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Cage international: Anatomie d’une meute islamo-gauchiste

Elias d’Imzalène, ce militant islamiste qui a appelé à l’intifada dans les rues de Paris devant le gratin LFI, a tranquillement récidivé face à l’OSCE, cénacle censé œuvrer à la sécurité en Europe. Cet activiste est soutenu par Cage International, une puissante ONG britannique dont la spécialité est d’arroser les réseaux djihadistes qui veulent instaurer un califat mondial


Les images ont fait le tour des chaînes d’information. Le 8 septembre dernier, place de la Nation, en plein cœur de Paris, lors d’un rassemblement en soutien à la Palestine, un militant islamiste connu sous le pseudonyme d’Elias d’Imzalène a lancé un appel à la guerre civile, sous les acclamations de la foule : « Est-ce qu’on est prêt à mener l’intifada dans Paris ? Dans nos quartiers ? Dans nos banlieues ? »

Rapidement signalés à la justice par le ministère de l’Intérieur, ces propos explicitement factieux ont valu à leur auteur, de son vrai nom El Yess Zareli, fondateur du site Islam et info, et du collectif StopZemmour, une comparution devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris le 23 octobre. Lors de l’audience, le parquet a requis huit mois de prison avec sursis et 2 000 euros d’amende. Le délibéré sera rendu le 19 décembre.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’Elias d’Imzalène, dont Le Parisien a révélé qu’il fait l’objet d’une fiche S depuis 2021, ne se borne pas à mener son combat antirépublicain dans la rue et sur le web. Moins de deux semaines avant son procès, il a pu décliner sa rhétorique haineuse lors de la très respectable conférence annuelle Human Dimension, organisée à Varsovie par l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).

En octobre, devant un parterre de délégations occidentales, Elias d’Imzalène a prononcé un discours intégralement mensonger. « En France, la persécution des musulmans est le mot d’ordre de l’État, du gouvernement et des médias », a-t-il affirmé sans vergogne sur un ton faussement docte et pacifique. Comment de tels bobards ont-ils droit de cité dans un cadre aussi officiel que l’OSCE ? Selon nos informations, l’invitation d’Elias d’Imzalène dans cet éminent cénacle diplomatique a été rendue possible par le parrainage d’une puissante ONG britannique : Cage International.

Un fondateur passé par Guantánamo

Fondée en 2003 à Londres sous le nom initial de « Cageprisoners », Cage International s’est donné pour mission de dénoncer les abus de pouvoir que subiraient les personnes détenues pour faits d’islamisme dans les pays occidentaux. Sous des dehors très urbains, l’ONG a pour directeur un activiste au passé sulfureux : Moazzam Begg. Né il y a 56 ans à Birmingham, cet ancien membre du « Lynx Gang », une bande criminelle d’antifas anglais, a appartenu au cours des années 1990 à divers groupes djihadistes, en Bosnie, en Tchétchénie, au Pakistan et en Afghanistan. En février 2002, soit cinq mois après le 11-Septembre, il est arrêté à Islamabad par des supplétifs de l’armée américaine.

Accusé d’être « sympathisant, recruteur, financier et combattant » du mouvement d’Oussama ben Laden, Begg est d’abord incarcéré sur une base de l’US Air Force près de Kaboul, avant d’être transféré à Guantánamo, où il est mis au secret pendant deux ans jusqu’à ce que Georges W. Bush ordonne sa libération suite à une demande de Londres – Begg est un sujet britannique. Depuis, il clame son innocence et jure qu’il n’a jamais commis d’acte terroriste.

A lire aussi: Les «Blouses blanches pour Gaza»: pas bien claires!

À son retour au Royaume-Uni en 2005, Begg devient la principale cheville ouvrière de Cage International. Parmi les prisonniers soutenus par l’ONG : l’Algérien Djamel Beghal, ancien d’Al-Qaïda à l’origine de la radicalisation de Chérif Kouachi et Ahmed Coulibaly, les tueurs de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher à Paris, qu’il a connus à Fleury-Mérogis. Signalons aussi Rachid Aït El Hajd, déchu de sa nationalité française et fraîchement expulsé vers le Maroc pour son implication dans les attentats de Casablanca du 16 mai 2003.

Cage International est une ONG riche. Entre 2007 et 2014, elle a notamment perçu 305 000 livres de la part du Joseph Rowntree Charitable Trust (JRCT), une œuvre philanthropique tenue par des quakers britanniques, tandis qu’entre 2009 et 2012, Anita Roddick, la créatrice anglaise de la marque de cosmétiques The Body Shop, lui a versé 120 000 livres à travers sa fondation. La révélation de ces dons a suscité un tollé dans la presse britannique, obligeant les deux organismes à s’engager à ne plus financer à l’avenir d’entités encourageant le djihadisme.

