Accueil Site Page 2821

Taux trop bas, prix trop hauts

photo : immotoo

La chambre des notaires d’Île de France a récemment publié son estimation du prix de vente moyen du mètre carré à Paris au quatrième trimestre 2010 : 7 330 euros soit une hausse de 17,5% sur l’année. Cette nouvelle intervient alors que Benoist Apparu, le responsable social-démocrate-conservateur des problèmes de logements des Français, s’apprête à recevoir les professionnels de l’immobilier pour chercher un moyen de freiner la hausse des loyers et que Martine Aubry et ses amis sociaux-démocrates-progressistes nous promettent une « autre politique du logement » (avec plus de « care » à l’intérieur). Comme tout ce petit monde semble complètement désemparé par la hausse des prix et ne comprend visiblement pas grand-chose aux mécanismes qui la provoquent, une petite explication s’impose.

Si les prix parisiens sont si élevés et montent à une telle vitesse, c’est parce que la demande y est très forte et en augmentation constante alors que les logements à vendre y sont rares et qu’on n’en construit pas assez de nouveaux. Si l’offre ne suit pas, me direz-vous, c’est parce qu’il n’y a plus de place pour construire. Oui, vous rétorquerai-je, mais c’est aussi parce que la réglementation interdit de construire en hauteur (pas plus de 37 mètres). Bertrand Delanoë qui, bien que social-démocrate-progressiste, est capable d’une étincelle de lucidité de temps à autres, l’a bien compris est essaye depuis quelque temps déjà d’assouplir cette règlementation. Il se heurte dans cette entreprise salutaire aux sociaux-démocrates-conservateurs de l’UMP qui s’y opposent parce que Delanoë est « de gauche » et aux écologistes qui avancent l’argument surréaliste selon lequel des tours ne seraient pas « compatibles avec le plan climat » (Denis Baupin ®). En attendant, bien sûr, plus les prix grimpent, plus les franciliens s’éloignent pour acheter des pavillons de banlieue aux bilans énergétiques calamiteux et plus ils passent de temps dans les bouchons.

Voilà pour l’offre, passons à la demande. Elle est, de l’avis des professionnels, tirée par trois facteurs : une génération de retraités « baby-boomers » qui, encouragés par les promesses fiscales des lois Robien et Scellier, investissent massivement dans la pierre ; des dispositifs d’aide à l’accession à la propriété, comme le prêt à taux zéro et le Prêt Paris Logement qui bénéficient aux « primo accédants » ; enfin et surtout, des taux d’intérêt historiquement bas qui décuplent la capacité de financement des acheteurs. Rappelons à toutes fins utiles que si les taux sont bas, ce n’est pas parce que les banques sont subitement devenues des entreprises philanthropiques mais parce que la Banque Centrale Européenne a fait en sorte qu’il en soit ainsi : on appelle ça une « politique monétaire accommodante ».

Résumons donc : nos politiciens ont créé une rareté artificielle sur le marché immobilier parisien. Et cela ne leur suffit pas : voilà qu’on entend reparler d’encadrement du prix des loyers par la loi, mesure maintes fois essayée et qui a toujours fini en catastrophe.

La conclusion qui s’impose, c’est que s’il y a bien une bulle immobilière, elle n’a rien à voir avec un prétendu dysfonctionnement du marché ; au contraire, le marché fonctionne très bien et réagit tout à fait logiquement aux impulsions politiques décrites ci-dessus (c’est ce qu’on appelle des « effets inattendus ») à tel point que si la BCE devait décider de faire remonter les taux, il est plus que vraisemblable que les prix du marché parisien dégonflerait dans les mois qui suivent. C’est là qu’il y a un hic. Si nos banquiers centraux ont compris qu’une politique monétaire trop laxiste ne risque pas seulement de créer de l’inflation mais aussi des bulles, la petite expérience menée par la Fed entre 2004 et 2007 a démontré qu’essayer de dégonfler une bulle en faisant remonter les taux pouvait s’avérer plutôt acrobatique. C’est là tout le dilemme : la BCE devra, tôt ou tard durcir sa politique monétaire. Avec de fortes probabilités de provoquer une nouvelle crise immobilière. Autant dire que nous allons tous en baver.

PS/ Cher Georges, au moment d’envoyer ton texte auquel je n’aurai malheureusement pas le temps de répondre parce qu’il faudrait que je potasse durant des jours, de multiples objections qui me brûlent les lèvres. Je t’en livre deux à l’arrache.
Une ville doit-elle être le résultat d’équations marchandes et de calculs économiques rationnels ? Si je comprends bien, le crime des politiciens est de s’être ligués contre les tours qui sont selon toi la seule solution. « Puisqu’il n’y a pas de place, construisons en hauteur » : avons-nous envie de vivre dans un paysage de tours ? Dans des tours ? Peut-être, d’ailleurs, je n’ai pas de religion à ce sujet, mais je n’ai pas la moindre envie que cela soit décidé par des contrôleurs de gestion.
Quant à la politique accommodante de « nos » banquiers centraux, d’abord, nous en avons un seul et ensuite, je me demande si tu ne te fais pas un peu enfariner par la propagande des euro-technos.
Pardonne-moi d’avoir abusé de mon pouvoir en m’octroyant un droit de réponse. Disons que c’est une façon de lancer la discussion ! EL

Mécène d’horreur

21

Heider Heydrich, 76 ans, fils de Reinhard Heydrich, « Protecteur » nazi de la Bohème-Moravie souhaiterait participer à la rénovation du château de Panenské Břežany, non loin de Prague, où la famille a habité pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il a récemment proposé au maire de la commune, lors d’une visite sur place d’aider à trouver des fonds pour sa rénovation, notamment des fonds européens. Reinhard Heydrich, l’un des concepteurs de la « Solution finale », est mort des suites de ses blessures après l’attaque de sa voiture le 27 mai 1942 à Prague par deux parachutistes tchécoslovaques. Sa veuve et ses enfants ont vécu dans ce château jusqu’à l’arrivée des troupes soviétiques à Prague. Cette madeleine-là est tout de même un peu grosse à avaler…

Baroque n’roll

photo : Dunechaser

Quand on a toujours soutenu, devant des publics qui, pour être intimes, n’en étaient pas moins dubitatifs, que la pop music, sous ses oripeaux électriques, est une musique éminemment traditionnelle et n’était pas née par hasard dans cette Angleterre qui n’a jamais coupé (au rebours de notre France, qui fut révolutionnaire à cet égard aussi) avec ses racines musicales, et qui a fait honneur à Purcell comme à Dowland et à Tallis avec une constance inébranlable, un enregistrement comme celui d’Anders Danman arrive comme une miraculeuse confirmation.[access capability= »lire_inedits »] Je confesse avoir tout ignoré de ce claveciniste suédois de 52 ans jusqu’à ce que lui vienne l’idée baroque − indeed ! − de transposer quarante chansons des Beatles en deux suites pour clavecin, dans le plus pur style de la musique française du début du XVIIIe. Et de transformer les tignasses coupe au bol des quatre de Liverpool en perruques poudrées qui n’auraient pas dépareillé à la cour de Louis XV.

Anders Danman a voulu imaginer ce que François Couperin, Jean-François Dandrieu, Rameau ou Forqueray, ayant attrapé au vol les mélodies des Beatles en marchant dans les rues de Paris, en auraient fait une fois rentrés chez eux, devant leur clavecin. Et s’il explique que l’expérience n’a pas marché à tous les coups − « Eight Days a Week faisait une pauvre allemande, et je n’ai jamais pu transformer Being For the Benefit of Mr Kite en courante » – ce qu’il nous en livre s’avère plus que convaincant. Si plusieurs chansons ont nécessité un travail d’harmonisation tel qu’on les reconnaît difficilement à la première écoute (Nowhere Man métamorphosé en tambourin endiablé, ou cette fusion Yellow Submarine-Eleanor Rigby en musette aux sonorités curieusement orientales), c’est avec une immédiate jubilation qu’on identifie Ob-La-Di, Ob-La-Da transformée en gigue, ou la voluptueuse version de Here, There and Everywhere en courante.

