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Suicide économique, mode d’emploi

Chaque mois le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.


La palme des idées économiques les plus stupides du mois n’est pas difficile à décerner. Sébastien Lecornu et Yaël Braun-Pivet sont de loin les grands gagnants. Commençons par la présidente de l’Assemblée nationale, qui veut encore augmenter la taxation des héritages, voire les supprimer carrément ! « Le truc qui vous tombe du ciel, à un moment ça suffit », a-t-elle déclaré le 15 octobre sur France 2. Pas étonnant que Philippe Aghion, le prix Nobel d’économie 2025, qui préfère la croissance à l’impôt, soit « atterré par le niveau intellectuel et économique de certains députés qui ne comprennent rien à l’économie, ne s’informent pas, ne lisent pas », comme il l’a confié lors de son audition devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 28 octobre. Il n’a pas tort. Tous les élus du Palais-Bourbon qui brocardent à longueur de séance les « ultra-riches », comme ils les appellent, ne parlent jamais, par exemple, des 36 joueurs de football de la Ligue 1 figurant dans la liste des 100 salariés les mieux payés de France (il faut, selon l’Insee, gagner plus de 312 458 euros par mois pour rentrer dans ce club) ! Avec de tels démagogues à la tête du pays, parmi lesquels il convient bien sûr de citer Emmanuel Macron (huit ans de pouvoir au compteur) et Bruno Le Maire (sept ans à Bercy), on comprend pourquoi nos finances publiques affichent un bilan si calamiteux. Pour se rendre compte de l’étendue de la catastrophe, il faut se rappeler qu’en 1958, année désastreuse qui marqua la fin de la IVe République, notre endettement s’élevait à 75 % du PIB. Dès qu’il entra à Matignon, de Gaulle demanda à Antoine Pinay de lui résumer la situation : « Sur tous les postes à la fois, nous sommes au bord du désastre », répondit le nouveau ministre des Finances. En 2025, notre dette publique est proche de 120 % du PIB. C’est presque deux fois pire.

Autre bonnet d’âne économique du mois : Sébastien Lecornu, qui est devenu à lui tout seul une véritable usine à inventer de nouvelles taxes. Le budget qu’il a présenté comprend 40 milliards d’euros d’impôts et 30 milliards de dépenses supplémentaires. À cela s’ajoute la honteuse capitulation/suspension sur les retraites. Emmanuel Macron l’a acceptée en échange de sa survie à l’Élysée. Ce n’est pas trop grave, puisque cela fait trente ans qu’on essaye sans aucun succès de réformer les retraites : Balladur en 1993, Raffarin en 2003, Fillon en 2010, Ayrault en 2014, Philippe de 2017 à 2020, Borne en 2023 et Bayrou avec son conclave en 2025.

La transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive est un dispositif que personne à Bercy n’aurait osé imaginer tellement il est stupide. Rappelons que l’amendement a été déposé par Jean-Paul Matteï, élu du Modem, et voté par le Rassemblement national… Il a même été question d’inclure dans la base imposable les fonds Euro des contrats d’assurance-vie, alors qu’il s’agit d’une machine à absorber les emprunts émis par l’État français ! On est bien en présence de mesures irréfléchies votées à la va-vite et uniquement par idéologie et populisme. Tous ceux qui se sont donné la peine de comprendre comment fonctionne l’économie savent bien qu’en dehors de l’or, du bitcoin et de ses dérivés, il n’existe pas d’épargne improductive. La quasi-totalité des placements des Français sont enregistrés sur des supports constitués d’obligations, d’actions et d’immobilier, c’est-à-dire d’actifs ayant un lien avec l’économie réelle, les services publics, les entreprises et la construction. La logique d’une écrasante majorité de nos politiciens est pourtant claire : taxer plus pour dépenser plus et s’endetter plus. Pendant ce temps, la Grèce, l’Italie et le Portugal se redressent. Pas la France. À force d’assistanat généralisé et d’étouffement de l’initiative individuelle, on peut se demander si nos gouvernants ne cherchent pas à faire ressembler la France au Venezuela, ce pays si riche et pourtant ruiné par le socialisme et la coupure avec la réalité. À Caracas, l’incapacité, depuis vingt ans, à maîtriser la dette a eu pour effet de détruire l’État et de jeter la population dans la misère. L’esprit d’arrogance de nos dirigeants et leur aveuglement devant les réalités rappellent terriblement les funestes Nicolas Maduro et Hugo Chávez.

La France insoumise (LFI) trouve pourtant que le budget présenté au Parlement est trop austère ! Pour Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, il faut absolument « développer la résistance populaire et parlementaire pour lutter contre ce budget cruel ». Son parti prône, excusez du peu, 168 milliards de dépenses nouvelles, qu’il propose de faire financer par les « ultra-riches », c’est-à-dire les footballeurs et les grandes entreprises. C’est la grande idée de l’économiste Gabriel Zucman, soutien de Jean-Luc Mélenchon. Une idée qui a ressuscité en quelques jours seulement la lutte des classes dans notre pays, et qui est plébiscitée par 86 % des Français, selon un sondage IFOP, y compris chez les sympathisants de droite. Cela montre une fois de plus à quel point nos compatriotes sont sous-éduqués en matière économique. Vous avez dit suicide économique, moral et politique ?

À l’exception du pétrole qui baisse partout sauf dans les stations-service, toutes les valeurs de marché ont monté depuis le début de l’année. Même si la Bourse de Paris, qui culmine dans ses plus hauts historiques, reste à la traîne par rapport à Francfort. Les alarmes retentissent cependant partout : avec l’afflux de liquidités, le développement exponentiel des investissements dans l’intelligence artificielle et l’explosion des cryptomonnaies « stables », n’est-on pas en train de voir se constituer une bulle spéculative ? Maigre consolation, tandis que la France est en proie à l’instabilité et croule sous les dettes, les grandes entreprises tricolores cotées vont bien. La raison est simple. Comme elles sont bien gérées, elles réalisent l’essentiel de leur activité en dehors de notre pays.

Fachorama sous le sapin, « Historock » au pilori!

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Dans notre drôle de pays, la haine antiflic est autorisée, tandis que l’histoire de France est censurée, déplore Isabelle Marchandier.


La Horde récidive ! Après Antifa, le jeu, présenté en 2022 comme un « jeu coopératif » mais qui était en réalité un manuel d’initiation aux méthodes des black blocs (perturber des meetings, bloquer des expulsions, agir masqué et vêtu de noir et autres joyeusetés) voici Fachorama, un jeu des « sept familles » rigolo et repensé pour cibler tout ce que le collectif range dans « l’extrême droite », avec en ligne de mire l’institution régalienne par excellence: la police.

Trop cool

Les noms ne sont pas cités, mais les caricatures sont transparentes : Éric Zemmour devient « le polémiste islamophobe », Marine Le Pen « l’héritière populiste », les catholiques « les réactionnaires anti-IVG »… et les policiers écopent d’une carte infamante: « flic raciste de la BAC ». Chaque carte devient ainsi une cible symbolique.

Comme Antifa, le jeu, Fachorama est vendu à la Fnac et sur Amazon. À croire que l’argent n’a pas d’odeur lorsqu’il s’agit de combattre l’extrême droite, pour ces militants qui portent en bandoulière leur anticapitalisme radical mais n’hésitent pas à transformer leur doctrine en produit de consommation marketé. Derrière le jeu, le message implicite est limpide : jouer aux antifas, c’est tendance; et la haine antiflic, c’est cool.

A lire aussi, Eric Zemmour et Mgr Rougé: La crosse et le réséda

Imaginons un instant un « sept familles antiwoke » édité par le Puy du Fou : Sandrine Rousseau en « écoféministe misandre », Mélenchon en « tribun immigrationniste », Barthès et Lucet en « propagandistes progressistes », Rima Hassan en « militante antisioniste », et LFI en « parti du grand remplacement ». Un tel jeu serait retiré des rayons en vingt-quatre heures, déclenchant tribunes indignées, manifestations antifas, sermons médiatiques dans Libération et Télérama et les éternels anathèmes sur « les heures les plus sombres de notre Histoire ». Le chaos serait, bien sûr, toléré au nom de la lutte contre le retour du péril brun. Mais lorsqu’il s’agit de viser la droite, l’Église ou la police, tout devient soudain « pédagogique ». L’immunité morale de l’ultragauche reste totale.

Pendant ce temps

Et pendant ce temps, un spectacle historique pour enfants est… censuré. À Montrouge, Historock, opéra rock retraçant dix-sept grandes étapes du récit national (de la construction des cathédrales au général de Gaulle) a été annulé pour « propagande réactionnaire ».

Pourtant, aucune consigne politique, aucun slogan n’est martelé pendant le spectacle : ce sont simplement de grandes figures et des moments de l’histoire de France qui sont mis en scène, sous la direction pédagogique de l’historien Dimitri Casali et avec le parrainage de l’académicien Jean Tulard, à destination d’élèves de CM1-CM2.

Dans un pays où l’enseignement chronologique disparaît et où le niveau scolaire s’effondre, l’initiative était salutaire : redonner aux enfants le goût d’une continuité historique que l’école ne transmet plus, à travers une mise en scène rock’n’roll. Mais c’est justement ce qui dérange : la chronologie est désormais perçue comme un retour du « roman national », donc suspecte, voire raciste. Résultat : annulé !

En France, on peut offrir à un adolescent un jeu qui insulte les policiers, mais pas un spectacle qui raconte l’histoire de son pays. On célèbre la haine antiflic, mais on interdit l’histoire de France.

Un pays qui se méfie de son passé finit toujours par se renier lui-même.


Fachorama, 13 €

https://www.historock.com

Fachorama

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Canada: offensive législative d’envergure contre la haine

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Au Canada, la fin de « l’exception religieuse » dans la poursuite des discours haineux ne sera pas sans conséquences – et n’est peut-être pas indispensable selon notre chroniqueur.


La haine est fille de la crainte.
Tertullien.

Un peu de mépris épargne beaucoup de haine.
Jacques Deval.

La haine renfermée est plus dangereuse que la haine ouverte.
Denis Diderot.


Nul n’est prophète en son pays. Il fallait donc que l’esprit voltairien se concrétisât aux États-Unis, pays qui est devenu la lumière des nations en matière de liberté d’expression, laquelle est consacrée et protégée, non pas dans n’importe quel amendement de la Constitution, mais, quel symbole, dans le tout premier. Après l’indépendance, on a eu le sens des priorités. Comme le constate de manière indéfectible la Cour suprême américaine, ce texte ne fait aucune exception pour les discours dits « haineux ». Grosso modo, les seules limites sont les menaces et la diffamation visant des personnes spécifiques et le risque de trouble imminent à l’ordre public.

Le Canada constitue bien une société distincte en ce que son Code criminel (suivant peut-être l’exemple français) sanctionne non seulement le négationnisme, mais les discours haineux et incitations de toutes sortes, sauf le moyen de défense suivant (l’exception religieuse) :

« [L’accusé] a, de bonne foi [le mot est bien choisi!], exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument ».

On a dénoncé une lacune dans la loi pénale canadienne que le Parlement canadien vient de combler en abolissant cette exception.

Il est utile de rappeler les événements qui sont à l’origine de cette modification.

A Montréal, l’imam autoproclamé Adil Charkaoui a prononcé des discours en octobre 2023 au cours de manifestations propalestiniennes. Voici (en v.f.) un extrait de son éloquence : « Allah, charge-toi de ces agresseurs sionistes. Allah, charge-toi des ennemis du peuple de Gaza. Allah, recense-les tous un par un puis extermine-les, et n’exclus aucun d’eux ! » (la v.o. n’est malheureusement pas disponible).

D’une part, d’aucuns virent en lui un « extrémiste » appelant « à exterminer les juifs ». D’autre part, l’intéressé a onctueusement répliqué qu’il s’agissait d’un appel à Dieu, et que n’a jamais été prononcé le mot « Juif ».

Au final, nulle poursuite ne fut engagée contre lui. Voici le sybillin communiqué du ministère public :

« la preuve ne permet pas de prouver hors de tout doute raisonnable que les paroles prononcées constituent de l’incitation à la haine à l’endroit d’un groupe identifiable au sens de la disposition du Code criminel applicable, considérant l’interprétation qui en est faite par les tribunaux »

Ce texte vise :

« Quiconque, par la communication de déclarations en un endroit public, incite à la haine contre un groupe identifiable, lorsqu’une telle incitation est susceptible d’entraîner une violation de la paix ».

(Incidemment, on se demande comment l’enquête a pu être aussi chronophage (environ 8 mois) vu que la réponse était évidente au bout de quelques minutes, après simple lecture des textes au regard des faits, qui étaient constants).

Décryptage.

On peut supposer que les procureurs ne sont pas éternisés à envisager un délicat débat d’« identification » politico-sémantique concernant les termes « juifs » et « sionistes », et leur possible chevauchement. Il est permis de conjecturer que la solution fut encore plus simple.

M. Charkaoui rappelle, avec pertinence, qu’il s’est alors borné à adresser sa supplique (qui ne pèche pas par excès d’humanisme) au seul Allah. S’en offusquer, c’est prendre au sérieux un délire qui relève plus de la psychiatrie que du droit pénal; c’est là accorder un peu trop d’importance audit Allah, tant sur le plan de son existence que de ses pouvoirs ou de sa volonté d’intervention sur terre. (La situation eût pu être différente s’il avait lancé un appel aux séides (de chair et surtout de sang) d’Allah à perpétrer des actes de violence). Au minimum, en l’espèce, une « violation de la paix » était tout simplement inconcevable et des accusations ne pouvaient tenir la route plus de cinq minutes.

Le communiqué des procureurs est évasif, mais il est fort probable que l’exception religieuse n’a même pas joué dans cette affaire : on évoque « la » disposition, au singulier, du Code criminel applicable et son interprétation jurisprudentielle. Le serviteur d’Allah en cause n’a exprimé aucune opinion, de bonne ou de mauvaise foi, sur un quelconque sujet religieux, même s’il a invité son Créateur, par sa prière adressée directement à ce dernier, à châtier des mécréants, une démarche sans conteste religieuse (qui s’inscrit dans une respectable tradition plus que millénaire), d’où l’équivoque. Mais qu’importe? Cette confusion, savamment entretenue dans les milieux politiques a… incité le législateur à agir à cet égard. Cependant, il s’aventure ainsi dans des sables mouvants.

