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Des Jeux plus gros que le ventre

Alors que le coup d’envoi de Paris 2024  approche à grands pas, les problèmes de sécurité et de transports dont souffre l’Île-de-France de façon endémique ne semblent pas avoir été suffisamment pris en compte par les organisateurs. Fragilisée par les émeutes de banlieue, ciblée par le terrorisme islamique, menacée par la paralysie des transports, la Ville Lumière a quelque peu présumé de ses forces.


Se doute-t-il de l’enfer qui l’attend cet été ? Le 14 décembre dernier, interrogé sur TMC au sujet des futures olympiades, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, affichait une curieuse sérénité : « Les choses vont bien se passer, assurait-il. L’organisation de la Coupe du monde de rugby ou la visite de Charles III sont la preuve que nous sommes capables de gérer la sécurité autour de grands rendez-vous. » Comme si une compétition consacrée à un seul sport ou une déambulation parisienne offerte à un seul roi représentait le même niveau de risque qu’une manifestation où vont se presser pendant trois semaines (du 26 juillet au 11 août prochains) plus de 10 000 participants venus de 200 pays pour concourir dans 44 disciplines… D’autant qu’au Proche-Orient, le massacre commis par le Hamas le 7 octobre dernier a réveillé le spectre des onze athlètes israéliens assassinés lors des Jeux de 1972 à Munich par des terroristes palestiniens. Dans ces conditions, difficile de ne pas être inquiet. Et de ne pas se poser les neuf questions suivantes, pour lesquelles nous avons interrogé divers connaisseurs du dossier.

Le « village des athlètes » est-il bien placé ?

À l’exception de quelques matchs de football programmés en province et des épreuves de voile et de surf, qui se tiendront respectivement à Tahiti et à Marseille, les JO 2024 seront essentiellement franciliens. Tous les sportifs seront logés dans un nouveau quartier de 52 hectares situé en plein 93, entre Saint-Ouen-sur-Seine et l’Île-Saint-Denis. Soit à quelques encablures du parvis du Stade de France… endroit désormais célèbre dans le monde entier depuis la razzia inouïe qui s’y est déroulée le 28 mai 2022 en marge de la finale de la Ligue des champions de football entre le Real Madrid et Liverpool. Ce soir-là, des bandes locales, au profil proche des émeutiers de juillet 2023, ont volé et violenté des centaines de supporters anglais et espagnols. Les leçons de ce fiasco ont-elles été tirées ? Rien n’est moins sûr. Le 11 octobre dernier, le chef de la délégation olympique mongole, venu en France pour assister à un comité de sécurité, se faisait détrousser, à quelques mètres de là, d’un sac contenant des biens pour une valeur totale de près de 600 000 euros (son épouse y avait déposé ses boucles d’oreilles en or).

Les lieux d’affluence seront-ils bien protégés ?

Outre le village olympique, plusieurs lieux de compétition se trouvent également en banlieue parisienne, tels que Saint-Denis (93) où se dérouleront les épreuves d’athlétisme, de rugby et divers sports aquatiques, mais aussi Le Bourget (93) pour l’escalade, Villepinte (93) pour la boxe, ou Colombes (92) pour le hockey. Or, même à l’étranger, personne n’ignore que ces contrées ne ressemblent pas exactement aux belles artères haussmanniennes paisibles qui ont fait la réputation de la capitale française. En mai de l’année dernière, la légende du football Thierry Henry prévenait d’ailleurs les téléspectateurs de la grande chaîne sportive américaine CBS Sport : « Vous ne voulez pas aller à Saint-Denis. Ce n’est pas pareil que Paris. Croyez-moi ! » Et en septembre, quelques heures avant le match France-Nouvelle Zélande inaugurant la dernière Coupe du monde de rugby, la femme et la fille de Ian Foster, sélectionneur des All Blacks, étaient agressées à l’arme blanche dans l’hôtel de la sélection, à Créteil (91). D’après une source policière, des moyens spéciaux seront déployés pour rassurer les milliers de touristes appelés à franchir le périphérique. Des commissariats volants seront notamment installés dans des bus près des sites de forte affluence. Et les effectifs de police seront renforcés. Quantité de congés ont même été refusés aux gardiens de la paix qui pensaient en poser durant cette période. Fatigue garantie cet été dans les rangs des forces de l’ordre.

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Les sites olympiques seront-ils bien surveillés ?

En complément de la présence policière, on estime à près de 20 000 le nombre d’agents de sécurité privés nécessaires à la protection de l’ensemble des lieux appelés à être fréquentés par les spectateurs. Une gageure. Plusieurs grandes entreprises du secteur ont boudé les appels d’offres. Et les autres éprouvent les plus grandes difficultés à recruter. « Aujourd’hui, le métier n’est plus attractif, il ne paye pas », explique Djamel Benotmane, secrétaire général du syndicat CGT Prévention Sécurité. Dans l’urgence, la tentation peut être grande d’embaucher n’importe qui, sans pousser très loin les enquêtes de moralité, y compris au sein de populations à très haut risque. Petit à petit, le tabou du déploiement militaire se dissipe. Mi-novembre, on apprenait que 5 000 soldats seraient présents en permanence à Paris lors des trois semaines de l’événement, logés sous des tentes sur la pelouse de Reuilly. En tout, 15 000 hommes de troupe devraient être mobilisés. Lors des JO de Londres en 2012, le recours aux militaires avait aussi été employé pour pallier le manque de vigiles. « C’est une solution totalement insuffisante et inadaptée, on les voit mal contrôler les billets d’entrée par exemple », s’inquiète un policier.

Le « risque drone » est-il bien identifié ?

Au-dessus des grandes messes sportives, ces engins volants télécommandés et équipés d’une caméra sont désormais massivement utilisés par les télévisions. Comment se prémunir contre l’éventualité qu’un appareil pirate, piloté par un terroriste et chargé d’explosifs, s’infiltre dans le dispositif officiel ? Les drones sont une « menace nouvelle et sans doute la principale à appréhender », reconnaît-on au ministère de l’Intérieur, qui a révélé en octobre dernier la neutralisation d’une « vingtaine de drones malveillants » par la police lors de la Coupe du Monde de rugby cet automne en France. Sans toutefois donner de détails sur les méthodes employées pour parvenir à ces coups de filet.

Incidents au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions, Paris, 29 mai 2022 © AP Photo/Manu Fernandez/Sipa

Les équipements sportifs seront-ils prêts ?

Stade de France, Parc des Princes, Roland-Garros, château de Versailles… La plupart des sites qui accueilleront les épreuves existent déjà depuis belle lurette et sont parfaitement entretenus. Seul point noir : les travaux, toujours en cours, au Grand Palais, où sont censées se tenir les épreuves d’escrime. « Certaines finitions peuvent ne pas être faites, mais nous livrerons comme prévu le lieu au comité d’organisation des Jeux le 19 avril 2024 », promet pourtant Christophe Chauffour, directeur général délégué de la Réunion des musées nationaux, l’organisme qui gère le monument. À Déols, une bourgade proche de Châteauroux, pas de stress en revanche : un vieil aérodrome désaffecté de l’OTAN a été réquisitionné pour le tir sportif, en remplacement du site prévu au départ à La Courneuve (93). « Plus pourri, tu meurs ! » râle un journaliste suisse spécialisé. Pour ce compatriote de Guillaume Tell, si cette discipline est ainsi reléguée, c’est à cause des écologistes, qui l’associent à la chasse.

Les capacités en logement et transport sont-elles suffisantes ?

Selon les estimations de Pierre Rabadan, adjoint à la Mairie de Paris pour les JO, la capitale s’apprête à recevoir « seulement » un ou deux millions de visiteurs de plus qu’une saison touristique habituelle (16 millions de visiteurs chaque été), pour la plus grande joie des propriétaires qui ont prévu de louer leur appartement à prix d’or durant les jeux, et qui iront se mettre au vert en attendant la cérémonie de clôture. Mais côté transports,« on ne va pas être prêts », prévient en revanche la maire de Paris, Anne Hidalgo. Des embolies s’annoncent en effet sur le réseau ferroviaire et par voie de conséquence sur les routes. En cause : les travaux du CDG Express (liaison entre la gare de l’Est et l’aéroport de Roissy), des lignes 16 et 17 du métro et de la station Porte-Maillot du RER E qui ne seront pas terminés à temps. Selon nos informations, il faudra aussi déplorer des retards dans la livraison de diverses rames commandées pour permettre au réseau existant de supporter la surcharge de voyageurs. Pas de quoi troubler toutefois le ministre des Transports, Clément Beaune, qui n’a pas trouvé d’autre commentaire à faire que de reprocher à la maire de Paris « de faire le buzz ».  Le « pas de vague » dans sa version Hôtel de Roquelaure.

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Sait-on précisément comment se déroulera la cérémonie d’ouverture ?

C’est un format inédit dans l’histoire des JO. Au lieu de se tenir dans un stade comme à l’accoutumée, la cérémonie d’ouverture devrait se dérouler le soir du 26 juillet sur la Seine, en plein Paris, où chaque délégation défilera à bord de sa propre péniche le long d’un trajet de six kilomètres devant des centaines de milliers de spectateurs. Le 31 mai, sur le plateau de « C dans l’air », le criminologue Alain Bauer tirait la sonnette d’alarme :« La préfecture de police n’y était pas défavorable, elle y était totalement opposée. […]Toutes les conditions du désastre sont réunies. » Le 22 octobre, l’ancien ministre des Sports David Douillet en rajoutait une couche dans La Tribune dimanche :« Si la veille, les voyants sont rouge cramoisi quant aux risques d’attentat, il faudra un plan B pour la cérémonie d’ouverture. » Problème, le préfet de police de Paris, lui, affirmait le 14 décembre qu’il n’y avait pas de plan B… Après son coup de gueule télévisé, Bauer confie avoir reçu des centaines de « messages semi-clandestins de l’appareil d’État », lui disant :« Ah ! enfin, merci de l’avoir dit, nous, on n’y arrivait pas. » Tout laisse penser qu’on n’a pas fini d’entendre parler de cette drôle de galère.

La note sera-t-elle salée ?

Au dernier pointage, la facture des Jeux s’établit à 8,7 milliards d’euros, en hausse de 30 % par rapport au budget initial. Mais dans un contexte de forte inflation post-Covid, il était difficile d’éviter pareille envolée. Pas de scandale en soi donc, sauf quelques dérapages comme le Centre aquatique olympique, situé en face du Stade de France à Saint-Denis, dont les coûts ont explosé, passant de 104 millions à 174 millions d’euros, non seulement sous l’effet de la hausse du prix de l’énergie et des matériaux de construction, mais aussi à cause de quelques dépenses annexes, qui n’avaient pas été prévues… Une source policière locale évoque des arrangements « un peu » forcés entre des entreprises de construction et quelques voyous du cru, décidés à récupérer une part de la manne : « Ça donne des deals du genre “embauche mon petit cousin ou verse une somme et il n’arrivera rien à ton chantier et ton matériel”. » La Calabre sans la mer.

Les Français seront-ils en communion ?

Ces Jeux arrivent à un moment de doute identitaire français intense. Bien sûr, nous ne bouderons pas notre plaisir d’avoir droit à un second Roland-Garros en plein mois de juillet, ni de voir Kylian Mbappé, à qui le onze tricolore fera sans doute appel, sous le maillot des Bleus. Mais existe-t-il encore un peu de ciment patriotique pour faire de cette série d’événements un grand moment d’unité française ? En réalité, depuis vingt-cinq ans, les politiques cherchent à retrouver par le sport l’instant « Black Blanc Beur »de l’été 1998. Sauf que, vingt ans plus tard, le retour des champions du monde de football avait été marqué par des violences aux Champs-Élysées. Rappelons aussi qu’en septembre dernier, les organisateurs de la Coupe du monde de rugby se sont vu reprocher par Libération rien moins que d’avoir incarné la « France rance » en raison d’une cérémonie d’ouverture qui sentait bon le pays d’antan, les santons et les petits villages bucoliques. Pour la première fois de l’histoire, les JO auront lieu dans un pays qui ne s’aime pas.

Lula, comment avez-vous pu imaginer obtenir un jour le prix Nobel de la paix?

Le président brésilien soutient l’accusation faite devant la Cour internationale de justice par l’Afrique du Sud selon laquelle Israël pratiquerait un génocide à Gaza


La communauté juive brésilienne compte environ 120 000 membres, répartis principalement entre les deux mégapoles de São Paulo (90 000 personnes) et Rio de Janeiro. Les Brésiliens juifs sont les descendants de migrants venus successivement du Portugal, d’Espagne, du Maroc (début du XXe siècle), de l’empire russe, de Roumanie, de Pologne et d’Allemagne (entre 1919 et 1939). Ils ont été rejoints après la Seconde Guerre mondiale par des survivants de la Shoah, des Juifs expulsés d’Egypte (1956) et persécutés en Irak.

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J’ai la chance de maintenir des relations avec cette communauté depuis trente ans. C’est au sein du Centre culturel Juif de São Paulo que j’ai fait la connaissance de Marcos Susskind, descendant d’une famille juive allemande arrivée au Brésil en 1938, après avoir fui Berlin en 1934 et être passée par la France. Marcos est né à Rio de Janeiro en 1947. Il a fait des études universitaires en gestion d’entreprise au Brésil (années soixante-dix). En Israël, il a suivi parallèlement une formation de guide touristique dans les années soixante-dix à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Sa vie professionnelle très riche a été consacrée à faire connaître à des groupes d’hommes d’affaires brésiliens les capacités et les réalisations d’Israël en innovations technologiques. Il a ainsi accompagné à de très nombreuses reprises des missions commerciales brésiliennes en Israël. En 2015, la famille Susskind (Marcos, son épouse et leurs trois enfants) a fait son Alyah. Elle vit depuis à Holon. En Israël, Marcos est désormais toujours guide, accompagnant notamment des groupes de visiteurs chrétiens. Il est aussi très engagé dans des ONG de lutte contre les drogues. Enfin, il continue à animer sur les réseaux sociaux des programmes d’information sur Israël à destination du public brésilien. C’est une voix très connue au Brésil, au-delà même de la communauté juive. Marcos a 11 petits-enfants, dont quatre sont actuellement mobilisés au nord d’Israël et sur la bande de Gaza.

Récemment, en découvrant que le gouvernement brésilien avait choisi de soutenir l’accusation de génocide faite à Israël devant la Cour Internationale de Justice par l’Afrique du Sud, il a décidé d’envoyer une lettre ouverte au président Lula. Il n’aura pas de réponse à ses questions, comme lui-même le mentionne. Mais la lettre ouverte a déjà une grande répercussion au Brésil, dont la majorité des habitants sont loin de partager la position de Lula sur les crimes du Hamas et la guerre de défense que mène Israël.

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J’ai pris l’initiative de traduire cette lettre que vous trouverez ci-dessous. Au nom de mon ami Marcos, je vous remercie pour l’ample divulgation que vous pourrez faire de cette missive. Notamment auprès de journalistes et formateurs d’opinion français qui contribuent trop souvent à forger l’image d’homme de paix et de leader politique sérieux que Lula voudrait avoir !