Si l’on n’est pas surpris de constater que les compositions de McCartney se prêtent le plus facilement à la transposition (la gavotte All My Loving, ou un Your Mother Should Know plus Ancien régime que nature), entendre celles de Lennon, a priori moins propices à l’exercice, se fondre dans le moule achève de convaincre de sa pertinence, au point qu’il est difficile d’imaginer, après avoir entendu les versions d’Anders Danman, que The Continuing Story of Bungalow Bill ait jamais été autre chose qu’une gigue, Strawberry Fields un entraînement passepied, ou que Norwegian Wood n’ait pas été, de toute éternité, une musette qui faisait swinguer la noblesse du temps de la Régence. Qui se serait aussi régalée, bien sûr, de la version bouffonne d’une chanson qui n’aurait pas manqué de faire fureur, quelques années plus tard, à la cour de Versailles : Revolution. On attend maintenant d’Anders Danman qu’il se livre à une autre métamorphose miraculeuse : révéler le disciple de Bach qui se masquait sous la mine joufflue et les chemises de surfeur de Brian Wilson, le compositeur des Beach Boys.[/access]

All You Need

Price: 17,63 €

4 used & new available from 17,63 €

Libye, l’autre pays des droits de l’Homme

22

Au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU c’est pas triste ! Ainsi, au moment même où la Libye allait en être suspendue, cette estimable instance était sur le point d’adopter un rapport saluant les succès de Tripoli dans le domaine des droits de l’homme. Dans ce texte édifiant on trouve des perles comme : « L’Algérie note les efforts de la Libye dans la promotion des droits de l’homme » ou « Le Qatar fait l’éloge du cadre légal assurant la protection des droits de l’homme [en Libye]. » Mais la meilleure est sans doute les félicitations que la Syrie et la Corée du Nord ont décernées à la Libye pour ses réussites dans ce domaine…

C’est probablement pourquoi le candidat favori pour occuper le fauteuil abandonné par Kadhafi dans cette respectable assemblée n’est autre que la Syrie! Maintenant on comprend mieux les récents événements en Syrie : Assad est tout simplement en train de réviser ses travaux pratiques pour son examen d’entrée !

Iegor Gran recycle les Verts

photo : Michael Urban

Il y a des jours où l’on ressent l’infinie tristesse de voir son crédit-temps de présence sur cette Terre en voie d’épuisement, sans être totalement persuadé d’être capable d’observer, depuis l’au-delà, les agissements de nos survivants.

Cette tristesse surgit entre deux éclats de rire que ne manque pas de provoquer la lecture du dernier livre de Iegor Gran, L’Écologie en bas de chez moi (POL), un pamphlet alerte et jubilatoire contre les écolos, version bobo, qui sévissent à Paris et dans sa banlieue proche.

En effet, on vendrait son âme au diable pour voir, mettons dans cinquante ans, nos prêcheurs d’apocalypse, décroissants comme la lune, gardes-chiourme du tri sélectif, défenseurs autoproclamés des générations futures, constater que cette bonne vieille humanité aura trouvé le moyen de faire face aux catastrophes annoncées. Catastrophes, d’ailleurs, qui ne seront peut-être même pas survenues en dépit des prophéties des Philippulus surdiplômés.

La moutarde est montée au nez de Iegor Gran le jour où il vit, scotchée sur le panneau d’affichage du hall de son immeuble, une affichette où l’on pouvait lire : « Ne manquez pas ! Le 5 juin, projection du film Home, de Yann Arthus-Bertrand. Nous avons tous une responsabilité à l’égard de la planète. Ensemble, nous pouvons faire la différence ! »

Fin d’une amitié sur fond d’incompatibilité écologique

Cette injonction produit chez l’écrivain l’inverse de l’effet escompté. Le 4 juin 2009, la veille de la diffusion du film en question, Libération publie une tribune de Gran sobrement intitulée : « Home, ou l’opportunisme vu du ciel ». À l’origine, ce texte commençait par la phrase suivante : « Leni Riefenstahl en avait rêvé, Yann-Dieu l’a fait ! » On ne saurait totalement désapprouver la censure opérée sur cette phrase par la rédaction de Libé, car elle aurait submergé sous les points Godwin un propos musclé, certes, mais à la mesure du matraquage culpabilisateur asséné par l’ancien photographe officiel du Paris-Dakar reconverti dans l’écolo-business modèle Al Gore.

Comme on peut s’en douter, cette tribune suscita plusieurs centaines de posts dont l’écrasante majorité fustigeait l’irresponsabilité quasi criminelle de son auteur. Sa publication eut également pour conséquence la rupture, lente, mais inexorable, de l’amitié entre Iegor Gran et Vincent, avec lequel il était très étroitement lié depuis leurs études communes à l’École centrale. Scientifiques défroqués, Iegor et Vincent s’étaient aménagés une douce vie de bohème chic, le premier dans la littérature, le second dans les arts graphiques. C’est le récit de cet éloignement sur fond d’incompatibilité écologique qui constitue la trame du livre, enrichie de scènes de genre vécues dans le local poubelles de son immeuble où veillent la mémé recycleuse du 3e escalier B et le médecin généraliste débile qui martyrise son fils de 10 ans au prétexte qu’il fait souffrir le laurier-rose du hall en lui arrachant quelques feuilles…

Gran, lui, n’est pas sûr d’avoir totalement raison

Leurs épouses respectives tentent bien de recoller les morceaux après quelques repas agités, mais sans succès. L’argumentation prétendue sérieuse de Gran est exposée sous forme d’une pléthore de notes en bas de page, dont l’auteur lui-même n’est pas dupe : il n’est pas sûr d’avoir totalement raison, ce qui le différencie radicalement de ses contradicteurs. Il pousse le masochisme jusqu’à fréquenter les innombrables salons consacrés à la bouffe bio et au développement durable pour en montrer le côté dérisoire et récupérateur.

Iegor Gran n’est pas un adepte de l’autofiction, bien au contraire. Il s’inscrit plutôt dans la lignée d’un Georges Perec et des forçats de l’écriture sous contrainte. S’il se laisse entraîner dans ce genre infra-littéraire, c’est pour s’en moquer au passage en le comparant au recyclage des déchets de la vie réelle pour produire une infâme bouillie aussi insipide que la nourriture macrobiotique.

Iegor Gran a passé les dix premières années de sa vie dans l’URSS brejnévienne. Il est le fils de l’écrivain dissident Andreï Siniavski, qui fut autorisé à émigrer en France en 1974. Cela lui donne un sixième sens pour détecter ab ovo les signes du surgissement d’un contrôle social généralisé des comportements individuels au nom d’une idéologie prétendument émancipatrice. Pourtant, il n’a rien d’un imprécateur et ne revendique que le droit à l’indifférence raisonnée face aux injonctions sectaires des sauveurs de la planète.

Il est symptomatique que ce soit un Russe d’âme et de cœur qui vienne nous signaler, avec humour et talent, que la France laisse péricliter cet art de la conversation dont l’historien anglais Theodore Zeldin[1. Theodore Zeldin, De la conversation, Fayard 1999] démontra naguère le caractère unique dans le monde civilisé.


O.N.G. !

Price: 8,00 €

37 used & new available from 1,18 €

Le calme, façon Assad

10

On peut respirer ! Le ministre syrien de l’information, son excellence Mohsen Bilal (ancien ambassadeur de son pays à Madrid) a déclaré vendredi après-midi à une radio espagnole que « la situation est totalement calme ». Selon le ministre, des « terroristes » seraient à l’origine des récents incidents dans la ville de Deraa. Il s’est engagé à révéler bientôt, devant le monde l’identité de ces malfaiteurs.

Une enquête indépendante confirme partiellement le constat du ministre de l’information. Effectivement, une centaine de citoyens syriens sont extrêmement calmes depuis quelques heures…

Le pouvoir est aussi une histoire de fesses

9

A Versailles s’ouvre une exposition dédiée aux trônes à travers le monde et les époques. Je trouve que c’est plus qu’opportun par les temps qui courent. Le trône est convoité, toujours. Au-delà de l’exposition, ce meuble pose de multiples questions à qui s’intéresse à la position en politique. Même si certains disent « Debout la République ! », à chaque fois qu’on se lève pour faire de la politique ou faire la révolution ou faire des réformes, c’est souvent pour mieux s’asseoir. Assise ! La République… S’asseoir sur des promesses ? Peut-être…

Quant à la politique moderne, elle regorge d’expressions où le cul n’est jamais très loin du pouvoir et de ses symboles. Ne dit-on pas qu’un député sauve son siège ? Que tel autre a été élu dans un fauteuil ? Aux Nations Unies, certains ont par le passé pratiqué la politique de la chaise vide. Sans oublier nos ministres qui sont sur un siège éjectable (a fortiori s’ils ont hérité d’un strapontin) et le Pape qui lui trône sur un Saint-Siège.
La politique est une histoire de fesses et ce ne sont pas les sénateurs qui diront le contraire puisqu’on adapte la largeur de leur fauteuil rouge à celle de leur popotin. Trôner c’est déjà commander, c’est s’imposer, c’est glander pendant que les autres poireautent debout. Trôner c’est aussi se couvrir de ridicule devant le peuple qui se méfie des puissants trop bien assis. Le trône est ainsi une chaise percée sur laquelle le roi chie tout en redoutant la chienlit, et ça, comme me l’a rappelé Marc, lecteur attentif de mon blog, Montaigne l’avait dit avant moi, dans ses Essais : « Aussi élevé soit un trône, nous n’y sommes assis que sur notre cul ».

