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L’avenir ? La IVe République !

C’est le casse-tête de tout meccano institutionnel : comment arbitrer entre représentativité et gouvernabilité, c’est-à-dire dans un jeu à somme nulle ? Plus les institutions sont représentatives des divergences au sein de la société, plus il est difficile de dégager un compromis, donc une majorité qui soutienne et accompagne le pouvoir exécutif. Le mode de scrutin n’est donc pas, loin s’en faut, un détail technique, mais un choix politique qui traduit l’importance relative que l’on accorde à la stabilité et à la justice. Avec le scrutin uninominal à deux tours – censé favoriser un bipartisme aussi confortable pour les gouvernants que rassurant pour l’esprit −, la France a clairement donné, en 1958, la priorité à la stabilité. Les Français voulaient être bien gouvernés.[access capability= »lire_inedits »]

Aujourd’hui, ceux-ci découvrent qu’au moins un quart d’entre eux ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale et que la gouvernance du pays n’en est pas pour autant satisfaisante, pour le dire pudiquement. Autrement dit, qu’ils se font avoir doublement. Et on ne voit guère pointer à l’horizon un homme providentiel dont la légitimité charismatique compenserait la carence de légitimité démocratique.

En bref, la Ve République ressemble de plus en plus à un marché de dupes dans lequel le déficit démocratique va de pair avec l’immobilisme – parfois très agité – des gouvernants. La place du Front national dans la vie politique est le symptôme le plus criant du mal : alors que, depuis 2002, il séduit, au fil des consultations, 15% à 20 % des électeurs, il est tout simplement exclu du jeu politique, n’ayant aucun député et un seul conseiller général[1. S’il en va différemment pour les Conseils régionaux et le Parlement européen, c’est précisément parce que, dans les deux cas, les élections se font par liste et avec une forte dose de proportionnelle]. La raison de ce « scandale démocratique » est simple : alors que les autres « petits partis » peuvent monnayer leur désistement, leur entrée au gouvernement, leur abstention ou leur soutien, parfois dans le cadre de marchandages peu ragoûtants, et obtenir ainsi des élus ou des maroquins sans avoir à atteindre avec leurs petits bras la barre des 50 %, le parti de Marine Le Pen est seul. On ne saurait évidemment pas obliger un parti à s’allier à un autre. Tant que les règles du jeu ne changeront pas, le Front ne pourra donc compter que sur l’indiscipline des électeurs pour envoyer des élus à l’Assemblée. Ce n’est pas négligeable : la révolte à basse intensité qui monte dans le pays ne peut que favoriser un parti qui a beau jeu de se présenter comme le seul véritable adversaire du « système » quand, justement, les représentants du « système » répètent en boucle qu’il n’est pas « un parti comme les autres ». Après des décennies de gestion par la droite et la gauche raisonnables, avec les résultats que l’on sait, les Français pourraient précisément trouver que ce « pas comme les autres » est, en soi, assez tentant.

Certes, on n’en est pas là. En attendant, pour la grande alliance des gens convenables qui s’auto-décernent des brevets de républicanisme et s’autorisent à désigner le mouton noir – qui, lui, ne serait pas « républicain » − 20 % des électeurs n’existent pas ou, à l’extrême limite, comme des brebis égarées qu’il conviendrait de rééduquer. Au fait, cette prétention à trier, au sein du peuple souverain, entre le bon grain est l’ivraie, est-elle bien républicaine ?

On peut aussi se demander si le prix payé en termes de démocratie pour une stabilité dont les bénéfices ne sont pas si éclatants que cela n’est pas franchement exorbitant. En effet, ce merveilleux bipartisme qui semblait être le seul moyen de rendre vaguement gouvernable le pays aux milles fromages du Général (qui en recensait un peu moins, me semble-t-il) a eu comme résultat de convaincre nombre d’électeurs que deux écuries se succédaient au pouvoir pour mener peu ou prou la même politique : c’est le règne de « l’UMPS », expression dont on ne sait plus qui l’a inventée, mais que Marine Le Pen a eu l’intelligence de faire sienne. Et il faut bien dire que cette analyse, un peu caricaturale, n’est pas totalement dénuée de fondement.

On me dira qu’aux Etats-Unis, la vie politique est encore plus coulée dans l’acier du bipartisme. En réalité, non seulement il y a en fait 50 partis démocrates et 50 partis républicains dont les contours idéologiques varient d’un État à l’autre, mais on ne sait pas ce que sera l’avenir du mouvement Tea Party. Surtout, le duopole partisan est compensé par de vastes espaces de liberté (de parole et d’action) qui permettent l’expression des différences : fidèles à la devise de leur République, « E pluribus unum », les Américains revendiquent le pluralisme de leur société et de leur culture. Il est vrai que ces différences coexistent d’autant mieux qu’elles savent s’effacer au nom d’une croyance partagée dans le rêve américain et dans une commune allégeance au drapeau − que l’on aimerait parfois observer de notre côté de l’Atlantique.

Mais revenons à notre pays qui, au nom des droits de l’homme qu’il se targue d’avoir apportés au monde, condamne à l’inexistence politique une partie de ses citoyens. Ce rejet des opinions dissidentes hors de l’arc républicain révèle la peur que la France a d’elle-même, comme si laisser les points de vue s’exprimer dans leur diversité était une menace pour la paix sociale et la cohésion nationale. En somme, pour que la République soit « une et indivisible », il faudrait que la société le soit aussi. Or, c’est tout le contraire !

Plus de deux siècles après la Révolution, plus d’un siècle après la loi de 1905, la culture politique française est toujours surdéterminée par la peur d’une guerre civile, d’un éclatement de la société en communautés égoïstes qui aboutiraient au retour de deux Frances ennemies.

Machiavel a noté que la véritable force de la république romaine était l’intensité de ses querelles intérieures bien plus que son unité de façade. Selon le penseur florentin, « la pensée qui resplendit dans les périodes les plus glorieuses de la Rome républicaine, celle qui dans les douze tables consacre une des premières affirmations, quoiqu’imparfaite encore, des droits de l’homme, suscite la lutte entre patriciens et plébéiens […]. Ce fut une lutte qui ne dégénéra presque jamais en guerre civile, qui créa le tribunat, l’appel au peuple, la mise en accusation des magistrats abusant de leurs pouvoirs; lutte toujours dominée par un si grand amour de la patrie qu’elle suscita les plus grands prodiges d’héroïsme et de sacrifice, que le monde pourra peut-être égaler, mais jamais surpasser. » Ils étaient grands car ils assumaient leurs désaccords – ce qui ne les empêchait évidemment pas de les régler souvent à coups de poison ou d’épée. Machiavel n’était pas un droit-de-l’hommiste béat ni un démocrate radical. Peut-être devrions-nous nous approprier cet enseignement et chercher, plutôt qu’à étouffer le débat, à le contenir dans les limites de l’acceptable – c’est-à-dire celles que nous jugeons collectivement comme telles. Mais il est absurde d’autoriser un parti à briguer les suffrages des électeurs pour décréter qu’il est immoral de lui donner sa voix.

Ce mystère et ce don de la pluralité humaine qui les dépasse, au lieu de le redouter, nos gouvernants devraient donc feindre de l’organiser. Voilà pourquoi la France doit, à mon avis, revenir à un véritable régime parlementaire, c’est-à-dire à un mode de scrutin reposant largement sur la proportionnelle . On me dira que François Mitterrand, en faisant un pas dans cette direction en 1985, a suscité des protestations indignées dont on perçoit encore les échos : il serait en quelque sorte l’inventeur du FN, comme si un phénomène politique de cette ampleur pouvait être le fait du prince. Je ne suis pas naïf au point d’ignorer que le Moïse des socialistes n’était pas animé par de nobles sentiments démocratiques mais par l’ambition de semer la pagaille à droite et de refaire l’unité de son camp autour d’un consensus moral. Mais tant pis, je préfère avoir raison avec Mitterrand que tort avec Aubry, Fillon ou les autres.

Oui, je l’avoue, je souhaite un retour à la IVe République qui, malgré sa légende noire, n’a pas tant démérité. Certes, en douze ans, elle a connu 24 gouvernements dont aucun n’a duré plus de seize mois et s’est montrée incapable de maîtriser la crise algérienne – mais est-on si sûr qu’une Ve présidée par Mitterrand, Chirac, Sarkozy ou les autres aurait fait mieux ? N’oublions pas que c’est sous ce parlementarisme si décrié qu’ont commencé les Trente glorieuses, dont la monarchique Ve République a pu recueillir les fruits. Et n’exagérons pas les vertus d’institutions qui allaient si bien au Général mais sont peut-être un costard un peu grand pour ses successeurs. Sommes-nous si sûrs que nos présidents méritent qu’on se soucie de leur donner les moyens de gouverner au sacrifice de la justice la plus élémentaire ?

Cessons de chercher un Père quand nous ne savons plus très bien quel rêve national il incarnerait. Parvenues, pour le meilleur et pour le pire, à « l’égalité des conditions » annoncées par Tocqueville, nos démocraties ne produisent pas tant de candidats à une fonction qu’on puisse encore qualifier de « suprême ». Acceptons nos divisions sans chercher à les camoufler dans des usines à gaz politiques comme l’UMP et, dans une moindre mesure, le PS. Cessons de nous observer dans un miroir déformant. Si nous affrontions notre véritable image, nous découvririons que la France, si elle est moins flamboyante que nous le voudrions, reste une très belle fille.[/access]

La Quatrième République : La France de la libération à 1958

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Das Kapital von Audrey Vernon

En période de crise, il est de bon ton de revenir à Marx. Confiscation de la plus-value, baisse tendancielle du taux de profit et armée de réserve du capital reviennent sur le devant de la scène comme si le prolétariat était réapparu avec la crise du turbocapitalisme.

