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Villepin/Sarkozy : où est le « problème » ?

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Ceux qui me lisent régulièrement le savent, je suis loin de faire partie des zélateurs de Dominique de Villepin. Au printemps dernier, j’avais d’ailleurs tenté de décrypter sa ligne politique pour la revue mensuelle Causeur[1. Ceux qui ne sont pas encore abonnés peuvent toujours réparer cet oubli ici] et plus récemment, lorsque l’ancien Premier ministre a repris sa carte de l’UMP, je me suis interrogé en termes choisis : Villepin se fout-il de nous ?

Pour autant, j’ai beaucoup de mal à comprendre la polémique autour de ses déclarations sur Europe 1. L’émission produisait un bruit de fond assez neutre hier dans ma cuisine alors que j’étais en train de repeindre les murs de cette dernière. Et, pour tout dire, mon rouleau n’a pas tremblé lorsque Villepin a prononcé les mots du délit. En fait, j’avais l’impression d’entendre la rediffusion de l’émission de la semaine d’avant. Le discours n’avait pas changé. Seule la voix différait. Et pour cause, le 31 octobre, c’était celle de François Bayrou. Villepin fait du Bayrou, donc, et il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir qu’il est en train de tenter de lui piquer le marché de l’antisarkozysme centriste.

Revenons donc aux déclarations incriminées : « Je dis que Nicolas Sarkozy est aujourd’hui un des problèmes de la France (…) et qu’il est temps que la parenthèse politique que nous vivons depuis 2007 soit refermée ». Bon, c’est vrai, ce n’est pas très charitable. Etre qualifié de « problème de la France », ce n’est pas particulièrement valorisant. D’autant qu’il n’est pas le problème, mais un des problèmes, ce qui ne flatte guère l’ego. Mais, voyez-vous, je ne vois rien ici d’outrageant surtout de la part d’un opposant qui, très normalement, pense de manière légitime que c’est un problème de ne pas être soi-même aux manettes. Quoi ? Villepin n’est pas opposant, puisqu’il appartient à l’UMP ? J’oubliais…

La petite phrase de Villepin est surtout une belle connerie pour lui-même

Il faut quand même manquer singulièrement de mémoire politique pour oublier que les pires opposants ont toujours figuré dans la majorité ; Raymond Barre utilisait le « 49-3 » parce qu’un parti de sa majorité aurait refusé de voter son budget ; dans l’Appel de Cochin, en 1979, Chirac balança à la figure du président Giscard d’Estaing l’aimable « Parti de l’étranger » ; rappelons-nous le « Munich social » fustigé par le Président de l’Assemblée Nationale Séguin en 1993 et dont -on se demande bien pourquoi- le Premier ministre Balladur avait pris ombrage ; et – last but not least – pensons à ce ministre français en voyage à New York à l’automne 2006 qui dénonçait « l’arrogance française » dans l’affaire irakienne[2. Nicolas Sarkozy -puisque c’est bien de lui qu’il s’agit- visait bien son propre Président et le ministre des affaires étrangères Dominique de Villepin, devenu entretemps son chef de gouvernement. Occasion unique pour les duettistes de virer enfin le ministre de l’Intérieur sur un dossier où l’opinion était d’accord avec eux. Occasion ratée. Comme une certaine dissolution].

Il n’y avait donc pas de quoi sauter au plafond en entendant cette envolée villepinesque hier matin. En revanche, cela a fourni à Nicolas Sarkozy une belle occasion de mettre Copé, Baroin, Tron et Lemaire au pied du mur et les obliger à choisir leur camp. Ces derniers se sont exécutés et furent les plus sévères à l’endroit de leur « ami ». La petite phrase de Villepin, c’est surtout une belle connerie pour lui-même, preuve de son incapacité à tenir une ligne claire et occuper un espace politique viable.

En revanche, je me permettrai de suggérer au Président de la République une chasse bien plus utile que celle qui consiste à poursuivre de sa vindicte un concurrent qui n’en sera jamais un. Il a invité la semaine dernière quelques députés UMP à taper la causette et l’un d’eux[3. Ou même plusieurs d’entre eux.] s’est répandu auprès de journalistes, lui attribuant ces paroles : « j’ai un super-job, une superbe femme, alors les Français me le font payer ». S’amuser à répandre de telles informations n’est-il pas plus injurieux à l’endroit du chef de l’Etat, surtout lorsqu’on émarge au groupe UMP ? Et penser que les Français pourraient croire autant de vilénie de la part du premier d’entre eux n’est-il pas beaucoup plus outrageant qu’une minuscule attaque villepiniste ?

Trois questions, trois réponses

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Photo : Gage Skidmore

Jérôme Chartier, député UMP du Val d’Oise est spécialiste des questions économiques et financières. Rapporteur de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, il revient sur la décision américaine d’injecter près de 600 milliards d’euros dans l’économie, par le rachat de bons du Trésor.

Comment juger la décision américaine de « jeter 600 milliards de dollars dans l’économie depuis un hélicoptère », comme l’a dit le ministre brésilien des Finances ?
Tout le monde voit bien qu’il s’agit pour les Américains de se défendre face à des prévisions de croissance qui ont plongé pour 2011. C’est une mauvaise défense. Mais la Fed est titulaire d’un pouvoir tel que dans ce contexte post-crise mondiale, les pays émergents et l’Europe peuvent s’élever contre cette décision, mais pas grand-chose de plus. Surtout quand elle est annoncée à quelques jours de la présidence française du G20…

Faut-il repenser le système monétaire mondial ?
Aujourd’hui, personne ne veut ni n’a de vision mondiale de la gestion des monnaies. La concurrence est telle que les pays jouent leurs intérêts personnels et la grande victime de ces stratégies individuelles est l’euro, gêné par le dollar et le yuan.

L’euro est donc une monnaie victime…
L’attitude des pays étrangers doit nous obliger à réfléchir à la stratégie monétaire européenne, notamment dans le cadre de la succession de Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE. Sans quoi nous ne pourrons jamais faire le poids face aux américains qui ont des tels volumes de dollars en circulation qu’il leur est possible d’imposer toutes leurs décisions, ou aux chinois dont on ne peut concurrencer le taux de change. On devrait réfléchir sérieusement à un système de parité, à créer des amortisseurs automatiques comme il en existait dans feu le Système Monétaire Européen. Mais on ne peut pas continuer à avoir une parité euro/dollars à 1,4. Sinon, ce n’est pas l’euro qui sera la victime mais les Européens…

Barbie journaliste: un peu court…

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Après avoir sondé les acheteuses américaines de la poupée blonde préférée des petites filles du monde entier, la société Mattel a décidé que la prochaine Barbie exercerait le noble métier de journaliste. Et apparemment, c’est plutôt une bonne idée, on se l’arrache aux rayons jouets en prévision de Noël.

Vous en jugerez par vous même, mais moi je la trouve très chic avec son tailleur taille XXS et son micro, dont on sait que ce sont les seuls et uniques accessoires auxquels on reconnaît la vraie journaliste.

Certes cet accoutrement n’est pas des plus recommandés pour couvrir la guerre en Irak, mais c’est incontestablement la tenue idéale, comme le remarque fielleusement le L.A Times, pour aller interviewer les joueurs de football dans les vestiaires. Mais alors il eut mieux valu interdire ce joujou aux moins de 18 ans…

Houellebecq, well but ?

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Avec La Carte et le territoire, Michel Houellebecq écrit une "contre-utopie baroque".
Avec La Carte et le territoire, Michel Houellebecq écrit une contre-utopie baroque.

« Le monde est ennuyé de moy / Et moi pareillement de luy. » C’est sur cet exergue emprunté à Charles d’Orléans que s’ouvre La Carte et le territoire. A priori, ça sent furieusement sa posture. Le premier vers du prince, au moins, ne s’applique aucunement à Michel : loin d’en être « ennuyé », le monde entier ou presque pâme devant luy.

C’est même ça, plus que la posture[1. Qui n’a pas ses petits défauts ?], qui fait problème. Par quelle magie ce misanthrope pessimiste charme-t-il désormais tous azimuts, des blogueurs les plus rebelles aux critiques les mieux installés, de la gauche à la droite et jusques aux USA ?

Nabe, souvent lucide sur les autres, donnait en ces termes la recette du succès houellebecquien : « Roman à thèse + écriture plate + athéisme revendiqué + critique de son temps (mais pas trop) + défense du capitalisme + attaque des Arabes = succès garanti[2. In Le Vingt-Septième Livre (cf. Dictionnaire des injures littéraires, de Pierre Chalmin).]. »[access capability= »lire_inedits »]

Bien sûr, on trouverait là, à l’analyse, des traces de mauvaise foi. Vieux différend entre ex-amis séparés par la vie ? Choc d’égos qui aurait été fatal à leur duo – comme Elie & Dieudonné, Pétain et de Gaulle, Cartman et Stan ? Bien sûr que Houellebecq s’est créé un personnage ; et alors ? C’est pas ça qui le distinguera de Nabe !

Michel faut venir à lui les petits-enfants déboussolés du progressisme

Impossible en tout cas de ne pas saluer le parcours éditorial et médiatique de Michel depuis quinze ans ! Même les putes thaïes et les partouzes glauques, absentes de cette livraison, furent sans doute nécessaires en leur temps pour soulever l’intérêt de la masse critique, blasée mais toujours frustrée. Quant à ses expériences musicales avec Burgalat et Iggy Pop, même bancales ou foireuses, c’est que du bonus : ça vous pose en artiste complet ! Un sans-faute donc, hormis peut-être son bouquin d’« échanges » quasi porno avec BHL − dont la diffusion restera par bonheur confidentielle.

Mais le vrai succès de Michel, c’est d’avoir su faire venir à lui-même les petits enfants déboussolés du progressisme. Le 8 septembre, Les Inrocks consacraient pas moins de sept pages à cet « écrivain essentiel ». Il fallait le voir posant au phtisique dans une chambre d’hôtel sinistre : « Ce livre sera peut être mon dernier », affirmait-il en titre d’un entretienfleuve, entrecoupé seulement par des photos de son mouroir et quelques inters genre « Je suis vieux maintenant… Je sais que je n’en ai plus pour très longtemps ». Ben voyons ! Ce mourant a trente-trois ans de moins que Jean d’Ormesson, et même pas de cancer comme Mitterrand…

Mais bon, faut être malin : quand on explique à des gens de gauche que tout fout le camp, autant se mettre dans le lot ! D’ailleurs, la critique de La Carte, parue dès le 29 août sur le site des Inrocks, évite soigneusement d’aborder le fond. Elle préfère insister, à coups d’adjectifs hyperboliques, sur le « formidable autoportrait » que constitue ce « magnifique roman […] irréductible à une seule thèse ». (Traduction : s’il n’y en avait qu’une, ce ne serait sans doute pas la nôtre…)

Pourtant l’honorable Télérama, une semaine plus tard, dit exactement le contraire. Ce n’est pas un autoportrait, c’est « un tableau du monde contemporain : règne de l’argent et de la vulgarité, impostures médiatico-mercantiles en vogue ». Et puis soudain, après débriefing de son rédac’chef peut-être, la journaliste nuance son propos : « Posture réac, diront certains. Libre à eux de réduire à cela la portée du roman. » En gros, Houellebecq, c’est comme l’alcool pétrifiant des Tontons flingueurs : y » a du réac, mais y » a pas que du réac…

Le plus audacieux de la bande, c’est quand même Le Monde, qui décerne à Michel un brevet de cette « rébellion institutionnelle » qu’il incarne depuis soixante-cinq ans. Outre un substantiel dossier dans son supplément littéraire, le « quotidien de référence » lui consacre carrément deux colonnes à la une[3. 3/9/10.]. Sous une photo de l’artiste, plus souriant et mieux peigné que dans Les Inrocks, s’étale ce titre : « Michel Houellebecq pose un regard aigu sur le déclin du monde occidental ». On n’est pas plus critique !

