« Tintin au Congo, BD raciste », on connaissait. Cette blague belge est inscrite dans notre patrimoine indignatoire depuis belle lurette. Ce qu’on savait moins, en revanche, c’est qu’il existe nombre d’autres bandes dessinées nazies. Tour d’horizon :
Il y a quelques mois, un génie trop injustement méconnu publiait un Petit livre bleu dans lequel il livrait la quintessence de sa pensée politique. Pour lui, « la société des Schtroumpfs est un archétype d’utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme ». Le grand Schtroumpf? Une représentation de Marx. La Schtroumpfette? Une potiche blonde dégoulinante d’une niaiserie toute antiféministe. Quant au méchant sorcier, ennemi juré des lutins bleus, il est laid, avare et affublé d’un nez crochu « comme les capitalistes occidentaux dans la propagande communiste, Gargamel est mû par la cupidité, l’intérêt égoïste et aveugle. Il a tout du juif tel que la propagande stalinienne le représente ».
Dimanche dernier, c’était au tour de Michel Serres, d’alimenter l’autodafé. Dans sa chronique du 18 septembre sur France Info, l’homme s’en prenait à Astérix et Obélix, héros d’un « album de revanche et de ressentiment », faisant systématiquement l’apologie de la violence sous stupéfiants (la potion magique) et typiquement fascistoïde dans son « mépris forcené de la culture ». Il est vrai que les libations des intrépides gaulois se passent souvent hors de la présence du barde, dûment attaché et bâillonné. Ni une, ni deux, Serres décèle là l’illustration d’une maxime célèbre, qu’il attribue (à tort, d’ailleurs) à Goering: « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ».
Et l’on se prend à trembler en se rappelant les horreurs qu’on a sans doute offertes à nos enfants. N’avez-vous jamais songé que le monde enchanté de Winnie l’Ourson, peuplé d’animaux interlopes, n’est peut-être qu’une allégorie de cette bestialité froide tapie en nous et qui ne demande qu’à surgir ? N’avez-vous pas entrevu que l’appétence de l’ursidé pour le miel et sa tendance à chaparder ce nectar n’étaient probablement rien d’autre qu’une apologie de la gourmandise et du vol, autrement dit d’un péché doublé d’un crime ?
Heureusement qu’il reste les poupées. A condition bien sûr qu’on évacue la célèbre Barbie, dont on n’a point encore élucidé le mystère de ses liens avec le Klaus éponyme…
Dimanche, l’interview de DSK par Claire Chazal m’a amené à relire l’article que j’avais rédigé en mai sur le cas Strauss-Kahn. Aurais-je une virgule à y changer ? Hélas, aucune.
Car la prestation de DSK illustre parfaitement l’arrogance d’une élite qui se sent intouchable et en rajoute. Ses « éléments de langage » étaient soigneusement pesés. De quoi s’agit-il ? De ces mots, expressions et ajustements syntaxiques qui permettent aux consultants en communication de contourner la vérité et d’esquiver les faits pour donner une interprétation favorable à certaines pièces du dossier. Eléments de langage dont DSK savait qu’ils ne seraient pas contredits pour avoir, quinze jours durant, négocié les conditions de l’interview avec Claire Chazal.
Derrière chaque mot, se cache un demi-mensonge, une contradiction ou une indignité. DSK dit avoir commis une « faute ». Mais sans la qualifier. Une faute à l’égard de qui ? De sa femme ou de Nafissatou Diallo ? De la bienséance ou du droit des femmes ? On ne le saura pas. S’excuse-t-il de cette faute ? Non. Sans coup férir, il tire du rapport Vance les phrases qui l’arrangent et se garde bien d’en citer les passages embarrassants.
L’ancien ministre ne dit rien de la nature du rapport sexuel (qui dura 9 minutes, de l’entrée de Nafissatou Diallo dans la chambre à sa sortie), si ce n’est qu’il fut « inapproprié ». Il y a quelques années, il avait employé le même mot pour qualifier sa relation avec sa subordonnée au FMI. Mais « inapproprié » au regard de quoi ? D’une morale puritaine anglo-saxonne ? De la bienséance universelle ? Ou du droit commun ? On n’en saura pas plus. DSK n’apporte qu’une seule précision : il ne s’agissait pas d’un rapport tarifé.
Qu’imaginer ? Qu’en 9 minutes, il drague la femme de ménage, lui propose la botte, qu’elle accepte, se livre à lui, lui fait une petite gâterie et s’en va préparer son mauvais plan judiciaire contre lui ? Chacun appréciera la crédibilité de ce scénario.
Au passage, l’ex directeur général du FMI reprend insidieusement la thèse du complot. Sans aucun élément pour alimenter cette rumeur. Mais il est toujours bon de la laisser courir, voire de l’amplifier.
Pour finir, DSK qualifie le rapport Vance de « non-lieu » le blanchissant définitivement alors que ce document ne fait qu’expliquer pourquoi la personnalité de la victime n’est pas suffisamment crédible pour recueillir l’unanimité des jurés, justifiant ainsi la fin des poursuites judiciaires.
Mais le point d’orgue de cet exercice de communication fut marqué par un mélange de contrition (sans réelles excuses ) et de remontrance. Passant soudainement de Mister Dominique à Docteur Strauss-Kahn, DSK nous a asséné ses prescriptions sur la crise européenne (au demeurant insignifiantes, puisqu’on peut résumer sa pensée à « il faut payer ses dettes », ce qui est loin de ce qu’on peut attendre du docteur en économie dont on nous chante les vertus). En agissant ainsi, DSK marque très bien son arrogance : « bon, nous avons parlé un quart d’heure de la faute vénielle que j’ai commise, je vous ai donné toutes les explications, on ne va tout de même pas passer la soirée la-dessus, hein ? Maintenant que cette affaire est close, j’ai des choses sérieuses à vous dire, veuillez m’écouter » semble-t-il nous marteler doctement. Circulez, il n’y a plus rien à voir.
A travers cette manœuvre, DSK nous dévoile son jeu. Il n’a pas de temps à perdre pour revenir dans l’arène politico-économique. Une crise est en cours et il entend bien peser sur son évolution. Non en jouant les premiers rôles lors de la présidentielle – c’est maintenant impensable – mais tout de suite après. Ou même pendant. Martine Aubry en a d’ailleurs fait les frais puisqu’il a révélé (alors qu’elle le réfutait) l’existence d’un pacte de non-agression entre eux. Désormais,tout le monde sait qu’elle est candidate par défaut. Voilà qui va l’aider…
Au cours des prochains mois, il sera intéressant d’observer quel crédit accordent les Français à cet homme qui a méprisé la vérité et affiché son arrogance envers tous ceux qui – d’une manière ou d’une autre- ont été blessés par son comportement.
Chaque semaine jusqu’à l’élection présidentielle, la “Battle”sur Yahoo ! Actualités confronte les éditos de Rue89 et Causeur sur un même thème. Bientôt les deux rédactions croiseront les tweets !
La rédaction
On vous l’a dit et répété : le PS nous donne une belle leçon de démocratie. Et nous, la démocratie, on aime ça. Et puis, il nous parle des vrais-problèmes-des-Français. Et nous, les vrais-problèmes-des-Français, il n’y a que ça qui nous intéresse. Il faut être de très mauvaise foi pour observer que la sexualité tourmentée d’un seul socialiste passionne plus les foules que les échanges courtois et distingués entre 6 de ses camarades : entre ébats et débat, les Français ont choisi. D’accord, le débat citoyen entre les six candidats à la primaire du même nom a rassemblé 5 millions de téléspectateurs. Mais la confession de DSK en a attiré 13 millions. C’est sans doute la preuve que les Français veulent tourner la page. Ou peut-être qu’ils trouvent Claire Chazal plus jolie que David Pujadas.
Il serait également inconvenant de remarquer qu’il a suffi d’une petite phrase de l’ex-futur sauveur de la Gauche et du pays pour faire exploser la belle entente entre nos six personnages en quête d’hauteur. « Menteuse ! », « traître ! » : depuis dimanche soir, à Solférino, il y a du sang sur les murs. Il est vrai que la droite n’a aucunement besoin de primaires pour prouver aux électeurs que le « débat politique » – si on ose encore employer ce terme – est structuré par des querelles d’égos et des haines recuites bien plus que par des divergences idéologiques. Si sur l’essentiel – dette publique, mondialisation et tout le toutim – il n’y a pas de différences fondamentales entre, par exemple, Hollande et Fillon (l’un proposant d’inscrire la règle d’or dans la loi, l’autre dans la Constitution), il y en a encore moins entre Sarkozy et Villepin. Et c’est bien parce que les grands partis ne sont plus que des machines à distribuer des postes que notre vie politique est un champ de ruines. Les primaires ne font que prendre acte de cette évolution en officialisant en quelque sorte le double-bind par lequel les prétendants sont sommés d’être à la fois rivaux et alliés, autrement dit d’afficher simultanément leur différence et leur cohérence.