Vendredi 6 mai à 22 heures, alors que le gratin de la finance et du people vulgaire célébrera l’élection de Nicolas Sarkozy, des légions d’irréductibles marginaux commémoreront l’anniversaire de Karl Marx. Cela ne nous rajeunit pas mais il aurait fêté ses193 ans la veille.

Pour l’occasion, Audrey Vernon, déjà auteur d’un spectacle aux accents marxo-rothschildiens – Comment épouser un milliardaire ? – remet le couvert au Sentier des Halles. Assez des exégèses convenues des marxistes de salon. Miss Vernon nous ramène à l’essentiel: la vie d’un Marx enfin délesté de son œuvre !

Audrey Vernon a composé une lecture à partir de lettres personnelles inédites en français. Pour une poignée de dollars, pardon d’euros, vous aurez donc droit au récit des aventures enflammées de Marx, de son épouse Jenny, d’Engels et de leur fidèle gouvernante Hélène Demuth. Les mystères de l’ADN étant insondables, vous vous demanderez quel Saint Esprit matérialiste a bien pu féconder Hélène pour donner naissance au petit Friedrich Demuth.

De quoi ravir les fanatiques de la Sainte Famille marxienne, les inconditionnels des Feux de l’amour et tous les amoureux des beaux textes.

Vous avez aimé la voix suave du documentaire de Paris Première sur le calendrier Pirelli… Vous adorerez Marx et Jenny lu par frau Audrey !

Ben Laden : Obama ment au monde entier

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image : contactink

Après la guerre secrète, la guerre psychologique: difficile, voire impossible de démêler le vrai du faux dans les mille et une versions qui circulent autour de la fin de parcours d’Oussama Ben Laden. Et on ne se fiera donc pas a priori aux preuves formelles des uns (cf la fameuse « photo » d’Oussama mort diffusée par la télé pakistanaise et reprise aussi sec par toutes les chaines du monde) ni non plus aux démentis des autres (par exemple, ceux attestant la ferme volonté américaine d’arrêter si possible Ben Laden et non de l’exécuter froidement sur place, sans autre forme de procès).

Pour peu qu’on admette dans ce contexte précis une rhétorique good guys/bad guys –et c’est mon cas – on ne s’étonnera ni ne s’indignera des mensonges des uns ou des autres. Les méchants mentent parce qu’ils détestent la vérité, RAS. Et les gentils brouillent sciemment les pistes pour enfumer l’adversaire, quitte à laisser l’opinion internationale dans le flou. Les anglo-saxons, à la différence des francophones, ont d’ailleurs une expression toute faite et assez claire pour qualifier ce genre de camouflage délibéré, war lies, c’est-à-dire les mensonges de guerre[1. Churchill a eu un mot célèbre à ce sujet « in wartime, truth is so precious that she should always be attended by a bodyguard of lies” (« En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle doit être protégé par une garde reprochée des mensonges »). En conséquence de quoi, l’opération dont l’objectif était de cacher aux Allemands, par un tissu savamment élaboré des fausses informations, les détails du débarquement en Normandie a été appelée « Operation Bodyguard »], lesquels, précisons-le n’ont pas été inventés par les think tanks néocons pour justifier l’invasion de l’Irak : les Navy Seals d’Ulysse y avaient déjà eu recours pour entrer par surprise dans Troie. On notera au passage que ce travestissement des faits n’est pas réservé au traitement a posteriori de l’événement : il l’a précédé, avec son cortège imaginaire de grottes inexpugnables, de drones approximatifs et de coups d’épée dans l’eau qui faisaient tant rire les Guignols. Sans secrets ni menteries, il n’y aurait pas eu de happy end à Abbottabad.

Nous errons, pour reprendre la si belle expression d’Anton Ciliga, au royaume du mensonge déconcertant, ce qui n’est pas en soi un problème, à condition de bien le savoir. Alors quelle grille adopter pour tenter de se faire une opinion sur le cours des événements ? Chacun fera ce que voudra, mais perso, je privilégie une piste : s’en tenir aux faits.

– Ben Laden est mort.
– Ce sont des soldats américains qui l’ont tué.
– Le Président Obama a personnellement assuré la direction des opérations et a assumé cette responsabilité devant le monde entier.
– Le chef d’Al Qaida a été retrouvé au Pakistan en plein cœur d’une ville de garnison et à 300 mètres d’une Académie militaire.
– Les soldats qui l’ont tué sont arrivés et repartis en hélicoptère, ce qui est un mode opératoire généralement utilisé en territoire ennemi.
– Le Conseil de Sécurité de l’ONU a immédiatement légitimé l’opération en se félicitant solennellement de la mort d’Oussama Ben Laden
– On s’est débarrassé du corps en pleine mer[2. Je vous laisse compléter la liste au fil des jours]

Quant au reste, c’est simple : même quand les infos diffusées par la Maison Blanche, le Département d’Etat ou la CIA sont assez vraisemblables, elles sont si inextricablement mêlées à des éléments de pure intoxication qu’on aurait aussi tort d’y croire que de ne pas y croire.

Cela vaut pour les questions de détail (Ben Laden était-il armé, qu’est-il arrivé à son épouse, que s’est-il passé avec le second hélico, etc), celles qui taraudent légitimement les amateurs de belles histoires. Plutôt que d’attendre toute la lumière depuis Washington, faisons plutôt confiance à Hollywood[3. Perso, j’aimerais bien Bruce Willis en chef du commando, Robert Downey Jr en Petraeus et, of course, Denzell en Barack. Je n’ai pas d’idée pour Leon Panetta, sauf si le génial Henri Guybet parle américain sans accent] pour y répondre dans quelques mois.

Mais la suspicion amusée est encore plus de mise pour la question des questions, celle qui concerne le rôle du Pakistan, ou disons plutôt des Pakistanais, tant le pluriel semble obligatoire. Des Pakistanais ont-il aidés Ben Laden ? Probable. Des Pakistanais ont-ils contribué à sa localisation ? Probable aussi. Les premiers sont-ils les adversaires des seconds, ou bien sont-ce les mêmes ? Allez savoir, ou plutôt, n’essayez pas d’aller savoir !

On a assassiné Monsieur Ben Laden !

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photo : UPI/Kevin Dietsch

Ben Laden est mort depuis deux jours et les commentaires télévisés n’en finissent pas de se multiplier, pas toujours très heureusement. L’appel de Marc Cohen qui engageait les tenants de « l’assassinat de Ben Laden » à ouvrir un dictionnaire a été, semble-t-il, entendu mais, à l’évidence, mal compris. Ainsi durant la matinale de Canal+ un intervenant, certainement lecteur studieux de Causeur, a donc préféré parler, lui, du « meurtre du Cheikh Oussama Ben Laden ».

Eh oui, « meurtre » et non plus « assassinat », car il n’y aurait pas de préméditation et il s’agirait donc d’un simple homicide volontaire perpétré par les Américains. Et puis « Cheikh » car il est inimaginable de perdre le sens des convenances avec les victimes.

On se pince. C’est un peu comme si à l’annonce du suicide de Hitler, des journalistes plus pointilleux que la moyenne avaient corrigé leurs confrères en exigeant qu’on parlât du « suicide de Môssieur Hitler, s’il vous plaît ! » Ce même intervenant, à moins que cela en soit un autre, mais disons du même acabit, indiquait sur France 24, que la mort de Ben Laden (Môssieur Ben Laden pardon !) ne changerait rien, car il n’était plus qu’un symbole et pas un chef de guerre. Le même en rajoutait, nous exposant son malaise face à la joie manifestée par certains Américains dès l’annonce faite par Barack Obama.

Résumons, si vous le voulez bien : les Américains, qui sont démesurément rancuniers, ont choisi de tuer un simple symbole en s’exonérant du respect du droit et de la politesse et, cerise sur le Mac Do, ils ont fait preuve d’une grossièreté insigne en fêtant la commission de l’infraction. Bref, il eût été préférable de laisser le Cheikh couler des jours pépères à Abbottabad.

En plus d’inviter certains à consulter des dictionnaires, pourrions-nous avoir l’audace de leur conseiller de réfléchir deux secondes ? Doit-on rappeler que le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont fait l’objet sur leur territoire d’une attaque encore plus meurtrière que celle de Pearl Harbor et qu’il s’agissait là d’une véritable déclaration de guerre ? Une guerre certes moins classique que toutes celles passées, mais une guerre malgré tout, voulue au nom d’un djihadisme global et animée par Ben Laden.

Aussi, présenter l’opération militaire visant à le capturer et l’exécution qui s’en est suivie comme un fait divers ou comme une opération purement symbolique pour ne pas dire de vil marketing, laisse un peu interdit.

Quant à la satisfaction manifestée par certains citoyens américains, comment la leur reprocher ? Il est vrai qu’en France nous sommes so chic et pouvons donc prétendre à être les arbitres des élégances éthiques. Serons-nous bientôt sommés de dire notre malaise rétrospectif quant à l’explosion de joie de millions d’Américains le 15 août 1945, à l’annonce de la reddition du Japon alors que deux bombes atomiques avaient rasé Hiroshima et Nagasaki – qui n’étaient même pas des symboles ?

À rebours de nos moralistes télévisuels et à l’unisson avec Barack Obama, je dis simplement que justice est faite.