Cela vaut aussi dans la vie économique: les conseils d’administration du CAC font parfois l’objet de jeux de chaises musicales. Plus généralement, être assis, c’est avoir le temps pour soi et laisser venir. Pour autant, combien de gouvernants bien calés dans leur siège ont fait de lits? Je veux parler du lit de l’extrême droite ou de la révolution. C’est bien normal que le trône fasse par définition le lit des extrêmes puis qu’on l’installe toujours au centre, dans une position statique. Le trône est fixe et même quand il se balade, il donne l’impression d’être immobile ; voyez les Rois fainéants. Bref, il y a là un sujet qu’il faut creuser, l’exposition de Versailles l’a royalement commencé.

Notre Dame du Front

21

Marsactu, un site d’information continue marseillais a eu l’heureuse idée de proposer un petit quizz impromptu aux candidats des élections cantonales des 20 et 27 mars prochains pour le canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille. Deuxième au premier tour avec 22.3% des suffrages exprimés, madame Mireille Barde, candidate du Front National, s’est prêté de bonne grâce à l’exercice. Elle aurait sans doute mieux fait de s’abstenir…


Quiz élections cantonales : Mireille Barde (FN) par marsactu

Résumons donc : madame Barde ne sait pas combien il y a de cantons à Marseille ni combien sont renouvelables, elle ne connait pas le montant du budget du conseil général en 2010 et ignore de toute manière à quoi sert un conseil général, évalue le montant du RSA à 1 150 euros par mois, ne sait pas combien de collèges ni combien d’habitants il y a dans le canton et n’a pas la moindre idée du nom des quartiers qui le composent.
De toute évidence, lors de ce premier tour, 22.3% des habitants du canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille se sont fait couillonner comme on dit chez nous.

On rappellera, à cette occasion, une vieille maxime bien de chez nous : il vaut mieux se taire et donner l’impression d’être un imbécile que de l’ouvrir et en donner la certitude.

Fannie, Freddie et les bonnes intentions

photo : @MSG

Quand le gouvernement américain nationalise de fait Freddie Mac et Fannie Mae, le 6 septembre 2008, les deux government-sponsored enterprises (GSE)[1. Mot pour mot : « Entreprises parrainées par le gouvernement »] détiennent ou garantissent, au travers de mortgage-backed securities (MBS)[2. Les MBS sont des paquets de crédits immobiliers revendus sur les marchés financiers sous forme d’obligations], l’équivalent de 5,2 trillions de dollars, soit environ 40% du marché des crédits immobiliers américains (mortgages)[3. Les « mortgages » sont des crédits hypothécaires (la forme classique d’un prêt immobilier aux États-Unis)]. La situation de Freddie et de Fannie est si catastrophique et leur taille tellement gigantesque que le Trésor des États-Unis et la Federal Reserve doivent s’engager à rembourser jusqu’à 200 milliards de dollars à leurs créanciers, leur racheter plus de 1,3 trillion de dollars de MBS et acquérir en urgence
leurs dettes pour 132 milliards de dollars.

Toute cette histoire avait pourtant commencé avec de bonnes intentions… mais vous savez ce qu’on dit de l’enfer et des bonnes intentions.[access capability= »lire_inedits »]

Au lendemain de la Grande Dépression de 1929, Herbert Clark Hoover puis Franklin Delano Roosevelt décident de faire en sorte que le plus grand nombre possible d’Américains puissent devenir propriétaires de leur résidence principale. C’est le Federal Home Loan Bank Act de 1932 et la naissance, en 1938, de la Federal National Mortgage Association, plus connue sous le nom de « Fannie Mae ». Fannie est une agence fédérale chargée de racheter les mortgages des banques. En 1968, sous l’administration Johnson, Fannie Mae est privatisée mais garde sa mission de service public et devient officiellement une government-sponsored enterprise. Deux ans plus tard, le Congrès des États-Unis donne à Fannie un petit frère − Freddie Mac − qui recevra les mêmes missions et le même statut que sa grande sœur.

Les GSE sont donc nées d’un deal entre l’« Oncle Sam » et des actionnaires privés. La charte de Fannie et de Freddie leur impose d’acheter ou de garantir le plus grand nombre possible de mortgages − et notamment des crédits accordés à des familles à faibles revenus − en contrepartie de quoi le gouvernement fédéral accorde à ses deux poulains une série d’avantages sonnants et trébuchants. Jugez plutôt : les GSE disposent d’une ligne de financement directe auprès du Trésor ; leurs obligations ont le même statut que celles des agences fédérales ; elles ont des avantages fiscaux, une réglementation prudentielle des plus accommodantes et le gouvernement fédéral les protège de toute forme de concurrence. En conséquence, le monde entier considère que prêter à Freddie et à Fannie, c’est prêter de l’argent à l’Oncle Sam lui-même… et la suite prouvera que le monde entier avait raison. Les deux entreprises bénéficient ainsi d’un avantage notable: elles peuvent s’endetter dans des proportions absolument gigantesques à un coût qui défie toute concurrence − à peine plus élevé que celui qui est imposé au gouvernement fédéral lui-même. L’Oncle Sam y gagne car il peut désormais canaliser l’épargne américaine vers le marché immobilier sans intervenir officiellement (puisque les GSE sont officiellement des entreprises privées) et les actionnaires y gagnent… beaucoup d’argent. Wayne Passmore − l’un des directeurs associés de la recherche de la « Fed » − évalue ,dans un article publié en janvier 2005, le bénéfice de ces relations ambiguës entre les GSE et l’État fédéral à 147 millions de dollars, dont 72 millions tombent directement dans les poches des actionnaires. L’Oncle Sam sait se montrer généreux avec ceux qui le servent …

Dès 1968, Freddie et Fannie passent sous l’autorité du Department of Housing and Urban Development (HUD) qui leur fixe des objectifs chiffrés de prêts à accorder aux familles modestes. En 1992, le HUD précise et augmente ces objectifs : les GSE devront affecter au moins 30% de leurs achats à des mortgages accordés à des familles pauvres ou modestes (définies comme des familles dont les revenus sont inférieurs au revenu médian de la région dans laquelle elles vivent). Avec la réélection de Bill Clinton en 1996, cet objectif passe à 40% et le HUD impose aux GSE d’acheter au moins 12% de crédits accordés à des familles vivant avec moins de 60% du revenu médian de leur région (c’est-à-dire sous le seuil de pauvreté). Dans les années qui suivent, ces objectifs seront régulièrement revus à la hausse pour atteindre 55% et 25% en 2007.

Soucieuses de préserver leurs avantages, Fannie et Freddie doivent donc racheter des mortgages accordés à des ménages modestes et pauvres. Elles se tournent donc vers les banques et, bien sûr, les banques fournissent − après tout, elles gagnent de l’argent et c’est l’Oncle Sam qui régale. Les banques se mettent donc à accorder des crédits sans trop se soucier des risques puisque Fannie et Freddie les rachètent dans la foulée et qu’elles en revendent une partie aux marchés financiers avec la garantie (implicite) de l’État. Dès cette époque, plusieurs observateurs s’en inquiètent, comme le journaliste Steven Holmes qui note, en septembre 1999 dans le New York Times, que « Fannie Mae prend significativement plus de risques » et que « l’entreprise pourrait avoir des problèmes en cas de crise économique, provoquant un sauvetage gouvernemental similaire à celui de l’industrie des saving and loans dans les années 1980 »[4. Ah ? Vous pensiez que c’était la première fois ? On y reviendra une autre fois…].

Rien n’y fait : le HUD continue à augmenter les objectifs des GSE pour le plus grand bonheur des banques qui poussent à la roue, trop contentes de ce regain d’acticité hautement patriotique. De 2004 à 2006, Freddie et Fannie achètent pour 434 milliards de dollars de mortgage-backed securities adossées à des crédits subprimes (c’est-à-dire plus risqués) et créent littéralement un marché pour ce que nous connaissons aujourd’hui sous le doux nom d’« actifs toxiques ». Au cours de la seule année 2007, les deux entreprises vont acheter pour 1,5 trillion de mortgages et de mortgage-backed securities, dont environ 450 milliards servaient à financer les investissements immobiliers de familles modestes et environ 375 milliards ceux de familles vivant carrément sous le seuil de pauvreté. On ne sait pas exactement quelle proportion des crédits immobiliers détenus ou garantis par les GSE était constituée de subprimes, d’autant plus qu’il n’existe pas de définition claire de ce qu’est un crédit subprime. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’en 2008, Freddie et Fannie détiennent ou garantissent 40% des crédits immobiliers américains à elles seules et que, depuis 1992, elles ont régulièrement et considérablement assoupli leurs critères d’achat et inondé les marchés de MBS avec la bénédiction et la garantie implicite de l’Oncle Sam. Ce que l’on sait aussi, c’est que c’est précisément ce genre de produits − des MBS adossés à des crédits risqués − qui se sont retrouvés dans les bilans des banques du monde entier (avec les encouragements sonnants et trébuchants de la réglementation bancaire − on en reparlera) et qui, un beau matin du 15 septembre 2008, ont déclenché rien de moins qu’une des plus violentes récessions depuis les années 1930.