Il est là, le problème que j’évoquais d’emblée. Si tout le monde comprend Houellebecq, c’est que certains se trompent d’erreur, à moins qu’il ne se paye notre tête à tous…

Le ciel est aussi vide que nos frigos bruyants et nos yeux cernés de toutes parts

Que veut donc dire Michel, à travers et malgré son succès ? À l’évidence, ce qui plaît chez lui, en première analyse, c’est sa petite musique de crépuscule punk : no future, no way out, no nothing…

Houellebecq, c’est le prophète Philippulus[4. Cf. Tintin et l’étoile mystérieuse.] sans la foi : « La fin des temps est proche ! », certes ; mais à quoi bon « se repentir » ? Le ciel est aussi vide que nos frigos bruyants et nos yeux cernés de toutes parts. Alors oublions tout et allons plutôt à l’hypermarché !

L’homme est le nouveau dieu que s’est inventé notre civilisation agonisante ; mais on s’en bat les couilles vides, vu que la misérable espèce humaine ne mérite pas mieux, entre nous. Tel est l’horizon intellectuel que fixe Houellebecq à ses lecteurs. Heureusement, il reste l’art ! Comme disait Mario Vargas Llosa, avec l’autorité que lui donne désormais son Nobel tout frais, « la vie est une tornade de merde dans laquelle l’art est notre seul parapluie.[5. C’est moi qui cite.] »

Sauf que l’art en question, c’est du roman ! Mieux même, comme le résume sans gêne la quatrième de couverture : « Un roman résolument classique et ouvertement moderne[6. Note à mon éditeur Gilles Haéri (Flammarion) : Est-ce que je pourrais avoir la même ?] ». Que peut bien vouloir dire cet oxymore ? Rien, bien sûr. C’est même pour ça qu’il est vendeur !

Toute la partie contrebandière du succès houellebecquien tient là-dedans. Son Fabrice à Waterloo donne-t-il quand même une idée de Waterloo, ou seulement de Fabrice ? Et d’ailleurs, qui est Fabrice ? « Mon nom est légion », répond ici Houellebecq, à l’instar de Belzébuth dans les Évangiles. Où le chercher, en effet, entre toutes les voix qu’il emprunte ? Celles de son héros Jed Martin, « artiste plasticien » ; de son homonyme écrivain, qu’il met en scène puis à mort dans des circonstances atroces ; du commissaire Jasselin, chargé de l’enquête ; ou même de ce chien coupé qui assiste à la scène impuissant ?

Au lecteur de deviner, s’il y arrive ! Un indice quand même : le « Michel Houellebecq » du livre ne saurait être le vrai, puisqu’il meurt avant la fin alors que l’autre est en promo !

Mais après tout, c’est pas un essai, c’est un roman, n’est-ce pas ? Un roman, c’est-à-dire un labyrinthe où tu as intérêt à te plaire, parce que seul l’auteur en connaît la sortie ; et pour cause : elle n’existe que dans son imagination…

On l’aura constaté : dès que j’ai l’occasion de caser un couplet contre le roman, je ne m’en prive pas[7. A part les polars et les romans d’avant 1900, c’est-à-dire utiles.] ; mais ici, Michel ne nous prend pas en traître. Même s’il a publié essais et poèmes, il est surtout connu pour ses oeuvres romanesques[8. Voir notamment Les Îles élémentaires (Guide du routard, 2005), La Carte et le menu (Pudlowski, 2007), La Possibilité d’une particule (Héloïse d’Ormesson, 2009).].

L’intérêt de cette fable-là, c’est qu’elle nous dessine un Houellebecq à marée basse. En slip dans le sable mouillé, comme un Katerine qui ne ferait même pas semblant de trouver ça drôle.

En se fouaillant il nous crucifie

Un Houellebecq qui ne nous vend plus rien pour bander, même honteusement : ni obsession sexuelle, ni anti-islamisme obsessionnel. Qu’est-ce qui reste ? Un médecin légiste qui s’auto-autopsie. Eh bien, vous voulez que je vous dise ? Ce serait intéressant même si on n’était pas faits comme lui…

Le « petit plus » de Michel, c’est qu’en se fouaillant, il nous crucifie ! Pessimiste sur la nature humaine, il étend ça à Dieu sans prévenir. Pour autant, il reste ouvert à l’idée d’au-delà, dès qu’elle atterrira… En attendant, l’infidèle répète fidèlement son mantra jem’en- foutiste, et qui songerait à le lui reprocher[9. Moi, si j’étais ses parents.] ?

La vie selon Houellebecq n’est qu’une « fiction brève », qu’il résume élégamment à « la sensation inutile et juste que quelque chose aurait pu arriver ».

Rien n’arrive-t-il donc jamais ? Rien n’est moins sûr… Même moi, tel que vous me lisez, j’ai failli tomber de ma chaise en voyant Houellebecq citer Chesterton. Quand un agnostique dépressif en vient à se réclamer d’un catho dyonisiaque, ça s’arrose !

Or c’est ça qui se passe dans ce livre – ou du moins, c’est la vérité que je retiens de cette fiction. Michel plaide sans masque pour une contre-utopie baroque née du cerveau de Gilbert K. : « Une révolution basée sur le retour à l’artisanat et au christianisme médiéval », tout simplement. Est-ce que Houellebecq y croit vraiment ? Je n’en sais rien, vu qu’apparemment il ne croit à rien… Moi, en attendant, je suis partant, du moment qu’il y a un coup de blanc.[/access]

Immigration : faut-il annoncer la couleur ?

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Hugues Lagrange

Race ou classe : dans le débat sur l’immigration, les banlieues et l’insécurité, chacun est prié de choisir son camp – si possible le bon. On vous parle délinquance, échec scolaire ? Répondez immédiatement : chômage, pauvreté, ghettoïsation ! Évoquer les origines ethniques des populations concernées, mentionner leur religion, leur culture et leur vie avant leur installation en France, c’est prendre le risque d’être accusé de racisme. On vous soupçonnera de vouloir dédouaner l’Etat et le pays d’accueil et de rendre l’immigré responsable de sa misère. Or, si chez Agatha Christie, le coupable, c’est toujours le majordome, dans le débat public, c’est toujours le grand méchant Blanc. Le grand mérite du Déni des cultures, le dernier ouvrage du sociologue Hugues Lagrange, est de s’attaquer à cette vision binaire et idéologique de la réalité.

Lagrange n’y va pas par quatre chemins : « Les émeutes urbaines, constate-t-il, […] ont surtout mobilisé les enfants des grandes familles isolées par la ségrégation urbaine. […] Elles ont d’abord impliqué des adolescents masculins qui cumulent plus de difficultés scolaires que les filles. Ces réalités sont l’expression d’arrangements familiaux et de rapports entre les sexes qui tranchent radicalement avec l’évolution des mœurs en Europe  […]. »  Mais ces réalités sont occultées par des pouvoirs publics, de gauche comme de droite, qui hésitent entre « l’affirmation d’une indifférence […] à la confession, à la couleur de la peau et à la culture d’origine et des actions ostentatoires pour refouler les « nouveaux barbares » « .[access capability= »lire_inedits »]

Fort de nombreuses statistiques et d’une connaissance approfondie des cités qui entourent Mantes-la-Jolie, Lagrange concentre son attention sur les immigrés arrivés du Sahel ces vingt dernières années. Pour eux, l’émigration s’est doublée d’un choc des cultures – au sens anthropologique du terme. Lagrange montre l’importance de facteurs tels que la polygamie, la taille des fratries, les relations intergénérationnelles horizontales (qui assurent l’autorité du grand frère), la différence d’âge entre mari et femme. Ces éléments produisent un genre particulier de domination masculine écrasante qui, à la différence du machisme, fait de la pureté de la femme la base de l’honneur de l’homme et du groupe. Contrairement aux idées reçues, les pères ne sont pas absents et ne manquent pas d’autorité. En revanche, ils sont distants et leurs femmes, souvent jeunes, souffrent d’un déficit d’autorité sur les garçons, notamment l’aîné.

Huit ans, l’âge de la dernière chance ?

Ces caractéristiques anthropologiques issues des sociétés sahéliennes réduisent très fortement les chances des enfants de réussir à l’école. Or, l’échec scolaire est la raison principale des conduites transgressives pendant l’adolescence. Les frustrations accentuent à leur tour la pression exercée sur les filles tandis que l’islamisme cautionne et sanctuarise les dérives de ce néo-traditionalisme.

À en croire Lagrange, ce qui n’a pas été fait avant l’entrée en CE2 est presque impossible à rattraper – 8 ans, l’âge de la dernière chance ? Dire cela, c’est ouvrir une boîte de Pandore idéologique et politique et rejeter la « responsabilité » sur les familles qui s’avèrent incapables de donner aux enfants les outils de base nécessaires à un parcours scolaire normal, non pas par désintérêt ou manque de moyens, mais en raison de la structure même de certaines familles d’origine africaine. Au moment de la scolarisation, les enfants souffrent de problèmes d’attention et de concentration, de difficultés à maîtriser des repères temporels, donc à assimiler les temps grammaticaux. Ces carences sont bien trop lourdes pour que l’Ecole puisse les combler efficacement.

Pour rendre justice à l’analyse de Lagrange, il faut préciser que, pour lui, la dimension culturelle ne remplace ni ne diminue le poids des facteurs socio-économiques. Les deux sont tout simplement inséparables : ce qui compte, c’est la rencontre de la culture d’origine et de celle de la société d’accueil, mais aussi les conditions économiques et matérielles de cette dernière. La culture des quartiers étudiés par Lagrange est, en réalité, tout aussi éloignée des traditions françaises que de celles du pays d’origine. Dans un environnement compétitif et méritocratique, les garçons nés en France ou arrivés très jeunes se bricolent une identité qui n’est ni d’ici ni de là-bas.

Pour Lagrange, la prise en compte des facteurs ethnoculturels dans les difficultés des immigrés doit permettre de comprendre l’échec des « politiques de la ville » mais aussi de suggérer de nouvelles pistes. Il s’agit de s’appuyer sur les handicaps, par exemple en utilisant les « ghettos ethniques » comme des sas de décompression.