France Syrie : une longue et belle histoire commune

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On approche à grands pas du 30ème anniversaire du 10 mai 1981 et de ses commémorations. Aussi aimerais-je y apporter ma modeste contribution. Et puisque la Syrie a fait les gros titres, pourquoi ne pas s’intéresser à la question « Mitterrand et la Syrie », ou plus précisément – car le sujet est vaste – la France et la Syrie de mai 1981 à mai 1982 ? Après tout, il n’y a pas de raison de ne pas le faire, alors, juste faisons le !

Eh bien tout d’abord, l’accueil fait à la victoire socialiste française par le parti Baas, officiellement tout aussi socialiste, au pouvoir au Damas est, comment dirai-je, un peu mitigé. Ainsi, le 4 septembre 1981, Louis Delamare, l’ambassadeur de France au Liban, est assassiné. Selon Olivier d’Ormesson, la Syrie aurait commandité le meurtre avec dans l’intention de punir le président français fraîchement élu pour ses efforts diplomatiques visant à résoudre pacifiquement la guerre civile au Liban.

Le subtil message du socialiste syrien au socialiste français a été reçu 5 sur 5. La preuve ? Cinq mois après le meurtre de Pierre Delamare les troupes d’Assad père écrasent dans un bain de sang terrible l’insurrection des Frères musulmans à Hama. La répression fait entre 10 000 et 20 000 morts mais François Mitterrand ne condamne pas le massacre. Cela dit, on intimide pas si facilement le vieux renard de l’Elysée : début mars 1982, les ruines de Hama encore fumantes, il se rend en visite officielle en Israël, pays qui quelques mois auparavant avait annexé le Golan, perdu par la Syrie en 1967 !

Mais Assad, non plus, ne se laisse pas abattre facilement. Ainsi, le 22 avril 1982 le prestataire de services en terrorisme Carlos organise pour le compte de Damas un attenant à la voiture piégée contre le siège du journal syrien d’opposition Al Watan Al Arabi, rue Marbeuf, à Paris. Un mort, 63 blessés.

Pour enfoncer le clou, Assad décide de célébrer avec fracas le premier anniversaire de la victoire socialiste. Le 24 mai 1982 – en Orient la ponctualité n’est pas une valeur fondamentale – une R12 bourrée de plus de 50 kilos d’explosifs explose dans la cour de l’ambassade de France à Beyrouth. Bilan : 11 personnes, dont 6 membres de l’ambassade, tuées, 27 blessées. Pas grand-chose à côté de Hama.

En fin de compte, tout cela n’a pas empêché un François Mitterrand de moins en moins rancunier et son ministre des affaires étrangères Roland Dumas (nommé en décembre 1982) d’entretenir des relations plus au moins cordiales avec le régime syrien et certains de ses personnages clés. Après tout, comme disait le Parrain, « It’s just business, nothing personal »

Les Iraniens ont observé et retenu la leçon. Quelques années plus tard ils appliqueront la même méthode contre la France avec le même succès.

Un homme brave

photo : patrick-roy.fr

Patrick Roy est mort. Le député PS de Denain, amateur de hard rock, porteur de vestes rouges et bretteur de première catégorie dans l’hémicycle a succombé cette nuit au cancer du pancréas dont il espérait triompher.

Il y a deux mois, il avait fait son retour à l’Assemblée, amaigri, affaibli, en fauteuil roulant, sa femme lui tenant la main. Pour poser une question d’actualité prétexte. Prétexte à remercier tous ses collègues députés de leur gentillesse, de leur amitié dans la douleur. Et promettre son retour comme opposant farouche, puisque « la vie est belle ». Jusqu’ici vous ne pleurez pas. Moi si.

Je pleure parce que ce jour du retour de Patrick Roy à l’Assemblée, le 15 mars, j’ai vu une bonne partie de la confrérie des journalistes parlementaires, d’ordinaire si portés à l’ironie, la blague, ou le trait assassin, pleurer vraiment. C’était finalement assez drôle de voir tout le monde faire mine de sortir dans le jardin pour aller fumer, y compris les non fumeurs. On a pleuré devant l’humanité du garçon, la simplicité, la drôlerie de celui qui avait brandi un jour en séance Hard Rock Magazine sous les yeux médusés de ses collègues.

On a pleuré aussi parce que, malgré l’espoir, je crois que tout le monde savait que c’était la fin. Qu’en dépit des traitements, de la rémission, de la croyance en un miracle – ça existe – Patrick Roy allait mourir.

C’est assez curieux de se retrouver brutalement confronté à la mort et à son avancée inéluctable dans cet endroit où, bien souvent, on parle pour ne rien dire. Où tout est euphémisé, où la réalité, même la plus brutale, est dissipée par les discours. Patrick Roy, malade, affaibli, amaigri, ému aux larmes, avait d’un coup offert une bouffée de la réalité la plus atroce et la plus banale dans l’hémicycle. Tout député qu’on soit, on meurt. On souffre, comme des milliers de gens en France, atteints du même mal, ou d’un autre. D’ailleurs, Patrick Roy avait expliqué, peu après cette sortie publique, qu’il avait reçu de nombreuses lettres de malades le remerciant d’avoir eu le cran d’en parler en si haut lieu, devant tant de gens. Alors qu’en général, on se planque. Alors qu’un cancer, même foudroyant, même rare, est devenu atrocement banal.

L’unanimité va se faire autour de la mémoire de Patrick Roy. Ce sera légitime : en dehors de toute considération sur son combat folklorique pour le heavy metal, tout le monde reconnaissait que le député-maire de Denain était un élu modèle. Travailleur, sérieux, aimé de ses administrés et de ses collègues de droite comme de gauche. Je ne sais pas si c’est cette humanité qui me fait pleurer à cette heure-ci et qui fait que je n’irai pas à l’Assemblée cet après-midi. Quand quelqu’un meurt, on sait bien que c’est à d’autres morts que l’on pense. Et aujourd’hui, je ne pense pas, comme tout le monde, à Ben Laden.

Ben Laden : Obama a aussi vengé Jimmy Carter

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L’opération américaine à Abbottabad a réglé plus d’un compte. Il y avait d’abord l’ardoise du 11 septembre symboliquement effacée avec l’élimination de Ben Laden alias Geronimo (un nom de code US pas très sympa pour les Apaches et les Indiens en général). Mais il y avait aussi une autre dette d’honneur : effacer la catastrophe de « Eagle Claw » (Serre de l’aigle), l’opération désastreuse menée en avril 1980 pour libérer les otages de l’ambassade américaine à Téhéran.

En 1980 la série noire avait commencé par des pannes d’hélicoptères à répétition (leurs moteurs étaient mal adaptés au sable du désert) et on peut imaginer l’angoisse à Washington quand, cette fois-ci aussi, l’opération anti-Ben Laden a débuté avec un engin hors service… Au rayon coïncidences, ajoutons que l’élimination de Ben Laden a eu lieu presque à la date anniversaire de la débandade dans le désert iranien – le 25 avril 1980.

Heureusement, la suite du raid pakistanais a délivré Obama de ce semblant de sortilège. Cela dit, si cette opération a été couronnée de succès c’est notamment grâce aux leçons tirées de l’échec de 1980.

Les combattants qui ont exécuté la mission appartiennent aux commandos de marine, ce qui peut paraitre curieux vu la distance considérable entre Abbottabad et la plage la plus proche (à peu près mille kilomètres…). Sauf que le Commando 6 – l’unité chargée de l’opération – connue aussi comme le NSWDG (United States Naval Special Warfare Development Group), est une structure anti-terroriste créée en 1981 (donc après Eagle Claw) expressément pour ce genre de cas. La logistique, elle a été assurée par le 160e régiment d’opérations spéciales de de l’aviation (SOAR), surnommés les Night Stalkers (en vf, les harceleurs nocturnes ou quelque chose comme ça), formation née, elle aussi, sur les cendres du fiasco de 1980. La tache a donc bien été lavée.

Pour les curieux, et après vérification approfondie l’agent NCIS Ziva David n’a aucunement été impliquée dans l’opération.

Et maintenant, l’Afghanistan

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photo : général Kayani

Les Etats-Unis viennent de remporter une formidable victoire. La localisation et l’élimination d’Oussama Ben Laden sont des succès militaires qui témoignent à la fois des performances des forces spéciales et des services de renseignement américains.

Cette opération incarne pour l’establishment militaire US la nouvelle ère qui s’ouvre avec la nomination à la tête de la CIA du Général Petraeus, commandant en chef des forces en Afghanistan, et celle de Leon Panetta, directeur de la CIA, au poste de secrétaire d’Etat à la Défense. Avec un espion au Pentagone et un spécialiste des opérations spéciales à Langley, les Etats-Unis font savoir au monde que pour eux, dorénavant, la guerre ressemblera plus à l’opération d’Abbottabad qu’aux deux guerres du Golfe.
Mais malgré ce succès opérationnel indéniable, l’enthousiasme des commentateurs semble un peu prématuré. Tuer Ben Laden est une chose, voir le bout du tunnel afghan en est une autre.