La commission d’enquête sur la crise financière mise en place par le Congrès des États-Unis devrait bientôt rendre son rapport. On sait déjà que Fannie, Freddie et les administrations successives seront blanchies de toute responsabilité dans ce gigantesque fiasco[5. Non, sérieusement, vous les imaginez nous avouer officiellement qu’ils sont à l’origine de cet énorme merdier planétaire ?]. Mais j’ai quand même une question à leur poser : s’il n’y avait pas de problème avec ces entreprises protégées par l’État, pourquoi avez-vous eu besoin de plus de 1500 milliards de dollars américains pour les sauver ?[/access]


La Crise des Subprime : Origines de l'Exces de Risque et Mécanismes de Propagation

Price: 20,50 €

18 used & new available from 17,41 €

Faut-il bombarder la Hongrie ?

23

Imaginons un instant que le prochain président de la République française, disposant d’une majorité de 3/5ème du Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis) décide de faire adopter une nouvelle Constitution à son goût qui commencerait par ce préambule : « Nous, membres de la Nation française à l’orée de ce nouveau millénaire et au nom de tous les Français déclarons solennellement :
Nous sommes fiers que Clovis ait posé, voici mille cinq cents ans les fondements de l’Etat français en faisant entrer notre nation dans l’Europe chrétienne.
Nous reconnaissons, pour notre nation la vertu unificatrice de la chrétienté. Nous respectons les diverses traditions religieuses pratiquées dans notre pays.
Nous affirmons que les cadres essentiels de notre vivre-ensemble sont la famille et la nation et que nos valeurs fondamentales sont la fidélité, la foi et l’amour… »

Il suffit de remplacer « France » par « Hongrie », « Français » par « Hongrois » et « Clovis » par « le roi saint Étienne » et on obtient le préambule du projet de nouvelle Constitution proposée au Parlement de Budapest par le Premier ministre Viktor Orban, chef de la coalition nationale-conservatrice arrivée au pouvoir le 25 avril 2010.

Orban peut tout, et il ose tout

Cette nouvelle Constitution qui doit remplacer la précédente, établie par le régime communiste en 1949 et « nettoyée » de ses scories marxistes en 1990, devrait être adoptée par le Parlement le 25 avril prochain, à l’occasion du premier anniversaire de la victoire électorale du Fidesz, le parti de Viktor Orban. Or, pour lui, son retour au pouvoir – il avait déjà exercé les fonctions de Premier ministre de 1998 à 2002 – n’est pas une simple alternance démocratique, mais une « révolution par les urnes ».
Fort d’une majorité des deux tiers au Parlement monocaméral, Orban peut tout, et il ose tout.

Le seul obstacle potentiel à la mise en œuvre de son programme, qui conjugue nationalisme exacerbé, cléricalisme revendiqué et populisme sans complexe, réside dans la vigilance – tout aussi potentielle – de l’Union européenne. Celle-ci était d’autant plus nécessaire que la Hongrie assure la présidence tournante de l’UE pour six mois, depuis le 1er Janvier 2011. Viktor Orban a certes subi quelques interpellations musclées au Parlement européen où Daniel Cohn-Bendit l’a comparé à Hugo Chavez, mais rien de bien grave, car le soutien du principal parti de l’Assemblée de Strasbourg, le PPE (démocrates-chrétiens et conservateurs), dont le Fidesz est membre, lui est acquis.

La Commission, en revanche est parvenue à le faire reculer partiellement à propos de la nouvelle loi sur la presse, qui enjoignait les médias de procéder à un « traitement équilibré » de l’actualité politique, sous peine d’amendes énormes infligées par un « Conseil supérieur des médias » entièrement composé de fidèles de Viktor Orban. L’exigence du « traitement équilibré » a été mise entre parenthèses jusqu’à la fin de la présidence hongroise de l’UE, mais les opposants craignent qu’elle revienne par la fenêtre dès le mois de juillet prochain.

Criminalisation des opposants

L’autre héritage « révolutionnaire » cher à Viktor Orban est la criminalisation des opposants. Et les procès n’ont pas seulement lieu devant le tribunal médiatique. Le raz-de-marée électoral en faveur du Fidesz et la déroute des socialistes sont la conséquence de la gestion calamiteuse de l’économie par ces derniers qui a mis le pays au bord de la faillite, le contraignant à appeler l’UE et le FMI à l’aide. Mais ces milliards perdus n’ont pas fini dans leur poche… Une commission d’investigation a pourtant été mise en place pour établir un dossier permettant de traduire en justice les anciens dirigeants, au premier rang desquels figure l’ancien Premier ministre Ferenc Gyurcsany. Ce dernier avait eu le malheur de déclarer, en petit comité, au lendemain de victoire électorale d’avril 2006 : « Nous avons merdé (…). Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous (…). Il est évident que nous avons menti tout au long des derniers dix-huit mois. » Cette confession, subrepticement enregistrée et diffusée à la radio, a provoqué de très violentes manifestations et la montée en puissance d’un nouveau parti d’extrême droite le Jobbik, ultranationaliste et ouvertement antisémite[1. Pour s’en persuader, il suffit de lire l’entretien accordé au prochain numéro de la revue Politique Internationale par Marton Gyöngyösi, dirigeant du Jobbik et vice-président de la commission des affaires étrangères du Parlement.].

Le complot des universitaires

Mais les politiques ne sont pas seuls dans le collimateur judiciaire de Viktor Orban. Une campagne de presse, alimentée par l’entourage du Premier ministre, s’en est pris à une demi-douzaine d’universitaires hongrois, dont des philosophes de réputation internationale, comme Agnès Heller[2. Agnès Heller a publié une tribune dans Le Monde à propos de cette affaire]. Ces derniers sont accusés d’avoir détourné l’équivalent de 1,8 millions d’euros des fonds de la recherche scientifique. Cette crapoteuse affaire ne repose que sur la dénonciation calomnieuse et à forte connotation antisémite d’un membre de l’Institut de philosophie, promu depuis directeur-adjoint du département.

La communauté internationale des archivistes et des historiens s’émeut également du projet du gouvernement hongrois de retirer des archives nationales les documents produits par les « organes » du régime communiste sur les individus. La loi prévoit que les personnes concernées par ces archives auront la possibilité d’en demander la destruction, ce qui obère le travail des futurs historiens de cette période. Accessoirement, cela peut permettre à quelques amis d’Orban quelque peu mouillés dans l’ancien régime de se refaire une virginité éternelle…

Conception ethnique de la nation

Le projet de nouvelle Constitution repose sur une conception ethnique de la nation, excluant implicitement les non-magyars de la communauté nationale et y incluant tout aussi implicitement, mais sans équivoque les quelques deux millions de Hongrois citoyens des pays voisins (Roumanie, Slovaquie, Serbie). Elle ouvre la porte au « révisionnisme » des frontières établies en 1920 par le traité de Trianon, pour le cas où le dogme de l’intangibilité des frontières au sein de l’UE se voit remis en question, par exemple par la scission de la Belgique… L’évocation rituelle de ce traité de Trianon, il est vrai fort injuste pour les Magyars, sert de piqure de rappel nationaliste lorsque les dirigeants politiques veulent détourner l’attention des citoyens de leur mauvaise gestion. Pour l’instant, Viktor Orban se contente de proposer l’attribution de la nationalité à tout Magyar « hors frontières » qui en ferait la demande et évoque la possibilité de leur accorder le droit de vote aux législatives…

L’autre bouc émissaire de la colère des Hongrois est la communauté Rom (ou Tziganes), qui constitue 7 % de la population du pays et vit dans sa très grande majorité dans un état de misère et de déréliction totales. Des « milices citoyennes », noyautées par le Jobbik ont récemment opéré des descentes dans les quartiers roms de villes moyennes, pour intimider cette population accusée de vivre de rapines.
La présidence de l’UE a été l’occasion pour la Hongrie de se livrer à une sorte de chantage vis-à-vis de ses partenaires européens : aidez- nous à financer les programmes d’éducation, de santé, de formation professionnelle pour nos Roms sédentarisés, sinon ils vont se mettre en mouvement vers des pays plus riches et plus généreux en matière de prestations sociales…

Viktor Orban n’a pourtant pas trop mauvaise presse chez nous, car il a trouvé le filon pour se faire bien voir : refuser tout entretien avec des journalistes qui connaissent un peu la question, et privilégier la presse « people ». C’est ainsi que Paris-Match s’est récemment offert un de nos meilleurs esprits pour faire l’éloge du jeune Premier ministre et de sa petite famille sur quatre pages avec plein de jolies photos.