L’intégration des immigrés – surtout quand ils sont issus de cultures qui se conjuguent difficilement avec la culture dominante française – ne peut pas, dit-il, être pensée en termes de réussite individuelle. Leur seule chance de s’en tirer est la communauté. Or les classes moyennes « de souche » n’ont pas repris le chemin des cités abandonnées par leurs parents à partir de la fin des années 1970. La seule possibilité pour que s’instaure cette mixité sociale recherchée et introuvable, c’est que les membres de la communauté qui réussissent restent soit dans la cité, soit à proximité : ces classes moyennes qui auraient « un pied dedans, un pied dehors » feraient office de locomotives pour les autres. Ainsi, une moindre diversité ethnique pourrait-elle aller de pair avec une plus grande diversité sociale.

Si le diagnostic est passionnant, les conclusions de Lagrange ont de quoi laisser sceptique. En effet, il interpelle le roman français en proposant des modalités du « vivre ensemble » radicalement différentes de celles que nous connaissons. Il entend rompre avec notre conception, issue de la Déclaration des droits de l’homme, de l’individu comme être sans histoire, sans origine et sans religion, au profit d’une prise en compte des gens tels qu’ils s’inscrivent dans le tissu socioculturel. Ce sont, selon lui, toutes ces différences qu’il faudrait patiemment assembler dans une France « patchwork ». Vaste programme auquel on n’est pas obligé d’adhérer. [/access]

Faites sauter la banque !

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Tout récemment, la marmaille était une fois de plus en congé scolaire et ce fût donc la télé, inlassable baby-sitter, qui prit le relais de l’école. Au programme sur TF1, Ratatouille! Paaaaarfait ! Les parents vissent leurs mômes sur le canapé trois places et c’est parti. Mais avant le générique, bien sûr, il y a les pubs. Dont une pour le Crédit Mutuel. Et dans cette pub, un père informe son gamin (lequel est trentenaire, mais ça change rien au film) que le Père Noël n’existe pas ! Vlan !

Larmes des bambins, explications attristées des parents, et surtout, surtout, réaction immédiate d’iceux. Comment fait-on aujourd’hui pour dénoncer une infamie ? On crée une page Facebook, bien sûr. Ce qui fut fait.

A l’heure d’écrire ces lignes, ce groupe Facebook totalise plus de 1400 membres outragés, c’est vous dire le succès.

Pourtant je me demande si ces parents Facebookeurs n’ont pas raté une belle occasion d’éduquer leur progéniture à l’esprit critique. « Tu verras, mon lapin, qu’il existe le Père Noël, et si tu es bien sage, il t’apportera encore plein de cadeaux, cette année. Faut jamais, jamais, croire ce que racontent les pubs, Mon p’tit chou ! » .

Et puis de toute façon, croire qu’on va museler une banque avec un groupe Facebook, c’est déjà croire au Père Noël, non ?

Marie-France d’abord !

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Marie-France Garaud, dont il serait discourtois de révéler la date de naissance, a quelques heures de vol dans la vie politique française. Elle accéda à la notoriété dans les années soixante-dix, comme puissante conseillère du président Georges Pompidou, puis comme âme damnée de Jacques Chirac avant que ce dernier ne s’émancipe de sa pesante tutelle. En duo avec son compère Pierre Juillet, elle fut à l’origine du « remerciement » du premier ministre Jacques Chaban-Delmas en 1972, et du torpillage de la candidature de ce dernier à l’élection présidentielle de 1974.

Vestale du gaullisme de stricte obédience, elle se lança dans l’arène politique lors de l’élection présidentielle de 1981, donnant alors une visibilité nationale à son chignon impeccable. Le score qu’elle obtint fut modeste, mais son discours bénéficia tout de même d’un certain écho dans une partie de la droite française, disons sa composante bonapartiste, pour reprendre la classification du regretté René Rémond.

Le titre de son dernier essai, Impostures politiques, prévient d’emblée le lecteur que le temps qui passe n’émousse pas son regard acéré et impitoyable sur la marche du monde et les hommes politiques du présent et du passé.

Marie-France Garaud n’est pas une pleureuse « décliniste » parmi d’autres, c’est une imprécatrice de « l’affaissement » de la position de notre nation, œuvre collective de ces « imposteurs » qui l’ont dirigée depuis la mort de Georges Pompidou en 1974.

L’irréductibilité des différences franco-allemandes

Cette philippique n’aurait qu’un intérêt réduit si elle ne s’appuyait pas sur une analyse historique stimulante, bien que parfois contestable, de l’évolution parallèle des principales nations de « l’ensemble eurasiatique » : France, Allemagne, Russie, Chine.
De son maître, le général de Gaulle, M.F. Garaud a retenu le goût pour les formulations tautologiques du style A=A, qui traduit la nature immuable des traits fondamentaux distinguant les nations et les peuple les uns des autres.

Pour elle, par exemple : « Depuis des siècles, immuables dans leur nature, les données fondamentales de l’Allemagne sont à l’opposé de celles qui déterminent le destin de la France. Elles le sont dans l’ordre des territoires et celui de l’Histoire. Elle le sont de ce fait dans l’ordre du droit et de la politique ».
Ce qui vaut pour l’irréductibilité des différences franco-allemandes vaut tout autant pour la Russie et son aspiration à jouer un rôle planétaire majeur après deux décennies d’éclipse, ou pour la Chine « dotée d’une longue mémoire ».

Il en va également de même des relations entre ces nations qui doivent être regardées dans la longue et moyenne durée pour comprendre les problèmes actuels : le tropisme allemand vers la Russie se traduit notamment par le choix par Siemens, après sa rupture avec Areva, du Russe Rosatom comme partenaire nucléaire, ou par le sabotage par l’Allemagne des projets de gazoducs rendant l’Europe occidentale moins dépendante du gaz russe. La vraie nature des rapports germano-russes, selon M.F. Garaud, c’est Rapallo[1. Le traité de Rapallo, le 16 mars 1922 entre l’Allemagne et l’URSS marquait le rapprochement entre les deux pays, sortant l’Allemagne de l’isolement consécutif à sa défaite de 1918 et l’URSS de sa mise à l’écart par les démocraties occidentales après le triomphe des bolchéviques.]

L’Europe, marché de dupes

La raison majeure de l’effacement de la France sur la scène mondiale et de la prééminence allemande dans l’Europe post-Maastricht réside dans le marché de dupes que fut la construction européenne après la réunification de l’Allemagne, et l’institution d’une monnaie unique sur laquelle Berlin a, de fait, la haute main. On ne peut lui donner totalement tort sur ce point, même si quelques péripéties récentes ont montré que Mme Merkel ne pouvait pas toujours, en la matière, agir comme elle l’aurait souhaité, par exemple en expulsant la Grèce de l’euro, par exemple. Mais, globalement, le mouvement des choses donne raison à Marie-France Garaud.

En revanche on restera sceptique, sinon plus, sur son interprétation des débuts de la construction européenne comme une sorte de complot fomenté par les Etats-Unis et le Vatican pour mettre les nations européennes sous une double sujétion l’une temporelle, l’autre spirituelle.
Sa détestation de la démocratie-chrétienne donne, certes, lieu à des portraits délicieusement vachards d’icônes de cette mouvance comme Jean Monnet et Robert Schuman, le premier étant décrit comme un manipulateur à la solde de Washington et le second comme une chiffe molle tremblant devant Pie XII. Mais elle oublie, au passage que la gauche sociale-démocrate et laïque, après avoir un temps hésité, contribua elle aussi à cette entreprise européenne que l’auteur ne cesse, jusqu’à aujourd’hui, d’exécrer. Cette prétendue créature des Américains a fini par leur échapper en grande partie, même si cela ne chagrine pas outre mesure Washington, car l’UE peut être considérée comme négligeable dans les rapports de force internationaux.

Sans Etat fort, une France faible

Pour la France, elle déplore la démission des dirigeants qui ont consenti à laisser sans réagir la société phagocyter l’Etat – c’est pour cela qu’elle s’ingénia à saboter le projet post-soixante-huitard de « nouvelle société » de l’équipe formée à Matignon par Jacques Chaban-Delmas et Jacques Delors. Sans Etat fort, la France est faible, au contraire d’une Allemagne dont la nation s’est constituée hors des Etats pendant des siècles.
On cherchera en vain, dans ce court essai, une esquisse de programme pour que notre pays se redresse, et retrouve, sur la scène mondiale le rôle qu’il tint jadis. Marie-France Garaud, lasse des nains qui nous gouvernent scrute l’horizon pour apercevoir un géant. Hélas, l’horizon est vide.

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Et moi, je peux rester ?

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Dans son dernier livre, Jean-Luc Mélenchon veut virer tout le monde.
Dans son dernier livre, Jean-Luc Mélenchon veut virer tout le monde.

La première fois que j’ai vu Jean-Luc Mélenchon à la télé, c’était à l’occasion de la pré-campagne du PS préalable au célèbre congrès de Rennes de 1990. Nous étions deux copains, moi déjà disciple de Séguin, lui plutôt sympathisant socialiste. Nous avons écouté celui qui présentait une motion en compagnie de Julien Dray et, à la fin de l’intervention, nous nous sommes regardés, perplexes. Je ne sais plus bien lequel a dit à l’autre : «Tu as compris quelque chose, toi ? »
« Non, rien du tout. »

Et nous avons éclaté de rire. C’était du Rocard en pire. Depuis, le président du Parti de gauche a fait du chemin. Il est devenu plus… direct, pourraient dire David Pujadas, Laurence Ferrari et Arlette Chabot.[access capability= »lire_inedits »]

Mélenchon est une personnalité plus paradoxale qu’on ne le laisse entendre, ou qu’il ne le laisse transparaître lui-même. Il souhaite, semble t-il, cultiver l’image la plus sectaire possible afin de bien montrer dans quel camp il se trouve. Ainsi a-t-il expliqué qu’il ne commettrait pas une tribune avec un « noniste » de l’autre rive en déclarant : « C’est un homme de droite. » Mais, au risque de brouiller l’esprit de ses partisans, il n’hésite pas non plus à rosser Reding quand tout le monde, à gauche, la porte au pinacle, à défendre Zemmour ou Dati ou à déclarer devant un auditoire ébahi que la meilleure rubrique internationale d’un quotidien français est celle du Figaro.

Qu’ils s’en aillent tous ! donc, est le titre, marketing au possible, de son dernier livre[1. Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, une révolution citoyenne. Flammarion. 144 pages.].Un croquis, écrit-il. Une intro, cinq parties et une conclusion. Court, direct, clair. Viril, aussi. Simple sans être simpliste. Aucune de ses lignes ne laisse indifférent. On est vraiment d’accord ou pas du tout.

Curieusement, ce n’est pas là où je l’attendais que le nouveau héraut de la « révolution citoyenne » m’a plu et déplu. Sa troisième partie, par exemple, « Sortir du traité de Lisbonne », aurait dû me remplir d’aise. Enorme déception ! Alors qu’il dit adieu au fédéralisme européen auquel il reconnaît avoir cru à tort, il ne remet nullement en cause l’euro. Etant entendu que « cette Europe n’est pas la solution mais le problème », il lui faudra bien  aborder le sujet de la nécessaire renationalisation de la monnaie, au risque de passer pour un nationaliste en sus d’un populiste.

