes les catégories. En 2020, Mme Birbalsingh a été décorée par la reine Elisabeth !

Ce n’est donc pas une surprise si elle est devenue une cible pour la gauche et l’extrême-gauche wokiste. Elle a fait l’objet non seulement de critiques de la part des partisans d’une pédagogie plus molle ou plus militante, mais aussi d’insultes et de menaces d’activistes haineux. Et c’est là qu’arrive l’histoire qui nous préoccupe aujourd’hui.

Quand l’islam s’en mêle

En mars 2023 l’école interdit les rituels de prière musulmans à l’école – c’est-à-dire la pratique de la Sâlat. En réponse, certaines personnes à l’extérieur ont cherché à insulter, intimider et agresser le personnel enseignant. Cette semaine, la Haute Cour d’Angleterre examine la plainte portée par une élève musulmane qui accuse l’école Michaela de discrimination : pour elle, cette interdiction serait contraire à son droit à la liberté de conscience ou de religion. Selon l’avocat de la plaignante, un chrétien pourrait prier en silence, assis dans la cour de récré, mais un musulman doit pouvoir accomplir tout un rituel – d’où l’accusation de discrimination.

Katharine Birbalsingh s’est déjà défendue : son école d’environ 700 élèves est une école laïque. En anglais, on dit « secular », c’est-à-dire ouverte à toutes les religions sans en privilégier aucune. Chaque « communauté » a dû faire des concessions pour permettre à tous de vivre ensemble : les Témoins de Jéhovah ont dû accepter d’étudier le Macbeth de Shakespeare, en dépit des scènes de sorcellerie dans cette pièce ; les chrétiens ont dû accepter les séances de révision le dimanche ; les hindous, la présence d’œufs dans les cuisines… Les musulmans sont priés d’accepter l’absence de salles de prière. Il faut dire que, outre-Manche, les salles de prière musulmane ne sont pas du tout obligatoires dans les établissements publics et y sont d’ailleurs très rares. Pourquoi donc s’en prendre à l’école Michaela en particulier ? D’autres questions se posent : qui a coaché la plaignante ? qui paie les frais d’une avocate de haut niveau, qualifiée pour plaider devant la Haute Cour ?

L’école Michaela est vraiment l’école telle que nous la rêvons – l’école où la discipline permet le respect mutuel et encourage l’ouverture à l’autre ; l’école où les méthodes pédagogiques centrées sur les capacités à acquérir font progresser l’élève ; l’école où les critères d’excellence poussent chacun à se dépasser et à dépasser sa condition sociale. C’est donc, pour certains, l’école à détruire et sa directrice, la femme à abattre.

La fin des non-dits en politique et ailleurs?

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Le magistrat et essayiste français Philippe Bilger © Pierre Olivier

Dans le monde politique, la semaine écoulée a démontré que plus rien n’était à l’abri de la suspicion.


On m’accordera, je l’espère, que depuis la démission forcée d’Elisabeth Borne, dans le domaine politique, notamment au plus haut niveau présidentiel, l’intérêt et la grandeur de la France sont radicalement passés au second plan. On me concédera que la vie politicienne a été portée à son zénith et qu’on n’y voie pas un reproche de ma part : je l’adore. C’est juste un constat. « Politicienne » est d’ailleurs un peu faible. C’est davantage un champ de coups fourrés, de magouilles, de pièges, de vengeances, d’humeurs, de rétorsions, de secrets et de leurres : un vaudeville démocratique qui laisse loin derrière lui la moindre allure républicaine.

Le poison de la transparence

En même temps on découvre un processus qui d’une certaine manière pourrait être perçu tel un progrès par rapport à l’hypocrisie habituelle : l’éradication des non-dits, la fin des « je n’en pense pas moins mais je ne dirai rien ». Je ne fais pas allusion aux réseaux sociaux où depuis longtemps le cloaque, parfois pertinent dans ses douteuses extrémités, domine et où on n’hésite pas à révéler ce qui devrait demeurer secret et qui même ne devrait pas être abordé.

Avant de faire un sort à notre monde politique qui est atteint par ce poison – cette transparence d’un nouveau genre ? -, on est bien obligé de constater que dans notre quotidienneté en quelque sorte civile, il y a longtemps que les non-dits ne sont plus définis comme le comble de la politesse, un miracle de la civilité. Nous sommes loin de ce qu’Alain Finkielkraut expose magnifiquement dans son dernier livre à partir d’une explication d’Emmanuel Levinas pour qui l’autre et son visage constituent ce qui vont nous détourner forcément de nous-même pour nous conduire au respect du prochain.

