Les 3200 salariés de Toyota Onnaing, près de Valenciennes étaient déjà soumis aux joies du management à la japonaise qui ne diffère de l’esclavage au temps des Pharaons que par des détails minimes (pas ou peu de mises à mort sur le lieu de travail.) En revanche, il y a des peurs que même un encadrement nippon dans une région désindustrialisée, où il mise sur la fierté liée au travail pour imposer des conditions sociales d’une incroyable dureté, ne peut juguler. L’ensemble des syndicats a demandé la convocation d’un CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) extraordinaire pour faire le point sur les risques réels de radioactivité des nombreuses pièces et matériels importés du Japon.
En effet, comme à son habitude, la direction japonaise qui a une conception des plus élastiques du droit du travail s’est assez peu exprimée sur la situation, indiquant dans un bref communiqué qu’un organisme indépendant s’était livré à des mesures, qu’il n’y avait pas de problèmes et qu’il n’y avait donc pas lieu… de donner les résultats. Les salariés d’Onnaing gagnent en moyenne 900 euros pas mois. Ils doivent penser que ce n’est pas une raison, en plus, pour qu’on les repère la nuit au premier coup d’œil parce qu’ils seront phosphorescents.
Les cantonales, ont achevé le processus de schizophrénisation générale des partis politiques, à l’exception des deux Fronts, celui de gauche et le front « national » – ou qui s’affirme comme tel, car je ne vois pas pourquoi il faudrait laisser le monopole du national à Marine Le Pen, étant entendu que tout ce qui est national est nôtre, à gauche, puisque c’est nous qui l’avons inventée, la nation, quelque part entre 1789 et 1792. Et c’est nous qui l’avons revivifiée à travers deux siècles de conquêtes sociales, une bonne demi-douzaine de révolutions souvent matées dans le sang par la bourgeoisie sous le regard bienveillant d’une puissance étrangère comme ce fut le cas de la Commune de Paris dont on fête, hélas avec une discrétion de violette, le cent quarantième anniversaire en ce mois de mars 2011.
Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de voter pour des partis schizophrènes. L’abstention n’est pas seulement due à une paresse intellectuelle de type poujadiste, « tous les mêmes, tous pourris », mais aussi à une certaine réticence à voter pour des familles politiques qui comme certains grands malades mentaux souffrent de personnalités multiples.
Revue de détail :
Je désire voter calmement à gauche : j’ai le choix entre les écologistes et les socialistes. On a l’impression, comme ça, que ce sont des gens sérieux. En plus, ils ont l’air capable de s’entendre. Bon, pour l’instant, ils sont surtout capable de s’entendre pour présenter des candidats uniques dans les deux derniers conseils généraux tenus par des communistes, l’Allier et le Val de Marne, manip qui d’ailleurs semble avoir échoué.
Donc, je décide de voter socialiste et là, problème, je m’aperçois que le Parti socialiste n’existe plus depuis qu’en 2005, ses électeurs comme ses responsables se sont partagés sur le referendum pour le TCE. Depuis, pour des raisons de mode de scrutin qui ne permet pas, sauf à risquer la modémisation, de créer son propre parti, le PS survit surtout comme cartel électoral. Parce que si vous enfermez dans une même pièce Valls et Gérard Collomb d’un côté, Hamon et Fabius de l’autre, vous allez vite comprendre ce que signifient « divergences idéologiques insurmontables. » Comme le PS a tendance à gagner, cette fois-ci encore, toutes les élections intermédiaires, ça ne se voit pas trop. Mais il risque d’y avoir du sport quand un Emmanuelli verra débarquer en sauveur suprême Dominique Strauss-Kahn.
Bon, vous choisissez alors de voter écologiste parce que vous avez les tympans résistants à la voix de Cécile Duflot et que vous n’avez pas peur de vous enrhumer quand vous vous approchez d’Eva Joly. Là, à nouveau, se pose un problème. Pour quel écologiste votez-vous ? Le représentant des classes supérieures aisées, soucieuses de leur bilans carbone, qui ont les moyens d’installer une pompe à chaleur dans la copropriété et des panneaux solaires dans la maison secondaire du Lubéron ou pour un type du genre d’Yves Cochet, malthusien décroissant, qui promet un monde formidablement joyeux de carottes râpées, d’enfants uniques et de douches de cinq minutes. Voter Vert aujourd’hui, est-ce voter pour une nouvelle bourgeoisie dont le souci pour l’environnement est surtout ornemental ou pour des ayatollahs de la décroissance ? Est-ce voter pour ceux qui sont vraiment contre le nucléaire ou ceux qui se diront que Paris vaut bien une messe et un maroquin un réacteur EPR ?
Laissons la gauche et imaginons-nous un instant dans la peau d’un électeur de la droite ou du centre.
Je ne suis pas très content du virage moyennement humaniste de l’UMP de Guéant et de Chantal Brunel, je n’aime pas que l’Etat organise et instrumentalise des débats sur l’islam et l’identité nationale, je suis attaché à une certaine décence dans le comportement des hommes de pouvoir et il n’est pas certain qu’un vieux fond catholique en moi ne se soit durablement hérissé pendant « l’été rom » ou à la lecture de certains articles (d’ailleurs retoqués par le Conseil Constitutionnel) de la loi Loppsi 2 comme les peines planchers pour les mineurs. Je vais donc voter au Centre.
Mais là aussi, de quel centriste parle-t-on, à quelle mouvance, tendance, groupe appartient mon candidat centriste ? L’infiniment petit a autant de variété que l’infiniment grand nous a appris Pascal. Mon centriste est-il du Modem, c’est à dire plus à gauche que certains socialistes ? Est-il un partisan de Jean Arthuis, c’est-à-dire plus monétariste qu’un banquier européen ? Est-il pour Hervé Morin, c’est-à-dire un « nouveau centriste » vexé par le mépris de l’UMP ? Est-il enfin pour Borloo dont l’OPA sur la maison radicale valoisienne semble avoir été essentiellement motivée par la déception de ne pas avoir eu Matignon ?
Non, tournons-nous franchement vers la droite et vers l’UMP. L’UMP est le parti unique de la droite, c’est bien connu depuis Juppé. À condition d’oublier qu’il y a dans son organigramme une bonne demi-douzaine de formations « associées » et que coexistent des sensibilités qui vont des vestiges du gaullisme social à la volonté de moins en moins cachée de faire alliance avec le Front National, du colbertisme traditionnel en matière économique à des fanatiques de la dérégulation. C’est vrai, quoi, qui se cache vraiment derrière cette bonne tête de notable qui n’ose d’ailleurs même plus mettre le sigle UMP sur son affiche et se contente d’un vague « Majorité présidentielle », qui se cache vraiment ? Un fan de Copé pour qui PS et FN, c’est pareil ou un partisan de NKM ou de Fillon qui restent profondément allergiques à un certain ethnopopulisme, actuellement en vogue à l’UMP pour contrer le FN avec le succès que l’on sait ?
Non décidément, il ne restait que deux partis possible pour l’électeur qui voulait être sûr du corpus idéologique de son candidat.
Le Front national d’abord. Bien entendu, dans 90% des cantons, personne ne connaissait localement son candidat. Mais enfin, mettez la tête de Marine Le Pen sur la profession de foi, comme sur n’importe quel news, et un manche à balai parachuté est certain de faire un score à deux chiffres et de pouvoir se maintenir au second tour dans quatre cents cantons, rien que ça… Mais le programme est clair : national et social. Oxymore, chimère ? En tout cas, ça fait voter dans les quartiers populaires et plutôt en nombre. On reprend timidement les chemins de l’isoloir comme pour espérer encore.
Heureusement, il y a aussi, gardons le meilleur pour la fin, le Front de gauche. Vous ne le savez pas, mais pour monsieur Guéant comme pour les plateaux télé, le Front de gauche n’existe pas, contrairement au Front National. Car c’est une coalition. C’est tout de même ennuyeux parce que le Front de Gauche a doublé les écologistes, fait 9% et un score à deux chiffres si on le rapporte aux cantons où il était présent. Le Front de gauche, composé du PCF (enfin, je crois), du PG et de la Gauche unitaire, quand on le laisse parler, a un programme aussi clair que radicalement opposé à celui du Front national. Comme les mots ont leur importance, le Front de gauche n’est pas la gauche de la gauche, ni même l’extrême gauche, ce qui ne veut rien dire mais l’autre gauche. C’est à dire une gauche de rupture mais en mesure, demain, s’il le faut, de prendre le pouvoir avec les gens qu’il faut aux places qu’il faut. (Pas sûr que le FN puisse pour l’instant se targuer d’un tel réservoir de compétences, mais bon…)
L’air de rien, dimanche prochain, il y aura plusieurs dizaines de cantons où le second tour sera un duel entre Front national et Front de gauche. Ces cantons, souvent populaires, seront très intéressants à observer. Méfiants par rapport à une économie de marché qui les paupérise chaque jour un peu plus, hostiles à un libre-échangisme dont décidément ils ne voient pas ce qu’il leur apporte à part une précarité toujours plus grande et le partage, comme pour l’eau ou la santé, entre quelques opérateurs privés qui vont leur vendre ce qui était déjà à eux, ils vont voter pour les deux seules forces cohérentes, celles qui veulent changer la vie.