Mais la véritable entourloupe est ailleurs. Pourquoi les primaires sont-elles une proposition que même la droite ne peut pas refuser – Valérie Pécresse ayant annoncé que l’UMP aurait les siennes…en 2017 ? « Les 9 et 16 octobre, c’est pas Marcel, c’est moi qui décide », peut-on lire sur le ravissant débardeur (marcel…) que m’a offert un ami socialiste et facétieux. Qui résisterait à une telle promesse ? Être contre les primaires, c’est comme être contre la parité, le mariage homosexuel ou l’arrêt du nucléaire : c’est ringard. Or, comme le rappelle Jean-Claude Michéa dans Le Complexe d’Orphée[1. Le Complexe d’Orphée – La Gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, (Climats/Flammarion, à paraître en octobre)], la Gauche, c’est « le parti de demain » : elle n’en finit pas de courir vers l’avenir radieux de la démocratie totale et planétaire avec le vieux monde à ses trousses. Sauf qu’il n’y a plus de vieux monde. Et c’est bien le problème. L’idée même d’une hiérarchie verticale entre maître et élève, représentant et représenté, gouvernants et gouvernés répugne à nos esprits démocratiques. Il y aurait quelque chose de scandaleusement aristocratique dans le fait que nous choisissions « les meilleurs d’entre nous » pour gouverner et, avant cela, élaborer et proposer des visions du monde et des projets pour la collectivité.
Le résultat, c’est que l’action politique consiste à demander aux citoyens, par voie de sondages et parfois d’élections, ce qu’ils veulent entendre, comment ils veulent l’entendre et maintenant de qui ils veulent l’entendre. On nous interrogera bientôt sur la couleur de la cravate du candidat idéal.
C’est ainsi qu’en 2007, le militant socialiste a été prié de choisir celle dont les sondages, donc les journalistes, juraient qu’elle était la meilleure. Avec le succès que l’on sait. Ségolène Royal appelait ce système parfaitement autoréférentiel « démocratie participative ». Il serait plus judicieux de parler de « démocratie d’opinion ». Or, contrairement au peuple, l’opinion, on sait où la trouver : dans les sondages et les courbes d’audience. Dans ces conditions, il faut peut-être aller plus loin que les primaires et saluer la Fondation Terra Nova qui, il y a quelques mois, proposait courageusement de remplacer le vote, ce vieux machin du siècle passé, par un immense sondage. Cela aura au moins l’avantage de réduire le déficit budgétaire.
Bien meilleur en off qu’en in, Dominique Strauss-Kahn aurait confié aux journalistes de TF1 pressentir la future désignation de François Hollande, nous apprend le site des Inrocks. Alors qu’il réservait sa gratitude compassée envers Martine Aubry aux millions de téléspectateurs qui n’avaient rien de mieux à faire ce soir-là que de somnoler devant Claire Chazal, DSK est aussi revenu sur le destin de son ex-rivale Ségolène Royal.
Lucide et juste, donc cruel, il aurait qualifié de sectaire le rapport entretenu par les ségolistes à leur championne. Bien vu : devant un déficit abyssal de ligne politique (qui sait aujourd’hui ce que pense Ségolène Royal du protectionnisme, du libre-échange ?), le lien césariste entre la cheftaine et ses ouailles repose sur sa seule personne, ô combien adulée à Désirs d’avenir. Une vraie Eva Peron, le justicialisme en moins- ce qui ne fait pas grand-chose[1. Le rectificatif suivant a été publié hier soir par Les Inrocks à la demande de l’entourage de DSK : « DSK ne se serait pas autorisé à prendre personnellement position. Il a juste expliqué que les sondages semblaient donner Hollande vainqueur dans la primaire mais que l’on n’en savait rien puisque l’on ne connaissait pas le corps électoral ». A notre avis, en vrai, ce rectificatif ne rectifie pas grand chose, et pas violemment…].
Après la reconversion réussie de Jean-Marie Le Pen en chansonnier, on se plairait à voir DSK dans les habits d’un éditorialiste à la Jean-Michel Apathie ou Alain Duhamel. Il distribuerait les mêmes sermons exaltant la mondialisation heureuse et les bienfaits de l’euro, à ceci près que l’ancien ministre des Finances sait de quoi il parle.
Et oui, au FMI, en sus de Mme Nagy, il s’est aussi frotté à la dure réalité des marchés financiers…
Au creux de l’été, pendant l’entracte du remake de Un Éléphant, ça trompe énormément qu’a offert DSK au monde, les marchés − cela n’a pas pu vous échapper − se sont invités dans l’actualité, et pas qu’un peu. Nasdaq, Nikkei, CAC 40 se sont littéralement personnifiés. En plein mois d’août, ils ont arbitré, reculé, plongé et finalement dégringolé quinze jours d’affilée… Il n’y en a alors plus eu que pour eux : on guettait leur réveil à Tokyo, on les bordait à leur coucher à New York, on leur prenait le pouls toute la journée, on a tout fait pour les convaincre, les rassurer, on a prié pour que leur état s’améliore. Tocsin de rigueur et mini-sommet franco-allemand, rappel de troupes ministérielles au trot. Obama et Sarko ont même ressorti le téléphone rouge pour s’appeler la nuit et parler traitement de cheval.[access capability= »lire_inedits »] Toute cette sollicitude pour le symbole aveugle et sans âme de la finance mondialisée, beaucoup de bruit pour des marchés que l’argent public a déjà repêchés en 2008 car souvenons-nous qu’en renflouant les banques, ce sont bien aux marchés qui, via la titrisation, avaient permis aux dettes pourries de croître et de se multiplier, qu’on sauvait la mise.
Les avisés donneurs d’avis rappelés d’urgence des plages pour passer dans le poste nous rebattent les oreilles avec la « volatilité » de ces divins marchés. Si le terme boursier évoque le vol fantasque et poétique de l’oiseau en liberté, le dictionnaire indique mieux la fumeuse réalité : la volatilité est le « caractère de ce qui se transforme facilement en vapeur ».
Ce qui crève les yeux dans les mesures adoptées en urgence pour rassurer nos nouveaux maîtres, c’est le soin tout particulier pris par le gouvernement pour épargner le citoyen moyen, celui-là même qui, en 2008, réglait l’addition tout en servant d’alibi, puisque c’est soi-disant son épargne que l’on préservait en comblant le déficit du système financier avec l’argent public.
Les marchés n’ont pas fini de nous faire marcher et ce n’est malheureusement pas qu’un jeu de mots à 2 euros. L’austérité qui nous est infligée au retour des bains de mer n’a qu’un objectif : promettre aux marchés financiers un retour aussi rapide que possible à la croissance dont ils se repaissent. Mais, à supposer qu’elle ne soit pas au rendez-vous, qu’est-ce qui les empêchera de nous refaire une syncope ? Et d’exiger que, par de nouvelles mesures, on sacrifie cette fois le citoyen moyen sur l’autel de leur avidité ?
La croissance et le marché ont en commun de mesurer bêtement une agitation. La première mesure l’activité, qu’importe l’activité pourvu que ça s’active, le second un volume d’échanges, qu’importe ce qu’on échange pourvu que ça s’échange ! Aucun dirigeant politique ne semble s’apercevoir du fait que cette agitation s’opère désormais au détriment de la collectivité, livrant les citoyens à un piège fatal : soit la croissance les précarise et détruit leurs emplois, soit l’austérité les étrangle.
Entre la politique et la finance, il n’y a pas affrontement mais alliance
Il est abracadabrantesque que des États qui réagissent au quart de tour quand ils sont mis devant le fait accompli de la finance en déroute n’exigent rien en contrepartie et, sans même parler de sanction, ne mettent en œuvre aucune mesure convaincante pour contenir leur boulimie galopante et réglementer ou encadrer ce grand jeu de Monopoly mondialisé.
Dans les médias, on fait dans l’offuscation résignée : « Le pouvoir politique a perdu contre le pouvoir de l’argent ». En somme, la finance se serait payé la démocratie. Or, ce sont plutôt les démocraties qui ont payé pour que la finance puisse continuer sa partie. Il est étrangement naïf ou bien pernicieux de postuler que ces deux pouvoirs sont ennemis. Comme si les politiciens étaient par nature plus proches des intérêts de la masse de ceux qui les ont élus que des intérêts particuliers de ceux qu’ils côtoient tous les jours. En réalité, s’ils savent exhiber leurs muscles pour dégommer un régime encombrant ou leur belle union au moment de sauver l’outil du capital, face à leurs homologues de la finance, ce n’est pas le pouvoir qui leur fait défaut mais la volonté. Aussi ne faut-il pas tant espérer un bras de fer entre eux que se méfier de leurs alliances objectives et de leurs ententes tacites.
Les racines financières du mal restent intactes et, cette fois, le message adressé aux marchés et aux citoyens est encore un peu plus clair : le contribuable est à la disposition du lobby financier, non seulement comme main d’œuvre malléable – ça, on le savait – mais aussi désormais comme caution solidaire. Enfin, façon de parler.[/access]
Elle est la première femme a avoir montré ses seins à la télé italienne, elle a tourné plus de 40 films pornos, elle avait aussi proposé en 2006 à Oussama Ben Laden de coucher avec lui pour qu’il « renonce au terrorisme » (elle avait, dans les années 90, fait le même genre de propositions à Saddam). La Cicciolina est aujourd’hui, à 60 ans une honorable retraitée du Parlement italien et, à ce titre, touche une pension de près de 39 000 euros par an pour avoir siégé 5 ans durant.