Lettre ouverte à Lula : À propos d’une de ses dernières décisions

Bonjour camarade Lula,

J’ai appris que vous souteniez et approuviez l’accusation faite devant la Cour internationale de La Haye par l’Afrique du Sud et selon laquelle Israël pratiquerait un génocide à Gaza. De nombreuses questions me sont alors venues à l’esprit qui mériteraient des réponses. Mais je vous avoue tout de suite que je ne les attends pas, puisque je vous ai écrit plusieurs fois depuis 2010 et que vous n’avez jamais daigné me répondre.

  • La Syrie a assassiné 650 000 civils et déplacé 4 500 000 personnes dans le cadre de la guerre civile actuelle. Considérez-vous le gouvernement syrien comme un génocidaire ?
  • L’invasion actuelle de l’Ukraine par la Russie a déjà fait plus de 500 000 morts. Avez-vous accusé la Russie de génocide ?
  • La guerre civile en cours au Soudan a poussé 1 500 000 personnes à quitter leur pays et 5 250 000 à quitter leur foyer et à vivre en tant que réfugiés à l’intérieur du pays. Avez-vous condamné le Soudan ?
  • 600 000 civils non-combattants sont morts dans la guerre d’Éthiopie. Avez-vous considéré l’Éthiopie comme un pays génocidaire ?
  • Avant de formuler ma dernière question, j’ose vous demander si vous savez ce qu’est un génocide ? Je crois utile de vous expliquer plus loin de quoi il s’agit.
  • Dans la guerre déclenchée par les monstres terroristes du Hamas et que poursuit Israël pour défendre sa population et éradiquer une menace insupportable, environ 21 000 personnes sont mortes à Gaza, dont près de 9 000 terroristes. La plupart des 12 000 non-combattants tués étaient des boucliers humains utilisés par les terroristes. Aussi dramatiques que soient les morts de ces victimes, les chiffres n’atteignent en rien ceux de la guerre civile en Syrie, de la guerre en Éthiopie ou des victimes civiles en Ukraine. Pourquoi accordez-vous plus d’importance aux 12 000 victimes civiles gazaouies qu’aux plus de 2 millions de victimes des autres conflits cités ici ?

J’en viens maintenant à une définition du génocide que vous ignorez sans doute : « Le génocide est un crime contre l’humanité caractérisé par des pratiques visant à l’élimination d’un groupe d’êtres humains pour des raisons raciales, ethniques et religieuses. Sont considérées comme des activités génocidaires : l’extermination, le massacre, l’anni- hilation, le meurtre de groupes ethniques, d’affiliations religieuses ou de nationalités ».

Lula, avec la force aérienne phénoménale dont dispose Israël, si les responsables militaires de cet État avaient conçu et exécuté un génocide, cela aurait pu être réalisé en 48 heures au maximum ! Sachez que la population de Gaza est concentrée à plus de 80% entre les deux localités de Han Yunes et Rafah. Il s’agit là d’une zone de moins de 160 kilomètres carrés, plus petite que la plupart des grandes propriétés agricoles existantes au Brésil.

Lula, je ne suis pas certain que vous-mêmes ayez la conviction qu’Israël soit responsable d’un génocide à Gaza. Vous êtes cependant entouré d’extrémistes antisémites dangereux, comme Celso Amorim (conseiller spécial du président pour les relations internationales) et Gleisi Hoffmann (présidente du Parti des Travailleurs, la formation de Lula). Votre gouvernement est soutenu par ailleurs par des antisémites notoires qui militent au sein de votre parti et de formations alliées. Tous ces gens vous dictent ce que vous appelez votre politique « anticolonialiste », « anti-impérialiste », pour ne citer que quelques-uns des adjectifs qu’ils emploient pour dénigrer tous ceux qui ne suivent pas leurs catéchismes idéologiques. À suivre ces conseillers sinistres, vous en êtes arrivé à soutenir les vrais génocidaires, comme le Hamas, dont la charte préconise l’anéantissement d’Israël et du peuple juif.

Pour conclure cette lettre ouverte, je vous avoue que je suis convaincu que je n’aurai pas de réponse de votre part. Je continue cependant à poser les questions que votre attitude fait surgir. Comment avez-vous pu imaginer obtenir un jour le prix Nobel de la paix ?

Je vous prie d’agréer, Monsieur le président, l’expression de mes salutations distinguées.

Marcos L Susskind.

Emmanuel Macron: quand la forme prend le pas sur le fond

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Lors de son hold-up télévisuel, hier soir, le président Macron a promis un « réarmement démographique » à la France. Son gouvernement devra concentrer son attention sur la jeunesse et les travailleurs modestes, prétend-il. Malheureusement, de nombreux points aveugles émaillaient ses démonstrations et les mesurettes annoncées qui en découlent.


On nous avait vendu un format « exceptionnel », une conférence de presse inédite sous la Vème République. D’une durée de deux heures trente, l’intervention présidentielle devant un parterre de journalistes de la presse nationale et régionale correspondait bien au style Macron : performatif, emphatique et bavard. Sur la forme, les fanatiques de Jupiter comme ses contempteurs n’auront pas changé d’avis. Clivant, Emmanuel Macron séduit autant qu’il agace. Gaspard Proust l’a résumé par une formule amusante au micro d’Europe 1 : « Quand tu as besoin de trois heures pour expliquer que tu es un génie, c’est qu’a priori ça ne saute pas aux yeux ». Le prodige doit ramer, remonter sur le ring et prouver qu’il est bien cet homme providentiel consacré en 2017 par une vague bobopopuliste pour « rénover la France ». Car, les Français sont revenus depuis longtemps de cette aventure rythmée par les mouvements sociaux et les catastrophes internationales, les émeutes et les polémiques, les scandales et les annonces fracassantes, les Grenelle et les grandes causes, les applications disruptives et les blocages administratifs.

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En presque sept ans de pouvoir absolu, la France d’Emmanuel Macron n’a finalement que peu bougé. La grande transformation se fait toujours attendre et ce ne sont pas les renouvellements de casting qui feront penser le contraire aux Français.  Conscient que son socle électoral tient désormais grâce aux plus de 65 ans, Emmanuel Macron a abandonné le jeunisme qu’on lui prêtait au profit d’un discours calibré pour les « boomers », porté par des « jeunes » choisis pour plaire à des vieux, des gendres rêvés pour une génération qui n’a pas conscience de l’urgence dans laquelle se retrouve une partie de ses héritiers.

Emmanuel Macron et Gabriel Attal à Villers-Cotterêts le 30 octobre 2023 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Un diagnostic imprécis

Durant son intervention, Emmanuel Macron s’est parfois livré à un réquisitoire sans concession… pour son propre bilan. Il a notamment dénoncé les lenteurs administratives, citant l’exemple particulièrement parlant des délivrances et renouvellements des différents papiers d’identité, pouvant atteindre dans certains cas 4 à 5 mois. C’est parfaitement inadmissible dans un pays qui se veut « moderne » et « numérisé ». Pourtant, dans un même élan, le président a vanté les réformes qu’il aurait entreprises pour secouer le fonctionnement des administrations. Comment cela est-il possible alors que lui-même reconnait que les délais de la machine publique excèdent à juste titre ses concitoyens, ou, devrait-on dire, ses sujets ?

De la même manière, le président est capable de se réjouir que les « smicards (ont) vu leur pouvoir d’achat augmenter » en omettant de préciser que l’information capitale des dernières années est que le nombre des dits « smicards » a augmenté de manière exponentielle. Au 1er janvier 2023, 17,3% des salariés du secteur privé non agricole étaient au salaire minimum contre 12% en 2021. La réalité est donc très éloignée de l’irénisme macronien : les Français et les Françaises s’appauvrissent tous les ans. Les charges pesant sur le travail sont telles qu’il est impossible à de nombreux patrons de PME d’augmenter leurs salariés sans se ruiner, ce qui a créé au fil du temps des trappes à Smic qui ont piégé des travailleurs devenus pauvres et même bien souvent dans l’incapacité totale de se loger ou de fonder une famille.

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Ce qui nous amène d’ailleurs à l’un des points les plus commentés du discours de rentrée du roi-thumaturge qui ne guérit plus grand-chose : la démographie. Le président a annoncé son souhait de lancer « un grand plan contre l’infertilité ». Si ces choses-là se sécrètent bien plus qu’elles ne se décrètent, ce n’est pas un numéro vert pour le téléphone rose qui poussera les Français à relancer leur natalité collective ni même la notion de devoir patriotique. La problématique est sociale et anthropologique. Les causes de la dénatalité tiennent au mode de vie. Autrefois, il était rare de déménager pour raisons professionnelles. On pouvait donc compter sur les grands-parents, les relatifs et les voisins pour aider à la garde des enfants. En outre, les logements étaient plus accessibles. Qui peut aujourd’hui envisager de se lancer dans l’aventure d’une grande famille avec l’instabilité des couples, l’économie peu dynamique, le pouvoir d’achat faible ? Il faut d’abord régler ces difficultés-là !

Le numéro 116 de Causeur

Il faudra plus que des mots!

D’ailleurs, chaque sujet abordé par Emmanuel Macron lors de sa conférence presse avait un point aveugle de ce type. Quand il s’interroge sur l’école, souhaitant instaurer des mesurettes symboliques telles que l’expérimentation de l’instauration de l’uniforme ou l’augmentation des heures consacrées à l’enseignement des notions d’éducation civique, il semble refuser de comprendre que la crise est beaucoup plus large, qu’elle demande une véritable révolution et non des aménagements qui ne seront que des pansements sur une jambe de bois. Sa façon d’interpréter la série d’émeutes pré-insurrectionnelles de l’été dernier, attribuée à « l’ennui » des participants, témoigne encore de cette absence de lucidité quant à la dégradation profonde et quasiment irréversible du matériel anthropologique français. Faut-il une commission pour limiter le temps d’écran des jeunes Français ? Le président, naguère présenté comme un libéral, s’enferme dans la logique réglementaire alors qu’il devrait libérer en bas et assurer l’ordre en haut. C’est le contraire qui est fait.

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Ses satisfecit, s’ils sont parfois authentiques et justifiés, sonneront creux tant qu’une partie de la France sera déclassée et larguée dans la compétition mondiale. Les imprécations et la pensée magique des slogans de communicants cachent mal la misère. « De l’action, de l’audace », nous dit-on. Avec 3000 milliards de dettes et 500 000 immigrés par an, une hausse spectaculaire de l’insécurité, et tant d’autres chantiers, il faudra plus que des mots.

Colère divine

L’histoire incroyable de la mort du député turc Hasan Bitmez


Le discours était sans surprise. Le 12 décembre, le député turc Hasan Bitmez, qu’on dit islamiste, a déroulé un argumentaire bien rodé dans l’impressionnant hémicycle de l’Assemblée nationale d’Ankara. Le passage obligé de la diatribe est bien sûr l’appel exalté à la fureur divine afin qu’elle s’abatte enfin sur Israël et réduise à néant le pays, ses populations et jusqu’au moindre vestige de son existence. Rien que de très classique, somme toute. Tout aussi convenu, du moins dans cette bouche-là, un autre couplet, fustigeant, celui-ci, l’ambiguïté des relations entretenues entre la Turquie d’Erdogan et l’État juif, un flou que l’orateur ne manque pas de dénoncer, de condamner. Quand il termine avec sa prestation, il peut être content de lui. Il a fait le job. En apothéose, cette terrifiante menace : «  Même si vous échappez aux tourments de l’histoire, vous ne pouvez pas vous sauver du châtiment d’Allah ! »

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Or, voilà bien qu’avant même de s’écarter de son pupitre, il choit. En effet, il ne vacille pas. Il s’effondre, littéralement terrassé. La sidération passée, des collègues parlementaires se précipitent. Qui pour éventuellement secourir, qui pour voir s’il n’y aurait pas quelque chose de bien horrible à regarder. Bien vite, une interrogation qu’on pourrait qualifier de métaphysique se pose. Puisque, dans son propos l’élu invoquait la puissance divine, celle-ci l’a-t-elle frappé pour le châtier d’avoir une fois encore appelé à la destruction d’Israël, ou pour avoir osé voir dans les louvoiements du calife suprême Erdogan une épouvantable compromission à la fois politique et religieuse ? On ne le saura jamais, tant la transparence fait défaut aussi en matière de colère divine. La transparence, certes, mais nullement l’intransigeance, puisque le téméraire imprécateur devait, hélas, décéder peu après de ce qui s’est révélé être une crise cardiaque. Chez nous – laïcité soit louée ! – ces choses n’ont pas cours. Aucune fureur céleste ne saurait terrasser un politique. Il est vrai qu’une motion de rejet y suffit.

Macron: deux heures 30 d’ego trip

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Nous avons confié à notre journaliste la lourde tâche de suivre la « keynote » du patron de la startup-nation, hier soir. Elle n’a pas été complètement emballée.


Un rendez-vous avec la France. Mieux que cela même : avec la Nation ! L’occasion de renouer avec les Français et de donner un sens à un règne qui n’en finit pas de s’étioler de crises en crises. Voilà comment était annoncé le nouvel ego trip de notre président. On allait assister au tournant du quinquennat, enfin savoir au bout de six ans et demi où nous étions et où nous allions. On allait voir ce que l’on allait voir et Emmanuel Macron allait enfin montrer à la France qui c’est Raoul et pourquoi sa fin de règne serait autre chose qu’une lente agonie.

Une mauvaise conférence TedX !

À 20.15 j’étais donc au rendez-vous. À 20.25 j’avais déjà décroché. Le problème quand on dramatise à outrance une séquence, c’est qu’il ne faut pas se tromper d’acteur ni de texte. On nous avait annoncé De Gaulle et le retour de l’homme politique visionnaire, on a eu droit à la key note d’un DRH peu inspiré, à une mauvaise conférence TedX qui traine en longueur sans jamais aboutir à quoi que ce soit. Si le but du jeu était de redonner espoir aux Français et de les détourner du vote RN aux Européennes, on ne peut qu’être dubitatif.

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Passons sur l’autosatisfaction habituelle des premières minutes de discours, il est coutumier du genre et, quand il convoque ce type de grand-messe, on sait que l’égo trip sera au rendez-vous. Le problème : il perd ainsi dès le début tout lien avec le peuple, tant les prémisses de son discours apparaissent déconnectées du réel. On ne vit pas dans le même monde et le discours présidentiel installe dès le début cette évidence qui rompt le contact et empêche toute adhésion voire toute conception d’un destin commun. Il parle d’une France que l’on ne reconnait pas et qu’il ne connait pas.

Alerte rouge sur la démographie

S’ensuit un discours technocratique où la pompe le dispute à l’ennui et un positionnement sarcastique et hautain au moment des questions alors que la vacuité de sa vision du monde saute aux yeux. Ainsi Eugénie Bastié relève-t-elle avec raison l’incapacité d’Emmanuel Macron à penser le collectif, en pointant les angles morts de son discours sur la natalité. Il réduit la question de la natalité à l’infertilité, donc à un problème individuel en évacuant toute sa dimension sociale et philosophique.