Ou si vous préférez, pour celles qui font de la politique, de la vraie. Pour le meilleur et pour le pire.
Jé apprit une nouvaile bien triste enlisant Coser se matain: Mètre Kapello hait more.
Quen j’aité petit, défoua, ont me léssé regardé lé jeut de 20H. C’été sur la troit. Cé pa aitonnan que ce jeux est disparut dant les anné 80 car c’été de la kulture général, sa se passé ché lé plouque de provaince, ont gagné pas bôcou d’arjant donc cété plus à la maude. Mètre Kapello ossi il avé un kôté oldskool come dise les anglaits mé cé normale kar il été hagraigé d’anglait a ces daibut. Parfoua, il fesé des maux flaiché pour Tailé 7 jour ôssi.
Il avé 88 an é il n’été pas partysant de la maithode glaubal.
Peuples sans légende, nous ne sommes pas encore morts de froid comme le prédisaient Patrice de La Tour du Pin et Claude Allègre après lui, mais ça ne saurait tarder.
En effet, se déroulent en ce moment outre-Méditerranée les révolutions que vous savez et, fors Bouazizi dont − paix à son âme −, le patronyme fait rire dans les cours de récré, le temps a passé longtemps sur ces foules mues par le désir de liberté avant qu’on parvienne à en détacher un ou deux visages.
Pendant un mois, en Tunisie comme en Égypte, de Megara à Charm-el-Cheikh, pas d’Ernesto Guevara, pas de Dany le rouge, pas de Camille Desmoulins, pas de Gavroche, pas de Lacenaire ni même de Garcia Lorca. Nous sommes en 2011 après Jésus-Christ et tous les super-héros sont occupés. Tous ? Non, car le 8 février surgit sur nos ordis, nos journaux papier et nos écrans télé Wael Ghonim.[access capability= »lire_inedits »]
À vrai dire, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un nouveau soldat de Tsahal capturé par le Hamas. Mais non. Il est vrai que je ne brille pas par mon érudition en onomastique proche-orientale. Wael Ghonim n’est pas non plus OSS 117, même s’il fait maintenant partie du gratin cairote. Qui est-il alors, ce chevalier blanc, ce preux, ce héros sans peur et sans reproche, cette légende vivante, ce comandante du Nil ?
Je vous le donne en mille : le directeur marketing de Google au Proche-Orient. Rien de moins. Et surtout rien de plus. Il n’y a pas de sot métier, sauf banquier, je vous l’accorde. Mais attendez : qu’a donc fait notre Hô Chi Minh en herbe pour que, suivant les gazettes, la place Al-Tahrir entière l’acclame comme une réincarnation du Mahdi ? Eh bien, il a créé sur Facebook le groupe « Nous sommes tous des Khaled Saïd » – jeune assassiné par la police d’État égyptienne dont on ignorait jusque-là qu’il fût un juif allemand.
Après ce coup d’éclat menaçant pour la sécurité publique, le Julien Coupat des pyramides a été raflé au hasard dans les rues du Caire avec cent autres. Ensuite, les geôles, la torture et le reste. Mais le pire, c’est que Wael Ghonim a subi le supplice de la privation d’Internet pendant douze jours. Heureusement, il en est ressorti vivant.
Il faut reconnaître que, place Al-Tahrir, devant la foule en délire, il a su raison garder : non, je ne serai pas votre chef, a-t-il dit, vous êtes les vrais héros. Mais je m’en voudrais de ne pas vous faire part de son premier message sur Twitter: « La liberté est une bénédiction qui mérite qu’on se batte pour elle. »[/access]
À part quand il s’agit d’une administration, d’un huissier ou d’une emmerderesse, j’aime bien qu’on s’intéresse à moi en particulier. J’aime aussi qu’on s’intéresse à moi en général et même en généralités et quand je suis le type d’un sociologue, loin de me sentir réduit, je suis attentif et curieux comme une femme chez l’astrologue.
J’ai donc lu avec intérêt l’entretien de Daoud avec le politologue et militant politique Gaël Brustier qui parle de « droitisation » quand « les enfants des soixante-huitards veulent, comme leurs parents, jouir sans entraves mais sous la protection d’un arsenal sécuritaire renforcé ». Je dois reconnaître que « l’hédoniste sécuritaire », c’est assez moi. Je vais tâcher de m’expliquer sur cet oxymore et de répondre à cette question qui reste d’actualité sur de nombreux sujets : à qui la faute ?
Je suis un héritier de mai 68, c’est incontestable. Je ne jouis pas tout à fait sans entraves, j’ai mes limites et je suis attaché au consentement de ma partenaire comme je suis soucieux du respect des humains qui m’environnent ainsi que des lois et des codes culturels en vigueur, mais ceci étant dit, je l’avoue, je vis à la recherche de mon plaisir. Je tiens, entre autres, pour un précieux acquis de notre civilisation la libération sexuelle et même les discours les plus réacs n’ont pas réussi à me convaincre que la France, c’était mieux avant les filles faciles. Pour rien au monde, je ne voudrais revenir à une époque sans pilule et sans mini-jupes. J’aime par exemple croiser dans le RER des femmes légèrement vêtues. Or nous voyons et ce , de plus en plus, que sans arsenal sécuritaire renforcé dans les trains qui traversent nos villes et nos banlieues, nous, Occidentaux de tous les sexes, ne pourrions jouir de cette liberté des femmes d’occuper l’espace public sans être obligées de s’habiller comme des sacs. L’hédoniste que je suis y tient beaucoup alors le sécuritaire y veille.
Les soixante-huitards criaient : « CRS=SS » et nous, comme les collégiens qui sont poignardés dans leurs écoles mais à la différence de leurs professeurs libertaires, nous voulons plus de police. On peut toujours nous prendre pour ces cochons de bourgeois de la chanson de Brel devenus vieux et cons. Il faut bien constater que les lois, les flics et les délinquants aussi ont changé.
Aujourd’hui, la justice ne poursuit plus les homos mais les auteurs d’agressions homophobes, elle ne sanctionne plus le blasphème mais son censeur menaçant ou terroriste, elle ne condamne plus les femmes adultères mais leurs maris cogneurs et défend les « salopes » qui avortent contre les anti-IVG qui les importunent.
La police ne réprime plus les manifestations, elle les encadre et, en protégeant une jeunesse étudiante et pacifique contre une autre qui l’est moins, elle garantit le droit des jeunes à nous rejouer 68 pour un oui et surtout pour un non. Les flics des mœurs ou des stups qui tracassaient nos parents soixante-huitards pour des broutilles ont d’autres chats à fouetter quand ils interviennent en banlieue pour tenter de défendre le droit du plus faible et quand les CRS sont autorisés à matraquer des jeunes qui leur tirent dessus, c’est parfois pour empêcher l’incendie de bibliothèques.
Même la délinquance a changé. Une violence d’une nature nouvelle menace les plus vulnérables d’entre nous. Les jeunes, les femmes ou les personnes âgées peuvent être frappés à mort pour un i-phone ou un sac à main. Hier, il arrivait que l’on tire du haut d’un balcon sur des jeunes trop bruyants, aujourd’hui, on peut se faire tabasser quand on ose réclamer un peu de silence. La gauche a longtemps dénoncé l’autodéfense, à présent, on ne tue plus pour défendre son autoradio mais on peut en mourir.
Le ré-ensauvagement du monde n’est pas un fantasme délirant ou une hallucination collective, c’est une dérive bien réelle à laquelle tous les enfants, tous les parents et tous les amants un peu lucides, responsables et inquiets font face en appelant la police. Dans notre État de droit, la sécurité n’est pas assurée par la Sécuritate, elle est la condition incontournable de l’exercice et de la jouissance de nos nombreuses libertés. Dans une société où les caméras de surveillance n’espionnent pas les dissidents mais identifient les violeurs et où les flics de la droite protègent les acquis libertaires de la gauche, je réponds à Gaël Brustier que j’assume sans complexe mon « hédonisme sécuritaire ». Je parlerais plutôt d’art de vivre sécurisé mais après tout, je ne déteste pas les termes polémiques. Si on ne se taquine pas un peu de gauche à droite et de droite à gauche, on finira par ne plus se parler.
Selon Gaël Brustier, outre un désir suspect de sécurité qui pousse vers la « droitisation », un vent de « paniques morales » souffle sur les peuples d’Europe, les entraînant dans un « délire islamophobe, différentialiste et occidentaliste ». Je dois reconnaitre que là aussi, je me suis reconnu.
D’abord, je ne vois personne céder à la panique même morale et quand des Européens estiment que les valeurs de l’Occident sont menacées, ils n’occupent pas les rues et ne tirent pas en l’air, ils votent, ce qui est une réaction aussi éloignée que possible de la panique. L’islam et les transformations que son essor implique dans nos sociétés m’inquiète et, en digne héritier de 68, ce n’est pas tant le changement qui m’effraie que la régression. Je suis ravi que les cultures française et européenne aient été enrichies dans les années 1960 par le western et le rock’n’roll venus d’outre-Atlantique. Si quelques irréductibles Gaulois préfèrent Louis la brocante et Nolwen qui chante la Bretagne de papa, grand bien leur fasse, moi je vibre avec John Wayne et Elvis Presley, et même avec Chuck Norris mais le problème n’est pas là.