Les Minc, Duhamel et autres Attali s’appuieront évidemment sur la deuxième partie, « L’autre partage des richesses », pour renouveler à son encontre l’accusation de populisme. Personnellement, je l’ai trouvée plutôt raisonnable. Que, dans une entreprise, l’écart entre le salaire le plus bas et le plus élevé ne puisse aller au-delà de 1 à 20, cela relève du simple bon sens. C’est d’ailleurs le cas dans la majorité des PME de notre pays. Quand Mélenchon fustige les 15 000 qui se « goinfrent », on imagine son visage plein de colère. Au risque de ne pas me faire un copain de ce bouffeur de curé, je pense à un célèbre chasseur de marchands du Temple, balançant tous les étals.

J’ai eu un peu les jetons avant d’entamer le chapitre consacré à « La planification écologique ». Planification, ça me parle : je pense à la Datar, à Olivier Guichard. Mais écologique ? Pouah, j’ai l’impression de voir débouler Eva Joly et Cécile Duflot main dans la main. Cauchemar garanti. Mais, exception faite de la lubie consistant à vouloir sortir du nucléaire pour investir dans la géothermie – comme si on ne pouvait pas faire les deux – le reste n’est pas si effrayant. Dénonçant à juste titre le fait qu’un blue-jean parcourt les milliers de kilomètres − avec tout le CO2 qui en résulte − qui séparent l’ouvrier à bas prix du consommateur aisé, Mélenchon propose de promouvoir un protectionnisme environnemental de bon aloi. Mais ne lui dites pas que cela ressemble un peu à la « taxe carbone aux frontières » dont a parlé le Président de la République ; il aurait vite fait de vous traiter de petite cervelle. Et il n’aurait pas complètement tort. Car le Président parle là où on espère que Mélenchon agirait. Encore que. À la lecture des pages consacrées à la refondation républicaine, on peut s’interroger. Sa critique de la monarchie présidentielle témoigne d’un mitterrandisme franchement mal digéré. Mélenchon peut-il croire que la Ve République chère au Général − auquel il sait se référer en matière de politique étrangère − est encore en vigueur ? De plus, il n’est pas très cohérent de vouloir supprimer l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et de réclamer que le patron de France Télévisions soit élu par ceux qui paient la redevance. Comprenne qui pourra !

Jean-Luc Mélenchon ne sera pas mon choix du premier tour. Mais, j’espère bien qu’il sera candidat car, avec lui, on est sûr de ne pas s’ennuyer pendant la campagne. [/access]

Islam : je sais que je ne sais pas

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Oui Cyril, les chrétiens en Irak ont raison d’avoir peur et de se casser. Ils sont 1% de la population, on les massacre à l’église, on leur promet d’en finir avec eux rapidement. Tu vois la même chose en France ? Non Cyril, je n’ai jamais traité personne de raciste, j’ai dit juste le contraire. Je sais que les Français sont un exemple de tolérance à l’autre. Oui, la Grande Mosquée est vide, celle de la rue Myrha déborde. L’imam (radical) de l’une est préféré à l’imam (modéré) de l’autre. Ainsi sont les prieurs, ici comme à Alger et ailleurs.

Nous sommes pas mal à ferrailler contre l’islamisme depuis toujours sans succès. La vague déferle encore. On espère qu’elle retombera un jour. Tu as un médicament ? Cours le prescrire, vingt Etats arabes t’attendent. En t’attendant, les polices, surtout la nôtre, gèrent. De plus, la rue Myrha est plus proche de ses clients que l’autre. La République perd des territoires, dis-tu. Au profit des dealers, c’est vrai. Tu saurais comment nettoyer l’Archipel des Cités ? Téléphone vite aux cent préfets (et à Sarkozy), sûr, tu seras le prochain ministre de l’Intérieur.

L’islam, c’est ethnique ou culturel ?

Tu m’envoies qu’ils n’ont pas besoin d’écoles arabes, la communale est déjà coranique. Tu crois pas que tu pousses un peu ? Tu brandis Madame Badinter : « Multiethnique, oui. Multiculturel, non. » Du charabia mal traduit de l’universitaire américain où on ne pense qu’aux Noirs. Quelle différence entre ethnique et culturel chez nous ? L’islam c’est ethnique ou culturel ? Le couscous, la langue c’est quoi ? J’ai bien démoli tous tes arguments ? Il en reste un.

Tu es plus sérieux quand tu ressuscites le regretté marquis de Clermont-Tonnerre, président de notre première Assemblée Nationale, massacré par des casseurs en août 1792. En offrant la nationalité française aux juifs, il a tapé sur son pupitre : « Il faut tout refuser aux juifs comme nation, il faut tout accorder aux juifs comme individus« . Deux siècles écoulés où tu en es ? Le Musée juif, c’est la nation ou l’individu ? Les 30% d’enfants juifs dans leurs écoles hébraïques, qu’est-ce tu en penses ? Leurs 10 journaux ? Le CRIF ? Encore ou on arrête là l’intermède antisémite ? Et les Arabes, qu’est-ce qu’ils ont ? Walou ! On les a tirés par la culotte pour les obliger à se rassembler dans un Conseil à la noix, ça a été la foire d’empoigne et les Frères musulmans, fissa, se sont mis le CFCM dans la poche. Tu veux abolir l’islamisme ? Moi aussi. Il se fout de nous, il est là.

Alain, Henri, Samira et les autres

C’est pas d’hier que les gens, ils se recroquevillent dans leur coquille. Les Croates, les Serbes et compagnie. Moi, ça me désole, j’aurais préféré une Yougoslavie démocratique. Eux, ils sont dans l’air du temps, chacun chez soi et Dieu pour moi. Dans notre douce France, même tropisme. Des intellos perçoivent un ras-le-bol. L’islam, stop. Mon ami Alain Medam, écrivain franco-québécois, m’explique : « La peur bien sûr, surtout l’exaspération. L’hospitalité est un acte libre. Les Français reçoivent et on leur crache à la gueule. Ils sentent que leur culture propre se défait, qu’ils vont à la débandade, qu’ils débandent et ils cherchent à se ressaisir. Ils voudraient passer un contrat avec l’islam : ok, vous êtes là, mais il faut des règles, un socle de valeurs non négociables. La femme, la séparation du religieux et du politique, la tolérance, la loi et l’ordre, etc. Si on n’y parvient pas, les exaspérations vont monter, la démocratie devra s’adapter à la situation nouvelle. Nous lisons le XXIème siècle avec les idées de Montesquieu, les lunettes du XVIIIème siècle. Al Qaïda déclare la guerre à la France et nous savons que quelques soldats de son armée vivent sur notre sol. C’est peut-être les symptômes d’une guerre. C’est en tout cas le sentiment de beaucoup d’Européens. »

J’ai parlé avec mon ami Henri, commerçant, 40 ans, desouche pur sang. « Non, c’est pas si grave. Il y a un problème avec les jeunes Maghrébins et Africains des cités. Les autres, ça va. »
Samira, algérienne, 30 ans, employée, mariée, un enfant : « Les Français qui ont peur de nous ne nous connaissent pas. On a toujours peur de ce qu’on ne connaît pas. Je n’ai jamais rencontré un raciste. On a eu du mal à louer un appart, mais on l’a trouvé. Ma cousine a pensé s’installer ici, elle est vite rentrée à Oran. Elle dit que les gens, ici, sont grossiers. (rires) »

Objet Politique Non Identifié

Autant d’interlocuteurs, autant de visions différentes. Nous nous trouvons devant un OPNI (objet politique non identifié). Transfert de population massif du sud au nord. Colonies musulmanes en terres jadis dites chrétiennes. Difficultés sérieuses à contrôler les frontières. Principes démocratiques à toute épreuve. Phénomène totalement imprévisible, imprévu, devenu visible après son accomplissement. L’OPNI est-il nuisible, bienfaisant ? On n’en sait rien. Que faire face à lui ? On n’en sait rien. On n’en sait rien parce qu’il est totalement nouveau, sans précédent. De même qu’on ne l’a pas vu venir, on ne sait pas où il nous mène. Sarkozy a tout fait pour réduire l’immigration, elle est restée à un niveau identique sous son règne. Il se serait coupé un bras pour présenter un bilan au karcher. Il n’a rien pu faire. L’OPNI est out of control. J’ai une réponse à toutes ces questions ? Aucune, bien sûr. Pas plus que les gouvernements européens qui les cherchent, croyez-moi, même s’ils sont parfois tentés de jouer d’une « mauvaise conseillère ».

Mon intervention de l’autre jour, c’était juste, sous ces nuages de peur, un coucou nostalgique à un mot du siècle dernier : Touche pas à mon pote. Il y a si longtemps / Il y a si longtemps…

Salon de l’échec, une réussite !

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Comment gérer un échec sentimental et/ou un désastre financier à la suite d’une rupture, voilà ce que propose sans rire le « Salon du divorce, de la séparation et du veuvage » qui se tient à l’espace Champerret à Paris ce week-end.

Selon les organisateurs et les nombreux sponsors, qui ont flairé le bon filon, 11 millions de personnes sont actuellement en « rupture d’union » (sic), autant dire un gros marché encore mal exploité. Partant de ce constat, ils envisagent froidement la création d’une nouvelle profession : le « divorce planner », aux missions diverses, qui vont du juridique au relooking, de psychothérapie à l’amincissement, sans oublier les poudres de perlinpinpin. L’important, on se tue à vous le dire, c’est de positiver l’échec.

Jusqu’à ce soir, on pourra donc tirer profit de conférences sur les désavantages financiers et fiscaux du désastre : « Dissimulation de revenu, sous-évaluation du patrimoine, intérêts cachés, montage financier occulte… Comment faire pour le prouver ? » (Didier Rauch, groupe Avera), mais aussi envisager l’avenir pour se recaser. Jean-Louis Goin expliquera « La place de la chirurgie esthétique dans la reconquête de son image », Emmanuelle Grabat (EMP Conseil) proposera « Le marketing relationnel, développer son réseau de relations et construire un projet pour un nouveau départ » ; le Dr Hazout, nutritionniste, proposera, quant à lui, de « reconstruire son alimentation et de retrouver enfin son énergie en mincissant », et si ça ne va pas mieux, il restera toujours « Les fleurs de Bach, une méthode simple et naturelle pour harmoniser vos émotions » (Martine Viniger, Jardin d’Iris) … Avec tout ça, on est armé pour le prochain divorce. On ne pourra pas dire qu’on a été pris(e) en traître(sse).

Pendant qu’on y est, pourquoi ces génies du marketing n’ont-ils pas encore lancé le Salon de l’euthanasie, dont le potentiel commercial et juridique est incontestable et les conférenciers nombreux ?

Villepin/Sarkozy : où est le « problème » ?

