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Yann Moix: «Notre époque est d’une bêtise sans nom»

En 2018, Yann Moix part en Corée du Nord tourner un film avec Gérard Depardieu. Cinq ans plus tard, les rushs, utilisées par « Complément d’enquête », servent à présenter l’acteur en pédophile. Selon l’auteur-réalisateur, les images ont été détournées de leur sens.


Causeur. Cher Yann, tout le monde s’excite sur des obscénités verbales de Gérard Depardieu, mais nous, c’est autre chose que nous trouvons obscène. Pourquoi aller tourner dans un pays gouverné par un des pires régimes de la planète ? Non, ce n’est pas punk, de déconner à côté de camps de « travail ».

Yann Moix. J’aimerais, chers amis, vous répondre en quatre points. Premier point : j’ai le droit de voyager où je l’entends. Deuxième point : pendant que d’autres vont à l’île Maurice ou aux Canaries, je vais dans un des pays les plus difficiles d’accès au monde, ce qui devrait me valoir, sinon brevet de courage, du moins brevet de curiosité. Comme disait Hemingway : « Il faut aller voir. » Troisième point : on s’imagine que la Corée du Nord est un régime sans peuple, sans vraies personnes qui y vivent. Rien n’est plus faux et c’est ce qui rend passionnants les séjours là-bas. Quatrième point : visiter un pays n’est pas faire allégeance à ses gouvernants. On ne peut pas voyager que dans des démocraties. Gide ou Céline en savaient quelque chose.

En attendant, à la fin, vous communiez avec tout le monde dans l’offuscation sur une blague obscène sous prétexte qu’il s’agit d’enfants. Que Depardieu ait ou pas parlé d’une petite fille, en réalité ça ne devrait faire aucune différence, puisqu’il blague ! On ne fait pas d’humour sur les enfants ? Et vous, au lieu de faire un grand bras d’honneur, vous vous lancez dans une défense guimauve : comme si une blague sexuelle sur une gamine était de la pédophilie.

Je ne suis pas stupide au point de penser qu’une blague salace sur une enfant vaut pédophilie, pas plus d’ailleurs que je crois qu’une blague salace sur une adulte vaut viol. Mais l’époque étant d’une bêtise sans nom, elle a de fait déjà transformé Depardieu en pédophile. J’ai donc voulu insister sur le fait qu’on a voulu charger Gérard de manière frauduleuse. Mais cela n’intéresse personne, car ça ne va pas dans le sens de l’accablement. Tout ce qui peut atténuer une accusation venue de la foule ou des médias passe inaperçu. Quand j’ai témoigné à la police, ce fut d’ailleurs la même chose : ce qui était susceptible, d’une certaine manière, d’alléger le cas de Gérard ne retenait guère l’attention. Pourtant, la vérité est la vérité.

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En 2018, vous expliquiez à Ali Baddou, sur France Inter : « J’ai eu l’idée de filmer Gérard, c’est d’ailleurs de manière tacite que je l’ai fait, je ne lui ai pas demandé l’autorisation. » Ce qui est contradictoire avec ce que vous dites maintenant, à savoir que vous auriez donné des consignes à Depardieu, celles de se caricaturer, de jouer un « rôle ».

Par « sans autorisation », je voulais dire que la collaboration entre Gérard et moi a été excessivement simple, naturelle, et qu’elle s’est faite sans le formalisme d’un contrat d’artiste-interprète. Sans des répliques couchées par écrit et apprises par cœur. Je lui ai soumis l’idée de partir tourner un long-métrage cinématographique en Corée du Nord, où il interpréterait le « rôle principal », et immédiatement l’affaire a été entendue. Gérard ne supporte plus les « scénarios écrits ». Il s’agit donc, c’est une des traditions vieilles comme le cinéma, de scénariser les choses autrement, notamment dans l’improvisation et au montage. Il est vrai que tout s’est fait de manière complice, tacite, entendue entre lui et moi. Preuve de confiance entre nous, de connivence, de parfaite entente. Quand la caméra se braque sur Depardieu, aussitôt il s’anime, comme une momie qui sort de son cercueil. Il se met non seulement à jouer, mais à vivre. Ce qu’il ne fait pas sans caméra. Les gens font comme si le tournage avait eu lieu à Chartres. Mais ils n’y connaissent rien.

De quand date votre contrat avec la société Hikari ? A-t-elle financé le tournage en 2018 ? Avez-vous eu un autre producteur ? Y a-t-il eu un contrat entre Gérard Depardieu et Hikari ?

Le contrat avec Hikari portant sur la cession des droits détenus par cette société́ en qualité́ de producteur sur mon film était en rédaction style « work in progress » avec Anthony Dufour depuis plus d’un an. J’en possède toutes les étapes annotées de sa main. Par ses annotations apportées au contrat, Anthony Dufour a entériné le fait que le film 70 est un « film cinématographique de long-métrage », que la société́ Hikari n’a pas acquis mes droits d’auteur-réalisateur, et qu’elle n’a pas acquis davantage « les droits sur l’interprétation de Monsieur Gérard Depardieu ». Hikari a financé́ le tournage, payant les billets de Gérard et le mien, ainsi que les billets et les salaires des techniciens, dépêchés à nos côtés pour les besoins du tournage de mon film : chef op et ingénieur du son. Les seuls à ne pas avoir été rémunérés à ce jour sont Gérard et moi. Ce qui caractérise une infraction de travail dissimulé, réprimée lourdement par le Code pénal. Aucun contrat n’a été signé avec Gérard Depardieu, mais nous avons des échanges avec Anthony Dufour qui, précisément, s’inquiète à ce sujet.

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Vous donnez parfois l’impression d’avoir un rapport littéraire avec la réalité. Pourquoi vous croirait-on ?

Il est assez cocasse que d’aucuns me fassent porter ce chapeau d’un rapport « littéraire » à la réalité alors que les producteurs de fake news sont en l’occurrence Hikari et France Télévisions. La raison pour laquelle j’avais, au début, parlé de « documentaire » et non de « fiction » est que, tout simplement, je souhaite retourner en Corée du Nord. Or, s’ils acceptent sans problème qu’on fasse chez eux des documentaires, ils ne peuvent supporter qu’on tourne des fictions. Notamment depuis le film The Interview, qui les a traumatisés. Enfin, ne retournez pas la charge de la preuve en me demandant pourquoi on me croirait. J’ai réalisé le film 70, une œuvre de fiction, qui a été détournée dans « Complément d’enquête ». La portée des propos de Depardieu a été manipulée, de manière à faire accroire qu’ils désignaient une fillette alors qu’il s’agissait d’une très belle cavalière d’une trentaine d’années qui évoluait également dans le même manège et dont je me souviens parfaitement. Des propos qui relevaient en tout état de cause du registre humoristique, appartenant, sous ma direction, en qualité de réalisateur, au même registre que ceux de Benoît Poelvoorde dans C’est arrivé́ près de chez vous. En dépit de cela, de la lumière faite sur ces éléments, Gérard a été disqualifié socialement. Ce qui me gêne dans cette histoire, c’est le mensonge.

Mensonge que France Télévisions récuse formellement…

Ils le contestent ? Qu’ils prouvent qu’il ne s’agissait pas d’une fiction. Qu’ils prouvent que la séquence du haras n’a pas été frauduleusement montée de manière à faire croire que Gérard Depardieu avait « sexualisé une fillette ». Tous ces éléments, je vous les soumets, et il ne s’agit pas de les croire. Mais d’en prendre acte. Mon avocat, maître Jérémie Assous, l’a démontré́ à plusieurs reprises, devant près de deux millions de personnes à la télévision. Personne chez Hikari ou France Télévisions n’a répondu à ces démonstrations. Silence total. Il y a des silences qui prennent des airs d’aveux.

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T’inquiète pas, Coco!

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La dessinatrice de presse Coco est prise à partie, après une caricature somme toute plutôt mignonne sur la situation à Gaza (voir plus bas). La voilà désormais menacée par toute la sphère islamo-gauchiste ! En réalité, son dessin est évidemment anti-israélien, il accrédite l’existence d’une famine à Gaza et fait de l’humour noir en montrant l’ironie du sort qui veut que le début du Ramadan tombe au même moment. Qui pense sincèrement que la caricaturiste se moque des enfants qu’elle dessine? Eh bien pourtant, la députée Sophia Chikirou (LFI) fait mine de comprendre le dessin au premier degré.


Sophia Chikirou (LFI) pense-t-elle que certains pro-palestiniens sont tellement bêtes qu’ils ne peuvent pas saisir la nuance? Pense-t-elle aussi que d’autre pro-palestiniens, moins bêtes, se reconnaîtront dans sa mauvaise foi? Elle les croit soit cons, soit salauds!

Pour séduire l’électorat des « quartiers populaires » sur lequel ils misent dans leur course au pouvoir, les Insoumis sont prêts à tous les coups, de préférence tordus. Ainsi, on a pu les voir défendre l’abaya à l’école ou se répandre en saumâtres propos flirtant avec un antisémitisme décomplexé. Depuis le 7 octobre, les sectateurs de Jean-Luc Mélenchon sont passés à la vitesse supérieure : il s’agit désormais d’afficher une complaisance sordide pour le Hamas et d’attaquer verbalement Israël dès que faire se peut. La députée Sophia Chikirou, très proche du Lider Minimo, mène la danse et ne rate jamais l’occasion de vomir sur un État qu’elle estime né « d’une colonisation, d’un apartheid et d’un génocide ». Rappelons que la fidèle de Jean-Luc Mélenchon a récemment retweeté un post de Rima Hassan, juriste en droit international, soutien indéfectible de la cause palestinienne et fraîchement intégrée sur la liste LFI aux européennes en place éligible. Sur cette publication, on pouvait lire : « Israël tue le vivant. Tout le vivant. C’est à ça que l’on reconnaît une entité coloniale fasciste. » Sophia Chikirou fait feu de tout bois et c’est maintenant à la dessinatrice de presse Coco, rescapée de la tuerie de Charlie Hebdo et officiant à Libération, qu’elle s’en prend. La raison ? Une caricature sur Gaza à l’heure du Ramadan. Il faut faire preuve d’une grande mauvaise foi pour suspecter de parti pris anti-palestinien une illustratrice qui croque avec la même férocité le Hamas et Israël.

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Les Français n’ont pas les élus qu’ils méritent

Lundi 11 mars, donc, Libération publie un dessin de sa collaboratrice Catherine Rey, dite Coco. Plusieurs éléments de l’actualité traités avec un humour noir se percutent dans cette caricature : Gaza en ruine où le Ramadan débute alors qu’un cessez-le -feu n’a pas pu être conclu ; un Palestinien pourchasse des rats : « T.t.t… pas avant le coucher du soleil ! », l’admoneste sa femme ou sa mère, en référence à la rupture du jeûne qui ne doit pas se faire avant la tombée de la nuit.


Il n’en faut pas plus à Sophia Chikirou et à ses acolytes Insoumis pour monter au créneau attisant ainsi une polémique déjà vive en raison de l’incapacité croissante qu’on a à comprendre le second degré et d’une aversion de plus en plus prononcée pour la liberté d’expression. Jetant à plaisir de l’huile sur le feu, LFI feint de ne pas comprendre que le dessin incriminé pointe la famine provoquée à Gaza par la situation et qu’elle vise certainement le gouvernement de Benjamin Netanyahu. « Vous n’aurez pas notre haine mais vous la méritez » commente Sophia Chikirou, dans une allusion au livre que le journaliste Antoine Leiris a écrit après la mort de son épouse, assassinée au Bataclan. « Tout bonnement immonde », renchérit Sarah Legrain. « Et ne venez pas pleurer sur la liberté d’expression. Vous l’avez », ajoute-t-elle. La référence est assez dégueulasse quand on sait que l’illustratrice Coco a réchappé à la tuerie de Charlie Hedbo. « Honteux », juge, plus sobre, Carlos Martens Bilongo. Parmi ceux qui ont participé à la curée, on trouve aussi la porte-parole du Parti socialiste Chloé Ridel qui a réagi en qualifiant ce dessin « d’ignoble ».

Menaces de mort prises au sérieux

Alors, la meute se déchaîne. Des centaines de messages imbéciles, injurieux, menaçants et appelant au meurtre pleuvent sur la dessinatrice. « Que dieu ait pitié des frères Kouachi », écrit un internaute. « Je te souhaite le pire dans ta vie, ignoble personnage. Ils auraient dû te liquider le 7 janvier », déclare un autre. « Cours, Cours, pute. Tu seras abattue bientôt. Toute famille morte. », lit-on, également, en anglais. La dessinatrice de presse est soutenue par Libération. Dov Alfon, directeur de la rédaction du quotidien, a déclaré à l’AFP : « Nous condamnons, nous dénonçons avec force cette vague de menaces, injures et intimidations, certaines comprenant des menaces de mort que nous prenons très au sérieux. » Un communiqué de « soutien et de solidarité » a également été publié dans l’édition du mercredi 13 mars. D’autres se sont aussi offusqués des outrances des Insoumis. Parmi eux, la féministe Charlotte Rocher : « Il suffit d’un dessin humoristique sur le Ramadan à Gaza pour exciter la haine des Insoumis et coller des cibles sur une dessinatrice. Honte à Sophia Chirikou qui semble avoir un problème avec la liberté d’expression. » Fabien Roussel a également assuré Coco de « son plein soutien ».

Bien sûr, on peut critiquer les caricatures et les trouver d’un goût douteux, mais il n’en reste pas moins que ce déferlement de boue et de haine sont inacceptables. Quant à la croissance exponentielle du nombre de ceux qui pensent que c’est la sensibilité des membres des communautés visées par les dessins de presse qui doit fixer les limites de la liberté d’expression, elle est tout à fait terrifiante. De plus, qu’un mouvement issu de la gauche, comme l’est la France insoumise, se pose en adversaire borné de la liberté d’expression montre combien les cartes du jeu politique ont été rebattues. Signalons enfin qu’il n’est pas exclu que Sophia Chikirou ait profité de l’occasion qui s’offrait à elle pour régler ses comptes avec Coco. La caricaturiste l’avait en effet dessinée brandissant une pancarte sur laquelle on lisait « Tafiole de merde », en référence aux termes que la députée, selon le magazine Complément d’enquête, aurait employés avec ses collaborateurs.

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Quant à nous, levons-nous pour sauver le second degré dans tous ses états : ironie ou humour noir. « Les bonnes âmes malfaisantes ne seront pas tranquilles tant qu’il y aura des ironistes pour crier à tue-tête leur vrai nom et pour les envoyer au diable, eux, leurs postiches, leurs momeries et leur rhétorique en carton. » Jankélévitch, L’ironie

Emmanuel Macron, Churchill 2.0 à la peine

Céline Pina a suivi l’intervention télévisée du président français, hier soir. Elle la juge inutile et mal pensée. Quel était le but de l’exercice ? A quelle urgence répondait cette intervention ? Quel était le message à retenir ?


Ce jeudi 14 mars, j’étais, comme beaucoup de Français à 20H00 devant mon écran de télévision pour voir quelle version des multiples personnalités du président Macron allait apparaitre. Aurait-on droit au diplomate madré, à l’héritier du gaullisme soucieux de l’originalité de ses positions, au va-t’en guerre matamore qui promet beaucoup et tient peu ou à un dirigeant responsable qui parle peu mais clair et agit efficacement. Hier soir la personnalité qui a pris le contrôle était celle de Tartarin de Tarascon. On ne pouvait plus mal tomber.

Pourtant le sujet de l’intervention n’a rien d’une plaisanterie et les enjeux sont réels, comme les peurs ataviques qu’elles réveillent. La guerre se prête mal au jeu de rôle où un adulescent trop gâté joue à Churchill 2.0, s’offrant le grand frisson de l’histoire alors qu’il peine à garder quelque constance quelle que soit son action.