Toujours est-il que je ne me sens pas particulièrement conservateur, je reste plutôt ouvert aux autres cultures mais pas à toutes. Qu’on me pardonne, je suis difficile, exigeant, je fais le tri, en un mot, je discrimine.
Islamophobe ? Passons sur les groupuscules islamistes et sectaires sur lesquels nous sommes tous d’accord. Plus généralement, dans les territoires d’Europe où les populations musulmanes sont majoritaires, un islam communautaire liberticide, régressif et parfois violent règne sur les individus. Avec lui, les conquêtes de notre civilisation sont contestées, l’égalité entre les sexes, la liberté des mœurs, la tolérance à la critique et le récit de notre histoire. Alors que le western est un monde de gentlemen bourrus à l’esprit chevaleresque et le rock’n’roll un truc sexuel, transgressif et libérateur, la culture des nouveaux arrivants pourrait nous ramener à un Moyen âge étranger à l’amour courtois.
Différentialiste, sûrement pas. L’islam ne regarde que les musulmans et je ne veux voir que des Français. Je ne veux aucun différentialisme, ni positif, ni négatif et je ne veux pas de différences dans la loi, à l’école, à la piscine ou à la cantine. Ce n’est pas moi qui assigne certains Français à résidence identitaire. La République ne reconnaît aucune communauté mais tous ses citoyens et la France est une chance pour l’émancipation des individus et un modèle pour les révolutions.
Occidentaliste, je veux bien. What else ? Pour la culture, le bilan des peuples de l’ouest est globalement positif. Si l’Eurovision et le carré VIIIP nous désolent, le cinéma bollywoodien, la musique asiatique, la production littéraire arabe et les brevets scientifiques africains nous consolent. Et puis j’aime imaginer ce que la civilisation occidentale, ses valeurs, sa démocratie sociale de marché pourraient produire sur le développement de l’Afrique, l’économie russe, les droits de l’homme asiatique ou de la femme arabe. L’Occident reste un phare pour le monde et le sens des migrations le montre bien alors si les peuples sont occidentalistes, pourquoi pas moi ?
Peut-on, avec tout ça, parler de « paniques morales » ? Je ne sais pas mais de résistances sûrement, et tout ce qu’il y a de plus morales. Alors va pour islamophobe et occidentaliste. Parce que je veux ce qu’il y a de mieux pour mes amis comme pour mes ennemis.
Les temps sont durs, faut pas gâcher. Aussi quand l’ami Miclo m’a suggéré et pour tout dire offert l’excellent titre « My Taylor is dead », au cas ou je ferais une brève sur le décès d’icelle, hier à 79 ans, je me suis senti obligé de la faire cette brève, ne serait-ce que pour sauver le titre.
Sauf que Liz Taylor n’étant ni Bette Davis, ni Audrey Hepburn, ni Greta Garbo, ni Frances McDormand, ni Joan Crawford, ni Gena Rowlands, ni Melanie Griffith, ni Sigourney Weaver ni Jodie Foster ni aucune autre des centaines d’actrices hollywoodiennes que j’adore, et bien je n’ai pas grand chose à en dire.
Allons y tout net : en vrai je n’ai carrément rien à dire sur Liz Taylor, ses yeux violets, ses scènes de ménage[1. Ne le répétez pas, mais j’ai quand même adoré leur Mégère apprivoisée] avec Richard Burton, son Michael Jackson de compagnie, sa Virginia Woolf à faire peur ou sa chatte sur un toit brûlant…
En revanche, je suis très très touché, et attristé par la mort, dimanche dernier, à 88 ans de Maître Capello. Ce type avait la classe mondiale, et si un jour le service le service public nous propose une émission de divertissement du niveau du Francophonissime[2. Spécial dédicace à Robert Rocca, Paule Herreman, Maurice Biraud, Anne-Marie Carrière, Jean Valton et Michel Dénériaz], alors je renoncerai peut-être à prendre ma retraite à Miami Beach, La Havane ou Nathanya
S’il est trop tôt pour spéculer sur la logique géostratégique à l’œuvre derrière l’attentat de cet après-midi à Jérusalem, il y a de moins en moins de doutes sur celle qui anime le Hamas : il s’agit de faire l’union sacrée du monde arabe contre Israël. On connaît le scénario, huilé comme un billard à deux bandes. En 1991, Saddam Hussein lançait des Scuds sur Israël mais la véritable cible de ses missiles était l’alliance formée par Bush père pour le bouter hors du Koweït. À l’époque, des troupes syriennes et égyptiennes sous mandat onusien se battaient aux côtés des Britanniques et des Américains et le président irakien voulait faire croire aux opinions publiques arabes que Damas et le Caire font le sale boulot des sionistes.
Aujourd’hui, il s’agit entre autres de détourner l’attention, pendant que les Occidentaux jouent contre la montre en Libye et que les Syriens font le sale boulot chez eux où la répression a déjà fait une dizaine de morts. Ce sont les Palestiniens les plus radicaux – Hamas en tête – qui attaquent Israël avec le même but stratégique : présenter l’Etat hébreu comme le cœur des tous les problèmes et faire voler en éclats la coalition qui se bat actuellement en Libye. Quant à la tactique, elle vise à provoquer une réaction en chaîne : provocation, riposte de Tsahal (avec l’espoir d’une bavure sanglante), images choc en boucle sur les écrans, indignation en Occident et colère dans le monde arabe, écroulement de la coalition. Cela n’a pas marché en Irak mais la fragilité de l’alliance qui opère en Libye et les buts plutôt mouvants de cette intervention pourraient laisser croire aux stratèges du Hamas et autres partisans palestiniens de la lutte armée que le coup mérite d’être tenté.
Pour les islamistes de Gaza sont vitaux : si la Syrie tombe, le Hamas perdra son principal soutien dans la région et ses dirigeants devront déménager en urgence.
Fidèle à la stratégie de son père, Bachar el-Assad a un seul crédo: je nuis, donc je suis. Empêcher toute avancée et mettre des bâtons dans toutes les roues pour vendre ensuite chèrement sa « bonne volonté » – c’est-à-dire la mise en veilleuse provisoire de sa mauvaise volonté -, voilà l’essentiel de la politique syrienne depuis quarante ans. Concrètement, cela signifie étouffer le Liban, encourager le Hezbollah à se maintenir en tant que force armée, mener un jeu trouble en Irak et sponsoriser les mouvements palestiniens les plus intransigeants.
Le président syrien ne cache pas son jeu, il en est même très fier. Dans une interview accordée au Wall Street Journal quand il se croyait à l’abri de mouvements comparables à ceux qui emportaient Ben Ali et Moubarak, il a revendiqué cette politique centrée sur l’hostilité à « l’entité sioniste » conforme, selon lui, aux croyances profondes du peuple. Autrement dit, sa ligne politique repose sur la conviction que, pour les Arabes, la haine d’Israël est plus importante que l’aspiration à une vie meilleure et aux libertés civiles. C’est-à-dire exactement le contraire de ce que pensent les Occidentaux.
Dans cette perspective, la Syrie est devenue la pièce-maîtresse du dispositif iranien au Moyen-Orient et – comme l’ont prouvé récemment une belle capture de la marine israélienne et les soupçons croissants des douaniers turcs sur certains vols Téhéran-Damas – une plaque tournante dans le trafic d’armes vers le Liban et le Gaza.
Avec Assad, c’est tout l’édifice stratégique du Hamas et consorts qui pourrait trembler comme une tour de Tokyo pendant un séisme. Un changement d’enseigne en Syrie pourrait engendrer un Liban indépendant et une Autorité palestinienne libérée de la surenchère idéologique islamiste. C’est aussi l’Iran qui pourrait perdre pied en Méditerranée quelques semaines seulement après les y avoir trempés pour la première fois – lorsque les navires de guerre de la République islamique ont franchi le Canal de Suez.
Pour Téhéran et Gaza, ce scénario est un cauchemar stratégique. Il est donc urgent de provoquer Israël en espérant que la riposte sera suffisamment musclée pour donner la victoire cathodique à ces pauvres islamistes innocents victimes de la barbarie sioniste. Peu importent quelques morts, y compris dans leur propre camp : il faut à tout prix sauver le soldat Bachar el-Assad ! Quant à la liberté, Palestiniens et Iraniens la défendent avec enthousiasme en Egypte où ils ont des comptes à régler et des bénéfices stratégiques à empocher.
Quand il s’agit de leurs intérêts vitaux, c’est une autre affaire. Voilà donc Gaza et Téhéran confrontées au même dilemme que les Occidentaux, face aux révoltes du Yémen et de Bahreïn. Curieusement, j’ai comme le sentiment que les premiers ont beaucoup moins d’états d’âme que les seconds. Mais cela doit être de la mauvaise foi sioniste.
J’aimerais bien savoir qui nous sommes, à la fin, et qui sont aussi les autres, les ceusses d’en-face, en l’occurrence d’outre-Méditerranée.