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Ceux qui me lisent régulièrement le savent, je suis loin de faire partie des zélateurs de Dominique de Villepin. Au printemps dernier, j’avais d’ailleurs tenté de décrypter sa ligne politique pour la revue mensuelle Causeur[1. Ceux qui ne sont pas encore abonnés peuvent toujours réparer cet oubli ici] et plus récemment, lorsque l’ancien Premier ministre a repris sa carte de l’UMP, je me suis interrogé en termes choisis : Villepin se fout-il de nous ?

Pour autant, j’ai beaucoup de mal à comprendre la polémique autour de ses déclarations sur Europe 1. L’émission produisait un bruit de fond assez neutre hier dans ma cuisine alors que j’étais en train de repeindre les murs de cette dernière. Et, pour tout dire, mon rouleau n’a pas tremblé lorsque Villepin a prononcé les mots du délit. En fait, j’avais l’impression d’entendre la rediffusion de l’émission de la semaine d’avant. Le discours n’avait pas changé. Seule la voix différait. Et pour cause, le 31 octobre, c’était celle de François Bayrou. Villepin fait du Bayrou, donc, et il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir qu’il est en train de tenter de lui piquer le marché de l’antisarkozysme centriste.

Revenons donc aux déclarations incriminées : « Je dis que Nicolas Sarkozy est aujourd’hui un des problèmes de la France (…) et qu’il est temps que la parenthèse politique que nous vivons depuis 2007 soit refermée ». Bon, c’est vrai, ce n’est pas très charitable. Etre qualifié de « problème de la France », ce n’est pas particulièrement valorisant. D’autant qu’il n’est pas le problème, mais un des problèmes, ce qui ne flatte guère l’ego. Mais, voyez-vous, je ne vois rien ici d’outrageant surtout de la part d’un opposant qui, très normalement, pense de manière légitime que c’est un problème de ne pas être soi-même aux manettes. Quoi ? Villepin n’est pas opposant, puisqu’il appartient à l’UMP ? J’oubliais…

La petite phrase de Villepin est surtout une belle connerie pour lui-même

Il faut quand même manquer singulièrement de mémoire politique pour oublier que les pires opposants ont toujours figuré dans la majorité ; Raymond Barre utilisait le « 49-3 » parce qu’un parti de sa majorité aurait refusé de voter son budget ; dans l’Appel de Cochin, en 1979, Chirac balança à la figure du président Giscard d’Estaing l’aimable « Parti de l’étranger » ; rappelons-nous le « Munich social » fustigé par le Président de l’Assemblée Nationale Séguin en 1993 et dont -on se demande bien pourquoi- le Premier ministre Balladur avait pris ombrage ; et – last but not least – pensons à ce ministre français en voyage à New York à l’automne 2006 qui dénonçait « l’arrogance française » dans l’affaire irakienne[2. Nicolas Sarkozy -puisque c’est bien de lui qu’il s’agit- visait bien son propre Président et le ministre des affaires étrangères Dominique de Villepin, devenu entretemps son chef de gouvernement. Occasion unique pour les duettistes de virer enfin le ministre de l’Intérieur sur un dossier où l’opinion était d’accord avec eux. Occasion ratée. Comme une certaine dissolution].

Il n’y avait donc pas de quoi sauter au plafond en entendant cette envolée villepinesque hier matin. En revanche, cela a fourni à Nicolas Sarkozy une belle occasion de mettre Copé, Baroin, Tron et Lemaire au pied du mur et les obliger à choisir leur camp. Ces derniers se sont exécutés et furent les plus sévères à l’endroit de leur « ami ». La petite phrase de Villepin, c’est surtout une belle connerie pour lui-même, preuve de son incapacité à tenir une ligne claire et occuper un espace politique viable.

En revanche, je me permettrai de suggérer au Président de la République une chasse bien plus utile que celle qui consiste à poursuivre de sa vindicte un concurrent qui n’en sera jamais un. Il a invité la semaine dernière quelques députés UMP à taper la causette et l’un d’eux[3. Ou même plusieurs d’entre eux.] s’est répandu auprès de journalistes, lui attribuant ces paroles : « j’ai un super-job, une superbe femme, alors les Français me le font payer ». S’amuser à répandre de telles informations n’est-il pas plus injurieux à l’endroit du chef de l’Etat, surtout lorsqu’on émarge au groupe UMP ? Et penser que les Français pourraient croire autant de vilénie de la part du premier d’entre eux n’est-il pas beaucoup plus outrageant qu’une minuscule attaque villepiniste ?

Trois questions, trois réponses

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Photo : Gage Skidmore
Photo : Gage Skidmore

Jérôme Chartier, député UMP du Val d’Oise est spécialiste des questions économiques et financières. Rapporteur de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, il revient sur la décision américaine d’injecter près de 600 milliards d’euros dans l’économie, par le rachat de bons du Trésor.

Comment juger la décision américaine de « jeter 600 milliards de dollars dans l’économie depuis un hélicoptère », comme l’a dit le ministre brésilien des Finances ?
Tout le monde voit bien qu’il s’agit pour les Américains de se défendre face à des prévisions de croissance qui ont plongé pour 2011. C’est une mauvaise défense. Mais la Fed est titulaire d’un pouvoir tel que dans ce contexte post-crise mondiale, les pays émergents et l’Europe peuvent s’élever contre cette décision, mais pas grand-chose de plus. Surtout quand elle est annoncée à quelques jours de la présidence française du G20…

Faut-il repenser le système monétaire mondial ?
Aujourd’hui, personne ne veut ni n’a de vision mondiale de la gestion des monnaies. La concurrence est telle que les pays jouent leurs intérêts personnels et la grande victime de ces stratégies individuelles est l’euro, gêné par le dollar et le yuan.

L’euro est donc une monnaie victime…
L’attitude des pays étrangers doit nous obliger à réfléchir à la stratégie monétaire européenne, notamment dans le cadre de la succession de Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE. Sans quoi nous ne pourrons jamais faire le poids face aux américains qui ont des tels volumes de dollars en circulation qu’il leur est possible d’imposer toutes leurs décisions, ou aux chinois dont on ne peut concurrencer le taux de change. On devrait réfléchir sérieusement à un système de parité, à créer des amortisseurs automatiques comme il en existait dans feu le Système Monétaire Européen. Mais on ne peut pas continuer à avoir une parité euro/dollars à 1,4. Sinon, ce n’est pas l’euro qui sera la victime mais les Européens…

Barbie journaliste: un peu court…

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Après avoir sondé les acheteuses américaines de la poupée blonde préférée des petites filles du monde entier, la société Mattel a décidé que la prochaine Barbie exercerait le noble métier de journaliste. Et apparemment, c’est plutôt une bonne idée, on se l’arrache aux rayons jouets en prévision de Noël.

Vous en jugerez par vous même, mais moi je la trouve très chic avec son tailleur taille XXS et son micro, dont on sait que ce sont les seuls et uniques accessoires auxquels on reconnaît la vraie journaliste.

Certes cet accoutrement n’est pas des plus recommandés pour couvrir la guerre en Irak, mais c’est incontestablement la tenue idéale, comme le remarque fielleusement le L.A Times, pour aller interviewer les joueurs de football dans les vestiaires. Mais alors il eut mieux valu interdire ce joujou aux moins de 18 ans…

Houellebecq, well but ?

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Avec La Carte et le territoire, Michel Houellebecq écrit une
Avec La Carte et le territoire, Michel Houellebecq écrit une "contre-utopie baroque".
Avec La Carte et le territoire, Michel Houellebecq écrit une "contre-utopie baroque".
Avec La Carte et le territoire, Michel Houellebecq écrit une contre-utopie baroque.

« Le monde est ennuyé de moy / Et moi pareillement de luy. » C’est sur cet exergue emprunté à Charles d’Orléans que s’ouvre La Carte et le territoire. A priori, ça sent furieusement sa posture. Le premier vers du prince, au moins, ne s’applique aucunement à Michel : loin d’en être « ennuyé », le monde entier ou presque pâme devant luy.

C’est même ça, plus que la posture[1. Qui n’a pas ses petits défauts ?], qui fait problème. Par quelle magie ce misanthrope pessimiste charme-t-il désormais tous azimuts, des blogueurs les plus rebelles aux critiques les mieux installés, de la gauche à la droite et jusques aux USA ?

Nabe, souvent lucide sur les autres, donnait en ces termes la recette du succès houellebecquien : « Roman à thèse + écriture plate + athéisme revendiqué + critique de son temps (mais pas trop) + défense du capitalisme + attaque des Arabes = succès garanti[2. In Le Vingt-Septième Livre (cf. Dictionnaire des injures littéraires, de Pierre Chalmin).]. »[access capability= »lire_inedits »]

Bien sûr, on trouverait là, à l’analyse, des traces de mauvaise foi. Vieux différend entre ex-amis séparés par la vie ? Choc d’égos qui aurait été fatal à leur duo – comme Elie & Dieudonné, Pétain et de Gaulle, Cartman et Stan ? Bien sûr que Houellebecq s’est créé un personnage ; et alors ? C’est pas ça qui le distinguera de Nabe !

Michel faut venir à lui les petits-enfants déboussolés du progressisme

Impossible en tout cas de ne pas saluer le parcours éditorial et médiatique de Michel depuis quinze ans ! Même les putes thaïes et les partouzes glauques, absentes de cette livraison, furent sans doute nécessaires en leur temps pour soulever l’intérêt de la masse critique, blasée mais toujours frustrée. Quant à ses expériences musicales avec Burgalat et Iggy Pop, même bancales ou foireuses, c’est que du bonus : ça vous pose en artiste complet ! Un sans-faute donc, hormis peut-être son bouquin d’« échanges » quasi porno avec BHL − dont la diffusion restera par bonheur confidentielle.

Mais le vrai succès de Michel, c’est d’avoir su faire venir à lui-même les petits enfants déboussolés du progressisme. Le 8 septembre, Les Inrocks consacraient pas moins de sept pages à cet « écrivain essentiel ». Il fallait le voir posant au phtisique dans une chambre d’hôtel sinistre : « Ce livre sera peut être mon dernier », affirmait-il en titre d’un entretienfleuve, entrecoupé seulement par des photos de son mouroir et quelques inters genre « Je suis vieux maintenant… Je sais que je n’en ai plus pour très longtemps ». Ben voyons ! Ce mourant a trente-trois ans de moins que Jean d’Ormesson, et même pas de cancer comme Mitterrand…

Mais bon, faut être malin : quand on explique à des gens de gauche que tout fout le camp, autant se mettre dans le lot ! D’ailleurs, la critique de La Carte, parue dès le 29 août sur le site des Inrocks, évite soigneusement d’aborder le fond. Elle préfère insister, à coups d’adjectifs hyperboliques, sur le « formidable autoportrait » que constitue ce « magnifique roman […] irréductible à une seule thèse ». (Traduction : s’il n’y en avait qu’une, ce ne serait sans doute pas la nôtre…)

Pourtant l’honorable Télérama, une semaine plus tard, dit exactement le contraire. Ce n’est pas un autoportrait, c’est « un tableau du monde contemporain : règne de l’argent et de la vulgarité, impostures médiatico-mercantiles en vogue ». Et puis soudain, après débriefing de son rédac’chef peut-être, la journaliste nuance son propos : « Posture réac, diront certains. Libre à eux de réduire à cela la portée du roman. » En gros, Houellebecq, c’est comme l’alcool pétrifiant des Tontons flingueurs : y » a du réac, mais y » a pas que du réac…

Le plus audacieux de la bande, c’est quand même Le Monde, qui décerne à Michel un brevet de cette « rébellion institutionnelle » qu’il incarne depuis soixante-cinq ans. Outre un substantiel dossier dans son supplément littéraire, le « quotidien de référence » lui consacre carrément deux colonnes à la une[3. 3/9/10.]. Sous une photo de l’artiste, plus souriant et mieux peigné que dans Les Inrocks, s’étale ce titre : « Michel Houellebecq pose un regard aigu sur le déclin du monde occidental ». On n’est pas plus critique !