Taux trop bas, prix trop hauts

60
photo : immotoo

La chambre des notaires d’Île de France a récemment publié son estimation du prix de vente moyen du mètre carré à Paris au quatrième trimestre 2010 : 7 330 euros soit une hausse de 17,5% sur l’année. Cette nouvelle intervient alors que Benoist Apparu, le responsable social-démocrate-conservateur des problèmes de logements des Français, s’apprête à recevoir les professionnels de l’immobilier pour chercher un moyen de freiner la hausse des loyers et que Martine Aubry et ses amis sociaux-démocrates-progressistes nous promettent une « autre politique du logement » (avec plus de « care » à l’intérieur). Comme tout ce petit monde semble complètement désemparé par la hausse des prix et ne comprend visiblement pas grand-chose aux mécanismes qui la provoquent, une petite explication s’impose.

Si les prix parisiens sont si élevés et montent à une telle vitesse, c’est parce que la demande y est très forte et en augmentation constante alors que les logements à vendre y sont rares et qu’on n’en construit pas assez de nouveaux. Si l’offre ne suit pas, me direz-vous, c’est parce qu’il n’y a plus de place pour construire. Oui, vous rétorquerai-je, mais c’est aussi parce que la réglementation interdit de construire en hauteur (pas plus de 37 mètres). Bertrand Delanoë qui, bien que social-démocrate-progressiste, est capable d’une étincelle de lucidité de temps à autres, l’a bien compris est essaye depuis quelque temps déjà d’assouplir cette règlementation. Il se heurte dans cette entreprise salutaire aux sociaux-démocrates-conservateurs de l’UMP qui s’y opposent parce que Delanoë est « de gauche » et aux écologistes qui avancent l’argument surréaliste selon lequel des tours ne seraient pas « compatibles avec le plan climat » (Denis Baupin ®). En attendant, bien sûr, plus les prix grimpent, plus les franciliens s’éloignent pour acheter des pavillons de banlieue aux bilans énergétiques calamiteux et plus ils passent de temps dans les bouchons.

Voilà pour l’offre, passons à la demande. Elle est, de l’avis des professionnels, tirée par trois facteurs : une génération de retraités « baby-boomers » qui, encouragés par les promesses fiscales des lois Robien et Scellier, investissent massivement dans la pierre ; des dispositifs d’aide à l’accession à la propriété, comme le prêt à taux zéro et le Prêt Paris Logement qui bénéficient aux « primo accédants » ; enfin et surtout, des taux d’intérêt historiquement bas qui décuplent la capacité de financement des acheteurs. Rappelons à toutes fins utiles que si les taux sont bas, ce n’est pas parce que les banques sont subitement devenues des entreprises philanthropiques mais parce que la Banque Centrale Européenne a fait en sorte qu’il en soit ainsi : on appelle ça une « politique monétaire accommodante ».

Résumons donc : nos politiciens ont créé une rareté artificielle sur le marché immobilier parisien. Et cela ne leur suffit pas : voilà qu’on entend reparler d’encadrement du prix des loyers par la loi, mesure maintes fois essayée et qui a toujours fini en catastrophe.

La conclusion qui s’impose, c’est que s’il y a bien une bulle immobilière, elle n’a rien à voir avec un prétendu dysfonctionnement du marché ; au contraire, le marché fonctionne très bien et réagit tout à fait logiquement aux impulsions politiques décrites ci-dessus (c’est ce qu’on appelle des « effets inattendus ») à tel point que si la BCE devait décider de faire remonter les taux, il est plus que vraisemblable que les prix du marché parisien dégonflerait dans les mois qui suivent. C’est là qu’il y a un hic. Si nos banquiers centraux ont compris qu’une politique monétaire trop laxiste ne risque pas seulement de créer de l’inflation mais aussi des bulles, la petite expérience menée par la Fed entre 2004 et 2007 a démontré qu’essayer de dégonfler une bulle en faisant remonter les taux pouvait s’avérer plutôt acrobatique. C’est là tout le dilemme : la BCE devra, tôt ou tard durcir sa politique monétaire. Avec de fortes probabilités de provoquer une nouvelle crise immobilière. Autant dire que nous allons tous en baver.

PS/ Cher Georges, au moment d’envoyer ton texte auquel je n’aurai malheureusement pas le temps de répondre parce qu’il faudrait que je potasse durant des jours, de multiples objections qui me brûlent les lèvres. Je t’en livre deux à l’arrache.
Une ville doit-elle être le résultat d’équations marchandes et de calculs économiques rationnels ? Si je comprends bien, le crime des politiciens est de s’être ligués contre les tours qui sont selon toi la seule solution. « Puisqu’il n’y a pas de place, construisons en hauteur » : avons-nous envie de vivre dans un paysage de tours ? Dans des tours ? Peut-être, d’ailleurs, je n’ai pas de religion à ce sujet, mais je n’ai pas la moindre envie que cela soit décidé par des contrôleurs de gestion.
Quant à la politique accommodante de « nos » banquiers centraux, d’abord, nous en avons un seul et ensuite, je me demande si tu ne te fais pas un peu enfariner par la propagande des euro-technos.
Pardonne-moi d’avoir abusé de mon pouvoir en m’octroyant un droit de réponse. Disons que c’est une façon de lancer la discussion ! EL

Mécène d’horreur

21

Heider Heydrich, 76 ans, fils de Reinhard Heydrich, « Protecteur » nazi de la Bohème-Moravie souhaiterait participer à la rénovation du château de Panenské Břežany, non loin de Prague, où la famille a habité pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il a récemment proposé au maire de la commune, lors d’une visite sur place d’aider à trouver des fonds pour sa rénovation, notamment des fonds européens. Reinhard Heydrich, l’un des concepteurs de la « Solution finale », est mort des suites de ses blessures après l’attaque de sa voiture le 27 mai 1942 à Prague par deux parachutistes tchécoslovaques. Sa veuve et ses enfants ont vécu dans ce château jusqu’à l’arrivée des troupes soviétiques à Prague. Cette madeleine-là est tout de même un peu grosse à avaler…

Baroque n’roll

6
photo : Dunechaser

Quand on a toujours soutenu, devant des publics qui, pour être intimes, n’en étaient pas moins dubitatifs, que la pop music, sous ses oripeaux électriques, est une musique éminemment traditionnelle et n’était pas née par hasard dans cette Angleterre qui n’a jamais coupé (au rebours de notre France, qui fut révolutionnaire à cet égard aussi) avec ses racines musicales, et qui a fait honneur à Purcell comme à Dowland et à Tallis avec une constance inébranlable, un enregistrement comme celui d’Anders Danman arrive comme une miraculeuse confirmation.[access capability= »lire_inedits »] Je confesse avoir tout ignoré de ce claveciniste suédois de 52 ans jusqu’à ce que lui vienne l’idée baroque − indeed ! − de transposer quarante chansons des Beatles en deux suites pour clavecin, dans le plus pur style de la musique française du début du XVIIIe. Et de transformer les tignasses coupe au bol des quatre de Liverpool en perruques poudrées qui n’auraient pas dépareillé à la cour de Louis XV.

Anders Danman a voulu imaginer ce que François Couperin, Jean-François Dandrieu, Rameau ou Forqueray, ayant attrapé au vol les mélodies des Beatles en marchant dans les rues de Paris, en auraient fait une fois rentrés chez eux, devant leur clavecin. Et s’il explique que l’expérience n’a pas marché à tous les coups − « Eight Days a Week faisait une pauvre allemande, et je n’ai jamais pu transformer Being For the Benefit of Mr Kite en courante » – ce qu’il nous en livre s’avère plus que convaincant. Si plusieurs chansons ont nécessité un travail d’harmonisation tel qu’on les reconnaît difficilement à la première écoute (Nowhere Man métamorphosé en tambourin endiablé, ou cette fusion Yellow Submarine-Eleanor Rigby en musette aux sonorités curieusement orientales), c’est avec une immédiate jubilation qu’on identifie Ob-La-Di, Ob-La-Da transformée en gigue, ou la voluptueuse version de Here, There and Everywhere en courante.