C’est une phrase de Claude Guéant, faisant naître une énième semi-polémique, qui nous met la puce à l’oreille : « le président a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies et puis la Ligue arabe et l’Union africaine », a-t-il dit lundi 21 mars, le malheureux, sur Le Figaro.fr dans un « talk ».
Chez Dassault, dont il rentabilise enfin les Rafale, il devait se sentir en confiance. Toute la sainte cléricocratie de lui illico tomber sur le râble, c’est le jeu. Mais c’était encore le ministre allemand des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, qui avait estimé il y a une semaine qu’il était « essentiel que nous ne donnions pas l’impression qu’il s’agit (…) d’une croisade chrétienne contre des populations de croyance musulmane ».
Pour moi, je croyais avoir compris depuis quelques années, en suivant les arguments des doctes de plateaux-télé, que la France – et, partant j’imaginais le reste de l’Europe et les Etats-Unis – était diverse, plurielle, musulmane comme juive comme athée comme chrétienne. J’avais même cru saisir, à la suite de vagues cours d’histoire et à la lecture d’excellents ouvrages[1. Comme Le Christ s’est-il arrêté à Tizi-Ouzou ?, de Salah Guemriche, Denoël, 2011] qu’il y avait des chrétiens et des Juifs au Maghreb et au Machreq, très anciens ou très nouveaux. Bref, que les nations en présence étaient des sociétés ouvertes, comme toutes celles qui désormais couvrent la surface de la terre.
Il semble que ce ne soit pas le cas, et que tous les pilotes de chasse français, comme tous les marins du Charles de Gaulle, comme tous les fonctionnaires des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, de Matignon et de l’Elysée soient de gros blancs bien poilus et bien catholiques. D’ailleurs j’en discutais avec mon curé dimanche soir. Il regrettait que Mgr Vingt-Trois ne soit pas monté en chaire pour bénir Nicolas Sarkozy, notre nouveau Bouillon, lui confiant le soin de délivrer le tombeau de Simon de Cyrène qui doit se trouver pas loin de Benghazi. En tout cas, par toute la terre, les prières de deux milliards de chrétiens accompagnent l’Ordre des Templiers dans sa sainte mission. J’espère que vous me croyez.
Ils savent deux ans à l’avance si vous allez divorcer avec une marge d’erreur de 2%, où vous serez demain (10%), ils ont même calculé combien vous dépenserez pour les autres quand vous préférez vous asseoir côté couloir dans les avions…
Qui ? Les algorithmes utilisés par vos compagnies de cartes de crédit ou vos réseaux sociaux. Un des plus pointus répond au délicieux nom de Hunch (« l’intuition » !), il lui faut quelques secondes pour établir votre profil de consommateur jusque dans les moindres détails, définir votre espérance de vie et l’avenir de vos enfants grâce aux informations que vous laissez généreusement sur la toile et chaque fois que vous utilisez une carte à puce.
Mais pour le moment, personne n’a l’intention de recouper ou d’exploiter ces données. La main sur le cœur, le vice-président de Google, grand algorithmophage devant l’éternel, l’a assuré et certifié au Southwest Interactive festival de Dallas.
Et nous allons, bien entendu, lui faire une confiance aveugle.
Nous avons tous une vision grandiose des règnes des derniers Bourbons – de Louis XIII à Louis XVI – et de l’action de leurs ministres – Richelieu, Mazarin, Colbert et Fleury. L’Histoire (avec majuscule) a retenu les fastes de Versailles, les victoires militaires et le luxe de la cour mais ce que l’histoire (avec un petit h, celle du commun des mortels) nous apprend, c’est que la vie de la grande majorité des Français de l’époque se résumait à une misère abyssale. Une épigramme fameuse, du temps de Louis XV, résumait assez bien le sentiment du peuple : « La France est un malade que, depuis cent ans, trois médecins de rouge vêtus ont successivement traité. Le premier (Richelieu) l’a saigné ; le second (Mazarin) l’a purgé ; et le troisième (Fleury) l’a mis à la diète. »[access capability= »lire_inedits »]
Une anecdote rapportée dans ses Mémoires par René-Louis d’Argenson, ministre des Affaires étrangères de Louis XV, rapporte que le duc d’Orléans porta au conseil un morceau de pain de fougère et, à l’ouverture de la séance, le posa sur la table du roi en disant : « Sire, voilà de quoi vos sujets se nourrissent », alors même que Monsieur Orry vante la régularité avec laquelle les impôts alimentent le trésor royal. Cet épisode résume assez bien les informations qu’on tire de la lecture des auteurs de l’époque : les Français sont écrasés d’impôts et de corvées, l’administration est partout, une réglementation tentaculaire et arbitraire brise toute activité commerciale ou industrielle, tout est centralisé à Paris qui festoie dans l’insouciance la plus totale tandis que, jusqu’aux abords de Versailles, les gens meurent – littéralement – de faim. « Si les peuples étaient à l’aise, écrit Richelieu dans son Testament politique, difficilement resteraient-ils dans les règles. » Tout est dit.
Or, comme le rapporte notamment Tocqueville, le règne de Louis XVI fut certainement le plus prospère de tous – pour les Français s’entend. L’auteur de L’Ancien régime et la Révolution note (L3, IV) qu’environ trente ou quarante ans avant la Révolution, l’économie française se met progressivement à croître : pour la première fois depuis plus d’un siècle, la condition des gens ordinaires s’améliore, le commerce se développe, les industries fleurissent un peu partout et la population augmente. Les sources de l’époque sont sans ambiguïtés : le prix des fermages ne cesse d’augmenter ; le bail de 1786 donne 14 millions de plus que celui de 1780 ; Arthur Young, dans ses Voyages en France, s’émerveille de la prospérité retrouvée de Bordeaux qui surpasse, selon lui, celle de Liverpool… Partout les gens s’enrichissent dans des proportions jamais vues. Malgré le poids encore écrasant de l’État et la gestion calamiteuse des finances, les tentatives de libéralisation de l’économie française − en particulier par Turgot − permettent enfin à la France de ressentir les premiers effets de la révolution industrielle venue d’Angleterre.
Mais alors, pourquoi les Français, qui vivent désormais de mieux en mieux, vont-ils faire leur Révolution ? Tocqueville propose une réponse qui, je crois, résonne parfaitement avec les événements auxquels nous assistons aujourd’hui en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ce que cette période de croissance et d’enrichissement a implanté dans le cœur de nos ancêtres, c’est l’espoir. Pour la première fois, les Français goûtent aux effets de la liberté, connaissent la prospérité et commencent à y croire. Avec leur bien-être matériel désormais mieux assuré, ils commencent à rêver de libertés politiques. Là où, quelques décennies plus tôt, rien ne pouvait se faire hors l’État, hors le roi, c’est un peuple entier qui ose enfin rêver de prendre son destin en main. Tocqueville résume son idée en une phrase : « Vingt ans auparavant, on n’espérait rien de l’avenir ; maintenant, on n’en redoute rien. »
Des milliards de gens vivent mieux et se mettent à rêver de liberté politique
À quoi d’autre assistons-nous aujourd’hui ? Les cinquante dernières années ont été, dans le monde entier et dans les pays dits « émergents » en particulier, la plus formidable période de croissance et de recul de la pauvreté que l’humanité ait jamais connu. Jugez plutôt : en 2005, on estimait le nombre de gens vivant avec moins de 1,25 dollar par jour à 1 337,8 millions (25,7% de la population mondiale). D’après une mise à jour publiée récemment par Laurence Chandy et Geoffrey Gertz, deux chercheurs de la Brookings Institution, ce chiffre est tombé à 878,2 millions (15,8%) en 2010. Un dixième de l’humanité qui sort de la misère extrême en cinq ans ! Partout, de l’Asie du Sud-Est à l’Afrique du Nord, des milliards de gens vivent mieux aujourd’hui qu’hier et, comme nos Français du XVIIIe siècle, se prennent à rêver de liberté politique.
Après les régimes tunisien et égyptien, ce sont pratiquement tous les régimes autocratiques de la planète qui sentent passer ce formidable souffle de liberté. Alors que Kadhafi tente désespérément de sauver son régime, les autorités chinoises viennent de couper l’accès à certains réseaux sociaux sur lesquels la contestation commençait à s’organiser. Ce que nous renvoient ces millions de gens n’est rien d’autre que notre propre image, il y a un peu plus de deux siècles.
La liberté, écrivait Tocqueville, « certains peuples la poursuivent obstinément à travers toutes sortes de périls et de misères. Ce ne sont pas les biens matériels qu’elle leur donne que ceux-ci aiment alors en elle; ils la considèrent elle-même comme un bien si précieux et si nécessaire qu’aucun autre ne pourrait les consoler de sa perte et qu’ils se consolent de tout en la goûtant. D’autres se fatiguent d’elle au milieu de leurs prospérités ; ils se la laissent arracher des mains sans résistance, de peur de compromettre par un effort ce même bien-être qu’ils lui doivent. Que manque-t-il à ceux-là pour rester libres ? Quoi ? Le goût même de l’être. »
Les 3200 salariés de Toyota Onnaing, près de Valenciennes étaient déjà soumis aux joies du management à la japonaise qui ne diffère de l’esclavage au temps des Pharaons que par des détails minimes (pas ou peu de mises à mort sur le lieu de travail.) En revanche, il y a des peurs que même un encadrement nippon dans une région désindustrialisée, où il mise sur la fierté liée au travail pour imposer des conditions sociales d’une incroyable dureté, ne peut juguler. L’ensemble des syndicats a demandé la convocation d’un CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) extraordinaire pour faire le point sur les risques réels de radioactivité des nombreuses pièces et matériels importés du Japon.