Si on voulait être acide, on pourrait aisément faire le compte-rendu de cette intervention sous forme d’une version pour enfant. Le message essentiel de ces 35 minutes d’onanisme verbal se traduirait ainsi :« La Russie fait peser sur l’Europe une menace existentielle. Tout ça c’est de la faute à Poutine. Alors dire qu’on s’interdit rien, c’est pas une erreur, c’est normal et c’est la preuve que je suis un grand stratège. Donc j’ai raison depuis le début. Et même à la fin les autres chefs de l’Europe, y sont d’accord avec moi. »

Un message peu clair

Seul cet exercice d’autosatisfaction était d’ailleurs cohérent. Au-delà, on se demande bien quel était le message qu’Emmanuel Macron cherchait à faire passer. Voulait-il préparer le peuple à la guerre avec la Russie car il la pense inéluctable et qu’il est prêt à envoyer des soldats mourir pour Odessa, s’il le faut ? Voulait-il réparer son ego blessé en s’offrant un exposé magistral à une heure de grande écoute parce qu’il vit mal son isolement en Europe, alors que, selon lui, dire que l’on ne s’interdit aucune option est la base du jeu de la guerre et ne saurait lui être reproché ? Joue-t-il avec la peur de la guerre pour créer un réflexe légitimiste et redorer son image alors que son parti est à la peine aux Européennes ? Difficile à dire tant cette intervention était mal venue et tant le narcissisme présidentiel l’a parasité.

Un début d’intervention lunaire

Le début de l’intervention est franchement lunaire avec une tentative pathétique d’illustrer par un exemple concret l’importance de rester dans le flou stratégique : face à Anne-Sophie Lapix qui ouvre l’interview en rappelant au président qu’il a sidéré tout le monde en Europe en refusant d’exclure l’envoi de troupe au sol en Ukraine, en affirmant qu’il n’y avait aucune limite au soutien français à Kiev : « Vous êtes assis devant moi, est-ce-que vous êtes debout, non. Est-ce-que vous excluez de vous lever à la fin de cette interview ? Bien sûr vous n’allez pas l’exclure ? » La réponse est cinglante « On est même sûr de le faire. » Emmanuel macron est alors obligé de passer en mode rameur : « Bon, nous on n’est pas sûr de le faire. » C’est ce qu’on appelle rater son entrée.

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Le reste de l’interview sera de la même eau. Les mots sont forts, la Russie fait peser un danger existentiel sur l’Europe. Le fait d’aller faire la guerre sur le sol ukrainien est présenté comme possible voire probable en 2024 et dans le même temps est mis en avant le fait que l’on n’y est pas encore, que tout cela est stratégique, de bonne guerre en quelque sorte. L’image oscille en permanence entre le chef de guerre belliqueux et le président qui se voudrait à la fois lucide et rassurant. Sauf que le chef de guerre n’inspire pas confiance : trop verbeux et que l’on connait le président : il n’a ni gouvernail ni constance dans les idées. L’idée de se présenter comme le Churchill 2.0 de l’Europe est aussi crédible que le discours de Vladimir Poutine expliquant qu’il n’envahit l’Ukraine que pour sauvegarder la Russie.

Une intervention aussi peu nécessaire qu’inquiétante

Assez rapidement, en tant que téléspectatrice, j’ai eu l’impression de me trouver devant un acteur qui croit avoir trouvé le rôle de sa vie et qui passe à côté du personnage. Je me suis demandé quel était le but de l’exercice. A quelle urgence répondait cette intervention ? Quel était le message à retenir ? A quoi jouait le Président et dans le fond, à qui s’adressait-il ? On pouvait avoir l’impression, durant cette interview, que l’homme était en circuit fermé, qu’il répétait devant un miroir et qu’il riait de se trouver si beau dans le reflet renvoyé par celui-ci. Une impression hélas peu partagée par les téléspectateurs.

A-t-on en effet jamais vu un chef de guerre perdre 35 mn à se répandre en considérations diverses dans lesquelles se mélangent auto-flatteries et autocongratulations, paroles sur l’inéluctabilité de la guerre et flou sur le degré de l’implication, attitude martiale et tentative de réassurance, mensonges éhontés et demande de confiance ? Le tout dans une ambiance complaisante, façon causerie ? Est-ce avec cela que la nation, éveillée dans sa conscience collective par la parole du leader (on suppose que c’est l’intention), va se dresser contre Poutine et réclamer elle-même d’être soumise aux sacrifices que nécessite une économie de guerre ?

Un positionnement peu crédible

Mais pardon, j’oubliais ! selon le président, la France est déjà en économie de guerre. Le mensonge est ici énorme. Nous ne sommes absolument pas et même bien loin d’être en économie de guerre. Ce type d’économie se caractérise par le fait de satisfaire prioritairement les besoins de la guerre. La production est donc ponctionnée par l’Etat par le biais de réquisitions, l’industrie réorientée autoritairement sur les besoins de la guerre et le pouvoir d’achat très bas car la production massivement ponctionnée pour les besoins de la guerre. Augmenter les budgets militaires et augmenter légèrement notre capacité de production militaire, ce n’est pas passer en économie de guerre si les mots ont encore un sens.

La vérité est qu’il ne reste que l’impression d’un président trop bavard et bien peu réfléchi, alors qu’il n’y avait aucune utilité à parler à ce stade. Autre aspect gênant de son discours, sa propension à l’accumulation des « d’ailleurs c’est moi qui », des « moi je » et des « je ». L’effet était on ne peut plus déconcertant s’il s’agissait de préparer les esprits à la possibilité d’un engagement plus direct dans le conflit, car il transformait un destin collectif en simple jeu d’image personnelle. Cette difficulté à s’effacer derrière le « nous », derrière « la France », en dit long sur l’absence de  compréhension de son rôle. Être chef, ce n’est pas être ivre de soi, c’est être conscient de ses responsabilités envers son peuple. Or, quand Emmanuel Macron veut enfiler le costume du chef de guerre, on voit que celui-ci plisse beaucoup sur les mollets…

S’il voulait ainsi préparer les esprits à une possible entrée dans un conflit armé, il y a de quoi ressentir une inquiétude profonde tant l’homme n’apparait pas fait pour le rôle. Incapable du sang-froid nécessaire. Car la sortie intempestive d’hier soir n’est guidée par aucun besoin, ni aucune nécessité. Le président français a déjà agacé ses partenaires par ses foucades et ses discours peu préparés ni partagés. Vexé, il en rajoute une louche car il n’a pas apprécié que ses homologues le rabrouent. Il a donc un besoin viscéral de prendre les Français à témoin pour leur dire qu’il ne s’est pas trompé. Car il ne se trompe jamais. Se faisant c’est son immaturité et son inadaptation aux enjeux qu’il exhibe. Il a donc réveillé toutes les peurs liées à la guerre, sans apparaitre comme capable de faire face au danger. 

Une mise-en-scène de la montée vers la guerre peu responsable

Les références à Munich, dont nous avons été témoins dans les jours précédant l’intervention, semblent s’inscrire dans la mise-en-scène de cette montée vers la guerre. Celle-ci est d’ailleurs orchestrée comme un processus dramatique destiné à révéler la vraie dimension d’Emmanuel Macron, celle de l’homme lucide qui se dresse devant le dictateur.

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En effet, s’il ne prépare pas les gens à la guerre, que signifie ce discours ? Personne ne prendrait de tels risques juste pour satisfaire un égo écorné, non ? Et s’il était destiné à les y préparer, qui pense réellement que les intérêts vitaux de la France sont en jeu aujourd’hui ?

Pire même, dans ses rodomontades, Emmanuel Macron a expliqué que nous avons les moyens de nous battre contre la Russie et que la France était dotée d’une véritable puissance d’intervention et qu’elle l’avait prouvé au Sahel ! Dommage pour l’Hannibal germanopratin, nous nous sommes fait virer d’Afrique d’une manière humiliante. Et ce grâce à la Russie. L’exemple était particulièrement mal choisi.

Dans le fond, qu’a fait notre président dans cet exercice narcissique ? il a pris le risque que ses paroles soient sur-interprétées et n’a ajouté que de la confusion à la confusion, dans le pays et en Europe.

L’intervention d’hier était à la fois inutile, mal pensée et donc contreproductive. Pourtant sur le constat, tout n’est pas faux : Vladimir Poutine est bien une menace pour l’Europe et l’Ukraine est réellement en mauvaise posture. Mais Emmanuel Macron commet un péché d’orgueil en prenant ses désirs pour des réalités. Et rien n’est plus dangereux en période de tension qu’un dirigeant incapable d’appréhender la réalité. En effet, l’Europe n’est pas en mesure de résister à la Russie, si elle n’entre pas en économie de guerre, mais outre qu’elle en est bien loin, elle n’a même pas commencé à en discuter tant cette logique est incompatible avec ses fondements néo-libéraux. Or la guerre n’est pas morale, et encore moins juste. Même si Poutine est l’agresseur, même si l’Ukraine ne mérite pas cette guerre, elle peut la perdre et la menace russe arriver aux frontières de l’Europe. La vraie question qui se posera alors est : « comment construire une armée pour la repousser ? », comment réarmer les pays d’Europe et comment envisager une capacité de défense européenne ? Et nous en sommes bien loin. Faire des exposés pompeux et solennels à des heures de grande écoute où on s’écoute parler et où on se gargarise d’une fausse puissance permet de se faire plaisir mais n’est d’aucune utilité s’il faut protéger la paix en préparant la guerre.

Espérons surtout que notre président ne joue pas à la guerre par désœuvrement ou cynisme mal placé et qu’il ne cherche pas l’effet drapeau parce que celui-ci lui permet une fois de plus d’échapper à ses échecs et à son impuissance actuelle. En sciences politiques, l’effet drapeau décrit le resserrement automatique d’une communauté autour de son leader quand elle se sent menacée. Or là, « Renaissance » est en mauvaise posture aux Européennes. Dramatiser les enjeux est une façon de peser dans le jeu et de réveiller un réflexe légitimiste dans la population. En revanche il ne faut pas que celui qui manipule ce type de matière inflammable présume trop de son habileté : à vouloir être flamboyant, on peut finir incendiaire.

Plaidoyer pour Aya Nakamura

Si on prend la peine de regarder ses textes, Aya Nakamura, c’est l’anti Sandrine Rousseau !


Beaucoup découvrent la chanteuse Aya Nakamura à la faveur de sa programmation potentielle à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Nombre de mes amis chers crient à la laideur, à la pornographie visuelle et auditive. Même le président du Sénat, Gérard Larcher, confiait l’effroi qui l’avait saisi après avoir entendu l’artiste. Il s’étranglait dans Télématin de certaines paroles en argot faisant « une ode à la levrette » (l’entièreté de cette séquence télévisuelle et de cette association indirecte dépassaient le seuil de l’entendement humain, surtout à l’heure du petit déjeuner).

Cependant Aya Nakamura ne saurait être réduite à ce descriptif. Comme un écrivain ne peut-être défini par une citation tronquée piochée dans son œuvre, cette chanteuse a construit, album après album, un univers musical et une personnalité charismatique qui ne sont pas réductibles à cette poignée d’éléments. Ce n’est pas un hasard si des centaines de milliers de femmes d’origines diverses ont fait entrer la chanteuse dans leur cœur au fil des ans. Même Sarah Knafo, la directrice de campagne d’Éric Zemmour, a balancé à fond les ballons la chanson « Pookie » dans sa sono pour plaisanter et embêter son candidat, qui s’en prenait à la chanteuse quelques heures plus tôt !

La chanteuse franco-malienne Aya Nakamura en Suisse, juillet 2023 © Martial Trezzini/AP/SIPA

Aya Nakamura, l’anti Sandrine Rousseau

Allons droit au but : « Aya » est une femme puissante comme il y en a peu. Si elle est tant aimée par les femmes, ce n’est pas parce qu’elle remue frénétiquement son popotin devant les caméras (beaucoup le font avec une pareille ferveur sans trouver un écho particulier hors de leur cave). Plutôt parce qu’elle raconte dans ses chansons, à sa façon que l’on apprend à déchiffrer, la détermination face à l’adversité. Il y a dans ses textes une force inouïe, une affirmation d’elle-même qui tranche avec les lamentations qui caractérisent les discours contemporains sur les femmes. Avec Aya Nakamura, la femme est un requin plutôt qu’un bébé phoque, ce qui est assez rare pour être souligné.

Loin de certains rappeurs pleins de ressentiments qui mitraillent sans talent leur haine de la France, Aya se concentre sur l’essentiel – ses histoires, ses déceptions, ses désirs. Et sur ce terrain, soyons clairs : l’auteure de ces lignes se tiendra toujours du côté de celles qui célèbrent l’amour, et le sauve d’une certaine façon, que du côté de celles qui s’emploient à le tuer par peur du risque et haine des hommes. De même que je prendrai toujours le parti, comme elle, du féminisme qui affirme le désir féminin, plutôt que de celui qui s’emploie à castrer nos congénères phalliques.

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D’autant qu’Aya n’est pas une pleurnicheuse comme Lara Fabian, une cruche comme Wejdene, une désaxée comme Christine and The Queen, dit « RedCar », dit « Chris ». Aya n’est pas sans saveur comme Jenifer ou anxiogène comme Mylène Farmer. Aya, c’est un caractère et une personnalité : une battante qui sait qui elle est, ce qu’elle veut et s’affirme envers et contre tout. Elle injecte de l’énergie dans les oreilles de toutes celles qui sont traversées par les doutes. Aya, c’est la copine qui vous exhorte, quand vous tanguez, quand vous vous sentez affaiblie par la vie, à garder la tête haute. Aya Nakamura, c’est la chanteuse de l’« empouvoirment », qui vous rappelle ces évidences pour vous sentir moins seuls. L’amour fait mal, rien ne justifie l’irrespect, la jalousie rend fou, on pardonne quand on aime et tant d’autres choses.

Cette « girl power » avait d’ailleurs intégré le casting des « Femmes puissantes », émission de radio de Léa Salamé retranscrite dans un livre, qui interroge des personnalités féminines qui dominent la vie et l’époque. « Êtes-vous une femme puissante ? », lui demandait la journaliste, en décembre 2020. « Je ne sais toujours pas ce que ça veut dire, répondait celle-ci, avec l’insolence qu’on lui connaît. C’est une femme qui s’assume, je pense, qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense, d’être elle-même, en vérité. » Bien sûr qu’elle en est une, c’est une évidence. La banlieue ? Elle ne veut pas que ce soit associé à « la misère ». Aya, ne campe jamais en victime, chante toujours debout, sans avoir pour autant été épargnée par la vie.

Sa description du sexe fort est décomplexée, quasiment antimoderne, à minima traditionnelle. Sa chanson Super héros décrit avec une simplicité déconcertante son attrait pour ceux qui la dominent (raison pour laquelle une citation de cette chanson introduit un chapitre de mon livre, qui prend le contre-pied du néo-féminisme) : c’est l’inverse de l’homme « déconstruit », dénué de toute substance virile. Aya ne demandera jamais à son homme d’intégrer un stage pour se départir de sa « masculinité toxique » et c’est aussi pour cela qu’on l’aime. Dans le texte, Aya Nakamura, c’est l’anti Sandrine Rousseau.

Celle qui a appris à casser les portes

Dans ses textes, elle ne se confie pas uniquement sur ses considérations amoureuses : elle fait aussi le récit d’une prodigieuse ascension.

Aya nous raconte la détermination d’une femme malienne, qui naît dans un patriarcat africain, tout en bas de l’échelle sociale, qui a littéralement cassé les portes. Pour parler comme les sociologues, elle fait le récit d’une « transclasse », d’une destinée si rare qu’elle fausse les statistiques. Par l’affirmation d’elle-même, elle dépasse et surpasse son milieu, puis devient l’une des chanteuses les plus populaires en France, et l’une des Françaises les plus écoutées dans le monde. 