Il est là, le problème que j’évoquais d’emblée. Si tout le monde comprend Houellebecq, c’est que certains se trompent d’erreur, à moins qu’il ne se paye notre tête à tous…

Le ciel est aussi vide que nos frigos bruyants et nos yeux cernés de toutes parts

Que veut donc dire Michel, à travers et malgré son succès ? À l’évidence, ce qui plaît chez lui, en première analyse, c’est sa petite musique de crépuscule punk : no future, no way out, no nothing…

Houellebecq, c’est le prophète Philippulus[4. Cf. Tintin et l’étoile mystérieuse.] sans la foi : « La fin des temps est proche ! », certes ; mais à quoi bon « se repentir » ? Le ciel est aussi vide que nos frigos bruyants et nos yeux cernés de toutes parts. Alors oublions tout et allons plutôt à l’hypermarché !

L’homme est le nouveau dieu que s’est inventé notre civilisation agonisante ; mais on s’en bat les couilles vides, vu que la misérable espèce humaine ne mérite pas mieux, entre nous. Tel est l’horizon intellectuel que fixe Houellebecq à ses lecteurs. Heureusement, il reste l’art ! Comme disait Mario Vargas Llosa, avec l’autorité que lui donne désormais son Nobel tout frais, « la vie est une tornade de merde dans laquelle l’art est notre seul parapluie.[5. C’est moi qui cite.] »

Sauf que l’art en question, c’est du roman ! Mieux même, comme le résume sans gêne la quatrième de couverture : « Un roman résolument classique et ouvertement moderne[6. Note à mon éditeur Gilles Haéri (Flammarion) : Est-ce que je pourrais avoir la même ?] ». Que peut bien vouloir dire cet oxymore ? Rien, bien sûr. C’est même pour ça qu’il est vendeur !

Toute la partie contrebandière du succès houellebecquien tient là-dedans. Son Fabrice à Waterloo donne-t-il quand même une idée de Waterloo, ou seulement de Fabrice ? Et d’ailleurs, qui est Fabrice ? « Mon nom est légion », répond ici Houellebecq, à l’instar de Belzébuth dans les Évangiles. Où le chercher, en effet, entre toutes les voix qu’il emprunte ? Celles de son héros Jed Martin, « artiste plasticien » ; de son homonyme écrivain, qu’il met en scène puis à mort dans des circonstances atroces ; du commissaire Jasselin, chargé de l’enquête ; ou même de ce chien coupé qui assiste à la scène impuissant ?

Au lecteur de deviner, s’il y arrive ! Un indice quand même : le « Michel Houellebecq » du livre ne saurait être le vrai, puisqu’il meurt avant la fin alors que l’autre est en promo !

Mais après tout, c’est pas un essai, c’est un roman, n’est-ce pas ? Un roman, c’est-à-dire un labyrinthe où tu as intérêt à te plaire, parce que seul l’auteur en connaît la sortie ; et pour cause : elle n’existe que dans son imagination…

On l’aura constaté : dès que j’ai l’occasion de caser un couplet contre le roman, je ne m’en prive pas[7. A part les polars et les romans d’avant 1900, c’est-à-dire utiles.] ; mais ici, Michel ne nous prend pas en traître. Même s’il a publié essais et poèmes, il est surtout connu pour ses oeuvres romanesques[8. Voir notamment Les Îles élémentaires (Guide du routard, 2005), La Carte et le menu (Pudlowski, 2007), La Possibilité d’une particule (Héloïse d’Ormesson, 2009).].

L’intérêt de cette fable-là, c’est qu’elle nous dessine un Houellebecq à marée basse. En slip dans le sable mouillé, comme un Katerine qui ne ferait même pas semblant de trouver ça drôle.

En se fouaillant il nous crucifie

Un Houellebecq qui ne nous vend plus rien pour bander, même honteusement : ni obsession sexuelle, ni anti-islamisme obsessionnel. Qu’est-ce qui reste ? Un médecin légiste qui s’auto-autopsie. Eh bien, vous voulez que je vous dise ? Ce serait intéressant même si on n’était pas faits comme lui…

Le « petit plus » de Michel, c’est qu’en se fouaillant, il nous crucifie ! Pessimiste sur la nature humaine, il étend ça à Dieu sans prévenir. Pour autant, il reste ouvert à l’idée d’au-delà, dès qu’elle atterrira… En attendant, l’infidèle répète fidèlement son mantra jem’en- foutiste, et qui songerait à le lui reprocher[9. Moi, si j’étais ses parents.] ?

La vie selon Houellebecq n’est qu’une « fiction brève », qu’il résume élégamment à « la sensation inutile et juste que quelque chose aurait pu arriver ».

Rien n’arrive-t-il donc jamais ? Rien n’est moins sûr… Même moi, tel que vous me lisez, j’ai failli tomber de ma chaise en voyant Houellebecq citer Chesterton. Quand un agnostique dépressif en vient à se réclamer d’un catho dyonisiaque, ça s’arrose !

Or c’est ça qui se passe dans ce livre – ou du moins, c’est la vérité que je retiens de cette fiction. Michel plaide sans masque pour une contre-utopie baroque née du cerveau de Gilbert K. : « Une révolution basée sur le retour à l’artisanat et au christianisme médiéval », tout simplement. Est-ce que Houellebecq y croit vraiment ? Je n’en sais rien, vu qu’apparemment il ne croit à rien… Moi, en attendant, je suis partant, du moment qu’il y a un coup de blanc.[/access]

Immigration : faut-il annoncer la couleur ?

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Hugues Lagrange

Hugues Lagrange

Race ou classe : dans le débat sur l’immigration, les banlieues et l’insécurité, chacun est prié de choisir son camp – si possible le bon. On vous parle délinquance, échec scolaire ? Répondez immédiatement : chômage, pauvreté, ghettoïsation ! Évoquer les origines ethniques des populations concernées, mentionner leur religion, leur culture et leur vie avant leur installation en France, c’est prendre le risque d’être accusé de racisme. On vous soupçonnera de vouloir dédouaner l’Etat et le pays d’accueil et de rendre l’immigré responsable de sa misère. Or, si chez Agatha Christie, le coupable, c’est toujours le majordome, dans le débat public, c’est toujours le grand méchant Blanc. Le grand mérite du Déni des cultures, le dernier ouvrage du sociologue Hugues Lagrange, est de s’attaquer à cette vision binaire et idéologique de la réalité.

Lagrange n’y va pas par quatre chemins : « Les émeutes urbaines, constate-t-il, […] ont surtout mobilisé les enfants des grandes familles isolées par la ségrégation urbaine. […] Elles ont d’abord impliqué des adolescents masculins qui cumulent plus de difficultés scolaires que les filles. Ces réalités sont l’expression d’arrangements familiaux et de rapports entre les sexes qui tranchent radicalement avec l’évolution des mœurs en Europe  […]. »  Mais ces réalités sont occultées par des pouvoirs publics, de gauche comme de droite, qui hésitent entre « l’affirmation d’une indifférence […] à la confession, à la couleur de la peau et à la culture d’origine et des actions ostentatoires pour refouler les « nouveaux barbares » « .[access capability= »lire_inedits »]

Fort de nombreuses statistiques et d’une connaissance approfondie des cités qui entourent Mantes-la-Jolie, Lagrange concentre son attention sur les immigrés arrivés du Sahel ces vingt dernières années. Pour eux, l’émigration s’est doublée d’un choc des cultures – au sens anthropologique du terme. Lagrange montre l’importance de facteurs tels que la polygamie, la taille des fratries, les relations intergénérationnelles horizontales (qui assurent l’autorité du grand frère), la différence d’âge entre mari et femme. Ces éléments produisent un genre particulier de domination masculine écrasante qui, à la différence du machisme, fait de la pureté de la femme la base de l’honneur de l’homme et du groupe. Contrairement aux idées reçues, les pères ne sont pas absents et ne manquent pas d’autorité. En revanche, ils sont distants et leurs femmes, souvent jeunes, souffrent d’un déficit d’autorité sur les garçons, notamment l’aîné.

Huit ans, l’âge de la dernière chance ?

Ces caractéristiques anthropologiques issues des sociétés sahéliennes réduisent très fortement les chances des enfants de réussir à l’école. Or, l’échec scolaire est la raison principale des conduites transgressives pendant l’adolescence. Les frustrations accentuent à leur tour la pression exercée sur les filles tandis que l’islamisme cautionne et sanctuarise les dérives de ce néo-traditionalisme.

À en croire Lagrange, ce qui n’a pas été fait avant l’entrée en CE2 est presque impossible à rattraper – 8 ans, l’âge de la dernière chance ? Dire cela, c’est ouvrir une boîte de Pandore idéologique et politique et rejeter la « responsabilité » sur les familles qui s’avèrent incapables de donner aux enfants les outils de base nécessaires à un parcours scolaire normal, non pas par désintérêt ou manque de moyens, mais en raison de la structure même de certaines familles d’origine africaine. Au moment de la scolarisation, les enfants souffrent de problèmes d’attention et de concentration, de difficultés à maîtriser des repères temporels, donc à assimiler les temps grammaticaux. Ces carences sont bien trop lourdes pour que l’Ecole puisse les combler efficacement.

Pour rendre justice à l’analyse de Lagrange, il faut préciser que, pour lui, la dimension culturelle ne remplace ni ne diminue le poids des facteurs socio-économiques. Les deux sont tout simplement inséparables : ce qui compte, c’est la rencontre de la culture d’origine et de celle de la société d’accueil, mais aussi les conditions économiques et matérielles de cette dernière. La culture des quartiers étudiés par Lagrange est, en réalité, tout aussi éloignée des traditions françaises que de celles du pays d’origine. Dans un environnement compétitif et méritocratique, les garçons nés en France ou arrivés très jeunes se bricolent une identité qui n’est ni d’ici ni de là-bas.

Pour Lagrange, la prise en compte des facteurs ethnoculturels dans les difficultés des immigrés doit permettre de comprendre l’échec des « politiques de la ville » mais aussi de suggérer de nouvelles pistes. Il s’agit de s’appuyer sur les handicaps, par exemple en utilisant les « ghettos ethniques » comme des sas de décompression.