En effet, comme à son habitude, la direction japonaise qui a une conception des plus élastiques du droit du travail s’est assez peu exprimée sur la situation, indiquant dans un bref communiqué qu’un organisme indépendant s’était livré à des mesures, qu’il n’y avait pas de problèmes et qu’il n’y avait donc pas lieu… de donner les résultats. Les salariés d’Onnaing gagnent en moyenne 900 euros pas mois. Ils doivent penser que ce n’est pas une raison, en plus, pour qu’on les repère la nuit au premier coup d’œil parce qu’ils seront phosphorescents.
Les cantonales, ont achevé le processus de schizophrénisation générale des partis politiques, à l’exception des deux Fronts, celui de gauche et le front « national » – ou qui s’affirme comme tel, car je ne vois pas pourquoi il faudrait laisser le monopole du national à Marine Le Pen, étant entendu que tout ce qui est national est nôtre, à gauche, puisque c’est nous qui l’avons inventée, la nation, quelque part entre 1789 et 1792. Et c’est nous qui l’avons revivifiée à travers deux siècles de conquêtes sociales, une bonne demi-douzaine de révolutions souvent matées dans le sang par la bourgeoisie sous le regard bienveillant d’une puissance étrangère comme ce fut le cas de la Commune de Paris dont on fête, hélas avec une discrétion de violette, le cent quarantième anniversaire en ce mois de mars 2011.
Il est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de voter pour des partis schizophrènes. L’abstention n’est pas seulement due à une paresse intellectuelle de type poujadiste, « tous les mêmes, tous pourris », mais aussi à une certaine réticence à voter pour des familles politiques qui comme certains grands malades mentaux souffrent de personnalités multiples.
Revue de détail :
Je désire voter calmement à gauche : j’ai le choix entre les écologistes et les socialistes. On a l’impression, comme ça, que ce sont des gens sérieux. En plus, ils ont l’air capable de s’entendre. Bon, pour l’instant, ils sont surtout capable de s’entendre pour présenter des candidats uniques dans les deux derniers conseils généraux tenus par des communistes, l’Allier et le Val de Marne, manip qui d’ailleurs semble avoir échoué.
Donc, je décide de voter socialiste et là, problème, je m’aperçois que le Parti socialiste n’existe plus depuis qu’en 2005, ses électeurs comme ses responsables se sont partagés sur le referendum pour le TCE. Depuis, pour des raisons de mode de scrutin qui ne permet pas, sauf à risquer la modémisation, de créer son propre parti, le PS survit surtout comme cartel électoral. Parce que si vous enfermez dans une même pièce Valls et Gérard Collomb d’un côté, Hamon et Fabius de l’autre, vous allez vite comprendre ce que signifient « divergences idéologiques insurmontables. » Comme le PS a tendance à gagner, cette fois-ci encore, toutes les élections intermédiaires, ça ne se voit pas trop. Mais il risque d’y avoir du sport quand un Emmanuelli verra débarquer en sauveur suprême Dominique Strauss-Kahn.
Bon, vous choisissez alors de voter écologiste parce que vous avez les tympans résistants à la voix de Cécile Duflot et que vous n’avez pas peur de vous enrhumer quand vous vous approchez d’Eva Joly. Là, à nouveau, se pose un problème. Pour quel écologiste votez-vous ? Le représentant des classes supérieures aisées, soucieuses de leur bilans carbone, qui ont les moyens d’installer une pompe à chaleur dans la copropriété et des panneaux solaires dans la maison secondaire du Lubéron ou pour un type du genre d’Yves Cochet, malthusien décroissant, qui promet un monde formidablement joyeux de carottes râpées, d’enfants uniques et de douches de cinq minutes. Voter Vert aujourd’hui, est-ce voter pour une nouvelle bourgeoisie dont le souci pour l’environnement est surtout ornemental ou pour des ayatollahs de la décroissance ? Est-ce voter pour ceux qui sont vraiment contre le nucléaire ou ceux qui se diront que Paris vaut bien une messe et un maroquin un réacteur EPR ?
Laissons la gauche et imaginons-nous un instant dans la peau d’un électeur de la droite ou du centre.
Je ne suis pas très content du virage moyennement humaniste de l’UMP de Guéant et de Chantal Brunel, je n’aime pas que l’Etat organise et instrumentalise des débats sur l’islam et l’identité nationale, je suis attaché à une certaine décence dans le comportement des hommes de pouvoir et il n’est pas certain qu’un vieux fond catholique en moi ne se soit durablement hérissé pendant « l’été rom » ou à la lecture de certains articles (d’ailleurs retoqués par le Conseil Constitutionnel) de la loi Loppsi 2 comme les peines planchers pour les mineurs. Je vais donc voter au Centre.
Mais là aussi, de quel centriste parle-t-on, à quelle mouvance, tendance, groupe appartient mon candidat centriste ? L’infiniment petit a autant de variété que l’infiniment grand nous a appris Pascal. Mon centriste est-il du Modem, c’est à dire plus à gauche que certains socialistes ? Est-il un partisan de Jean Arthuis, c’est-à-dire plus monétariste qu’un banquier européen ? Est-il pour Hervé Morin, c’est-à-dire un « nouveau centriste » vexé par le mépris de l’UMP ? Est-il enfin pour Borloo dont l’OPA sur la maison radicale valoisienne semble avoir été essentiellement motivée par la déception de ne pas avoir eu Matignon ?
Non, tournons-nous franchement vers la droite et vers l’UMP. L’UMP est le parti unique de la droite, c’est bien connu depuis Juppé. À condition d’oublier qu’il y a dans son organigramme une bonne demi-douzaine de formations « associées » et que coexistent des sensibilités qui vont des vestiges du gaullisme social à la volonté de moins en moins cachée de faire alliance avec le Front National, du colbertisme traditionnel en matière économique à des fanatiques de la dérégulation. C’est vrai, quoi, qui se cache vraiment derrière cette bonne tête de notable qui n’ose d’ailleurs même plus mettre le sigle UMP sur son affiche et se contente d’un vague « Majorité présidentielle », qui se cache vraiment ? Un fan de Copé pour qui PS et FN, c’est pareil ou un partisan de NKM ou de Fillon qui restent profondément allergiques à un certain ethnopopulisme, actuellement en vogue à l’UMP pour contrer le FN avec le succès que l’on sait ?
Non décidément, il ne restait que deux partis possible pour l’électeur qui voulait être sûr du corpus idéologique de son candidat.
Le Front national d’abord. Bien entendu, dans 90% des cantons, personne ne connaissait localement son candidat. Mais enfin, mettez la tête de Marine Le Pen sur la profession de foi, comme sur n’importe quel news, et un manche à balai parachuté est certain de faire un score à deux chiffres et de pouvoir se maintenir au second tour dans quatre cents cantons, rien que ça… Mais le programme est clair : national et social. Oxymore, chimère ? En tout cas, ça fait voter dans les quartiers populaires et plutôt en nombre. On reprend timidement les chemins de l’isoloir comme pour espérer encore.
Heureusement, il y a aussi, gardons le meilleur pour la fin, le Front de gauche. Vous ne le savez pas, mais pour monsieur Guéant comme pour les plateaux télé, le Front de gauche n’existe pas, contrairement au Front National. Car c’est une coalition. C’est tout de même ennuyeux parce que le Front de Gauche a doublé les écologistes, fait 9% et un score à deux chiffres si on le rapporte aux cantons où il était présent. Le Front de gauche, composé du PCF (enfin, je crois), du PG et de la Gauche unitaire, quand on le laisse parler, a un programme aussi clair que radicalement opposé à celui du Front national. Comme les mots ont leur importance, le Front de gauche n’est pas la gauche de la gauche, ni même l’extrême gauche, ce qui ne veut rien dire mais l’autre gauche. C’est à dire une gauche de rupture mais en mesure, demain, s’il le faut, de prendre le pouvoir avec les gens qu’il faut aux places qu’il faut. (Pas sûr que le FN puisse pour l’instant se targuer d’un tel réservoir de compétences, mais bon…)
L’air de rien, dimanche prochain, il y aura plusieurs dizaines de cantons où le second tour sera un duel entre Front national et Front de gauche. Ces cantons, souvent populaires, seront très intéressants à observer. Méfiants par rapport à une économie de marché qui les paupérise chaque jour un peu plus, hostiles à un libre-échangisme dont décidément ils ne voient pas ce qu’il leur apporte à part une précarité toujours plus grande et le partage, comme pour l’eau ou la santé, entre quelques opérateurs privés qui vont leur vendre ce qui était déjà à eux, ils vont voter pour les deux seules forces cohérentes, celles qui veulent changer la vie.