La logique des optimistes est simple : les Pakistanais ont caché Ben Laden, puis l’ont livré, ce qui signifie un changement d’orientation stratégique et annonce la fin de la guerre en Afghanistan. Selon cette thèse, les services pakistanais jouent un double jeu : ils coopèrent avec les Etats-Unis qui sont leur soutien stratégique face à l’Inde, mais en même temps, ils protégeaient ses pires ennemis. La preuve ? Si Ben Laden a pu se réfugier au Pakistan, à deux heures de la capitale et assez loin de la frontière afghane, cela signifie évidemment qu’il bénéficiait de complices très haut placés, probablement parmi les chefs de service du renseignement pakistanais. Selon cette logique, s’il a pu être localisé, c’est parce les Pakistanais l’ont bien voulu. Autrement dit, sans la coopération de l’ISI (Inter Services Intelligence, le service de renseignement pakistanais), ou de quelqu’un au sommet l’Etat pakistanais, les Américains n’auraient jamais mis la main sur Oussama Ben Laden.

A partir de ce raisonnement, certains commentateurs tirent la conclusion optimiste suivante : si le Pakistan a décidé de ne plus protéger Ben Laden, c’est qu’Islamabad a changé de politique et qu’il faut donc s’attendre à ce que les Pakistanais ne gênent plus l’effort de guerre en Afghanistan. En conséquence, si l’ISI ne met plus de bâtons dans les roues de la coalition et ne jouent pas perso avec les Talibans, la sortie du bourbier afghan est enfin à portée de main. Malheureusement, ce pari est pour le moins hasardeux.

Premier constat douteux qui sert de base à ce beau raisonnement : l’aide des services pakistanais était indispensable pour localiser Ben Laden et mener à bien l’opération qui a abouti à sa liquidation. En fait, rien n’est moins sûr. Contrairement à une idée reçue, les Américains ne pensaient pas que Ben Laden se cachait dans une grotte – même s’ils étaient probablement ravis que les médias et les opinions publiques avalent cette fable. Pour les professionnels du renseignement, il est un fait acquis que, depuis 2001, la plupart des chefs d’Al Qaida capturés au Pakistan se cachent dans des villes. Khaled Cheikh Mohammed a été capturé à Rawalpindi, quatrième ville du Pakistan, située à quelques dizaines de kilomètres d’Islamabad, et encore plus loin de la frontière afghane que ne l’est Abbottabad. C’est aussi le cas de Ramzi bin el-Shib, intercepté à Karachi en 2002, et d’Abu Zubaydha, « le borgne », arrêté en 2002 à Faisalabad. Chercher les leaders d’al-Qaida dans les plus grandes villes pakistanaises était donc une piste crédible depuis neuf ans.

Quant au rôle joué par les Pakistanais dans cette affaire, les détails fournis – parcimonieusement – par les Américains soutiennent parfaitement leur version selon laquelle ils se sont débrouillés tout seuls : Ben Laden a été localisé grâce à un travail de fourmi[1. L’information recueillie, cumulée et croisée pendant des longues années d’interrogations, notamment à Guantanemo, a joué un rôle très importent], un puzzle composé de milliers de pièces et n’a pas été « livré » pieds et poings liés. La maison d’Abbottabad attirait leur attention depuis un certain temps, et c’est en filant les militants identifiés comme étant les émissaires de confiance de Ben Laden – notamment le dénommé « Ahmed el-Koweiti » – qu’ils ont retrouvé sa trace. A certains moments, les services pakistanais auraient pu être mis à contribution sur une pièce du puzzle, mais cela ne signifie absolument pas qu’ils étaient au courant de l’ensemble de l’enquête. Asif Ali Zardari, le président pakistanais, ne dit pas autre chose quand il déclare que «  Bien que les événements de dimanche n’étaient pas le fruit d’une opération conjointe, une décennie de coopération et de partenariat entre les Etats-Unis et le Pakistan ont mené à l’élimination d’Oussama ben Laden ».

Mais le point le plus faible de l’hypothèse optimiste est l’amalgame entre Al Qaida et les talibans. En réalité, les Pakistanais ont bel et bien joué un double jeu avec Etats-Unis, mais cela concerne l’Afghanistan. Ainsi, l’ISI a plutôt coopéré avec les Américains dans la lutte contre Al-Qaida, justement pour pouvoir mieux les manipuler en complotant dans leur dos avec les talibans afghans, acteurs majeurs d’un conflit d’une grande importance pour les Pakistanais. Islamabad estime que, tôt ou tard, Américains, Français et autres Otanusiens plieront bagage et le laisseront assumer plus ou moins seul leur voisin foncièrement instable. Pour les Pakistanais, il est donc essentiel de se retrouver coûte que coûte du côté des vainqueurs et le seul moyen de s’en assurer est de faire comme Talleyrand ou Fouché : être des deux côtés à la fois…

Or, le problème est qu’aujourd’hui, les Pakistanais n’entendent de la part des alliés, Etats-Unis en tête, que des cris de joie et des déclarations du genre « Ben Laden est mort, prenons notre billet de retour ». Et ce n’est guère rassurant de savoir que dans deux ou trois ans, ils se retrouveront en tête à tête avec les Taliban.
Plus que jamais Islamabad est convaincu que les alliés partiront bientôt et donc plus que jamais l’ISI a intérêt à préparer un lendemain sans OTAN. Quelqu’un voit-il, aujourd’hui plus qu’hier, une raison stratégiquement valable pour que les Pakistanais se rangent, enfin, aux côtés des alliés et se battent franchement contre les Taliban ? Moi non plus…

Ben Laden : pas d’embouteillage dans la rue arabe

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Certes, on n’a rien vu de comparable aux joyeuses fêtes vengeresses de Time Square ou de Ground Zero dans le monde arabo-musulman. Mais avant de s’en indigner, on notera aussi que ce dénouement heureux n’a pas donné lieu non plus à des scènes de liesse populaires en Europe…

De fait, ce qui est étonnant, et réjouissant, c’est que de Nouakchott à Bagdad en passant par Djeddah, on n’a dénombré quasiment aucune de ces manifestations anti-américaines dont la prétendue « rue arabe » avait , nous disait-on, le secret. Quelques vociférations de barbus à kalach ça et là au Pakistan, et puis c’est tout.

Même là où, comme à Gaza, on s’était bruyamment enthousiasmé après le carnage du 11 septembre, on n’est pas descendu dans les rues pour pleurer l’ « assassinat » de leur concepteur[1. En revanche, Ismaïl Haniyeh, le chef du gouvernement du mouvement palestinien Hamas à Gaza, a condamné hier le raid américain qui a tué le chef du réseau Al-Qaida Oussama Ben Laden]. Il faut dire que, par les temps qui courent, pour les régimes en place, laisser se développer des manifestations populaires, fussent-elles pro-Ben Laden, c’est prendre de gros risques. Les manifestations, on sait comment ça commence, et pas forcément comment ça finit.

Sans même parler du monde arabe, on se souviendra, par exemple, que la révolution roumaine s’est déclenchée à l’occasion d’un gigantesque rassemblement de soutien à Nicolae Ceausescu…

« Il faut réduire notre présence en Afghanistan »

photo : Acteurs publics

Jean-Michel Boucheron, député PS d’Ille-et-Vilaine, est membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale et rapporteur du budget de la Défense.

Propos recueillis par Muriel Gremillet

Jean-Michel Boucheron, député PS d’Ille-et-Vilaine, membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale et rapporteur du budget de la Défense.
Il revient sur la mort d’Oussama Ben Laden et ses conséquences pour notre pays.

Quelle est votre première réaction à l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden ?
Il faut souligner ce succès formidable des services secrets américains. Il est d’autant plus significatif en ce moment, alors que le monde arabe est secoué par des révoltes démocratiques, qui sont totalement affranchies de l’idéologie d’Al Qaida et de l’influence de Ben Laden. Sa mort est une bonne nouvelle parce qu’elle signe la mise à l’arrêt du moteur idéologique de la mouvance terroriste. Evidemment, le terrorisme ne va pas disparaître du jour au lendemain, mais sa puissance symbolique n’y survivra pas. Cette cause ne sera plus reconnue par les peuples.

La fin de cette traque aura-t-elle des conséquences sur l’implication de la France et de l’Otan en Afghanistan ?
Il faut revenir aux sources de notre participation à cette intervention : les Etats-Unis avaient été agressés le 11 septembre 2001. En tant qu’alliés, conformément à l’article 5 de la Charte de l’Otan, nous devions les soutenir dans leur guerre. Le but de cette intervention était simple : traquer Al Qaida et Ben Laden, qui avaient revendiqué les attentats, dans leur sanctuaire afghan. Aujourd’hui, ce but est atteint. Il est donc nécessaire de réduire notre présence sur le terrain, et de ne laisser sur place que le contingent nécessaire pour éviter toute reprise d’incendie.

Soyez clairs : demandez-vous un retrait des forces françaises d’Afghanistan ?
Au moins un allégement rapide du dispositif et une organisation différente de notre participation. J’imagine que le gouvernement l’annoncera dans les trois mois à venir. Nous entrons en effet naturellement dans une phase de transition des dispositifs militaires sur place. Nous n’avons plus à traquer sans relâche dans toutes les vallées du pays une organisation aujourd’hui moribonde, puisqu’elle vient d’être décapitée. Puisque les buts de guerre sont modifiés, il n’est même pas nécessaire d’attendre une réunion de l’Otan pour faire évoluer les choses. En clair, nous avons besoin de moins d’hommes, et il faudra nous concentrer sur les efforts de formation de l’armée et de la police afghanes, mettre l’accent sur le renseignement et poursuivre l’effort sur le terrain en déployant des armements plus sophistiqués. Maintenant, c’est aux Afghans de prendre en main leur sécurité et c’est à eux de choisir le type d’organisation démocratique qu’ils souhaitent pour leur pays. Nous n’avons rien à leur imposer.