Hélas pour elle, comme nous l’apprend The Guardian, la colère gronde en Italie au moment où le gouvernement enquille plan d’austérité sur plan d’austérité et que la note de solvabilité du pays est dégradée par S&P.
Ilona Staller, le vrai nom de la Cicciolina, n’est pas une exception. Des milliers de parlementaires à la retraite bénéficient de la même pension à vie. Mais l’ancienne star du porno est particulièrement visée, dans la mesure où pour certains, son œuvre législative laisserait à désirer, avec notamment de nombreuses propositions de lois pour créer des « love hotels ». Elle se défend, expliquant qu’elle a aussi œuvré pour les visites conjugales en prison, ou encore le développement de l’éducation sexuelle à l’école. Ilona Staller note aussi qu’elle n’est ni pire, ni meilleure que les autres retraités de la politique et que ce serait injuste qu’elle ne bénéficie pas de sa pension.
Selon certaines estimations, citées par le Guardian, les élus locaux du pays (du parlement aux conseils municipaux) coûteraient au budget de l’Etat 1,3 milliard d’euros par an. Des élus -bizarrement- épargnés pour l’instant par l’austérité générale.
Cela fait maintenant plusieurs mois qu’on nous le serine matin, midi et soir : l’espoir des révolutions arabes se trouve du côté d’Ankara.
Le « modèle turc », présenté comme l’alliance harmonieuse de la démocratie, de l’Islam et de la croissance économique. Ne craignez rien, braves gens, à Tunis, au Caire, à Tripoli, les barbus de Ennahda, des Frères musulmans et assimilés vont peut-être gagner les prochaines élections, mais leur islamisme sera mo-dé-ré !
Lobbyiste depuis de longues années de l’AKP[1. Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement)] auprès de l’opinion publique française, Bernard Guetta répète en boucle que ce parti est à la Turquie ce que la démocratie chrétienne est à l’Allemagne : un parti conservateur respectueux des libertés démocratiques, principal artisan du miracle économique turc.
Arrivé au pouvoir en 2002 à l’occasion d’élections législatives sans bavures, ce parti, aujourd’hui dirigé par le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a remporté tous les scrutins avec des majorités accrues : aux législatives de juin 2011 l’AKP obtenait près de 50% des suffrages, sans toutefois atteindre la majorité des deux tiers souhaitée par le premier ministre pour modifier profondément la Constitution du pays. Officiellement, la Turquie affiche des taux de croissance insolents au regard de la stagnation du PIB des pays européens.
Certes, mais le « miracle économique turc » n’a pu se réaliser que sur les fondations solides établies par des décennies de gouvernement kémaliste laïc : développement d’entreprises de taille européenne, voire mondiale, émergence d’une classe moyenne éduquée dans des universités échappant au contrôle des dignitaires religieux, émancipation des femmes à un niveau inégalé dans le monde musulman. Les islamistes turcs n’ont donc pas construit la prospérité relative de ce pays : ils en ont hérité et ont eu, dans un premier temps, l’intelligence de ne pas en saper les fondements par une réislamisation brutale de la société et des institutions. Ce n’est pas l’envie qui leur manquait, mais ils se sont montrés suffisamment réalistes pour remettre à plus tard ce projet ambitieux et funeste s’ils voulaient se maintenir au pouvoir.
Les islamistes des pays où s’est déroulé le « printemps arabe » héritent, eux, d’économies dévastées, de taux de chômage réel stratosphériques ou, pour la Libye, de la « malédiction de la rente ». Les pétrodollars ont en effet, dans les sociétés arabo-musulmanes, fâcheusement tendance à se concentrer dans quelques mains qui les réinvestissent dans les économies des pays développés. Les peuples de ces pays rentiers n’en voient jamais la couleur, comme en Algérie.
Faire croire que le « modèle turc » puisse constituer le salut immédiat des pays arabes libérés de la tyrannie est donc une escroquerie intellectuelle.
Ce n’est pas d’islamistes prétendument modérés dont ces pays ont besoin, mais d’équivalents modernes d’Atatürk, d’une laïcisation de la société et des institutions, indispensable au décollage de leurs économies.
Et cela d’autant plus que le modèle turc risque, dans les prochains mois, de connaître quelques turbulences. Notre turcolâtre national de la matinale de France-Inter a omis de signaler à ses auditeurs que ses amis de l’AKP sont de fieffés clientélistes. Ainsi, la dette du pays a doublé au cours des dix huit mois précédant les élections législatives de juin 2011, non pas du fait de la crise économique (la croissance turque est restée relativement stable), mais par une politique de crédits à très bas taux accordés aux consommateurs et aux petites entreprises de l’espace rural. Le déficit public atteint aujourd’hui un niveau grec avec 9,5% du PIB…
Comme la Turquie n’a pas de pétrole, c’est sur le marché international des capitaux que l’AKP finance la constitution de sa clientèle électorale. Une bulle de crédit est en train de se constituer, dont l’éclatement prochain n’est pas à exclure…
Cela n’est pas sans rapport avec le tournant diplomatique opéré récemment par Erdogan : faire vibrer la corde nationaliste est une recette éprouvée lorsque l’horizon économique et social s’assombrit. Jouer des muscles sur la scène internationale, en prenant Israël comme punching-ball, ne coûte rien et produit de belles images télévisées de triomphe personnel au Caire, à Tunis ou à Tripoli. Cela fait passer la pilule des restrictions des libertés publiques (arrestations arbitraires de journalistes ou d’officiers généraux accusés de complots imaginaires).
Il s’agit aussi d’entraîner dans la spirale de la surenchère nationaliste une opposition laïque représentée par le CHP (Parti républicain du peuple) qui avait entrepris un important travail de rénovation interne et qui avait montré sa force dans la « Turquie utile », celle qui travaille, produit et innove dans l’ouest du pays. Cela s’était traduit par une nette victoire du CHP dans ces régions lors des dernières élections.
Même s’il ne s’agit là que de pures gesticulations – l’installation dans l’est du pays d’éléments du bouclier antimissile américain en est la meilleure illustration – on peut craindre que ces islamistes « modernes » échouent à l’examen politique décisif : celui de laisser paisiblement se dérouler une alternance démocratique.
Je ne sais pas si la France est La République des mallettes mais depuis quelques jours, elle est la République des offusqués. Comme si les « révélations sans preuves » de Robert Bourgi et la publication de l’enquête de Pierre Péan nous avaient subitement fait découvrir, dans les coulisses de la politique, un monde d’ombres peuplé de drôles de conseillers et de valises de cash qui seraient plus à leur place dans un film de Scorcese que dans une réception officielle. Le paysage médiatique et l’échiquier politique sont en émoi : de l’argent sale ? Des éminences noires ? Le plus grand scandale que la République ait connu !
Assurément : depuis le dernier et jusqu’au prochain.
Dans cet élan de vertu aussi œcuménique qu’un potentat africain distribuant ses largesses de gauche et de droite, il faut, au risque de choquer, rappeler une évidence : il n’existe pas d’affaires humaines et certainement pas d’affaires politiques sans corruption. Peut-être y en a-t-il même dans les médias, enfin dans les autres médias. Il est sans doute moins onéreux d’acheter la complaisance d’un journaliste que la bienveillance d’un chef d’Etat. Reste que de l’argent pas très casher, il y en a dans tous les pays, dans tous les secteurs d’activité, à tous les niveaux. Montesquieu aurait pu écrire que le pouvoir modéré corrompt modérément. Et sauf à parier sur une amélioration spontanée de l’espèce humaine, ce sera sans doute le cas jusqu’à ce que nous décidions de placer aux manettes des robots ou un nouveau Robespierre – perspectives somme toute assez peu engageantes.
S’agissant de la contribution des amis africains de la France à notre vie politique, ceux qui poussent les hauts cris devant les caméras vous expliquent en privé et en rigolant que tout le monde savait. Et que tout le monde a eu sa part. Hommes d’affaires avisés, les Bongo et consorts savaient qu’en démocratie on ne sait jamais – raison pour laquelle ils n’étaient pas très preneurs pour eux-mêmes – et qu’il valait mieux ne pas insulter l’avenir. Cela explique qu’au-delà de quelques déclarations rituelles, personne n’ait très envie de soulever le couvercle d’une marmite où mijote un ragoût aussi peu ragoûtant.