Ou si vous préférez, pour celles qui font de la politique, de la vraie. Pour le meilleur et pour le pire.
Jé apprit une nouvaile bien triste enlisant Coser se matain: Mètre Kapello hait more.
Quen j’aité petit, défoua, ont me léssé regardé lé jeut de 20H. C’été sur la troit. Cé pa aitonnan que ce jeux est disparut dant les anné 80 car c’été de la kulture général, sa se passé ché lé plouque de provaince, ont gagné pas bôcou d’arjant donc cété plus à la maude. Mètre Kapello ossi il avé un kôté oldskool come dise les anglaits mé cé normale kar il été hagraigé d’anglait a ces daibut. Parfoua, il fesé des maux flaiché pour Tailé 7 jour ôssi.
Il avé 88 an é il n’été pas partysant de la maithode glaubal.
Peuples sans légende, nous ne sommes pas encore morts de froid comme le prédisaient Patrice de La Tour du Pin et Claude Allègre après lui, mais ça ne saurait tarder.
En effet, se déroulent en ce moment outre-Méditerranée les révolutions que vous savez et, fors Bouazizi dont − paix à son âme −, le patronyme fait rire dans les cours de récré, le temps a passé longtemps sur ces foules mues par le désir de liberté avant qu’on parvienne à en détacher un ou deux visages.
Pendant un mois, en Tunisie comme en Égypte, de Megara à Charm-el-Cheikh, pas d’Ernesto Guevara, pas de Dany le rouge, pas de Camille Desmoulins, pas de Gavroche, pas de Lacenaire ni même de Garcia Lorca. Nous sommes en 2011 après Jésus-Christ et tous les super-héros sont occupés. Tous ? Non, car le 8 février surgit sur nos ordis, nos journaux papier et nos écrans télé Wael Ghonim.[access capability= »lire_inedits »]
À vrai dire, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un nouveau soldat de Tsahal capturé par le Hamas. Mais non. Il est vrai que je ne brille pas par mon érudition en onomastique proche-orientale. Wael Ghonim n’est pas non plus OSS 117, même s’il fait maintenant partie du gratin cairote. Qui est-il alors, ce chevalier blanc, ce preux, ce héros sans peur et sans reproche, cette légende vivante, ce comandante du Nil ?
Je vous le donne en mille : le directeur marketing de Google au Proche-Orient. Rien de moins. Et surtout rien de plus. Il n’y a pas de sot métier, sauf banquier, je vous l’accorde. Mais attendez : qu’a donc fait notre Hô Chi Minh en herbe pour que, suivant les gazettes, la place Al-Tahrir entière l’acclame comme une réincarnation du Mahdi ? Eh bien, il a créé sur Facebook le groupe « Nous sommes tous des Khaled Saïd » – jeune assassiné par la police d’État égyptienne dont on ignorait jusque-là qu’il fût un juif allemand.
Après ce coup d’éclat menaçant pour la sécurité publique, le Julien Coupat des pyramides a été raflé au hasard dans les rues du Caire avec cent autres. Ensuite, les geôles, la torture et le reste. Mais le pire, c’est que Wael Ghonim a subi le supplice de la privation d’Internet pendant douze jours. Heureusement, il en est ressorti vivant.
Il faut reconnaître que, place Al-Tahrir, devant la foule en délire, il a su raison garder : non, je ne serai pas votre chef, a-t-il dit, vous êtes les vrais héros. Mais je m’en voudrais de ne pas vous faire part de son premier message sur Twitter: « La liberté est une bénédiction qui mérite qu’on se batte pour elle. »[/access]
À part quand il s’agit d’une administration, d’un huissier ou d’une emmerderesse, j’aime bien qu’on s’intéresse à moi en particulier. J’aime aussi qu’on s’intéresse à moi en général et même en généralités et quand je suis le type d’un sociologue, loin de me sentir réduit, je suis attentif et curieux comme une femme chez l’astrologue.
J’ai donc lu avec intérêt l’entretien de Daoud avec le politologue et militant politique Gaël Brustier qui parle de « droitisation » quand « les enfants des soixante-huitards veulent, comme leurs parents, jouir sans entraves mais sous la protection d’un arsenal sécuritaire renforcé ». Je dois reconnaître que « l’hédoniste sécuritaire », c’est assez moi. Je vais tâcher de m’expliquer sur cet oxymore et de répondre à cette question qui reste d’actualité sur de nombreux sujets : à qui la faute ?
Je suis un héritier de mai 68, c’est incontestable. Je ne jouis pas tout à fait sans entraves, j’ai mes limites et je suis attaché au consentement de ma partenaire comme je suis soucieux du respect des humains qui m’environnent ainsi que des lois et des codes culturels en vigueur, mais ceci étant dit, je l’avoue, je vis à la recherche de mon plaisir. Je tiens, entre autres, pour un précieux acquis de notre civilisation la libération sexuelle et même les discours les plus réacs n’ont pas réussi à me convaincre que la France, c’était mieux avant les filles faciles. Pour rien au monde, je ne voudrais revenir à une époque sans pilule et sans mini-jupes. J’aime par exemple croiser dans le RER des femmes légèrement vêtues. Or nous voyons et ce , de plus en plus, que sans arsenal sécuritaire renforcé dans les trains qui traversent nos villes et nos banlieues, nous, Occidentaux de tous les sexes, ne pourrions jouir de cette liberté des femmes d’occuper l’espace public sans être obligées de s’habiller comme des sacs. L’hédoniste que je suis y tient beaucoup alors le sécuritaire y veille.
Les soixante-huitards criaient : « CRS=SS » et nous, comme les collégiens qui sont poignardés dans leurs écoles mais à la différence de leurs professeurs libertaires, nous voulons plus de police. On peut toujours nous prendre pour ces cochons de bourgeois de la chanson de Brel devenus vieux et cons. Il faut bien constater que les lois, les flics et les délinquants aussi ont changé.
Aujourd’hui, la justice ne poursuit plus les homos mais les auteurs d’agressions homophobes, elle ne sanctionne plus le blasphème mais son censeur menaçant ou terroriste, elle ne condamne plus les femmes adultères mais leurs maris cogneurs et défend les « salopes » qui avortent contre les anti-IVG qui les importunent.
La police ne réprime plus les manifestations, elle les encadre et, en protégeant une jeunesse étudiante et pacifique contre une autre qui l’est moins, elle garantit le droit des jeunes à nous rejouer 68 pour un oui et surtout pour un non. Les flics des mœurs ou des stups qui tracassaient nos parents soixante-huitards pour des broutilles ont d’autres chats à fouetter quand ils interviennent en banlieue pour tenter de défendre le droit du plus faible et quand les CRS sont autorisés à matraquer des jeunes qui leur tirent dessus, c’est parfois pour empêcher l’incendie de bibliothèques.
Même la délinquance a changé. Une violence d’une nature nouvelle menace les plus vulnérables d’entre nous. Les jeunes, les femmes ou les personnes âgées peuvent être frappés à mort pour un i-phone ou un sac à main. Hier, il arrivait que l’on tire du haut d’un balcon sur des jeunes trop bruyants, aujourd’hui, on peut se faire tabasser quand on ose réclamer un peu de silence. La gauche a longtemps dénoncé l’autodéfense, à présent, on ne tue plus pour défendre son autoradio mais on peut en mourir.
Le ré-ensauvagement du monde n’est pas un fantasme délirant ou une hallucination collective, c’est une dérive bien réelle à laquelle tous les enfants, tous les parents et tous les amants un peu lucides, responsables et inquiets font face en appelant la police. Dans notre État de droit, la sécurité n’est pas assurée par la Sécuritate, elle est la condition incontournable de l’exercice et de la jouissance de nos nombreuses libertés. Dans une société où les caméras de surveillance n’espionnent pas les dissidents mais identifient les violeurs et où les flics de la droite protègent les acquis libertaires de la gauche, je réponds à Gaël Brustier que j’assume sans complexe mon « hédonisme sécuritaire ». Je parlerais plutôt d’art de vivre sécurisé mais après tout, je ne déteste pas les termes polémiques. Si on ne se taquine pas un peu de gauche à droite et de droite à gauche, on finira par ne plus se parler.
Selon Gaël Brustier, outre un désir suspect de sécurité qui pousse vers la « droitisation », un vent de « paniques morales » souffle sur les peuples d’Europe, les entraînant dans un « délire islamophobe, différentialiste et occidentaliste ». Je dois reconnaitre que là aussi, je me suis reconnu.
D’abord, je ne vois personne céder à la panique même morale et quand des Européens estiment que les valeurs de l’Occident sont menacées, ils n’occupent pas les rues et ne tirent pas en l’air, ils votent, ce qui est une réaction aussi éloignée que possible de la panique. L’islam et les transformations que son essor implique dans nos sociétés m’inquiète et, en digne héritier de 68, ce n’est pas tant le changement qui m’effraie que la régression. Je suis ravi que les cultures française et européenne aient été enrichies dans les années 1960 par le western et le rock’n’roll venus d’outre-Atlantique. Si quelques irréductibles Gaulois préfèrent Louis la brocante et Nolwen qui chante la Bretagne de papa, grand bien leur fasse, moi je vibre avec John Wayne et Elvis Presley, et même avec Chuck Norris mais le problème n’est pas là.