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Au fil des jours, et de plus en plus – je me sens moi-même coupable de cela -, le besoin de dire le vrai, même s’il offense, est devenu le signe d’une sincérité qui se flatte de tous ces non-dits qu’elle écrase. J’ai bien conscience que pousser à l’extrême un tel processus pourrait constituer notre humanité comme un champ de ruines mais n’est-il pas dur parfois de taire les seules choses qui seraient susceptibles de permettre l’élucidation d’autrui et de ses postures ? Cette politesse qui incite à s’abstenir, cette urbanité qui s’efforce d’occulter, cette douceur d’une civilité systématique n’étaient pas étrangères au débat politique, aux joutes partisanes. Derrière les affrontements idéologiques les plus rudes, subsistait le souci des personnes et de leurs tréfonds de même que des siens. Ils restaient dans l’ombre.

Tout cela est fini. Les non-dits sont totalement vaincus. Non seulement l’exigence de rassemblement, vœu pieux de tous les présidents de la République, n’a jamais été concrétisée mais avec Emmanuel Macron, la dislocation du pays en trois familles politiques et en de multiples antagonismes ponctuels a pris un tour tellement personnel qu’il en est jouissif ou dévastateur.

François Baroin : quand Rachida fâchée, elle toujours faire ainsi !

Il y a d’un coup une libération de la parole intime, du verbe qui n’osait pas s’exprimer, moins par morale que par la crainte de devenir à son tour la cible : maintenant, ce qui gisait au fond surgit à la surface. Le Premier ministre est stigmatisé parce qu’il ne serait pas « un homosexuel ostentatoire » et qu’il serait juif – alors qu’il ne l’est pas d’ailleurs. Fabien Roussel le qualifie de « Dalida… paroles, paroles, paroles » ! On exprime ouvertement la honte d’avoir un ministre des Affaires étrangères qui parle si mal le français en Ukraine. S’il y a une déplorable maladresse de communication de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale qui a gardé les sports dans son portefeuille (mauvaise idée !), la manière dont elle est traitée relève d’une inquisition qui fait bon marché de la liberté des choix familiaux. Plus rien n’est à l’abri de la suspicion, même la plus intime, quand un pouvoir peu lucide dans sa sélection ministérielle n’a pas su prévenir les inéluctables controverses.

Les Républicains ne sont pas épargnés. Lors de ses vœux à Troyes, François Baroin s’en prend à Rachida Dati en lui reprochant son entrée au gouvernement et son illusion pour son « deal » avec le président en ce qui concerne la Mairie de Paris en 2026. Elle lui a répliqué vertement en l’accusant de n’avoir été qu’un « héritier » dont les autres ont fait la carrière et qui s’est toujours défaussé quand son parti avait besoin de lui.

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Je ne me prononce pas sur le fond de ces disputes mais elles mettent en lumière que les arrière-pensées, même les plus vindicatives, ont pris la relève des faux consensus et des apparentes concordes. Je ne peux m’empêcher de relever que sous ces antagonismes qui révèlent des actions ou des abstentions politiques, des tactiques partisanes, on retrouve toujours les mêmes responsables qui continuent, directement comme Eric Ciotti ou indirectement, vicieusement comme Nicolas Sarkozy, à s’occuper des Républicains. On aboutit à ce paradoxe que si LFI a fait perdre délibérément au débat parlementaire sa tenue et que Jean-Luc Mélenchon a explosé en mille provocations, aucun député de son camp n’a jamais violemment disqualifié ce dernier, tant une retenue, une peur persistent, qui le protègent. Il y a encore beaucoup de non-dits chez eux comme peut-être aussi au Rassemblement national où on fait silence pour ne pas faire apparaître que Jordan Bardella serait meilleur que Marine Le Pen en 2027.

La fin de la plupart des non-dits en politique est-elle en définitive une heureuse évolution ? On pourrait répondre par l’affirmative si elle était compatible avec l’essentiel qui est le programme, l’élaboration du projet. Ou faut-il tristement admettre que ce qui manque, ce ne sont pas les idées mais les personnalités, les intégrités et les courages ? En tout cas, pour l’instant, quel jeu de massacre !