A l’international, Aya Nakamura est peut-être l’une des chanteuses les plus consensuelles : on l’écoute dans les bars à Tel Aviv comme à Beyrouth, à Ramallah comme à Damas. Car l’auteur de ces lignes l’a entendue fièrement plusieurs fois dans les boîtes israéliennes, en des temps fort fort lointains (avant le 7 octobre), et gesticulait avec ses bras à cause de la musique pour faire comprendre à ses amis locaux qu’ils entendaient là une chanteuse française. Alors bien sûr, on peut détester son argot, son style vestimentaire par certains aspects pornographique, sa façon de travailler la langue toute personnelle qui nous oblige, comme avec tous les artistes, à faire un effort pour pénétrer dans son monde.

(Pour commencer d’ailleurs, je suggère cette chanson, piano-voix)

Mais il demeure aussi pour beaucoup d’autres, mille raisons de l’aimer et de se reconnaître en elle, sans pour cela avoir à trémousser son derrière devant une caméra.

La terreur jusque sous nos draps

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Y’a pas moyen Aya!

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Elle avance en majesté, toute drapée de tricolore. Elle fait vibrer les cœurs et les âmes sur cette place de la Concorde où la foule s’est pressée pour célébrer son Histoire et sa gloire. Elle est noire, elle n’est même pas française et pourtant, ce soir, cette nuit, pour l’éternité, c’est elle qui incarne la France avec éclat, élégance et panache. Le 14 juillet 1989, la chanteuse d’opéra américaine, Jessye Norman, clôture par une Marseillaise théâtrale, l’extraordinaire défilé-spectacle organisé pour le bicentenaire de la Révolution.

Jessye Norman est l’anti Aya Nakamura !

Fin février 2024, la presse révélait le souhait du président de la République de voir Aya Nakamura chanter Edith Piaf le temps de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Depuis cette annonce, la polémique ne cesse d’enfler et met en opposition deux visions de la France, de la chanson française, de notre langue et de notre culture.

Aya Nakamura – de son vrai nom Aya Danioko – est née à Bamako au Mali en 1995. Elle a immigré en France lorsqu’elle était enfant et a été naturalisée française en mai 2021. Incontestablement, elle est devenue en l’espace de quelques années l’une des artistes francophones les plus écoutées dans le monde.

Mais représente-t-elle la France pour autant ? Je ne le crois pas.

Que chacun prenne le temps d’écouter ou de lire et, dans la mesure du possible, de comprendre les paroles d’Aya Nakamura. Entre argot de banlieue, dialectes étrangers et mots inventés, nombreux sont ceux qui ne se reconnaissent aucunement dans cette nouvelle ère musicale et qui refusent, à raison, d’en faire partie.

Il ne s’agit pas de juger et de condamner son style et ses choix musicaux qui, après tout, n’engagent que les amateurs et les spectateurs. Aya Nakamura a bien évidemment le droit de gagner sa vie et de mener sa carrière comme elle l’entend, à l’instar des Bratisla Boys et de l’invraisemblable « Stach Stach » en 2002.

Le problème réside dans le symbole et le message politique qui accompagnent cette sélection pour représenter la France à l’ouverture de ses Jeux.

Aya Nakamura n’est pas seulement une « artiste ». Elle a été érigée en modèle par une partie de la nouvelle génération que j’ose qualifier d’apatride. Pour les pourfendeurs de la France, elle est l’ambassadrice de la lutte intersectionnelle par excellence, en tant que « femme noire revendicatrice », qui occupe désormais l’espace médiatique.

Sans jeter l’opprobre (et pas l’eau propre[1]) sur le profil et le parcours d’Aya Nakamura, chacun devrait avoir le droit d’émettre une critique et un doute sur la pertinence du caprice macroniste sans être qualifié de « raciste ».

Aya Nakamura ne serait ni la première ni la dernière artiste d’origine étrangère à représenter la France. Mais quelle légitimité lui accorder tant elle maltraite avec boulimie notre langue et notre culture ?

Dans une interview accordée à l’émission bobo-gaucho Quotidien le 12 mars dernier, la chanteuse expliquait qu’il y a « beaucoup de chansons d’amour, parce que j’aime l’amour ». On ose à peine imaginer à quoi ressembleraient ses morceaux si elle parlait de la guerre… Avant d’ajouter qu’un « tas de personnes parlent comme moi ». Le public acquiesce. Peut-être qu’il est là, le vrai problème.  

Pourquoi devrait-on s’infliger de mettre en avant une apôtre de la décadence linguistique et culturelle ? Pourquoi les Français devraient-ils accepter d’être représentés par une femme qui fait l’éloge de la vulgarité ?

La chanteuse Aya Nakamura au Salon Gustave Eiffel a Paris, le 14/02/2019 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00895088_000034.

Plus inquiétant encore, certains ministres se prêtent au jeu de la médiocrité. L’inénarrable Amélie Oudéa-Castera n’a pas raté l’occasion d’enfiler une nouvelle perle à son collier en chantant sa passion pour Aya. Interrogée sur la polémique au Sénat le 13 mars, la ministre de la culture, Rachida Dati, déplorait, elle, des « prétextes pour s’attaquer à quelqu’un par pur racisme ».

Notons qu’il y a quelques semaines, la ministre participait fièrement à l’émission DVM Show qui invite régulièrement le rappeur antisémite Freeze Corleone, actuellement sous le coup d’une enquête pour apologie du terrorisme.

En plus de ses chansons, Aya Nakamura enchaîne aussi sur ses réseaux sociaux les publications offensives et provocatrices, truffées de fautes d’orthographe. Quand on sait que près d’un élève sur trois ne sait pas lire correctement à l’entrée de la sixième, c’est un drame que d’encourager les jeunes à se convertir au « nakamurisme ». Dans l’une de ses saillies numériques, la chanteuse ose même la comparaison avec Edith Piaf qui se serait « réincarnée » en elle. La montgolfière est sur orbite !

Oui, la culture du vide s’est substituée à la culture tout court. Cette nouvelle génération n’aura pas eu la chance de grandir avec Mylène Farmer ou avec Dalida. Pour autant, ils sont nombreux encore à rejeter la folie déconstructrice en s’attachant à préserver notre héritage culturel.

Comme déclarait l’amiral Philippe de Gaulle le 1er novembre 2003 : « Il ne faut pas se laisser aller au déclin ». Précisément, plus de vingt ans après, il faut le combattre.


[1] NDLR https://www.lefigaro.fr/politique/assemblee-nationale-la-ministre-sarah-el-hairy-confond-opprobre-et-eau-propre-dans-l-une-de-ses-reponses-20240312

Sciences-po et notre canari

Une étudiante juive affirme avoir été dénigrée, les islamo-gauchistes disent qu’elle voulait les prendre en photo pour les « afficher »


Une élève interdite d’amphi parce que juive ? Voilà l’antisémitisme dans toute son horreur, dans toute sa bêtise. Là où plus que partout ailleurs il devrait être combattu avec la dernière fermeté. Infernal paradoxe !

Comment en est-on arrivé là ? Comment l’institution formatrice de ce qui se prétend devoir constituer l’élite de la Nation a-t-elle pu sombrer dans ce magma de fiente ? La faute en revient d’abord à ce que je me permets d’appeler les consciences molles, ces élites, justement, atteintes d’une collective cécité de confort, délibérément entretenue, qui les exonère du devoir de voir ce qu’il y a à voir et qui, pourtant crève, les yeux : le lent et inexorable progrès de la décomposition ambiante. L’exclusion de cette étudiante parce que juive n’est pas seulement un épisode navrant, consternant, pitoyable. Il doit être considéré par nous tous comme le point d’orgue de cette décomposition en actes.

Oui, comment en est-on arrivé là ? On peut évidemment fourbir maintes analyses, maintes théories toutes plus savantes et sophistiquées les unes que les autres pour tenter d’expliquer les choses. C’est ce à quoi, d’ailleurs, nous assistons. Pour ma part, je m’en tiens à deux éléments. Le premier, la cécité évoquée plus haut, l’impéritie qui en est la conséquence. Le second, de loin le plus important en la circonstance, me semble-t-il, repose sur le constat que la déliquescence intellectuelle à laquelle nous assistons n’est en réalité que le corollaire, le prolongement de la déliquescence morale dont l’Institution a été le foyer, le haut lieu, le saint des saints, sous la direction, notamment, d’un Richard Descoings. La partouze pansexuelle en travaux pratiques et le relativisme échevelé appliqué aux mœurs en matière principale, coefficient 69. En effet, la déliquescence morale assumée, portée à un tel niveau ne pouvait générer autre chose que la décomposition mentale. Cela relève presque d’une loi de nature. Mais là encore les consciences molles se sont débinées devant le constat qui s’imposait à eux et les remèdes à prescrire. La partouze sexe n’était que le préambule de la partouze idée, évidence qu’ils ont voulu ignorer. Abolition de la rigueur intellectuelle, abolition du culte de la méthode, immolation du primat de la raison, négation des repères cognitifs. Plus rien. L’ébriété voluptueuse du vertige du vide. La baise cérébrale ad nauseam à la portée du premier crétin venu et la mutation de l’Institution en pandemonium pour petits singes à peine savants.

A lire aussi, Céline Pina: L’islamo-gauchisme de Sciences-po en passe de devenir une affaire d’État

Il reste le plus grave. La saloperie antisémite, l’exclusion de cette jeune juive parce que juive. Ignoble. Il conviendrait aussi que nos consciences molles prennent une bonne fois l’exacte mesure de ce que recouvre la répugnante résurgence de l’antisémitisme en France aujourd’hui. Autrefois, les mineurs de charbon emmenaient avec eux dans la profondeur des galeries de charmants canaris. Non pas tant pour leur joli plumage ou leur joyeux gazouillis mais parce que, en s’évanouissant dès les premières émanations de gaz, ils annonçaient l’imminence du coup de grisou, le drame absolu.

Pareillement, l’abject retour de l’antisémitisme auquel nous assistons doit être appréhendé par nous tous comme le signe annonciateur de terribles tragédies.

Ce qui court derrière cette résurgence, encore à bas-bruit mais à fond la caisse, est notre propre fin. Notre trépas civilisationnel, rien de moins. N’ayons aucune illusion sur ce point. Et notre canari lanceur d’alerte à nous est bel et bien cette jeune fille exclue. Aussi – et on me pardonnera de plagier ici le mot d’ordre wokiste, mais j’assume gaiement l’emprunt – Réveillons-nous ! Il n’est que temps.

Macron s’en va, clopin-clopant, en guerre en Ukraine

En s’invitant sur TF1 et France 2 hier soir, le président de la République s’est livré à un très complexe exercice de pédagogie sur l’Ukraine, avant de s’envoler pour Berlin. En Allemagne, il compte sur Donald Tusk, le nouveau Premier ministre de la très inquiète Pologne, pour se rabibocher avec le chancelier Scholz. Analyse.


Ainsi le président de la République française, Emmanuel Macron, a-t-il tenté de justifier ce jeudi 14 mars 2024, lors d’un entretien en direct sur les deux principales chaînes de télévision de l’Hexagone, sa récente déclaration le 26 février dernier, à l’issue de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine, concernant le possible envoi de troupes militaires françaises sur ce même sol ukrainien. Un exercice de pédagogie qui s’est cependant bien vite révélé, dès les premiers échanges (dont une analogie bancale, et même contreproductive tant elle s’est finalement retournée contre son propre raisonnement, sur les positions « assises » ou « debout » de ses deux interlocuteurs), confus, contradictoire, mal assuré, approximatif, suscitant plus de questions qu’il n’a offert de réponses, et donc, au bout du compte, plutôt raté !

Logorrhée belliciste: une posture aussi maladroite qu’artificielle tant elle force le trait

La raison de cet étonnant mais lamentable fourvoiement intellectuel, tout autant que politico-diplomatique ? Le fait que M. Macron ne réussit pas à se dépêtrer de cette posture, aussi maladroite qu’artificielle tant elle force le trait, qui, il y a donc quelques jours seulement, lui fit déclarer de manière impromptue et improvisée, dans sa réponse élyséenne à un journaliste lors de la récente conférence de presse dédiée à cette aide à apporter à l’Ukraine, que la France était prête à envoyer des soldats sur le territoire ukrainien, précisément, si, d’aventure, la Russie l’emportait, dans ce conflit, sur le terrain. Et la machine guerrière, sa logorrhée belliciste tout autant que le péril qu’elle recèle intrinsèquement, de s’emballer aussitôt, dangereusement, aux quatre coins de la planète ! Ainsi n’a-t-on toujours pas compris, en substance, cette assertion, du même Macron, selon laquelle « la Russie ne devait pas gagner cette guerre ». Qu’est-ce à dire, en effet, concrètement, de manière plus précise, tangible et efficace ? Car, dans la réalité des faits, c’est bien la Russie qui, malgré la sincérité de notre soutien à l’Ukraine depuis le début de ce conflit, est en train de gagner, effectivement, sur le terrain !

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Davantage : il est même fort probable, au train où vont les choses (dont notre propre faiblesse militaire aussi bien que le retrait progressif des États-Unis d’Amérique de ce champ de bataille) et compte tenu surtout de la disproportion des forces en jeu (la terrible puissance russe face à la vaillante mais désormais précaire résistance ukrainienne), que la Russie finisse par gagner, qu’on le veuille ou non, définitivement.
Alors quoi, si l’on suit, à la lettre, la logique macronienne, qui, du reste, n’est toujours pas claire ? La France, dans ce malheureux mais réaliste cas, va-t-elle véritablement entrer en guerre contre la Russie ? Au risque, face à ces deux puissances nucléaires, de faire exploser dès lors, sinon la terre entière, du moins notre bonne vieille Europe, avec, dans ce carnage qui s’avérera ainsi d’une ampleur inédite, des centaines de millions de morts ?

Les mots « négociation » et « diplomatie » ont disparu

Mais il y avait pire encore, si cela est possible, dans cette mauvais charpente argumentative d’Emmanuel Macaron lors de ce pitoyable entretien télévisé de ce 14 mars : jamais les mots de « négociation » ni même de « diplomatie » n’y ont été ouvertement prononcés, sinon par rapport à de vagues, vains, anciens et dérisoires pourparlers, hélas, d’il y a plusieurs mois déjà ! Au contraire : ceux qui optent aujourd’hui pour la paix, pourtant seule solution rationnelle dans cet horrible conflit, y ont été traités, par ce même Macron, de « défaitistes », sinon implicitement, telle l’outrageuse conséquence d’un très malhonnête, injuste et fallacieux procès d’intention, de « complices », à l’instar du funeste esprit munichois d’autrefois, de la dictature poutinienne (ce qu’elle est, nul ne peut objectivement en douter, en effet, pour le malheur et triste sort des Russes eux-mêmes) ! Diantre ! Emmanuel Macron, soudain pris lui aussi d’un inapproprié prurit manichéen, aurait-il soudain perdu là, parce que la situation l’arrange en cette pénible circonstance, son légendaire sens de l’ « en même temps », comme si l’on ne pouvait à la fois soutenir l’Ukraine, dans son très légitime droit à la défense de sa souveraineté nationale tout autant qu’à la préservation de ses frontières internationales, et œuvrer, parallèlement, en faveur de la paix avec la Russie ?

Préférer une paix raisonnée à une guerre insensée ?

Privilégier une paix raisonnée, nuance oblige, plutôt qu’une guerre insensée, où tous seraient dramatiquement perdants, c’est ce que les authentiques humanistes, pour qui l’intelligence du cœur vaut également principe de raison, réclament très sincèrement, et sans pour autant verser dans je ne sais quelle indigne capitulation. Car, de fait, il y a bien un agressé, l’Ukraine, et un agresseur, la Russie.

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Une entourloupe majeure

Racisme, antisémitisme et «islamophobie» : la trilogie infernale


Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, au sortir d’une réunion avec le président Macron et d’autres représentants des cultes, avait dit qu’il serait bien allé à la manifestation contre l’antisémitisme dimanche 12 novembre si… elle s’était appelée autrement. En somme, s’il ne s’était pas agi de l’antisémitisme. Il a ajouté qu’il aurait fallu appeler à manifester contre le racisme. Là, il aurait fait le déplacement. De son côté, Nathan Devers, sur CNews, déplorait dernièrement la parcellisation des luttes en privilégiant une lutte plus globale. Oui, mais laquelle ?