Toujours est-il que je ne me sens pas particulièrement conservateur, je reste plutôt ouvert aux autres cultures mais pas à toutes. Qu’on me pardonne, je suis difficile, exigeant, je fais le tri, en un mot, je discrimine.
Islamophobe ? Passons sur les groupuscules islamistes et sectaires sur lesquels nous sommes tous d’accord. Plus généralement, dans les territoires d’Europe où les populations musulmanes sont majoritaires, un islam communautaire liberticide, régressif et parfois violent règne sur les individus. Avec lui, les conquêtes de notre civilisation sont contestées, l’égalité entre les sexes, la liberté des mœurs, la tolérance à la critique et le récit de notre histoire. Alors que le western est un monde de gentlemen bourrus à l’esprit chevaleresque et le rock’n’roll un truc sexuel, transgressif et libérateur, la culture des nouveaux arrivants pourrait nous ramener à un Moyen âge étranger à l’amour courtois.
Différentialiste, sûrement pas. L’islam ne regarde que les musulmans et je ne veux voir que des Français. Je ne veux aucun différentialisme, ni positif, ni négatif et je ne veux pas de différences dans la loi, à l’école, à la piscine ou à la cantine. Ce n’est pas moi qui assigne certains Français à résidence identitaire. La République ne reconnaît aucune communauté mais tous ses citoyens et la France est une chance pour l’émancipation des individus et un modèle pour les révolutions.
Occidentaliste, je veux bien. What else ? Pour la culture, le bilan des peuples de l’ouest est globalement positif. Si l’Eurovision et le carré VIIIP nous désolent, le cinéma bollywoodien, la musique asiatique, la production littéraire arabe et les brevets scientifiques africains nous consolent. Et puis j’aime imaginer ce que la civilisation occidentale, ses valeurs, sa démocratie sociale de marché pourraient produire sur le développement de l’Afrique, l’économie russe, les droits de l’homme asiatique ou de la femme arabe. L’Occident reste un phare pour le monde et le sens des migrations le montre bien alors si les peuples sont occidentalistes, pourquoi pas moi ?
Peut-on, avec tout ça, parler de « paniques morales » ? Je ne sais pas mais de résistances sûrement, et tout ce qu’il y a de plus morales. Alors va pour islamophobe et occidentaliste. Parce que je veux ce qu’il y a de mieux pour mes amis comme pour mes ennemis.
Les temps sont durs, faut pas gâcher. Aussi quand l’ami Miclo m’a suggéré et pour tout dire offert l’excellent titre « My Taylor is dead », au cas ou je ferais une brève sur le décès d’icelle, hier à 79 ans, je me suis senti obligé de la faire cette brève, ne serait-ce que pour sauver le titre.
Sauf que Liz Taylor n’étant ni Bette Davis, ni Audrey Hepburn, ni Greta Garbo, ni Frances McDormand, ni Joan Crawford, ni Gena Rowlands, ni Melanie Griffith, ni Sigourney Weaver ni Jodie Foster ni aucune autre des centaines d’actrices hollywoodiennes que j’adore, et bien je n’ai pas grand chose à en dire.
Allons y tout net : en vrai je n’ai carrément rien à dire sur Liz Taylor, ses yeux violets, ses scènes de ménage[1. Ne le répétez pas, mais j’ai quand même adoré leur Mégère apprivoisée] avec Richard Burton, son Michael Jackson de compagnie, sa Virginia Woolf à faire peur ou sa chatte sur un toit brûlant…
En revanche, je suis très très touché, et attristé par la mort, dimanche dernier, à 88 ans de Maître Capello. Ce type avait la classe mondiale, et si un jour le service le service public nous propose une émission de divertissement du niveau du Francophonissime[2. Spécial dédicace à Robert Rocca, Paule Herreman, Maurice Biraud, Anne-Marie Carrière, Jean Valton et Michel Dénériaz], alors je renoncerai peut-être à prendre ma retraite à Miami Beach, La Havane ou Nathanya
S’il est trop tôt pour spéculer sur la logique géostratégique à l’œuvre derrière l’attentat de cet après-midi à Jérusalem, il y a de moins en moins de doutes sur celle qui anime le Hamas : il s’agit de faire l’union sacrée du monde arabe contre Israël. On connaît le scénario, huilé comme un billard à deux bandes. En 1991, Saddam Hussein lançait des Scuds sur Israël mais la véritable cible de ses missiles était l’alliance formée par Bush père pour le bouter hors du Koweït. À l’époque, des troupes syriennes et égyptiennes sous mandat onusien se battaient aux côtés des Britanniques et des Américains et le président irakien voulait faire croire aux opinions publiques arabes que Damas et le Caire font le sale boulot des sionistes.
Aujourd’hui, il s’agit entre autres de détourner l’attention, pendant que les Occidentaux jouent contre la montre en Libye et que les Syriens font le sale boulot chez eux où la répression a déjà fait une dizaine de morts. Ce sont les Palestiniens les plus radicaux – Hamas en tête – qui attaquent Israël avec le même but stratégique : présenter l’Etat hébreu comme le cœur des tous les problèmes et faire voler en éclats la coalition qui se bat actuellement en Libye. Quant à la tactique, elle vise à provoquer une réaction en chaîne : provocation, riposte de Tsahal (avec l’espoir d’une bavure sanglante), images choc en boucle sur les écrans, indignation en Occident et colère dans le monde arabe, écroulement de la coalition. Cela n’a pas marché en Irak mais la fragilité de l’alliance qui opère en Libye et les buts plutôt mouvants de cette intervention pourraient laisser croire aux stratèges du Hamas et autres partisans palestiniens de la lutte armée que le coup mérite d’être tenté.
Pour les islamistes de Gaza sont vitaux : si la Syrie tombe, le Hamas perdra son principal soutien dans la région et ses dirigeants devront déménager en urgence.
Fidèle à la stratégie de son père, Bachar el-Assad a un seul crédo: je nuis, donc je suis. Empêcher toute avancée et mettre des bâtons dans toutes les roues pour vendre ensuite chèrement sa « bonne volonté » – c’est-à-dire la mise en veilleuse provisoire de sa mauvaise volonté -, voilà l’essentiel de la politique syrienne depuis quarante ans. Concrètement, cela signifie étouffer le Liban, encourager le Hezbollah à se maintenir en tant que force armée, mener un jeu trouble en Irak et sponsoriser les mouvements palestiniens les plus intransigeants.
Le président syrien ne cache pas son jeu, il en est même très fier. Dans une interview accordée au Wall Street Journal quand il se croyait à l’abri de mouvements comparables à ceux qui emportaient Ben Ali et Moubarak, il a revendiqué cette politique centrée sur l’hostilité à « l’entité sioniste » conforme, selon lui, aux croyances profondes du peuple. Autrement dit, sa ligne politique repose sur la conviction que, pour les Arabes, la haine d’Israël est plus importante que l’aspiration à une vie meilleure et aux libertés civiles. C’est-à-dire exactement le contraire de ce que pensent les Occidentaux.
Dans cette perspective, la Syrie est devenue la pièce-maîtresse du dispositif iranien au Moyen-Orient et – comme l’ont prouvé récemment une belle capture de la marine israélienne et les soupçons croissants des douaniers turcs sur certains vols Téhéran-Damas – une plaque tournante dans le trafic d’armes vers le Liban et le Gaza.
Avec Assad, c’est tout l’édifice stratégique du Hamas et consorts qui pourrait trembler comme une tour de Tokyo pendant un séisme. Un changement d’enseigne en Syrie pourrait engendrer un Liban indépendant et une Autorité palestinienne libérée de la surenchère idéologique islamiste. C’est aussi l’Iran qui pourrait perdre pied en Méditerranée quelques semaines seulement après les y avoir trempés pour la première fois – lorsque les navires de guerre de la République islamique ont franchi le Canal de Suez.
Pour Téhéran et Gaza, ce scénario est un cauchemar stratégique. Il est donc urgent de provoquer Israël en espérant que la riposte sera suffisamment musclée pour donner la victoire cathodique à ces pauvres islamistes innocents victimes de la barbarie sioniste. Peu importent quelques morts, y compris dans leur propre camp : il faut à tout prix sauver le soldat Bachar el-Assad ! Quant à la liberté, Palestiniens et Iraniens la défendent avec enthousiasme en Egypte où ils ont des comptes à régler et des bénéfices stratégiques à empocher.
Quand il s’agit de leurs intérêts vitaux, c’est une autre affaire. Voilà donc Gaza et Téhéran confrontées au même dilemme que les Occidentaux, face aux révoltes du Yémen et de Bahreïn. Curieusement, j’ai comme le sentiment que les premiers ont beaucoup moins d’états d’âme que les seconds. Mais cela doit être de la mauvaise foi sioniste.
J’aimerais bien savoir qui nous sommes, à la fin, et qui sont aussi les autres, les ceusses d’en-face, en l’occurrence d’outre-Méditerranée.