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Hausse des taux et baisse du niveau

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Christine Lagarde préside les célébrations du 25e anniversaire de la BCE, en pleine bataille contre l’inflation, Francfort, 24 mai 2023 © Shutterstock/sipa

Si les Français sont notoirement nuls en économie, leurs élites, à commencer par Christine Lagarde, ne semblent pas tellement plus calées. On a pu s’en apercevoir à l’occasion de la crise inflationniste post-Covid.


Les économistes des générations futures regarderont le début du XXIe siècle comme l’une des périodes les plus étonnantes de leur discipline. Pendant quelques années, nous avons en effet mis à bas toutes les certitudes acquises, défié toutes les lois du marché. À partir de la crise des subprimes, en 2008, les banques centrales ont pu faire tourner la planche à billets à plein régime, sans créer d’inflation. À rebours de la théorie, les taux d’intérêt ont connu alors un niveau historiquement bas. L’Allemagne a pu même emprunter à des taux négatifs, une aberration. On prêtait 100 euros aux Teutons et ils promettaient d’en rendre 99 à leur créancier ravi. Essayez chez le boucher : « Vous le mettrez sur ma note, René, et je repasserai vous donner moins. » Gueule de René.

Dans son sillage, la France a pu continuer à faire ce qu’elle sait le mieux : s’endetter pour déverser par brassées des milliards d’euros sur des clientèles diverses. Avec, au cours de cette période bénie, l’argument de la « bonne affaire ». Emprunter à de telles conditions, il fallait être un décliniste réactionnaire pour ne pas vouloir profiter de l’aubaine. Et Dieu sait si Sarkozy, Hollande et Macron en abusèrent, non pour investir dans la défense ou le nucléaire, mais pour calmer les bonnets rouges, les banlieues, les gilets jaunes, et tous les autres Gaulois réfractaires au boulot autant qu’à l’arithmétique.

Culture financière : les Français en queue de classement

Parallèlement à cette légitimation du tropisme français pour la gestion dispendieuse des deniers publics, cette faiblesse historique des taux a eu de multiples effets. L’argent placé sur un compte épargne ne rapportait rien ; on se devait d’investir à tout prix dans quelque chose, le cas échéant et parfois de préférence, dans n’importe quoi. Le plus visible a été bien sûr la hausse vertigineuse de l’immobilier, mais également celle de tous les actifs, actions, start-ups au businessmodel fumeux, montres, Porsche, bitcoins, jusqu’aux plus baroques – les NFT et les Bored Ape, littéralement les « singes las », sorte de vignette Panini virtuelle à 300 000 euros le bout.

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Les Français restent bien calés en fond de classement européen pour la culture financière (14e sur 18 en 2020), mais ils en tirent une certaine fierté. Fidèles au Général, « l’intendance suivra » semble être leur motto pour ne prêter qu’une oreille distraite aux données macroéconomiques. Tout ce qui dépasse la valeur d’une résidence principale leur semble équivalent – un million, un milliard, c’est du domaine de l’abstraction. Lorsque les effets de la planche à billets se sont enfin alignés sur ce qui était écrit dans les manuels d’économie – le retour d’une vigoureuse inflation, ils ont bien sûr mis cela sur le compte des « patrons » désireux de s’en mettre plein les poches. Ils n’avaient d’ailleurs pas complètement tort, puisqu’on estime qu’un peu moins de la moitié de la hausse des prix n’a eu comme autre motivation que celle d’améliorer leurs marges. Néanmoins, anecdotique pendant dix ans, l’inflation a atteint 8,6 % en zone euro en décembre 2022, avec des conséquences très concrètes pour l’État, les entreprises et les particuliers. Hausse des taux d’emprunt, difficultés à acheter, tout cela s’est traduit par un gel du marché de l’immobilier, une chute des prix en cours que certains pronostiquent à 20 % (!). La valeur de certaines starts-ups, les fameuses licornes valorisées plus d’un milliard de dollars, s’est vaporisée. Et nos gouvernants devront désormais trouver 72 milliards en 2027, une paille, pour payer les intérêts de la dette contre 33 milliards en 2023. Pour faire face à cette dépense supplémentaire de 39 milliards (c’est combien en pavillons de banlieue ?), il suffirait de… supprimer l’Éducation nationale – 40,3 milliards en 2023. Vu ce qu’on y apprend – surtout en économie – et les coups de couteau qu’on y risque, sans doute un mal pour un bien.