L’avenir ? La IVe République !

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C’est le casse-tête de tout meccano institutionnel : comment arbitrer entre représentativité et gouvernabilité, c’est-à-dire dans un jeu à somme nulle ? Plus les institutions sont représentatives des divergences au sein de la société, plus il est difficile de dégager un compromis, donc une majorité qui soutienne et accompagne le pouvoir exécutif. Le mode de scrutin n’est donc pas, loin s’en faut, un détail technique, mais un choix politique qui traduit l’importance relative que l’on accorde à la stabilité et à la justice. Avec le scrutin uninominal à deux tours – censé favoriser un bipartisme aussi confortable pour les gouvernants que rassurant pour l’esprit −, la France a clairement donné, en 1958, la priorité à la stabilité. Les Français voulaient être bien gouvernés.[access capability= »lire_inedits »]

Aujourd’hui, ceux-ci découvrent qu’au moins un quart d’entre eux ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale et que la gouvernance du pays n’en est pas pour autant satisfaisante, pour le dire pudiquement. Autrement dit, qu’ils se font avoir doublement. Et on ne voit guère pointer à l’horizon un homme providentiel dont la légitimité charismatique compenserait la carence de légitimité démocratique.

En bref, la Ve République ressemble de plus en plus à un marché de dupes dans lequel le déficit démocratique va de pair avec l’immobilisme – parfois très agité – des gouvernants. La place du Front national dans la vie politique est le symptôme le plus criant du mal : alors que, depuis 2002, il séduit, au fil des consultations, 15% à 20 % des électeurs, il est tout simplement exclu du jeu politique, n’ayant aucun député et un seul conseiller général[1. S’il en va différemment pour les Conseils régionaux et le Parlement européen, c’est précisément parce que, dans les deux cas, les élections se font par liste et avec une forte dose de proportionnelle]. La raison de ce « scandale démocratique » est simple : alors que les autres « petits partis » peuvent monnayer leur désistement, leur entrée au gouvernement, leur abstention ou leur soutien, parfois dans le cadre de marchandages peu ragoûtants, et obtenir ainsi des élus ou des maroquins sans avoir à atteindre avec leurs petits bras la barre des 50 %, le parti de Marine Le Pen est seul. On ne saurait évidemment pas obliger un parti à s’allier à un autre. Tant que les règles du jeu ne changeront pas, le Front ne pourra donc compter que sur l’indiscipline des électeurs pour envoyer des élus à l’Assemblée. Ce n’est pas négligeable : la révolte à basse intensité qui monte dans le pays ne peut que favoriser un parti qui a beau jeu de se présenter comme le seul véritable adversaire du « système » quand, justement, les représentants du « système » répètent en boucle qu’il n’est pas « un parti comme les autres ». Après des décennies de gestion par la droite et la gauche raisonnables, avec les résultats que l’on sait, les Français pourraient précisément trouver que ce « pas comme les autres » est, en soi, assez tentant.

Certes, on n’en est pas là. En attendant, pour la grande alliance des gens convenables qui s’auto-décernent des brevets de républicanisme et s’autorisent à désigner le mouton noir – qui, lui, ne serait pas « républicain » − 20 % des électeurs n’existent pas ou, à l’extrême limite, comme des brebis égarées qu’il conviendrait de rééduquer. Au fait, cette prétention à trier, au sein du peuple souverain, entre le bon grain est l’ivraie, est-elle bien républicaine ?

On peut aussi se demander si le prix payé en termes de démocratie pour une stabilité dont les bénéfices ne sont pas si éclatants que cela n’est pas franchement exorbitant. En effet, ce merveilleux bipartisme qui semblait être le seul moyen de rendre vaguement gouvernable le pays aux milles fromages du Général (qui en recensait un peu moins, me semble-t-il) a eu comme résultat de convaincre nombre d’électeurs que deux écuries se succédaient au pouvoir pour mener peu ou prou la même politique : c’est le règne de « l’UMPS », expression dont on ne sait plus qui l’a inventée, mais que Marine Le Pen a eu l’intelligence de faire sienne. Et il faut bien dire que cette analyse, un peu caricaturale, n’est pas totalement dénuée de fondement.

On me dira qu’aux Etats-Unis, la vie politique est encore plus coulée dans l’acier du bipartisme. En réalité, non seulement il y a en fait 50 partis démocrates et 50 partis républicains dont les contours idéologiques varient d’un État à l’autre, mais on ne sait pas ce que sera l’avenir du mouvement Tea Party. Surtout, le duopole partisan est compensé par de vastes espaces de liberté (de parole et d’action) qui permettent l’expression des différences : fidèles à la devise de leur République, « E pluribus unum », les Américains revendiquent le pluralisme de leur société et de leur culture. Il est vrai que ces différences coexistent d’autant mieux qu’elles savent s’effacer au nom d’une croyance partagée dans le rêve américain et dans une commune allégeance au drapeau − que l’on aimerait parfois observer de notre côté de l’Atlantique.

Mais revenons à notre pays qui, au nom des droits de l’homme qu’il se targue d’avoir apportés au monde, condamne à l’inexistence politique une partie de ses citoyens. Ce rejet des opinions dissidentes hors de l’arc républicain révèle la peur que la France a d’elle-même, comme si laisser les points de vue s’exprimer dans leur diversité était une menace pour la paix sociale et la cohésion nationale. En somme, pour que la République soit « une et indivisible », il faudrait que la société le soit aussi. Or, c’est tout le contraire !

Plus de deux siècles après la Révolution, plus d’un siècle après la loi de 1905, la culture politique française est toujours surdéterminée par la peur d’une guerre civile, d’un éclatement de la société en communautés égoïstes qui aboutiraient au retour de deux Frances ennemies.

Machiavel a noté que la véritable force de la république romaine était l’intensité de ses querelles intérieures bien plus que son unité de façade. Selon le penseur florentin, « la pensée qui resplendit dans les périodes les plus glorieuses de la Rome républicaine, celle qui dans les douze tables consacre une des premières affirmations, quoiqu’imparfaite encore, des droits de l’homme, suscite la lutte entre patriciens et plébéiens […]. Ce fut une lutte qui ne dégénéra presque jamais en guerre civile, qui créa le tribunat, l’appel au peuple, la mise en accusation des magistrats abusant de leurs pouvoirs; lutte toujours dominée par un si grand amour de la patrie qu’elle suscita les plus grands prodiges d’héroïsme et de sacrifice, que le monde pourra peut-être égaler, mais jamais surpasser. » Ils étaient grands car ils assumaient leurs désaccords – ce qui ne les empêchait évidemment pas de les régler souvent à coups de poison ou d’épée. Machiavel n’était pas un droit-de-l’hommiste béat ni un démocrate radical. Peut-être devrions-nous nous approprier cet enseignement et chercher, plutôt qu’à étouffer le débat, à le contenir dans les limites de l’acceptable – c’est-à-dire celles que nous jugeons collectivement comme telles. Mais il est absurde d’autoriser un parti à briguer les suffrages des électeurs pour décréter qu’il est immoral de lui donner sa voix.

Ce mystère et ce don de la pluralité humaine qui les dépasse, au lieu de le redouter, nos gouvernants devraient donc feindre de l’organiser. Voilà pourquoi la France doit, à mon avis, revenir à un véritable régime parlementaire, c’est-à-dire à un mode de scrutin reposant largement sur la proportionnelle . On me dira que François Mitterrand, en faisant un pas dans cette direction en 1985, a suscité des protestations indignées dont on perçoit encore les échos : il serait en quelque sorte l’inventeur du FN, comme si un phénomène politique de cette ampleur pouvait être le fait du prince. Je ne suis pas naïf au point d’ignorer que le Moïse des socialistes n’était pas animé par de nobles sentiments démocratiques mais par l’ambition de semer la pagaille à droite et de refaire l’unité de son camp autour d’un consensus moral. Mais tant pis, je préfère avoir raison avec Mitterrand que tort avec Aubry, Fillon ou les autres.

Oui, je l’avoue, je souhaite un retour à la IVe République qui, malgré sa légende noire, n’a pas tant démérité. Certes, en douze ans, elle a connu 24 gouvernements dont aucun n’a duré plus de seize mois et s’est montrée incapable de maîtriser la crise algérienne – mais est-on si sûr qu’une Ve présidée par Mitterrand, Chirac, Sarkozy ou les autres aurait fait mieux ? N’oublions pas que c’est sous ce parlementarisme si décrié qu’ont commencé les Trente glorieuses, dont la monarchique Ve République a pu recueillir les fruits. Et n’exagérons pas les vertus d’institutions qui allaient si bien au Général mais sont peut-être un costard un peu grand pour ses successeurs. Sommes-nous si sûrs que nos présidents méritent qu’on se soucie de leur donner les moyens de gouverner au sacrifice de la justice la plus élémentaire ?

Cessons de chercher un Père quand nous ne savons plus très bien quel rêve national il incarnerait. Parvenues, pour le meilleur et pour le pire, à « l’égalité des conditions » annoncées par Tocqueville, nos démocraties ne produisent pas tant de candidats à une fonction qu’on puisse encore qualifier de « suprême ». Acceptons nos divisions sans chercher à les camoufler dans des usines à gaz politiques comme l’UMP et, dans une moindre mesure, le PS. Cessons de nous observer dans un miroir déformant. Si nous affrontions notre véritable image, nous découvririons que la France, si elle est moins flamboyante que nous le voudrions, reste une très belle fille.[/access]

La Quatrième République : La France de la libération à 1958

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Das Kapital von Audrey Vernon

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En période de crise, il est de bon ton de revenir à Marx. Confiscation de la plus-value, baisse tendancielle du taux de profit et armée de réserve du capital reviennent sur le devant de la scène comme si le prolétariat était réapparu avec la crise du turbocapitalisme.