C’est une phrase de Claude Guéant, faisant naître une énième semi-polémique, qui nous met la puce à l’oreille : « le président a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies et puis la Ligue arabe et l’Union africaine », a-t-il dit lundi 21 mars, le malheureux, sur Le Figaro.fr dans un « talk ».
Chez Dassault, dont il rentabilise enfin les Rafale, il devait se sentir en confiance. Toute la sainte cléricocratie de lui illico tomber sur le râble, c’est le jeu. Mais c’était encore le ministre allemand des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, qui avait estimé il y a une semaine qu’il était « essentiel que nous ne donnions pas l’impression qu’il s’agit (…) d’une croisade chrétienne contre des populations de croyance musulmane ».
Pour moi, je croyais avoir compris depuis quelques années, en suivant les arguments des doctes de plateaux-télé, que la France – et, partant j’imaginais le reste de l’Europe et les Etats-Unis – était diverse, plurielle, musulmane comme juive comme athée comme chrétienne. J’avais même cru saisir, à la suite de vagues cours d’histoire et à la lecture d’excellents ouvrages[1. Comme Le Christ s’est-il arrêté à Tizi-Ouzou ?, de Salah Guemriche, Denoël, 2011] qu’il y avait des chrétiens et des Juifs au Maghreb et au Machreq, très anciens ou très nouveaux. Bref, que les nations en présence étaient des sociétés ouvertes, comme toutes celles qui désormais couvrent la surface de la terre.
Il semble que ce ne soit pas le cas, et que tous les pilotes de chasse français, comme tous les marins du Charles de Gaulle, comme tous les fonctionnaires des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, de Matignon et de l’Elysée soient de gros blancs bien poilus et bien catholiques. D’ailleurs j’en discutais avec mon curé dimanche soir. Il regrettait que Mgr Vingt-Trois ne soit pas monté en chaire pour bénir Nicolas Sarkozy, notre nouveau Bouillon, lui confiant le soin de délivrer le tombeau de Simon de Cyrène qui doit se trouver pas loin de Benghazi. En tout cas, par toute la terre, les prières de deux milliards de chrétiens accompagnent l’Ordre des Templiers dans sa sainte mission. J’espère que vous me croyez.
Ils savent deux ans à l’avance si vous allez divorcer avec une marge d’erreur de 2%, où vous serez demain (10%), ils ont même calculé combien vous dépenserez pour les autres quand vous préférez vous asseoir côté couloir dans les avions…
Qui ? Les algorithmes utilisés par vos compagnies de cartes de crédit ou vos réseaux sociaux. Un des plus pointus répond au délicieux nom de Hunch (« l’intuition » !), il lui faut quelques secondes pour établir votre profil de consommateur jusque dans les moindres détails, définir votre espérance de vie et l’avenir de vos enfants grâce aux informations que vous laissez généreusement sur la toile et chaque fois que vous utilisez une carte à puce.
Mais pour le moment, personne n’a l’intention de recouper ou d’exploiter ces données. La main sur le cœur, le vice-président de Google, grand algorithmophage devant l’éternel, l’a assuré et certifié au Southwest Interactive festival de Dallas.
Et nous allons, bien entendu, lui faire une confiance aveugle.
Nous avons tous une vision grandiose des règnes des derniers Bourbons – de Louis XIII à Louis XVI – et de l’action de leurs ministres – Richelieu, Mazarin, Colbert et Fleury. L’Histoire (avec majuscule) a retenu les fastes de Versailles, les victoires militaires et le luxe de la cour mais ce que l’histoire (avec un petit h, celle du commun des mortels) nous apprend, c’est que la vie de la grande majorité des Français de l’époque se résumait à une misère abyssale. Une épigramme fameuse, du temps de Louis XV, résumait assez bien le sentiment du peuple : « La France est un malade que, depuis cent ans, trois médecins de rouge vêtus ont successivement traité. Le premier (Richelieu) l’a saigné ; le second (Mazarin) l’a purgé ; et le troisième (Fleury) l’a mis à la diète. »[access capability= »lire_inedits »]
Une anecdote rapportée dans ses Mémoires par René-Louis d’Argenson, ministre des Affaires étrangères de Louis XV, rapporte que le duc d’Orléans porta au conseil un morceau de pain de fougère et, à l’ouverture de la séance, le posa sur la table du roi en disant : « Sire, voilà de quoi vos sujets se nourrissent », alors même que Monsieur Orry vante la régularité avec laquelle les impôts alimentent le trésor royal. Cet épisode résume assez bien les informations qu’on tire de la lecture des auteurs de l’époque : les Français sont écrasés d’impôts et de corvées, l’administration est partout, une réglementation tentaculaire et arbitraire brise toute activité commerciale ou industrielle, tout est centralisé à Paris qui festoie dans l’insouciance la plus totale tandis que, jusqu’aux abords de Versailles, les gens meurent – littéralement – de faim. « Si les peuples étaient à l’aise, écrit Richelieu dans son Testament politique, difficilement resteraient-ils dans les règles. » Tout est dit.
Or, comme le rapporte notamment Tocqueville, le règne de Louis XVI fut certainement le plus prospère de tous – pour les Français s’entend. L’auteur de L’Ancien régime et la Révolution note (L3, IV) qu’environ trente ou quarante ans avant la Révolution, l’économie française se met progressivement à croître : pour la première fois depuis plus d’un siècle, la condition des gens ordinaires s’améliore, le commerce se développe, les industries fleurissent un peu partout et la population augmente. Les sources de l’époque sont sans ambiguïtés : le prix des fermages ne cesse d’augmenter ; le bail de 1786 donne 14 millions de plus que celui de 1780 ; Arthur Young, dans ses Voyages en France, s’émerveille de la prospérité retrouvée de Bordeaux qui surpasse, selon lui, celle de Liverpool… Partout les gens s’enrichissent dans des proportions jamais vues. Malgré le poids encore écrasant de l’État et la gestion calamiteuse des finances, les tentatives de libéralisation de l’économie française − en particulier par Turgot − permettent enfin à la France de ressentir les premiers effets de la révolution industrielle venue d’Angleterre.
Mais alors, pourquoi les Français, qui vivent désormais de mieux en mieux, vont-ils faire leur Révolution ? Tocqueville propose une réponse qui, je crois, résonne parfaitement avec les événements auxquels nous assistons aujourd’hui en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ce que cette période de croissance et d’enrichissement a implanté dans le cœur de nos ancêtres, c’est l’espoir. Pour la première fois, les Français goûtent aux effets de la liberté, connaissent la prospérité et commencent à y croire. Avec leur bien-être matériel désormais mieux assuré, ils commencent à rêver de libertés politiques. Là où, quelques décennies plus tôt, rien ne pouvait se faire hors l’État, hors le roi, c’est un peuple entier qui ose enfin rêver de prendre son destin en main. Tocqueville résume son idée en une phrase : « Vingt ans auparavant, on n’espérait rien de l’avenir ; maintenant, on n’en redoute rien. »
Des milliards de gens vivent mieux et se mettent à rêver de liberté politique
À quoi d’autre assistons-nous aujourd’hui ? Les cinquante dernières années ont été, dans le monde entier et dans les pays dits « émergents » en particulier, la plus formidable période de croissance et de recul de la pauvreté que l’humanité ait jamais connu. Jugez plutôt : en 2005, on estimait le nombre de gens vivant avec moins de 1,25 dollar par jour à 1 337,8 millions (25,7% de la population mondiale). D’après une mise à jour publiée récemment par Laurence Chandy et Geoffrey Gertz, deux chercheurs de la Brookings Institution, ce chiffre est tombé à 878,2 millions (15,8%) en 2010. Un dixième de l’humanité qui sort de la misère extrême en cinq ans ! Partout, de l’Asie du Sud-Est à l’Afrique du Nord, des milliards de gens vivent mieux aujourd’hui qu’hier et, comme nos Français du XVIIIe siècle, se prennent à rêver de liberté politique.
Après les régimes tunisien et égyptien, ce sont pratiquement tous les régimes autocratiques de la planète qui sentent passer ce formidable souffle de liberté. Alors que Kadhafi tente désespérément de sauver son régime, les autorités chinoises viennent de couper l’accès à certains réseaux sociaux sur lesquels la contestation commençait à s’organiser. Ce que nous renvoient ces millions de gens n’est rien d’autre que notre propre image, il y a un peu plus de deux siècles.
La liberté, écrivait Tocqueville, « certains peuples la poursuivent obstinément à travers toutes sortes de périls et de misères. Ce ne sont pas les biens matériels qu’elle leur donne que ceux-ci aiment alors en elle; ils la considèrent elle-même comme un bien si précieux et si nécessaire qu’aucun autre ne pourrait les consoler de sa perte et qu’ils se consolent de tout en la goûtant. D’autres se fatiguent d’elle au milieu de leurs prospérités ; ils se la laissent arracher des mains sans résistance, de peur de compromettre par un effort ce même bien-être qu’ils lui doivent. Que manque-t-il à ceux-là pour rester libres ? Quoi ? Le goût même de l’être. »