Certes, comme le dit ma boulangère, parfois y’a de l’abus, en l’occurrence de l’abus d’abus. Il n’est pas très reluisant moralement que les campagnes électorales françaises soient (ou aient été) financées par de l’argent volé aux Africains – même si cet argent leur aurait été volé de toute façon. Il serait également fâcheux que la politique de la France soit (ou ait été) surdéterminée par la générosité de tel ou tel chef d’Etat. En clair, que des régimes soutenus par Paris aient manifesté leur reconnaissance en « arrosant » pouvoir et opposition n’est pas très glorieux mais c’est la vie. Si on les a soutenus, y compris militairement, dans le seul but de stimuler ou de récompenser leur générosité, c’est une autre affaire : cela signifierait que l’intérêt national a purement et simplement été affermé aux partis qui briguent nos suffrages. Et que des soldats français sont peut-être morts pour que Tartempion conserve sa circonscription ou Duchemoll sa mairie.
« Nous voulons savoir ! », clament les vertueux. Peut-être est-il préférable que nous ne sachions pas. N’oublions pas que la pureté est parfois aussi dangereuse que le vice. De toute façon, il paraît que tout ça, c’est fini. Avec les juges en embuscade, le risque de se faire pincer est trop grand. Et puis Bongo et les autres sont morts – et leurs successeurs, ces ingrats, déroulent le tapis rouge aux Chinois et aux Américains qui ont certainement des frais, eux aussi, qu’est-ce que vous croyez ?
En attendant, dans ce concours d’indignation, on a perdu de vue le véritable motif d’inquiétude qui est que l’arène politique ressemble à une école maternelle. Ces jours-ci, tous les chemins boueux parsemés de rétro-commissions et de coups tordus semblent en effet mener à l’affrontement entre balladuro-sarkozystes et chiraco-villepinistes, appellations qui montrent bien qu’on a affaire à des clans affiliés à un chef plutôt qu’à des courants politiques. « Qu’est-ce qui opposait si durement Armagnacs et Bourguignons, yéyés et rockers, jospinistes et fabiusiens ? », demande Basile de Koch[1. Histoire de France de Cro-Magnon à Jacques Chirac, La Table Ronde, 2005].
Oui, pourquoi tant de haine entre Longevernes et Velran[2. Les deux villages dont les enfants s’affrontent dans « La guerre des boutons »], balladuriens et chiraquiens ? La réponse est aussi simple que désolante : le pouvoir – et, selon les méchantes langues, le magot nécessaire pour y arriver ou le conserver – fut le seul et unique enjeu de cette guerre de quinze ans entre amis de trente ans. Chirac est à la retraite, Balladur n’en est pas loin et les moins de 20 ans n’ont sans doute aucune idée de ce que fut ce choc de titans. La haine est toujours là, dépourvue de toute motivation idéologique mais aussi solide qu’entre deux familles corses fâchées à mort pour un âne disparu.
Alors qu’ils prennent le pognon s’ils ont la sottise de croire que c’est comme ça qu’ils gagneront nos voix. Mais qu’ils cessent de transformer le débat public en cour de récré. Parce que les électeurs, dont la patience a des limites, pourraient les envoyer au piquet. Sans compter que dans les écoles d’aujourd’hui, une partie de billes peut finir dans le sang.
Il a eu raison de ne pas nous dire « ce qui s’était réellement passé » dans la chambre su Sofitel, mais il aurait pu nous épargner cette mauvaise mise en scène, notre séducteur désormais rangé des voitures. Défendre son honneur, soit, mais dans ce décor de confessionnal pour reality show ?
Tout cela sentait la fabrique, la grosse ficelle de communicant : on imaginait les besogneux chargés de son image continuant à lui souffler, depuis la coulisse, son monologue millimétré. DSK, hier plus que jamais, a démontré qu’il n’était, lui aussi, qu’un produit politique pour temps de disette, muselé par des professionnels malhabiles et des affidés.
L’ensemble de la séquence TF1 fut un curieux mélange de sueur et de paillettes, un pauvre scénario cosigné par des créatifs d’Hollywood-sur-Seine. Quelle forme de sincérité résisterait à ce traitement ? Que penser d’une confession « en direct live », dont chaque « période » est balisée par un titre et une photographie, transmis par un écran judicieusement placé derrière la journaliste : « La justice américaine », « Nafissatou Diallo », « Les primaires socialistes », « L’avenir » ?
En vertu de quoi DSK n’avait guère d’autre choix que de jouer, ou surjouer les acteurs studieux : il a donc repris les mimiques et les « grimasques » de Robert De Niro dans Les Affranchis de Scorsese. On pourra penser ce qu’on veut de sa prestation, une chose est certaine : ses scénaristes méritent plutôt un Gérard[1. Les Gérard du cinéma et de la télévision : joyeux et cruel mélange de cérémonie dérisoire et de revue satirique annuelle, qui vient « récompenser » les plus mauvais films, auteurs et acteurs du cinéma français, c’est dire s’ils ont du boulot…] qu’un Oscar.
On a souvent dit que l’étonnante indulgence des Italiens à l’égard des frasques de Silvio Berlusconi s’expliquait par ses bons résultats économiques. Si c’est le cas, il ne faut peut-être pas parier sur la longévité du gouvernement de droite, soutenu par trois forces politiques : le Popolo della Libertà, PDL, qui est la « propriété personnelle » du Président du conseil ; la Ligue du Nord, de plus en plus divisée entre les amis du fondateur, Umberto Bossi, et ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni ; et enfin les transfuges d’autres partis, séduits par bien des promesses et des cadeaux.
Au cours de l’été, le gouvernement Berlusconi a rencontré un obstacle de taille : les marchés financiers mondiaux, qui ont visiblement perdu leur confiance dans la solidité économique de la Péninsule, ont boudé les titres émis par le Trésor italien pour financer sa dette (BOT).[access capability= »lire_inedits »] Les Italiens sont traditionnellement des épargnants et ils ont l’habitude de racheter les BOT. Mais avec une dette publique qui dépasse désormais les 1900 milliards d’euros, soit 120 % du PIB, l’épargne des ménages ne suffit plus. Au milieu de l’été, les hésitations et la défiance de la finance internationale ont forcé l’Italie à augmenter les intérêts payés aux investisseurs sur les BOT et les autres titres émis par l’État, créant le risque d’une spirale de méfiance et de spéculation « à la grecque ». Certes, la Banque centrale européenne a calmé le jeu en rachetant des dizaines de milliards d’euros de titres italiens et espagnols. Mais la contrepartie de son intervention a été l’adoption en urgence, à la mi-août, d’un plan de rigueur draconien visant à réduire les déficits de 45,5 milliards d’euros sur deux ans (2012 et 2013) en conjuguant la contraction des dépenses de l’État et la hausse des impôts. Le gouvernement Berlusconi a engagé sur ce terrain sa crédibilité internationale – du moins ce qu’il en reste.
Plus question de « faire payer les riches »
Seulement, il a suffi de quelques semaines pour que ces bonnes résolutions apparaissent comme des promesses d’ivrogne. En effet, le plan annoncé alors que les attaques spéculatives étaient à leur paroxysme se réduit comme une peau de chagrin. La mesure la plus symbolique était l’instauration, pour deux ans, d’un impôt de solidarité sur les revenus des contribuables les plus riches − 5 % de 90 000 à 150 000 euros et 10 % au-delà. Mais ce choix était socialement trop juste pour ne pas scandaliser les amis de Silvio Berlusconi. Après quelques jours de calme relatif sur les marchés financiers, Berlusconi est revenu sur l’idée de s’en prendre aux riches, préférant parier sur une énième réforme des retraites. Le 29 août, le plan de rigueur a été complètement révisé et l’impôt de solidarité a disparu. Afin de limiter les polémiques, il a été maintenu pour les seuls membres du Parlement qui gagnent souvent beaucoup d’argent en exerçant une deuxième profession. Adopté pour trois ans, le nouveau plan restreint la possibilité de partir à la retraite pour les travailleurs âgés de moins de 65 ans en supprimant la possibilité de « racheter » les années d’université et même de service militaire. Il prévoit également la disparition des 110 « provinces » (départements), ainsi qu’une diminution du nombre de parlementaires, mais ces deux mesures sont assez hypothétiques dans la mesure où elles impliquent une révision constitutionnelle difficile à mettre en œuvre pour un gouvernement disposant d’une très faible majorité.
La première version de la rigueur berlusconienne était certainement discutable et difficilement supportable pour la population, mais au moins garantissait-elle une réduction rapide du déficit. La nouvelle version est une boîte à moitié vide dès lors que Berlusconi n’a pas les moyens politiques de mener à bien les révisions constitutionnelles nécessaires. Dans ces conditions, on peut s’attendre à de nouvelles attaques des marchés contre la dette italienne. Le gouvernement devra alors bricoler dans la confusion un troisième plan dont rien n’assure qu’il fera renaître la confiance des marchés échaudés par l’échec des deux premières moutures. Le premier responsable de ce fiasco annoncé, c’est évidemment Berlusconi qui n’a ni l’habileté personnelle ni la capacité politique d’inscrire l’austérité inévitable dans le cadre d’une authentique réforme fiscale qui permettrait non seulement de retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire mais aussi de renouer avec la croissance – qui ne devrait pas dépasser 1 % en 2011. Autant dire que le « Cavaliere » est dans le pétrin, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. L’ennui, c’est que l’Italie l’est aussi. On me permettra de penser que c’est bien plus inquiétant. [/access]
« Tintin au Congo, BD raciste », on connaissait. Cette blague belge est inscrite dans notre patrimoine indignatoire depuis belle lurette. Ce qu’on savait moins, en revanche, c’est qu’il existe nombre d’autres bandes dessinées nazies. Tour d’horizon :
Il y a quelques mois, un génie trop injustement méconnu publiait un Petit livre bleu dans lequel il livrait la quintessence de sa pensée politique. Pour lui, « la société des Schtroumpfs est un archétype d’utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme ». Le grand Schtroumpf? Une représentation de Marx. La Schtroumpfette? Une potiche blonde dégoulinante d’une niaiserie toute antiféministe. Quant au méchant sorcier, ennemi juré des lutins bleus, il est laid, avare et affublé d’un nez crochu « comme les capitalistes occidentaux dans la propagande communiste, Gargamel est mû par la cupidité, l’intérêt égoïste et aveugle. Il a tout du juif tel que la propagande stalinienne le représente ».