Critiquer le concept d’islamophobie, il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes…

Le recteur de la Grande Mosquée, avec tout le respect que je dois à sa fonction, noie le poisson. Le judaïsme n’étant pas une race mais une religion, au même titre que l’islam d’ailleurs, le racisme invoqué n’a pas de sens. D’autre part, je comprends le peu de goût qu’éprouve Nathan Devers pour ce qu’on appelle aujourd’hui l’intersectionnalité et qui vous décompose les luttes contre toutes sortes de discriminations jusqu’au vertige (voir ci-dessous l’affiche trouvée dans la rue et qui m’a obligée à aller voir sur Google ce que pouvait signifier « validisme » ; une discrimination envers les invalides. Et dire que la manifestation contre l’antisémitisme a commencé là et qu’on aurait pu en profiter pour faire d’une pierre deux coups : contre l’antisémitisme et pour les invalides ! Ce qu’on est bête, alors!), je le comprends mais pas pour tout. Ainsi, la fameuse lutte contre « le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie » dont on nous rebat les oreilles, est une trilogie infernale.

C’est d’ailleurs de n’avoir pas voulu de cette association de mots qu’un professeur de Sciences-Po Grenoble s’était retrouvé « cloué au pilori ». Car cette association pose effectivement d’énormes problèmes. D’abord, on a le sentiment que les deux premiers mots que l’Histoire a prouvés servent d’appui, voire de caution au benjamin de la troupe : l’islamophobie. Des noirs sont morts d’être noirs dans certains pays du monde, des juifs sont morts d’être juifs en Europe mais aussi ailleurs. Mais les musulmans ? Depuis quand meurent-ils parce que musulmans dans nos contrées ?

Malaise, Blaise

Du coup, on éprouve nécessairement un malaise devant ce mot d’ « islamophobie » qui prétendrait, en quelque sorte, au même statut que les autres. On sent bien qu’on utilise historiquement les deux premiers pour donner une assise « historique » au dernier ; ce qui équivaut à une instrumentalisation profondément immorale des tragédies vécues par d’autres et à une torsion de l’Histoire.

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Ensuite, ce slogan qui met tout dans le même sac, histoire que la confusion soit totale, interroge quant au racisme d’aujourd’hui. Notre époque a vu naître des personnes « racisées » qui détournent le sens ancien de ce terme pour asseoir un « nouveau racisme », un racisme revendiqué en quelque sorte. Car dès lors qu’on pense en termes de race, on devient nécessairement raciste. Alors, que peut signifier la lutte contre le racisme brandie par des gens s’inspirant de la notion de race pour se désigner et désigner les autres ?

Je me souviens, à ce propos, d’une élève d’origine congolaise me racontant comment elle avait été ostracisée durant toutes ses années de lycée car elle avait eu le malheur de s’intéresser au théâtre, à la philosophie, à la littérature ; bref, à la culture européenne et française. Des jeunes filles noires lui disaient « qu’elle trahissait sa race ». Donc, lutter contre le racisme avec ceux-là mêmes qui le réinventent devient un véritable casse-tête chinois…

J’en viens à présent à l’antisémitisme casé entre les deux autres et dont on a le sentiment qu’il a intérêt à se tenir tranquille et à sa place. Je ne peux me défaire d’une impression très gênante que ce mot est là pour faire bonne figure ; qu’on lui fait jouer un rôle. Parce que tout de même, l’antisémitisme d’aujourd’hui vient essentiellement de l’islamisme et des dits « racisés ». Lorsqu’une célèbre indigéniste se fend d’un ouvrage intitulé Les Blancs, les Juifs et nous, on est en droit de se demander comment on peut lutter contre l’antisémitisme avec des gens qui le pratiquent.

Enfin, l’islamophobie, née avec le siècle et qui profite de ce suffixe pour confondre toute critique légitime d’énoncés ou de comportements avec une phobie quelconque ; ce qui a pour but d’empêcher toute interrogation à son sujet en rabattant celle-ci sur les personnes ; les musulmans en l’occurrence, elle est précisément brandie pour interdire toute discussion démocratique au nom d’une mise en danger imaginaire.

Le monde à l’envers

Résumons-nous : je suis censée lutter contre le racisme avec des racisés nécessairement racistes puisque pensant en termes de races ; combattre l’antisémitisme avec des gens le pratiquant sans vergogne et enfin, mettre à mal une prétendue islamophobie avec des personnes confondant des questions parfaitement légitimes concernant une religion quelle qu’elle soit, et sa pratique dans un pays, avec un soi-disant rejet.

Où l’on voit  donc que cette association relève quasiment de l’association de malfaiteurs, qui vous embrouille les notions au nom des bons sentiments et de la posture vertueuse. Il y a des limites au principe de non-contradiction ; il y a donc des limites à une intersectionnalité qui se fiche du monde.

Tu veux ou tu veux pas?

Emmanuel Macron veut inscrire la notion de consentement dans la définition juridique du viol. Une fausse bonne idée.


Bien sûr, ce n’est pas fait. Mais le président a évoqué cette possibilité avec l’association féministe Choisir la cause des femmes, le 8 mars : « Que le consentement puisse être inscrit dans le droit français, je l’entends tout à fait ».

Aujourd’hui, voici la définition du viol telle qu’elle apparait dans le Code pénal : « Tout acte de pénétration sexuelle, ou bucco-génitale commis par violence, contrainte, menace ou surprise ». Pour les ligues de vertu féministes, c’est évidemment insuffisant. Elles veulent que la France imite l’Espagne et la Suède, pays où tout acte sexuel non précédé d’un accord explicite est considéré comme un viol.

Une abomination juridique

De mon point de vue, il s’agit d’une abomination juridique. C’est mettre une épée de Damoclès sur la tête des hommes. On pourra toujours revenir sur ce consentement, dire qu’il n’était pas vraiment éclairé. J’ai dit oui, mais j’avais bu. J’ai dit oui, mais j’étais sous « emprise ». Cela donne aux femmes la possibilité de requalifier en viol n’importe quelle relation. Donna e mobile.

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Cette conception des femmes victimisées les fragilise. Les pauvres malheureuses se retrouvent avec un homme sans l’avoir choisi, et cèdent sans l’avoir voulu. Attention : cela arrive. Dans l’acception classique du viol, un type qui force une femme (l’inverse est plus rare), cela existe. Mais avec ce consentement réversible, une femme qui fait l’amour avec son mari parce qu’il insiste un peu pourra déclarer le lendemain qu’il l’a violée – surtout si elle veut la garde des enfants.

Vers la fin du marivaudage

Mais il faut bien des règles ! dit-on. Oui, mais ces règles existent. Violence, contrainte, menace ou surprise. Et en plus, en dehors de ces cas, ce qui n’est pas refusé est autorisé. Quand une femme dit non, c’est non! Tant pis pour celles qui disent non en pensant oui, ça c’était avant, quand on pouvait marivauder…

L’exigence du consentement explicite élimine l’ambiguïté consubstantielle aux relations humaines, particulièrement sexuelles. Croyez-vous franchement que toutes les femmes veulent exprimer clairement leurs désirs avant de faire l’amour ? Que les timides ou les complexés demanderont à leur dulcinée: « la pénétration, c’est OK, peux-tu signer là ? » Il est en réalité effrayant d’imaginer ce que cette exigence de consentement peut donner dans la vie réelle.

Derrière cette demande d’extension infinie du domaine du viol, il y a une terrifiante volonté de normalisation de l’intime. Exiger un consentement explicite avant tout acte sexuel, c’est laisser le législateur entrer dans les alcôves, s’immiscer dans le jeu tortueux des sentiments et des désirs.

La loi établit déjà ce qui est interdit. Elle n’a pas à ériger des règles positives sur notre comportement privé. Nous n’avons pas besoin d’un Code de la séduction.

Avec le projet d’aide à mourir, l’Etat déjà prétend domestiquer Thanatos, alors pitié qu’il nous laisse nous débrouiller avec Eros.


Cette chronique a d’abord été diffusée dans la matinale de Patrick Roger sur Sud Radio

L’islamo-gauchisme de Sciences-po en passe de devenir une affaire d’État

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On savait la prestigieuse école déjà minée par les thèses à la mode du wokisme, du néoféminisme ou de la théorie du genre… L’opinion, qui découvre avec effroi ce matin qu’une salle a été bloquée mardi par des militants propalestiniens, et que des propos « inqualifiables » (selon Emmanuel Macron) ont été tenus à l’encontre d’une étudiante de l’UEJF, attend des sanctions. L’extrême gauche minimise les incidents.


À Sciences-po Paris, l’antisémitisme se porte décomplexé, la cause palestinienne permettant visiblement que s’exprime librement la haine des Juifs. C’est ainsi que, soi-disant pour attirer l’attention sur Gaza, le principal amphi de l’école a été occupé par des associations d’extrême-gauche propalestiniennes mardi 12 mars. Cela n’a rien changé à la situation sur place, mais a permis d’ajouter de nouveaux actes antisémites à ceux qui se sont multipliés dans notre pays. À Sciences-po, c’est notamment une étudiante qui a été empêchée d’entrer dans l’amphithéâtre parce que Juive et une association juive qui a été verbalement attaquée.

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Inquiétante lâcheté

Face au scandale, la direction de l’école s’est fendue d’un communiqué. Où elle réussit à mettre en scène une indignation de façade qui évite soigneusement de nommer les choses et de regarder la réalité en face. Ainsi l’étudiante juive est devenue « un membre de la communauté étudiante », les propos antisémites ont été transformés en « propos accusatoires », et pour éviter de mentionner que l’Union des Étudiants Juifs de France a été ciblée, elle est évoquée en tant que « association étudiante en particulier ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! et comme l’antisémitisme en est rapidement évacué ! Une telle lâcheté n’a pas manqué de faire réagir les internautes et une version corrigée de ce communiqué de presse honteux a circulé sur X, biffant les mentions hypocrites pour mieux restituer la dimension antisémite de l’affaire.

Une école à la dérive

Mathias Vicherat. DR.

Et voilà qu’on apprend mercredi 13 février la démission du directeur de Sciences-po, Mathias Vicherat. J’avoue avoir pensé avec étonnement que pour une fois, un enfant gâté de la technocratie triomphante prenait ses responsabilités et, face à un tel échec, assumait sa perte. Mais pas du tout, l’homme ne démissionne pas parce qu’il se sent concerné par l’antisémitisme décomplexé qui s’exprime dans une école censée former l’élite du pays, mais pour des questions personnelles, lui et sa femme étant soupçonnés de violences conjugales. Le directeur est visiblement autant à la dérive que son école.

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En revanche, le gouvernement, lui, a parfaitement réagi. Aurore Bergé, qui a toujours montré du courage sur ces questions, a été limpide : « Ce qu’il s’est passé a un nom : l’antisémitisme. Demander le nom des gens, les filtrer à l’entrée, assimiler leurs noms à la politique du gouvernement israélien… C’est insupportable et illégal. Rien ne le justifiera jamais ». Du côté de Jean-Luc Mélenchon, aucune surprise. L’insoumis, dont les dérapages se multiplient, ressemble de plus en plus à Jean-Marie Le Pen et passe à deux doigts du « point de détail de l’histoire » en parlant d’un « incident dérisoire » et en citant copieusement Rima Hassan, l’activiste qui n’est pas la dernière à semer la haine des Juifs au nom de la cause des Palestiniens.

Palestiniens instrumentalisés

Or ce qui vient de se passer est inquiétant. À Sciences-po, on est censé faire notamment du droit et de l’histoire et à un niveau d’excellence. Or la cause palestinienne telle qu’elle est utilisée pour radicaliser les populations musulmanes en Europe est souvent imprégnée par une lecture islamiste. Longtemps les pays et sociétés arabes furent indifférents au sort des Palestiniens. Cela jusqu’à ce que les Frères Musulmans fassent de l’existence d’Israël une forme de blasphème, et de sa destruction un fiqh, une obligation sacrée s’imposant à tout membre de l’Oumma. Mais même pour ceux qui ne connaissent pas cette histoire, la façon dont la cause palestinienne est instrumentalisée s’avère souvent grossière. Elle se résume à une falsification historique destinée à nourrir ressentiment et haine. L’essentiel n’est pas d’améliorer la situation des Palestiniens : ils sont bien plus utiles malheureux. Il s’agit avant tout de réussir une alchimie délicate visant à transformer les Juifs en Nazis, les éternels persécutés en bourreaux. Et pour cela aucune outrance n’est interdite.

Effondrement

En convaincre des populations acculturées, peu éduquées, qui appartiennent à une sphère arabo-musulmane où l’antisémitisme est culturel n’est pas très compliqué et explique pourquoi un crime contre l’humanité commis contre des Juifs a alimenté en Europe une explosion antisémite : on a assisté à un phénomène de décompensation culturelle chez certains où la violence tribale du pays d’origine a primé sur le respect des normes sociales européennes et de la légalité. Le signe ne devrait pas être pris à la légère. Mais lorsque l’entrisme se manifeste dans les lieux de formation de l’élite, comme Sciences-po et qu’il remet au goût du jour l’antisémitisme le plus abject, que la direction de l’école soit incapable de réagir dit notre effondrement moral.

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Ainsi dans une école où on devrait savoir ce qu’est un crime contre l’humanité, ce que signifie le retour des pogroms, le 7 octobre, semble n’avoir ébranlé que peu de consciences et la question du retour du crime contre l’humanité n’a guère intéressé. En revanche, dans cette même école, on n’hésite pas à expliquer qu’il y a un génocide à Gaza et à occuper un amphi pour le dénoncer, alors même que cela est parfaitement faux.

Gabriel Attal déclenche l’article 40

Même si ce qui s’est passé dans cette école ne relevait pas du pénal, de telles lacunes dans la formation des étudiants mériterait une sérieuse reprise en main. Mais justement, ce qui s’est passé relève du pénal. Voilà pourquoi l’article 40 a été déclenché par le Premier ministre. Cet article oblige les autorités à saisir la justice en cas de crime ou de délit dont elles ont connaissance. Mercredi en fin de journée, Sciences-po a déclaré avoir également saisi le procureur de la République au titre de l’article 40.

L’opinion espère le renvoi des fauteurs de troubles islamo-gauchistes

Espérons que cette saisine n’empêchera pas l’école de faire le ménage qui lui incombe, déjà en arrêtant de se prendre pour un campus américain multiculturaliste où on « gère des communautés étudiantes » et où les professeurs semblent terrorisés par leurs élèves. Ensuite en sanctionnant durement les élèves qui ont organisé cette occupation et ceux qui ont participé au filtrage et tenu des propos antisémites. Un renvoi en bonne et due forme, manu militari, aurait des vertus d’exemplarité inédite.

Selon la jeune fille refoulée à l’entrée de l’amphi et qui a témoigné dans le Parisien, il y a bien un climat antisémite à Sciences-po, mais il serait le fruit d’une minorité. La majorité désapprouverait mais laisse faire et l’ambiance s’en ressent. Sciences-po serait donc devenue une allégorie du bruit des pantoufles des élites comme réponse au bruit des bottes des fanatiques. Quoi qu’il en soit, ce que cette affaire dit d’une école censée former ceux qui nous dirigent ne donne pas envie d’être menés par cette élite-là.

Yann Moix: «Notre époque est d’une bêtise sans nom»

Yann Moix © Hannah Assouline

En 2018, Yann Moix part en Corée du Nord tourner un film avec Gérard Depardieu. Cinq ans plus tard, les rushs, utilisées par « Complément d’enquête », servent à présenter l’acteur en pédophile. Selon l’auteur-réalisateur, les images ont été détournées de leur sens.