Si l’on n’est pas surpris de constater que les compositions de McCartney se prêtent le plus facilement à la transposition (la gavotte All My Loving, ou un Your Mother Should Know plus Ancien régime que nature), entendre celles de Lennon, a priori moins propices à l’exercice, se fondre dans le moule achève de convaincre de sa pertinence, au point qu’il est difficile d’imaginer, après avoir entendu les versions d’Anders Danman, que The Continuing Story of Bungalow Bill ait jamais été autre chose qu’une gigue, Strawberry Fields un entraînement passepied, ou que Norwegian Wood n’ait pas été, de toute éternité, une musette qui faisait swinguer la noblesse du temps de la Régence. Qui se serait aussi régalée, bien sûr, de la version bouffonne d’une chanson qui n’aurait pas manqué de faire fureur, quelques années plus tard, à la cour de Versailles : Revolution. On attend maintenant d’Anders Danman qu’il se livre à une autre métamorphose miraculeuse : révéler le disciple de Bach qui se masquait sous la mine joufflue et les chemises de surfeur de Brian Wilson, le compositeur des Beach Boys.[/access]

All You Need

Price: 17,63 €

4 used & new available from 17,63 €

Libye, l’autre pays des droits de l’Homme

22

Au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU c’est pas triste ! Ainsi, au moment même où la Libye allait en être suspendue, cette estimable instance était sur le point d’adopter un rapport saluant les succès de Tripoli dans le domaine des droits de l’homme. Dans ce texte édifiant on trouve des perles comme : « L’Algérie note les efforts de la Libye dans la promotion des droits de l’homme » ou « Le Qatar fait l’éloge du cadre légal assurant la protection des droits de l’homme [en Libye]. » Mais la meilleure est sans doute les félicitations que la Syrie et la Corée du Nord ont décernées à la Libye pour ses réussites dans ce domaine…

C’est probablement pourquoi le candidat favori pour occuper le fauteuil abandonné par Kadhafi dans cette respectable assemblée n’est autre que la Syrie! Maintenant on comprend mieux les récents événements en Syrie : Assad est tout simplement en train de réviser ses travaux pratiques pour son examen d’entrée !

Iegor Gran recycle les Verts

27
photo : Michael Urban

Il y a des jours où l’on ressent l’infinie tristesse de voir son crédit-temps de présence sur cette Terre en voie d’épuisement, sans être totalement persuadé d’être capable d’observer, depuis l’au-delà, les agissements de nos survivants.

Cette tristesse surgit entre deux éclats de rire que ne manque pas de provoquer la lecture du dernier livre de Iegor Gran, L’Écologie en bas de chez moi (POL), un pamphlet alerte et jubilatoire contre les écolos, version bobo, qui sévissent à Paris et dans sa banlieue proche.

En effet, on vendrait son âme au diable pour voir, mettons dans cinquante ans, nos prêcheurs d’apocalypse, décroissants comme la lune, gardes-chiourme du tri sélectif, défenseurs autoproclamés des générations futures, constater que cette bonne vieille humanité aura trouvé le moyen de faire face aux catastrophes annoncées. Catastrophes, d’ailleurs, qui ne seront peut-être même pas survenues en dépit des prophéties des Philippulus surdiplômés.

La moutarde est montée au nez de Iegor Gran le jour où il vit, scotchée sur le panneau d’affichage du hall de son immeuble, une affichette où l’on pouvait lire : « Ne manquez pas ! Le 5 juin, projection du film Home, de Yann Arthus-Bertrand. Nous avons tous une responsabilité à l’égard de la planète. Ensemble, nous pouvons faire la différence ! »

Fin d’une amitié sur fond d’incompatibilité écologique

Cette injonction produit chez l’écrivain l’inverse de l’effet escompté. Le 4 juin 2009, la veille de la diffusion du film en question, Libération publie une tribune de Gran sobrement intitulée : « Home, ou l’opportunisme vu du ciel ». À l’origine, ce texte commençait par la phrase suivante : « Leni Riefenstahl en avait rêvé, Yann-Dieu l’a fait ! » On ne saurait totalement désapprouver la censure opérée sur cette phrase par la rédaction de Libé, car elle aurait submergé sous les points Godwin un propos musclé, certes, mais à la mesure du matraquage culpabilisateur asséné par l’ancien photographe officiel du Paris-Dakar reconverti dans l’écolo-business modèle Al Gore.

Comme on peut s’en douter, cette tribune suscita plusieurs centaines de posts dont l’écrasante majorité fustigeait l’irresponsabilité quasi criminelle de son auteur. Sa publication eut également pour conséquence la rupture, lente, mais inexorable, de l’amitié entre Iegor Gran et Vincent, avec lequel il était très étroitement lié depuis leurs études communes à l’École centrale. Scientifiques défroqués, Iegor et Vincent s’étaient aménagés une douce vie de bohème chic, le premier dans la littérature, le second dans les arts graphiques. C’est le récit de cet éloignement sur fond d’incompatibilité écologique qui constitue la trame du livre, enrichie de scènes de genre vécues dans le local poubelles de son immeuble où veillent la mémé recycleuse du 3e escalier B et le médecin généraliste débile qui martyrise son fils de 10 ans au prétexte qu’il fait souffrir le laurier-rose du hall en lui arrachant quelques feuilles…

Gran, lui, n’est pas sûr d’avoir totalement raison

Leurs épouses respectives tentent bien de recoller les morceaux après quelques repas agités, mais sans succès. L’argumentation prétendue sérieuse de Gran est exposée sous forme d’une pléthore de notes en bas de page, dont l’auteur lui-même n’est pas dupe : il n’est pas sûr d’avoir totalement raison, ce qui le différencie radicalement de ses contradicteurs. Il pousse le masochisme jusqu’à fréquenter les innombrables salons consacrés à la bouffe bio et au développement durable pour en montrer le côté dérisoire et récupérateur.

Iegor Gran n’est pas un adepte de l’autofiction, bien au contraire. Il s’inscrit plutôt dans la lignée d’un Georges Perec et des forçats de l’écriture sous contrainte. S’il se laisse entraîner dans ce genre infra-littéraire, c’est pour s’en moquer au passage en le comparant au recyclage des déchets de la vie réelle pour produire une infâme bouillie aussi insipide que la nourriture macrobiotique.

Iegor Gran a passé les dix premières années de sa vie dans l’URSS brejnévienne. Il est le fils de l’écrivain dissident Andreï Siniavski, qui fut autorisé à émigrer en France en 1974. Cela lui donne un sixième sens pour détecter ab ovo les signes du surgissement d’un contrôle social généralisé des comportements individuels au nom d’une idéologie prétendument émancipatrice. Pourtant, il n’a rien d’un imprécateur et ne revendique que le droit à l’indifférence raisonnée face aux injonctions sectaires des sauveurs de la planète.

Il est symptomatique que ce soit un Russe d’âme et de cœur qui vienne nous signaler, avec humour et talent, que la France laisse péricliter cet art de la conversation dont l’historien anglais Theodore Zeldin[1. Theodore Zeldin, De la conversation, Fayard 1999] démontra naguère le caractère unique dans le monde civilisé.

L'écologie en bas de chez moi

Price: 15,70 €

65 used & new available from 1,48 €


O.N.G. !

Price: 8,00 €

37 used & new available from 1,18 €

Le calme, façon Assad

10

On peut respirer ! Le ministre syrien de l’information, son excellence Mohsen Bilal (ancien ambassadeur de son pays à Madrid) a déclaré vendredi après-midi à une radio espagnole que « la situation est totalement calme ». Selon le ministre, des « terroristes » seraient à l’origine des récents incidents dans la ville de Deraa. Il s’est engagé à révéler bientôt, devant le monde l’identité de ces malfaiteurs.

Une enquête indépendante confirme partiellement le constat du ministre de l’information. Effectivement, une centaine de citoyens syriens sont extrêmement calmes depuis quelques heures…

Le pouvoir est aussi une histoire de fesses

9

A Versailles s’ouvre une exposition dédiée aux trônes à travers le monde et les époques. Je trouve que c’est plus qu’opportun par les temps qui courent. Le trône est convoité, toujours. Au-delà de l’exposition, ce meuble pose de multiples questions à qui s’intéresse à la position en politique. Même si certains disent « Debout la République ! », à chaque fois qu’on se lève pour faire de la politique ou faire la révolution ou faire des réformes, c’est souvent pour mieux s’asseoir. Assise ! La République… S’asseoir sur des promesses ? Peut-être…

Quant à la politique moderne, elle regorge d’expressions où le cul n’est jamais très loin du pouvoir et de ses symboles. Ne dit-on pas qu’un député sauve son siège ? Que tel autre a été élu dans un fauteuil ? Aux Nations Unies, certains ont par le passé pratiqué la politique de la chaise vide. Sans oublier nos ministres qui sont sur un siège éjectable (a fortiori s’ils ont hérité d’un strapontin) et le Pape qui lui trône sur un Saint-Siège.
La politique est une histoire de fesses et ce ne sont pas les sénateurs qui diront le contraire puisqu’on adapte la largeur de leur fauteuil rouge à celle de leur popotin. Trôner c’est déjà commander, c’est s’imposer, c’est glander pendant que les autres poireautent debout. Trôner c’est aussi se couvrir de ridicule devant le peuple qui se méfie des puissants trop bien assis. Le trône est ainsi une chaise percée sur laquelle le roi chie tout en redoutant la chienlit, et ça, comme me l’a rappelé Marc, lecteur attentif de mon blog, Montaigne l’avait dit avant moi, dans ses Essais : « Aussi élevé soit un trône, nous n’y sommes assis que sur notre cul ».