Politique de la FED et politique de la BCE

Là où les choses se sont compliquées, c’est quand les élites européennes et plus précisément celles de la BCE sont entrées dans la danse pour gérer la vague inflationniste. Pour faire simple, il convenait d’augmenter rapidement les taux d’intérêt pour lutter contre la surchauffe, en restant prêt à les baisser aussi prestement, dès que leur niveau risquait de déclencher une récession. Certes perçues comme des apparatchiks sans cœur, mais crédités d’une expertise technique, Christine Lagarde et ses équipes ont réagi comme on pouvait, hélas, s’y attendre. Aussi médiocre en matière économique que ses concitoyens, Mamie BCE n’a évité aucune des chausse-trappes que la crise à venir avait dissimulées sous ses pas. En septembre 2021, la reine Christine déclare que « l’inflation est transitoire », alors que tout indique le contraire. En décembre 2021, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, sans doute amoureux de la saucisse de Francfort, précise que « l’inflation devrait revenir à son niveau cible de 2 % en 2023 ». Nous serons en réalité à 5,3 %. Pendant ce temps-là, la Fed avait déjà commencé à relever ses taux, mais la BCE n’a pourtant pas eu le réflexe de survie du cancre : copier sur son voisin. Puis vint (enfin) l’indispensable hausse des taux d’intérêt, trop tardive et surtout trop brutale. Et tandis que tout indiquait que l’inflation allait reculer et qu’il convenait donc de lentement mais sûrement, ramener de la toile afin de ne pas asphyxier l’économie, le 14 juillet 2023 Lagarde se meurt (de honte), mais ne se rend pas (à l’évidence) : « La BCE ne s’engagera pas dans un cycle de resserrement monétaire trop rapide. »Quelques jours après, le sieur Villeroy, lucide, renchérit :« La Banque de France ne prévoit pas de baisse des taux d’intérêt avant 2025. » Six mois plus tard, le même annonce, sans surprise, une première baisse des taux. La planète financière voit l’inflation rentrer dans la niche en 2024, tandis qu’au royaume de Oui-Oui, à Francfort, la reine Christine se dit assez hostile à une inflexion des taux.En clair, elle est favorable à une prochaine contraction économique européenne. La France vient d’ailleurs d’enregistrer un premier trimestre de croissance négative. Devinez ce que fait la Fed avec ses taux ? Le contraire.

Qu’importe la récession à venir. N’est-il pas finalement rassurant de constater que le niveau de nos dirigeants est indexé sur celui de la population française ? Au moment où le chômage hexagonal, toujours plus élevé qu’en Europe du Nord ou aux États-Unis (même lorsqu’il baisse) est en passe de remonter, ce triomphe de l’égalitarisme réchauffera les cœurs.

Coordonne-moi plus fort

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Après les plateaux de cinéma, les coordinatrices d’intimité s’attaquent au marché de l’art lyrique.


J’ai appris récemment sur les réseaux sociaux qu’une association d’artistes lyriques organisait une conférence autour des « scènes intimes » à l’opéra, animée par la première coordinatrice d’intimité en France : Monia Aït El Hadj. Ma grand-mère disait toujours :« il n’y a pas de sot métier ». Elle a eu le privilège de mourir de vieillesse sans connaitre cette nouvelle lubie.

Va te faire coordonner chez les Grecs 

Coordinateur d’intimité ? L’intrusion de cet oxymore managérial dans le domaine des dessous chic m’a laissée songeuse. A priori, les intimités se coordonnent très bien toutes seules. S’agit-il d’un assistant de réalisateur porno ? Un groom grognon apportant le gel, les capotes et le gode sur le set d’un threesome tourné dans un studio de Budapest ? Une femme préparatrice en érection ? Fichtre. Mon imagination est très hétéronormée… En réalité, « la coordinatrice d’intimité est une personne multidisciplinaire qui accompagne la mise en scène et les interprètes dans la création des scènes intimes (comme la nudité, la sexualité simulée, des violences sexuelles, ou de manière plus large tout ce qui implique un contenu exposé ou intime…) ». Tout un programme. Le consentement, c’est ceux qui en parlent le plus qui le respectent le moins.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Kompromat à la française

Sans surprise, cette profession de grue, lancée à l’assaut des secteurs culturels de moins en moins subventionnés vient des Etats-Unis… Dans leur formation, des choses aussi utiles que la queer theory, la psychanalyse, les droits des LGBT, ou le bdsm dans l’underground new-yorkais. Des sujets qui s’étudient en bibliothèque quand on n’a pas de vie… Vous connaissiez l’histoire du Belge qui s’occupe de sa femme dans une partouze ? Sa bêtise est désormais pulvérisée par la coordinatrice d’intimité blonde qui n’assume pas son côté voyeur. Les Anglo-saxons n’en manquent pas une. Vivement le retour de la Saint-Barthélémy. 