Le chef de l’opposition conservatrice, Pierre Poilièvre voit, correctement, dans cette mesure une atteinte plus générale à la liberté d’expression et à la liberté de religion : le nouveau texte « criminalisera des passages de la Bible, du Coran, de la Torah et d’autres textes sacrés ». La réponse outragée du ministre fédéral de la justice Sean Fraser? Il « n’empêchera en aucun cas, à mon avis (sic), un leader religieux de lire ses textes sacrés. Il ne criminalisera pas la foi et, selon moi, suggérer (en v.o., « soutenir » en v.f.) le contraire revient à dénaturer les valeurs défendues par les grandes religions du pays et du monde entier ».

Quelques mots sur ces valeurs.

Il faut inviter le ministre à (re)lire, par exemple, dans l’Ancien Testament, le livre de Josué, un chef d’œuvre en matière d’extermination ordonnée et planifiée. Il n’est plus vraiment d’actualité vu que les Amalécites se font rares au Proche-Orient, encore que certains millénaristes israéliens d’idéologie catégoriquement préhellénistique, y voient une possible source d’inspiration au sujet d’une population plus contemporaine. Par contre, la malédiction visant les juifs déicides (sionistes ou non), prônée par les Evangiles (surtout johannique) depuis deux mille ans, y est toujours bien exposée, même si le concile de Vatican II a décrété une trêve en 1965.

(Petit florilège des enseignements attribués à un (in)certain Yehochoua de Natzrat : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison… Celui qui n’est pas avec moi est contre moi…   Le blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné… Quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir, etc. ». On trouvera de nombreux autres messages d’amour du prochain du même acabit, sténographiquement consignés, en compulsant le Nouveau Testament, en vente dans toutes bonnes librairies).

La lettre de la nouvelle loi canadienne réfute donc clairement les rassérénantes déclarations du ministre. Cela dit, la panique n’est pas de mise pour le croyant et le clerc ordinaires : en pratique, ils pourront, la plupart du temps, compter sur la circonspecte cécité des forces de l’ordre, sous réserve de poursuites sélectives, toujours possibles (les juges seront alors appelés à trancher de subtils points de théologie…). Quant aux auteurs mêmes de ces textes, ils sont évidemment hors de portée depuis de nombreuses lunes, expiant leurs péchés pour l’éternité dans les marmites infernales.

Retenons surtout que la nouvelle loi n’a aucune incidence sur la rhétorique Charkaouesque. Tout ça pour ça. (L’obstination de Pierre Poilièvre à réclamer l’emprisonnement du tribun – une manie chez lui, comme le sait Justin Trudeau – révèle une sinistre et incohérente malhonnêteté intellectuelle). Encore que le législateur canadien a quand même fait œuvre utile en donnant une éclairante et bien nécessaire définition de la « haine » : « sentiment plus fort que le dédain ou l’aversion et comportant de la détestation ou du dénigrement‍ ». On comprend nettement mieux maintenant. Dissuasion assurée pour les Charkaoui.

Sur le plan des principes, le législateur canadien, et français, seraient bien avisés de s’inspirer de l’esprit américano-voltairien et, au lieu d’en faciliter la diffusion et le retentissement, de traiter par un silence méprisant les psychoses, « codées » ou non, que les vociférants gourous puisent dans la lecture littérale de légendes et symboles conçus il y a des siècles et des millénaires afin de terrifier le bédouin illettré lambda et ainsi d’assurer la cohésion sociale minimale du kfar, du qarya et de Trifouilly-les-Oies.

Mais autant prêcher dans le désert.


PS. Voici l’émouvant témoignage d’une musulmane opprimée au Québec par la population d’accueil, à savoir les « Kebs » (âmes sensibles s’abstenir) :

« Ils veulent nous assimiler… Mais à quoi exactement ? À boire jusqu’à perdre la raison, à conduire sous influence et à mettre en danger la vie d’innocents? À banaliser les relations sans engagement, à coucher avec tout ce qui bouge, jusqu’à contracter des maladies et briser des familles?, À avoir des enfants avec plusieurs partenaires, au point où parfois on ne sait même plus qui est le père biologique?, Abandonné les parents dans des CHSLD ! [Note : EHPAD en France] Si c’est cela leur modèle, alors non, nous n’en voulons pas. Nos valeurs — la famille, la responsabilité, la pudeur, le respect, la stabilité — ne sont pas un obstacle, elles sont une protection. Mais c’est nos préjugés des antimusulman! Mais nous refusons de nous laisser entraîner dans un mode de vie qui détruit les repères, la dignité et la morale. Nous savons qui nous sommes, et personne ne pourra nous assimiler à un modèle qui ne reflète ni notre histoire, ni notre foi, ni notre identité. »

Hadjira Belkacem une femme fièrement voilée !

Association de la sépulture musulmane au Québec[1]


[1] https://www.facebook.com/photo/?fbid=885357094057657

Madame Mamdani, une grande artiste on vous dit!

Rama Duwaji fait entrer la gen Z à la mairie de New York – et on est vivement prié de se réjouir


La plupart des médias ont célébré sans nuance la victoire de Zohran Mamdani à New York.

Ils ont trouvé une nouvelle raison d’euphorie en la personne de son épouse, Rama Duwaji, musulmane comme lui et artiste branchée au service de toutes les causes palestino-wokistes.

Que ce soit outre-Atlantique ou en France, de Marie-Claire à Madame Figaro en passant par Elle, Grazia, France Inter ou Le Point, des articles dithyrambiques prolifèrent. Ou plutôt c’est quasiment un seul article qui se répète à l’identique, recrachant les mêmes hyperboles louangeuses et reproduisant les mêmes éléments biographiques copiés presque tels quels sur le site personnel de cette femme de 28 ans. Elle est belle ! Plutôt quelconque. Une icône de la mode ! Plutôt mal fringuée. Elle est si Gen Z, car elle a rencontré son mari sur une appli, Hinge ! Trivial. Une plasticienne talentueuse ! Elle produit des gribouillis représentant les mêmes têtes de femmes moyen-orientales, dont la plupart ressemblent à la sienne. C’est une artiste engagée ! Elle prétend qu’elle « interroge les nuances de la sororité et des espaces communautaires », parle des obstacles rencontrés par des femmes de couleur dans le domaine du « bien-être mental » et ose aborder les dilemmes de la pilosité corporelle.

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Sur Instagram, où elle est suivie par 1,4 million de blancs-becs progressistes, elle dénonce un « génocide » à Gaza et ressasse le lamento victimaire. Un dessin montre une femme de couleur vêtue d’un keffieh sous le genou d’un flic, tout comme George Floyd. Original ! On répète que toutes ses qualités feraient d’elle une nouvelle princesse Diana, sauf qu’elle a un CV plus maigre que celle qui s’est engagée contre le sida et les mines antipersonnel.

Elle proclame qu’elle est syrienne et de Damas. Certes, ses parents le sont, mais elle est née au Texas et, entre 9 et 19 ans, a vécu avec sa famille aux Émirats, avant de revenir en Amérique. Parmi ses « clients », elle cite le prestigieux musée d’avant-garde Tate Modern. En réalité, un de ses dessins a été posté sur la page Facebook de l’association des jeunes amis de l’institution. Peu importe à ses laudateurs. Quand on aime, on ne chipote pas.

1977, bain de sang au Brésil: le phénomène Filho


Chaque film de Kleber Mendonça Filho est un émerveillement. Depuis Les bruits de Recife (2012), film urbain sur les gates communities dévorant l’espace habité par la classe moyenne brésilienne, jusqu’à Bacurau ( 2018), où un village du Nordeste a mystérieusement disparu des cartes numériques, en passant par Aquarius (2016), où une critique musicale à la retraite affronte un promoteur qui, en vue d’une lucrative opération immobilière, entend la chasser de son appartement, et jusqu’à son documentaire Portraits fantômes (2023) – que votre serviteur confesse n’avoir pas vu, celui-là – , le cinéaste originaire du Pernambouco élabore des fictions qui articulent un ancrage solide dans la réalité sociologique brésilienne à une remarquable virtuosité scénaristique.

Intrigue arachnéenne

C’est vrai plus que jamais de L’Agent secret, son dernier long métrage (pas loin de 3h !), doublement couronné à Cannes cette année, et par un Prix de la mise en scène, et par un Prix d’interprétation masculine attribué à fort juste titre à l’excellent Wagner Moura (cf. en 2012 le s-f Elysium, de Neill Blomkamb, avec Matt Damon et Judie Foster – qu’on peut toujours visionner sur Netflix – ; ou bien, en 2015,   Narcos, encore Netflix, série qui en 2015 le voyait camper Pablo Escobar, sans oublier Civil War, d’Alex Garland, l’an passé… et lui encore sous les traits d’un policier, en 2007 et 2010 dans Tropa de elite 1 et 2, double pépite signée José Padilha).

Autant dire que le dernier Kleber Mendonça Filho nous arrive sur les écrans précédé d’une rumeur – d’une aura favorable. Arachnéenne, mémorielle, volcanique, l’intrigue nous ramène au temps de la dictature brésilienne (1964-1985), plus précisément en 1977. En fuite, semble-t-il en raison de ses positions politiques, en tous cas poursuivi comme on le verra par des tueurs à gage qui ne rigolent pas, un universitaire quadragénaire (dans le rôle, Wagner Moura, justement), Armando, ou Marcelo – sur son prénom il laissera planer le doute – au volant d’une de ces « Coccinelles » vintage importées de RFA en grand nombre, regagne Recife, sa ville natale, alors en plein carnaval, pour y retrouver les siens.  Entre autres son fils, un garçon élevé par ses beaux-parents (lui, Alexandre, est projectionniste) depuis la mort prématurée de sa femme, et qui ne rêve que de voir Les dents de la mer au cinéma…  

Fausses pistes

Non loin du bitume, lors d’un arrêt en rase campagne pour faire le plein d’essence, Armando/ Marcelo avait avisé un essaim de mouches et une meute de chiens errants s’attardant autour d’un cadavre qui pourrissait là, recouvert d’un carton… Suspicieux, deux policiers véhiculés l’avaient laissé reprendre son chemin, non sans empocher leur dîme au passage : voilà pour l’entrée en matière. Plus loin, à la morgue, il y aura cette jambe en décomposition, prise dans la mâchoire d’un requin. Plus tard encore dans le film, on verra même cette jambe s’animer d’une vie propre pour agresser la noria des sodomites qui s’empalent joyeusement dans la moiteur nocturne d’un jardin public : scène surréaliste ! Accueilli chez une pittoresque aïeule plus ou moins anarchiste, le héros en cavale tentera, entre deux bains de sang, de s’en sortir vivant. Ce n’est pas gagné.   

L’Agent secret se ramifie ainsi de façon tout à la fois captivante, arachnéenne, énigmatique, sous la forme de trois chapitres, – 1, Le cauchemar du petit garçon ; 2, L’institut d’identification ; 3, Transfusion de sang –  lesquels embrassent tour à tour plusieurs époques dans une coulée narrative labyrinthique, la trame multipliant allègrement les fausses pistes, sous les espèces d’un thriller onirique tendu d’un bout à l’autre, par le miracle d’une dextérité scénaristique sans pareil, où passé et présent viennent, in fine, se nouer à travers les enregistrements sur cassettes dans lesquels une jeune chercheuse archiviste, bien des années après ces événements tragi-comiques, reconstitue l’écheveau de ces temps troublés. Mais également, cerise sur le gâteau, à travers l’enfant de Marcelo, dans un dénouement qui nous le montre adulte, devenu médecin d’hôpital… sous les traits du même Wagner Moura, cette fois glabre, rajeuni, la tignasse rasée de près.  

Du grand art : la crudité d’un réalisme noir se conjugue aux effluves de la réminiscence, à la parfaite maîtrise de l’ellipse et à un sens aigu du second degré. Ainsi par exemple de la courte séquence (rétrospectivement testamentaire, puisque l’acteur en question est mort le mois dernier) où l’on voit éructer – dans un allemand à couper au couteau ! –  le légendaire Udo Kier (1944-1925) à la prunelle lacustre, dans une courte séquence parfaitement gratuite dans l’économie du récit, – impayable !  


L’Agent secret. Film de Kleber Mendonça Filho. Avec Wagner Moura, Maria Fernanda Cândido, Udo Kier…  Brésil, 2025, couleur.

Durée : 2h36

En salles le 17 décembre 2025

Un loup pour l’homme

La publicité de Noël des magasins Intermarché connait un grand succès. Tout le monde nous dit que c’est la preuve que les gens n’aiment pas l’intelligence artificielle, et qu’ils ont envie de manger plus sainement. Mais, on peut aussi voir dans la réussite de ce petit conte une tout autre raison. Quand une publicité n’est pas woke, cela nous change de l’ordinaire et nous ravit…


Le loup végétarien de la publicité Intermarché fait un carton mondial. C’est une publicité qui est devenue le produit, et un conte de Noel devenu un conte de fée pour ses créateurs. Depuis sa sortie le 6 décembre, ce dessin animé de 2’30 a engrangé près d’un milliard de vues dans le monde entier. Et l’engouement est tel que le héros du film, un loup végétarien, sera bientôt commercialisé en peluche, réclamée par nombre de consommateurs. 

Panique dans la forêt

Ce loup est d’abord un succès du coq gaulois, puisqu’il a été réalisé sans une once d’IA par Illogic Studio, une société d’animation créée par deux copains d’école à Montpellier qui ont fait travailler 70 artistes pendant six mois. Quant à la bande-son, sans doute essentielle dans le succès, elle est aussi made in France : c’est la chanson de Claude François, le Mal-aimé.

A lire aussi, éditorial: Attention, tu risques de te faire violer très fort!