Cela vaut aussi dans la vie économique: les conseils d’administration du CAC font parfois l’objet de jeux de chaises musicales. Plus généralement, être assis, c’est avoir le temps pour soi et laisser venir. Pour autant, combien de gouvernants bien calés dans leur siège ont fait de lits? Je veux parler du lit de l’extrême droite ou de la révolution. C’est bien normal que le trône fasse par définition le lit des extrêmes puis qu’on l’installe toujours au centre, dans une position statique. Le trône est fixe et même quand il se balade, il donne l’impression d’être immobile ; voyez les Rois fainéants. Bref, il y a là un sujet qu’il faut creuser, l’exposition de Versailles l’a royalement commencé.

Notre Dame du Front

21

Marsactu, un site d’information continue marseillais a eu l’heureuse idée de proposer un petit quizz impromptu aux candidats des élections cantonales des 20 et 27 mars prochains pour le canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille. Deuxième au premier tour avec 22.3% des suffrages exprimés, madame Mireille Barde, candidate du Front National, s’est prêté de bonne grâce à l’exercice. Elle aurait sans doute mieux fait de s’abstenir…


Quiz élections cantonales : Mireille Barde (FN) par marsactu

Résumons donc : madame Barde ne sait pas combien il y a de cantons à Marseille ni combien sont renouvelables, elle ne connait pas le montant du budget du conseil général en 2010 et ignore de toute manière à quoi sert un conseil général, évalue le montant du RSA à 1 150 euros par mois, ne sait pas combien de collèges ni combien d’habitants il y a dans le canton et n’a pas la moindre idée du nom des quartiers qui le composent.
De toute évidence, lors de ce premier tour, 22.3% des habitants du canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille se sont fait couillonner comme on dit chez nous.

On rappellera, à cette occasion, une vieille maxime bien de chez nous : il vaut mieux se taire et donner l’impression d’être un imbécile que de l’ouvrir et en donner la certitude.

Fannie, Freddie et les bonnes intentions

11
photo : @MSG

Quand le gouvernement américain nationalise de fait Freddie Mac et Fannie Mae, le 6 septembre 2008, les deux government-sponsored enterprises (GSE)[1. Mot pour mot : « Entreprises parrainées par le gouvernement »] détiennent ou garantissent, au travers de mortgage-backed securities (MBS)[2. Les MBS sont des paquets de crédits immobiliers revendus sur les marchés financiers sous forme d’obligations], l’équivalent de 5,2 trillions de dollars, soit environ 40% du marché des crédits immobiliers américains (mortgages)[3. Les « mortgages » sont des crédits hypothécaires (la forme classique d’un prêt immobilier aux États-Unis)]. La situation de Freddie et de Fannie est si catastrophique et leur taille tellement gigantesque que le Trésor des États-Unis et la Federal Reserve doivent s’engager à rembourser jusqu’à 200 milliards de dollars à leurs créanciers, leur racheter plus de 1,3 trillion de dollars de MBS et acquérir en urgence
leurs dettes pour 132 milliards de dollars.

Toute cette histoire avait pourtant commencé avec de bonnes intentions… mais vous savez ce qu’on dit de l’enfer et des bonnes intentions.[access capability= »lire_inedits »]

Au lendemain de la Grande Dépression de 1929, Herbert Clark Hoover puis Franklin Delano Roosevelt décident de faire en sorte que le plus grand nombre possible d’Américains puissent devenir propriétaires de leur résidence principale. C’est le Federal Home Loan Bank Act de 1932 et la naissance, en 1938, de la Federal National Mortgage Association, plus connue sous le nom de « Fannie Mae ». Fannie est une agence fédérale chargée de racheter les mortgages des banques. En 1968, sous l’administration Johnson, Fannie Mae est privatisée mais garde sa mission de service public et devient officiellement une government-sponsored enterprise. Deux ans plus tard, le Congrès des États-Unis donne à Fannie un petit frère − Freddie Mac − qui recevra les mêmes missions et le même statut que sa grande sœur.

Les GSE sont donc nées d’un deal entre l’« Oncle Sam » et des actionnaires privés. La charte de Fannie et de Freddie leur impose d’acheter ou de garantir le plus grand nombre possible de mortgages − et notamment des crédits accordés à des familles à faibles revenus − en contrepartie de quoi le gouvernement fédéral accorde à ses deux poulains une série d’avantages sonnants et trébuchants. Jugez plutôt : les GSE disposent d’une ligne de financement directe auprès du Trésor ; leurs obligations ont le même statut que celles des agences fédérales ; elles ont des avantages fiscaux, une réglementation prudentielle des plus accommodantes et le gouvernement fédéral les protège de toute forme de concurrence. En conséquence, le monde entier considère que prêter à Freddie et à Fannie, c’est prêter de l’argent à l’Oncle Sam lui-même… et la suite prouvera que le monde entier avait raison. Les deux entreprises bénéficient ainsi d’un avantage notable: elles peuvent s’endetter dans des proportions absolument gigantesques à un coût qui défie toute concurrence − à peine plus élevé que celui qui est imposé au gouvernement fédéral lui-même. L’Oncle Sam y gagne car il peut désormais canaliser l’épargne américaine vers le marché immobilier sans intervenir officiellement (puisque les GSE sont officiellement des entreprises privées) et les actionnaires y gagnent… beaucoup d’argent. Wayne Passmore − l’un des directeurs associés de la recherche de la « Fed » − évalue ,dans un article publié en janvier 2005, le bénéfice de ces relations ambiguës entre les GSE et l’État fédéral à 147 millions de dollars, dont 72 millions tombent directement dans les poches des actionnaires. L’Oncle Sam sait se montrer généreux avec ceux qui le servent …

Dès 1968, Freddie et Fannie passent sous l’autorité du Department of Housing and Urban Development (HUD) qui leur fixe des objectifs chiffrés de prêts à accorder aux familles modestes. En 1992, le HUD précise et augmente ces objectifs : les GSE devront affecter au moins 30% de leurs achats à des mortgages accordés à des familles pauvres ou modestes (définies comme des familles dont les revenus sont inférieurs au revenu médian de la région dans laquelle elles vivent). Avec la réélection de Bill Clinton en 1996, cet objectif passe à 40% et le HUD impose aux GSE d’acheter au moins 12% de crédits accordés à des familles vivant avec moins de 60% du revenu médian de leur région (c’est-à-dire sous le seuil de pauvreté). Dans les années qui suivent, ces objectifs seront régulièrement revus à la hausse pour atteindre 55% et 25% en 2007.

Soucieuses de préserver leurs avantages, Fannie et Freddie doivent donc racheter des mortgages accordés à des ménages modestes et pauvres. Elles se tournent donc vers les banques et, bien sûr, les banques fournissent − après tout, elles gagnent de l’argent et c’est l’Oncle Sam qui régale. Les banques se mettent donc à accorder des crédits sans trop se soucier des risques puisque Fannie et Freddie les rachètent dans la foulée et qu’elles en revendent une partie aux marchés financiers avec la garantie (implicite) de l’État. Dès cette époque, plusieurs observateurs s’en inquiètent, comme le journaliste Steven Holmes qui note, en septembre 1999 dans le New York Times, que « Fannie Mae prend significativement plus de risques » et que « l’entreprise pourrait avoir des problèmes en cas de crise économique, provoquant un sauvetage gouvernemental similaire à celui de l’industrie des saving and loans dans les années 1980 »[4. Ah ? Vous pensiez que c’était la première fois ? On y reviendra une autre fois…].

Rien n’y fait : le HUD continue à augmenter les objectifs des GSE pour le plus grand bonheur des banques qui poussent à la roue, trop contentes de ce regain d’acticité hautement patriotique. De 2004 à 2006, Freddie et Fannie achètent pour 434 milliards de dollars de mortgage-backed securities adossées à des crédits subprimes (c’est-à-dire plus risqués) et créent littéralement un marché pour ce que nous connaissons aujourd’hui sous le doux nom d’« actifs toxiques ». Au cours de la seule année 2007, les deux entreprises vont acheter pour 1,5 trillion de mortgages et de mortgage-backed securities, dont environ 450 milliards servaient à financer les investissements immobiliers de familles modestes et environ 375 milliards ceux de familles vivant carrément sous le seuil de pauvreté. On ne sait pas exactement quelle proportion des crédits immobiliers détenus ou garantis par les GSE était constituée de subprimes, d’autant plus qu’il n’existe pas de définition claire de ce qu’est un crédit subprime. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’en 2008, Freddie et Fannie détiennent ou garantissent 40% des crédits immobiliers américains à elles seules et que, depuis 1992, elles ont régulièrement et considérablement assoupli leurs critères d’achat et inondé les marchés de MBS avec la bénédiction et la garantie implicite de l’Oncle Sam. Ce que l’on sait aussi, c’est que c’est précisément ce genre de produits − des MBS adossés à des crédits risqués − qui se sont retrouvés dans les bilans des banques du monde entier (avec les encouragements sonnants et trébuchants de la réglementation bancaire − on en reparlera) et qui, un beau matin du 15 septembre 2008, ont déclenché rien de moins qu’une des plus violentes récessions depuis les années 1930.