On se coordonne et on se fait une bouffe ?

Je raconte ça à une amie et collègue soprano à l’étranger. Elle me répond, atterrée, qu’un ténor d’une tête et demie de moins qu’elle lui a demandé l’autorisation de poser sa main sur son épaule pendant qu’elle chantait le second air de Donna Anna dans Don Giovanni « ne me dis pas, mon amour, que je suis cruelle pour toi. » C’est une wagnérienne, elle en impose. Quand une chanteuse d’1m80 et 130 décibels parle, les ténors légers écoutent : « Si tu as un rapport à ton corps tellement effacé que tu imagines me violer de l’épaule, que fais-tu dans ce métier ? Je suis capable de réagir dans un jeu de scène si tu vas trop loin. »

Construire une technique vocale, c’est libérer une énergie et une musculature, du périnée au diaphragme. Il vaut mieux être à l’aise avec son corps et incarnée pour chanter. On fait rarement mieux que l’incarnation et la boxe pour répliquer en cas de problème de consentement. Ne parle-t-on pas de « bêtes de scène » pour qualifier le caractère instinctif que doit avoir un artiste ?  « Il ne s’agit pas de censurer ou d’être une sorte de police des bonnes mœurs, mais de s’assurer que les interprètes se sentent en sécurité en ayant pu exprimer leurs limites et donner clairement leur consentement tout au long du processus créatif. Le but est de faire se rencontrer ce qu’a imaginé un réalisateur et ce qu’est prêt à jouer un artiste. » Que reste-t-il de la spontanéité d’un corps quand il faut une tierce personne pour assurer le geste de l’un et le consentement de l’autre ?

Jésus a dit : « Coordonnez-vous les uns les autres »

Les coordinateurs d’intimité sont avant tout le reflet d’une société dont la peur des femmes, prédominante, amène des psychorigides à se prémunir d’hystériques imaginaires. Vite, des juristes tenant la chandelle sur un tournage pour éviter les procès ! Qu’il puisse y avoir des problèmes de consentement dans l’art, qui en doute ? Sharon Stone a par exemple dit qu’elle ignorait qu’on voyait son sexe dans Basic Instinct. Il faut parfois de la réalité pour rendre crédible une scène. Portman a vraiment été tondue pour V comme vendetta.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Le wokisme a atteint sa limite, mais il creuse encore

Dans l’Opéra, cela se double d’une contradiction majeure : une sur-représentation de scènes de sexe dans des mises en scène contemporaines parfois pornographiques, et un attrait pour des voix de moins en moins charnues et puissantes, comme si l’oreille souhaitait évacuer l’existence des femmes dans un art où elles sont pourtant reines. Voilà qui devraient intéresser Mona Chollet bien plus que les sorcières. Juste avant que Charcot torture ses patientes à la Salpêtrière, Donizetti créait Lucia di Lamermoor, dont le livret explique bien, contrairement à la médecine de l’époque, pourquoi une femme bascule dans la folie, ce qu’est un viol conjugal, la manipulation et « l’emprise ». Plus féministe qu’un contre-ut écrit à une époque où les théâtres étaient peuplés de demi-mondaines pour défendre sur scène des bourgeoises victimes du patriarcat, tu meurs.

La levrette est une cascade comme une autre

« Notre métier est proche de celui du coordinateur de cascade. D’ailleurs, il ne viendrait à l’idée de personne de tourner une cascade sans préparation ! »  Paloma García Martens m’aura achevée avec cette comparaison. Sauter d’un immeuble, simuler une levrette, dans les deux cas, les risques sont-ils vraiment les mêmes ? Seul Belmondo aurait sérieusement pu répondre à cette question.

Et de poursuivre : « Ces scènes sont encore souvent laissées à la totale improvisation. Le but pour un interprète n’est pas de jouer sa propre intimité ou sexualité sur un plateau, mais celle de son personnage. Or, il est impossible de travailler cet aspect de la narration lorsque ces scènes sont improvisées ou lorsque l’on prend juste quelques minutes avant le tournage pour s’en parler. » Nous travaillons tous nos personnages avec les détails les plus ténus possibles. La sexualité ne fait pas exception.

Je laisse là cette chronique du monde contemporain tel qu’il déraille, j’ai un rendez-vous de coordination personnelle qui m’attend.