Causeur. Cher Yann, tout le monde s’excite sur des obscénités verbales de Gérard Depardieu, mais nous, c’est autre chose que nous trouvons obscène. Pourquoi aller tourner dans un pays gouverné par un des pires régimes de la planète ? Non, ce n’est pas punk, de déconner à côté de camps de « travail ».

Yann Moix. J’aimerais, chers amis, vous répondre en quatre points. Premier point : j’ai le droit de voyager où je l’entends. Deuxième point : pendant que d’autres vont à l’île Maurice ou aux Canaries, je vais dans un des pays les plus difficiles d’accès au monde, ce qui devrait me valoir, sinon brevet de courage, du moins brevet de curiosité. Comme disait Hemingway : « Il faut aller voir. » Troisième point : on s’imagine que la Corée du Nord est un régime sans peuple, sans vraies personnes qui y vivent. Rien n’est plus faux et c’est ce qui rend passionnants les séjours là-bas. Quatrième point : visiter un pays n’est pas faire allégeance à ses gouvernants. On ne peut pas voyager que dans des démocraties. Gide ou Céline en savaient quelque chose.

En attendant, à la fin, vous communiez avec tout le monde dans l’offuscation sur une blague obscène sous prétexte qu’il s’agit d’enfants. Que Depardieu ait ou pas parlé d’une petite fille, en réalité ça ne devrait faire aucune différence, puisqu’il blague ! On ne fait pas d’humour sur les enfants ? Et vous, au lieu de faire un grand bras d’honneur, vous vous lancez dans une défense guimauve : comme si une blague sexuelle sur une gamine était de la pédophilie.

Je ne suis pas stupide au point de penser qu’une blague salace sur une enfant vaut pédophilie, pas plus d’ailleurs que je crois qu’une blague salace sur une adulte vaut viol. Mais l’époque étant d’une bêtise sans nom, elle a de fait déjà transformé Depardieu en pédophile. J’ai donc voulu insister sur le fait qu’on a voulu charger Gérard de manière frauduleuse. Mais cela n’intéresse personne, car ça ne va pas dans le sens de l’accablement. Tout ce qui peut atténuer une accusation venue de la foule ou des médias passe inaperçu. Quand j’ai témoigné à la police, ce fut d’ailleurs la même chose : ce qui était susceptible, d’une certaine manière, d’alléger le cas de Gérard ne retenait guère l’attention. Pourtant, la vérité est la vérité.

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En 2018, vous expliquiez à Ali Baddou, sur France Inter : « J’ai eu l’idée de filmer Gérard, c’est d’ailleurs de manière tacite que je l’ai fait, je ne lui ai pas demandé l’autorisation. » Ce qui est contradictoire avec ce que vous dites maintenant, à savoir que vous auriez donné des consignes à Depardieu, celles de se caricaturer, de jouer un « rôle ».

Par « sans autorisation », je voulais dire que la collaboration entre Gérard et moi a été excessivement simple, naturelle, et qu’elle s’est faite sans le formalisme d’un contrat d’artiste-interprète. Sans des répliques couchées par écrit et apprises par cœur. Je lui ai soumis l’idée de partir tourner un long-métrage cinématographique en Corée du Nord, où il interpréterait le « rôle principal », et immédiatement l’affaire a été entendue. Gérard ne supporte plus les « scénarios écrits ». Il s’agit donc, c’est une des traditions vieilles comme le cinéma, de scénariser les choses autrement, notamment dans l’improvisation et au montage. Il est vrai que tout s’est fait de manière complice, tacite, entendue entre lui et moi. Preuve de confiance entre nous, de connivence, de parfaite entente. Quand la caméra se braque sur Depardieu, aussitôt il s’anime, comme une momie qui sort de son cercueil. Il se met non seulement à jouer, mais à vivre. Ce qu’il ne fait pas sans caméra. Les gens font comme si le tournage avait eu lieu à Chartres. Mais ils n’y connaissent rien.

De quand date votre contrat avec la société Hikari ? A-t-elle financé le tournage en 2018 ? Avez-vous eu un autre producteur ? Y a-t-il eu un contrat entre Gérard Depardieu et Hikari ?

Le contrat avec Hikari portant sur la cession des droits détenus par cette société́ en qualité́ de producteur sur mon film était en rédaction style « work in progress » avec Anthony Dufour depuis plus d’un an. J’en possède toutes les étapes annotées de sa main. Par ses annotations apportées au contrat, Anthony Dufour a entériné le fait que le film 70 est un « film cinématographique de long-métrage », que la société́ Hikari n’a pas acquis mes droits d’auteur-réalisateur, et qu’elle n’a pas acquis davantage « les droits sur l’interprétation de Monsieur Gérard Depardieu ». Hikari a financé́ le tournage, payant les billets de Gérard et le mien, ainsi que les billets et les salaires des techniciens, dépêchés à nos côtés pour les besoins du tournage de mon film : chef op et ingénieur du son. Les seuls à ne pas avoir été rémunérés à ce jour sont Gérard et moi. Ce qui caractérise une infraction de travail dissimulé, réprimée lourdement par le Code pénal. Aucun contrat n’a été signé avec Gérard Depardieu, mais nous avons des échanges avec Anthony Dufour qui, précisément, s’inquiète à ce sujet.

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Vous donnez parfois l’impression d’avoir un rapport littéraire avec la réalité. Pourquoi vous croirait-on ?

Il est assez cocasse que d’aucuns me fassent porter ce chapeau d’un rapport « littéraire » à la réalité alors que les producteurs de fake news sont en l’occurrence Hikari et France Télévisions. La raison pour laquelle j’avais, au début, parlé de « documentaire » et non de « fiction » est que, tout simplement, je souhaite retourner en Corée du Nord. Or, s’ils acceptent sans problème qu’on fasse chez eux des documentaires, ils ne peuvent supporter qu’on tourne des fictions. Notamment depuis le film The Interview, qui les a traumatisés. Enfin, ne retournez pas la charge de la preuve en me demandant pourquoi on me croirait. J’ai réalisé le film 70, une œuvre de fiction, qui a été détournée dans « Complément d’enquête ». La portée des propos de Depardieu a été manipulée, de manière à faire accroire qu’ils désignaient une fillette alors qu’il s’agissait d’une très belle cavalière d’une trentaine d’années qui évoluait également dans le même manège et dont je me souviens parfaitement. Des propos qui relevaient en tout état de cause du registre humoristique, appartenant, sous ma direction, en qualité de réalisateur, au même registre que ceux de Benoît Poelvoorde dans C’est arrivé́ près de chez vous. En dépit de cela, de la lumière faite sur ces éléments, Gérard a été disqualifié socialement. Ce qui me gêne dans cette histoire, c’est le mensonge.

Mensonge que France Télévisions récuse formellement…

Ils le contestent ? Qu’ils prouvent qu’il ne s’agissait pas d’une fiction. Qu’ils prouvent que la séquence du haras n’a pas été frauduleusement montée de manière à faire croire que Gérard Depardieu avait « sexualisé une fillette ». Tous ces éléments, je vous les soumets, et il ne s’agit pas de les croire. Mais d’en prendre acte. Mon avocat, maître Jérémie Assous, l’a démontré́ à plusieurs reprises, devant près de deux millions de personnes à la télévision. Personne chez Hikari ou France Télévisions n’a répondu à ces démonstrations. Silence total. Il y a des silences qui prennent des airs d’aveux.

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T’inquiète pas, Coco!

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La dessinatrice de presse Corinne Rey, dite "Coco", photographiée en 2015 © SADAKA EDMOND/SIPA

La dessinatrice de presse Coco est prise à partie, après une caricature somme toute plutôt mignonne sur la situation à Gaza (voir plus bas). La voilà désormais menacée par toute la sphère islamo-gauchiste ! En réalité, son dessin est évidemment anti-israélien, il accrédite l’existence d’une famine à Gaza et fait de l’humour noir en montrant l’ironie du sort qui veut que le début du Ramadan tombe au même moment. Qui pense sincèrement que la caricaturiste se moque des enfants qu’elle dessine? Eh bien pourtant, la députée Sophia Chikirou (LFI) fait mine de comprendre le dessin au premier degré.


Sophia Chikirou (LFI) pense-t-elle que certains pro-palestiniens sont tellement bêtes qu’ils ne peuvent pas saisir la nuance? Pense-t-elle aussi que d’autre pro-palestiniens, moins bêtes, se reconnaîtront dans sa mauvaise foi? Elle les croit soit cons, soit salauds!

Pour séduire l’électorat des « quartiers populaires » sur lequel ils misent dans leur course au pouvoir, les Insoumis sont prêts à tous les coups, de préférence tordus. Ainsi, on a pu les voir défendre l’abaya à l’école ou se répandre en saumâtres propos flirtant avec un antisémitisme décomplexé. Depuis le 7 octobre, les sectateurs de Jean-Luc Mélenchon sont passés à la vitesse supérieure : il s’agit désormais d’afficher une complaisance sordide pour le Hamas et d’attaquer verbalement Israël dès que faire se peut. La députée Sophia Chikirou, très proche du Lider Minimo, mène la danse et ne rate jamais l’occasion de vomir sur un État qu’elle estime né « d’une colonisation, d’un apartheid et d’un génocide ». Rappelons que la fidèle de Jean-Luc Mélenchon a récemment retweeté un post de Rima Hassan, juriste en droit international, soutien indéfectible de la cause palestinienne et fraîchement intégrée sur la liste LFI aux européennes en place éligible. Sur cette publication, on pouvait lire : « Israël tue le vivant. Tout le vivant. C’est à ça que l’on reconnaît une entité coloniale fasciste. » Sophia Chikirou fait feu de tout bois et c’est maintenant à la dessinatrice de presse Coco, rescapée de la tuerie de Charlie Hebdo et officiant à Libération, qu’elle s’en prend. La raison ? Une caricature sur Gaza à l’heure du Ramadan. Il faut faire preuve d’une grande mauvaise foi pour suspecter de parti pris anti-palestinien une illustratrice qui croque avec la même férocité le Hamas et Israël.

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Les Français n’ont pas les élus qu’ils méritent

Lundi 11 mars, donc, Libération publie un dessin de sa collaboratrice Catherine Rey, dite Coco. Plusieurs éléments de l’actualité traités avec un humour noir se percutent dans cette caricature : Gaza en ruine où le Ramadan débute alors qu’un cessez-le -feu n’a pas pu être conclu ; un Palestinien pourchasse des rats : « T.t.t… pas avant le coucher du soleil ! », l’admoneste sa femme ou sa mère, en référence à la rupture du jeûne qui ne doit pas se faire avant la tombée de la nuit.


Il n’en faut pas plus à Sophia Chikirou et à ses acolytes Insoumis pour monter au créneau attisant ainsi une polémique déjà vive en raison de l’incapacité croissante qu’on a à comprendre le second degré et d’une aversion de plus en plus prononcée pour la liberté d’expression. Jetant à plaisir de l’huile sur le feu, LFI feint de ne pas comprendre que le dessin incriminé pointe la famine provoquée à Gaza par la situation et qu’elle vise certainement le gouvernement de Benjamin Netanyahu. « Vous n’aurez pas notre haine mais vous la méritez » commente Sophia Chikirou, dans une allusion au livre que le journaliste Antoine Leiris a écrit après la mort de son épouse, assassinée au Bataclan. « Tout bonnement immonde », renchérit Sarah Legrain. « Et ne venez pas pleurer sur la liberté d’expression. Vous l’avez », ajoute-t-elle. La référence est assez dégueulasse quand on sait que l’illustratrice Coco a réchappé à la tuerie de Charlie Hedbo. « Honteux », juge, plus sobre, Carlos Martens Bilongo. Parmi ceux qui ont participé à la curée, on trouve aussi la porte-parole du Parti socialiste Chloé Ridel qui a réagi en qualifiant ce dessin « d’ignoble ».

Menaces de mort prises au sérieux

Alors, la meute se déchaîne. Des centaines de messages imbéciles, injurieux, menaçants et appelant au meurtre pleuvent sur la dessinatrice. « Que dieu ait pitié des frères Kouachi », écrit un internaute. « Je te souhaite le pire dans ta vie, ignoble personnage. Ils auraient dû te liquider le 7 janvier », déclare un autre. « Cours, Cours, pute. Tu seras abattue bientôt. Toute famille morte. », lit-on, également, en anglais. La dessinatrice de presse est soutenue par Libération. Dov Alfon, directeur de la rédaction du quotidien, a déclaré à l’AFP : « Nous condamnons, nous dénonçons avec force cette vague de menaces, injures et intimidations, certaines comprenant des menaces de mort que nous prenons très au sérieux. » Un communiqué de « soutien et de solidarité » a également été publié dans l’édition du mercredi 13 mars. D’autres se sont aussi offusqués des outrances des Insoumis. Parmi eux, la féministe Charlotte Rocher : « Il suffit d’un dessin humoristique sur le Ramadan à Gaza pour exciter la haine des Insoumis et coller des cibles sur une dessinatrice. Honte à Sophia Chirikou qui semble avoir un problème avec la liberté d’expression. » Fabien Roussel a également assuré Coco de « son plein soutien ».

Bien sûr, on peut critiquer les caricatures et les trouver d’un goût douteux, mais il n’en reste pas moins que ce déferlement de boue et de haine sont inacceptables. Quant à la croissance exponentielle du nombre de ceux qui pensent que c’est la sensibilité des membres des communautés visées par les dessins de presse qui doit fixer les limites de la liberté d’expression, elle est tout à fait terrifiante. De plus, qu’un mouvement issu de la gauche, comme l’est la France insoumise, se pose en adversaire borné de la liberté d’expression montre combien les cartes du jeu politique ont été rebattues. Signalons enfin qu’il n’est pas exclu que Sophia Chikirou ait profité de l’occasion qui s’offrait à elle pour régler ses comptes avec Coco. La caricaturiste l’avait en effet dessinée brandissant une pancarte sur laquelle on lisait « Tafiole de merde », en référence aux termes que la députée, selon le magazine Complément d’enquête, aurait employés avec ses collaborateurs.

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Quant à nous, levons-nous pour sauver le second degré dans tous ses états : ironie ou humour noir. « Les bonnes âmes malfaisantes ne seront pas tranquilles tant qu’il y aura des ironistes pour crier à tue-tête leur vrai nom et pour les envoyer au diable, eux, leurs postiches, leurs momeries et leur rhétorique en carton. » Jankélévitch, L’ironie

Emmanuel Macron, Churchill 2.0 à la peine

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Le président Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, Berlin, 15 mars 2024 © snapshot-photography/F Boillot/S/SIPA

Céline Pina a suivi l’intervention télévisée du président français, hier soir. Elle la juge inutile et mal pensée. Quel était le but de l’exercice ? A quelle urgence répondait cette intervention ? Quel était le message à retenir ?


Ce jeudi 14 mars, j’étais, comme beaucoup de Français à 20H00 devant mon écran de télévision pour voir quelle version des multiples personnalités du président Macron allait apparaitre. Aurait-on droit au diplomate madré, à l’héritier du gaullisme soucieux de l’originalité de ses positions, au va-t’en guerre matamore qui promet beaucoup et tient peu ou à un dirigeant responsable qui parle peu mais clair et agit efficacement. Hier soir la personnalité qui a pris le contrôle était celle de Tartarin de Tarascon. On ne pouvait plus mal tomber.

Pourtant le sujet de l’intervention n’a rien d’une plaisanterie et les enjeux sont réels, comme les peurs ataviques qu’elles réveillent. La guerre se prête mal au jeu de rôle où un adulescent trop gâté joue à Churchill 2.0, s’offrant le grand frisson de l’histoire alors qu’il peine à garder quelque constance quelle que soit son action.