Or la natalité parle de la confiance en l’avenir, sa chute est révélatrice d’une société qui anticipe le pire, qui voit le déclin mais ne croit plus au sursaut. Elle parle aussi de la faiblesse des services publics : crèches, structures de garde, qualité de l’accueil périscolaire… Mais tout cela demande que l’on porte un regard politique sur les choses, que l’on assume la part d’incertitude de l’action et que l’on soit capable d’insuffler la confiance là où règne le renoncement. Un gestionnaire et un technocrate ne sait pas faire cela, et Emmanuel Macron nous démontre une fois de plus qu’il n’est pas un politique.

Face à Laurence Ferrari, le président oublie de nous dire où en est la bataille contre le « séparatisme »

Il va d’ailleurs lui-même se donner le coup de grâce avec l’archétype de la réponse à la fois méprisante, agressive et totalement décalée qui devient son plat signature, lors d’un échange avec Laurence Ferrari.

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Il avait réussi jusqu’alors un bel exercice de déni, réussissant à parler de réarmement sans dire contre qui et pour quoi nous devons nous réarmer, niant les causes de l’ensauvagement que connait la France, expliquant que les émeutes sont le fait de jeunes désœuvrés et que l’absence d’intégration devrait être réglée par un chèque cinéma et deux cours de théâtre. Mais tout à coup le réel va faire irruption dans cet exercice aussi inutile qu’aseptisé. Laurence Ferrari l’interpelle en effet sur le catalogue de mesures assez peu motivant qu’il vient d’égrener dans une très longue prise de parole et lui rappelle que 48% des professeurs se censurent quand ils enseignent l’Histoire, qu’un sur deux a peur, de la violence des élèves, des parents, des terroristes. Elle rappelle ce qui est arrivé à Samuel Paty et à Dominique Bernard et lui demande clairement quelles mesures concrètes il compte prendre pour restaurer l’autorité. Et là, on voit que le roi est nu et, pour tenter de cacher son état, le voilà qui nous ressort, en mode hypocrite, le renvoi à l’extrême-droite. La question de la journaliste de CNews serait orientée. Comprendre indigne. On a droit alors à un long prêchi-prêcha débité d’une voix de chanoine onctueux qui ne répond à aucune des interrogations légitimes soulevées par la présentatrice de « Punchline ». En revanche la réponse présidentielle dévoile parfaitement la mentalité du président. A la fin, elle témoigne de son indifférence à l’égard de la mort de Samuel Paty et de Dominique Bernard, comme de son refus de regarder en face la violence islamiste et les pressions communautaires qui s’exercent sur l’école de la République ; il réduit donc ces faits à des « polémiques » stériles, comprendre : « qui servent les intérêts de l’extrême-droite ».

Une fois de plus, face au réel, Emmanuel Macron choisit l’aveuglement et la mise en accusation de ceux qui posent les bonnes questions. Avec de tels dirigeants, pas besoin de menaces extérieures pour échouer. Alors quand en plus l’environnement est de plus en plus hostile, il y a de quoi être très inquiet. Si Emmanuel Macron comptait sauver son mandat avec ce one-man-show, on ne peut que constater son échec. S’il voulait renouer avec les Français ou leur redonner espoir, c’est également raté. Mais l’exercice avait tellement peu d’intérêt qu’il ne devrait pas rester dans les mémoires. L’oubli est le digne tombeau de la médiocrité.

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Pourquoi les publications de droite sont-elles plus talentueuses?

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Notre chroniqueur se régale à la lecture de Valeurs Actuelles ou de L’Incorrect, et analyse l’injuste opprobre qui frappe souvent ces publications.


Pour concéder au vocabulaire paresseux, j’avais songé à ajouter l’extrême droite dans mon titre mais cette appellation mise à toutes les sauces n’a plus aucun sens, aussi bien sur les plans politique que médiatique. Et je m’en tiens à la seule droite et si on la juge extrême, pourquoi pas ? J’avais aussi écrit, d’abord, « plus intelligentes » au lieu de « plus talentueuses ». Je pourrais justifier l’emploi de cet adjectif mais tout compte fait il me semblait un peu réducteur et, en même temps, injuste à l’égard d’autres publications dont l’intelligence, pour être d’un bord opposé, était néanmoins certaine. Cette envie de billet, que je ne ressens pas comme provocatrice, m’est venue à la lecture de certains textes, portraits, analyses ou débats qui, sur des sujets rebattus, parvenaient cependant à surprendre par leur qualité, leur densité et leur finesse et dépassaient largement tout ce que j’avais lu avant eux. Je songe notamment dans Valeurs actuelles à un portrait fouillé, et d’une incontestable profondeur psychologique et politique, du Premier ministre Gabriel Attal par Tugdual Denis ainsi que d’une approche à la fois subtile, très éclairante, critique mais honnête, plus explicative que bêtement dénonciatrice, de Gérard Depardieu par Laurent Dandrieu. En prenant connaissance de l’un et de l’autre, on avait vraiment la certitude d’apprendre quelque chose. Dans L’Incorrect par ailleurs (si mal nommé car aujourd’hui pour l’être il faut en faire beaucoup !), une confrontation entre Jérôme Fourquet, Henri Guaino et Pierre Vermeren sur les thèmes principaux qui agitent notre société, l’indignent ou la déstabilisent, est passionnante au point de faire ressembler la multitude des rencontres médiatiques, ailleurs, au mieux pour un échange de banalités, au pire pour d’improbables observations. Ce n’est pas rien puisqu’on constate dans les magazines cette tendance absurde à faire dialoguer, pour un pur remplissage ou une visée promotionnelle, des personnes qui ne se connaissent pas, n’exercent pas le même métier et n’ont rigoureusement rien à nous dire d’intéressant.

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Je ne prendrais pas la peine d’attirer ainsi l’attention sur ces publications de droite revendiquée si elles ne risquaient pas de demeurer frappées d’un opprobre automatique, faute de curiosité et à cause d’une intolérance absurdement discriminatoire. Pourtant ce que j’ai mis en valeur serait de nature à stimuler tous les esprits. Pourquoi ces publications sont-elles en l’occurrence, sur le plan politique ou culturel, assez souvent meilleures que celles au contenu de gauche, voire d’extrême gauche ? D’abord parce qu’elles ne sont pas obsédées par l’esprit partisan mais bien davantage par la liberté de l’esprit qui les incite, quoi qu’il en coûte à une cohérence artificielle, à préférer la vérité, selon la conception qu’elles en ont, au dogme. Et sur Gabriel Attal comme sur Gérard Depardieu, il existe et fait des ravages ! Ensuite elles échappent à ce qui est la plaie des magazines « grand public » de droite comme de gauche : leur prévisibilité. Cette caractéristique a pour conséquence de décourager le lecteur puisque, en ayant lu un, il sait à peu près ce que sera le suivant. Il pourrait par avance deviner la pente de tous les articles de nature sociétale et politique. Certes cette monotonie ne le conduira pas forcément à quitter une publication dont il a l’habitude mais pour moi, rien n’est plus insupportable que cette atonie intellectuelle qui offre la pensée toute faite à ceux qui la rêveraient un peu moins « fixiste ». Cette disposition reposante pour beaucoup se remarque sur tous les registres : il y a par exemple des chroniqueurs judiciaires dont la tonalité, derrière une apparente objectivité, est aisée à pressentir. Mais un Laurent Valdiguié dans Marianne, par exemple, n’a pas abandonné l’envie d’étonner avec un souci de ne pas forcément emboîter le pas aux vaches sacrées.

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Enfin, la distinction capitale entre les médias de gauche et ceux que je loue dans ce billet n’est évidemment pas l’intelligence. Même si le progressisme s’est approprié abusivement cette qualité en la déniant au camp qui osait le contredire. C’est le fait que l’intelligence des médias de gauche, parfois indiscutable en raison de la qualité des journalistes, est subtilement limitée, voire entravée dans son expression par la peur de servir la cause de l’adversaire. Ou de n’être pas suffisamment dans la décence par rapport à un humanisme autodécrété. J’admets bien volontiers que les exemples sur lesquels j’appuie ce post sont limités et réduisent donc la portée de mon argumentation mais il me semble cependant que le talent dont je crédite ces articles de Valeurs actuelles et de L’incorrect viennent de leur style, de leur liberté, de leur singularité et d’une certaine manière à la fois entière et élégante de dire la vérité. Je sais ce dont se privent les hémiplégiques de l’intolérance puisque je lis à peu près tout dans un pluralisme volontariste mais de grâce qu’ils se penchent aussi sur ce que je conseille et que leur bonne foi fasse le reste !

Les deux épicières de la rue de Grenelle

Notre chroniqueur, qui aime d’amour l’Éducation nationale, ne pardonne rien à la nouvelle ministresse, Amélie Oudéa-Castéra. Ni ses sorties intempestives sur les absences imaginaires de l’institutrice de son rejeton, ni ses excuses tarabiscotées, ni le choix qu’elle a fait d’une directrice de cabinet issue, comme elle, de la direction de Carrefour, groupe peu familier de la gestion de personnels enseignants mis à vif par trente ans de brimades et de réductions salariales. N’exagère-t-il pas un peu ?


Peut-être vous rappelez-vous l’expression très française « faire une conduite de Grenoble ». C’est une allusion fine aux avanies qu’y essuya le lexicologue Richelet, qui dans son Dictionnaire (1680) malmenait sans raison les gens du Dauphiné. Agricol Perdiguier, dans son Livre du compagnonnage (1841) généralise : « Cette conduite se fait, dans une Société, à un de ses membres qui a volé ou escroqué ; c’est le châtiment qu’on lui inflige dans une chambre ou dans les champs. Celui qui a reçu la conduite de Grenoble est flétri moralement ; il ne peut plus se présenter devant la Société qui l’a chassé comme indigne d’elle. Quand on a vu faire cette conduite, on n’est pas tenté de la mériter ; elle n’attaque pas le physique brutalement, mais rien n’est si humiliant : il y a de quoi mourir de honte ! »

Notre nouveau ministre s’est vu infliger une « conduite de Grenoble » hier mardi, en se rendant à l’Ecole Littré qu’elle avait diffamée la semaine dernière, prétendant que les absences répétées d’enseignants l’avaient amenée à exfiltrer son fils pour l’inscrire à Stanislas. Une affirmation immédiatement infirmée par l’institutrice mise en cause, témoignage confirmé par les registres d’absences. Et critiquée par le président de la République lors de sa conférence de presse hier mardi.

A lire aussi, Céline Pina: Un gouvernement de collaborateurs

Il est sympa, Macron. En d’autres temps, ça aurait giclé séance tenante, rappelez-vous comment Mitterrand avait jeté Bernard Tapie un mois après l’avoir nommé Ministre de la Ville, en avril-mai 1992.

Il y a des chances que la même « conduite » se répète chaque fois qu’elle quittera la rue de Grenelle. Les profs sont gamins — et rancuniers. Ils sont malmenés depuis trois décennies par des gouvernements qui ont considérablement réduit leurs salaires, méprisés par une population qui jauge les gens en fonction de leurs ressources financières, et contraints à appliquer des programmes d’une imbécillité majeure. Avec des espoirs de promotion réduits à la portion congrue.

Afin de ne plus faire d’erreurs du même type, Madame Oudéa-Castéra s’est choisi une directrice de Cabinet, Morgane Weill, qui ne connaît rien — mais alors, rien — à l’Éducation Nationale. Une énarque passée par le cabinet McKinsey, dont on sait qu’il est bien en cour, et qui ces derniers temps pantouflait dans le privé, chez Carrefour — où la future ministresse l’a rencontrée. De l’épicerie à l’Éducation, quel abîme !

Actuellement en kiosques, notre numéro de janvier: Alain Finkielkraut: «École: Attal, espoir terminal?»

Le problème, c’est qu’on ne gère pas 850 000 profs comme des fruits à l’étalage ou des eaux minérales. Et qu’on ne peut pas raconter aux publics concernés par l’école (12 millions d’élèves, cela fait des dizaines de millions de parents et de grands-parents attentifs et désespérés, ceux que je rencontre à chacune de mes conférences, par exemple celle-là) les mêmes carabistouilles qu’aux clients d’une chaîne alimentaire. D’ailleurs, j’ai abandonné Carrefour, le Super U de mon quartier étant mieux achalandé et moins cher. Mieux géré, sans doute, au niveau supérieur.

J’ai un peu peur que les jurys de l’ENA, qui depuis des années dénoncent l’inculture et le conformisme des candidats n’aient finalement raison, comme je le suggère dans mon dernier livre. Conseillons à Madame Oudéa-Castéra de s’appuyer plutôt sur des gens qui savent — je lui offre une master class quand elle veut —, des spécialistes qui fréquentent l’Éducation depuis longtemps ; de se contenter, désormais, de marcher dans les pas de Gabriel Attal, qui avait fait des propositions intéressantes mais inabouties ; et d’inaugurer des écoles en construction, de façon à ne plus rencontrer de personnels en colère. De toute façon, Macron a bien signifié que l’Ecole, pour les années qui lui restent à l’Élysée, c’était lui, et que Madame Ouvéa-Castéra faisait finalement de la figuration.

Un autre cinéma est possible!

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« Le Voyage en pyjama » de Pascal Thomas, en salles aujourd’hui, est une échappée dans la province des sentiments


Quel bonheur de passer une heure et demie, dans une salle climatisée, loin des gens sérieux, en compagnie d’acteurs tendres et désintéressés, en dehors de tout discours formaté et d’hallali médiatique ; notre esprit peut enfin s’échapper, respirer, se laisser griser par la nostalgie et le temps qui passe. Pascal Thomas vient lentement prendre le pouls de cette province oubliée ; à son chevet, il raconte les tourments d’un homme, son indécision et ses faiblesses, ses amours et ses tentations.

Le pathos excessif et le nombrilisme impoli sont exclus de ce cinéma-là. Pascal Thomas est le dernier cinéaste français à savoir filmer une route de campagne, un chemin de halage, la nef d’une église, la promiscuité d’un TER, un bac reliant deux rives, une Vespa ancienne et ses pneus à flancs blancs, une maison bourgeoise avec ses bibliothèques grillagées et le vernissé de parquets centenaires. La délicieuse contrariété des relations adultérines a besoin de calme pour s’épanouir.

L’errance d’un quadra

Avec Pascal Thomas, point d’achélèmes en fusion et d’aigreur, il pratique un art subtil, à l’ironie rieuse et au romantisme chancelant, une sorte de pointillisme qui laisse de minuscules traces sur la peau et dans les têtes après la séance.