Vendredi 6 mai à 22 heures, alors que le gratin de la finance et du people vulgaire célébrera l’élection de Nicolas Sarkozy, des légions d’irréductibles marginaux commémoreront l’anniversaire de Karl Marx. Cela ne nous rajeunit pas mais il aurait fêté ses193 ans la veille.

Pour l’occasion, Audrey Vernon, déjà auteur d’un spectacle aux accents marxo-rothschildiens – Comment épouser un milliardaire ? – remet le couvert au Sentier des Halles. Assez des exégèses convenues des marxistes de salon. Miss Vernon nous ramène à l’essentiel: la vie d’un Marx enfin délesté de son œuvre !

Audrey Vernon a composé une lecture à partir de lettres personnelles inédites en français. Pour une poignée de dollars, pardon d’euros, vous aurez donc droit au récit des aventures enflammées de Marx, de son épouse Jenny, d’Engels et de leur fidèle gouvernante Hélène Demuth. Les mystères de l’ADN étant insondables, vous vous demanderez quel Saint Esprit matérialiste a bien pu féconder Hélène pour donner naissance au petit Friedrich Demuth.

De quoi ravir les fanatiques de la Sainte Famille marxienne, les inconditionnels des Feux de l’amour et tous les amoureux des beaux textes.

Vous avez aimé la voix suave du documentaire de Paris Première sur le calendrier Pirelli… Vous adorerez Marx et Jenny lu par frau Audrey !

Ben Laden : Obama ment au monde entier

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image : contactink

Après la guerre secrète, la guerre psychologique: difficile, voire impossible de démêler le vrai du faux dans les mille et une versions qui circulent autour de la fin de parcours d’Oussama Ben Laden. Et on ne se fiera donc pas a priori aux preuves formelles des uns (cf la fameuse « photo » d’Oussama mort diffusée par la télé pakistanaise et reprise aussi sec par toutes les chaines du monde) ni non plus aux démentis des autres (par exemple, ceux attestant la ferme volonté américaine d’arrêter si possible Ben Laden et non de l’exécuter froidement sur place, sans autre forme de procès).

Pour peu qu’on admette dans ce contexte précis une rhétorique good guys/bad guys –et c’est mon cas – on ne s’étonnera ni ne s’indignera des mensonges des uns ou des autres. Les méchants mentent parce qu’ils détestent la vérité, RAS. Et les gentils brouillent sciemment les pistes pour enfumer l’adversaire, quitte à laisser l’opinion internationale dans le flou. Les anglo-saxons, à la différence des francophones, ont d’ailleurs une expression toute faite et assez claire pour qualifier ce genre de camouflage délibéré, war lies, c’est-à-dire les mensonges de guerre[1. Churchill a eu un mot célèbre à ce sujet « in wartime, truth is so precious that she should always be attended by a bodyguard of lies” (« En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle doit être protégé par une garde reprochée des mensonges »). En conséquence de quoi, l’opération dont l’objectif était de cacher aux Allemands, par un tissu savamment élaboré des fausses informations, les détails du débarquement en Normandie a été appelée « Operation Bodyguard »], lesquels, précisons-le n’ont pas été inventés par les think tanks néocons pour justifier l’invasion de l’Irak : les Navy Seals d’Ulysse y avaient déjà eu recours pour entrer par surprise dans Troie. On notera au passage que ce travestissement des faits n’est pas réservé au traitement a posteriori de l’événement : il l’a précédé, avec son cortège imaginaire de grottes inexpugnables, de drones approximatifs et de coups d’épée dans l’eau qui faisaient tant rire les Guignols. Sans secrets ni menteries, il n’y aurait pas eu de happy end à Abbottabad.

Nous errons, pour reprendre la si belle expression d’Anton Ciliga, au royaume du mensonge déconcertant, ce qui n’est pas en soi un problème, à condition de bien le savoir. Alors quelle grille adopter pour tenter de se faire une opinion sur le cours des événements ? Chacun fera ce que voudra, mais perso, je privilégie une piste : s’en tenir aux faits.

– Ben Laden est mort.
– Ce sont des soldats américains qui l’ont tué.
– Le Président Obama a personnellement assuré la direction des opérations et a assumé cette responsabilité devant le monde entier.
– Le chef d’Al Qaida a été retrouvé au Pakistan en plein cœur d’une ville de garnison et à 300 mètres d’une Académie militaire.
– Les soldats qui l’ont tué sont arrivés et repartis en hélicoptère, ce qui est un mode opératoire généralement utilisé en territoire ennemi.
– Le Conseil de Sécurité de l’ONU a immédiatement légitimé l’opération en se félicitant solennellement de la mort d’Oussama Ben Laden
– On s’est débarrassé du corps en pleine mer[2. Je vous laisse compléter la liste au fil des jours]

Quant au reste, c’est simple : même quand les infos diffusées par la Maison Blanche, le Département d’Etat ou la CIA sont assez vraisemblables, elles sont si inextricablement mêlées à des éléments de pure intoxication qu’on aurait aussi tort d’y croire que de ne pas y croire.

Cela vaut pour les questions de détail (Ben Laden était-il armé, qu’est-il arrivé à son épouse, que s’est-il passé avec le second hélico, etc), celles qui taraudent légitimement les amateurs de belles histoires. Plutôt que d’attendre toute la lumière depuis Washington, faisons plutôt confiance à Hollywood[3. Perso, j’aimerais bien Bruce Willis en chef du commando, Robert Downey Jr en Petraeus et, of course, Denzell en Barack. Je n’ai pas d’idée pour Leon Panetta, sauf si le génial Henri Guybet parle américain sans accent] pour y répondre dans quelques mois.

Mais la suspicion amusée est encore plus de mise pour la question des questions, celle qui concerne le rôle du Pakistan, ou disons plutôt des Pakistanais, tant le pluriel semble obligatoire. Des Pakistanais ont-il aidés Ben Laden ? Probable. Des Pakistanais ont-ils contribué à sa localisation ? Probable aussi. Les premiers sont-ils les adversaires des seconds, ou bien sont-ce les mêmes ? Allez savoir, ou plutôt, n’essayez pas d’aller savoir !

On a assassiné Monsieur Ben Laden !

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photo : UPI/Kevin Dietsch

Ben Laden est mort depuis deux jours et les commentaires télévisés n’en finissent pas de se multiplier, pas toujours très heureusement. L’appel de Marc Cohen qui engageait les tenants de « l’assassinat de Ben Laden » à ouvrir un dictionnaire a été, semble-t-il, entendu mais, à l’évidence, mal compris. Ainsi durant la matinale de Canal+ un intervenant, certainement lecteur studieux de Causeur, a donc préféré parler, lui, du « meurtre du Cheikh Oussama Ben Laden ».

Eh oui, « meurtre » et non plus « assassinat », car il n’y aurait pas de préméditation et il s’agirait donc d’un simple homicide volontaire perpétré par les Américains. Et puis « Cheikh » car il est inimaginable de perdre le sens des convenances avec les victimes.

On se pince. C’est un peu comme si à l’annonce du suicide de Hitler, des journalistes plus pointilleux que la moyenne avaient corrigé leurs confrères en exigeant qu’on parlât du « suicide de Môssieur Hitler, s’il vous plaît ! » Ce même intervenant, à moins que cela en soit un autre, mais disons du même acabit, indiquait sur France 24, que la mort de Ben Laden (Môssieur Ben Laden pardon !) ne changerait rien, car il n’était plus qu’un symbole et pas un chef de guerre. Le même en rajoutait, nous exposant son malaise face à la joie manifestée par certains Américains dès l’annonce faite par Barack Obama.

Résumons, si vous le voulez bien : les Américains, qui sont démesurément rancuniers, ont choisi de tuer un simple symbole en s’exonérant du respect du droit et de la politesse et, cerise sur le Mac Do, ils ont fait preuve d’une grossièreté insigne en fêtant la commission de l’infraction. Bref, il eût été préférable de laisser le Cheikh couler des jours pépères à Abbottabad.

En plus d’inviter certains à consulter des dictionnaires, pourrions-nous avoir l’audace de leur conseiller de réfléchir deux secondes ? Doit-on rappeler que le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont fait l’objet sur leur territoire d’une attaque encore plus meurtrière que celle de Pearl Harbor et qu’il s’agissait là d’une véritable déclaration de guerre ? Une guerre certes moins classique que toutes celles passées, mais une guerre malgré tout, voulue au nom d’un djihadisme global et animée par Ben Laden.

Aussi, présenter l’opération militaire visant à le capturer et l’exécution qui s’en est suivie comme un fait divers ou comme une opération purement symbolique pour ne pas dire de vil marketing, laisse un peu interdit.

Quant à la satisfaction manifestée par certains citoyens américains, comment la leur reprocher ? Il est vrai qu’en France nous sommes so chic et pouvons donc prétendre à être les arbitres des élégances éthiques. Serons-nous bientôt sommés de dire notre malaise rétrospectif quant à l’explosion de joie de millions d’Américains le 15 août 1945, à l’annonce de la reddition du Japon alors que deux bombes atomiques avaient rasé Hiroshima et Nagasaki – qui n’étaient même pas des symboles ?

À rebours de nos moralistes télévisuels et à l’unisson avec Barack Obama, je dis simplement que justice est faite.