Si on voulait être acide, on pourrait aisément faire le compte-rendu de cette intervention sous forme d’une version pour enfant. Le message essentiel de ces 35 minutes d’onanisme verbal se traduirait ainsi :« La Russie fait peser sur l’Europe une menace existentielle. Tout ça c’est de la faute à Poutine. Alors dire qu’on s’interdit rien, c’est pas une erreur, c’est normal et c’est la preuve que je suis un grand stratège. Donc j’ai raison depuis le début. Et même à la fin les autres chefs de l’Europe, y sont d’accord avec moi. »

Un message peu clair

Seul cet exercice d’autosatisfaction était d’ailleurs cohérent. Au-delà, on se demande bien quel était le message qu’Emmanuel Macron cherchait à faire passer. Voulait-il préparer le peuple à la guerre avec la Russie car il la pense inéluctable et qu’il est prêt à envoyer des soldats mourir pour Odessa, s’il le faut ? Voulait-il réparer son ego blessé en s’offrant un exposé magistral à une heure de grande écoute parce qu’il vit mal son isolement en Europe, alors que, selon lui, dire que l’on ne s’interdit aucune option est la base du jeu de la guerre et ne saurait lui être reproché ? Joue-t-il avec la peur de la guerre pour créer un réflexe légitimiste et redorer son image alors que son parti est à la peine aux Européennes ? Difficile à dire tant cette intervention était mal venue et tant le narcissisme présidentiel l’a parasité.

Un début d’intervention lunaire

Le début de l’intervention est franchement lunaire avec une tentative pathétique d’illustrer par un exemple concret l’importance de rester dans le flou stratégique : face à Anne-Sophie Lapix qui ouvre l’interview en rappelant au président qu’il a sidéré tout le monde en Europe en refusant d’exclure l’envoi de troupe au sol en Ukraine, en affirmant qu’il n’y avait aucune limite au soutien français à Kiev : « Vous êtes assis devant moi, est-ce-que vous êtes debout, non. Est-ce-que vous excluez de vous lever à la fin de cette interview ? Bien sûr vous n’allez pas l’exclure ? » La réponse est cinglante « On est même sûr de le faire. » Emmanuel macron est alors obligé de passer en mode rameur : « Bon, nous on n’est pas sûr de le faire. » C’est ce qu’on appelle rater son entrée.

A lire aussi, Gil Mihaely: Guerre en Ukraine: ne vous laissez pas berner par les Russes!

Le reste de l’interview sera de la même eau. Les mots sont forts, la Russie fait peser un danger existentiel sur l’Europe. Le fait d’aller faire la guerre sur le sol ukrainien est présenté comme possible voire probable en 2024 et dans le même temps est mis en avant le fait que l’on n’y est pas encore, que tout cela est stratégique, de bonne guerre en quelque sorte. L’image oscille en permanence entre le chef de guerre belliqueux et le président qui se voudrait à la fois lucide et rassurant. Sauf que le chef de guerre n’inspire pas confiance : trop verbeux et que l’on connait le président : il n’a ni gouvernail ni constance dans les idées. L’idée de se présenter comme le Churchill 2.0 de l’Europe est aussi crédible que le discours de Vladimir Poutine expliquant qu’il n’envahit l’Ukraine que pour sauvegarder la Russie.

Une intervention aussi peu nécessaire qu’inquiétante

Assez rapidement, en tant que téléspectatrice, j’ai eu l’impression de me trouver devant un acteur qui croit avoir trouvé le rôle de sa vie et qui passe à côté du personnage. Je me suis demandé quel était le but de l’exercice. A quelle urgence répondait cette intervention ? Quel était le message à retenir ? A quoi jouait le Président et dans le fond, à qui s’adressait-il ? On pouvait avoir l’impression, durant cette interview, que l’homme était en circuit fermé, qu’il répétait devant un miroir et qu’il riait de se trouver si beau dans le reflet renvoyé par celui-ci. Une impression hélas peu partagée par les téléspectateurs.

A-t-on en effet jamais vu un chef de guerre perdre 35 mn à se répandre en considérations diverses dans lesquelles se mélangent auto-flatteries et autocongratulations, paroles sur l’inéluctabilité de la guerre et flou sur le degré de l’implication, attitude martiale et tentative de réassurance, mensonges éhontés et demande de confiance ? Le tout dans une ambiance complaisante, façon causerie ? Est-ce avec cela que la nation, éveillée dans sa conscience collective par la parole du leader (on suppose que c’est l’intention), va se dresser contre Poutine et réclamer elle-même d’être soumise aux sacrifices que nécessite une économie de guerre ?

Un positionnement peu crédible

Mais pardon, j’oubliais ! selon le président, la France est déjà en économie de guerre. Le mensonge est ici énorme. Nous ne sommes absolument pas et même bien loin d’être en économie de guerre. Ce type d’économie se caractérise par le fait de satisfaire prioritairement les besoins de la guerre. La production est donc ponctionnée par l’Etat par le biais de réquisitions, l’industrie réorientée autoritairement sur les besoins de la guerre et le pouvoir d’achat très bas car la production massivement ponctionnée pour les besoins de la guerre. Augmenter les budgets militaires et augmenter légèrement notre capacité de production militaire, ce n’est pas passer en économie de guerre si les mots ont encore un sens.

La vérité est qu’il ne reste que l’impression d’un président trop bavard et bien peu réfléchi, alors qu’il n’y avait aucune utilité à parler à ce stade. Autre aspect gênant de son discours, sa propension à l’accumulation des « d’ailleurs c’est moi qui », des « moi je » et des « je ». L’effet était on ne peut plus déconcertant s’il s’agissait de préparer les esprits à la possibilité d’un engagement plus direct dans le conflit, car il transformait un destin collectif en simple jeu d’image personnelle. Cette difficulté à s’effacer derrière le « nous », derrière « la France », en dit long sur l’absence de  compréhension de son rôle. Être chef, ce n’est pas être ivre de soi, c’est être conscient de ses responsabilités envers son peuple. Or, quand Emmanuel Macron veut enfiler le costume du chef de guerre, on voit que celui-ci plisse beaucoup sur les mollets…

S’il voulait ainsi préparer les esprits à une possible entrée dans un conflit armé, il y a de quoi ressentir une inquiétude profonde tant l’homme n’apparait pas fait pour le rôle. Incapable du sang-froid nécessaire. Car la sortie intempestive d’hier soir n’est guidée par aucun besoin, ni aucune nécessité. Le président français a déjà agacé ses partenaires par ses foucades et ses discours peu préparés ni partagés. Vexé, il en rajoute une louche car il n’a pas apprécié que ses homologues le rabrouent. Il a donc un besoin viscéral de prendre les Français à témoin pour leur dire qu’il ne s’est pas trompé. Car il ne se trompe jamais. Se faisant c’est son immaturité et son inadaptation aux enjeux qu’il exhibe. Il a donc réveillé toutes les peurs liées à la guerre, sans apparaitre comme capable de faire face au danger. 

Une mise-en-scène de la montée vers la guerre peu responsable

Les références à Munich, dont nous avons été témoins dans les jours précédant l’intervention, semblent s’inscrire dans la mise-en-scène de cette montée vers la guerre. Celle-ci est d’ailleurs orchestrée comme un processus dramatique destiné à révéler la vraie dimension d’Emmanuel Macron, celle de l’homme lucide qui se dresse devant le dictateur.

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En effet, s’il ne prépare pas les gens à la guerre, que signifie ce discours ? Personne ne prendrait de tels risques juste pour satisfaire un égo écorné, non ? Et s’il était destiné à les y préparer, qui pense réellement que les intérêts vitaux de la France sont en jeu aujourd’hui ?

Pire même, dans ses rodomontades, Emmanuel Macron a expliqué que nous avons les moyens de nous battre contre la Russie et que la France était dotée d’une véritable puissance d’intervention et qu’elle l’avait prouvé au Sahel ! Dommage pour l’Hannibal germanopratin, nous nous sommes fait virer d’Afrique d’une manière humiliante. Et ce grâce à la Russie. L’exemple était particulièrement mal choisi.

Dans le fond, qu’a fait notre président dans cet exercice narcissique ? il a pris le risque que ses paroles soient sur-interprétées et n’a ajouté que de la confusion à la confusion, dans le pays et en Europe.

L’intervention d’hier était à la fois inutile, mal pensée et donc contreproductive. Pourtant sur le constat, tout n’est pas faux : Vladimir Poutine est bien une menace pour l’Europe et l’Ukraine est réellement en mauvaise posture. Mais Emmanuel Macron commet un péché d’orgueil en prenant ses désirs pour des réalités. Et rien n’est plus dangereux en période de tension qu’un dirigeant incapable d’appréhender la réalité. En effet, l’Europe n’est pas en mesure de résister à la Russie, si elle n’entre pas en économie de guerre, mais outre qu’elle en est bien loin, elle n’a même pas commencé à en discuter tant cette logique est incompatible avec ses fondements néo-libéraux. Or la guerre n’est pas morale, et encore moins juste. Même si Poutine est l’agresseur, même si l’Ukraine ne mérite pas cette guerre, elle peut la perdre et la menace russe arriver aux frontières de l’Europe. La vraie question qui se posera alors est : « comment construire une armée pour la repousser ? », comment réarmer les pays d’Europe et comment envisager une capacité de défense européenne ? Et nous en sommes bien loin. Faire des exposés pompeux et solennels à des heures de grande écoute où on s’écoute parler et où on se gargarise d’une fausse puissance permet de se faire plaisir mais n’est d’aucune utilité s’il faut protéger la paix en préparant la guerre.

Espérons surtout que notre président ne joue pas à la guerre par désœuvrement ou cynisme mal placé et qu’il ne cherche pas l’effet drapeau parce que celui-ci lui permet une fois de plus d’échapper à ses échecs et à son impuissance actuelle. En sciences politiques, l’effet drapeau décrit le resserrement automatique d’une communauté autour de son leader quand elle se sent menacée. Or là, « Renaissance » est en mauvaise posture aux Européennes. Dramatiser les enjeux est une façon de peser dans le jeu et de réveiller un réflexe légitimiste dans la population. En revanche il ne faut pas que celui qui manipule ce type de matière inflammable présume trop de son habileté : à vouloir être flamboyant, on peut finir incendiaire.

Plaidoyer pour Aya Nakamura

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La journaliste et essayiste Noémie Halioua. DR.

Si on prend la peine de regarder ses textes, Aya Nakamura, c’est l’anti Sandrine Rousseau !


Beaucoup découvrent la chanteuse Aya Nakamura à la faveur de sa programmation potentielle à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Nombre de mes amis chers crient à la laideur, à la pornographie visuelle et auditive. Même le président du Sénat, Gérard Larcher, confiait l’effroi qui l’avait saisi après avoir entendu l’artiste. Il s’étranglait dans Télématin de certaines paroles en argot faisant « une ode à la levrette » (l’entièreté de cette séquence télévisuelle et de cette association indirecte dépassaient le seuil de l’entendement humain, surtout à l’heure du petit déjeuner).

Cependant Aya Nakamura ne saurait être réduite à ce descriptif. Comme un écrivain ne peut-être défini par une citation tronquée piochée dans son œuvre, cette chanteuse a construit, album après album, un univers musical et une personnalité charismatique qui ne sont pas réductibles à cette poignée d’éléments. Ce n’est pas un hasard si des centaines de milliers de femmes d’origines diverses ont fait entrer la chanteuse dans leur cœur au fil des ans. Même Sarah Knafo, la directrice de campagne d’Éric Zemmour, a balancé à fond les ballons la chanson « Pookie » dans sa sono pour plaisanter et embêter son candidat, qui s’en prenait à la chanteuse quelques heures plus tôt !

La chanteuse franco-malienne Aya Nakamura en Suisse, juillet 2023 © Martial Trezzini/AP/SIPA

Aya Nakamura, l’anti Sandrine Rousseau

Allons droit au but : « Aya » est une femme puissante comme il y en a peu. Si elle est tant aimée par les femmes, ce n’est pas parce qu’elle remue frénétiquement son popotin devant les caméras (beaucoup le font avec une pareille ferveur sans trouver un écho particulier hors de leur cave). Plutôt parce qu’elle raconte dans ses chansons, à sa façon que l’on apprend à déchiffrer, la détermination face à l’adversité. Il y a dans ses textes une force inouïe, une affirmation d’elle-même qui tranche avec les lamentations qui caractérisent les discours contemporains sur les femmes. Avec Aya Nakamura, la femme est un requin plutôt qu’un bébé phoque, ce qui est assez rare pour être souligné.

Loin de certains rappeurs pleins de ressentiments qui mitraillent sans talent leur haine de la France, Aya se concentre sur l’essentiel – ses histoires, ses déceptions, ses désirs. Et sur ce terrain, soyons clairs : l’auteure de ces lignes se tiendra toujours du côté de celles qui célèbrent l’amour, et le sauve d’une certaine façon, que du côté de celles qui s’emploient à le tuer par peur du risque et haine des hommes. De même que je prendrai toujours le parti, comme elle, du féminisme qui affirme le désir féminin, plutôt que de celui qui s’emploie à castrer nos congénères phalliques.

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D’autant qu’Aya n’est pas une pleurnicheuse comme Lara Fabian, une cruche comme Wejdene, une désaxée comme Christine and The Queen, dit « RedCar », dit « Chris ». Aya n’est pas sans saveur comme Jenifer ou anxiogène comme Mylène Farmer. Aya, c’est un caractère et une personnalité : une battante qui sait qui elle est, ce qu’elle veut et s’affirme envers et contre tout. Elle injecte de l’énergie dans les oreilles de toutes celles qui sont traversées par les doutes. Aya, c’est la copine qui vous exhorte, quand vous tanguez, quand vous vous sentez affaiblie par la vie, à garder la tête haute. Aya Nakamura, c’est la chanteuse de l’« empouvoirment », qui vous rappelle ces évidences pour vous sentir moins seuls. L’amour fait mal, rien ne justifie l’irrespect, la jalousie rend fou, on pardonne quand on aime et tant d’autres choses.

Cette « girl power » avait d’ailleurs intégré le casting des « Femmes puissantes », émission de radio de Léa Salamé retranscrite dans un livre, qui interroge des personnalités féminines qui dominent la vie et l’époque. « Êtes-vous une femme puissante ? », lui demandait la journaliste, en décembre 2020. « Je ne sais toujours pas ce que ça veut dire, répondait celle-ci, avec l’insolence qu’on lui connaît. C’est une femme qui s’assume, je pense, qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense, d’être elle-même, en vérité. » Bien sûr qu’elle en est une, c’est une évidence. La banlieue ? Elle ne veut pas que ce soit associé à « la misère ». Aya, ne campe jamais en victime, chante toujours debout, sans avoir pour autant été épargnée par la vie.

Sa description du sexe fort est décomplexée, quasiment antimoderne, à minima traditionnelle. Sa chanson Super héros décrit avec une simplicité déconcertante son attrait pour ceux qui la dominent (raison pour laquelle une citation de cette chanson introduit un chapitre de mon livre, qui prend le contre-pied du néo-féminisme) : c’est l’inverse de l’homme « déconstruit », dénué de toute substance virile. Aya ne demandera jamais à son homme d’intégrer un stage pour se départir de sa « masculinité toxique » et c’est aussi pour cela qu’on l’aime. Dans le texte, Aya Nakamura, c’est l’anti Sandrine Rousseau.

Celle qui a appris à casser les portes

Dans ses textes, elle ne se confie pas uniquement sur ses considérations amoureuses : elle fait aussi le récit d’une prodigieuse ascension.

Aya nous raconte la détermination d’une femme malienne, qui naît dans un patriarcat africain, tout en bas de l’échelle sociale, qui a littéralement cassé les portes. Pour parler comme les sociologues, elle fait le récit d’une « transclasse », d’une destinée si rare qu’elle fausse les statistiques. Par l’affirmation d’elle-même, elle dépasse et surpasse son milieu, puis devient l’une des chanteuses les plus populaires en France, et l’une des Françaises les plus écoutées dans le monde. 