A lire aussi, Jean Chauvet: Tant qu’il y aura des films

Soyez rassurés, chers lecteurs, cette maladie n’est pas contagieuse ; au contraire, elle ravive les sentiments enfouis. « Le Voyage en pyjama » semble anodin, presque inoffensif en ce début d’année 2024, il est plein de malice et d’inventions, de références littéraires et de marivaudage. Pascal Thomas est ce joueur amusé qui se délecte de la douce errance d’un quadra en échappement libre. Un moraliste qui ne résiste pas au charme de dévoiler un sein lourd et à nimber son héros d’un détachement solaire face aux contingences du quotidien. Cette éducation sentimentale se révèle poétique, friable, spirituelle et drôle. Car ce réalisateur antimoderne a horreur du plombant et du sentencieux, sa pudeur l’oblige à trouver des parades et des allégories pour nous émouvoir.

Dans « Le voyage en pyjama », on retrouve par petites touches, tout ce qui fait l’essence de son cinéma depuis les années 1970 : la cavalcade des femmes jadis aimées, les compagnons de bordées, les lectures nocturnes, la cinéphilie comme exhausteur de goût, le refus de s’engager, les atermoiements du masculin/féminin et l’absence de repentir. Nous suivons alors, le parcours d’un professeur de français, le beau Victor, interprété par le très convaincant Alexandre Lafaurie qui impose son naturel direct et son propre rythme de la comédie, dès les premières minutes. Nous montons sur son porte-bagage et nous nous laissons porter par le vent du destin. Il pédale sur les routes, entre émois charnels et scènes bouffonnes, à coups de citations et de ballons de vin blanc, le passé refoulé déploie sa longue tapisserie et le présent lui réserve d’inattendues rencontres.

Galerie de femmes

Chez Pascal Thomas, on évite la componction par politesse et, pour autant, il aborde, à la dérobée, c’est-à-dire de la plus élégante des manières, des sujets « graves » tels que la paternité, la maternité, les liens du mariage, les élans du cœur, l’argent, la réussite et les grands auteurs. Il effleure et touche dans le mille. Si le cinéaste feint de s’intéresser au vagabondage de Victor, c’est pour mieux broder une galerie de femmes toutes plus folles, désirables et inoubliables : Constance Labbé est délicatement frivole, Barbara Schulz incarne une superbe emmerdeuse, Anny Duperey se love dans la fourrure d’une tragédienne décalée, Irène Jacob en déshabillé de soie s’avère être une chaudasse très réfléchie, Anouchka Delon pourtant trompée grimpe les côtes aussi bien que Jeannie Longo, Lolita Chammah possède le fantasque érotique des plus grandes et que dire des admirables Stéphanie Crayencour et Maïra Schmitt. Les hommes sont aussi à la parade, Pierre Arditi cabotine avec génie, Louis-Do de Lencquesaing est une tête à claques magistrale, Christophe Bouisse et Christian Vadim tiennent leur rôle au cordeau, nous avons même droit à une apparition burlesque de Laurent Dassault. Pascal Thomas nous offre une « lettre à France » qui a tout d’un « message personnel ».

Le Voyage en pyjama de Pascal Thomas – Sortie nationale 17 janvier 2024

La préférence pour l’Autre, même s’il est méchant…

Le Conseil d’État a ordonné au ministère de l’Intérieur de permettre le retour en France d’un Ouzbek proche de la mouvance djihadiste. Qu’en pense le président d’Avocats sans frontières ?


Je pointe depuis longtemps la préférence pour l’Autre comme le signe le plus manifeste de la pathologie occidentale. Si l’on doit préférer le lointain à son prochain, c’est donc que le premier est meilleur que le second. Ce racisme à l’envers est devenu aujourd’hui tellement ordinaire qu’il semble presque à l’endroit.

Pour le dessiner de manière chromatique, une partie de la société occidentale daltonienne voit désormais le blanc tout en noir. L’une des spécificités de cette pathologie psychologique collective se manifeste par le fait que, pour la première fois dans l’histoire de l’Occident, c’est la population majoritaire qui subit le racisme systémique.

L’autre spécificité de cette détestation atypique est qu’elle a été initiée par des membres de la population victime. Pour le dire plus clairement, ce sont des Blancs d’extrême gauche qui, dans les années 1970, ont expliqué que les policiers français étaient des SS nazis, que Monsieur Dupont-Lajoie, le Français moyen, était un beauf à béret raciste et pétainiste, et que, par voie de conséquence, la population étrangère immigrée, et principalement l’Arabe anciennement colonisé, était le nouveau Juif.

C’est à ce moment précis que SOS Racisme posa une petite main jaune sur la poitrine de ses potes. Puis, quelques décennies plus tard, les compagnons de Mélenchon, lors d’une manifestation islamiste, épinglèrent une étoile jaune sur le torse de leurs amis soi-disant victimes de l’islamophobie. L’un des drames les plus conséquents de ce psychodrame consternant habite dans le fait qu’une partie de la population immigrée a fini par adhérer à ce scénario plus hystérique qu’historique selon lequel il serait vain de se battre pour progresser tant les dés seraient pipés. Il est difficile de résister au confort tentant d’une idéologie victimaire.

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Génocides à la carte

De l’autre côté de l’océan Atlantique, sur la base d’autres références historiques, le même racisme a été installé sur fond de Black Lives Matter. Dans une récente intervention, j’ai montré comment les juifs blancs américains en faisaient les frais. Mais là où cette dilection pour l’altérité prend un tour suicidaire, c’est quand la préférence pour l’Autre s’applique… même quand celui-ci est méchant !

J’ai montré dans ma précédente chronique dans ces pages que les assassinats ou les viols suivis d’éventrations de femmes juives et blanches le 7 octobre dernier n’ont pas été pris en compte par les féministes gauchisantes, qui tueraient pour un simple regard appuyé ou un comportement inapproprié, parce que, pour elles, les mâles non blancs du Hamas ne sauraient  être vraiment méchants. Je veux écrire aujourd’hui qu’un Ouzbek prodjihadiste a été épargné par la Cour européenne des droits de l’homme, puis par le Conseil d’État très exactement pour les mêmes inconscientes raisons.

Voilà un étranger, admirateur de l’islamiste Iquioussen, considéré comme dangereux pour nos compatriotes par les services de renseignements français, mais que les juges européens puis français veulent voir revenir sur notre territoire, car il serait en danger dans son pays… dans lequel pourtant il avait décidé de repartir. Je ne suis pas sûr que la Cour européenne défende le droit des hommes sans défense ni que le Conseil défende le droit d’un État protecteur.

On avait connu pire : la France condamnée par la justice européenne pour avoir expulsé vers son pays l’Algérie un terroriste islamiste condamné. Une expulsion jugée fautive, car l’expulsé s’exposait à quelque péril en rentrant chez lui. Preuve étant ainsi rapportée que l’on préfère voir les siens innocents encourir des risques plutôt que l’Autre, même s’il est méchant. À ce stade, on peut parler de pathologie suicidaire.

Enfin, de grâce, que l’on m’épargne le couplet sur l’État de droit. Un État de droit à la carte n’est pas le droit. Non plus que la justice à la tête du client n’est juste. Les mêmes qui voudraient religieusement respecter les décisions d’une Cour européenne, dont on sait les tropismes idéologiques, ne sont en rien gênés par le fait que les migrants illégaux piétinent notre droit des étrangers. Les mêmes qui nous expliquent doctement que les juges du Conseil d’État ne sauraient se tromper, militent pour la sainte rébellion écologique et la pieuse désobéissance civique. Ces mêmes sont des tartuffes en robes de Justes.

Je n’ai rien contre l’Autre, sauf s’il est méchant. Je n’ai rien contre lui, mais je suis pour les miens.

Journal de guerre: C'est l'Occident qu'on assassine

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Claire violée par un migrant sous OQTF: pourquoi être aussi caricaturale, Salomé Saqué?

La journaliste de gauche a déroulé un étrange argumentaire pour contrer les propositions d’Eric Zemmour contre les migrants clandestins se rendant coupables de viols.


L’histoire de Claire est connue. BFMTV, RMC, TPMP, Le Figaro : la Parisienne de 26 ans a été reçue sur de nombreux plateaux TV pour raconter le viol dont elle a été victime. Le 11 novembre dernier, elle a été violée dans le hall de son immeuble du 8e arrondissement de Paris, en pleine après-midi, vers 16h30, par un migrant centrafricain qui faisait l’objet d’une OQTF.

Comme elle l’a confié au Figaro, Claire a décidé de médiatiser elle-même son histoire, notamment en contactant Éric Zemmour, afin de « faire bouger les choses d’un point de vue politique ». « J’ai envie de parler pour prévenir les femmes qu’on n’est plus en sécurité en France, même dans un quartier qui ne craint pas » a-t-elle expliqué, rappelant un fait indiscutable : « Si l’OQTF avait été exécutée, ça ne serait pas arrivé »1. Le viol a duré près d’une demi-heure, l’arrivée d’une voisine mit un terme au calvaire de Claire en provoquant la fuite de son bourreau, qui a rapidement été interpellé et mis en examen. Malheureusement, entre-temps, ce dernier a violé une autre jeune femme le même jour ! En effet, Mathilde, 19 ans, a été violée dans le 17e arrondissement par le même migrant le 11 novembre. « Je me suis dit que j’allais mourir », a confié Mathilde au Parisien2.

Pousser l’affirmation adverse au-delà de ses frontières naturelles

Sur Twitter, le 19 décembre, la journaliste en vue Salomé Saqué, du média en ligne de gauche « Blast », a réagi au viol de Claire. Après avoir apporté son « plein soutien » à la victime, elle a tenu à rappeler que « dans 91 % des cas » l’auteur d’un viol était « un proche de la victime ». Notre consœur s’appuie sur un rapport du 22 février 20183, rendu par la députée Renaissance Marie-Pierre Rixain et l’ancienne députée UDI Sophie Auconie, qui affirme que, parmi les 108 000 victimes de viol ou de tentative de viol déclarées en 2017, 91% connaissaient leur agresseur et que 45% des agresseurs étaient le conjoint ou l’ex-conjoint. Après ce premier tweet, intéressant car porteur d’une information essentielle, Salomé Saqué a ajouté, dans un second tweet, ce qu’elle estimait sans soute être un autre argument pertinent : « Croire qu’il suffit d’expulser les étrangers pour régler le problème des viols en France est complètement illusoire. Les violences sexuelles sont systémiques, majoritairement commises par des hommes banals. Le reconnaître, c’est un premier pas indispensable pour lutter contre ! ». Qui a déjà prétendu qu’expulser les étrangers permettrait d’éradiquer du territoire français ce crime qu’est le viol ? Personne. Personne n’a jamais dit ça, mais le prétendre permet de caricaturer, et donc de ridiculiser, la position adverse – celle de ceux qui estiment que les clandestins violeurs n’ont rien à faire dans la nature. Salomé Saqué utilise un procédé rhétorique bien connu, que Shopenhauer analysait déjà au XIXe siècle dans son célèbre L’Art d’avoir toujours raison : « Stratagème 1. Pousser l’affirmation adverse au-delà de ses frontières naturelles, en l’interprétant de la manière la plus générale possible, en la prenant au sens le plus large possible, en la caricaturant. De fait, plus une affirmation est générale, plus elle prêtera le flanc aux attaques ».

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Une technique qui n’est visiblement pas tombée dans l’oreille d’une sourde. La gauche en a fait une spécialité. Vous dites qu’il y a un problème avec l’immigration ? Qu’une immigration massive extra-européenne et souvent musulmane a des conséquences négatives sur le plan identitaire et sécuritaire ? On vous répliquera que l’immigration n’est pas responsable de tous les maux de la France et que l’arrêter ne résoudra pas tous les problèmes des Français. Vous êtes pour l’interdiction de l’abaya à l’école ? On vous répliquera qu’interdire ce vêtement ne résoudra pas tous les problèmes de l’école (crise du recrutement, faible rémunération des professeurs, etc).
Une seule mesure ne serait pas suffisante pour éliminer toutes les difficultés d’un pays ? Quelle trouvaille !

ISF, Miss France, épilation : les vraies priorités de la gauche

Pourtant, quand ce procédé se retourne contre des gens de gauche, cela les agace terriblement. Revenons à Salomé Saqué. Cette dernière ne fait pas mystère du fait qu’elle est une journaliste engagée à gauche, tant sur les questions économiques que sociétales. Elle dit défendre un modèle de justice sociale, loin du néolibéralisme qu’Emmanuel Macron incarnerait et de ses cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Aussi est-elle favorable au rétablissement de l’ISF.

Pourtant, croire qu’il suffit de rétablir l’ISF pour régler le problème de la pauvreté en France est complètement illusoire. Vous avez vu, Salomé, c’est agaçant, non ? Oui, c’est pénible quand on utilise contre vous (et vos idées) ce raisonnement idiot que vous utilisez pourtant à l’envi sur les questions migratoires… Et, en effet, vous n’avez jamais prétendu que le rétablissement de l’ISF permettrait d’en finir avec la pauvreté, mais que cette proposition pourrait être une mesure dans un plan plus large de justice sociale et de réduction des inégalités. De même, Claire ou Éric Zemmour n’ont jamais prétendu « qu’il suffit d’expulser les étrangers pour régler le problème des viols en France », d’ailleurs le sujet ici, le viol de Claire, ne concerne pas « les étrangers » dans leur globalité mais un étranger en situation irrégulière sous OQTF. Et oui : ce viol (comme tant d’autres) était donc évitable.

Ce même 19 décembre, jour du tweet un brin sophiste, Salomé Saqué était sur France Inter pour parler du concours Miss France. En effet, notre nouvelle miss, Eve Gilles, a été moquée sur les réseaux sociaux en raison de ses cheveux courts et de son corps jugé trop maigre. Face à Frédéric Gilbert, directeur général du Comité Miss France, Salomé Saqué a plaidé pour la suppression du concours de beauté. Souhaitant « changer les imaginaires », elle estime qu’il est anormal « qu’en France, en 2023, on continue à mettre des femmes en compétition, à heure de grande écoute, sur la base de leur physique. Je trouve que c’est problématique et que ça participe à cette culture qui nous permet de juger les femmes sur leur physique ». Récemment, le 6 janvier, toujours sur Twitter, elle a partagé un article de Libération qui parle d’une « une étudiante en art britannique qui appelle les femmes à se libérer de l’injonction à l’épilation ».

Appeler à expulser des clandestins sous OQTF ? Non. Crier haro sur Miss France et l’épilation ? Oui. Salomé Saqué ou le sens des priorités d’une certaine gauche.


  1. «Si l’OQTF avait été exécutée, ça ne serait pas arrivé» : la colère de Claire, violée par un clandestin dans le hall de son immeuble à Paris (lefigaro.fr) ↩︎
  2. Mathilde, première victime du violeur sous OQTF à Paris : « Je me suis dit que j’allais mourir » – Le Parisien ↩︎
  3. Viols : plus de neuf victimes sur dix connaissaient leur agresseur (lemonde.fr) ↩︎

Des Jeux plus gros que le ventre

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Projet de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, Paris 2024 DR.

Alors que le coup d’envoi de Paris 2024  approche à grands pas, les problèmes de sécurité et de transports dont souffre l’Île-de-France de façon endémique ne semblent pas avoir été suffisamment pris en compte par les organisateurs. Fragilisée par les émeutes de banlieue, ciblée par le terrorisme islamique, menacée par la paralysie des transports, la Ville Lumière a quelque peu présumé de ses forces.