Dimanche dernier, c’était au tour de Michel Serres, d’alimenter l’autodafé. Dans sa chronique du 18 septembre sur France Info, l’homme s’en prenait à Astérix et Obélix, héros d’un « album de revanche et de ressentiment », faisant systématiquement l’apologie de la violence sous stupéfiants (la potion magique) et typiquement fascistoïde dans son « mépris forcené de la culture ». Il est vrai que les libations des intrépides gaulois se passent souvent hors de la présence du barde, dûment attaché et bâillonné. Ni une, ni deux, Serres décèle là l’illustration d’une maxime célèbre, qu’il attribue (à tort, d’ailleurs) à Goering: « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver ».
Et l’on se prend à trembler en se rappelant les horreurs qu’on a sans doute offertes à nos enfants. N’avez-vous jamais songé que le monde enchanté de Winnie l’Ourson, peuplé d’animaux interlopes, n’est peut-être qu’une allégorie de cette bestialité froide tapie en nous et qui ne demande qu’à surgir ? N’avez-vous pas entrevu que l’appétence de l’ursidé pour le miel et sa tendance à chaparder ce nectar n’étaient probablement rien d’autre qu’une apologie de la gourmandise et du vol, autrement dit d’un péché doublé d’un crime ?
Heureusement qu’il reste les poupées. A condition bien sûr qu’on évacue la célèbre Barbie, dont on n’a point encore élucidé le mystère de ses liens avec le Klaus éponyme…
Dimanche, l’interview de DSK par Claire Chazal m’a amené à relire l’article que j’avais rédigé en mai sur le cas Strauss-Kahn. Aurais-je une virgule à y changer ? Hélas, aucune.
Car la prestation de DSK illustre parfaitement l’arrogance d’une élite qui se sent intouchable et en rajoute. Ses « éléments de langage » étaient soigneusement pesés. De quoi s’agit-il ? De ces mots, expressions et ajustements syntaxiques qui permettent aux consultants en communication de contourner la vérité et d’esquiver les faits pour donner une interprétation favorable à certaines pièces du dossier. Eléments de langage dont DSK savait qu’ils ne seraient pas contredits pour avoir, quinze jours durant, négocié les conditions de l’interview avec Claire Chazal.
Derrière chaque mot, se cache un demi-mensonge, une contradiction ou une indignité. DSK dit avoir commis une « faute ». Mais sans la qualifier. Une faute à l’égard de qui ? De sa femme ou de Nafissatou Diallo ? De la bienséance ou du droit des femmes ? On ne le saura pas. S’excuse-t-il de cette faute ? Non. Sans coup férir, il tire du rapport Vance les phrases qui l’arrangent et se garde bien d’en citer les passages embarrassants.
L’ancien ministre ne dit rien de la nature du rapport sexuel (qui dura 9 minutes, de l’entrée de Nafissatou Diallo dans la chambre à sa sortie), si ce n’est qu’il fut « inapproprié ». Il y a quelques années, il avait employé le même mot pour qualifier sa relation avec sa subordonnée au FMI. Mais « inapproprié » au regard de quoi ? D’une morale puritaine anglo-saxonne ? De la bienséance universelle ? Ou du droit commun ? On n’en saura pas plus. DSK n’apporte qu’une seule précision : il ne s’agissait pas d’un rapport tarifé.
Qu’imaginer ? Qu’en 9 minutes, il drague la femme de ménage, lui propose la botte, qu’elle accepte, se livre à lui, lui fait une petite gâterie et s’en va préparer son mauvais plan judiciaire contre lui ? Chacun appréciera la crédibilité de ce scénario.
Au passage, l’ex directeur général du FMI reprend insidieusement la thèse du complot. Sans aucun élément pour alimenter cette rumeur. Mais il est toujours bon de la laisser courir, voire de l’amplifier.
Pour finir, DSK qualifie le rapport Vance de « non-lieu » le blanchissant définitivement alors que ce document ne fait qu’expliquer pourquoi la personnalité de la victime n’est pas suffisamment crédible pour recueillir l’unanimité des jurés, justifiant ainsi la fin des poursuites judiciaires.
Mais le point d’orgue de cet exercice de communication fut marqué par un mélange de contrition (sans réelles excuses ) et de remontrance. Passant soudainement de Mister Dominique à Docteur Strauss-Kahn, DSK nous a asséné ses prescriptions sur la crise européenne (au demeurant insignifiantes, puisqu’on peut résumer sa pensée à « il faut payer ses dettes », ce qui est loin de ce qu’on peut attendre du docteur en économie dont on nous chante les vertus). En agissant ainsi, DSK marque très bien son arrogance : « bon, nous avons parlé un quart d’heure de la faute vénielle que j’ai commise, je vous ai donné toutes les explications, on ne va tout de même pas passer la soirée la-dessus, hein ? Maintenant que cette affaire est close, j’ai des choses sérieuses à vous dire, veuillez m’écouter » semble-t-il nous marteler doctement. Circulez, il n’y a plus rien à voir.
A travers cette manœuvre, DSK nous dévoile son jeu. Il n’a pas de temps à perdre pour revenir dans l’arène politico-économique. Une crise est en cours et il entend bien peser sur son évolution. Non en jouant les premiers rôles lors de la présidentielle – c’est maintenant impensable – mais tout de suite après. Ou même pendant. Martine Aubry en a d’ailleurs fait les frais puisqu’il a révélé (alors qu’elle le réfutait) l’existence d’un pacte de non-agression entre eux. Désormais,tout le monde sait qu’elle est candidate par défaut. Voilà qui va l’aider…
Au cours des prochains mois, il sera intéressant d’observer quel crédit accordent les Français à cet homme qui a méprisé la vérité et affiché son arrogance envers tous ceux qui – d’une manière ou d’une autre- ont été blessés par son comportement.
Chaque semaine jusqu’à l’élection présidentielle, la “Battle”sur Yahoo ! Actualités confronte les éditos de Rue89 et Causeur sur un même thème. Bientôt les deux rédactions croiseront les tweets !
La rédaction
On vous l’a dit et répété : le PS nous donne une belle leçon de démocratie. Et nous, la démocratie, on aime ça. Et puis, il nous parle des vrais-problèmes-des-Français. Et nous, les vrais-problèmes-des-Français, il n’y a que ça qui nous intéresse. Il faut être de très mauvaise foi pour observer que la sexualité tourmentée d’un seul socialiste passionne plus les foules que les échanges courtois et distingués entre 6 de ses camarades : entre ébats et débat, les Français ont choisi. D’accord, le débat citoyen entre les six candidats à la primaire du même nom a rassemblé 5 millions de téléspectateurs. Mais la confession de DSK en a attiré 13 millions. C’est sans doute la preuve que les Français veulent tourner la page. Ou peut-être qu’ils trouvent Claire Chazal plus jolie que David Pujadas.
Il serait également inconvenant de remarquer qu’il a suffi d’une petite phrase de l’ex-futur sauveur de la Gauche et du pays pour faire exploser la belle entente entre nos six personnages en quête d’hauteur. « Menteuse ! », « traître ! » : depuis dimanche soir, à Solférino, il y a du sang sur les murs. Il est vrai que la droite n’a aucunement besoin de primaires pour prouver aux électeurs que le « débat politique » – si on ose encore employer ce terme – est structuré par des querelles d’égos et des haines recuites bien plus que par des divergences idéologiques. Si sur l’essentiel – dette publique, mondialisation et tout le toutim – il n’y a pas de différences fondamentales entre, par exemple, Hollande et Fillon (l’un proposant d’inscrire la règle d’or dans la loi, l’autre dans la Constitution), il y en a encore moins entre Sarkozy et Villepin. Et c’est bien parce que les grands partis ne sont plus que des machines à distribuer des postes que notre vie politique est un champ de ruines. Les primaires ne font que prendre acte de cette évolution en officialisant en quelque sorte le double-bind par lequel les prétendants sont sommés d’être à la fois rivaux et alliés, autrement dit d’afficher simultanément leur différence et leur cohérence.