A l’international, Aya Nakamura est peut-être l’une des chanteuses les plus consensuelles : on l’écoute dans les bars à Tel Aviv comme à Beyrouth, à Ramallah comme à Damas. Car l’auteur de ces lignes l’a entendue fièrement plusieurs fois dans les boîtes israéliennes, en des temps fort fort lointains (avant le 7 octobre), et gesticulait avec ses bras à cause de la musique pour faire comprendre à ses amis locaux qu’ils entendaient là une chanteuse française. Alors bien sûr, on peut détester son argot, son style vestimentaire par certains aspects pornographique, sa façon de travailler la langue toute personnelle qui nous oblige, comme avec tous les artistes, à faire un effort pour pénétrer dans son monde.

(Pour commencer d’ailleurs, je suggère cette chanson, piano-voix)

Mais il demeure aussi pour beaucoup d’autres, mille raisons de l’aimer et de se reconnaître en elle, sans pour cela avoir à trémousser son derrière devant une caméra.

La terreur jusque sous nos draps

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Y’a pas moyen Aya!

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Le député Julien Odoul. DR.

Elle avance en majesté, toute drapée de tricolore. Elle fait vibrer les cœurs et les âmes sur cette place de la Concorde où la foule s’est pressée pour célébrer son Histoire et sa gloire. Elle est noire, elle n’est même pas française et pourtant, ce soir, cette nuit, pour l’éternité, c’est elle qui incarne la France avec éclat, élégance et panache. Le 14 juillet 1989, la chanteuse d’opéra américaine, Jessye Norman, clôture par une Marseillaise théâtrale, l’extraordinaire défilé-spectacle organisé pour le bicentenaire de la Révolution.

Jessye Norman est l’anti Aya Nakamura !

Fin février 2024, la presse révélait le souhait du président de la République de voir Aya Nakamura chanter Edith Piaf le temps de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Depuis cette annonce, la polémique ne cesse d’enfler et met en opposition deux visions de la France, de la chanson française, de notre langue et de notre culture.

Aya Nakamura – de son vrai nom Aya Danioko – est née à Bamako au Mali en 1995. Elle a immigré en France lorsqu’elle était enfant et a été naturalisée française en mai 2021. Incontestablement, elle est devenue en l’espace de quelques années l’une des artistes francophones les plus écoutées dans le monde.

Mais représente-t-elle la France pour autant ? Je ne le crois pas.

Que chacun prenne le temps d’écouter ou de lire et, dans la mesure du possible, de comprendre les paroles d’Aya Nakamura. Entre argot de banlieue, dialectes étrangers et mots inventés, nombreux sont ceux qui ne se reconnaissent aucunement dans cette nouvelle ère musicale et qui refusent, à raison, d’en faire partie.

Il ne s’agit pas de juger et de condamner son style et ses choix musicaux qui, après tout, n’engagent que les amateurs et les spectateurs. Aya Nakamura a bien évidemment le droit de gagner sa vie et de mener sa carrière comme elle l’entend, à l’instar des Bratisla Boys et de l’invraisemblable « Stach Stach » en 2002.

Le problème réside dans le symbole et le message politique qui accompagnent cette sélection pour représenter la France à l’ouverture de ses Jeux.

Aya Nakamura n’est pas seulement une « artiste ». Elle a été érigée en modèle par une partie de la nouvelle génération que j’ose qualifier d’apatride. Pour les pourfendeurs de la France, elle est l’ambassadrice de la lutte intersectionnelle par excellence, en tant que « femme noire revendicatrice », qui occupe désormais l’espace médiatique.

Sans jeter l’opprobre (et pas l’eau propre[1]) sur le profil et le parcours d’Aya Nakamura, chacun devrait avoir le droit d’émettre une critique et un doute sur la pertinence du caprice macroniste sans être qualifié de « raciste ».

Aya Nakamura ne serait ni la première ni la dernière artiste d’origine étrangère à représenter la France. Mais quelle légitimité lui accorder tant elle maltraite avec boulimie notre langue et notre culture ?

Dans une interview accordée à l’émission bobo-gaucho Quotidien le 12 mars dernier, la chanteuse expliquait qu’il y a « beaucoup de chansons d’amour, parce que j’aime l’amour ». On ose à peine imaginer à quoi ressembleraient ses morceaux si elle parlait de la guerre… Avant d’ajouter qu’un « tas de personnes parlent comme moi ». Le public acquiesce. Peut-être qu’il est là, le vrai problème.  

Pourquoi devrait-on s’infliger de mettre en avant une apôtre de la décadence linguistique et culturelle ? Pourquoi les Français devraient-ils accepter d’être représentés par une femme qui fait l’éloge de la vulgarité ?

La chanteuse Aya Nakamura au Salon Gustave Eiffel a Paris, le 14/02/2019 © LAURENT VU/SIPA Numéro de reportage: 00895088_000034.

Plus inquiétant encore, certains ministres se prêtent au jeu de la médiocrité. L’inénarrable Amélie Oudéa-Castera n’a pas raté l’occasion d’enfiler une nouvelle perle à son collier en chantant sa passion pour Aya. Interrogée sur la polémique au Sénat le 13 mars, la ministre de la culture, Rachida Dati, déplorait, elle, des « prétextes pour s’attaquer à quelqu’un par pur racisme ».

Notons qu’il y a quelques semaines, la ministre participait fièrement à l’émission DVM Show qui invite régulièrement le rappeur antisémite Freeze Corleone, actuellement sous le coup d’une enquête pour apologie du terrorisme.

En plus de ses chansons, Aya Nakamura enchaîne aussi sur ses réseaux sociaux les publications offensives et provocatrices, truffées de fautes d’orthographe. Quand on sait que près d’un élève sur trois ne sait pas lire correctement à l’entrée de la sixième, c’est un drame que d’encourager les jeunes à se convertir au « nakamurisme ». Dans l’une de ses saillies numériques, la chanteuse ose même la comparaison avec Edith Piaf qui se serait « réincarnée » en elle. La montgolfière est sur orbite !

Oui, la culture du vide s’est substituée à la culture tout court. Cette nouvelle génération n’aura pas eu la chance de grandir avec Mylène Farmer ou avec Dalida. Pour autant, ils sont nombreux encore à rejeter la folie déconstructrice en s’attachant à préserver notre héritage culturel.

Comme déclarait l’amiral Philippe de Gaulle le 1er novembre 2003 : « Il ne faut pas se laisser aller au déclin ». Précisément, plus de vingt ans après, il faut le combattre.


[1] NDLR https://www.lefigaro.fr/politique/assemblee-nationale-la-ministre-sarah-el-hairy-confond-opprobre-et-eau-propre-dans-l-une-de-ses-reponses-20240312

Sciences-po et notre canari

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© SERRES FABIEN DE / SIPA

Une étudiante juive affirme avoir été dénigrée, les islamo-gauchistes disent qu’elle voulait les prendre en photo pour les « afficher »


Une élève interdite d’amphi parce que juive ? Voilà l’antisémitisme dans toute son horreur, dans toute sa bêtise. Là où plus que partout ailleurs il devrait être combattu avec la dernière fermeté. Infernal paradoxe !

Comment en est-on arrivé là ? Comment l’institution formatrice de ce qui se prétend devoir constituer l’élite de la Nation a-t-elle pu sombrer dans ce magma de fiente ? La faute en revient d’abord à ce que je me permets d’appeler les consciences molles, ces élites, justement, atteintes d’une collective cécité de confort, délibérément entretenue, qui les exonère du devoir de voir ce qu’il y a à voir et qui, pourtant crève, les yeux : le lent et inexorable progrès de la décomposition ambiante. L’exclusion de cette étudiante parce que juive n’est pas seulement un épisode navrant, consternant, pitoyable. Il doit être considéré par nous tous comme le point d’orgue de cette décomposition en actes.

Oui, comment en est-on arrivé là ? On peut évidemment fourbir maintes analyses, maintes théories toutes plus savantes et sophistiquées les unes que les autres pour tenter d’expliquer les choses. C’est ce à quoi, d’ailleurs, nous assistons. Pour ma part, je m’en tiens à deux éléments. Le premier, la cécité évoquée plus haut, l’impéritie qui en est la conséquence. Le second, de loin le plus important en la circonstance, me semble-t-il, repose sur le constat que la déliquescence intellectuelle à laquelle nous assistons n’est en réalité que le corollaire, le prolongement de la déliquescence morale dont l’Institution a été le foyer, le haut lieu, le saint des saints, sous la direction, notamment, d’un Richard Descoings. La partouze pansexuelle en travaux pratiques et le relativisme échevelé appliqué aux mœurs en matière principale, coefficient 69. En effet, la déliquescence morale assumée, portée à un tel niveau ne pouvait générer autre chose que la décomposition mentale. Cela relève presque d’une loi de nature. Mais là encore les consciences molles se sont débinées devant le constat qui s’imposait à eux et les remèdes à prescrire. La partouze sexe n’était que le préambule de la partouze idée, évidence qu’ils ont voulu ignorer. Abolition de la rigueur intellectuelle, abolition du culte de la méthode, immolation du primat de la raison, négation des repères cognitifs. Plus rien. L’ébriété voluptueuse du vertige du vide. La baise cérébrale ad nauseam à la portée du premier crétin venu et la mutation de l’Institution en pandemonium pour petits singes à peine savants.

A lire aussi, Céline Pina: L’islamo-gauchisme de Sciences-po en passe de devenir une affaire d’État

Il reste le plus grave. La saloperie antisémite, l’exclusion de cette jeune juive parce que juive. Ignoble. Il conviendrait aussi que nos consciences molles prennent une bonne fois l’exacte mesure de ce que recouvre la répugnante résurgence de l’antisémitisme en France aujourd’hui. Autrefois, les mineurs de charbon emmenaient avec eux dans la profondeur des galeries de charmants canaris. Non pas tant pour leur joli plumage ou leur joyeux gazouillis mais parce que, en s’évanouissant dès les premières émanations de gaz, ils annonçaient l’imminence du coup de grisou, le drame absolu.

Pareillement, l’abject retour de l’antisémitisme auquel nous assistons doit être appréhendé par nous tous comme le signe annonciateur de terribles tragédies.

Ce qui court derrière cette résurgence, encore à bas-bruit mais à fond la caisse, est notre propre fin. Notre trépas civilisationnel, rien de moins. N’ayons aucune illusion sur ce point. Et notre canari lanceur d’alerte à nous est bel et bien cette jeune fille exclue. Aussi – et on me pardonnera de plagier ici le mot d’ordre wokiste, mais j’assume gaiement l’emprunt – Réveillons-nous ! Il n’est que temps.

Macron s’en va, clopin-clopant, en guerre en Ukraine

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Emmanuel Macron à la télévision, 14 mars 2024 © Jacques Witt/SIPA

En s’invitant sur TF1 et France 2 hier soir, le président de la République s’est livré à un très complexe exercice de pédagogie sur l’Ukraine, avant de s’envoler pour Berlin. En Allemagne, il compte sur Donald Tusk, le nouveau Premier ministre de la très inquiète Pologne, pour se rabibocher avec le chancelier Scholz. Analyse.


Ainsi le président de la République française, Emmanuel Macron, a-t-il tenté de justifier ce jeudi 14 mars 2024, lors d’un entretien en direct sur les deux principales chaînes de télévision de l’Hexagone, sa récente déclaration le 26 février dernier, à l’issue de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine, concernant le possible envoi de troupes militaires françaises sur ce même sol ukrainien. Un exercice de pédagogie qui s’est cependant bien vite révélé, dès les premiers échanges (dont une analogie bancale, et même contreproductive tant elle s’est finalement retournée contre son propre raisonnement, sur les positions « assises » ou « debout » de ses deux interlocuteurs), confus, contradictoire, mal assuré, approximatif, suscitant plus de questions qu’il n’a offert de réponses, et donc, au bout du compte, plutôt raté !

Logorrhée belliciste: une posture aussi maladroite qu’artificielle tant elle force le trait

La raison de cet étonnant mais lamentable fourvoiement intellectuel, tout autant que politico-diplomatique ? Le fait que M. Macron ne réussit pas à se dépêtrer de cette posture, aussi maladroite qu’artificielle tant elle force le trait, qui, il y a donc quelques jours seulement, lui fit déclarer de manière impromptue et improvisée, dans sa réponse élyséenne à un journaliste lors de la récente conférence de presse dédiée à cette aide à apporter à l’Ukraine, que la France était prête à envoyer des soldats sur le territoire ukrainien, précisément, si, d’aventure, la Russie l’emportait, dans ce conflit, sur le terrain. Et la machine guerrière, sa logorrhée belliciste tout autant que le péril qu’elle recèle intrinsèquement, de s’emballer aussitôt, dangereusement, aux quatre coins de la planète ! Ainsi n’a-t-on toujours pas compris, en substance, cette assertion, du même Macron, selon laquelle « la Russie ne devait pas gagner cette guerre ». Qu’est-ce à dire, en effet, concrètement, de manière plus précise, tangible et efficace ? Car, dans la réalité des faits, c’est bien la Russie qui, malgré la sincérité de notre soutien à l’Ukraine depuis le début de ce conflit, est en train de gagner, effectivement, sur le terrain !

À lire aussi, Gil Mihaely: Guerre en Ukraine: ne vous laissez pas berner par les Russes!

Davantage : il est même fort probable, au train où vont les choses (dont notre propre faiblesse militaire aussi bien que le retrait progressif des États-Unis d’Amérique de ce champ de bataille) et compte tenu surtout de la disproportion des forces en jeu (la terrible puissance russe face à la vaillante mais désormais précaire résistance ukrainienne), que la Russie finisse par gagner, qu’on le veuille ou non, définitivement.
Alors quoi, si l’on suit, à la lettre, la logique macronienne, qui, du reste, n’est toujours pas claire ? La France, dans ce malheureux mais réaliste cas, va-t-elle véritablement entrer en guerre contre la Russie ? Au risque, face à ces deux puissances nucléaires, de faire exploser dès lors, sinon la terre entière, du moins notre bonne vieille Europe, avec, dans ce carnage qui s’avérera ainsi d’une ampleur inédite, des centaines de millions de morts ?

Les mots « négociation » et « diplomatie » ont disparu

Mais il y avait pire encore, si cela est possible, dans cette mauvais charpente argumentative d’Emmanuel Macaron lors de ce pitoyable entretien télévisé de ce 14 mars : jamais les mots de « négociation » ni même de « diplomatie » n’y ont été ouvertement prononcés, sinon par rapport à de vagues, vains, anciens et dérisoires pourparlers, hélas, d’il y a plusieurs mois déjà ! Au contraire : ceux qui optent aujourd’hui pour la paix, pourtant seule solution rationnelle dans cet horrible conflit, y ont été traités, par ce même Macron, de « défaitistes », sinon implicitement, telle l’outrageuse conséquence d’un très malhonnête, injuste et fallacieux procès d’intention, de « complices », à l’instar du funeste esprit munichois d’autrefois, de la dictature poutinienne (ce qu’elle est, nul ne peut objectivement en douter, en effet, pour le malheur et triste sort des Russes eux-mêmes) ! Diantre ! Emmanuel Macron, soudain pris lui aussi d’un inapproprié prurit manichéen, aurait-il soudain perdu là, parce que la situation l’arrange en cette pénible circonstance, son légendaire sens de l’ « en même temps », comme si l’on ne pouvait à la fois soutenir l’Ukraine, dans son très légitime droit à la défense de sa souveraineté nationale tout autant qu’à la préservation de ses frontières internationales, et œuvrer, parallèlement, en faveur de la paix avec la Russie ?

Préférer une paix raisonnée à une guerre insensée ?

Privilégier une paix raisonnée, nuance oblige, plutôt qu’une guerre insensée, où tous seraient dramatiquement perdants, c’est ce que les authentiques humanistes, pour qui l’intelligence du cœur vaut également principe de raison, réclament très sincèrement, et sans pour autant verser dans je ne sais quelle indigne capitulation. Car, de fait, il y a bien un agressé, l’Ukraine, et un agresseur, la Russie.