Je vous fais le pitch. Un loup qui débarque dans la forêt sème la panique chez les animaux. Ils détallent tous en le voyant. « Sympa… » pense-t-il amer et sombre, pas content de se retrouver tout seul. Si tu ne mangeais pas les autres, ça ne se passerait pas comme ça, lui lance un petit hérisson. Plus soucieux de relations sociales que de gastronomie, le loup se met promptement aux carottes-champignons. Et comme dans Astérix, tout finit par un banquet où le loup copine avec l’agneau…

Pas un film woke

Cette apologie du véganisme ne serait-elle pas un peu woke ? Pas du tout – c’est là l’interprétation la plus commune. Moi, je vais vous dévoiler le sens caché du film. D’abord, ce loup n’est pas végan : il mange du poisson, animal qui n’a pas la chance de vivre dans la forêt. Ce n’est donc pas la viande que le loup arrête de dévorer, mais ses semblables qui habitent dans la forêt. Et, ensuite, c’est tout le contraire du wokisme. Il y a en réalité dans ce petit conte une apologie de l’assimilation – à Rome fais comme les Romains. Le loup n’exige pas des autres animaux qu’ils fassent un effort d’inclusion et approuvent son mode de vie. Pour s’intégrer à la forêt, le loup en adopte les codes et les mœurs. Et en renonçant à certaines de ses habitudes, il devient un citoyen de la forêt, égal aux autres et accepté par eux.

Et si Intermarché avait retrouvé la recette du vivre ensemble ?


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retailleau: le pied sur l’accélérateur?

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Alors que dans son livre écrit en prison, l’ancien président Nicolas Sarkozy semble céder aux sirènes de l’union des droites et plutôt le négliger, Bruno Retailleau doit vite annoncer aux Français ses intentions pour la présidentielle –  et tourner la page de la guéguerre avec Laurent Wauquiez.


Il y a parfois de bonnes nouvelles dans l’actualité et dans les analyses politiques. Par exemple, quand je lis dans La Tribune Dimanche cet article de Ludovic Vigogne nous expliquant « pourquoi Bruno Retailleau va accélérer ».

Il me paraît évident que le président des Républicains n’a pas un arbitrage à opérer, mais un cumul à assumer, qui concerne à la fois le présent et l’avenir. Il a une mission fondamentale à remplir : redonner à la droite une image inventive, courageuse, libre, intègre et intelligente. Nul doute que cette entreprise pourrait déjà suffire à une personnalité ordinaire, mais j’ai la faiblesse de penser que Bruno Retailleau, malgré sa volonté de ne jamais apparaître comme supérieur ou condescendant à l’égard de ses concitoyens, échappe à cette banalisation et qu’il est capable de se préoccuper aussi bien d’aujourd’hui que de demain.

Demain, ce sera l’élection présidentielle de 2027. Quel que soit le mode de désignation qui sera choisi par les adhérents de LR et la qualité de ceux qui participeront probablement à ce débat capital – je songe tout particulièrement à David Lisnard -, comme les plus proches conseillers de Bruno Retailleau, je suis persuadé qu’il est urgent, pour lui, d’annoncer sa candidature aux Français.

J’imagine la richesse intellectuelle et politique qui naîtra d’un parti prêt à toutes les ruptures bienfaisantes qu’appellera un programme de véritable droite, et de sa reprise talentueuse et convaincante lors d’une campagne présidentielle où la sincérité, la constance et l’expérience feront la différence. Essayons d’imaginer en Bruno Retailleau un François Fillon tel qu’il fut lors de sa primaire conquérante, mais qui ne serait pas disqualifié par les sautes de son caractère ni par une imprévisibilité trop solitaire pour la victoire à atteindre.

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Il ne faut surtout pas que Retailleau se sente obligé de choisir entre ses responsabilités créatrices de président de parti et son devoir de faire gagner la droite en 2027. Les premières irrigueront le second, et son ambition présidentielle, déclarée au sein du parti, apportera puissance, densité et crédibilité à la révolution qu’il entend mener en son sein.

Ce dessein mené sur un double front sera aussi un moyen d’éradiquer la lutte sournoise ou ostensible que Laurent Wauquiez mène contre lui, déplorable posture de mauvais perdant qui a permis à Sébastien Lecornu de déployer ses manœuvres et ses connivences occultes au détriment de l’intérêt du pays. Laurent Wauquiez, qui dirige le groupe parlementaire, n’a pas le moindre scrupule à faire obstacle, de manière obsessionnelle, au président du parti ; mais j’espère qu’il adoptera une autre attitude face à un Retailleau candidat crédible et respecté à l’élection présidentielle. Rien n’est assuré, mais, sauf à considérer Wauquiez comme totalement irresponsable et cynique jusqu’à l’extrême, on peut encore croire à une embellie au bénéfice de 2027.

Cette annonce faite à la France, attendue par beaucoup, sera d’autant plus nécessaire qu’elle fera justice du reproche d’erreur tactique et de légèreté adressé à Bruno Retailleau, alors même que le défaut de loyauté qu’il a imputé à Sébastien Lecornu révèle bien davantage son authenticité humaine que sa maladresse politique. Lui faire grief de n’avoir pas démissionné à cause de l’Algérie, c’est oublier qu’il n’a cessé de se battre pour durcir la pratique molle d’une diplomatie dite offensive, offensive surtout à proportion de l’absence de risque, mais frileuse lorsque l’adversaire est de taille et fait peur.

Jusqu’à aujourd’hui, Bruno Retailleau a eu l’élégance de ne pas tirer toutes les conséquences de son éclatant triomphe face à Laurent Wauquiez pour la présidence du parti. On frémit à l’idée de ce qu’il aurait pu devenir sous cette autre égide ! Désormais, il doit sortir les griffes et ne plus accepter que l’on abuse de sa tolérance. Il ne s’agit pas seulement de lui, mais de la droite, de son avenir et du besoin qu’a le pays de sortir du macronisme, avec un homme véritablement de confiance.


Bardella : dur d’être favori pour la présidentielle !
En recevant le président du RN, jeudi dernier, le « Forum BFMTV » a établi son record d’audience et dépassé le million de téléspectateurs.
Le 11 décembre, lors de l’émission de trois heures qui lui était consacrée sur BFM TV, questionné longuement par une pluralité de citoyens, Jordan Bardella s’est efforcé de leur répondre tant bien que mal. La pertinence de ses répliques et de ses analyses pouvait évidemment être discutée ; mais ce qui m’a frappé – pour moi, c’était la première fois -, c’était l’extrême inconfort et le malaise de sa posture, ainsi que le caractère contraignant du comportement qu’on attendait de lui. Je l’ai trouvé d’une patience infinie ; pourtant, il n’était pas toujours facile de conserver un air souriant et aimable face à la teneur de certaines interrogations, qui relevaient davantage de l’affirmation ou de la pétition de principe que de l’expression d’incertitudes et de doutes susceptibles de justifier les éclaircissements du président du Rassemblement national.
Au-delà du ton péremptoire, parfois sommaire et presque condescendant de plusieurs interventions citoyennes, j’ai surtout admiré la résilience médiatique et politique de Jordan Bardella, fréquemment traité comme s’il en savait moins que quiconque par des interlocuteurs persuadés que leur présence sur le plateau légitimait un extrémisme de la forme, nourrissant l’illusion de leur supériorité face à un invité condamné à la retenue, toute réaction brutale pouvant aussitôt être interprétée comme un défaut d’écoute ou de tolérance disqualifiant…
J’ai songé – alors qu’en général j’avais plutôt tendance à envier le rôle de l’invité politique qui avait la chance de transmettre ses messages – combien il était presque douloureux d’être un politique aujourd’hui, même si nul ne les contraint à cette épreuve. Dans ces forums, le citoyen a tous les droits et il convient de le traiter avec délicatesse, même quand il est ignare. La démagogie est obligatoire : il faut dire à Dupont ou à Mohamed qu’il a en partie raison, même quand il a tout faux ! Je me suis dit, en considérant Jordan Bardella – pour ses successeurs ce sera la même chose, même si Jean-Luc Mélenchon, j’en suis persuadé, n’aurait pas cette résignation tranquille -, que la politique était vraiment devenue un sale métier, et qu’il fallait rendre grâce aux courageux qui continuaient à l’exercer. Autre chose m’a intéressé dans le questionnement politique adressé à Jordan Bardella ce soir-là : la difficulté manifeste à s’habituer à sa loyauté — pourtant probable — à l’égard de Marine Le Pen. Médias comme citoyens aspirent à de la jalousie et de la concurrence. Il y aurait comme un saisissement indigné si ce duo ne rejouait pas la rivalité Balladur–Chirac, s’il rompait avec cette obligation tacite de trahison selon laquelle une double ambition ne saurait s’exprimer sans rupture ni déchirement • PB

Être, ne pas être, être à moitié…

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Bécassine se souvient de l’émotion, assez pathétique il faut bien le dire, lorsqu’elle avait ouvert sa boîte aux lettres et avait découvert un courrier publicitaire de La Redoute… qui lui souhaitait son anniversaire !


C’était une première et c’était il y a des années-lumière, disons le siècle dernier. Et comme son fils avait oublié, La Redoute au nom redoutable s’était avérée charitable et avait compensé l’oubli filial. Ils sont doués, tout de même, pensa-t-elle une fois calmée, ils savent y faire ! Et comment connaissent-ils ma date de naissance ?! Aucune idée, mais le fait est qu’ils la connaissaient et s’en servaient, avec en prime, l’usage du prénom devenu obligatoire dans notre société, faussement fraternel. Pareil avec le tutoiement. Par exemple, Bécassine aime des gens qu’elle vouvoie et tutoie des gens qu’elle n’aime pas, tout ça parce que dans l’entreprise où elle travaille, on doit se tutoyer. Mais revenons à La Redoute qu’elle n’a plus de raison de redouter depuis qu’elle a reçu cette jolie carte avec des fleurs et une chemise de nuit à moins cinquante pour cent. Depuis, l’idée s’est propagée et tout le monde s’est mis à lui souhaiter son anniversaire et sa fête : Monoprix, Darty, Boulanger, Yves Rocher etc.

Et comme tout le monde s’y est mis, il a fallu, forcément, trouver autre chose, creuser davantage le filon, se creuser par la même occasion les méninges, et trouver l’astuce, la ruse pour faire durer le commerce et l’existence de chacun. Ainsi, ce matin, Bécassine a reçu deux mails, et quelle ne fut sa surprise lorsqu’elle en découvrit le contenu :

Damart : Joyeux non anniversaire.

Darty : Joyeux demi-anniversaire.

On imagine l’effervescence dans les bureaux marketing de Damart. Quoi inventer ?! Il faut du neuf, du jamais vu, de l’innovant ! Et il y a eu un petit malin pour proposer de fêter un « joyeux non-anniversaire » ! Spectaculaire, il faut bien le dire, et pas forcément bien trouvé. Car cela vous renvoie à une inexistence qui, pour peu que vous soyez d’humeur sombre, peut entraîner de sacrés dégâts. Vous imaginez la résonance d’une telle phrase ?! Toutes les fois où on ne vous l’a pas souhaité ! Et si ça se trouve, mes parents ne voulaient pas de moi ?! Bref, souhaiter un non-anniversaire est une ânerie sans nom, ils manquent d’idées les gars de la publicité !

Quant à ceux d’à côté, qui doivent avoir les mêmes publicistes, ils ont trafiqué le machin de telle sorte que ce soit moins dur à lire et à entendre, mais le résultat n’est pas mieux. Souhaiter un demi-anniversaire, c’est comme offrir un demi-gâteau, un demi-cadeau, une chaussette sur deux ; c’est chiche, c’est mesquin, c’est petit ! Et après, ils vont faire quoi ? Ils vont vous souhaiter un tiers d’anniversaire, un quart, un douzième ? Face à tout cela sans compter tout le reste, Bécassine n’a qu’une seule envie désormais : qu’on lui souhaite bon courage… et pas une « belle » journée.

L’âne réhabilité

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L’historien Michel Pastoureau explique les raisons de l’incroyable capital sympathie dont jouissent les ânes.


Midas, le roi Midas a des oreilles d’âne ! Ainsi court le bruit, dans la lointaine Phrygie, sur le fils de Gordias, l’inventeur du célèbre nœud. À Rome, L’Âne d’or raconte les aventures d’un jeune aristocrate transformé en âne. Peau d’Ane, l’histoire d’un père dévoré de désir pour sa fille laquelle, pour lui échapper, se revêt de la peau d’un âne qui fait des crottins d’or. Le Roman de Renart met en scène un archiprêtre représenté en âne. Le maître d’école d’une gravure de Van der Heyden a un bonnet d’âne. En Espagne, Sancho Panza chevauche un âne, et son maître, un cheval. Qui ne connaît les ânes de Tristram Shandy et Modestie, l’ânesse de Stevenson parcourant les Cévennes ? Dans La Peau de chagrin un jeune homme, grâce à un talisman en peau d’onagre, obtient ce qu’il veut mais meurt de ses désirs. Dans un long poème qui prend à rebours les idées reçues, Victor Hugo incarne, dans l’âne, la sagesse. Francis Jammes le chante, et Brassens.

Images ambivalentes

Quelle littérature ! Quelles passions, quels vices et rêves, quels fantasmes porte l’âne sur son dos ! Que d’images ambivalentes ! Âne fictif, âne social, littéraire, philosophique, tour à tour loué ou dévalorisé, l’âne est une figure de choix de notre imaginaire. Proverbes, allégories, symboles, gravures, peintures, tout est plein… d’ânes, aurait pu ajouter Hugo. C’est donc toute une histoire culturelle prenant en compte savoirs et croyances, vie réelle et imaginaire que raconte l’historien Michel Pastoureau dans son dernier livre, L’Âne, paru au Seuil. Accompagné par une iconographie de choix, voilà bien un livre à mettre sous le sapin.

Illustration de Walter Crane pour « Voyage avec un âne dans les Cévennes »

Venu du Sud de l’Égypte au quatrième millénaire avant J.C., l’âne gagne le Proche et le Moyen Orient, l’Asie Mineure puis l’Europe comme le montre une frise stylisée d’un troupeau d’ânes foulant le blé sur une tombe pharaonique (environ 2500 av. J.C.). Au IIème siècle de notre ère, l’âne est dans l’empire romain, avant de rejoindre par bateau Christophe Colomb, devenant ainsi le premier âne américain. Au XVIIIème siècle, seulement, il se trouve dans les colonies britanniques. Longtemps dévalorisé par comparaison avec le cheval, c’est Buffon qui lui donnera, grâce à l’introduction de la notion d’espèce, toute sa dignité, en affirmant « L’âne n’est pas… un cheval dégénéré ni un cheval au rabais. » Sauf que, si on lui reconnaît des vertus de frugalité et d’endurance, le portrait physique et moral de l’âne n’est pas fameux. Laid, ridicule, avec de longues oreilles et un braiement affreux, muni d’un appendice sexuel démesuré, il aurait toujours soif et aime le vin. Stupide et entêté, il ne fait pas peur : tout le contraire de l’homme.