Se doute-t-il de l’enfer qui l’attend cet été ? Le 14 décembre dernier, interrogé sur TMC au sujet des futures olympiades, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, affichait une curieuse sérénité : « Les choses vont bien se passer, assurait-il. L’organisation de la Coupe du monde de rugby ou la visite de Charles III sont la preuve que nous sommes capables de gérer la sécurité autour de grands rendez-vous. » Comme si une compétition consacrée à un seul sport ou une déambulation parisienne offerte à un seul roi représentait le même niveau de risque qu’une manifestation où vont se presser pendant trois semaines (du 26 juillet au 11 août prochains) plus de 10 000 participants venus de 200 pays pour concourir dans 44 disciplines… D’autant qu’au Proche-Orient, le massacre commis par le Hamas le 7 octobre dernier a réveillé le spectre des onze athlètes israéliens assassinés lors des Jeux de 1972 à Munich par des terroristes palestiniens. Dans ces conditions, difficile de ne pas être inquiet. Et de ne pas se poser les neuf questions suivantes, pour lesquelles nous avons interrogé divers connaisseurs du dossier.

Le « village des athlètes » est-il bien placé ?

À l’exception de quelques matchs de football programmés en province et des épreuves de voile et de surf, qui se tiendront respectivement à Tahiti et à Marseille, les JO 2024 seront essentiellement franciliens. Tous les sportifs seront logés dans un nouveau quartier de 52 hectares situé en plein 93, entre Saint-Ouen-sur-Seine et l’Île-Saint-Denis. Soit à quelques encablures du parvis du Stade de France… endroit désormais célèbre dans le monde entier depuis la razzia inouïe qui s’y est déroulée le 28 mai 2022 en marge de la finale de la Ligue des champions de football entre le Real Madrid et Liverpool. Ce soir-là, des bandes locales, au profil proche des émeutiers de juillet 2023, ont volé et violenté des centaines de supporters anglais et espagnols. Les leçons de ce fiasco ont-elles été tirées ? Rien n’est moins sûr. Le 11 octobre dernier, le chef de la délégation olympique mongole, venu en France pour assister à un comité de sécurité, se faisait détrousser, à quelques mètres de là, d’un sac contenant des biens pour une valeur totale de près de 600 000 euros (son épouse y avait déposé ses boucles d’oreilles en or).

Les lieux d’affluence seront-ils bien protégés ?

Outre le village olympique, plusieurs lieux de compétition se trouvent également en banlieue parisienne, tels que Saint-Denis (93) où se dérouleront les épreuves d’athlétisme, de rugby et divers sports aquatiques, mais aussi Le Bourget (93) pour l’escalade, Villepinte (93) pour la boxe, ou Colombes (92) pour le hockey. Or, même à l’étranger, personne n’ignore que ces contrées ne ressemblent pas exactement aux belles artères haussmanniennes paisibles qui ont fait la réputation de la capitale française. En mai de l’année dernière, la légende du football Thierry Henry prévenait d’ailleurs les téléspectateurs de la grande chaîne sportive américaine CBS Sport : « Vous ne voulez pas aller à Saint-Denis. Ce n’est pas pareil que Paris. Croyez-moi ! » Et en septembre, quelques heures avant le match France-Nouvelle Zélande inaugurant la dernière Coupe du monde de rugby, la femme et la fille de Ian Foster, sélectionneur des All Blacks, étaient agressées à l’arme blanche dans l’hôtel de la sélection, à Créteil (91). D’après une source policière, des moyens spéciaux seront déployés pour rassurer les milliers de touristes appelés à franchir le périphérique. Des commissariats volants seront notamment installés dans des bus près des sites de forte affluence. Et les effectifs de police seront renforcés. Quantité de congés ont même été refusés aux gardiens de la paix qui pensaient en poser durant cette période. Fatigue garantie cet été dans les rangs des forces de l’ordre.

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Les sites olympiques seront-ils bien surveillés ?

En complément de la présence policière, on estime à près de 20 000 le nombre d’agents de sécurité privés nécessaires à la protection de l’ensemble des lieux appelés à être fréquentés par les spectateurs. Une gageure. Plusieurs grandes entreprises du secteur ont boudé les appels d’offres. Et les autres éprouvent les plus grandes difficultés à recruter. « Aujourd’hui, le métier n’est plus attractif, il ne paye pas », explique Djamel Benotmane, secrétaire général du syndicat CGT Prévention Sécurité. Dans l’urgence, la tentation peut être grande d’embaucher n’importe qui, sans pousser très loin les enquêtes de moralité, y compris au sein de populations à très haut risque. Petit à petit, le tabou du déploiement militaire se dissipe. Mi-novembre, on apprenait que 5 000 soldats seraient présents en permanence à Paris lors des trois semaines de l’événement, logés sous des tentes sur la pelouse de Reuilly. En tout, 15 000 hommes de troupe devraient être mobilisés. Lors des JO de Londres en 2012, le recours aux militaires avait aussi été employé pour pallier le manque de vigiles. « C’est une solution totalement insuffisante et inadaptée, on les voit mal contrôler les billets d’entrée par exemple », s’inquiète un policier.

Le « risque drone » est-il bien identifié ?

Au-dessus des grandes messes sportives, ces engins volants télécommandés et équipés d’une caméra sont désormais massivement utilisés par les télévisions. Comment se prémunir contre l’éventualité qu’un appareil pirate, piloté par un terroriste et chargé d’explosifs, s’infiltre dans le dispositif officiel ? Les drones sont une « menace nouvelle et sans doute la principale à appréhender », reconnaît-on au ministère de l’Intérieur, qui a révélé en octobre dernier la neutralisation d’une « vingtaine de drones malveillants » par la police lors de la Coupe du Monde de rugby cet automne en France. Sans toutefois donner de détails sur les méthodes employées pour parvenir à ces coups de filet.

Incidents au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions, Paris, 29 mai 2022 © AP Photo/Manu Fernandez/Sipa

Les équipements sportifs seront-ils prêts ?

Stade de France, Parc des Princes, Roland-Garros, château de Versailles… La plupart des sites qui accueilleront les épreuves existent déjà depuis belle lurette et sont parfaitement entretenus. Seul point noir : les travaux, toujours en cours, au Grand Palais, où sont censées se tenir les épreuves d’escrime. « Certaines finitions peuvent ne pas être faites, mais nous livrerons comme prévu le lieu au comité d’organisation des Jeux le 19 avril 2024 », promet pourtant Christophe Chauffour, directeur général délégué de la Réunion des musées nationaux, l’organisme qui gère le monument. À Déols, une bourgade proche de Châteauroux, pas de stress en revanche : un vieil aérodrome désaffecté de l’OTAN a été réquisitionné pour le tir sportif, en remplacement du site prévu au départ à La Courneuve (93). « Plus pourri, tu meurs ! » râle un journaliste suisse spécialisé. Pour ce compatriote de Guillaume Tell, si cette discipline est ainsi reléguée, c’est à cause des écologistes, qui l’associent à la chasse.

Les capacités en logement et transport sont-elles suffisantes ?

Selon les estimations de Pierre Rabadan, adjoint à la Mairie de Paris pour les JO, la capitale s’apprête à recevoir « seulement » un ou deux millions de visiteurs de plus qu’une saison touristique habituelle (16 millions de visiteurs chaque été), pour la plus grande joie des propriétaires qui ont prévu de louer leur appartement à prix d’or durant les jeux, et qui iront se mettre au vert en attendant la cérémonie de clôture. Mais côté transports,« on ne va pas être prêts », prévient en revanche la maire de Paris, Anne Hidalgo. Des embolies s’annoncent en effet sur le réseau ferroviaire et par voie de conséquence sur les routes. En cause : les travaux du CDG Express (liaison entre la gare de l’Est et l’aéroport de Roissy), des lignes 16 et 17 du métro et de la station Porte-Maillot du RER E qui ne seront pas terminés à temps. Selon nos informations, il faudra aussi déplorer des retards dans la livraison de diverses rames commandées pour permettre au réseau existant de supporter la surcharge de voyageurs. Pas de quoi troubler toutefois le ministre des Transports, Clément Beaune, qui n’a pas trouvé d’autre commentaire à faire que de reprocher à la maire de Paris « de faire le buzz ».  Le « pas de vague » dans sa version Hôtel de Roquelaure.

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Sait-on précisément comment se déroulera la cérémonie d’ouverture ?

C’est un format inédit dans l’histoire des JO. Au lieu de se tenir dans un stade comme à l’accoutumée, la cérémonie d’ouverture devrait se dérouler le soir du 26 juillet sur la Seine, en plein Paris, où chaque délégation défilera à bord de sa propre péniche le long d’un trajet de six kilomètres devant des centaines de milliers de spectateurs. Le 31 mai, sur le plateau de « C dans l’air », le criminologue Alain Bauer tirait la sonnette d’alarme :« La préfecture de police n’y était pas défavorable, elle y était totalement opposée. […]Toutes les conditions du désastre sont réunies. » Le 22 octobre, l’ancien ministre des Sports David Douillet en rajoutait une couche dans La Tribune dimanche :« Si la veille, les voyants sont rouge cramoisi quant aux risques d’attentat, il faudra un plan B pour la cérémonie d’ouverture. » Problème, le préfet de police de Paris, lui, affirmait le 14 décembre qu’il n’y avait pas de plan B… Après son coup de gueule télévisé, Bauer confie avoir reçu des centaines de « messages semi-clandestins de l’appareil d’État », lui disant :« Ah ! enfin, merci de l’avoir dit, nous, on n’y arrivait pas. » Tout laisse penser qu’on n’a pas fini d’entendre parler de cette drôle de galère.

La note sera-t-elle salée ?

Au dernier pointage, la facture des Jeux s’établit à 8,7 milliards d’euros, en hausse de 30 % par rapport au budget initial. Mais dans un contexte de forte inflation post-Covid, il était difficile d’éviter pareille envolée. Pas de scandale en soi donc, sauf quelques dérapages comme le Centre aquatique olympique, situé en face du Stade de France à Saint-Denis, dont les coûts ont explosé, passant de 104 millions à 174 millions d’euros, non seulement sous l’effet de la hausse du prix de l’énergie et des matériaux de construction, mais aussi à cause de quelques dépenses annexes, qui n’avaient pas été prévues… Une source policière locale évoque des arrangements « un peu » forcés entre des entreprises de construction et quelques voyous du cru, décidés à récupérer une part de la manne : « Ça donne des deals du genre “embauche mon petit cousin ou verse une somme et il n’arrivera rien à ton chantier et ton matériel”. » La Calabre sans la mer.

Les Français seront-ils en communion ?

Ces Jeux arrivent à un moment de doute identitaire français intense. Bien sûr, nous ne bouderons pas notre plaisir d’avoir droit à un second Roland-Garros en plein mois de juillet, ni de voir Kylian Mbappé, à qui le onze tricolore fera sans doute appel, sous le maillot des Bleus. Mais existe-t-il encore un peu de ciment patriotique pour faire de cette série d’événements un grand moment d’unité française ? En réalité, depuis vingt-cinq ans, les politiques cherchent à retrouver par le sport l’instant « Black Blanc Beur »de l’été 1998. Sauf que, vingt ans plus tard, le retour des champions du monde de football avait été marqué par des violences aux Champs-Élysées. Rappelons aussi qu’en septembre dernier, les organisateurs de la Coupe du monde de rugby se sont vu reprocher par Libération rien moins que d’avoir incarné la « France rance » en raison d’une cérémonie d’ouverture qui sentait bon le pays d’antan, les santons et les petits villages bucoliques. Pour la première fois de l’histoire, les JO auront lieu dans un pays qui ne s’aime pas.

Lula, comment avez-vous pu imaginer obtenir un jour le prix Nobel de la paix?

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Le président brésilien soutient l’accusation faite devant la Cour internationale de justice par l’Afrique du Sud selon laquelle Israël pratiquerait un génocide à Gaza


La communauté juive brésilienne compte environ 120 000 membres, répartis principalement entre les deux mégapoles de São Paulo (90 000 personnes) et Rio de Janeiro. Les Brésiliens juifs sont les descendants de migrants venus successivement du Portugal, d’Espagne, du Maroc (début du XXe siècle), de l’empire russe, de Roumanie, de Pologne et d’Allemagne (entre 1919 et 1939). Ils ont été rejoints après la Seconde Guerre mondiale par des survivants de la Shoah, des Juifs expulsés d’Egypte (1956) et persécutés en Irak.

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J’ai la chance de maintenir des relations avec cette communauté depuis trente ans. C’est au sein du Centre culturel Juif de São Paulo que j’ai fait la connaissance de Marcos Susskind, descendant d’une famille juive allemande arrivée au Brésil en 1938, après avoir fui Berlin en 1934 et être passée par la France. Marcos est né à Rio de Janeiro en 1947. Il a fait des études universitaires en gestion d’entreprise au Brésil (années soixante-dix). En Israël, il a suivi parallèlement une formation de guide touristique dans les années soixante-dix à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Sa vie professionnelle très riche a été consacrée à faire connaître à des groupes d’hommes d’affaires brésiliens les capacités et les réalisations d’Israël en innovations technologiques. Il a ainsi accompagné à de très nombreuses reprises des missions commerciales brésiliennes en Israël. En 2015, la famille Susskind (Marcos, son épouse et leurs trois enfants) a fait son Alyah. Elle vit depuis à Holon. En Israël, Marcos est désormais toujours guide, accompagnant notamment des groupes de visiteurs chrétiens. Il est aussi très engagé dans des ONG de lutte contre les drogues. Enfin, il continue à animer sur les réseaux sociaux des programmes d’information sur Israël à destination du public brésilien. C’est une voix très connue au Brésil, au-delà même de la communauté juive. Marcos a 11 petits-enfants, dont quatre sont actuellement mobilisés au nord d’Israël et sur la bande de Gaza.

Récemment, en découvrant que le gouvernement brésilien avait choisi de soutenir l’accusation de génocide faite à Israël devant la Cour Internationale de Justice par l’Afrique du Sud, il a décidé d’envoyer une lettre ouverte au président Lula. Il n’aura pas de réponse à ses questions, comme lui-même le mentionne. Mais la lettre ouverte a déjà une grande répercussion au Brésil, dont la majorité des habitants sont loin de partager la position de Lula sur les crimes du Hamas et la guerre de défense que mène Israël.

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J’ai pris l’initiative de traduire cette lettre que vous trouverez ci-dessous. Au nom de mon ami Marcos, je vous remercie pour l’ample divulgation que vous pourrez faire de cette missive. Notamment auprès de journalistes et formateurs d’opinion français qui contribuent trop souvent à forger l’image d’homme de paix et de leader politique sérieux que Lula voudrait avoir !