L’intégration des immigrés – surtout quand ils sont issus de cultures qui se conjuguent difficilement avec la culture dominante française – ne peut pas, dit-il, être pensée en termes de réussite individuelle. Leur seule chance de s’en tirer est la communauté. Or les classes moyennes « de souche » n’ont pas repris le chemin des cités abandonnées par leurs parents à partir de la fin des années 1970. La seule possibilité pour que s’instaure cette mixité sociale recherchée et introuvable, c’est que les membres de la communauté qui réussissent restent soit dans la cité, soit à proximité : ces classes moyennes qui auraient « un pied dedans, un pied dehors » feraient office de locomotives pour les autres. Ainsi, une moindre diversité ethnique pourrait-elle aller de pair avec une plus grande diversité sociale.

Si le diagnostic est passionnant, les conclusions de Lagrange ont de quoi laisser sceptique. En effet, il interpelle le roman français en proposant des modalités du « vivre ensemble » radicalement différentes de celles que nous connaissons. Il entend rompre avec notre conception, issue de la Déclaration des droits de l’homme, de l’individu comme être sans histoire, sans origine et sans religion, au profit d’une prise en compte des gens tels qu’ils s’inscrivent dans le tissu socioculturel. Ce sont, selon lui, toutes ces différences qu’il faudrait patiemment assembler dans une France « patchwork ». Vaste programme auquel on n’est pas obligé d’adhérer. [/access]

Faites sauter la banque !

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Tout récemment, la marmaille était une fois de plus en congé scolaire et ce fût donc la télé, inlassable baby-sitter, qui prit le relais de l’école. Au programme sur TF1, Ratatouille! Paaaaarfait ! Les parents vissent leurs mômes sur le canapé trois places et c’est parti. Mais avant le générique, bien sûr, il y a les pubs. Dont une pour le Crédit Mutuel. Et dans cette pub, un père informe son gamin (lequel est trentenaire, mais ça change rien au film) que le Père Noël n’existe pas ! Vlan !

Larmes des bambins, explications attristées des parents, et surtout, surtout, réaction immédiate d’iceux. Comment fait-on aujourd’hui pour dénoncer une infamie ? On crée une page Facebook, bien sûr. Ce qui fut fait.

A l’heure d’écrire ces lignes, ce groupe Facebook totalise plus de 1400 membres outragés, c’est vous dire le succès.

Pourtant je me demande si ces parents Facebookeurs n’ont pas raté une belle occasion d’éduquer leur progéniture à l’esprit critique. « Tu verras, mon lapin, qu’il existe le Père Noël, et si tu es bien sage, il t’apportera encore plein de cadeaux, cette année. Faut jamais, jamais, croire ce que racontent les pubs, Mon p’tit chou ! » .

Et puis de toute façon, croire qu’on va museler une banque avec un groupe Facebook, c’est déjà croire au Père Noël, non ?

Marie-France d’abord !

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Marie-France Garaud, dont il serait discourtois de révéler la date de naissance, a quelques heures de vol dans la vie politique française. Elle accéda à la notoriété dans les années soixante-dix, comme puissante conseillère du président Georges Pompidou, puis comme âme damnée de Jacques Chirac avant que ce dernier ne s’émancipe de sa pesante tutelle. En duo avec son compère Pierre Juillet, elle fut à l’origine du « remerciement » du premier ministre Jacques Chaban-Delmas en 1972, et du torpillage de la candidature de ce dernier à l’élection présidentielle de 1974.

Vestale du gaullisme de stricte obédience, elle se lança dans l’arène politique lors de l’élection présidentielle de 1981, donnant alors une visibilité nationale à son chignon impeccable. Le score qu’elle obtint fut modeste, mais son discours bénéficia tout de même d’un certain écho dans une partie de la droite française, disons sa composante bonapartiste, pour reprendre la classification du regretté René Rémond.

Le titre de son dernier essai, Impostures politiques, prévient d’emblée le lecteur que le temps qui passe n’émousse pas son regard acéré et impitoyable sur la marche du monde et les hommes politiques du présent et du passé.

Marie-France Garaud n’est pas une pleureuse « décliniste » parmi d’autres, c’est une imprécatrice de « l’affaissement » de la position de notre nation, œuvre collective de ces « imposteurs » qui l’ont dirigée depuis la mort de Georges Pompidou en 1974.

L’irréductibilité des différences franco-allemandes

Cette philippique n’aurait qu’un intérêt réduit si elle ne s’appuyait pas sur une analyse historique stimulante, bien que parfois contestable, de l’évolution parallèle des principales nations de « l’ensemble eurasiatique » : France, Allemagne, Russie, Chine.
De son maître, le général de Gaulle, M.F. Garaud a retenu le goût pour les formulations tautologiques du style A=A, qui traduit la nature immuable des traits fondamentaux distinguant les nations et les peuple les uns des autres.

Pour elle, par exemple : « Depuis des siècles, immuables dans leur nature, les données fondamentales de l’Allemagne sont à l’opposé de celles qui déterminent le destin de la France. Elles le sont dans l’ordre des territoires et celui de l’Histoire. Elle le sont de ce fait dans l’ordre du droit et de la politique ».
Ce qui vaut pour l’irréductibilité des différences franco-allemandes vaut tout autant pour la Russie et son aspiration à jouer un rôle planétaire majeur après deux décennies d’éclipse, ou pour la Chine « dotée d’une longue mémoire ».

Il en va également de même des relations entre ces nations qui doivent être regardées dans la longue et moyenne durée pour comprendre les problèmes actuels : le tropisme allemand vers la Russie se traduit notamment par le choix par Siemens, après sa rupture avec Areva, du Russe Rosatom comme partenaire nucléaire, ou par le sabotage par l’Allemagne des projets de gazoducs rendant l’Europe occidentale moins dépendante du gaz russe. La vraie nature des rapports germano-russes, selon M.F. Garaud, c’est Rapallo[1. Le traité de Rapallo, le 16 mars 1922 entre l’Allemagne et l’URSS marquait le rapprochement entre les deux pays, sortant l’Allemagne de l’isolement consécutif à sa défaite de 1918 et l’URSS de sa mise à l’écart par les démocraties occidentales après le triomphe des bolchéviques.]

L’Europe, marché de dupes

La raison majeure de l’effacement de la France sur la scène mondiale et de la prééminence allemande dans l’Europe post-Maastricht réside dans le marché de dupes que fut la construction européenne après la réunification de l’Allemagne, et l’institution d’une monnaie unique sur laquelle Berlin a, de fait, la haute main. On ne peut lui donner totalement tort sur ce point, même si quelques péripéties récentes ont montré que Mme Merkel ne pouvait pas toujours, en la matière, agir comme elle l’aurait souhaité, par exemple en expulsant la Grèce de l’euro, par exemple. Mais, globalement, le mouvement des choses donne raison à Marie-France Garaud.

En revanche on restera sceptique, sinon plus, sur son interprétation des débuts de la construction européenne comme une sorte de complot fomenté par les Etats-Unis et le Vatican pour mettre les nations européennes sous une double sujétion l’une temporelle, l’autre spirituelle.
Sa détestation de la démocratie-chrétienne donne, certes, lieu à des portraits délicieusement vachards d’icônes de cette mouvance comme Jean Monnet et Robert Schuman, le premier étant décrit comme un manipulateur à la solde de Washington et le second comme une chiffe molle tremblant devant Pie XII. Mais elle oublie, au passage que la gauche sociale-démocrate et laïque, après avoir un temps hésité, contribua elle aussi à cette entreprise européenne que l’auteur ne cesse, jusqu’à aujourd’hui, d’exécrer. Cette prétendue créature des Américains a fini par leur échapper en grande partie, même si cela ne chagrine pas outre mesure Washington, car l’UE peut être considérée comme négligeable dans les rapports de force internationaux.

Sans Etat fort, une France faible

Pour la France, elle déplore la démission des dirigeants qui ont consenti à laisser sans réagir la société phagocyter l’Etat – c’est pour cela qu’elle s’ingénia à saboter le projet post-soixante-huitard de « nouvelle société » de l’équipe formée à Matignon par Jacques Chaban-Delmas et Jacques Delors. Sans Etat fort, la France est faible, au contraire d’une Allemagne dont la nation s’est constituée hors des Etats pendant des siècles.
On cherchera en vain, dans ce court essai, une esquisse de programme pour que notre pays se redresse, et retrouve, sur la scène mondiale le rôle qu’il tint jadis. Marie-France Garaud, lasse des nains qui nous gouvernent scrute l’horizon pour apercevoir un géant. Hélas, l’horizon est vide.

Impostures politiques

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Et moi, je peux rester ?

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Dans son dernier livre, Jean-Luc Mélenchon veut virer tout le monde.
Dans son dernier livre, Jean-Luc Mélenchon veut virer tout le monde.
Dans son dernier livre, Jean-Luc Mélenchon veut virer tout le monde.
Dans son dernier livre, Jean-Luc Mélenchon veut virer tout le monde.

La première fois que j’ai vu Jean-Luc Mélenchon à la télé, c’était à l’occasion de la pré-campagne du PS préalable au célèbre congrès de Rennes de 1990. Nous étions deux copains, moi déjà disciple de Séguin, lui plutôt sympathisant socialiste. Nous avons écouté celui qui présentait une motion en compagnie de Julien Dray et, à la fin de l’intervention, nous nous sommes regardés, perplexes. Je ne sais plus bien lequel a dit à l’autre : «Tu as compris quelque chose, toi ? »
« Non, rien du tout. »

Et nous avons éclaté de rire. C’était du Rocard en pire. Depuis, le président du Parti de gauche a fait du chemin. Il est devenu plus… direct, pourraient dire David Pujadas, Laurence Ferrari et Arlette Chabot.[access capability= »lire_inedits »]

Mélenchon est une personnalité plus paradoxale qu’on ne le laisse entendre, ou qu’il ne le laisse transparaître lui-même. Il souhaite, semble t-il, cultiver l’image la plus sectaire possible afin de bien montrer dans quel camp il se trouve. Ainsi a-t-il expliqué qu’il ne commettrait pas une tribune avec un « noniste » de l’autre rive en déclarant : « C’est un homme de droite. » Mais, au risque de brouiller l’esprit de ses partisans, il n’hésite pas non plus à rosser Reding quand tout le monde, à gauche, la porte au pinacle, à défendre Zemmour ou Dati ou à déclarer devant un auditoire ébahi que la meilleure rubrique internationale d’un quotidien français est celle du Figaro.

Qu’ils s’en aillent tous ! donc, est le titre, marketing au possible, de son dernier livre[1. Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, une révolution citoyenne. Flammarion. 144 pages.].Un croquis, écrit-il. Une intro, cinq parties et une conclusion. Court, direct, clair. Viril, aussi. Simple sans être simpliste. Aucune de ses lignes ne laisse indifférent. On est vraiment d’accord ou pas du tout.