Comme toujours dans ses livres, Pastoureau adopte une perspective chronologique.

Âne antique et âne médiéval

L’âne antique, très documenté, est respecté puis méprisé. Bête de somme, il accompagne la vie quotidienne de l’homme auquel il rend tous les services : travailleur, endurant, sobre, il tire. Bâté, il porte. Il fait tourner le pressoir et il foule. Il fournit du crottin et même une urine utile. Son lait fait le délice des femmes comme Poppée, l’épouse de Néron, qui se baignait plusieurs fois par jour dans un lait choisi, tout comme le fera Agnès Sorel, la favorite de Charles VII. Bête respectée, il a droit à deux jours fériés par an. Ensuite, l’âne sera méprisé pour plusieurs raisons : son origine méditerranéenne et sémitique ; l’avènement du cheval, monture noble, chevaleresque et monture des riches alors que l’âne est réservé aux pauvres. L’expression « un âne bâté » datant du XVIème siècle témoigne du mépris dans lequel l’âne sera tenu.

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L’âne médiéval, « monture du Christ et attribut du diable », peu documenté, tant il appartient à la vie ordinaire, est très riche de représentations symboliques à travers contes, fables et proverbes. Les bestiaires se multiplient. Mais, là encore, l’ambivalence demeure de la représentation. Dans une encyclopédie latine, on apprend que l’âne a de grandes oreilles et une vue « vagabonde » qui lui permettent de voir et entendre tout. Il éloigne du mal, la foudre l’épargne, ses sabots et ses ruades font peur au diable, il guérit les maladies liées à la surdité, sa croix dorsale, si on la caresse, peut faire des miracles. Mais l’âne exprime également la transgression dans « la messe de l’âne ». En attendant que la Fête des Fous fasse fusionner l’âne et le fou,dont témoignent La Nef des fous de Sébastian Brant ainsi que Le Portrait du fou regardant à travers ses doigts attribué à l’atelier du peintre Frans Verbeeck.

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En revanche, l’Histoire Sainte le valorise. C’est sur un âne que Moïse se rend en Egypte. L’ânesse de Balaam voit l’Ange barrer la route que ne voit pas son maître. C’est sur un âne que Giotto représente la Fuite en Egypte. C’est sur un âne que Jésus fait son entrée, le jour des Rameaux, à Jérusalem, comme le représente un splendide vitrail du XIIIème siècle, à Notre-Dame de Chartres. Pourquoi un âne ? Parce que, dans le Proche Orient ancien, et dans l’Ancien Testament, l’âne serait une monture royale pacifique, à la différence du cheval, belliqueux. Dans la crèche, l’âne est toujours là avec le bœuf.

Inversion du regard

« Ignorant et obtus » tel est l’âne moderne. Qui va du XVème siècle au XVIIIème s. Le bonnet d’âne, connu des Romains et apparu au Moyen Age, monte en puissance. En même temps, l’âne est l’objet d’un débat philosophique sur le libre arbitre des animaux. Témoin, l’âne de Buridan, auquel s’oppose l’âne du dominicain Bruno qui voit, lui, dans l’âne ,« l’ignorance savante » et le « gai savoir ». Ainsi va l’inversion des valeurs. Mais si l’âne nouveau grandit avec les encyclopédies, c’est avec le romantisme, que se fait l’inversion du regard.

L’âne contemporain,du XVIIIème au XXIème siècle, suscite compassion et empathie. Il est représenté partout, sur les affiches, au cinéma, alors que sa réalité s’efface dans la vie quotidienne, avec l’urbanisation. Moyen de locomotion avant le vélo et l’auto, passant partout, d’un pas ample et régulier, il sert de facteur, ravitaille au front pendant la guerre de 14. Les ânes rescapés de la guerre deviendront sourds. En politique, il est l’emblème de la Catalogne et des démocrates américains. Et on n’oubliera pas le canular de l’âne Lolo, « peintre génois futuriste excessiviste » et de son pinceau qui fit grand bruit !

La Famille de la Laitière DR.

Au XXème siècle, l’âne entre dans la littérature enfantine avec Cadichon et l’Ane Culotte. Et dans les jouets.Tous les enfants aiment caresser sur son front rêche l’âne placide aux grands yeux. Michel Pastoureau lui-même dit avoir une tendresse particulière pour les ânes qui lui rappellent son enfance au Jardin du Luxembourg, en compagnie de sa grand-mère. Moi-même rend toujours visite aux ânes de la montagne Sainte Victoire, choyés comme des rois, dont la race s’éteindrait si elle n’était protégée. Quant à Paul Cézanne, on sait qu’il se déplaçait à pied et à dos d’âne. Aussi la mairie proposa-t-elle, cette année, à l’occasion de l’exposition Cézanne, pour les moins de 14 ans, une balade culturelle et « enchantée » à dos d’âne sur les sentiers de Sainte Victoire pour mieux s’incorporer le génie du peintre !

Âne ou onagre ? Âne domestique ou âne fougueux ? Âne ou mulet ? Âne ou cheval ? Pas toujours facile à discerner comme le montre la belle mosaïque, datant de 250 après J-C, du musée archéologique d’El Djem, en Tunisie, qui ouvre le livre. Une autre mosaïque, byzantine, trouvée à Constantinople, datant du Vème siècle av. J.C., et qui se trouve à Istanbul, dessine le geste gracieux et bienveillant d’un enfant donnant à manger à un âne. Le livre abonde de peintures et de gravures de toutes sortes. Une tapisserie intitulée l’Automne, située au Palazzo Vecchio de Florence, tissée pour Côme de Médicis, représente un âne participant à la vendange. Une peinture de Le Nain du musée de l’Ermitage La Famille de la Laitière en dit plus que tout discours. De même une gravure de Goya dans Les Caprices qui montre un âne médecin. Sans oublier l’image publicitaire du chocolat Suchard, datant du début de notre siècle, porté par des ânes dans un défilé de montagnes enneigé ! Décidément, ce livre, d’un prix modique, est un trésor !

160 pages

L'Âne: Une histoire culturelle

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Tartuffe sous le sapin

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Une sociologue vénézuélienne, afrodescendante, militante féministe acharnée, voit son travail pionnier totalement nié, effacé, rayé de la carte par un homme blanc européen, écrivain et chercheur couronné du prix Médicis, qui a pourtant consacré l’essentiel de sa carrière académique à dénoncer, avec une vertueuse indignation, l’invisibilisation des femmes.


C’est le nouveau conte de Noël 2025. On hésite pour le titre : Les nouveaux monstres ou L’arroseur arrosé ? C’est selon qu’on aime la satire à l’italienne ou le burlesque intemporel.

Le Père Noël, qui a failli être berné en glissant un livre éthique et responsable dans sa hotte pour l’édification des petits et grands machos, me souffle un choix classique : Tartuffe féministe. Je vous explique.

Une appropriation vraiment pas nécessaire

Dans son dernier essai, La Culture du féminicide (Seuil, août 2025), Ivan Jablonka, historien et professeur reconnu développe la notion de « culture du féminicide » – un imaginaire culturel banalisant la mise à mort des femmes à travers cinéma, peinture, littérature, etc., de la Bible à Netflix.

Il présente explicitement ce concept comme une invention personnelle : dans un entretien accordé à Libération cet été1, il déclare fanfaron qu’il lui « a semblé nécessaire d’inventer cette notion » pour penser des phénomènes jusque-là invisibles, la plaçant aux côtés de la «culture du viol» et de la «culture de l’inceste».

Or, Esther Pineda G, jeune sociologue vénézuélienne, docteure en sciences sociales résidant en Argentine, accuse publiquement Ivan Jablonka de s’être approprié cette expression et cette thèse sans la citer une seule fois !

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Elle est en effet l’autrice de Cultura femicida (éditions Prometeo), publié dès 2019 (rééditions en 2022 et mai 2025), dans lequel elle développe exactement la même idée : la banalisation du meurtre patriarcal des femmes par sa diffusion massive dans la production culturelle (cinéma, peinture, littérature, musique). Les féminicides, d’après elle, sont partout déclinés à des fins de spectacle. Esthétisés, parfois glorifiés, souvent normalisés. La possession jalouse, la violence machiste y sont des lieux communs.

C’est aussi le sujet du livre d’Ivan Jablonka. Titre et thèse centrale, concept fondateur, la similarité est troublante.

Ivan Jablonka, dont les livres sont traduits en espagnol, suivait déjà le compte Instagram d’Esther Pineda G (plus de 43 000 abonnés) dès 2021, époque où un club de lecture argentin, La Gente Anda Leyendo, avait promu concomitamment des ouvrages des deux auteurs.

Récemment, alors qu’Ivan Jablonka (45 000 followers sur Instagram) était au Mexique pour promouvoir ses recherches sur le féminisme, Esther Pineda G découvre par hasard un article de lui intitulé « Dark romance et culture du féminicide2 ». Elle contacte alors Ivan Jablonka en messages privés. Ce dernier répond qu’il travaille ce sujet depuis dix ans mais qu’il n’a « pas eu l’occasion » de lire son livre.

« À cette époque, cela faisait déjà deux ans que j’avais publié Cultura femicida et que j’en parlais sur mes réseaux sociaux » affirme la sociologue dont la notoriété est grande.

Face à cette réponse qu’elle juge insuffisante, Esther Pineda G rend finalement l’affaire publique sur X et Instagram, dénonçant un cas d’« appropriation et d’extractivisme intellectuel » (logique néocoloniale où un chercheur du Nord extrait les idées du Sud sans reconnaissance : il faut s’infliger tout ce jargon pour comprendre et je m’en excuse). Elle écrit : « Même titre. Même thèse centrale. Couverture identique à celle de mon livre. Il prétend avoir inventé l’expression « culture du féminicide ». Aucune citation de mon travail. »

Elle affirme ensuite avoir été bloquée par Ivan Jablonka sur Instagram. BLOQUÉE: le mot dit tout.

On a donc un champion auto-proclamé du féminisme, un homme « juste» – c’est le titre d’un de ses livres – qui se fait coincer sur… l’invisibilisation d’une femme. Un grand prêtre qui dénonce partout les privilèges du patriarcat et de la domination masculine mais qui dans les coulisses marcherait sans se poser de questions sur une femme et sur son œuvre…

Mauvais genre

Ivan Jablonka, le grand allié irréprochable, prix Médicis, spécialiste du genre, qui passe sa vie à dénoncer le patriarcat et l’effacement des femmes dans l’histoire… réduirait à néant une chercheuse latino-américaine noire qui a tout dit six ans avant lui ? Lui ??  On n’y croit pas.

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C’est comme si un curé prêcheur de chasteté le jour tenait une maison-close la nuit ou qu’un militant vegan ouvrait en cachette un Burger King. Sa stratégie de défense aujourd’hui paraît bien faible : « Je n’avais pas eu l’occasion de lire son livre ». Traduisez : « Moi, grand intellectuel parisien avec 45 000 followers, qui suis les comptes latino-américains sur Instagram depuis 2021, qui voyage au Mexique pour promouvoir mon féminisme, et dont les livres sont traduits en espagnol… ben non, je n’ai jamais entendu parler d’un bouquin pourtant connu en Amérique latine qui porte sur le même sujet. » Le niveau de crédibilité est faible.

Le silence initial, puis la défense minimaliste, font penser qu’Esther Pineda a des raisons solides d’avoir une dent contre le champion parisien de la « justice de genre» (sic). Qui se satisferait de « J’ai cité beaucoup de chercheuses… mais pas celle-là… » ? Oups. Fâcheux pour la « science », surtout celle-là. L’éditeur, Seuil, annonce qu’il est « en train de lire » le livre de Pineda G. en décembre 2025. Comme l’ouvrage de la chercheuse est sorti en 2019, vu le rythme, ils finiront la préface en 2030… On comprend mieux, à ce stade, pourquoi le grand déconstructeur de la masculinité toxique voyait dans la galanterie un geste pervers de domination : sur ce point au moins, il s’est montré parfaitement cohérent. Mais comme c’est Noël et qu’il y a un gâteau, voici venir la cerise:

Les couvertures des deux livres arborent des jaquettes presque jumelles: un squelette inquiétant, façon calaveras mexicaines, rôdant autour d’une femme. Coïncidence ? À ce niveau, ce serait comme voir deux invités débarquer à une soirée costumée en clowns strictement identiques, l’un jurant à l’autre : « Je ne t’ai jamais vu de ma vie. »

Ainsi se clôt cette tragi-comédie académique : notre Tartuffe féministe, après avoir prêché la vertu à la cantonade, se retrouve apparemment démasqué pour un chef-d’œuvre absolu d’hypocrisie dans le registre Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Encore un prédicateur qui s’emmêle dans son sermon et dont la vie réelle démasquée livre soudain un abîme. Cette année, le Sapin de la morale bienpensante a perdu quelques aiguilles et son étoile. Quant au père Noël, il a passé le livre de notre compatriote à la broyeuse. Recyclage éthique oblige.  Lisez plutôt Esther Pineda, même si c’est en espagnol.

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La Culture du féminicide

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Sources: Libération.


  1. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/ivan-jablonka-pour-ne-plus-etre-drogue-culturellement-au-feminicide-il-faut-en-changer-les-representations-20250820_73SZWNRB3FAY5F7CBKBEL27NOI/ ↩︎
  2. La Vie des idées: https://laviedesidees.fr/Dark-romance-et-culture-du-feminicide ↩︎

Suicide économique, mode d’emploi

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Chaque mois le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.