La commission d’enquête sur la crise financière mise en place par le Congrès des États-Unis devrait bientôt rendre son rapport. On sait déjà que Fannie, Freddie et les administrations successives seront blanchies de toute responsabilité dans ce gigantesque fiasco[5. Non, sérieusement, vous les imaginez nous avouer officiellement qu’ils sont à l’origine de cet énorme merdier planétaire ?]. Mais j’ai quand même une question à leur poser : s’il n’y avait pas de problème avec ces entreprises protégées par l’État, pourquoi avez-vous eu besoin de plus de 1500 milliards de dollars américains pour les sauver ?[/access]


La Crise des Subprime : Origines de l'Exces de Risque et Mécanismes de Propagation

Price: 20,50 €

18 used & new available from 17,41 €

Faut-il bombarder la Hongrie ?

23

Imaginons un instant que le prochain président de la République française, disposant d’une majorité de 3/5ème du Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis) décide de faire adopter une nouvelle Constitution à son goût qui commencerait par ce préambule : « Nous, membres de la Nation française à l’orée de ce nouveau millénaire et au nom de tous les Français déclarons solennellement :
Nous sommes fiers que Clovis ait posé, voici mille cinq cents ans les fondements de l’Etat français en faisant entrer notre nation dans l’Europe chrétienne.
Nous reconnaissons, pour notre nation la vertu unificatrice de la chrétienté. Nous respectons les diverses traditions religieuses pratiquées dans notre pays.
Nous affirmons que les cadres essentiels de notre vivre-ensemble sont la famille et la nation et que nos valeurs fondamentales sont la fidélité, la foi et l’amour… »

Il suffit de remplacer « France » par « Hongrie », « Français » par « Hongrois » et « Clovis » par « le roi saint Étienne » et on obtient le préambule du projet de nouvelle Constitution proposée au Parlement de Budapest par le Premier ministre Viktor Orban, chef de la coalition nationale-conservatrice arrivée au pouvoir le 25 avril 2010.

Orban peut tout, et il ose tout

Cette nouvelle Constitution qui doit remplacer la précédente, établie par le régime communiste en 1949 et « nettoyée » de ses scories marxistes en 1990, devrait être adoptée par le Parlement le 25 avril prochain, à l’occasion du premier anniversaire de la victoire électorale du Fidesz, le parti de Viktor Orban. Or, pour lui, son retour au pouvoir – il avait déjà exercé les fonctions de Premier ministre de 1998 à 2002 – n’est pas une simple alternance démocratique, mais une « révolution par les urnes ».
Fort d’une majorité des deux tiers au Parlement monocaméral, Orban peut tout, et il ose tout.

Le seul obstacle potentiel à la mise en œuvre de son programme, qui conjugue nationalisme exacerbé, cléricalisme revendiqué et populisme sans complexe, réside dans la vigilance – tout aussi potentielle – de l’Union européenne. Celle-ci était d’autant plus nécessaire que la Hongrie assure la présidence tournante de l’UE pour six mois, depuis le 1er Janvier 2011. Viktor Orban a certes subi quelques interpellations musclées au Parlement européen où Daniel Cohn-Bendit l’a comparé à Hugo Chavez, mais rien de bien grave, car le soutien du principal parti de l’Assemblée de Strasbourg, le PPE (démocrates-chrétiens et conservateurs), dont le Fidesz est membre, lui est acquis.

La Commission, en revanche est parvenue à le faire reculer partiellement à propos de la nouvelle loi sur la presse, qui enjoignait les médias de procéder à un « traitement équilibré » de l’actualité politique, sous peine d’amendes énormes infligées par un « Conseil supérieur des médias » entièrement composé de fidèles de Viktor Orban. L’exigence du « traitement équilibré » a été mise entre parenthèses jusqu’à la fin de la présidence hongroise de l’UE, mais les opposants craignent qu’elle revienne par la fenêtre dès le mois de juillet prochain.

Criminalisation des opposants

L’autre héritage « révolutionnaire » cher à Viktor Orban est la criminalisation des opposants. Et les procès n’ont pas seulement lieu devant le tribunal médiatique. Le raz-de-marée électoral en faveur du Fidesz et la déroute des socialistes sont la conséquence de la gestion calamiteuse de l’économie par ces derniers qui a mis le pays au bord de la faillite, le contraignant à appeler l’UE et le FMI à l’aide. Mais ces milliards perdus n’ont pas fini dans leur poche… Une commission d’investigation a pourtant été mise en place pour établir un dossier permettant de traduire en justice les anciens dirigeants, au premier rang desquels figure l’ancien Premier ministre Ferenc Gyurcsany. Ce dernier avait eu le malheur de déclarer, en petit comité, au lendemain de victoire électorale d’avril 2006 : « Nous avons merdé (…). Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous (…). Il est évident que nous avons menti tout au long des derniers dix-huit mois. » Cette confession, subrepticement enregistrée et diffusée à la radio, a provoqué de très violentes manifestations et la montée en puissance d’un nouveau parti d’extrême droite le Jobbik, ultranationaliste et ouvertement antisémite[1. Pour s’en persuader, il suffit de lire l’entretien accordé au prochain numéro de la revue Politique Internationale par Marton Gyöngyösi, dirigeant du Jobbik et vice-président de la commission des affaires étrangères du Parlement.].

Le complot des universitaires

Mais les politiques ne sont pas seuls dans le collimateur judiciaire de Viktor Orban. Une campagne de presse, alimentée par l’entourage du Premier ministre, s’en est pris à une demi-douzaine d’universitaires hongrois, dont des philosophes de réputation internationale, comme Agnès Heller[2. Agnès Heller a publié une tribune dans Le Monde à propos de cette affaire]. Ces derniers sont accusés d’avoir détourné l’équivalent de 1,8 millions d’euros des fonds de la recherche scientifique. Cette crapoteuse affaire ne repose que sur la dénonciation calomnieuse et à forte connotation antisémite d’un membre de l’Institut de philosophie, promu depuis directeur-adjoint du département.

La communauté internationale des archivistes et des historiens s’émeut également du projet du gouvernement hongrois de retirer des archives nationales les documents produits par les « organes » du régime communiste sur les individus. La loi prévoit que les personnes concernées par ces archives auront la possibilité d’en demander la destruction, ce qui obère le travail des futurs historiens de cette période. Accessoirement, cela peut permettre à quelques amis d’Orban quelque peu mouillés dans l’ancien régime de se refaire une virginité éternelle…

Conception ethnique de la nation

Le projet de nouvelle Constitution repose sur une conception ethnique de la nation, excluant implicitement les non-magyars de la communauté nationale et y incluant tout aussi implicitement, mais sans équivoque les quelques deux millions de Hongrois citoyens des pays voisins (Roumanie, Slovaquie, Serbie). Elle ouvre la porte au « révisionnisme » des frontières établies en 1920 par le traité de Trianon, pour le cas où le dogme de l’intangibilité des frontières au sein de l’UE se voit remis en question, par exemple par la scission de la Belgique… L’évocation rituelle de ce traité de Trianon, il est vrai fort injuste pour les Magyars, sert de piqure de rappel nationaliste lorsque les dirigeants politiques veulent détourner l’attention des citoyens de leur mauvaise gestion. Pour l’instant, Viktor Orban se contente de proposer l’attribution de la nationalité à tout Magyar « hors frontières » qui en ferait la demande et évoque la possibilité de leur accorder le droit de vote aux législatives…

L’autre bouc émissaire de la colère des Hongrois est la communauté Rom (ou Tziganes), qui constitue 7 % de la population du pays et vit dans sa très grande majorité dans un état de misère et de déréliction totales. Des « milices citoyennes », noyautées par le Jobbik ont récemment opéré des descentes dans les quartiers roms de villes moyennes, pour intimider cette population accusée de vivre de rapines.
La présidence de l’UE a été l’occasion pour la Hongrie de se livrer à une sorte de chantage vis-à-vis de ses partenaires européens : aidez- nous à financer les programmes d’éducation, de santé, de formation professionnelle pour nos Roms sédentarisés, sinon ils vont se mettre en mouvement vers des pays plus riches et plus généreux en matière de prestations sociales…

Viktor Orban n’a pourtant pas trop mauvaise presse chez nous, car il a trouvé le filon pour se faire bien voir : refuser tout entretien avec des journalistes qui connaissent un peu la question, et privilégier la presse « people ». C’est ainsi que Paris-Match s’est récemment offert un de nos meilleurs esprits pour faire l’éloge du jeune Premier ministre et de sa petite famille sur quatre pages avec plein de jolies photos.