Mais la véritable entourloupe est ailleurs. Pourquoi les primaires sont-elles une proposition que même la droite ne peut pas refuser – Valérie Pécresse ayant annoncé que l’UMP aurait les siennes…en 2017 ? « Les 9 et 16 octobre, c’est pas Marcel, c’est moi qui décide », peut-on lire sur le ravissant débardeur (marcel…) que m’a offert un ami socialiste et facétieux. Qui résisterait à une telle promesse ? Être contre les primaires, c’est comme être contre la parité, le mariage homosexuel ou l’arrêt du nucléaire : c’est ringard. Or, comme le rappelle Jean-Claude Michéa dans Le Complexe d’Orphée[1. Le Complexe d’Orphée – La Gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, (Climats/Flammarion, à paraître en octobre)], la Gauche, c’est « le parti de demain » : elle n’en finit pas de courir vers l’avenir radieux de la démocratie totale et planétaire avec le vieux monde à ses trousses. Sauf qu’il n’y a plus de vieux monde. Et c’est bien le problème. L’idée même d’une hiérarchie verticale entre maître et élève, représentant et représenté, gouvernants et gouvernés répugne à nos esprits démocratiques. Il y aurait quelque chose de scandaleusement aristocratique dans le fait que nous choisissions « les meilleurs d’entre nous » pour gouverner et, avant cela, élaborer et proposer des visions du monde et des projets pour la collectivité.
Le résultat, c’est que l’action politique consiste à demander aux citoyens, par voie de sondages et parfois d’élections, ce qu’ils veulent entendre, comment ils veulent l’entendre et maintenant de qui ils veulent l’entendre. On nous interrogera bientôt sur la couleur de la cravate du candidat idéal.
C’est ainsi qu’en 2007, le militant socialiste a été prié de choisir celle dont les sondages, donc les journalistes, juraient qu’elle était la meilleure. Avec le succès que l’on sait. Ségolène Royal appelait ce système parfaitement autoréférentiel « démocratie participative ». Il serait plus judicieux de parler de « démocratie d’opinion ». Or, contrairement au peuple, l’opinion, on sait où la trouver : dans les sondages et les courbes d’audience. Dans ces conditions, il faut peut-être aller plus loin que les primaires et saluer la Fondation Terra Nova qui, il y a quelques mois, proposait courageusement de remplacer le vote, ce vieux machin du siècle passé, par un immense sondage. Cela aura au moins l’avantage de réduire le déficit budgétaire.
Bien meilleur en off qu’en in, Dominique Strauss-Kahn aurait confié aux journalistes de TF1 pressentir la future désignation de François Hollande, nous apprend le site des Inrocks. Alors qu’il réservait sa gratitude compassée envers Martine Aubry aux millions de téléspectateurs qui n’avaient rien de mieux à faire ce soir-là que de somnoler devant Claire Chazal, DSK est aussi revenu sur le destin de son ex-rivale Ségolène Royal.
Lucide et juste, donc cruel, il aurait qualifié de sectaire le rapport entretenu par les ségolistes à leur championne. Bien vu : devant un déficit abyssal de ligne politique (qui sait aujourd’hui ce que pense Ségolène Royal du protectionnisme, du libre-échange ?), le lien césariste entre la cheftaine et ses ouailles repose sur sa seule personne, ô combien adulée à Désirs d’avenir. Une vraie Eva Peron, le justicialisme en moins- ce qui ne fait pas grand-chose[1. Le rectificatif suivant a été publié hier soir par Les Inrocks à la demande de l’entourage de DSK : « DSK ne se serait pas autorisé à prendre personnellement position. Il a juste expliqué que les sondages semblaient donner Hollande vainqueur dans la primaire mais que l’on n’en savait rien puisque l’on ne connaissait pas le corps électoral ». A notre avis, en vrai, ce rectificatif ne rectifie pas grand chose, et pas violemment…].
Après la reconversion réussie de Jean-Marie Le Pen en chansonnier, on se plairait à voir DSK dans les habits d’un éditorialiste à la Jean-Michel Apathie ou Alain Duhamel. Il distribuerait les mêmes sermons exaltant la mondialisation heureuse et les bienfaits de l’euro, à ceci près que l’ancien ministre des Finances sait de quoi il parle.
Et oui, au FMI, en sus de Mme Nagy, il s’est aussi frotté à la dure réalité des marchés financiers…
Au creux de l’été, pendant l’entracte du remake de Un Éléphant, ça trompe énormément qu’a offert DSK au monde, les marchés − cela n’a pas pu vous échapper − se sont invités dans l’actualité, et pas qu’un peu. Nasdaq, Nikkei, CAC 40 se sont littéralement personnifiés. En plein mois d’août, ils ont arbitré, reculé, plongé et finalement dégringolé quinze jours d’affilée… Il n’y en a alors plus eu que pour eux : on guettait leur réveil à Tokyo, on les bordait à leur coucher à New York, on leur prenait le pouls toute la journée, on a tout fait pour les convaincre, les rassurer, on a prié pour que leur état s’améliore. Tocsin de rigueur et mini-sommet franco-allemand, rappel de troupes ministérielles au trot. Obama et Sarko ont même ressorti le téléphone rouge pour s’appeler la nuit et parler traitement de cheval.[access capability= »lire_inedits »] Toute cette sollicitude pour le symbole aveugle et sans âme de la finance mondialisée, beaucoup de bruit pour des marchés que l’argent public a déjà repêchés en 2008 car souvenons-nous qu’en renflouant les banques, ce sont bien aux marchés qui, via la titrisation, avaient permis aux dettes pourries de croître et de se multiplier, qu’on sauvait la mise.
Les avisés donneurs d’avis rappelés d’urgence des plages pour passer dans le poste nous rebattent les oreilles avec la « volatilité » de ces divins marchés. Si le terme boursier évoque le vol fantasque et poétique de l’oiseau en liberté, le dictionnaire indique mieux la fumeuse réalité : la volatilité est le « caractère de ce qui se transforme facilement en vapeur ».
Ce qui crève les yeux dans les mesures adoptées en urgence pour rassurer nos nouveaux maîtres, c’est le soin tout particulier pris par le gouvernement pour épargner le citoyen moyen, celui-là même qui, en 2008, réglait l’addition tout en servant d’alibi, puisque c’est soi-disant son épargne que l’on préservait en comblant le déficit du système financier avec l’argent public.
Les marchés n’ont pas fini de nous faire marcher et ce n’est malheureusement pas qu’un jeu de mots à 2 euros. L’austérité qui nous est infligée au retour des bains de mer n’a qu’un objectif : promettre aux marchés financiers un retour aussi rapide que possible à la croissance dont ils se repaissent. Mais, à supposer qu’elle ne soit pas au rendez-vous, qu’est-ce qui les empêchera de nous refaire une syncope ? Et d’exiger que, par de nouvelles mesures, on sacrifie cette fois le citoyen moyen sur l’autel de leur avidité ?
La croissance et le marché ont en commun de mesurer bêtement une agitation. La première mesure l’activité, qu’importe l’activité pourvu que ça s’active, le second un volume d’échanges, qu’importe ce qu’on échange pourvu que ça s’échange ! Aucun dirigeant politique ne semble s’apercevoir du fait que cette agitation s’opère désormais au détriment de la collectivité, livrant les citoyens à un piège fatal : soit la croissance les précarise et détruit leurs emplois, soit l’austérité les étrangle.
Entre la politique et la finance, il n’y a pas affrontement mais alliance
Il est abracadabrantesque que des États qui réagissent au quart de tour quand ils sont mis devant le fait accompli de la finance en déroute n’exigent rien en contrepartie et, sans même parler de sanction, ne mettent en œuvre aucune mesure convaincante pour contenir leur boulimie galopante et réglementer ou encadrer ce grand jeu de Monopoly mondialisé.
Dans les médias, on fait dans l’offuscation résignée : « Le pouvoir politique a perdu contre le pouvoir de l’argent ». En somme, la finance se serait payé la démocratie. Or, ce sont plutôt les démocraties qui ont payé pour que la finance puisse continuer sa partie. Il est étrangement naïf ou bien pernicieux de postuler que ces deux pouvoirs sont ennemis. Comme si les politiciens étaient par nature plus proches des intérêts de la masse de ceux qui les ont élus que des intérêts particuliers de ceux qu’ils côtoient tous les jours. En réalité, s’ils savent exhiber leurs muscles pour dégommer un régime encombrant ou leur belle union au moment de sauver l’outil du capital, face à leurs homologues de la finance, ce n’est pas le pouvoir qui leur fait défaut mais la volonté. Aussi ne faut-il pas tant espérer un bras de fer entre eux que se méfier de leurs alliances objectives et de leurs ententes tacites.
Les racines financières du mal restent intactes et, cette fois, le message adressé aux marchés et aux citoyens est encore un peu plus clair : le contribuable est à la disposition du lobby financier, non seulement comme main d’œuvre malléable – ça, on le savait – mais aussi désormais comme caution solidaire. Enfin, façon de parler.[/access]
Elle est la première femme a avoir montré ses seins à la télé italienne, elle a tourné plus de 40 films pornos, elle avait aussi proposé en 2006 à Oussama Ben Laden de coucher avec lui pour qu’il « renonce au terrorisme » (elle avait, dans les années 90, fait le même genre de propositions à Saddam). La Cicciolina est aujourd’hui, à 60 ans une honorable retraitée du Parlement italien et, à ce titre, touche une pension de près de 39 000 euros par an pour avoir siégé 5 ans durant.