La palme des idées économiques les plus stupides du mois n’est pas difficile à décerner. Sébastien Lecornu et Yaël Braun-Pivet sont de loin les grands gagnants. Commençons par la présidente de l’Assemblée nationale, qui veut encore augmenter la taxation des héritages, voire les supprimer carrément ! « Le truc qui vous tombe du ciel, à un moment ça suffit », a-t-elle déclaré le 15 octobre sur France 2. Pas étonnant que Philippe Aghion, le prix Nobel d’économie 2025, qui préfère la croissance à l’impôt, soit « atterré par le niveau intellectuel et économique de certains députés qui ne comprennent rien à l’économie, ne s’informent pas, ne lisent pas », comme il l’a confié lors de son audition devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 28 octobre. Il n’a pas tort. Tous les élus du Palais-Bourbon qui brocardent à longueur de séance les « ultra-riches », comme ils les appellent, ne parlent jamais, par exemple, des 36 joueurs de football de la Ligue 1 figurant dans la liste des 100 salariés les mieux payés de France (il faut, selon l’Insee, gagner plus de 312 458 euros par mois pour rentrer dans ce club) ! Avec de tels démagogues à la tête du pays, parmi lesquels il convient bien sûr de citer Emmanuel Macron (huit ans de pouvoir au compteur) et Bruno Le Maire (sept ans à Bercy), on comprend pourquoi nos finances publiques affichent un bilan si calamiteux. Pour se rendre compte de l’étendue de la catastrophe, il faut se rappeler qu’en 1958, année désastreuse qui marqua la fin de la IVe République, notre endettement s’élevait à 75 % du PIB. Dès qu’il entra à Matignon, de Gaulle demanda à Antoine Pinay de lui résumer la situation : « Sur tous les postes à la fois, nous sommes au bord du désastre », répondit le nouveau ministre des Finances. En 2025, notre dette publique est proche de 120 % du PIB. C’est presque deux fois pire.

Autre bonnet d’âne économique du mois : Sébastien Lecornu, qui est devenu à lui tout seul une véritable usine à inventer de nouvelles taxes. Le budget qu’il a présenté comprend 40 milliards d’euros d’impôts et 30 milliards de dépenses supplémentaires. À cela s’ajoute la honteuse capitulation/suspension sur les retraites. Emmanuel Macron l’a acceptée en échange de sa survie à l’Élysée. Ce n’est pas trop grave, puisque cela fait trente ans qu’on essaye sans aucun succès de réformer les retraites : Balladur en 1993, Raffarin en 2003, Fillon en 2010, Ayrault en 2014, Philippe de 2017 à 2020, Borne en 2023 et Bayrou avec son conclave en 2025.

La transformation de l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune improductive est un dispositif que personne à Bercy n’aurait osé imaginer tellement il est stupide. Rappelons que l’amendement a été déposé par Jean-Paul Matteï, élu du Modem, et voté par le Rassemblement national… Il a même été question d’inclure dans la base imposable les fonds Euro des contrats d’assurance-vie, alors qu’il s’agit d’une machine à absorber les emprunts émis par l’État français ! On est bien en présence de mesures irréfléchies votées à la va-vite et uniquement par idéologie et populisme. Tous ceux qui se sont donné la peine de comprendre comment fonctionne l’économie savent bien qu’en dehors de l’or, du bitcoin et de ses dérivés, il n’existe pas d’épargne improductive. La quasi-totalité des placements des Français sont enregistrés sur des supports constitués d’obligations, d’actions et d’immobilier, c’est-à-dire d’actifs ayant un lien avec l’économie réelle, les services publics, les entreprises et la construction. La logique d’une écrasante majorité de nos politiciens est pourtant claire : taxer plus pour dépenser plus et s’endetter plus. Pendant ce temps, la Grèce, l’Italie et le Portugal se redressent. Pas la France. À force d’assistanat généralisé et d’étouffement de l’initiative individuelle, on peut se demander si nos gouvernants ne cherchent pas à faire ressembler la France au Venezuela, ce pays si riche et pourtant ruiné par le socialisme et la coupure avec la réalité. À Caracas, l’incapacité, depuis vingt ans, à maîtriser la dette a eu pour effet de détruire l’État et de jeter la population dans la misère. L’esprit d’arrogance de nos dirigeants et leur aveuglement devant les réalités rappellent terriblement les funestes Nicolas Maduro et Hugo Chávez.

La France insoumise (LFI) trouve pourtant que le budget présenté au Parlement est trop austère ! Pour Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, il faut absolument « développer la résistance populaire et parlementaire pour lutter contre ce budget cruel ». Son parti prône, excusez du peu, 168 milliards de dépenses nouvelles, qu’il propose de faire financer par les « ultra-riches », c’est-à-dire les footballeurs et les grandes entreprises. C’est la grande idée de l’économiste Gabriel Zucman, soutien de Jean-Luc Mélenchon. Une idée qui a ressuscité en quelques jours seulement la lutte des classes dans notre pays, et qui est plébiscitée par 86 % des Français, selon un sondage IFOP, y compris chez les sympathisants de droite. Cela montre une fois de plus à quel point nos compatriotes sont sous-éduqués en matière économique. Vous avez dit suicide économique, moral et politique ?

À l’exception du pétrole qui baisse partout sauf dans les stations-service, toutes les valeurs de marché ont monté depuis le début de l’année. Même si la Bourse de Paris, qui culmine dans ses plus hauts historiques, reste à la traîne par rapport à Francfort. Les alarmes retentissent cependant partout : avec l’afflux de liquidités, le développement exponentiel des investissements dans l’intelligence artificielle et l’explosion des cryptomonnaies « stables », n’est-on pas en train de voir se constituer une bulle spéculative ? Maigre consolation, tandis que la France est en proie à l’instabilité et croule sous les dettes, les grandes entreprises tricolores cotées vont bien. La raison est simple. Comme elles sont bien gérées, elles réalisent l’essentiel de leur activité en dehors de notre pays.

Fachorama sous le sapin, « Historock » au pilori!

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La Horde.

Dans notre drôle de pays, la haine antiflic est autorisée, tandis que l’histoire de France est censurée, déplore Isabelle Marchandier.


La Horde récidive ! Après Antifa, le jeu, présenté en 2022 comme un « jeu coopératif » mais qui était en réalité un manuel d’initiation aux méthodes des black blocs (perturber des meetings, bloquer des expulsions, agir masqué et vêtu de noir et autres joyeusetés) voici Fachorama, un jeu des « sept familles » rigolo et repensé pour cibler tout ce que le collectif range dans « l’extrême droite », avec en ligne de mire l’institution régalienne par excellence: la police.

Trop cool

Les noms ne sont pas cités, mais les caricatures sont transparentes : Éric Zemmour devient « le polémiste islamophobe », Marine Le Pen « l’héritière populiste », les catholiques « les réactionnaires anti-IVG »… et les policiers écopent d’une carte infamante: « flic raciste de la BAC ». Chaque carte devient ainsi une cible symbolique.

Comme Antifa, le jeu, Fachorama est vendu à la Fnac et sur Amazon. À croire que l’argent n’a pas d’odeur lorsqu’il s’agit de combattre l’extrême droite, pour ces militants qui portent en bandoulière leur anticapitalisme radical mais n’hésitent pas à transformer leur doctrine en produit de consommation marketé. Derrière le jeu, le message implicite est limpide : jouer aux antifas, c’est tendance; et la haine antiflic, c’est cool.

A lire aussi, Eric Zemmour et Mgr Rougé: La crosse et le réséda

Imaginons un instant un « sept familles antiwoke » édité par le Puy du Fou : Sandrine Rousseau en « écoféministe misandre », Mélenchon en « tribun immigrationniste », Barthès et Lucet en « propagandistes progressistes », Rima Hassan en « militante antisioniste », et LFI en « parti du grand remplacement ». Un tel jeu serait retiré des rayons en vingt-quatre heures, déclenchant tribunes indignées, manifestations antifas, sermons médiatiques dans Libération et Télérama et les éternels anathèmes sur « les heures les plus sombres de notre Histoire ». Le chaos serait, bien sûr, toléré au nom de la lutte contre le retour du péril brun. Mais lorsqu’il s’agit de viser la droite, l’Église ou la police, tout devient soudain « pédagogique ». L’immunité morale de l’ultragauche reste totale.

Pendant ce temps

Et pendant ce temps, un spectacle historique pour enfants est… censuré. À Montrouge, Historock, opéra rock retraçant dix-sept grandes étapes du récit national (de la construction des cathédrales au général de Gaulle) a été annulé pour « propagande réactionnaire ».

Pourtant, aucune consigne politique, aucun slogan n’est martelé pendant le spectacle : ce sont simplement de grandes figures et des moments de l’histoire de France qui sont mis en scène, sous la direction pédagogique de l’historien Dimitri Casali et avec le parrainage de l’académicien Jean Tulard, à destination d’élèves de CM1-CM2.

Dans un pays où l’enseignement chronologique disparaît et où le niveau scolaire s’effondre, l’initiative était salutaire : redonner aux enfants le goût d’une continuité historique que l’école ne transmet plus, à travers une mise en scène rock’n’roll. Mais c’est justement ce qui dérange : la chronologie est désormais perçue comme un retour du « roman national », donc suspecte, voire raciste. Résultat : annulé !

En France, on peut offrir à un adolescent un jeu qui insulte les policiers, mais pas un spectacle qui raconte l’histoire de son pays. On célèbre la haine antiflic, mais on interdit l’histoire de France.

Un pays qui se méfie de son passé finit toujours par se renier lui-même.


Fachorama, 13 €

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Fachorama

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Canada: offensive législative d’envergure contre la haine

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L'imam québécois Adil Charkaoui, photographié au tribunal à Ottawa en 2006, est surveillé par les autorités depuis des années © TOM HANSON/AP/SIPA

Au Canada, la fin de « l’exception religieuse » dans la poursuite des discours haineux ne sera pas sans conséquences – et n’est peut-être pas indispensable selon notre chroniqueur.


La haine est fille de la crainte.
Tertullien.

Un peu de mépris épargne beaucoup de haine.
Jacques Deval.

La haine renfermée est plus dangereuse que la haine ouverte.
Denis Diderot.


Nul n’est prophète en son pays. Il fallait donc que l’esprit voltairien se concrétisât aux États-Unis, pays qui est devenu la lumière des nations en matière de liberté d’expression, laquelle est consacrée et protégée, non pas dans n’importe quel amendement de la Constitution, mais, quel symbole, dans le tout premier. Après l’indépendance, on a eu le sens des priorités. Comme le constate de manière indéfectible la Cour suprême américaine, ce texte ne fait aucune exception pour les discours dits « haineux ». Grosso modo, les seules limites sont les menaces et la diffamation visant des personnes spécifiques et le risque de trouble imminent à l’ordre public.

Le Canada constitue bien une société distincte en ce que son Code criminel (suivant peut-être l’exemple français) sanctionne non seulement le négationnisme, mais les discours haineux et incitations de toutes sortes, sauf le moyen de défense suivant (l’exception religieuse) :

« [L’accusé] a, de bonne foi [le mot est bien choisi!], exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit, ou a tenté d’en établir le bien-fondé par argument ».

On a dénoncé une lacune dans la loi pénale canadienne que le Parlement canadien vient de combler en abolissant cette exception.

Il est utile de rappeler les événements qui sont à l’origine de cette modification.

A Montréal, l’imam autoproclamé Adil Charkaoui a prononcé des discours en octobre 2023 au cours de manifestations propalestiniennes. Voici (en v.f.) un extrait de son éloquence : « Allah, charge-toi de ces agresseurs sionistes. Allah, charge-toi des ennemis du peuple de Gaza. Allah, recense-les tous un par un puis extermine-les, et n’exclus aucun d’eux ! » (la v.o. n’est malheureusement pas disponible).

D’une part, d’aucuns virent en lui un « extrémiste » appelant « à exterminer les juifs ». D’autre part, l’intéressé a onctueusement répliqué qu’il s’agissait d’un appel à Dieu, et que n’a jamais été prononcé le mot « Juif ».

Au final, nulle poursuite ne fut engagée contre lui. Voici le sybillin communiqué du ministère public :

« la preuve ne permet pas de prouver hors de tout doute raisonnable que les paroles prononcées constituent de l’incitation à la haine à l’endroit d’un groupe identifiable au sens de la disposition du Code criminel applicable, considérant l’interprétation qui en est faite par les tribunaux »

Ce texte vise :

« Quiconque, par la communication de déclarations en un endroit public, incite à la haine contre un groupe identifiable, lorsqu’une telle incitation est susceptible d’entraîner une violation de la paix ».

(Incidemment, on se demande comment l’enquête a pu être aussi chronophage (environ 8 mois) vu que la réponse était évidente au bout de quelques minutes, après simple lecture des textes au regard des faits, qui étaient constants).

Décryptage.

On peut supposer que les procureurs ne sont pas éternisés à envisager un délicat débat d’« identification » politico-sémantique concernant les termes « juifs » et « sionistes », et leur possible chevauchement. Il est permis de conjecturer que la solution fut encore plus simple.

M. Charkaoui rappelle, avec pertinence, qu’il s’est alors borné à adresser sa supplique (qui ne pèche pas par excès d’humanisme) au seul Allah. S’en offusquer, c’est prendre au sérieux un délire qui relève plus de la psychiatrie que du droit pénal; c’est là accorder un peu trop d’importance audit Allah, tant sur le plan de son existence que de ses pouvoirs ou de sa volonté d’intervention sur terre. (La situation eût pu être différente s’il avait lancé un appel aux séides (de chair et surtout de sang) d’Allah à perpétrer des actes de violence). Au minimum, en l’espèce, une « violation de la paix » était tout simplement inconcevable et des accusations ne pouvaient tenir la route plus de cinq minutes.

Le communiqué des procureurs est évasif, mais il est fort probable que l’exception religieuse n’a même pas joué dans cette affaire : on évoque « la » disposition, au singulier, du Code criminel applicable et son interprétation jurisprudentielle. Le serviteur d’Allah en cause n’a exprimé aucune opinion, de bonne ou de mauvaise foi, sur un quelconque sujet religieux, même s’il a invité son Créateur, par sa prière adressée directement à ce dernier, à châtier des mécréants, une démarche sans conteste religieuse (qui s’inscrit dans une respectable tradition plus que millénaire), d’où l’équivoque. Mais qu’importe? Cette confusion, savamment entretenue dans les milieux politiques a… incité le législateur à agir à cet égard. Cependant, il s’aventure ainsi dans des sables mouvants.