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Une entourloupe majeure

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Paris, 12 novembre 2024 © ISA HARSIN/SIPA

Racisme, antisémitisme et «islamophobie» : la trilogie infernale


Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, au sortir d’une réunion avec le président Macron et d’autres représentants des cultes, avait dit qu’il serait bien allé à la manifestation contre l’antisémitisme dimanche 12 novembre si… elle s’était appelée autrement. En somme, s’il ne s’était pas agi de l’antisémitisme. Il a ajouté qu’il aurait fallu appeler à manifester contre le racisme. Là, il aurait fait le déplacement. De son côté, Nathan Devers, sur CNews, déplorait dernièrement la parcellisation des luttes en privilégiant une lutte plus globale. Oui, mais laquelle ?

Critiquer le concept d’islamophobie, il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes…

Le recteur de la Grande Mosquée, avec tout le respect que je dois à sa fonction, noie le poisson. Le judaïsme n’étant pas une race mais une religion, au même titre que l’islam d’ailleurs, le racisme invoqué n’a pas de sens. D’autre part, je comprends le peu de goût qu’éprouve Nathan Devers pour ce qu’on appelle aujourd’hui l’intersectionnalité et qui vous décompose les luttes contre toutes sortes de discriminations jusqu’au vertige (voir ci-dessous l’affiche trouvée dans la rue et qui m’a obligée à aller voir sur Google ce que pouvait signifier « validisme » ; une discrimination envers les invalides. Et dire que la manifestation contre l’antisémitisme a commencé là et qu’on aurait pu en profiter pour faire d’une pierre deux coups : contre l’antisémitisme et pour les invalides ! Ce qu’on est bête, alors!), je le comprends mais pas pour tout. Ainsi, la fameuse lutte contre « le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie » dont on nous rebat les oreilles, est une trilogie infernale.

C’est d’ailleurs de n’avoir pas voulu de cette association de mots qu’un professeur de Sciences-Po Grenoble s’était retrouvé « cloué au pilori ». Car cette association pose effectivement d’énormes problèmes. D’abord, on a le sentiment que les deux premiers mots que l’Histoire a prouvés servent d’appui, voire de caution au benjamin de la troupe : l’islamophobie. Des noirs sont morts d’être noirs dans certains pays du monde, des juifs sont morts d’être juifs en Europe mais aussi ailleurs. Mais les musulmans ? Depuis quand meurent-ils parce que musulmans dans nos contrées ?

Malaise, Blaise

Du coup, on éprouve nécessairement un malaise devant ce mot d’ « islamophobie » qui prétendrait, en quelque sorte, au même statut que les autres. On sent bien qu’on utilise historiquement les deux premiers pour donner une assise « historique » au dernier ; ce qui équivaut à une instrumentalisation profondément immorale des tragédies vécues par d’autres et à une torsion de l’Histoire.

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Ensuite, ce slogan qui met tout dans le même sac, histoire que la confusion soit totale, interroge quant au racisme d’aujourd’hui. Notre époque a vu naître des personnes « racisées » qui détournent le sens ancien de ce terme pour asseoir un « nouveau racisme », un racisme revendiqué en quelque sorte. Car dès lors qu’on pense en termes de race, on devient nécessairement raciste. Alors, que peut signifier la lutte contre le racisme brandie par des gens s’inspirant de la notion de race pour se désigner et désigner les autres ?

Je me souviens, à ce propos, d’une élève d’origine congolaise me racontant comment elle avait été ostracisée durant toutes ses années de lycée car elle avait eu le malheur de s’intéresser au théâtre, à la philosophie, à la littérature ; bref, à la culture européenne et française. Des jeunes filles noires lui disaient « qu’elle trahissait sa race ». Donc, lutter contre le racisme avec ceux-là mêmes qui le réinventent devient un véritable casse-tête chinois…

J’en viens à présent à l’antisémitisme casé entre les deux autres et dont on a le sentiment qu’il a intérêt à se tenir tranquille et à sa place. Je ne peux me défaire d’une impression très gênante que ce mot est là pour faire bonne figure ; qu’on lui fait jouer un rôle. Parce que tout de même, l’antisémitisme d’aujourd’hui vient essentiellement de l’islamisme et des dits « racisés ». Lorsqu’une célèbre indigéniste se fend d’un ouvrage intitulé Les Blancs, les Juifs et nous, on est en droit de se demander comment on peut lutter contre l’antisémitisme avec des gens qui le pratiquent.

Enfin, l’islamophobie, née avec le siècle et qui profite de ce suffixe pour confondre toute critique légitime d’énoncés ou de comportements avec une phobie quelconque ; ce qui a pour but d’empêcher toute interrogation à son sujet en rabattant celle-ci sur les personnes ; les musulmans en l’occurrence, elle est précisément brandie pour interdire toute discussion démocratique au nom d’une mise en danger imaginaire.

Le monde à l’envers

Résumons-nous : je suis censée lutter contre le racisme avec des racisés nécessairement racistes puisque pensant en termes de races ; combattre l’antisémitisme avec des gens le pratiquant sans vergogne et enfin, mettre à mal une prétendue islamophobie avec des personnes confondant des questions parfaitement légitimes concernant une religion quelle qu’elle soit, et sa pratique dans un pays, avec un soi-disant rejet.

Où l’on voit  donc que cette association relève quasiment de l’association de malfaiteurs, qui vous embrouille les notions au nom des bons sentiments et de la posture vertueuse. Il y a des limites au principe de non-contradiction ; il y a donc des limites à une intersectionnalité qui se fiche du monde.

Tu veux ou tu veux pas?

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DR.

Emmanuel Macron veut inscrire la notion de consentement dans la définition juridique du viol. Une fausse bonne idée.


Bien sûr, ce n’est pas fait. Mais le président a évoqué cette possibilité avec l’association féministe Choisir la cause des femmes, le 8 mars : « Que le consentement puisse être inscrit dans le droit français, je l’entends tout à fait ».

Aujourd’hui, voici la définition du viol telle qu’elle apparait dans le Code pénal : « Tout acte de pénétration sexuelle, ou bucco-génitale commis par violence, contrainte, menace ou surprise ». Pour les ligues de vertu féministes, c’est évidemment insuffisant. Elles veulent que la France imite l’Espagne et la Suède, pays où tout acte sexuel non précédé d’un accord explicite est considéré comme un viol.

Une abomination juridique

De mon point de vue, il s’agit d’une abomination juridique. C’est mettre une épée de Damoclès sur la tête des hommes. On pourra toujours revenir sur ce consentement, dire qu’il n’était pas vraiment éclairé. J’ai dit oui, mais j’avais bu. J’ai dit oui, mais j’étais sous « emprise ». Cela donne aux femmes la possibilité de requalifier en viol n’importe quelle relation. Donna e mobile.

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Cette conception des femmes victimisées les fragilise. Les pauvres malheureuses se retrouvent avec un homme sans l’avoir choisi, et cèdent sans l’avoir voulu. Attention : cela arrive. Dans l’acception classique du viol, un type qui force une femme (l’inverse est plus rare), cela existe. Mais avec ce consentement réversible, une femme qui fait l’amour avec son mari parce qu’il insiste un peu pourra déclarer le lendemain qu’il l’a violée – surtout si elle veut la garde des enfants.

Vers la fin du marivaudage

Mais il faut bien des règles ! dit-on. Oui, mais ces règles existent. Violence, contrainte, menace ou surprise. Et en plus, en dehors de ces cas, ce qui n’est pas refusé est autorisé. Quand une femme dit non, c’est non! Tant pis pour celles qui disent non en pensant oui, ça c’était avant, quand on pouvait marivauder…

L’exigence du consentement explicite élimine l’ambiguïté consubstantielle aux relations humaines, particulièrement sexuelles. Croyez-vous franchement que toutes les femmes veulent exprimer clairement leurs désirs avant de faire l’amour ? Que les timides ou les complexés demanderont à leur dulcinée: « la pénétration, c’est OK, peux-tu signer là ? » Il est en réalité effrayant d’imaginer ce que cette exigence de consentement peut donner dans la vie réelle.

Derrière cette demande d’extension infinie du domaine du viol, il y a une terrifiante volonté de normalisation de l’intime. Exiger un consentement explicite avant tout acte sexuel, c’est laisser le législateur entrer dans les alcôves, s’immiscer dans le jeu tortueux des sentiments et des désirs.

La loi établit déjà ce qui est interdit. Elle n’a pas à ériger des règles positives sur notre comportement privé. Nous n’avons pas besoin d’un Code de la séduction.

Avec le projet d’aide à mourir, l’Etat déjà prétend domestiquer Thanatos, alors pitié qu’il nous laisse nous débrouiller avec Eros.


Cette chronique a d’abord été diffusée dans la matinale de Patrick Roger sur Sud Radio

L’islamo-gauchisme de Sciences-po en passe de devenir une affaire d’État

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© Antoine Chereau

On savait la prestigieuse école déjà minée par les thèses à la mode du wokisme, du néoféminisme ou de la théorie du genre… L’opinion, qui découvre avec effroi ce matin qu’une salle a été bloquée mardi par des militants propalestiniens, et que des propos « inqualifiables » (selon Emmanuel Macron) ont été tenus à l’encontre d’une étudiante de l’UEJF, attend des sanctions. L’extrême gauche minimise les incidents.


À Sciences-po Paris, l’antisémitisme se porte décomplexé, la cause palestinienne permettant visiblement que s’exprime librement la haine des Juifs. C’est ainsi que, soi-disant pour attirer l’attention sur Gaza, le principal amphi de l’école a été occupé par des associations d’extrême-gauche propalestiniennes mardi 12 mars. Cela n’a rien changé à la situation sur place, mais a permis d’ajouter de nouveaux actes antisémites à ceux qui se sont multipliés dans notre pays. À Sciences-po, c’est notamment une étudiante qui a été empêchée d’entrer dans l’amphithéâtre parce que Juive et une association juive qui a été verbalement attaquée.

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Inquiétante lâcheté

Face au scandale, la direction de l’école s’est fendue d’un communiqué. Où elle réussit à mettre en scène une indignation de façade qui évite soigneusement de nommer les choses et de regarder la réalité en face. Ainsi l’étudiante juive est devenue « un membre de la communauté étudiante », les propos antisémites ont été transformés en « propos accusatoires », et pour éviter de mentionner que l’Union des Étudiants Juifs de France a été ciblée, elle est évoquée en tant que « association étudiante en particulier ». Qu’en termes galants ces choses-là sont dites ! et comme l’antisémitisme en est rapidement évacué ! Une telle lâcheté n’a pas manqué de faire réagir les internautes et une version corrigée de ce communiqué de presse honteux a circulé sur X, biffant les mentions hypocrites pour mieux restituer la dimension antisémite de l’affaire.

Une école à la dérive

Mathias Vicherat. DR.

Et voilà qu’on apprend mercredi 13 février la démission du directeur de Sciences-po, Mathias Vicherat. J’avoue avoir pensé avec étonnement que pour une fois, un enfant gâté de la technocratie triomphante prenait ses responsabilités et, face à un tel échec, assumait sa perte. Mais pas du tout, l’homme ne démissionne pas parce qu’il se sent concerné par l’antisémitisme décomplexé qui s’exprime dans une école censée former l’élite du pays, mais pour des questions personnelles, lui et sa femme étant soupçonnés de violences conjugales. Le directeur est visiblement autant à la dérive que son école.

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En revanche, le gouvernement, lui, a parfaitement réagi. Aurore Bergé, qui a toujours montré du courage sur ces questions, a été limpide : « Ce qu’il s’est passé a un nom : l’antisémitisme. Demander le nom des gens, les filtrer à l’entrée, assimiler leurs noms à la politique du gouvernement israélien… C’est insupportable et illégal. Rien ne le justifiera jamais ». Du côté de Jean-Luc Mélenchon, aucune surprise. L’insoumis, dont les dérapages se multiplient, ressemble de plus en plus à Jean-Marie Le Pen et passe à deux doigts du « point de détail de l’histoire » en parlant d’un « incident dérisoire » et en citant copieusement Rima Hassan, l’activiste qui n’est pas la dernière à semer la haine des Juifs au nom de la cause des Palestiniens.

Palestiniens instrumentalisés

Or ce qui vient de se passer est inquiétant. À Sciences-po, on est censé faire notamment du droit et de l’histoire et à un niveau d’excellence. Or la cause palestinienne telle qu’elle est utilisée pour radicaliser les populations musulmanes en Europe est souvent imprégnée par une lecture islamiste. Longtemps les pays et sociétés arabes furent indifférents au sort des Palestiniens. Cela jusqu’à ce que les Frères Musulmans fassent de l’existence d’Israël une forme de blasphème, et de sa destruction un fiqh, une obligation sacrée s’imposant à tout membre de l’Oumma. Mais même pour ceux qui ne connaissent pas cette histoire, la façon dont la cause palestinienne est instrumentalisée s’avère souvent grossière. Elle se résume à une falsification historique destinée à nourrir ressentiment et haine. L’essentiel n’est pas d’améliorer la situation des Palestiniens : ils sont bien plus utiles malheureux. Il s’agit avant tout de réussir une alchimie délicate visant à transformer les Juifs en Nazis, les éternels persécutés en bourreaux. Et pour cela aucune outrance n’est interdite.

Effondrement

En convaincre des populations acculturées, peu éduquées, qui appartiennent à une sphère arabo-musulmane où l’antisémitisme est culturel n’est pas très compliqué et explique pourquoi un crime contre l’humanité commis contre des Juifs a alimenté en Europe une explosion antisémite : on a assisté à un phénomène de décompensation culturelle chez certains où la violence tribale du pays d’origine a primé sur le respect des normes sociales européennes et de la légalité. Le signe ne devrait pas être pris à la légère. Mais lorsque l’entrisme se manifeste dans les lieux de formation de l’élite, comme Sciences-po et qu’il remet au goût du jour l’antisémitisme le plus abject, que la direction de l’école soit incapable de réagir dit notre effondrement moral.

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Ainsi dans une école où on devrait savoir ce qu’est un crime contre l’humanité, ce que signifie le retour des pogroms, le 7 octobre, semble n’avoir ébranlé que peu de consciences et la question du retour du crime contre l’humanité n’a guère intéressé. En revanche, dans cette même école, on n’hésite pas à expliquer qu’il y a un génocide à Gaza et à occuper un amphi pour le dénoncer, alors même que cela est parfaitement faux.

Gabriel Attal déclenche l’article 40

Même si ce qui s’est passé dans cette école ne relevait pas du pénal, de telles lacunes dans la formation des étudiants mériterait une sérieuse reprise en main. Mais justement, ce qui s’est passé relève du pénal. Voilà pourquoi l’article 40 a été déclenché par le Premier ministre. Cet article oblige les autorités à saisir la justice en cas de crime ou de délit dont elles ont connaissance. Mercredi en fin de journée, Sciences-po a déclaré avoir également saisi le procureur de la République au titre de l’article 40.

L’opinion espère le renvoi des fauteurs de troubles islamo-gauchistes

Espérons que cette saisine n’empêchera pas l’école de faire le ménage qui lui incombe, déjà en arrêtant de se prendre pour un campus américain multiculturaliste où on « gère des communautés étudiantes » et où les professeurs semblent terrorisés par leurs élèves. Ensuite en sanctionnant durement les élèves qui ont organisé cette occupation et ceux qui ont participé au filtrage et tenu des propos antisémites. Un renvoi en bonne et due forme, manu militari, aurait des vertus d’exemplarité inédite.

Selon la jeune fille refoulée à l’entrée de l’amphi et qui a témoigné dans le Parisien, il y a bien un climat antisémite à Sciences-po, mais il serait le fruit d’une minorité. La majorité désapprouverait mais laisse faire et l’ambiance s’en ressent. Sciences-po serait donc devenue une allégorie du bruit des pantoufles des élites comme réponse au bruit des bottes des fanatiques. Quoi qu’il en soit, ce que cette affaire dit d’une école censée former ceux qui nous dirigent ne donne pas envie d’être menés par cette élite-là.