Hélas pour elle, comme nous l’apprend The Guardian, la colère gronde en Italie au moment où le gouvernement enquille plan d’austérité sur plan d’austérité et que la note de solvabilité du pays est dégradée par S&P.
Ilona Staller, le vrai nom de la Cicciolina, n’est pas une exception. Des milliers de parlementaires à la retraite bénéficient de la même pension à vie. Mais l’ancienne star du porno est particulièrement visée, dans la mesure où pour certains, son œuvre législative laisserait à désirer, avec notamment de nombreuses propositions de lois pour créer des « love hotels ». Elle se défend, expliquant qu’elle a aussi œuvré pour les visites conjugales en prison, ou encore le développement de l’éducation sexuelle à l’école. Ilona Staller note aussi qu’elle n’est ni pire, ni meilleure que les autres retraités de la politique et que ce serait injuste qu’elle ne bénéficie pas de sa pension.
Selon certaines estimations, citées par le Guardian, les élus locaux du pays (du parlement aux conseils municipaux) coûteraient au budget de l’Etat 1,3 milliard d’euros par an. Des élus -bizarrement- épargnés pour l’instant par l’austérité générale.
Cela fait maintenant plusieurs mois qu’on nous le serine matin, midi et soir : l’espoir des révolutions arabes se trouve du côté d’Ankara.
Le « modèle turc », présenté comme l’alliance harmonieuse de la démocratie, de l’Islam et de la croissance économique. Ne craignez rien, braves gens, à Tunis, au Caire, à Tripoli, les barbus de Ennahda, des Frères musulmans et assimilés vont peut-être gagner les prochaines élections, mais leur islamisme sera mo-dé-ré !
Lobbyiste depuis de longues années de l’AKP[1. Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement)] auprès de l’opinion publique française, Bernard Guetta répète en boucle que ce parti est à la Turquie ce que la démocratie chrétienne est à l’Allemagne : un parti conservateur respectueux des libertés démocratiques, principal artisan du miracle économique turc.
Arrivé au pouvoir en 2002 à l’occasion d’élections législatives sans bavures, ce parti, aujourd’hui dirigé par le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a remporté tous les scrutins avec des majorités accrues : aux législatives de juin 2011 l’AKP obtenait près de 50% des suffrages, sans toutefois atteindre la majorité des deux tiers souhaitée par le premier ministre pour modifier profondément la Constitution du pays. Officiellement, la Turquie affiche des taux de croissance insolents au regard de la stagnation du PIB des pays européens.
Certes, mais le « miracle économique turc » n’a pu se réaliser que sur les fondations solides établies par des décennies de gouvernement kémaliste laïc : développement d’entreprises de taille européenne, voire mondiale, émergence d’une classe moyenne éduquée dans des universités échappant au contrôle des dignitaires religieux, émancipation des femmes à un niveau inégalé dans le monde musulman. Les islamistes turcs n’ont donc pas construit la prospérité relative de ce pays : ils en ont hérité et ont eu, dans un premier temps, l’intelligence de ne pas en saper les fondements par une réislamisation brutale de la société et des institutions. Ce n’est pas l’envie qui leur manquait, mais ils se sont montrés suffisamment réalistes pour remettre à plus tard ce projet ambitieux et funeste s’ils voulaient se maintenir au pouvoir.
Les islamistes des pays où s’est déroulé le « printemps arabe » héritent, eux, d’économies dévastées, de taux de chômage réel stratosphériques ou, pour la Libye, de la « malédiction de la rente ». Les pétrodollars ont en effet, dans les sociétés arabo-musulmanes, fâcheusement tendance à se concentrer dans quelques mains qui les réinvestissent dans les économies des pays développés. Les peuples de ces pays rentiers n’en voient jamais la couleur, comme en Algérie.
Faire croire que le « modèle turc » puisse constituer le salut immédiat des pays arabes libérés de la tyrannie est donc une escroquerie intellectuelle.
Ce n’est pas d’islamistes prétendument modérés dont ces pays ont besoin, mais d’équivalents modernes d’Atatürk, d’une laïcisation de la société et des institutions, indispensable au décollage de leurs économies.
Et cela d’autant plus que le modèle turc risque, dans les prochains mois, de connaître quelques turbulences. Notre turcolâtre national de la matinale de France-Inter a omis de signaler à ses auditeurs que ses amis de l’AKP sont de fieffés clientélistes. Ainsi, la dette du pays a doublé au cours des dix huit mois précédant les élections législatives de juin 2011, non pas du fait de la crise économique (la croissance turque est restée relativement stable), mais par une politique de crédits à très bas taux accordés aux consommateurs et aux petites entreprises de l’espace rural. Le déficit public atteint aujourd’hui un niveau grec avec 9,5% du PIB…
Comme la Turquie n’a pas de pétrole, c’est sur le marché international des capitaux que l’AKP finance la constitution de sa clientèle électorale. Une bulle de crédit est en train de se constituer, dont l’éclatement prochain n’est pas à exclure…
Cela n’est pas sans rapport avec le tournant diplomatique opéré récemment par Erdogan : faire vibrer la corde nationaliste est une recette éprouvée lorsque l’horizon économique et social s’assombrit. Jouer des muscles sur la scène internationale, en prenant Israël comme punching-ball, ne coûte rien et produit de belles images télévisées de triomphe personnel au Caire, à Tunis ou à Tripoli. Cela fait passer la pilule des restrictions des libertés publiques (arrestations arbitraires de journalistes ou d’officiers généraux accusés de complots imaginaires).
Il s’agit aussi d’entraîner dans la spirale de la surenchère nationaliste une opposition laïque représentée par le CHP (Parti républicain du peuple) qui avait entrepris un important travail de rénovation interne et qui avait montré sa force dans la « Turquie utile », celle qui travaille, produit et innove dans l’ouest du pays. Cela s’était traduit par une nette victoire du CHP dans ces régions lors des dernières élections.
Même s’il ne s’agit là que de pures gesticulations – l’installation dans l’est du pays d’éléments du bouclier antimissile américain en est la meilleure illustration – on peut craindre que ces islamistes « modernes » échouent à l’examen politique décisif : celui de laisser paisiblement se dérouler une alternance démocratique.
Je ne sais pas si la France est La République des mallettes mais depuis quelques jours, elle est la République des offusqués. Comme si les « révélations sans preuves » de Robert Bourgi et la publication de l’enquête de Pierre Péan nous avaient subitement fait découvrir, dans les coulisses de la politique, un monde d’ombres peuplé de drôles de conseillers et de valises de cash qui seraient plus à leur place dans un film de Scorcese que dans une réception officielle. Le paysage médiatique et l’échiquier politique sont en émoi : de l’argent sale ? Des éminences noires ? Le plus grand scandale que la République ait connu !
Assurément : depuis le dernier et jusqu’au prochain.
Dans cet élan de vertu aussi œcuménique qu’un potentat africain distribuant ses largesses de gauche et de droite, il faut, au risque de choquer, rappeler une évidence : il n’existe pas d’affaires humaines et certainement pas d’affaires politiques sans corruption. Peut-être y en a-t-il même dans les médias, enfin dans les autres médias. Il est sans doute moins onéreux d’acheter la complaisance d’un journaliste que la bienveillance d’un chef d’Etat. Reste que de l’argent pas très casher, il y en a dans tous les pays, dans tous les secteurs d’activité, à tous les niveaux. Montesquieu aurait pu écrire que le pouvoir modéré corrompt modérément. Et sauf à parier sur une amélioration spontanée de l’espèce humaine, ce sera sans doute le cas jusqu’à ce que nous décidions de placer aux manettes des robots ou un nouveau Robespierre – perspectives somme toute assez peu engageantes.
S’agissant de la contribution des amis africains de la France à notre vie politique, ceux qui poussent les hauts cris devant les caméras vous expliquent en privé et en rigolant que tout le monde savait. Et que tout le monde a eu sa part. Hommes d’affaires avisés, les Bongo et consorts savaient qu’en démocratie on ne sait jamais – raison pour laquelle ils n’étaient pas très preneurs pour eux-mêmes – et qu’il valait mieux ne pas insulter l’avenir. Cela explique qu’au-delà de quelques déclarations rituelles, personne n’ait très envie de soulever le couvercle d’une marmite où mijote un ragoût aussi peu ragoûtant.