Le chef de l’opposition conservatrice, Pierre Poilièvre voit, correctement, dans cette mesure une atteinte plus générale à la liberté d’expression et à la liberté de religion : le nouveau texte « criminalisera des passages de la Bible, du Coran, de la Torah et d’autres textes sacrés ». La réponse outragée du ministre fédéral de la justice Sean Fraser? Il « n’empêchera en aucun cas, à mon avis (sic), un leader religieux de lire ses textes sacrés. Il ne criminalisera pas la foi et, selon moi, suggérer (en v.o., « soutenir » en v.f.) le contraire revient à dénaturer les valeurs défendues par les grandes religions du pays et du monde entier ».

Quelques mots sur ces valeurs.

Il faut inviter le ministre à (re)lire, par exemple, dans l’Ancien Testament, le livre de Josué, un chef d’œuvre en matière d’extermination ordonnée et planifiée. Il n’est plus vraiment d’actualité vu que les Amalécites se font rares au Proche-Orient, encore que certains millénaristes israéliens d’idéologie catégoriquement préhellénistique, y voient une possible source d’inspiration au sujet d’une population plus contemporaine. Par contre, la malédiction visant les juifs déicides (sionistes ou non), prônée par les Evangiles (surtout johannique) depuis deux mille ans, y est toujours bien exposée, même si le concile de Vatican II a décrété une trêve en 1965.

(Petit florilège des enseignements attribués à un (in)certain Yehochoua de Natzrat : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison… Celui qui n’est pas avec moi est contre moi…   Le blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné… Quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir, etc. ». On trouvera de nombreux autres messages d’amour du prochain du même acabit, sténographiquement consignés, en compulsant le Nouveau Testament, en vente dans toutes bonnes librairies).

La lettre de la nouvelle loi canadienne réfute donc clairement les rassérénantes déclarations du ministre. Cela dit, la panique n’est pas de mise pour le croyant et le clerc ordinaires : en pratique, ils pourront, la plupart du temps, compter sur la circonspecte cécité des forces de l’ordre, sous réserve de poursuites sélectives, toujours possibles (les juges seront alors appelés à trancher de subtils points de théologie…). Quant aux auteurs mêmes de ces textes, ils sont évidemment hors de portée depuis de nombreuses lunes, expiant leurs péchés pour l’éternité dans les marmites infernales.

Retenons surtout que la nouvelle loi n’a aucune incidence sur la rhétorique Charkaouesque. Tout ça pour ça. (L’obstination de Pierre Poilièvre à réclamer l’emprisonnement du tribun – une manie chez lui, comme le sait Justin Trudeau – révèle une sinistre et incohérente malhonnêteté intellectuelle). Encore que le législateur canadien a quand même fait œuvre utile en donnant une éclairante et bien nécessaire définition de la « haine » : « sentiment plus fort que le dédain ou l’aversion et comportant de la détestation ou du dénigrement‍ ». On comprend nettement mieux maintenant. Dissuasion assurée pour les Charkaoui.

Sur le plan des principes, le législateur canadien, et français, seraient bien avisés de s’inspirer de l’esprit américano-voltairien et, au lieu d’en faciliter la diffusion et le retentissement, de traiter par un silence méprisant les psychoses, « codées » ou non, que les vociférants gourous puisent dans la lecture littérale de légendes et symboles conçus il y a des siècles et des millénaires afin de terrifier le bédouin illettré lambda et ainsi d’assurer la cohésion sociale minimale du kfar, du qarya et de Trifouilly-les-Oies.

Mais autant prêcher dans le désert.


PS. Voici l’émouvant témoignage d’une musulmane opprimée au Québec par la population d’accueil, à savoir les « Kebs » (âmes sensibles s’abstenir) :

« Ils veulent nous assimiler… Mais à quoi exactement ? À boire jusqu’à perdre la raison, à conduire sous influence et à mettre en danger la vie d’innocents? À banaliser les relations sans engagement, à coucher avec tout ce qui bouge, jusqu’à contracter des maladies et briser des familles?, À avoir des enfants avec plusieurs partenaires, au point où parfois on ne sait même plus qui est le père biologique?, Abandonné les parents dans des CHSLD ! [Note : EHPAD en France] Si c’est cela leur modèle, alors non, nous n’en voulons pas. Nos valeurs — la famille, la responsabilité, la pudeur, le respect, la stabilité — ne sont pas un obstacle, elles sont une protection. Mais c’est nos préjugés des antimusulman! Mais nous refusons de nous laisser entraîner dans un mode de vie qui détruit les repères, la dignité et la morale. Nous savons qui nous sommes, et personne ne pourra nous assimiler à un modèle qui ne reflète ni notre histoire, ni notre foi, ni notre identité. »

Hadjira Belkacem une femme fièrement voilée !

Association de la sépulture musulmane au Québec[1]


[1] https://www.facebook.com/photo/?fbid=885357094057657

Madame Mamdani, une grande artiste on vous dit!

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Rama Duwaji. DR.

Rama Duwaji fait entrer la gen Z à la mairie de New York – et on est vivement prié de se réjouir


La plupart des médias ont célébré sans nuance la victoire de Zohran Mamdani à New York.

Ils ont trouvé une nouvelle raison d’euphorie en la personne de son épouse, Rama Duwaji, musulmane comme lui et artiste branchée au service de toutes les causes palestino-wokistes.

Que ce soit outre-Atlantique ou en France, de Marie-Claire à Madame Figaro en passant par Elle, Grazia, France Inter ou Le Point, des articles dithyrambiques prolifèrent. Ou plutôt c’est quasiment un seul article qui se répète à l’identique, recrachant les mêmes hyperboles louangeuses et reproduisant les mêmes éléments biographiques copiés presque tels quels sur le site personnel de cette femme de 28 ans. Elle est belle ! Plutôt quelconque. Une icône de la mode ! Plutôt mal fringuée. Elle est si Gen Z, car elle a rencontré son mari sur une appli, Hinge ! Trivial. Une plasticienne talentueuse ! Elle produit des gribouillis représentant les mêmes têtes de femmes moyen-orientales, dont la plupart ressemblent à la sienne. C’est une artiste engagée ! Elle prétend qu’elle « interroge les nuances de la sororité et des espaces communautaires », parle des obstacles rencontrés par des femmes de couleur dans le domaine du « bien-être mental » et ose aborder les dilemmes de la pilosité corporelle.

A lire aussi: Donald Trump et la fin d’un Occident

Sur Instagram, où elle est suivie par 1,4 million de blancs-becs progressistes, elle dénonce un « génocide » à Gaza et ressasse le lamento victimaire. Un dessin montre une femme de couleur vêtue d’un keffieh sous le genou d’un flic, tout comme George Floyd. Original ! On répète que toutes ses qualités feraient d’elle une nouvelle princesse Diana, sauf qu’elle a un CV plus maigre que celle qui s’est engagée contre le sida et les mines antipersonnel.

Elle proclame qu’elle est syrienne et de Damas. Certes, ses parents le sont, mais elle est née au Texas et, entre 9 et 19 ans, a vécu avec sa famille aux Émirats, avant de revenir en Amérique. Parmi ses « clients », elle cite le prestigieux musée d’avant-garde Tate Modern. En réalité, un de ses dessins a été posté sur la page Facebook de l’association des jeunes amis de l’institution. Peu importe à ses laudateurs. Quand on aime, on ne chipote pas.

1977, bain de sang au Brésil: le phénomène Filho

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Wagner Moura © Ad Vitam Distribution

Chaque film de Kleber Mendonça Filho est un émerveillement. Depuis Les bruits de Recife (2012), film urbain sur les gates communities dévorant l’espace habité par la classe moyenne brésilienne, jusqu’à Bacurau ( 2018), où un village du Nordeste a mystérieusement disparu des cartes numériques, en passant par Aquarius (2016), où une critique musicale à la retraite affronte un promoteur qui, en vue d’une lucrative opération immobilière, entend la chasser de son appartement, et jusqu’à son documentaire Portraits fantômes (2023) – que votre serviteur confesse n’avoir pas vu, celui-là – , le cinéaste originaire du Pernambouco élabore des fictions qui articulent un ancrage solide dans la réalité sociologique brésilienne à une remarquable virtuosité scénaristique.

Intrigue arachnéenne

C’est vrai plus que jamais de L’Agent secret, son dernier long métrage (pas loin de 3h !), doublement couronné à Cannes cette année, et par un Prix de la mise en scène, et par un Prix d’interprétation masculine attribué à fort juste titre à l’excellent Wagner Moura (cf. en 2012 le s-f Elysium, de Neill Blomkamb, avec Matt Damon et Judie Foster – qu’on peut toujours visionner sur Netflix – ; ou bien, en 2015,   Narcos, encore Netflix, série qui en 2015 le voyait camper Pablo Escobar, sans oublier Civil War, d’Alex Garland, l’an passé… et lui encore sous les traits d’un policier, en 2007 et 2010 dans Tropa de elite 1 et 2, double pépite signée José Padilha).

Autant dire que le dernier Kleber Mendonça Filho nous arrive sur les écrans précédé d’une rumeur – d’une aura favorable. Arachnéenne, mémorielle, volcanique, l’intrigue nous ramène au temps de la dictature brésilienne (1964-1985), plus précisément en 1977. En fuite, semble-t-il en raison de ses positions politiques, en tous cas poursuivi comme on le verra par des tueurs à gage qui ne rigolent pas, un universitaire quadragénaire (dans le rôle, Wagner Moura, justement), Armando, ou Marcelo – sur son prénom il laissera planer le doute – au volant d’une de ces « Coccinelles » vintage importées de RFA en grand nombre, regagne Recife, sa ville natale, alors en plein carnaval, pour y retrouver les siens.  Entre autres son fils, un garçon élevé par ses beaux-parents (lui, Alexandre, est projectionniste) depuis la mort prématurée de sa femme, et qui ne rêve que de voir Les dents de la mer au cinéma…  

Fausses pistes

Non loin du bitume, lors d’un arrêt en rase campagne pour faire le plein d’essence, Armando/ Marcelo avait avisé un essaim de mouches et une meute de chiens errants s’attardant autour d’un cadavre qui pourrissait là, recouvert d’un carton… Suspicieux, deux policiers véhiculés l’avaient laissé reprendre son chemin, non sans empocher leur dîme au passage : voilà pour l’entrée en matière. Plus loin, à la morgue, il y aura cette jambe en décomposition, prise dans la mâchoire d’un requin. Plus tard encore dans le film, on verra même cette jambe s’animer d’une vie propre pour agresser la noria des sodomites qui s’empalent joyeusement dans la moiteur nocturne d’un jardin public : scène surréaliste ! Accueilli chez une pittoresque aïeule plus ou moins anarchiste, le héros en cavale tentera, entre deux bains de sang, de s’en sortir vivant. Ce n’est pas gagné.   

L’Agent secret se ramifie ainsi de façon tout à la fois captivante, arachnéenne, énigmatique, sous la forme de trois chapitres, – 1, Le cauchemar du petit garçon ; 2, L’institut d’identification ; 3, Transfusion de sang –  lesquels embrassent tour à tour plusieurs époques dans une coulée narrative labyrinthique, la trame multipliant allègrement les fausses pistes, sous les espèces d’un thriller onirique tendu d’un bout à l’autre, par le miracle d’une dextérité scénaristique sans pareil, où passé et présent viennent, in fine, se nouer à travers les enregistrements sur cassettes dans lesquels une jeune chercheuse archiviste, bien des années après ces événements tragi-comiques, reconstitue l’écheveau de ces temps troublés. Mais également, cerise sur le gâteau, à travers l’enfant de Marcelo, dans un dénouement qui nous le montre adulte, devenu médecin d’hôpital… sous les traits du même Wagner Moura, cette fois glabre, rajeuni, la tignasse rasée de près.  

Du grand art : la crudité d’un réalisme noir se conjugue aux effluves de la réminiscence, à la parfaite maîtrise de l’ellipse et à un sens aigu du second degré. Ainsi par exemple de la courte séquence (rétrospectivement testamentaire, puisque l’acteur en question est mort le mois dernier) où l’on voit éructer – dans un allemand à couper au couteau ! –  le légendaire Udo Kier (1944-1925) à la prunelle lacustre, dans une courte séquence parfaitement gratuite dans l’économie du récit, – impayable !  


L’Agent secret. Film de Kleber Mendonça Filho. Avec Wagner Moura, Maria Fernanda Cândido, Udo Kier…  Brésil, 2025, couleur.

Durée : 2h36

En salles le 17 décembre 2025

Un loup pour l’homme

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Publicité Intermarché.

La publicité de Noël des magasins Intermarché connait un grand succès. Tout le monde nous dit que c’est la preuve que les gens n’aiment pas l’intelligence artificielle, et qu’ils ont envie de manger plus sainement. Mais, on peut aussi voir dans la réussite de ce petit conte une tout autre raison. Quand une publicité n’est pas woke, cela nous change de l’ordinaire et nous ravit…


Le loup végétarien de la publicité Intermarché fait un carton mondial. C’est une publicité qui est devenue le produit, et un conte de Noel devenu un conte de fée pour ses créateurs. Depuis sa sortie le 6 décembre, ce dessin animé de 2’30 a engrangé près d’un milliard de vues dans le monde entier. Et l’engouement est tel que le héros du film, un loup végétarien, sera bientôt commercialisé en peluche, réclamée par nombre de consommateurs. 

Panique dans la forêt

Ce loup est d’abord un succès du coq gaulois, puisqu’il a été réalisé sans une once d’IA par Illogic Studio, une société d’animation créée par deux copains d’école à Montpellier qui ont fait travailler 70 artistes pendant six mois. Quant à la bande-son, sans doute essentielle dans le succès, elle est aussi made in France : c’est la chanson de Claude François, le Mal-aimé.

A lire aussi, éditorial: Attention, tu risques de te faire violer très fort!