Soumettre l’Occident aux lois de la charia

Cage International s’appuie aussi sur des réseaux internationaux tels que le mouvement islamiste Hizb ut-Tahrir (« Parti de la libération »), présent dans une quarantaine de pays, qui veut réunir les musulmans (l’oumma) afin d’instaurer un califat mondial. Si les Frères musulmans agissent dans la discrétion et appliquent une stratégie d’entrisme, le mouvement Hizb ut-Tahrir proclame fièrement sa volonté de soumettre l’Occident aux lois de la charia.

Récemment, Cage International s’est dotée d’un responsable pour chapeauter sa branche française. Son nom : Rayan Freschi. Depuis sa nomination, ce « militant des droits de l’homme », qui s’exprime régulièrement dans des médias francophones comme Le Média, TRT et Orient XXI, s’est beaucoup investi dans la défense de l’imam Mahjoub Mahjoubi, expulsé en février dernier vers la Tunisie par une décision du Conseil d’État suite à une condamnation pour apologie du terrorisme, ainsi que pour des prêches radicaux ciblant la France, les femmes et les juifs. Freschi a aussi participé à la campagne de soutien à Abdourahmane Ridouane, imam de la mosquée salafiste Al Farouk de Pessac, près de Bordeaux, accusé quant à lui de propos antisémites et d’apologie du Hamas (son procès aura lieu le 13 janvier prochain).

Partout où il intervient, Freschi se présente comme « juriste et chercheur »… Mais chercheur en quoi, au juste ? On ne lui connaît aucune affiliation à une université ou un laboratoire. On sait juste qu’il est l’auteur d’un rapport de 52 pages, préfacé par l’islamologue François Burgat, sur la « persécution des musulmans parrainée par l’État en France ». Dans ce document, Freschi pose ses exigences à l’État : annuler la dissolution des organisations musulmanes islamistes telles que Barakacity et le CCIF ; abroger les lois sur la laïcité, comme celle de 2004 prohibant les signes religieux à l’école et la loi de 2010 sur l’interdiction du niqab, etc. Il veut que les pouvoirs publics encouragent (et peut-être financent) l’instauration d’une contre-société islamiste dans notre pays.

On ne s’en étonnera pas, le lobbying de Cage International trouve nombre de relais complaisants dans les plus hautes sphères internationales qui grouillent de faux chercheurs et de bureaucrates militants. En 2021, avec l’appui de 36 autres organisations musulmanes, l’ONG a saisi le Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour faire condamner la « politique islamophobe » de la France. Deux ans plus tard, elle participait à une conférence sur Guantánamo, organisée au Parlement européen par des élus de gauche irlandais en présence de représentants de La France insoumise. L’islamo-gauchisme en actes.

Procès Paty: l’ «islamophobie» toujours invoquée par certains militants

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Certains militants estiment que l’ « islamophobie » présumée de la société française explique la mort de Samuel Paty. Le contexte de menaces quotidiennes que subissent de nos jours les professeurs rend ce type de messages particulièrement dangereux pour ces derniers, rappelle Didier Lemaire dans cette tribune.


Maître Carine Chaix, avocat partenaire de Défense des serviteurs de la République, a déposé plainte au nom de Mikaëlle Paty et de notre association, pour apologie de terrorisme et incitation à la haine envers les professeurs suite à des propos tenus le 3 décembre sur X (ex-Twitter) par Monsieur Pierre Jacquel.

Une argumentation inacceptable

Mardi 3 décembre, le doctorant Pierre Jacquel formulait l’accusation suivante : « Sans islamophobie, ce drame ne serait jamais arrivé. Patty (sic) était probablement un islamophobe laïc, mais si un musulman le dit on parlerait (sic) d’apologie du terrorisme. Le père de famille musulman fait le coupable idéal, et ce procès va encore alimenter l’islamophobie ».

Nous ne pouvons accepter que la mémoire et l’honneur de Samuel Paty soient salis par une personne prenant fait et cause pour l’un des prévenus, Brahim Chnina, qui a organisé la campagne de haine ciblant le professeur. Il reviendra à la Justice d’apprécier la justification de cet assassinat, formulée par ce Monsieur, et si celle-ci participe de plus à focaliser la haine sur les professeurs soucieux que soit respecté dans leur établissement le cadre laïque de l’instruction.