Lettre ouverte à Lula : À propos d’une de ses dernières décisions

Bonjour camarade Lula,

J’ai appris que vous souteniez et approuviez l’accusation faite devant la Cour internationale de La Haye par l’Afrique du Sud et selon laquelle Israël pratiquerait un génocide à Gaza. De nombreuses questions me sont alors venues à l’esprit qui mériteraient des réponses. Mais je vous avoue tout de suite que je ne les attends pas, puisque je vous ai écrit plusieurs fois depuis 2010 et que vous n’avez jamais daigné me répondre.

  • La Syrie a assassiné 650 000 civils et déplacé 4 500 000 personnes dans le cadre de la guerre civile actuelle. Considérez-vous le gouvernement syrien comme un génocidaire ?
  • L’invasion actuelle de l’Ukraine par la Russie a déjà fait plus de 500 000 morts. Avez-vous accusé la Russie de génocide ?
  • La guerre civile en cours au Soudan a poussé 1 500 000 personnes à quitter leur pays et 5 250 000 à quitter leur foyer et à vivre en tant que réfugiés à l’intérieur du pays. Avez-vous condamné le Soudan ?
  • 600 000 civils non-combattants sont morts dans la guerre d’Éthiopie. Avez-vous considéré l’Éthiopie comme un pays génocidaire ?
  • Avant de formuler ma dernière question, j’ose vous demander si vous savez ce qu’est un génocide ? Je crois utile de vous expliquer plus loin de quoi il s’agit.
  • Dans la guerre déclenchée par les monstres terroristes du Hamas et que poursuit Israël pour défendre sa population et éradiquer une menace insupportable, environ 21 000 personnes sont mortes à Gaza, dont près de 9 000 terroristes. La plupart des 12 000 non-combattants tués étaient des boucliers humains utilisés par les terroristes. Aussi dramatiques que soient les morts de ces victimes, les chiffres n’atteignent en rien ceux de la guerre civile en Syrie, de la guerre en Éthiopie ou des victimes civiles en Ukraine. Pourquoi accordez-vous plus d’importance aux 12 000 victimes civiles gazaouies qu’aux plus de 2 millions de victimes des autres conflits cités ici ?

J’en viens maintenant à une définition du génocide que vous ignorez sans doute : « Le génocide est un crime contre l’humanité caractérisé par des pratiques visant à l’élimination d’un groupe d’êtres humains pour des raisons raciales, ethniques et religieuses. Sont considérées comme des activités génocidaires : l’extermination, le massacre, l’anni- hilation, le meurtre de groupes ethniques, d’affiliations religieuses ou de nationalités ».

Lula, avec la force aérienne phénoménale dont dispose Israël, si les responsables militaires de cet État avaient conçu et exécuté un génocide, cela aurait pu être réalisé en 48 heures au maximum ! Sachez que la population de Gaza est concentrée à plus de 80% entre les deux localités de Han Yunes et Rafah. Il s’agit là d’une zone de moins de 160 kilomètres carrés, plus petite que la plupart des grandes propriétés agricoles existantes au Brésil.

Lula, je ne suis pas certain que vous-mêmes ayez la conviction qu’Israël soit responsable d’un génocide à Gaza. Vous êtes cependant entouré d’extrémistes antisémites dangereux, comme Celso Amorim (conseiller spécial du président pour les relations internationales) et Gleisi Hoffmann (présidente du Parti des Travailleurs, la formation de Lula). Votre gouvernement est soutenu par ailleurs par des antisémites notoires qui militent au sein de votre parti et de formations alliées. Tous ces gens vous dictent ce que vous appelez votre politique « anticolonialiste », « anti-impérialiste », pour ne citer que quelques-uns des adjectifs qu’ils emploient pour dénigrer tous ceux qui ne suivent pas leurs catéchismes idéologiques. À suivre ces conseillers sinistres, vous en êtes arrivé à soutenir les vrais génocidaires, comme le Hamas, dont la charte préconise l’anéantissement d’Israël et du peuple juif.

Pour conclure cette lettre ouverte, je vous avoue que je suis convaincu que je n’aurai pas de réponse de votre part. Je continue cependant à poser les questions que votre attitude fait surgir. Comment avez-vous pu imaginer obtenir un jour le prix Nobel de la paix ?

Je vous prie d’agréer, Monsieur le président, l’expression de mes salutations distinguées.

Marcos L Susskind.

Emmanuel Macron: quand la forme prend le pas sur le fond

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Lors de son hold-up télévisuel, hier soir, le président Macron a promis un « réarmement démographique » à la France. Son gouvernement devra concentrer son attention sur la jeunesse et les travailleurs modestes, prétend-il. Malheureusement, de nombreux points aveugles émaillaient ses démonstrations et les mesurettes annoncées qui en découlent.


On nous avait vendu un format « exceptionnel », une conférence de presse inédite sous la Vème République. D’une durée de deux heures trente, l’intervention présidentielle devant un parterre de journalistes de la presse nationale et régionale correspondait bien au style Macron : performatif, emphatique et bavard. Sur la forme, les fanatiques de Jupiter comme ses contempteurs n’auront pas changé d’avis. Clivant, Emmanuel Macron séduit autant qu’il agace. Gaspard Proust l’a résumé par une formule amusante au micro d’Europe 1 : « Quand tu as besoin de trois heures pour expliquer que tu es un génie, c’est qu’a priori ça ne saute pas aux yeux ». Le prodige doit ramer, remonter sur le ring et prouver qu’il est bien cet homme providentiel consacré en 2017 par une vague bobopopuliste pour « rénover la France ». Car, les Français sont revenus depuis longtemps de cette aventure rythmée par les mouvements sociaux et les catastrophes internationales, les émeutes et les polémiques, les scandales et les annonces fracassantes, les Grenelle et les grandes causes, les applications disruptives et les blocages administratifs.

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En presque sept ans de pouvoir absolu, la France d’Emmanuel Macron n’a finalement que peu bougé. La grande transformation se fait toujours attendre et ce ne sont pas les renouvellements de casting qui feront penser le contraire aux Français.  Conscient que son socle électoral tient désormais grâce aux plus de 65 ans, Emmanuel Macron a abandonné le jeunisme qu’on lui prêtait au profit d’un discours calibré pour les « boomers », porté par des « jeunes » choisis pour plaire à des vieux, des gendres rêvés pour une génération qui n’a pas conscience de l’urgence dans laquelle se retrouve une partie de ses héritiers.

Emmanuel Macron et Gabriel Attal à Villers-Cotterêts le 30 octobre 2023 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Un diagnostic imprécis

Durant son intervention, Emmanuel Macron s’est parfois livré à un réquisitoire sans concession… pour son propre bilan. Il a notamment dénoncé les lenteurs administratives, citant l’exemple particulièrement parlant des délivrances et renouvellements des différents papiers d’identité, pouvant atteindre dans certains cas 4 à 5 mois. C’est parfaitement inadmissible dans un pays qui se veut « moderne » et « numérisé ». Pourtant, dans un même élan, le président a vanté les réformes qu’il aurait entreprises pour secouer le fonctionnement des administrations. Comment cela est-il possible alors que lui-même reconnait que les délais de la machine publique excèdent à juste titre ses concitoyens, ou, devrait-on dire, ses sujets ?

De la même manière, le président est capable de se réjouir que les « smicards (ont) vu leur pouvoir d’achat augmenter » en omettant de préciser que l’information capitale des dernières années est que le nombre des dits « smicards » a augmenté de manière exponentielle. Au 1er janvier 2023, 17,3% des salariés du secteur privé non agricole étaient au salaire minimum contre 12% en 2021. La réalité est donc très éloignée de l’irénisme macronien : les Français et les Françaises s’appauvrissent tous les ans. Les charges pesant sur le travail sont telles qu’il est impossible à de nombreux patrons de PME d’augmenter leurs salariés sans se ruiner, ce qui a créé au fil du temps des trappes à Smic qui ont piégé des travailleurs devenus pauvres et même bien souvent dans l’incapacité totale de se loger ou de fonder une famille.

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Ce qui nous amène d’ailleurs à l’un des points les plus commentés du discours de rentrée du roi-thumaturge qui ne guérit plus grand-chose : la démographie. Le président a annoncé son souhait de lancer « un grand plan contre l’infertilité ». Si ces choses-là se sécrètent bien plus qu’elles ne se décrètent, ce n’est pas un numéro vert pour le téléphone rose qui poussera les Français à relancer leur natalité collective ni même la notion de devoir patriotique. La problématique est sociale et anthropologique. Les causes de la dénatalité tiennent au mode de vie. Autrefois, il était rare de déménager pour raisons professionnelles. On pouvait donc compter sur les grands-parents, les relatifs et les voisins pour aider à la garde des enfants. En outre, les logements étaient plus accessibles. Qui peut aujourd’hui envisager de se lancer dans l’aventure d’une grande famille avec l’instabilité des couples, l’économie peu dynamique, le pouvoir d’achat faible ? Il faut d’abord régler ces difficultés-là !

Le numéro 116 de Causeur

Il faudra plus que des mots!

D’ailleurs, chaque sujet abordé par Emmanuel Macron lors de sa conférence presse avait un point aveugle de ce type. Quand il s’interroge sur l’école, souhaitant instaurer des mesurettes symboliques telles que l’expérimentation de l’instauration de l’uniforme ou l’augmentation des heures consacrées à l’enseignement des notions d’éducation civique, il semble refuser de comprendre que la crise est beaucoup plus large, qu’elle demande une véritable révolution et non des aménagements qui ne seront que des pansements sur une jambe de bois. Sa façon d’interpréter la série d’émeutes pré-insurrectionnelles de l’été dernier, attribuée à « l’ennui » des participants, témoigne encore de cette absence de lucidité quant à la dégradation profonde et quasiment irréversible du matériel anthropologique français. Faut-il une commission pour limiter le temps d’écran des jeunes Français ? Le président, naguère présenté comme un libéral, s’enferme dans la logique réglementaire alors qu’il devrait libérer en bas et assurer l’ordre en haut. C’est le contraire qui est fait.

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Ses satisfecit, s’ils sont parfois authentiques et justifiés, sonneront creux tant qu’une partie de la France sera déclassée et larguée dans la compétition mondiale. Les imprécations et la pensée magique des slogans de communicants cachent mal la misère. « De l’action, de l’audace », nous dit-on. Avec 3000 milliards de dettes et 500 000 immigrés par an, une hausse spectaculaire de l’insécurité, et tant d’autres chantiers, il faudra plus que des mots.

Colère divine

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D.R

L’histoire incroyable de la mort du député turc Hasan Bitmez


Le discours était sans surprise. Le 12 décembre, le député turc Hasan Bitmez, qu’on dit islamiste, a déroulé un argumentaire bien rodé dans l’impressionnant hémicycle de l’Assemblée nationale d’Ankara. Le passage obligé de la diatribe est bien sûr l’appel exalté à la fureur divine afin qu’elle s’abatte enfin sur Israël et réduise à néant le pays, ses populations et jusqu’au moindre vestige de son existence. Rien que de très classique, somme toute. Tout aussi convenu, du moins dans cette bouche-là, un autre couplet, fustigeant, celui-ci, l’ambiguïté des relations entretenues entre la Turquie d’Erdogan et l’État juif, un flou que l’orateur ne manque pas de dénoncer, de condamner. Quand il termine avec sa prestation, il peut être content de lui. Il a fait le job. En apothéose, cette terrifiante menace : «  Même si vous échappez aux tourments de l’histoire, vous ne pouvez pas vous sauver du châtiment d’Allah ! »

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Or, voilà bien qu’avant même de s’écarter de son pupitre, il choit. En effet, il ne vacille pas. Il s’effondre, littéralement terrassé. La sidération passée, des collègues parlementaires se précipitent. Qui pour éventuellement secourir, qui pour voir s’il n’y aurait pas quelque chose de bien horrible à regarder. Bien vite, une interrogation qu’on pourrait qualifier de métaphysique se pose. Puisque, dans son propos l’élu invoquait la puissance divine, celle-ci l’a-t-elle frappé pour le châtier d’avoir une fois encore appelé à la destruction d’Israël, ou pour avoir osé voir dans les louvoiements du calife suprême Erdogan une épouvantable compromission à la fois politique et religieuse ? On ne le saura jamais, tant la transparence fait défaut aussi en matière de colère divine. La transparence, certes, mais nullement l’intransigeance, puisque le téméraire imprécateur devait, hélas, décéder peu après de ce qui s’est révélé être une crise cardiaque. Chez nous – laïcité soit louée ! – ces choses n’ont pas cours. Aucune fureur céleste ne saurait terrasser un politique. Il est vrai qu’une motion de rejet y suffit.

Macron: deux heures 30 d’ego trip

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16 janvier 2024 © Jacques Witt/SIPA

Nous avons confié à notre journaliste la lourde tâche de suivre la « keynote » du patron de la startup-nation, hier soir. Elle n’a pas été complètement emballée.


Un rendez-vous avec la France. Mieux que cela même : avec la Nation ! L’occasion de renouer avec les Français et de donner un sens à un règne qui n’en finit pas de s’étioler de crises en crises. Voilà comment était annoncé le nouvel ego trip de notre président. On allait assister au tournant du quinquennat, enfin savoir au bout de six ans et demi où nous étions et où nous allions. On allait voir ce que l’on allait voir et Emmanuel Macron allait enfin montrer à la France qui c’est Raoul et pourquoi sa fin de règne serait autre chose qu’une lente agonie.

Une mauvaise conférence TedX !

À 20.15 j’étais donc au rendez-vous. À 20.25 j’avais déjà décroché. Le problème quand on dramatise à outrance une séquence, c’est qu’il ne faut pas se tromper d’acteur ni de texte. On nous avait annoncé De Gaulle et le retour de l’homme politique visionnaire, on a eu droit à la key note d’un DRH peu inspiré, à une mauvaise conférence TedX qui traine en longueur sans jamais aboutir à quoi que ce soit. Si le but du jeu était de redonner espoir aux Français et de les détourner du vote RN aux Européennes, on ne peut qu’être dubitatif.

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Passons sur l’autosatisfaction habituelle des premières minutes de discours, il est coutumier du genre et, quand il convoque ce type de grand-messe, on sait que l’égo trip sera au rendez-vous. Le problème : il perd ainsi dès le début tout lien avec le peuple, tant les prémisses de son discours apparaissent déconnectées du réel. On ne vit pas dans le même monde et le discours présidentiel installe dès le début cette évidence qui rompt le contact et empêche toute adhésion voire toute conception d’un destin commun. Il parle d’une France que l’on ne reconnait pas et qu’il ne connait pas.

Alerte rouge sur la démographie

S’ensuit un discours technocratique où la pompe le dispute à l’ennui et un positionnement sarcastique et hautain au moment des questions alors que la vacuité de sa vision du monde saute aux yeux. Ainsi Eugénie Bastié relève-t-elle avec raison l’incapacité d’Emmanuel Macron à penser le collectif, en pointant les angles morts de son discours sur la natalité. Il réduit la question de la natalité à l’infertilité, donc à un problème individuel en évacuant toute sa dimension sociale et philosophique.