Je vous fais le pitch. Un loup qui débarque dans la forêt sème la panique chez les animaux. Ils détallent tous en le voyant. « Sympa… » pense-t-il amer et sombre, pas content de se retrouver tout seul. Si tu ne mangeais pas les autres, ça ne se passerait pas comme ça, lui lance un petit hérisson. Plus soucieux de relations sociales que de gastronomie, le loup se met promptement aux carottes-champignons. Et comme dans Astérix, tout finit par un banquet où le loup copine avec l’agneau…

Pas un film woke

Cette apologie du véganisme ne serait-elle pas un peu woke ? Pas du tout – c’est là l’interprétation la plus commune. Moi, je vais vous dévoiler le sens caché du film. D’abord, ce loup n’est pas végan : il mange du poisson, animal qui n’a pas la chance de vivre dans la forêt. Ce n’est donc pas la viande que le loup arrête de dévorer, mais ses semblables qui habitent dans la forêt. Et, ensuite, c’est tout le contraire du wokisme. Il y a en réalité dans ce petit conte une apologie de l’assimilation – à Rome fais comme les Romains. Le loup n’exige pas des autres animaux qu’ils fassent un effort d’inclusion et approuvent son mode de vie. Pour s’intégrer à la forêt, le loup en adopte les codes et les mœurs. Et en renonçant à certaines de ses habitudes, il devient un citoyen de la forêt, égal aux autres et accepté par eux.

Et si Intermarché avait retrouvé la recette du vivre ensemble ?


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retailleau: le pied sur l’accélérateur?

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Nicolas Sarkozy et Bruno Retailleau, Villiers sur Marne, 20 mai 2025 © J.E.E/SIPA

Alors que dans son livre écrit en prison, l’ancien président Nicolas Sarkozy semble céder aux sirènes de l’union des droites et plutôt le négliger, Bruno Retailleau doit vite annoncer aux Français ses intentions pour la présidentielle –  et tourner la page de la guéguerre avec Laurent Wauquiez.


Il y a parfois de bonnes nouvelles dans l’actualité et dans les analyses politiques. Par exemple, quand je lis dans La Tribune Dimanche cet article de Ludovic Vigogne nous expliquant « pourquoi Bruno Retailleau va accélérer ».

Il me paraît évident que le président des Républicains n’a pas un arbitrage à opérer, mais un cumul à assumer, qui concerne à la fois le présent et l’avenir. Il a une mission fondamentale à remplir : redonner à la droite une image inventive, courageuse, libre, intègre et intelligente. Nul doute que cette entreprise pourrait déjà suffire à une personnalité ordinaire, mais j’ai la faiblesse de penser que Bruno Retailleau, malgré sa volonté de ne jamais apparaître comme supérieur ou condescendant à l’égard de ses concitoyens, échappe à cette banalisation et qu’il est capable de se préoccuper aussi bien d’aujourd’hui que de demain.

Demain, ce sera l’élection présidentielle de 2027. Quel que soit le mode de désignation qui sera choisi par les adhérents de LR et la qualité de ceux qui participeront probablement à ce débat capital – je songe tout particulièrement à David Lisnard -, comme les plus proches conseillers de Bruno Retailleau, je suis persuadé qu’il est urgent, pour lui, d’annoncer sa candidature aux Français.

J’imagine la richesse intellectuelle et politique qui naîtra d’un parti prêt à toutes les ruptures bienfaisantes qu’appellera un programme de véritable droite, et de sa reprise talentueuse et convaincante lors d’une campagne présidentielle où la sincérité, la constance et l’expérience feront la différence. Essayons d’imaginer en Bruno Retailleau un François Fillon tel qu’il fut lors de sa primaire conquérante, mais qui ne serait pas disqualifié par les sautes de son caractère ni par une imprévisibilité trop solitaire pour la victoire à atteindre.

A lire aussi: Mais… quelle bataille culturelle?

Il ne faut surtout pas que Retailleau se sente obligé de choisir entre ses responsabilités créatrices de président de parti et son devoir de faire gagner la droite en 2027. Les premières irrigueront le second, et son ambition présidentielle, déclarée au sein du parti, apportera puissance, densité et crédibilité à la révolution qu’il entend mener en son sein.

Ce dessein mené sur un double front sera aussi un moyen d’éradiquer la lutte sournoise ou ostensible que Laurent Wauquiez mène contre lui, déplorable posture de mauvais perdant qui a permis à Sébastien Lecornu de déployer ses manœuvres et ses connivences occultes au détriment de l’intérêt du pays. Laurent Wauquiez, qui dirige le groupe parlementaire, n’a pas le moindre scrupule à faire obstacle, de manière obsessionnelle, au président du parti ; mais j’espère qu’il adoptera une autre attitude face à un Retailleau candidat crédible et respecté à l’élection présidentielle. Rien n’est assuré, mais, sauf à considérer Wauquiez comme totalement irresponsable et cynique jusqu’à l’extrême, on peut encore croire à une embellie au bénéfice de 2027.

Cette annonce faite à la France, attendue par beaucoup, sera d’autant plus nécessaire qu’elle fera justice du reproche d’erreur tactique et de légèreté adressé à Bruno Retailleau, alors même que le défaut de loyauté qu’il a imputé à Sébastien Lecornu révèle bien davantage son authenticité humaine que sa maladresse politique. Lui faire grief de n’avoir pas démissionné à cause de l’Algérie, c’est oublier qu’il n’a cessé de se battre pour durcir la pratique molle d’une diplomatie dite offensive, offensive surtout à proportion de l’absence de risque, mais frileuse lorsque l’adversaire est de taille et fait peur.

Jusqu’à aujourd’hui, Bruno Retailleau a eu l’élégance de ne pas tirer toutes les conséquences de son éclatant triomphe face à Laurent Wauquiez pour la présidence du parti. On frémit à l’idée de ce qu’il aurait pu devenir sous cette autre égide ! Désormais, il doit sortir les griffes et ne plus accepter que l’on abuse de sa tolérance. Il ne s’agit pas seulement de lui, mais de la droite, de son avenir et du besoin qu’a le pays de sortir du macronisme, avec un homme véritablement de confiance.


Bardella : dur d’être favori pour la présidentielle !
En recevant le président du RN, jeudi dernier, le « Forum BFMTV » a établi son record d’audience et dépassé le million de téléspectateurs.
Le 11 décembre, lors de l’émission de trois heures qui lui était consacrée sur BFM TV, questionné longuement par une pluralité de citoyens, Jordan Bardella s’est efforcé de leur répondre tant bien que mal. La pertinence de ses répliques et de ses analyses pouvait évidemment être discutée ; mais ce qui m’a frappé – pour moi, c’était la première fois -, c’était l’extrême inconfort et le malaise de sa posture, ainsi que le caractère contraignant du comportement qu’on attendait de lui. Je l’ai trouvé d’une patience infinie ; pourtant, il n’était pas toujours facile de conserver un air souriant et aimable face à la teneur de certaines interrogations, qui relevaient davantage de l’affirmation ou de la pétition de principe que de l’expression d’incertitudes et de doutes susceptibles de justifier les éclaircissements du président du Rassemblement national.
Au-delà du ton péremptoire, parfois sommaire et presque condescendant de plusieurs interventions citoyennes, j’ai surtout admiré la résilience médiatique et politique de Jordan Bardella, fréquemment traité comme s’il en savait moins que quiconque par des interlocuteurs persuadés que leur présence sur le plateau légitimait un extrémisme de la forme, nourrissant l’illusion de leur supériorité face à un invité condamné à la retenue, toute réaction brutale pouvant aussitôt être interprétée comme un défaut d’écoute ou de tolérance disqualifiant…
J’ai songé – alors qu’en général j’avais plutôt tendance à envier le rôle de l’invité politique qui avait la chance de transmettre ses messages – combien il était presque douloureux d’être un politique aujourd’hui, même si nul ne les contraint à cette épreuve. Dans ces forums, le citoyen a tous les droits et il convient de le traiter avec délicatesse, même quand il est ignare. La démagogie est obligatoire : il faut dire à Dupont ou à Mohamed qu’il a en partie raison, même quand il a tout faux ! Je me suis dit, en considérant Jordan Bardella – pour ses successeurs ce sera la même chose, même si Jean-Luc Mélenchon, j’en suis persuadé, n’aurait pas cette résignation tranquille -, que la politique était vraiment devenue un sale métier, et qu’il fallait rendre grâce aux courageux qui continuaient à l’exercer. Autre chose m’a intéressé dans le questionnement politique adressé à Jordan Bardella ce soir-là : la difficulté manifeste à s’habituer à sa loyauté — pourtant probable — à l’égard de Marine Le Pen. Médias comme citoyens aspirent à de la jalousie et de la concurrence. Il y aurait comme un saisissement indigné si ce duo ne rejouait pas la rivalité Balladur–Chirac, s’il rompait avec cette obligation tacite de trahison selon laquelle une double ambition ne saurait s’exprimer sans rupture ni déchirement • PB

Être, ne pas être, être à moitié…

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Bécassine se souvient de l’émotion, assez pathétique il faut bien le dire, lorsqu’elle avait ouvert sa boîte aux lettres et avait découvert un courrier publicitaire de La Redoute… qui lui souhaitait son anniversaire !


C’était une première et c’était il y a des années-lumière, disons le siècle dernier. Et comme son fils avait oublié, La Redoute au nom redoutable s’était avérée charitable et avait compensé l’oubli filial. Ils sont doués, tout de même, pensa-t-elle une fois calmée, ils savent y faire ! Et comment connaissent-ils ma date de naissance ?! Aucune idée, mais le fait est qu’ils la connaissaient et s’en servaient, avec en prime, l’usage du prénom devenu obligatoire dans notre société, faussement fraternel. Pareil avec le tutoiement. Par exemple, Bécassine aime des gens qu’elle vouvoie et tutoie des gens qu’elle n’aime pas, tout ça parce que dans l’entreprise où elle travaille, on doit se tutoyer. Mais revenons à La Redoute qu’elle n’a plus de raison de redouter depuis qu’elle a reçu cette jolie carte avec des fleurs et une chemise de nuit à moins cinquante pour cent. Depuis, l’idée s’est propagée et tout le monde s’est mis à lui souhaiter son anniversaire et sa fête : Monoprix, Darty, Boulanger, Yves Rocher etc.

Et comme tout le monde s’y est mis, il a fallu, forcément, trouver autre chose, creuser davantage le filon, se creuser par la même occasion les méninges, et trouver l’astuce, la ruse pour faire durer le commerce et l’existence de chacun. Ainsi, ce matin, Bécassine a reçu deux mails, et quelle ne fut sa surprise lorsqu’elle en découvrit le contenu :

Damart : Joyeux non anniversaire.

Darty : Joyeux demi-anniversaire.

On imagine l’effervescence dans les bureaux marketing de Damart. Quoi inventer ?! Il faut du neuf, du jamais vu, de l’innovant ! Et il y a eu un petit malin pour proposer de fêter un « joyeux non-anniversaire » ! Spectaculaire, il faut bien le dire, et pas forcément bien trouvé. Car cela vous renvoie à une inexistence qui, pour peu que vous soyez d’humeur sombre, peut entraîner de sacrés dégâts. Vous imaginez la résonance d’une telle phrase ?! Toutes les fois où on ne vous l’a pas souhaité ! Et si ça se trouve, mes parents ne voulaient pas de moi ?! Bref, souhaiter un non-anniversaire est une ânerie sans nom, ils manquent d’idées les gars de la publicité !

Quant à ceux d’à côté, qui doivent avoir les mêmes publicistes, ils ont trafiqué le machin de telle sorte que ce soit moins dur à lire et à entendre, mais le résultat n’est pas mieux. Souhaiter un demi-anniversaire, c’est comme offrir un demi-gâteau, un demi-cadeau, une chaussette sur deux ; c’est chiche, c’est mesquin, c’est petit ! Et après, ils vont faire quoi ? Ils vont vous souhaiter un tiers d’anniversaire, un quart, un douzième ? Face à tout cela sans compter tout le reste, Bécassine n’a qu’une seule envie désormais : qu’on lui souhaite bon courage… et pas une « belle » journée.

L’âne réhabilité

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Catherine Deneuve dans "Peau d'Âne", Jacques Demy, 1970. DR.

L’historien Michel Pastoureau explique les raisons de l’incroyable capital sympathie dont jouissent les ânes.


Midas, le roi Midas a des oreilles d’âne ! Ainsi court le bruit, dans la lointaine Phrygie, sur le fils de Gordias, l’inventeur du célèbre nœud. À Rome, L’Âne d’or raconte les aventures d’un jeune aristocrate transformé en âne. Peau d’Ane, l’histoire d’un père dévoré de désir pour sa fille laquelle, pour lui échapper, se revêt de la peau d’un âne qui fait des crottins d’or. Le Roman de Renart met en scène un archiprêtre représenté en âne. Le maître d’école d’une gravure de Van der Heyden a un bonnet d’âne. En Espagne, Sancho Panza chevauche un âne, et son maître, un cheval. Qui ne connaît les ânes de Tristram Shandy et Modestie, l’ânesse de Stevenson parcourant les Cévennes ? Dans La Peau de chagrin un jeune homme, grâce à un talisman en peau d’onagre, obtient ce qu’il veut mais meurt de ses désirs. Dans un long poème qui prend à rebours les idées reçues, Victor Hugo incarne, dans l’âne, la sagesse. Francis Jammes le chante, et Brassens.

Images ambivalentes

Quelle littérature ! Quelles passions, quels vices et rêves, quels fantasmes porte l’âne sur son dos ! Que d’images ambivalentes ! Âne fictif, âne social, littéraire, philosophique, tour à tour loué ou dévalorisé, l’âne est une figure de choix de notre imaginaire. Proverbes, allégories, symboles, gravures, peintures, tout est plein… d’ânes, aurait pu ajouter Hugo. C’est donc toute une histoire culturelle prenant en compte savoirs et croyances, vie réelle et imaginaire que raconte l’historien Michel Pastoureau dans son dernier livre, L’Âne, paru au Seuil. Accompagné par une iconographie de choix, voilà bien un livre à mettre sous le sapin.

