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Primaires : c’est les sondages qui décident !


 

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La rédaction

 

On vous l’a dit et répété : le PS nous donne une belle leçon de démocratie. Et nous, la démocratie, on aime ça. Et puis, il nous parle des vrais-problèmes-des-Français. Et nous, les vrais-problèmes-des-Français, il n’y a que ça qui nous intéresse. Il faut être de très mauvaise foi pour observer que la sexualité tourmentée d’un seul socialiste passionne plus les foules que les échanges courtois et distingués entre 6 de ses camarades : entre ébats et débat, les Français ont choisi. D’accord, le débat citoyen entre les six candidats à la primaire du même nom a rassemblé 5 millions de téléspectateurs. Mais la confession de DSK en a attiré 13 millions. C’est sans doute la preuve que les Français veulent tourner la page. Ou peut-être qu’ils trouvent Claire Chazal plus jolie que David Pujadas.

Il serait également inconvenant de remarquer qu’il a suffi d’une petite phrase de l’ex-futur sauveur de la Gauche et du pays pour faire exploser la belle entente entre nos six personnages en quête d’hauteur. « Menteuse ! », « traître ! » : depuis dimanche soir, à Solférino, il y a du sang sur les murs. Il est vrai que la droite n’a aucunement besoin de primaires pour prouver aux électeurs que le « débat politique » – si on ose encore employer ce terme – est structuré par des querelles d’égos et des haines recuites bien plus que par des divergences idéologiques. Si sur l’essentiel – dette publique, mondialisation et tout le toutim – il n’y a pas de différences fondamentales entre, par exemple, Hollande et Fillon (l’un proposant d’inscrire la règle d’or dans la loi, l’autre dans la Constitution), il y en a encore moins entre Sarkozy et Villepin. Et c’est bien parce que les grands partis ne sont plus que des machines à distribuer des postes que notre vie politique est un champ de ruines. Les primaires ne font que prendre acte de cette évolution en officialisant en quelque sorte le double-bind par lequel les prétendants sont sommés d’être à la fois rivaux et alliés, autrement dit d’afficher simultanément leur différence et leur cohérence.

Mais la véritable entourloupe est ailleurs. Pourquoi les primaires sont-elles une proposition que même la droite ne peut pas refuser – Valérie Pécresse ayant annoncé que l’UMP aurait les siennes…en 2017 ? « Les 9 et 16 octobre, c’est pas Marcel, c’est moi qui décide », peut-on lire sur le ravissant débardeur (marcel…) que m’a offert un ami socialiste et facétieux. Qui résisterait à une telle promesse ? Être contre les primaires, c’est comme être contre la parité, le mariage homosexuel ou l’arrêt du nucléaire : c’est ringard. Or, comme le rappelle Jean-Claude Michéa dans Le Complexe d’Orphée[1. Le Complexe d’Orphée – La Gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, (Climats/Flammarion, à paraître en octobre)], la Gauche, c’est « le parti de demain » : elle n’en finit pas de courir vers l’avenir radieux de la démocratie totale et planétaire avec le vieux monde à ses trousses. Sauf qu’il n’y a plus de vieux monde. Et c’est bien le problème. L’idée même d’une hiérarchie verticale entre maître et élève, représentant et représenté, gouvernants et gouvernés répugne à nos esprits démocratiques. Il y aurait quelque chose de scandaleusement aristocratique dans le fait que nous choisissions « les meilleurs d’entre nous » pour gouverner et, avant cela, élaborer et proposer des visions du monde et des projets pour la collectivité.

Le résultat, c’est que l’action politique consiste à demander aux citoyens, par voie de sondages et parfois d’élections, ce qu’ils veulent entendre, comment ils veulent l’entendre et maintenant de qui ils veulent l’entendre. On nous interrogera bientôt sur la couleur de la cravate du candidat idéal.

C’est ainsi qu’en 2007, le militant socialiste a été prié de choisir celle dont les sondages, donc les journalistes, juraient qu’elle était la meilleure. Avec le succès que l’on sait. Ségolène Royal appelait ce système parfaitement autoréférentiel « démocratie participative ». Il serait plus judicieux de parler de « démocratie d’opinion ». Or, contrairement au peuple, l’opinion, on sait où la trouver : dans les sondages et les courbes d’audience. Dans ces conditions, il faut peut-être aller plus loin que les primaires et saluer la Fondation Terra Nova qui, il y a quelques mois, proposait courageusement de remplacer le vote, ce vieux machin du siècle passé, par un immense sondage. Cela aura au moins l’avantage de réduire le déficit budgétaire.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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