France Syrie : une longue et belle histoire commune

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On approche à grands pas du 30ème anniversaire du 10 mai 1981 et de ses commémorations. Aussi aimerais-je y apporter ma modeste contribution. Et puisque la Syrie a fait les gros titres, pourquoi ne pas s’intéresser à la question « Mitterrand et la Syrie », ou plus précisément – car le sujet est vaste – la France et la Syrie de mai 1981 à mai 1982 ? Après tout, il n’y a pas de raison de ne pas le faire, alors, juste faisons le !

Eh bien tout d’abord, l’accueil fait à la victoire socialiste française par le parti Baas, officiellement tout aussi socialiste, au pouvoir au Damas est, comment dirai-je, un peu mitigé. Ainsi, le 4 septembre 1981, Louis Delamare, l’ambassadeur de France au Liban, est assassiné. Selon Olivier d’Ormesson, la Syrie aurait commandité le meurtre avec dans l’intention de punir le président français fraîchement élu pour ses efforts diplomatiques visant à résoudre pacifiquement la guerre civile au Liban.

Le subtil message du socialiste syrien au socialiste français a été reçu 5 sur 5. La preuve ? Cinq mois après le meurtre de Pierre Delamare les troupes d’Assad père écrasent dans un bain de sang terrible l’insurrection des Frères musulmans à Hama. La répression fait entre 10 000 et 20 000 morts mais François Mitterrand ne condamne pas le massacre. Cela dit, on intimide pas si facilement le vieux renard de l’Elysée : début mars 1982, les ruines de Hama encore fumantes, il se rend en visite officielle en Israël, pays qui quelques mois auparavant avait annexé le Golan, perdu par la Syrie en 1967 !

Mais Assad, non plus, ne se laisse pas abattre facilement. Ainsi, le 22 avril 1982 le prestataire de services en terrorisme Carlos organise pour le compte de Damas un attenant à la voiture piégée contre le siège du journal syrien d’opposition Al Watan Al Arabi, rue Marbeuf, à Paris. Un mort, 63 blessés.

Pour enfoncer le clou, Assad décide de célébrer avec fracas le premier anniversaire de la victoire socialiste. Le 24 mai 1982 – en Orient la ponctualité n’est pas une valeur fondamentale – une R12 bourrée de plus de 50 kilos d’explosifs explose dans la cour de l’ambassade de France à Beyrouth. Bilan : 11 personnes, dont 6 membres de l’ambassade, tuées, 27 blessées. Pas grand-chose à côté de Hama.

En fin de compte, tout cela n’a pas empêché un François Mitterrand de moins en moins rancunier et son ministre des affaires étrangères Roland Dumas (nommé en décembre 1982) d’entretenir des relations plus au moins cordiales avec le régime syrien et certains de ses personnages clés. Après tout, comme disait le Parrain, « It’s just business, nothing personal »

Les Iraniens ont observé et retenu la leçon. Quelques années plus tard ils appliqueront la même méthode contre la France avec le même succès.

Un homme brave

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photo : patrick-roy.fr

Patrick Roy est mort. Le député PS de Denain, amateur de hard rock, porteur de vestes rouges et bretteur de première catégorie dans l’hémicycle a succombé cette nuit au cancer du pancréas dont il espérait triompher.

Il y a deux mois, il avait fait son retour à l’Assemblée, amaigri, affaibli, en fauteuil roulant, sa femme lui tenant la main. Pour poser une question d’actualité prétexte. Prétexte à remercier tous ses collègues députés de leur gentillesse, de leur amitié dans la douleur. Et promettre son retour comme opposant farouche, puisque « la vie est belle ». Jusqu’ici vous ne pleurez pas. Moi si.

Je pleure parce que ce jour du retour de Patrick Roy à l’Assemblée, le 15 mars, j’ai vu une bonne partie de la confrérie des journalistes parlementaires, d’ordinaire si portés à l’ironie, la blague, ou le trait assassin, pleurer vraiment. C’était finalement assez drôle de voir tout le monde faire mine de sortir dans le jardin pour aller fumer, y compris les non fumeurs. On a pleuré devant l’humanité du garçon, la simplicité, la drôlerie de celui qui avait brandi un jour en séance Hard Rock Magazine sous les yeux médusés de ses collègues.

On a pleuré aussi parce que, malgré l’espoir, je crois que tout le monde savait que c’était la fin. Qu’en dépit des traitements, de la rémission, de la croyance en un miracle – ça existe – Patrick Roy allait mourir.

C’est assez curieux de se retrouver brutalement confronté à la mort et à son avancée inéluctable dans cet endroit où, bien souvent, on parle pour ne rien dire. Où tout est euphémisé, où la réalité, même la plus brutale, est dissipée par les discours. Patrick Roy, malade, affaibli, amaigri, ému aux larmes, avait d’un coup offert une bouffée de la réalité la plus atroce et la plus banale dans l’hémicycle. Tout député qu’on soit, on meurt. On souffre, comme des milliers de gens en France, atteints du même mal, ou d’un autre. D’ailleurs, Patrick Roy avait expliqué, peu après cette sortie publique, qu’il avait reçu de nombreuses lettres de malades le remerciant d’avoir eu le cran d’en parler en si haut lieu, devant tant de gens. Alors qu’en général, on se planque. Alors qu’un cancer, même foudroyant, même rare, est devenu atrocement banal.

L’unanimité va se faire autour de la mémoire de Patrick Roy. Ce sera légitime : en dehors de toute considération sur son combat folklorique pour le heavy metal, tout le monde reconnaissait que le député-maire de Denain était un élu modèle. Travailleur, sérieux, aimé de ses administrés et de ses collègues de droite comme de gauche. Je ne sais pas si c’est cette humanité qui me fait pleurer à cette heure-ci et qui fait que je n’irai pas à l’Assemblée cet après-midi. Quand quelqu’un meurt, on sait bien que c’est à d’autres morts que l’on pense. Et aujourd’hui, je ne pense pas, comme tout le monde, à Ben Laden.

Ben Laden : Obama a aussi vengé Jimmy Carter

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L’opération américaine à Abbottabad a réglé plus d’un compte. Il y avait d’abord l’ardoise du 11 septembre symboliquement effacée avec l’élimination de Ben Laden alias Geronimo (un nom de code US pas très sympa pour les Apaches et les Indiens en général). Mais il y avait aussi une autre dette d’honneur : effacer la catastrophe de « Eagle Claw » (Serre de l’aigle), l’opération désastreuse menée en avril 1980 pour libérer les otages de l’ambassade américaine à Téhéran.

En 1980 la série noire avait commencé par des pannes d’hélicoptères à répétition (leurs moteurs étaient mal adaptés au sable du désert) et on peut imaginer l’angoisse à Washington quand, cette fois-ci aussi, l’opération anti-Ben Laden a débuté avec un engin hors service… Au rayon coïncidences, ajoutons que l’élimination de Ben Laden a eu lieu presque à la date anniversaire de la débandade dans le désert iranien – le 25 avril 1980.

Heureusement, la suite du raid pakistanais a délivré Obama de ce semblant de sortilège. Cela dit, si cette opération a été couronnée de succès c’est notamment grâce aux leçons tirées de l’échec de 1980.

Les combattants qui ont exécuté la mission appartiennent aux commandos de marine, ce qui peut paraitre curieux vu la distance considérable entre Abbottabad et la plage la plus proche (à peu près mille kilomètres…). Sauf que le Commando 6 – l’unité chargée de l’opération – connue aussi comme le NSWDG (United States Naval Special Warfare Development Group), est une structure anti-terroriste créée en 1981 (donc après Eagle Claw) expressément pour ce genre de cas. La logistique, elle a été assurée par le 160e régiment d’opérations spéciales de de l’aviation (SOAR), surnommés les Night Stalkers (en vf, les harceleurs nocturnes ou quelque chose comme ça), formation née, elle aussi, sur les cendres du fiasco de 1980. La tache a donc bien été lavée.

Pour les curieux, et après vérification approfondie l’agent NCIS Ziva David n’a aucunement été impliquée dans l’opération.

Et maintenant, l’Afghanistan

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photo : général Kayani

Les Etats-Unis viennent de remporter une formidable victoire. La localisation et l’élimination d’Oussama Ben Laden sont des succès militaires qui témoignent à la fois des performances des forces spéciales et des services de renseignement américains.

Cette opération incarne pour l’establishment militaire US la nouvelle ère qui s’ouvre avec la nomination à la tête de la CIA du Général Petraeus, commandant en chef des forces en Afghanistan, et celle de Leon Panetta, directeur de la CIA, au poste de secrétaire d’Etat à la Défense. Avec un espion au Pentagone et un spécialiste des opérations spéciales à Langley, les Etats-Unis font savoir au monde que pour eux, dorénavant, la guerre ressemblera plus à l’opération d’Abbottabad qu’aux deux guerres du Golfe.
Mais malgré ce succès opérationnel indéniable, l’enthousiasme des commentateurs semble un peu prématuré. Tuer Ben Laden est une chose, voir le bout du tunnel afghan en est une autre.