Certes, comme le dit ma boulangère, parfois y’a de l’abus, en l’occurrence de l’abus d’abus. Il n’est pas très reluisant moralement que les campagnes électorales françaises soient (ou aient été) financées par de l’argent volé aux Africains – même si cet argent leur aurait été volé de toute façon. Il serait également fâcheux que la politique de la France soit (ou ait été) surdéterminée par la générosité de tel ou tel chef d’Etat. En clair, que des régimes soutenus par Paris aient manifesté leur reconnaissance en « arrosant » pouvoir et opposition n’est pas très glorieux mais c’est la vie. Si on les a soutenus, y compris militairement, dans le seul but de stimuler ou de récompenser leur générosité, c’est une autre affaire : cela signifierait que l’intérêt national a purement et simplement été affermé aux partis qui briguent nos suffrages. Et que des soldats français sont peut-être morts pour que Tartempion conserve sa circonscription ou Duchemoll sa mairie.
« Nous voulons savoir ! », clament les vertueux. Peut-être est-il préférable que nous ne sachions pas. N’oublions pas que la pureté est parfois aussi dangereuse que le vice. De toute façon, il paraît que tout ça, c’est fini. Avec les juges en embuscade, le risque de se faire pincer est trop grand. Et puis Bongo et les autres sont morts – et leurs successeurs, ces ingrats, déroulent le tapis rouge aux Chinois et aux Américains qui ont certainement des frais, eux aussi, qu’est-ce que vous croyez ?
En attendant, dans ce concours d’indignation, on a perdu de vue le véritable motif d’inquiétude qui est que l’arène politique ressemble à une école maternelle. Ces jours-ci, tous les chemins boueux parsemés de rétro-commissions et de coups tordus semblent en effet mener à l’affrontement entre balladuro-sarkozystes et chiraco-villepinistes, appellations qui montrent bien qu’on a affaire à des clans affiliés à un chef plutôt qu’à des courants politiques. « Qu’est-ce qui opposait si durement Armagnacs et Bourguignons, yéyés et rockers, jospinistes et fabiusiens ? », demande Basile de Koch[1. Histoire de France de Cro-Magnon à Jacques Chirac, La Table Ronde, 2005].
Oui, pourquoi tant de haine entre Longevernes et Velran[2. Les deux villages dont les enfants s’affrontent dans « La guerre des boutons »], balladuriens et chiraquiens ? La réponse est aussi simple que désolante : le pouvoir – et, selon les méchantes langues, le magot nécessaire pour y arriver ou le conserver – fut le seul et unique enjeu de cette guerre de quinze ans entre amis de trente ans. Chirac est à la retraite, Balladur n’en est pas loin et les moins de 20 ans n’ont sans doute aucune idée de ce que fut ce choc de titans. La haine est toujours là, dépourvue de toute motivation idéologique mais aussi solide qu’entre deux familles corses fâchées à mort pour un âne disparu.
Alors qu’ils prennent le pognon s’ils ont la sottise de croire que c’est comme ça qu’ils gagneront nos voix. Mais qu’ils cessent de transformer le débat public en cour de récré. Parce que les électeurs, dont la patience a des limites, pourraient les envoyer au piquet. Sans compter que dans les écoles d’aujourd’hui, une partie de billes peut finir dans le sang.
Il a eu raison de ne pas nous dire « ce qui s’était réellement passé » dans la chambre su Sofitel, mais il aurait pu nous épargner cette mauvaise mise en scène, notre séducteur désormais rangé des voitures. Défendre son honneur, soit, mais dans ce décor de confessionnal pour reality show ?
Tout cela sentait la fabrique, la grosse ficelle de communicant : on imaginait les besogneux chargés de son image continuant à lui souffler, depuis la coulisse, son monologue millimétré. DSK, hier plus que jamais, a démontré qu’il n’était, lui aussi, qu’un produit politique pour temps de disette, muselé par des professionnels malhabiles et des affidés.
L’ensemble de la séquence TF1 fut un curieux mélange de sueur et de paillettes, un pauvre scénario cosigné par des créatifs d’Hollywood-sur-Seine. Quelle forme de sincérité résisterait à ce traitement ? Que penser d’une confession « en direct live », dont chaque « période » est balisée par un titre et une photographie, transmis par un écran judicieusement placé derrière la journaliste : « La justice américaine », « Nafissatou Diallo », « Les primaires socialistes », « L’avenir » ?
En vertu de quoi DSK n’avait guère d’autre choix que de jouer, ou surjouer les acteurs studieux : il a donc repris les mimiques et les « grimasques » de Robert De Niro dans Les Affranchis de Scorsese. On pourra penser ce qu’on veut de sa prestation, une chose est certaine : ses scénaristes méritent plutôt un Gérard[1. Les Gérard du cinéma et de la télévision : joyeux et cruel mélange de cérémonie dérisoire et de revue satirique annuelle, qui vient « récompenser » les plus mauvais films, auteurs et acteurs du cinéma français, c’est dire s’ils ont du boulot…] qu’un Oscar.
On a souvent dit que l’étonnante indulgence des Italiens à l’égard des frasques de Silvio Berlusconi s’expliquait par ses bons résultats économiques. Si c’est le cas, il ne faut peut-être pas parier sur la longévité du gouvernement de droite, soutenu par trois forces politiques : le Popolo della Libertà, PDL, qui est la « propriété personnelle » du Président du conseil ; la Ligue du Nord, de plus en plus divisée entre les amis du fondateur, Umberto Bossi, et ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni ; et enfin les transfuges d’autres partis, séduits par bien des promesses et des cadeaux.
Au cours de l’été, le gouvernement Berlusconi a rencontré un obstacle de taille : les marchés financiers mondiaux, qui ont visiblement perdu leur confiance dans la solidité économique de la Péninsule, ont boudé les titres émis par le Trésor italien pour financer sa dette (BOT).[access capability= »lire_inedits »] Les Italiens sont traditionnellement des épargnants et ils ont l’habitude de racheter les BOT. Mais avec une dette publique qui dépasse désormais les 1900 milliards d’euros, soit 120 % du PIB, l’épargne des ménages ne suffit plus. Au milieu de l’été, les hésitations et la défiance de la finance internationale ont forcé l’Italie à augmenter les intérêts payés aux investisseurs sur les BOT et les autres titres émis par l’État, créant le risque d’une spirale de méfiance et de spéculation « à la grecque ». Certes, la Banque centrale européenne a calmé le jeu en rachetant des dizaines de milliards d’euros de titres italiens et espagnols. Mais la contrepartie de son intervention a été l’adoption en urgence, à la mi-août, d’un plan de rigueur draconien visant à réduire les déficits de 45,5 milliards d’euros sur deux ans (2012 et 2013) en conjuguant la contraction des dépenses de l’État et la hausse des impôts. Le gouvernement Berlusconi a engagé sur ce terrain sa crédibilité internationale – du moins ce qu’il en reste.
Plus question de « faire payer les riches »
Seulement, il a suffi de quelques semaines pour que ces bonnes résolutions apparaissent comme des promesses d’ivrogne. En effet, le plan annoncé alors que les attaques spéculatives étaient à leur paroxysme se réduit comme une peau de chagrin. La mesure la plus symbolique était l’instauration, pour deux ans, d’un impôt de solidarité sur les revenus des contribuables les plus riches − 5 % de 90 000 à 150 000 euros et 10 % au-delà. Mais ce choix était socialement trop juste pour ne pas scandaliser les amis de Silvio Berlusconi. Après quelques jours de calme relatif sur les marchés financiers, Berlusconi est revenu sur l’idée de s’en prendre aux riches, préférant parier sur une énième réforme des retraites. Le 29 août, le plan de rigueur a été complètement révisé et l’impôt de solidarité a disparu. Afin de limiter les polémiques, il a été maintenu pour les seuls membres du Parlement qui gagnent souvent beaucoup d’argent en exerçant une deuxième profession. Adopté pour trois ans, le nouveau plan restreint la possibilité de partir à la retraite pour les travailleurs âgés de moins de 65 ans en supprimant la possibilité de « racheter » les années d’université et même de service militaire. Il prévoit également la disparition des 110 « provinces » (départements), ainsi qu’une diminution du nombre de parlementaires, mais ces deux mesures sont assez hypothétiques dans la mesure où elles impliquent une révision constitutionnelle difficile à mettre en œuvre pour un gouvernement disposant d’une très faible majorité.
La première version de la rigueur berlusconienne était certainement discutable et difficilement supportable pour la population, mais au moins garantissait-elle une réduction rapide du déficit. La nouvelle version est une boîte à moitié vide dès lors que Berlusconi n’a pas les moyens politiques de mener à bien les révisions constitutionnelles nécessaires. Dans ces conditions, on peut s’attendre à de nouvelles attaques des marchés contre la dette italienne. Le gouvernement devra alors bricoler dans la confusion un troisième plan dont rien n’assure qu’il fera renaître la confiance des marchés échaudés par l’échec des deux premières moutures. Le premier responsable de ce fiasco annoncé, c’est évidemment Berlusconi qui n’a ni l’habileté personnelle ni la capacité politique d’inscrire l’austérité inévitable dans le cadre d’une authentique réforme fiscale qui permettrait non seulement de retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire mais aussi de renouer avec la croissance – qui ne devrait pas dépasser 1 % en 2011. Autant dire que le « Cavaliere » est dans le pétrin, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. L’ennui, c’est que l’Italie l’est aussi. On me permettra de penser que c’est bien plus inquiétant. [/access]