Illustration de Walter Crane pour « Voyage avec un âne dans les Cévennes »

Venu du Sud de l’Égypte au quatrième millénaire avant J.C., l’âne gagne le Proche et le Moyen Orient, l’Asie Mineure puis l’Europe comme le montre une frise stylisée d’un troupeau d’ânes foulant le blé sur une tombe pharaonique (environ 2500 av. J.C.). Au IIème siècle de notre ère, l’âne est dans l’empire romain, avant de rejoindre par bateau Christophe Colomb, devenant ainsi le premier âne américain. Au XVIIIème siècle, seulement, il se trouve dans les colonies britanniques. Longtemps dévalorisé par comparaison avec le cheval, c’est Buffon qui lui donnera, grâce à l’introduction de la notion d’espèce, toute sa dignité, en affirmant « L’âne n’est pas… un cheval dégénéré ni un cheval au rabais. » Sauf que, si on lui reconnaît des vertus de frugalité et d’endurance, le portrait physique et moral de l’âne n’est pas fameux. Laid, ridicule, avec de longues oreilles et un braiement affreux, muni d’un appendice sexuel démesuré, il aurait toujours soif et aime le vin. Stupide et entêté, il ne fait pas peur : tout le contraire de l’homme.

Comme toujours dans ses livres, Pastoureau adopte une perspective chronologique.

Âne antique et âne médiéval

L’âne antique, très documenté, est respecté puis méprisé. Bête de somme, il accompagne la vie quotidienne de l’homme auquel il rend tous les services : travailleur, endurant, sobre, il tire. Bâté, il porte. Il fait tourner le pressoir et il foule. Il fournit du crottin et même une urine utile. Son lait fait le délice des femmes comme Poppée, l’épouse de Néron, qui se baignait plusieurs fois par jour dans un lait choisi, tout comme le fera Agnès Sorel, la favorite de Charles VII. Bête respectée, il a droit à deux jours fériés par an. Ensuite, l’âne sera méprisé pour plusieurs raisons : son origine méditerranéenne et sémitique ; l’avènement du cheval, monture noble, chevaleresque et monture des riches alors que l’âne est réservé aux pauvres. L’expression « un âne bâté » datant du XVIème siècle témoigne du mépris dans lequel l’âne sera tenu.

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L’âne médiéval, « monture du Christ et attribut du diable », peu documenté, tant il appartient à la vie ordinaire, est très riche de représentations symboliques à travers contes, fables et proverbes. Les bestiaires se multiplient. Mais, là encore, l’ambivalence demeure de la représentation. Dans une encyclopédie latine, on apprend que l’âne a de grandes oreilles et une vue « vagabonde » qui lui permettent de voir et entendre tout. Il éloigne du mal, la foudre l’épargne, ses sabots et ses ruades font peur au diable, il guérit les maladies liées à la surdité, sa croix dorsale, si on la caresse, peut faire des miracles. Mais l’âne exprime également la transgression dans « la messe de l’âne ». En attendant que la Fête des Fous fasse fusionner l’âne et le fou,dont témoignent La Nef des fous de Sébastian Brant ainsi que Le Portrait du fou regardant à travers ses doigts attribué à l’atelier du peintre Frans Verbeeck.

DR

En revanche, l’Histoire Sainte le valorise. C’est sur un âne que Moïse se rend en Egypte. L’ânesse de Balaam voit l’Ange barrer la route que ne voit pas son maître. C’est sur un âne que Giotto représente la Fuite en Egypte. C’est sur un âne que Jésus fait son entrée, le jour des Rameaux, à Jérusalem, comme le représente un splendide vitrail du XIIIème siècle, à Notre-Dame de Chartres. Pourquoi un âne ? Parce que, dans le Proche Orient ancien, et dans l’Ancien Testament, l’âne serait une monture royale pacifique, à la différence du cheval, belliqueux. Dans la crèche, l’âne est toujours là avec le bœuf.

Inversion du regard

« Ignorant et obtus » tel est l’âne moderne. Qui va du XVème siècle au XVIIIème s. Le bonnet d’âne, connu des Romains et apparu au Moyen Age, monte en puissance. En même temps, l’âne est l’objet d’un débat philosophique sur le libre arbitre des animaux. Témoin, l’âne de Buridan, auquel s’oppose l’âne du dominicain Bruno qui voit, lui, dans l’âne ,« l’ignorance savante » et le « gai savoir ». Ainsi va l’inversion des valeurs. Mais si l’âne nouveau grandit avec les encyclopédies, c’est avec le romantisme, que se fait l’inversion du regard.

L’âne contemporain,du XVIIIème au XXIème siècle, suscite compassion et empathie. Il est représenté partout, sur les affiches, au cinéma, alors que sa réalité s’efface dans la vie quotidienne, avec l’urbanisation. Moyen de locomotion avant le vélo et l’auto, passant partout, d’un pas ample et régulier, il sert de facteur, ravitaille au front pendant la guerre de 14. Les ânes rescapés de la guerre deviendront sourds. En politique, il est l’emblème de la Catalogne et des démocrates américains. Et on n’oubliera pas le canular de l’âne Lolo, « peintre génois futuriste excessiviste » et de son pinceau qui fit grand bruit !

La Famille de la Laitière DR.

Au XXème siècle, l’âne entre dans la littérature enfantine avec Cadichon et l’Ane Culotte. Et dans les jouets.Tous les enfants aiment caresser sur son front rêche l’âne placide aux grands yeux. Michel Pastoureau lui-même dit avoir une tendresse particulière pour les ânes qui lui rappellent son enfance au Jardin du Luxembourg, en compagnie de sa grand-mère. Moi-même rend toujours visite aux ânes de la montagne Sainte Victoire, choyés comme des rois, dont la race s’éteindrait si elle n’était protégée. Quant à Paul Cézanne, on sait qu’il se déplaçait à pied et à dos d’âne. Aussi la mairie proposa-t-elle, cette année, à l’occasion de l’exposition Cézanne, pour les moins de 14 ans, une balade culturelle et « enchantée » à dos d’âne sur les sentiers de Sainte Victoire pour mieux s’incorporer le génie du peintre !

Âne ou onagre ? Âne domestique ou âne fougueux ? Âne ou mulet ? Âne ou cheval ? Pas toujours facile à discerner comme le montre la belle mosaïque, datant de 250 après J-C, du musée archéologique d’El Djem, en Tunisie, qui ouvre le livre. Une autre mosaïque, byzantine, trouvée à Constantinople, datant du Vème siècle av. J.C., et qui se trouve à Istanbul, dessine le geste gracieux et bienveillant d’un enfant donnant à manger à un âne. Le livre abonde de peintures et de gravures de toutes sortes. Une tapisserie intitulée l’Automne, située au Palazzo Vecchio de Florence, tissée pour Côme de Médicis, représente un âne participant à la vendange. Une peinture de Le Nain du musée de l’Ermitage La Famille de la Laitière en dit plus que tout discours. De même une gravure de Goya dans Les Caprices qui montre un âne médecin. Sans oublier l’image publicitaire du chocolat Suchard, datant du début de notre siècle, porté par des ânes dans un défilé de montagnes enneigé ! Décidément, ce livre, d’un prix modique, est un trésor !

160 pages

L'Âne: Une histoire culturelle

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Tartuffe sous le sapin

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La Vénézuelienne Esther Pineda G. accuse le Français Ivan Jablonka de s'être approprié son travail. RS / Sipa.

Une sociologue vénézuélienne, afrodescendante, militante féministe acharnée, voit son travail pionnier totalement nié, effacé, rayé de la carte par un homme blanc européen, écrivain et chercheur couronné du prix Médicis, qui a pourtant consacré l’essentiel de sa carrière académique à dénoncer, avec une vertueuse indignation, l’invisibilisation des femmes.


C’est le nouveau conte de Noël 2025. On hésite pour le titre : Les nouveaux monstres ou L’arroseur arrosé ? C’est selon qu’on aime la satire à l’italienne ou le burlesque intemporel.

Le Père Noël, qui a failli être berné en glissant un livre éthique et responsable dans sa hotte pour l’édification des petits et grands machos, me souffle un choix classique : Tartuffe féministe. Je vous explique.

Une appropriation vraiment pas nécessaire

Dans son dernier essai, La Culture du féminicide (Seuil, août 2025), Ivan Jablonka, historien et professeur reconnu développe la notion de « culture du féminicide » – un imaginaire culturel banalisant la mise à mort des femmes à travers cinéma, peinture, littérature, etc., de la Bible à Netflix.

Il présente explicitement ce concept comme une invention personnelle : dans un entretien accordé à Libération cet été1, il déclare fanfaron qu’il lui « a semblé nécessaire d’inventer cette notion » pour penser des phénomènes jusque-là invisibles, la plaçant aux côtés de la «culture du viol» et de la «culture de l’inceste».

Or, Esther Pineda G, jeune sociologue vénézuélienne, docteure en sciences sociales résidant en Argentine, accuse publiquement Ivan Jablonka de s’être approprié cette expression et cette thèse sans la citer une seule fois !

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Elle est en effet l’autrice de Cultura femicida (éditions Prometeo), publié dès 2019 (rééditions en 2022 et mai 2025), dans lequel elle développe exactement la même idée : la banalisation du meurtre patriarcal des femmes par sa diffusion massive dans la production culturelle (cinéma, peinture, littérature, musique). Les féminicides, d’après elle, sont partout déclinés à des fins de spectacle. Esthétisés, parfois glorifiés, souvent normalisés. La possession jalouse, la violence machiste y sont des lieux communs.

C’est aussi le sujet du livre d’Ivan Jablonka. Titre et thèse centrale, concept fondateur, la similarité est troublante.

Ivan Jablonka, dont les livres sont traduits en espagnol, suivait déjà le compte Instagram d’Esther Pineda G (plus de 43 000 abonnés) dès 2021, époque où un club de lecture argentin, La Gente Anda Leyendo, avait promu concomitamment des ouvrages des deux auteurs.

Récemment, alors qu’Ivan Jablonka (45 000 followers sur Instagram) était au Mexique pour promouvoir ses recherches sur le féminisme, Esther Pineda G découvre par hasard un article de lui intitulé « Dark romance et culture du féminicide2 ». Elle contacte alors Ivan Jablonka en messages privés. Ce dernier répond qu’il travaille ce sujet depuis dix ans mais qu’il n’a « pas eu l’occasion » de lire son livre.

« À cette époque, cela faisait déjà deux ans que j’avais publié Cultura femicida et que j’en parlais sur mes réseaux sociaux » affirme la sociologue dont la notoriété est grande.

Face à cette réponse qu’elle juge insuffisante, Esther Pineda G rend finalement l’affaire publique sur X et Instagram, dénonçant un cas d’« appropriation et d’extractivisme intellectuel » (logique néocoloniale où un chercheur du Nord extrait les idées du Sud sans reconnaissance : il faut s’infliger tout ce jargon pour comprendre et je m’en excuse). Elle écrit : « Même titre. Même thèse centrale. Couverture identique à celle de mon livre. Il prétend avoir inventé l’expression « culture du féminicide ». Aucune citation de mon travail. »

Elle affirme ensuite avoir été bloquée par Ivan Jablonka sur Instagram. BLOQUÉE: le mot dit tout.

On a donc un champion auto-proclamé du féminisme, un homme « juste» – c’est le titre d’un de ses livres – qui se fait coincer sur… l’invisibilisation d’une femme. Un grand prêtre qui dénonce partout les privilèges du patriarcat et de la domination masculine mais qui dans les coulisses marcherait sans se poser de questions sur une femme et sur son œuvre…

Mauvais genre

Ivan Jablonka, le grand allié irréprochable, prix Médicis, spécialiste du genre, qui passe sa vie à dénoncer le patriarcat et l’effacement des femmes dans l’histoire… réduirait à néant une chercheuse latino-américaine noire qui a tout dit six ans avant lui ? Lui ??  On n’y croit pas.

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C’est comme si un curé prêcheur de chasteté le jour tenait une maison-close la nuit ou qu’un militant vegan ouvrait en cachette un Burger King. Sa stratégie de défense aujourd’hui paraît bien faible : « Je n’avais pas eu l’occasion de lire son livre ». Traduisez : « Moi, grand intellectuel parisien avec 45 000 followers, qui suis les comptes latino-américains sur Instagram depuis 2021, qui voyage au Mexique pour promouvoir mon féminisme, et dont les livres sont traduits en espagnol… ben non, je n’ai jamais entendu parler d’un bouquin pourtant connu en Amérique latine qui porte sur le même sujet. » Le niveau de crédibilité est faible.

Le silence initial, puis la défense minimaliste, font penser qu’Esther Pineda a des raisons solides d’avoir une dent contre le champion parisien de la « justice de genre» (sic). Qui se satisferait de « J’ai cité beaucoup de chercheuses… mais pas celle-là… » ? Oups. Fâcheux pour la « science », surtout celle-là. L’éditeur, Seuil, annonce qu’il est « en train de lire » le livre de Pineda G. en décembre 2025. Comme l’ouvrage de la chercheuse est sorti en 2019, vu le rythme, ils finiront la préface en 2030… On comprend mieux, à ce stade, pourquoi le grand déconstructeur de la masculinité toxique voyait dans la galanterie un geste pervers de domination : sur ce point au moins, il s’est montré parfaitement cohérent. Mais comme c’est Noël et qu’il y a un gâteau, voici venir la cerise:

Les couvertures des deux livres arborent des jaquettes presque jumelles: un squelette inquiétant, façon calaveras mexicaines, rôdant autour d’une femme. Coïncidence ? À ce niveau, ce serait comme voir deux invités débarquer à une soirée costumée en clowns strictement identiques, l’un jurant à l’autre : « Je ne t’ai jamais vu de ma vie. »

Ainsi se clôt cette tragi-comédie académique : notre Tartuffe féministe, après avoir prêché la vertu à la cantonade, se retrouve apparemment démasqué pour un chef-d’œuvre absolu d’hypocrisie dans le registre Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Encore un prédicateur qui s’emmêle dans son sermon et dont la vie réelle démasquée livre soudain un abîme. Cette année, le Sapin de la morale bienpensante a perdu quelques aiguilles et son étoile. Quant au père Noël, il a passé le livre de notre compatriote à la broyeuse. Recyclage éthique oblige.  Lisez plutôt Esther Pineda, même si c’est en espagnol.

Des hommes justes: Du patriarcat aux nouvelles masculinités

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La Culture du féminicide

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Sources: Libération.


  1. https://www.liberation.fr/idees-et-debats/ivan-jablonka-pour-ne-plus-etre-drogue-culturellement-au-feminicide-il-faut-en-changer-les-representations-20250820_73SZWNRB3FAY5F7CBKBEL27NOI/ ↩︎
  2. La Vie des idées: https://laviedesidees.fr/Dark-romance-et-culture-du-feminicide ↩︎