Inversion victimaire à la mode

Ce Monsieur, se présentant comme enseignant doctorant à l’université de la Sorbonne – alors qu’il ne maîtrise manifestement pas la concordance des temps –, prétend, en effet, que « l’islamophobie de la société et de nombreux profs laïcs sont la racine du terrorisme ». Il reprend ainsi le type d’« argument » qui innocente le violeur en prétendant que la mini-jupe, quand ce n’est pas la femme elle-même, serait la cause du viol. Il faut dire que l’inversion de la victime et du bourreau est devenue un « argument » très en vogue depuis quelques mois dans la sphère islamo-gauchiste, notamment chez les députés de LFI qui nazifient les juifs pour justifier les pogroms génocidaires du Hamas et inciter à l’antisémitisme dans notre pays. Ces députés ne font finalement que reprendre la phraséologie frériste.

Déjà, en mars 2012, Tarik Ramadan expliquait que les assassinats d’Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Jonathan Sandler (le rabbin et professeur juif) et de ses trois élèves de l’école Ozar Hatorah, Myriam, Arié et Gabriel (qui avaient huit, cinq et trois ans), devaient être imputés non à son auteur, Mohamed Merah, mais à la France qui traite une partie de sa population « comme des citoyens de seconde catégorie ». Aujourd’hui, il faut bien l’admettre, c’est une large partie de la classe politique et de la petite bourgeoisie intellectuelle déclassée qui propage ce genre de rhétorique, impulsée par les idéologues de tous les mouvements totalitaires pour préparer les meurtres de masse.

Vous pouvez soutenir notre démarche et contribuer par vos dons à poursuivre ce sinistre individu.

Lettre d'un hussard de la République

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Paris–Damas: deux visages de la défaite

L’effondrement du régime de Bachar al-Assad, sous la pression d’islamistes se présentant comme nationalistes, serait une « opportunité » historique pour le peuple syrien et la région, tentent de nous convaincre nombre de politiques et d’éditocrates. Le réveil sera terrible, prévient notre chroniqueur.


Lénine ou Staline disait que la guerre est un accélérateur de l’histoire. Oui, sauf à Paris où les milieux culturels et médiatiques sont immobiles dans l’aveuglement et l’arrogance, guerre après guerre.

Damas est tombée et ils se sont réjouis. X a été leur salon ou plutôt leur Galerie des Glaces où ils ont exposé leur vertu comme certaines femmes vérifient la courbe de leurs fessiers devant une baie vitrée à la sortie de la salle de sport. Les mêmes qui vous mettent en garde contre le danger du RN sautent de joie à la nouvelle de l’entrée d’Al-Qaeda à Damas. Les mêmes qui se disent capables de prédire au dixième de degré près la température terrestre en 2050 ne sont même pas capables de reconnaître un djihadiste avec barbe et AK47. Pire, le président de la République à l’époque du Bataclan vous dit par communiqué interposé que les déclarations du principal dirigeant des rebelles sont encourageantes. C’est drôle, les socialistes croient au repentir du premier émir islamiste venu et refusent de toutes leurs forces de croire à l’adhésion de Marine Le Pen aux valeurs républicaines. Je comprends mieux pourquoi l’attentat du Bataclan a eu lieu : peut-être que les autorités de l’époque ont lu des signaux encourageants dans les rapports de la DGSE… Ou peut-être que celle-ci, elle-même contaminée par l’esprit parisien, a convaincu le président de la République que les islamistes de Syrie étaient sur le point de devenir inclusifs…

Quelle immense blague ! 

Ces milieux qui se disent « élites » croient qu’ils sont ouverts sur le monde. En réalité, ils sont isolés du monde, ils n’y comprennent rien. Autrement, ils comprendraient ce qui se passe au coin de la rue, à Marseille ou à Saint-Denis, notre Moyen-Orient de proximité.  Ils sont ouverts sur leur névrose, ça c’est sûr. Ils sont ouverts sur leur obsession qui consiste à avoir tort, tout le temps et ensemble.  

Pourtant, ce qui vient de se passer en Syrie est une calamité pour la France. 

A lire aussi, Gil Mihaely: Syrie: la chute d’Assad et l’émergence d’un nouveau désordre

Tout l’édifice politique légué par la présence franco-britannique au Moyen-Orient tombe à terre. L’Irak a été démantelé par les Américains, et maintenant la Syrie se disperse dans les sables du désert. Demain, elle se résumera à quatre ou cinq grandes régions politico-administratives retranchées derrière leurs milices et leurs identités (le réduit alaouite, le refuge kurde, le califat sunnite etc.). Il ne reste plus que le Liban pour que toute trace du passage de la France dans la région soit effacée. Ainsi, nous aurons perdu nos relais naturels au Moyen-Orient qui sont les Chrétiens, épurés ethniquement depuis vingt ans, et les bourgeoisies sunnites progressistes, obligées de s’exiler ou bien de faire une place aux sauvages en Toyota que nous appelons « rebelles modérés ». Ces derniers ont faim, ils vont s’emparer des entreprises qui les intéressent ou s’y imposer comme associés.