Or la natalité parle de la confiance en l’avenir, sa chute est révélatrice d’une société qui anticipe le pire, qui voit le déclin mais ne croit plus au sursaut. Elle parle aussi de la faiblesse des services publics : crèches, structures de garde, qualité de l’accueil périscolaire… Mais tout cela demande que l’on porte un regard politique sur les choses, que l’on assume la part d’incertitude de l’action et que l’on soit capable d’insuffler la confiance là où règne le renoncement. Un gestionnaire et un technocrate ne sait pas faire cela, et Emmanuel Macron nous démontre une fois de plus qu’il n’est pas un politique.

Face à Laurence Ferrari, le président oublie de nous dire où en est la bataille contre le « séparatisme »

Il va d’ailleurs lui-même se donner le coup de grâce avec l’archétype de la réponse à la fois méprisante, agressive et totalement décalée qui devient son plat signature, lors d’un échange avec Laurence Ferrari.

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Il avait réussi jusqu’alors un bel exercice de déni, réussissant à parler de réarmement sans dire contre qui et pour quoi nous devons nous réarmer, niant les causes de l’ensauvagement que connait la France, expliquant que les émeutes sont le fait de jeunes désœuvrés et que l’absence d’intégration devrait être réglée par un chèque cinéma et deux cours de théâtre. Mais tout à coup le réel va faire irruption dans cet exercice aussi inutile qu’aseptisé. Laurence Ferrari l’interpelle en effet sur le catalogue de mesures assez peu motivant qu’il vient d’égrener dans une très longue prise de parole et lui rappelle que 48% des professeurs se censurent quand ils enseignent l’Histoire, qu’un sur deux a peur, de la violence des élèves, des parents, des terroristes. Elle rappelle ce qui est arrivé à Samuel Paty et à Dominique Bernard et lui demande clairement quelles mesures concrètes il compte prendre pour restaurer l’autorité. Et là, on voit que le roi est nu et, pour tenter de cacher son état, le voilà qui nous ressort, en mode hypocrite, le renvoi à l’extrême-droite. La question de la journaliste de CNews serait orientée. Comprendre indigne. On a droit alors à un long prêchi-prêcha débité d’une voix de chanoine onctueux qui ne répond à aucune des interrogations légitimes soulevées par la présentatrice de « Punchline ». En revanche la réponse présidentielle dévoile parfaitement la mentalité du président. A la fin, elle témoigne de son indifférence à l’égard de la mort de Samuel Paty et de Dominique Bernard, comme de son refus de regarder en face la violence islamiste et les pressions communautaires qui s’exercent sur l’école de la République ; il réduit donc ces faits à des « polémiques » stériles, comprendre : « qui servent les intérêts de l’extrême-droite ».

Une fois de plus, face au réel, Emmanuel Macron choisit l’aveuglement et la mise en accusation de ceux qui posent les bonnes questions. Avec de tels dirigeants, pas besoin de menaces extérieures pour échouer. Alors quand en plus l’environnement est de plus en plus hostile, il y a de quoi être très inquiet. Si Emmanuel Macron comptait sauver son mandat avec ce one-man-show, on ne peut que constater son échec. S’il voulait renouer avec les Français ou leur redonner espoir, c’est également raté. Mais l’exercice avait tellement peu d’intérêt qu’il ne devrait pas rester dans les mémoires. L’oubli est le digne tombeau de la médiocrité.

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Pourquoi les publications de droite sont-elles plus talentueuses?

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Le directeur de la rédaction de l'hebdomadaire "Valeurs actuelles", Tugdual Denis. DR.

Notre chroniqueur se régale à la lecture de Valeurs Actuelles ou de L’Incorrect, et analyse l’injuste opprobre qui frappe souvent ces publications.


Pour concéder au vocabulaire paresseux, j’avais songé à ajouter l’extrême droite dans mon titre mais cette appellation mise à toutes les sauces n’a plus aucun sens, aussi bien sur les plans politique que médiatique. Et je m’en tiens à la seule droite et si on la juge extrême, pourquoi pas ? J’avais aussi écrit, d’abord, « plus intelligentes » au lieu de « plus talentueuses ». Je pourrais justifier l’emploi de cet adjectif mais tout compte fait il me semblait un peu réducteur et, en même temps, injuste à l’égard d’autres publications dont l’intelligence, pour être d’un bord opposé, était néanmoins certaine. Cette envie de billet, que je ne ressens pas comme provocatrice, m’est venue à la lecture de certains textes, portraits, analyses ou débats qui, sur des sujets rebattus, parvenaient cependant à surprendre par leur qualité, leur densité et leur finesse et dépassaient largement tout ce que j’avais lu avant eux. Je songe notamment dans Valeurs actuelles à un portrait fouillé, et d’une incontestable profondeur psychologique et politique, du Premier ministre Gabriel Attal par Tugdual Denis ainsi que d’une approche à la fois subtile, très éclairante, critique mais honnête, plus explicative que bêtement dénonciatrice, de Gérard Depardieu par Laurent Dandrieu. En prenant connaissance de l’un et de l’autre, on avait vraiment la certitude d’apprendre quelque chose. Dans L’Incorrect par ailleurs (si mal nommé car aujourd’hui pour l’être il faut en faire beaucoup !), une confrontation entre Jérôme Fourquet, Henri Guaino et Pierre Vermeren sur les thèmes principaux qui agitent notre société, l’indignent ou la déstabilisent, est passionnante au point de faire ressembler la multitude des rencontres médiatiques, ailleurs, au mieux pour un échange de banalités, au pire pour d’improbables observations. Ce n’est pas rien puisqu’on constate dans les magazines cette tendance absurde à faire dialoguer, pour un pur remplissage ou une visée promotionnelle, des personnes qui ne se connaissent pas, n’exercent pas le même métier et n’ont rigoureusement rien à nous dire d’intéressant.

A lire aussi, Ferghane Azihari: Ce qui ne va pas dans la parodie de Malik Bentalha sur CNews

Je ne prendrais pas la peine d’attirer ainsi l’attention sur ces publications de droite revendiquée si elles ne risquaient pas de demeurer frappées d’un opprobre automatique, faute de curiosité et à cause d’une intolérance absurdement discriminatoire. Pourtant ce que j’ai mis en valeur serait de nature à stimuler tous les esprits. Pourquoi ces publications sont-elles en l’occurrence, sur le plan politique ou culturel, assez souvent meilleures que celles au contenu de gauche, voire d’extrême gauche ? D’abord parce qu’elles ne sont pas obsédées par l’esprit partisan mais bien davantage par la liberté de l’esprit qui les incite, quoi qu’il en coûte à une cohérence artificielle, à préférer la vérité, selon la conception qu’elles en ont, au dogme. Et sur Gabriel Attal comme sur Gérard Depardieu, il existe et fait des ravages ! Ensuite elles échappent à ce qui est la plaie des magazines « grand public » de droite comme de gauche : leur prévisibilité. Cette caractéristique a pour conséquence de décourager le lecteur puisque, en ayant lu un, il sait à peu près ce que sera le suivant. Il pourrait par avance deviner la pente de tous les articles de nature sociétale et politique. Certes cette monotonie ne le conduira pas forcément à quitter une publication dont il a l’habitude mais pour moi, rien n’est plus insupportable que cette atonie intellectuelle qui offre la pensée toute faite à ceux qui la rêveraient un peu moins « fixiste ». Cette disposition reposante pour beaucoup se remarque sur tous les registres : il y a par exemple des chroniqueurs judiciaires dont la tonalité, derrière une apparente objectivité, est aisée à pressentir. Mais un Laurent Valdiguié dans Marianne, par exemple, n’a pas abandonné l’envie d’étonner avec un souci de ne pas forcément emboîter le pas aux vaches sacrées.

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Enfin, la distinction capitale entre les médias de gauche et ceux que je loue dans ce billet n’est évidemment pas l’intelligence. Même si le progressisme s’est approprié abusivement cette qualité en la déniant au camp qui osait le contredire. C’est le fait que l’intelligence des médias de gauche, parfois indiscutable en raison de la qualité des journalistes, est subtilement limitée, voire entravée dans son expression par la peur de servir la cause de l’adversaire. Ou de n’être pas suffisamment dans la décence par rapport à un humanisme autodécrété. J’admets bien volontiers que les exemples sur lesquels j’appuie ce post sont limités et réduisent donc la portée de mon argumentation mais il me semble cependant que le talent dont je crédite ces articles de Valeurs actuelles et de L’incorrect viennent de leur style, de leur liberté, de leur singularité et d’une certaine manière à la fois entière et élégante de dire la vérité. Je sais ce dont se privent les hémiplégiques de l’intolérance puisque je lis à peu près tout dans un pluralisme volontariste mais de grâce qu’ils se penchent aussi sur ce que je conseille et que leur bonne foi fasse le reste !

Les deux épicières de la rue de Grenelle

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Amélie Oudéa-Castéra, Ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques, Conférence de presse du président Macron, Palais de l'Elysée, 16 janvier 2024 © Jacques Witt/SIPA

Notre chroniqueur, qui aime d’amour l’Éducation nationale, ne pardonne rien à la nouvelle ministresse, Amélie Oudéa-Castéra. Ni ses sorties intempestives sur les absences imaginaires de l’institutrice de son rejeton, ni ses excuses tarabiscotées, ni le choix qu’elle a fait d’une directrice de cabinet issue, comme elle, de la direction de Carrefour, groupe peu familier de la gestion de personnels enseignants mis à vif par trente ans de brimades et de réductions salariales. N’exagère-t-il pas un peu ?


Peut-être vous rappelez-vous l’expression très française « faire une conduite de Grenoble ». C’est une allusion fine aux avanies qu’y essuya le lexicologue Richelet, qui dans son Dictionnaire (1680) malmenait sans raison les gens du Dauphiné. Agricol Perdiguier, dans son Livre du compagnonnage (1841) généralise : « Cette conduite se fait, dans une Société, à un de ses membres qui a volé ou escroqué ; c’est le châtiment qu’on lui inflige dans une chambre ou dans les champs. Celui qui a reçu la conduite de Grenoble est flétri moralement ; il ne peut plus se présenter devant la Société qui l’a chassé comme indigne d’elle. Quand on a vu faire cette conduite, on n’est pas tenté de la mériter ; elle n’attaque pas le physique brutalement, mais rien n’est si humiliant : il y a de quoi mourir de honte ! »

Notre nouveau ministre s’est vu infliger une « conduite de Grenoble » hier mardi, en se rendant à l’Ecole Littré qu’elle avait diffamée la semaine dernière, prétendant que les absences répétées d’enseignants l’avaient amenée à exfiltrer son fils pour l’inscrire à Stanislas. Une affirmation immédiatement infirmée par l’institutrice mise en cause, témoignage confirmé par les registres d’absences. Et critiquée par le président de la République lors de sa conférence de presse hier mardi.

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Il est sympa, Macron. En d’autres temps, ça aurait giclé séance tenante, rappelez-vous comment Mitterrand avait jeté Bernard Tapie un mois après l’avoir nommé Ministre de la Ville, en avril-mai 1992.

Il y a des chances que la même « conduite » se répète chaque fois qu’elle quittera la rue de Grenelle. Les profs sont gamins — et rancuniers. Ils sont malmenés depuis trois décennies par des gouvernements qui ont considérablement réduit leurs salaires, méprisés par une population qui jauge les gens en fonction de leurs ressources financières, et contraints à appliquer des programmes d’une imbécillité majeure. Avec des espoirs de promotion réduits à la portion congrue.

Afin de ne plus faire d’erreurs du même type, Madame Oudéa-Castéra s’est choisi une directrice de Cabinet, Morgane Weill, qui ne connaît rien — mais alors, rien — à l’Éducation Nationale. Une énarque passée par le cabinet McKinsey, dont on sait qu’il est bien en cour, et qui ces derniers temps pantouflait dans le privé, chez Carrefour — où la future ministresse l’a rencontrée. De l’épicerie à l’Éducation, quel abîme !

Actuellement en kiosques, notre numéro de janvier: Alain Finkielkraut: «École: Attal, espoir terminal?»

Le problème, c’est qu’on ne gère pas 850 000 profs comme des fruits à l’étalage ou des eaux minérales. Et qu’on ne peut pas raconter aux publics concernés par l’école (12 millions d’élèves, cela fait des dizaines de millions de parents et de grands-parents attentifs et désespérés, ceux que je rencontre à chacune de mes conférences, par exemple celle-là) les mêmes carabistouilles qu’aux clients d’une chaîne alimentaire. D’ailleurs, j’ai abandonné Carrefour, le Super U de mon quartier étant mieux achalandé et moins cher. Mieux géré, sans doute, au niveau supérieur.

J’ai un peu peur que les jurys de l’ENA, qui depuis des années dénoncent l’inculture et le conformisme des candidats n’aient finalement raison, comme je le suggère dans mon dernier livre. Conseillons à Madame Oudéa-Castéra de s’appuyer plutôt sur des gens qui savent — je lui offre une master class quand elle veut —, des spécialistes qui fréquentent l’Éducation depuis longtemps ; de se contenter, désormais, de marcher dans les pas de Gabriel Attal, qui avait fait des propositions intéressantes mais inabouties ; et d’inaugurer des écoles en construction, de façon à ne plus rencontrer de personnels en colère. De toute façon, Macron a bien signifié que l’Ecole, pour les années qui lui restent à l’Élysée, c’était lui, et que Madame Ouvéa-Castéra faisait finalement de la figuration.

Un autre cinéma est possible!

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Le voyage en pyjama, 2024, Pascal Thomas © Numéro 7 / Les Films français / Studio Canal

« Le Voyage en pyjama » de Pascal Thomas, en salles aujourd’hui, est une échappée dans la province des sentiments


Quel bonheur de passer une heure et demie, dans une salle climatisée, loin des gens sérieux, en compagnie d’acteurs tendres et désintéressés, en dehors de tout discours formaté et d’hallali médiatique ; notre esprit peut enfin s’échapper, respirer, se laisser griser par la nostalgie et le temps qui passe. Pascal Thomas vient lentement prendre le pouls de cette province oubliée ; à son chevet, il raconte les tourments d’un homme, son indécision et ses faiblesses, ses amours et ses tentations.

Le pathos excessif et le nombrilisme impoli sont exclus de ce cinéma-là. Pascal Thomas est le dernier cinéaste français à savoir filmer une route de campagne, un chemin de halage, la nef d’une église, la promiscuité d’un TER, un bac reliant deux rives, une Vespa ancienne et ses pneus à flancs blancs, une maison bourgeoise avec ses bibliothèques grillagées et le vernissé de parquets centenaires. La délicieuse contrariété des relations adultérines a besoin de calme pour s’épanouir.

L’errance d’un quadra

Avec Pascal Thomas, point d’achélèmes en fusion et d’aigreur, il pratique un art subtil, à l’ironie rieuse et au romantisme chancelant, une sorte de pointillisme qui laisse de minuscules traces sur la peau et dans les têtes après la séance.