La logique des optimistes est simple : les Pakistanais ont caché Ben Laden, puis l’ont livré, ce qui signifie un changement d’orientation stratégique et annonce la fin de la guerre en Afghanistan. Selon cette thèse, les services pakistanais jouent un double jeu : ils coopèrent avec les Etats-Unis qui sont leur soutien stratégique face à l’Inde, mais en même temps, ils protégeaient ses pires ennemis. La preuve ? Si Ben Laden a pu se réfugier au Pakistan, à deux heures de la capitale et assez loin de la frontière afghane, cela signifie évidemment qu’il bénéficiait de complices très haut placés, probablement parmi les chefs de service du renseignement pakistanais. Selon cette logique, s’il a pu être localisé, c’est parce les Pakistanais l’ont bien voulu. Autrement dit, sans la coopération de l’ISI (Inter Services Intelligence, le service de renseignement pakistanais), ou de quelqu’un au sommet l’Etat pakistanais, les Américains n’auraient jamais mis la main sur Oussama Ben Laden.

A partir de ce raisonnement, certains commentateurs tirent la conclusion optimiste suivante : si le Pakistan a décidé de ne plus protéger Ben Laden, c’est qu’Islamabad a changé de politique et qu’il faut donc s’attendre à ce que les Pakistanais ne gênent plus l’effort de guerre en Afghanistan. En conséquence, si l’ISI ne met plus de bâtons dans les roues de la coalition et ne jouent pas perso avec les Talibans, la sortie du bourbier afghan est enfin à portée de main. Malheureusement, ce pari est pour le moins hasardeux.

Premier constat douteux qui sert de base à ce beau raisonnement : l’aide des services pakistanais était indispensable pour localiser Ben Laden et mener à bien l’opération qui a abouti à sa liquidation. En fait, rien n’est moins sûr. Contrairement à une idée reçue, les Américains ne pensaient pas que Ben Laden se cachait dans une grotte – même s’ils étaient probablement ravis que les médias et les opinions publiques avalent cette fable. Pour les professionnels du renseignement, il est un fait acquis que, depuis 2001, la plupart des chefs d’Al Qaida capturés au Pakistan se cachent dans des villes. Khaled Cheikh Mohammed a été capturé à Rawalpindi, quatrième ville du Pakistan, située à quelques dizaines de kilomètres d’Islamabad, et encore plus loin de la frontière afghane que ne l’est Abbottabad. C’est aussi le cas de Ramzi bin el-Shib, intercepté à Karachi en 2002, et d’Abu Zubaydha, « le borgne », arrêté en 2002 à Faisalabad. Chercher les leaders d’al-Qaida dans les plus grandes villes pakistanaises était donc une piste crédible depuis neuf ans.

Quant au rôle joué par les Pakistanais dans cette affaire, les détails fournis – parcimonieusement – par les Américains soutiennent parfaitement leur version selon laquelle ils se sont débrouillés tout seuls : Ben Laden a été localisé grâce à un travail de fourmi[1. L’information recueillie, cumulée et croisée pendant des longues années d’interrogations, notamment à Guantanemo, a joué un rôle très importent], un puzzle composé de milliers de pièces et n’a pas été « livré » pieds et poings liés. La maison d’Abbottabad attirait leur attention depuis un certain temps, et c’est en filant les militants identifiés comme étant les émissaires de confiance de Ben Laden – notamment le dénommé « Ahmed el-Koweiti » – qu’ils ont retrouvé sa trace. A certains moments, les services pakistanais auraient pu être mis à contribution sur une pièce du puzzle, mais cela ne signifie absolument pas qu’ils étaient au courant de l’ensemble de l’enquête. Asif Ali Zardari, le président pakistanais, ne dit pas autre chose quand il déclare que «  Bien que les événements de dimanche n’étaient pas le fruit d’une opération conjointe, une décennie de coopération et de partenariat entre les Etats-Unis et le Pakistan ont mené à l’élimination d’Oussama ben Laden ».

Mais le point le plus faible de l’hypothèse optimiste est l’amalgame entre Al Qaida et les talibans. En réalité, les Pakistanais ont bel et bien joué un double jeu avec Etats-Unis, mais cela concerne l’Afghanistan. Ainsi, l’ISI a plutôt coopéré avec les Américains dans la lutte contre Al-Qaida, justement pour pouvoir mieux les manipuler en complotant dans leur dos avec les talibans afghans, acteurs majeurs d’un conflit d’une grande importance pour les Pakistanais. Islamabad estime que, tôt ou tard, Américains, Français et autres Otanusiens plieront bagage et le laisseront assumer plus ou moins seul leur voisin foncièrement instable. Pour les Pakistanais, il est donc essentiel de se retrouver coûte que coûte du côté des vainqueurs et le seul moyen de s’en assurer est de faire comme Talleyrand ou Fouché : être des deux côtés à la fois…

Or, le problème est qu’aujourd’hui, les Pakistanais n’entendent de la part des alliés, Etats-Unis en tête, que des cris de joie et des déclarations du genre « Ben Laden est mort, prenons notre billet de retour ». Et ce n’est guère rassurant de savoir que dans deux ou trois ans, ils se retrouveront en tête à tête avec les Taliban.
Plus que jamais Islamabad est convaincu que les alliés partiront bientôt et donc plus que jamais l’ISI a intérêt à préparer un lendemain sans OTAN. Quelqu’un voit-il, aujourd’hui plus qu’hier, une raison stratégiquement valable pour que les Pakistanais se rangent, enfin, aux côtés des alliés et se battent franchement contre les Taliban ? Moi non plus…

Ben Laden : pas d’embouteillage dans la rue arabe

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Certes, on n’a rien vu de comparable aux joyeuses fêtes vengeresses de Time Square ou de Ground Zero dans le monde arabo-musulman. Mais avant de s’en indigner, on notera aussi que ce dénouement heureux n’a pas donné lieu non plus à des scènes de liesse populaires en Europe…

De fait, ce qui est étonnant, et réjouissant, c’est que de Nouakchott à Bagdad en passant par Djeddah, on n’a dénombré quasiment aucune de ces manifestations anti-américaines dont la prétendue « rue arabe » avait , nous disait-on, le secret. Quelques vociférations de barbus à kalach ça et là au Pakistan, et puis c’est tout.

Même là où, comme à Gaza, on s’était bruyamment enthousiasmé après le carnage du 11 septembre, on n’est pas descendu dans les rues pour pleurer l’ « assassinat » de leur concepteur[1. En revanche, Ismaïl Haniyeh, le chef du gouvernement du mouvement palestinien Hamas à Gaza, a condamné hier le raid américain qui a tué le chef du réseau Al-Qaida Oussama Ben Laden]. Il faut dire que, par les temps qui courent, pour les régimes en place, laisser se développer des manifestations populaires, fussent-elles pro-Ben Laden, c’est prendre de gros risques. Les manifestations, on sait comment ça commence, et pas forcément comment ça finit.

Sans même parler du monde arabe, on se souviendra, par exemple, que la révolution roumaine s’est déclenchée à l’occasion d’un gigantesque rassemblement de soutien à Nicolae Ceausescu…

« Il faut réduire notre présence en Afghanistan »

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photo : Acteurs publics

Jean-Michel Boucheron, député PS d’Ille-et-Vilaine, est membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale et rapporteur du budget de la Défense.

Propos recueillis par Muriel Gremillet

Jean-Michel Boucheron, député PS d’Ille-et-Vilaine, membre de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale et rapporteur du budget de la Défense.
Il revient sur la mort d’Oussama Ben Laden et ses conséquences pour notre pays.

Quelle est votre première réaction à l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden ?
Il faut souligner ce succès formidable des services secrets américains. Il est d’autant plus significatif en ce moment, alors que le monde arabe est secoué par des révoltes démocratiques, qui sont totalement affranchies de l’idéologie d’Al Qaida et de l’influence de Ben Laden. Sa mort est une bonne nouvelle parce qu’elle signe la mise à l’arrêt du moteur idéologique de la mouvance terroriste. Evidemment, le terrorisme ne va pas disparaître du jour au lendemain, mais sa puissance symbolique n’y survivra pas. Cette cause ne sera plus reconnue par les peuples.

La fin de cette traque aura-t-elle des conséquences sur l’implication de la France et de l’Otan en Afghanistan ?
Il faut revenir aux sources de notre participation à cette intervention : les Etats-Unis avaient été agressés le 11 septembre 2001. En tant qu’alliés, conformément à l’article 5 de la Charte de l’Otan, nous devions les soutenir dans leur guerre. Le but de cette intervention était simple : traquer Al Qaida et Ben Laden, qui avaient revendiqué les attentats, dans leur sanctuaire afghan. Aujourd’hui, ce but est atteint. Il est donc nécessaire de réduire notre présence sur le terrain, et de ne laisser sur place que le contingent nécessaire pour éviter toute reprise d’incendie.

Soyez clairs : demandez-vous un retrait des forces françaises d’Afghanistan ?
Au moins un allégement rapide du dispositif et une organisation différente de notre participation. J’imagine que le gouvernement l’annoncera dans les trois mois à venir. Nous entrons en effet naturellement dans une phase de transition des dispositifs militaires sur place. Nous n’avons plus à traquer sans relâche dans toutes les vallées du pays une organisation aujourd’hui moribonde, puisqu’elle vient d’être décapitée. Puisque les buts de guerre sont modifiés, il n’est même pas nécessaire d’attendre une réunion de l’Otan pour faire évoluer les choses. En clair, nous avons besoin de moins d’hommes, et il faudra nous concentrer sur les efforts de formation de l’armée et de la police afghanes, mettre l’accent sur le renseignement et poursuivre l’effort sur le terrain en déployant des armements plus sophistiqués. Maintenant, c’est aux Afghans de prendre en main leur sécurité et c’est à eux de choisir le type d’organisation démocratique qu’ils souhaitent pour leur pays. Nous n’avons rien à leur imposer.