Curieusement, ce n’est pas là où je l’attendais que le nouveau héraut de la « révolution citoyenne » m’a plu et déplu. Sa troisième partie, par exemple, « Sortir du traité de Lisbonne », aurait dû me remplir d’aise. Enorme déception ! Alors qu’il dit adieu au fédéralisme européen auquel il reconnaît avoir cru à tort, il ne remet nullement en cause l’euro. Etant entendu que « cette Europe n’est pas la solution mais le problème », il lui faudra bien  aborder le sujet de la nécessaire renationalisation de la monnaie, au risque de passer pour un nationaliste en sus d’un populiste.

Les Minc, Duhamel et autres Attali s’appuieront évidemment sur la deuxième partie, « L’autre partage des richesses », pour renouveler à son encontre l’accusation de populisme. Personnellement, je l’ai trouvée plutôt raisonnable. Que, dans une entreprise, l’écart entre le salaire le plus bas et le plus élevé ne puisse aller au-delà de 1 à 20, cela relève du simple bon sens. C’est d’ailleurs le cas dans la majorité des PME de notre pays. Quand Mélenchon fustige les 15 000 qui se « goinfrent », on imagine son visage plein de colère. Au risque de ne pas me faire un copain de ce bouffeur de curé, je pense à un célèbre chasseur de marchands du Temple, balançant tous les étals.

J’ai eu un peu les jetons avant d’entamer le chapitre consacré à « La planification écologique ». Planification, ça me parle : je pense à la Datar, à Olivier Guichard. Mais écologique ? Pouah, j’ai l’impression de voir débouler Eva Joly et Cécile Duflot main dans la main. Cauchemar garanti. Mais, exception faite de la lubie consistant à vouloir sortir du nucléaire pour investir dans la géothermie – comme si on ne pouvait pas faire les deux – le reste n’est pas si effrayant. Dénonçant à juste titre le fait qu’un blue-jean parcourt les milliers de kilomètres − avec tout le CO2 qui en résulte − qui séparent l’ouvrier à bas prix du consommateur aisé, Mélenchon propose de promouvoir un protectionnisme environnemental de bon aloi. Mais ne lui dites pas que cela ressemble un peu à la « taxe carbone aux frontières » dont a parlé le Président de la République ; il aurait vite fait de vous traiter de petite cervelle. Et il n’aurait pas complètement tort. Car le Président parle là où on espère que Mélenchon agirait. Encore que. À la lecture des pages consacrées à la refondation républicaine, on peut s’interroger. Sa critique de la monarchie présidentielle témoigne d’un mitterrandisme franchement mal digéré. Mélenchon peut-il croire que la Ve République chère au Général − auquel il sait se référer en matière de politique étrangère − est encore en vigueur ? De plus, il n’est pas très cohérent de vouloir supprimer l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et de réclamer que le patron de France Télévisions soit élu par ceux qui paient la redevance. Comprenne qui pourra !

Jean-Luc Mélenchon ne sera pas mon choix du premier tour. Mais, j’espère bien qu’il sera candidat car, avec lui, on est sûr de ne pas s’ennuyer pendant la campagne. [/access]

Islam : je sais que je ne sais pas

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Oui Cyril, les chrétiens en Irak ont raison d’avoir peur et de se casser. Ils sont 1% de la population, on les massacre à l’église, on leur promet d’en finir avec eux rapidement. Tu vois la même chose en France ? Non Cyril, je n’ai jamais traité personne de raciste, j’ai dit juste le contraire. Je sais que les Français sont un exemple de tolérance à l’autre. Oui, la Grande Mosquée est vide, celle de la rue Myrha déborde. L’imam (radical) de l’une est préféré à l’imam (modéré) de l’autre. Ainsi sont les prieurs, ici comme à Alger et ailleurs.

Nous sommes pas mal à ferrailler contre l’islamisme depuis toujours sans succès. La vague déferle encore. On espère qu’elle retombera un jour. Tu as un médicament ? Cours le prescrire, vingt Etats arabes t’attendent. En t’attendant, les polices, surtout la nôtre, gèrent. De plus, la rue Myrha est plus proche de ses clients que l’autre. La République perd des territoires, dis-tu. Au profit des dealers, c’est vrai. Tu saurais comment nettoyer l’Archipel des Cités ? Téléphone vite aux cent préfets (et à Sarkozy), sûr, tu seras le prochain ministre de l’Intérieur.

L’islam, c’est ethnique ou culturel ?

Tu m’envoies qu’ils n’ont pas besoin d’écoles arabes, la communale est déjà coranique. Tu crois pas que tu pousses un peu ? Tu brandis Madame Badinter : « Multiethnique, oui. Multiculturel, non. » Du charabia mal traduit de l’universitaire américain où on ne pense qu’aux Noirs. Quelle différence entre ethnique et culturel chez nous ? L’islam c’est ethnique ou culturel ? Le couscous, la langue c’est quoi ? J’ai bien démoli tous tes arguments ? Il en reste un.

Tu es plus sérieux quand tu ressuscites le regretté marquis de Clermont-Tonnerre, président de notre première Assemblée Nationale, massacré par des casseurs en août 1792. En offrant la nationalité française aux juifs, il a tapé sur son pupitre : « Il faut tout refuser aux juifs comme nation, il faut tout accorder aux juifs comme individus« . Deux siècles écoulés où tu en es ? Le Musée juif, c’est la nation ou l’individu ? Les 30% d’enfants juifs dans leurs écoles hébraïques, qu’est-ce tu en penses ? Leurs 10 journaux ? Le CRIF ? Encore ou on arrête là l’intermède antisémite ? Et les Arabes, qu’est-ce qu’ils ont ? Walou ! On les a tirés par la culotte pour les obliger à se rassembler dans un Conseil à la noix, ça a été la foire d’empoigne et les Frères musulmans, fissa, se sont mis le CFCM dans la poche. Tu veux abolir l’islamisme ? Moi aussi. Il se fout de nous, il est là.

Alain, Henri, Samira et les autres

C’est pas d’hier que les gens, ils se recroquevillent dans leur coquille. Les Croates, les Serbes et compagnie. Moi, ça me désole, j’aurais préféré une Yougoslavie démocratique. Eux, ils sont dans l’air du temps, chacun chez soi et Dieu pour moi. Dans notre douce France, même tropisme. Des intellos perçoivent un ras-le-bol. L’islam, stop. Mon ami Alain Medam, écrivain franco-québécois, m’explique : « La peur bien sûr, surtout l’exaspération. L’hospitalité est un acte libre. Les Français reçoivent et on leur crache à la gueule. Ils sentent que leur culture propre se défait, qu’ils vont à la débandade, qu’ils débandent et ils cherchent à se ressaisir. Ils voudraient passer un contrat avec l’islam : ok, vous êtes là, mais il faut des règles, un socle de valeurs non négociables. La femme, la séparation du religieux et du politique, la tolérance, la loi et l’ordre, etc. Si on n’y parvient pas, les exaspérations vont monter, la démocratie devra s’adapter à la situation nouvelle. Nous lisons le XXIème siècle avec les idées de Montesquieu, les lunettes du XVIIIème siècle. Al Qaïda déclare la guerre à la France et nous savons que quelques soldats de son armée vivent sur notre sol. C’est peut-être les symptômes d’une guerre. C’est en tout cas le sentiment de beaucoup d’Européens. »

J’ai parlé avec mon ami Henri, commerçant, 40 ans, desouche pur sang. « Non, c’est pas si grave. Il y a un problème avec les jeunes Maghrébins et Africains des cités. Les autres, ça va. »
Samira, algérienne, 30 ans, employée, mariée, un enfant : « Les Français qui ont peur de nous ne nous connaissent pas. On a toujours peur de ce qu’on ne connaît pas. Je n’ai jamais rencontré un raciste. On a eu du mal à louer un appart, mais on l’a trouvé. Ma cousine a pensé s’installer ici, elle est vite rentrée à Oran. Elle dit que les gens, ici, sont grossiers. (rires) »

Objet Politique Non Identifié

Autant d’interlocuteurs, autant de visions différentes. Nous nous trouvons devant un OPNI (objet politique non identifié). Transfert de population massif du sud au nord. Colonies musulmanes en terres jadis dites chrétiennes. Difficultés sérieuses à contrôler les frontières. Principes démocratiques à toute épreuve. Phénomène totalement imprévisible, imprévu, devenu visible après son accomplissement. L’OPNI est-il nuisible, bienfaisant ? On n’en sait rien. Que faire face à lui ? On n’en sait rien. On n’en sait rien parce qu’il est totalement nouveau, sans précédent. De même qu’on ne l’a pas vu venir, on ne sait pas où il nous mène. Sarkozy a tout fait pour réduire l’immigration, elle est restée à un niveau identique sous son règne. Il se serait coupé un bras pour présenter un bilan au karcher. Il n’a rien pu faire. L’OPNI est out of control. J’ai une réponse à toutes ces questions ? Aucune, bien sûr. Pas plus que les gouvernements européens qui les cherchent, croyez-moi, même s’ils sont parfois tentés de jouer d’une « mauvaise conseillère ».

Mon intervention de l’autre jour, c’était juste, sous ces nuages de peur, un coucou nostalgique à un mot du siècle dernier : Touche pas à mon pote. Il y a si longtemps / Il y a si longtemps…

Salon de l’échec, une réussite !

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Comment gérer un échec sentimental et/ou un désastre financier à la suite d’une rupture, voilà ce que propose sans rire le « Salon du divorce, de la séparation et du veuvage » qui se tient à l’espace Champerret à Paris ce week-end.

Selon les organisateurs et les nombreux sponsors, qui ont flairé le bon filon, 11 millions de personnes sont actuellement en « rupture d’union » (sic), autant dire un gros marché encore mal exploité. Partant de ce constat, ils envisagent froidement la création d’une nouvelle profession : le « divorce planner », aux missions diverses, qui vont du juridique au relooking, de psychothérapie à l’amincissement, sans oublier les poudres de perlinpinpin. L’important, on se tue à vous le dire, c’est de positiver l’échec.

Jusqu’à ce soir, on pourra donc tirer profit de conférences sur les désavantages financiers et fiscaux du désastre : « Dissimulation de revenu, sous-évaluation du patrimoine, intérêts cachés, montage financier occulte… Comment faire pour le prouver ? » (Didier Rauch, groupe Avera), mais aussi envisager l’avenir pour se recaser. Jean-Louis Goin expliquera « La place de la chirurgie esthétique dans la reconquête de son image », Emmanuelle Grabat (EMP Conseil) proposera « Le marketing relationnel, développer son réseau de relations et construire un projet pour un nouveau départ » ; le Dr Hazout, nutritionniste, proposera, quant à lui, de « reconstruire son alimentation et de retrouver enfin son énergie en mincissant », et si ça ne va pas mieux, il restera toujours « Les fleurs de Bach, une méthode simple et naturelle pour harmoniser vos émotions » (Martine Viniger, Jardin d’Iris) … Avec tout ça, on est armé pour le prochain divorce. On ne pourra pas dire qu’on a été pris(e) en traître(sse).

Pendant qu’on y est, pourquoi ces génies du marketing n’ont-ils pas encore lancé le Salon de l’euthanasie, dont le potentiel commercial et juridique est incontestable et les conférenciers nombreux ?