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Soyez rassurés, chers lecteurs, cette maladie n’est pas contagieuse ; au contraire, elle ravive les sentiments enfouis. « Le Voyage en pyjama » semble anodin, presque inoffensif en ce début d’année 2024, il est plein de malice et d’inventions, de références littéraires et de marivaudage. Pascal Thomas est ce joueur amusé qui se délecte de la douce errance d’un quadra en échappement libre. Un moraliste qui ne résiste pas au charme de dévoiler un sein lourd et à nimber son héros d’un détachement solaire face aux contingences du quotidien. Cette éducation sentimentale se révèle poétique, friable, spirituelle et drôle. Car ce réalisateur antimoderne a horreur du plombant et du sentencieux, sa pudeur l’oblige à trouver des parades et des allégories pour nous émouvoir.

Dans « Le voyage en pyjama », on retrouve par petites touches, tout ce qui fait l’essence de son cinéma depuis les années 1970 : la cavalcade des femmes jadis aimées, les compagnons de bordées, les lectures nocturnes, la cinéphilie comme exhausteur de goût, le refus de s’engager, les atermoiements du masculin/féminin et l’absence de repentir. Nous suivons alors, le parcours d’un professeur de français, le beau Victor, interprété par le très convaincant Alexandre Lafaurie qui impose son naturel direct et son propre rythme de la comédie, dès les premières minutes. Nous montons sur son porte-bagage et nous nous laissons porter par le vent du destin. Il pédale sur les routes, entre émois charnels et scènes bouffonnes, à coups de citations et de ballons de vin blanc, le passé refoulé déploie sa longue tapisserie et le présent lui réserve d’inattendues rencontres.

Galerie de femmes

Chez Pascal Thomas, on évite la componction par politesse et, pour autant, il aborde, à la dérobée, c’est-à-dire de la plus élégante des manières, des sujets « graves » tels que la paternité, la maternité, les liens du mariage, les élans du cœur, l’argent, la réussite et les grands auteurs. Il effleure et touche dans le mille. Si le cinéaste feint de s’intéresser au vagabondage de Victor, c’est pour mieux broder une galerie de femmes toutes plus folles, désirables et inoubliables : Constance Labbé est délicatement frivole, Barbara Schulz incarne une superbe emmerdeuse, Anny Duperey se love dans la fourrure d’une tragédienne décalée, Irène Jacob en déshabillé de soie s’avère être une chaudasse très réfléchie, Anouchka Delon pourtant trompée grimpe les côtes aussi bien que Jeannie Longo, Lolita Chammah possède le fantasque érotique des plus grandes et que dire des admirables Stéphanie Crayencour et Maïra Schmitt. Les hommes sont aussi à la parade, Pierre Arditi cabotine avec génie, Louis-Do de Lencquesaing est une tête à claques magistrale, Christophe Bouisse et Christian Vadim tiennent leur rôle au cordeau, nous avons même droit à une apparition burlesque de Laurent Dassault. Pascal Thomas nous offre une « lettre à France » qui a tout d’un « message personnel ».

Le Voyage en pyjama de Pascal Thomas – Sortie nationale 17 janvier 2024

La préférence pour l’Autre, même s’il est méchant…

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Gilles-William Goldnadel © Photo: Hannah Assouline

Le Conseil d’État a ordonné au ministère de l’Intérieur de permettre le retour en France d’un Ouzbek proche de la mouvance djihadiste. Qu’en pense le président d’Avocats sans frontières ?


Je pointe depuis longtemps la préférence pour l’Autre comme le signe le plus manifeste de la pathologie occidentale. Si l’on doit préférer le lointain à son prochain, c’est donc que le premier est meilleur que le second. Ce racisme à l’envers est devenu aujourd’hui tellement ordinaire qu’il semble presque à l’endroit.

Pour le dessiner de manière chromatique, une partie de la société occidentale daltonienne voit désormais le blanc tout en noir. L’une des spécificités de cette pathologie psychologique collective se manifeste par le fait que, pour la première fois dans l’histoire de l’Occident, c’est la population majoritaire qui subit le racisme systémique.

L’autre spécificité de cette détestation atypique est qu’elle a été initiée par des membres de la population victime. Pour le dire plus clairement, ce sont des Blancs d’extrême gauche qui, dans les années 1970, ont expliqué que les policiers français étaient des SS nazis, que Monsieur Dupont-Lajoie, le Français moyen, était un beauf à béret raciste et pétainiste, et que, par voie de conséquence, la population étrangère immigrée, et principalement l’Arabe anciennement colonisé, était le nouveau Juif.

C’est à ce moment précis que SOS Racisme posa une petite main jaune sur la poitrine de ses potes. Puis, quelques décennies plus tard, les compagnons de Mélenchon, lors d’une manifestation islamiste, épinglèrent une étoile jaune sur le torse de leurs amis soi-disant victimes de l’islamophobie. L’un des drames les plus conséquents de ce psychodrame consternant habite dans le fait qu’une partie de la population immigrée a fini par adhérer à ce scénario plus hystérique qu’historique selon lequel il serait vain de se battre pour progresser tant les dés seraient pipés. Il est difficile de résister au confort tentant d’une idéologie victimaire.

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De l’autre côté de l’océan Atlantique, sur la base d’autres références historiques, le même racisme a été installé sur fond de Black Lives Matter. Dans une récente intervention, j’ai montré comment les juifs blancs américains en faisaient les frais. Mais là où cette dilection pour l’altérité prend un tour suicidaire, c’est quand la préférence pour l’Autre s’applique… même quand celui-ci est méchant !

J’ai montré dans ma précédente chronique dans ces pages que les assassinats ou les viols suivis d’éventrations de femmes juives et blanches le 7 octobre dernier n’ont pas été pris en compte par les féministes gauchisantes, qui tueraient pour un simple regard appuyé ou un comportement inapproprié, parce que, pour elles, les mâles non blancs du Hamas ne sauraient  être vraiment méchants. Je veux écrire aujourd’hui qu’un Ouzbek prodjihadiste a été épargné par la Cour européenne des droits de l’homme, puis par le Conseil d’État très exactement pour les mêmes inconscientes raisons.

Voilà un étranger, admirateur de l’islamiste Iquioussen, considéré comme dangereux pour nos compatriotes par les services de renseignements français, mais que les juges européens puis français veulent voir revenir sur notre territoire, car il serait en danger dans son pays… dans lequel pourtant il avait décidé de repartir. Je ne suis pas sûr que la Cour européenne défende le droit des hommes sans défense ni que le Conseil défende le droit d’un État protecteur.

On avait connu pire : la France condamnée par la justice européenne pour avoir expulsé vers son pays l’Algérie un terroriste islamiste condamné. Une expulsion jugée fautive, car l’expulsé s’exposait à quelque péril en rentrant chez lui. Preuve étant ainsi rapportée que l’on préfère voir les siens innocents encourir des risques plutôt que l’Autre, même s’il est méchant. À ce stade, on peut parler de pathologie suicidaire.

Enfin, de grâce, que l’on m’épargne le couplet sur l’État de droit. Un État de droit à la carte n’est pas le droit. Non plus que la justice à la tête du client n’est juste. Les mêmes qui voudraient religieusement respecter les décisions d’une Cour européenne, dont on sait les tropismes idéologiques, ne sont en rien gênés par le fait que les migrants illégaux piétinent notre droit des étrangers. Les mêmes qui nous expliquent doctement que les juges du Conseil d’État ne sauraient se tromper, militent pour la sainte rébellion écologique et la pieuse désobéissance civique. Ces mêmes sont des tartuffes en robes de Justes.

Je n’ai rien contre l’Autre, sauf s’il est méchant. Je n’ai rien contre lui, mais je suis pour les miens.

Journal de guerre: C'est l'Occident qu'on assassine

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Claire violée par un migrant sous OQTF: pourquoi être aussi caricaturale, Salomé Saqué?

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DR

La journaliste de gauche a déroulé un étrange argumentaire pour contrer les propositions d’Eric Zemmour contre les migrants clandestins se rendant coupables de viols.


L’histoire de Claire est connue. BFMTV, RMC, TPMP, Le Figaro : la Parisienne de 26 ans a été reçue sur de nombreux plateaux TV pour raconter le viol dont elle a été victime. Le 11 novembre dernier, elle a été violée dans le hall de son immeuble du 8e arrondissement de Paris, en pleine après-midi, vers 16h30, par un migrant centrafricain qui faisait l’objet d’une OQTF.

Comme elle l’a confié au Figaro, Claire a décidé de médiatiser elle-même son histoire, notamment en contactant Éric Zemmour, afin de « faire bouger les choses d’un point de vue politique ». « J’ai envie de parler pour prévenir les femmes qu’on n’est plus en sécurité en France, même dans un quartier qui ne craint pas » a-t-elle expliqué, rappelant un fait indiscutable : « Si l’OQTF avait été exécutée, ça ne serait pas arrivé »1. Le viol a duré près d’une demi-heure, l’arrivée d’une voisine mit un terme au calvaire de Claire en provoquant la fuite de son bourreau, qui a rapidement été interpellé et mis en examen. Malheureusement, entre-temps, ce dernier a violé une autre jeune femme le même jour ! En effet, Mathilde, 19 ans, a été violée dans le 17e arrondissement par le même migrant le 11 novembre. « Je me suis dit que j’allais mourir », a confié Mathilde au Parisien2.

Pousser l’affirmation adverse au-delà de ses frontières naturelles

Sur Twitter, le 19 décembre, la journaliste en vue Salomé Saqué, du média en ligne de gauche « Blast », a réagi au viol de Claire. Après avoir apporté son « plein soutien » à la victime, elle a tenu à rappeler que « dans 91 % des cas » l’auteur d’un viol était « un proche de la victime ». Notre consœur s’appuie sur un rapport du 22 février 20183, rendu par la députée Renaissance Marie-Pierre Rixain et l’ancienne députée UDI Sophie Auconie, qui affirme que, parmi les 108 000 victimes de viol ou de tentative de viol déclarées en 2017, 91% connaissaient leur agresseur et que 45% des agresseurs étaient le conjoint ou l’ex-conjoint. Après ce premier tweet, intéressant car porteur d’une information essentielle, Salomé Saqué a ajouté, dans un second tweet, ce qu’elle estimait sans soute être un autre argument pertinent : « Croire qu’il suffit d’expulser les étrangers pour régler le problème des viols en France est complètement illusoire. Les violences sexuelles sont systémiques, majoritairement commises par des hommes banals. Le reconnaître, c’est un premier pas indispensable pour lutter contre ! ». Qui a déjà prétendu qu’expulser les étrangers permettrait d’éradiquer du territoire français ce crime qu’est le viol ? Personne. Personne n’a jamais dit ça, mais le prétendre permet de caricaturer, et donc de ridiculiser, la position adverse – celle de ceux qui estiment que les clandestins violeurs n’ont rien à faire dans la nature. Salomé Saqué utilise un procédé rhétorique bien connu, que Shopenhauer analysait déjà au XIXe siècle dans son célèbre L’Art d’avoir toujours raison : « Stratagème 1. Pousser l’affirmation adverse au-delà de ses frontières naturelles, en l’interprétant de la manière la plus générale possible, en la prenant au sens le plus large possible, en la caricaturant. De fait, plus une affirmation est générale, plus elle prêtera le flanc aux attaques ».

A lire aussi: Affaire Depardieu: «Brigitte» mi-woke, mi-réac

Une technique qui n’est visiblement pas tombée dans l’oreille d’une sourde. La gauche en a fait une spécialité. Vous dites qu’il y a un problème avec l’immigration ? Qu’une immigration massive extra-européenne et souvent musulmane a des conséquences négatives sur le plan identitaire et sécuritaire ? On vous répliquera que l’immigration n’est pas responsable de tous les maux de la France et que l’arrêter ne résoudra pas tous les problèmes des Français. Vous êtes pour l’interdiction de l’abaya à l’école ? On vous répliquera qu’interdire ce vêtement ne résoudra pas tous les problèmes de l’école (crise du recrutement, faible rémunération des professeurs, etc).
Une seule mesure ne serait pas suffisante pour éliminer toutes les difficultés d’un pays ? Quelle trouvaille !

ISF, Miss France, épilation : les vraies priorités de la gauche

Pourtant, quand ce procédé se retourne contre des gens de gauche, cela les agace terriblement. Revenons à Salomé Saqué. Cette dernière ne fait pas mystère du fait qu’elle est une journaliste engagée à gauche, tant sur les questions économiques que sociétales. Elle dit défendre un modèle de justice sociale, loin du néolibéralisme qu’Emmanuel Macron incarnerait et de ses cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Aussi est-elle favorable au rétablissement de l’ISF.

Pourtant, croire qu’il suffit de rétablir l’ISF pour régler le problème de la pauvreté en France est complètement illusoire. Vous avez vu, Salomé, c’est agaçant, non ? Oui, c’est pénible quand on utilise contre vous (et vos idées) ce raisonnement idiot que vous utilisez pourtant à l’envi sur les questions migratoires… Et, en effet, vous n’avez jamais prétendu que le rétablissement de l’ISF permettrait d’en finir avec la pauvreté, mais que cette proposition pourrait être une mesure dans un plan plus large de justice sociale et de réduction des inégalités. De même, Claire ou Éric Zemmour n’ont jamais prétendu « qu’il suffit d’expulser les étrangers pour régler le problème des viols en France », d’ailleurs le sujet ici, le viol de Claire, ne concerne pas « les étrangers » dans leur globalité mais un étranger en situation irrégulière sous OQTF. Et oui : ce viol (comme tant d’autres) était donc évitable.

Ce même 19 décembre, jour du tweet un brin sophiste, Salomé Saqué était sur France Inter pour parler du concours Miss France. En effet, notre nouvelle miss, Eve Gilles, a été moquée sur les réseaux sociaux en raison de ses cheveux courts et de son corps jugé trop maigre. Face à Frédéric Gilbert, directeur général du Comité Miss France, Salomé Saqué a plaidé pour la suppression du concours de beauté. Souhaitant « changer les imaginaires », elle estime qu’il est anormal « qu’en France, en 2023, on continue à mettre des femmes en compétition, à heure de grande écoute, sur la base de leur physique. Je trouve que c’est problématique et que ça participe à cette culture qui nous permet de juger les femmes sur leur physique ». Récemment, le 6 janvier, toujours sur Twitter, elle a partagé un article de Libération qui parle d’une « une étudiante en art britannique qui appelle les femmes à se libérer de l’injonction à l’épilation ».

Appeler à expulser des clandestins sous OQTF ? Non. Crier haro sur Miss France et l’épilation ? Oui. Salomé Saqué ou le sens des priorités d’une certaine gauche.


  1. «Si l’OQTF avait été exécutée, ça ne serait pas arrivé» : la colère de Claire, violée par un clandestin dans le hall de son immeuble à Paris (lefigaro.fr) ↩︎
  2. Mathilde, première victime du violeur sous OQTF à Paris : « Je me suis dit que j’allais mourir » – Le Parisien ↩︎
  3. Viols : plus de neuf victimes sur dix connaissaient leur agresseur (lemonde.fr) ↩︎