Pendant que la France recule en poussant des youyous de joie, la Turquie, elle, avance. C’est une puissance impérialiste. Elle peut se le permettre car elle n’a pas Clémentine Autain ni Marine Tondelier pour lui en tenir rigueur. Puissance néocoloniale, la Turquie occupe des portions du territoire syrien et parraine Joulani dans son aventure politique. Elle rêve d’envoyer aux oubliettes de l’histoire les traités imposés par la France et l’Angleterre il y a cent ans et qui ont abouti à son expulsion de l’Irak et de la Syrie actuelle (Traité de Sèvres, 1920 ; Traité de Lausanne, 1923). Elle se considère chez elle de Mossoul à Alep et a pour la première fois l’occasion de revendiquer ses « titres de propriété ».

De cela, les bien-pensants ne se doutent point. À leurs yeux, le monde a commencé en 1939 lorsqu’un certain Hitler a sifflé le début de l’histoire universelle en posant la culpabilité fondatrice de l’homme blanc hétérosexuel. Ne leur parlez pas de nationalisme turc, le patriarcat oriental ne les émeut pas, ils veulent transformer en eunuques nos hommes à nous seulement… Les femmes des autres ont le droit d’avoir des maris, nos femmes à nous en seront privées : il n’y a rien à comprendre, il s’agit d’une religion et une religion ça se respecte, à part le catholicisme bien sûr…

Autre calamité pour la France, l’immigration à venir. Des milliers de chances pour la France vont débarquer. Certains sont des chances véritables, d’autres d’authentiques mauvaises nouvelles à tout point de vue. C’est comme ça, il paraît : on ne peut rien contre l’immigration mais on peut tout contre le changement climatique… La foi ne se discute pas. Même Joulani vous le dira.

Cela dit et pour conclure sur une note « positive », il convient de tirer un autre enseignement essentiel de la chute du régime al-Assad : la force a toujours raison. L’homme qui porte un fusil a toujours le dernier mot. Et quand l’alternance est impossible — c’était le cas en Syrie — il ne reste plus aux hommes qui aspirent à gouverner leurs semblables que le chemin de la violence. Bien sûr, cette leçon ne vaut pas pour nous. Nous vivons en démocratie, cher Monsieur ! Le peuple s’exprime à chaque élection et il fait barrage comme un seul homme contre lui-même. Chez nous, le parti arrivé en premier aux élections n’a aucune chance de gouverner ni même de commander une commission à l’Assemblée. Mais nous sommes une démocratie et nous entendons bien donner rapidement des leçons de démocratie aux Syriens !

La droite des actes ou celle des magouilles?

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Le chef des députés LR à l’Assemblée souffrirait-il de la soudaine notoriété du ministre de l’Intérieur ? Entre M. Retailleau qui monte dans les sondages et M. Wauquiez qui rame à l’Assemblée, la droite semble hésiter : qui sera le héros de 2027, et qui devra se contenter d’applaudir depuis les coulisses ? Analyse.


Le conflit entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, au sein des Républicains, est révélateur et a une longue tradition politique qui pourrait concerner beaucoup d’histoires partisanes. Si on accepte de ne pas tomber dans le byzantinisme pour faire croire à une noblesse des affrontements, ce qui oppose ces deux personnalités est, pour l’une, son appétence pour les coups fourrés, les magouilles et les exclusions et, pour l’autre, sa passion des actes et sa volonté de transformer une réalité insupportable pour les Français.

Rivalité entre le ministre de l’Intérieur et le président du groupe Droite républicaine

En effet, Bruno Retailleau désirerait rester au sein du prochain gouvernement – si celui-ci a de la cohérence et que gauche et extrême gauche demeurent à l’extérieur et sur ce point seulement, accord total entre Wauquiez et Retailleau (Le Figaro). Non par narcissisme personnel, de la part de celui-ci, ou ambition déplacée mais, tout simplement, comme pour tout bon artisan qui a commencé son travail, par l’envie de le terminer pour que la France aille mieux.

Qu’on ne me dise pas que je m’illusionne sur Bruno Retailleau, avec cet air de pessimisme trop heureux de me donner tort… Mais je peux facilement objecter que le ministre de l’Intérieur qui, je l’espère, le sera à nouveau, a démontré, avant la motion de censure, à quel point son verbe et ses actions étaient indissociables. La droite a mis en valeur, enfin, dans l’exercice du pouvoir, un homme d’une droite authentique qui n’avait pas peur de s’affirmer ainsi et de le démontrer. Jusqu’à lui, nous n’avions connu, peu ou prou, que l’inverse.

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Quant à Laurent Wauquiez, je n’aurai pas l’indécence de tenir pour rien son prestigieux parcours universitaire mais en politique, nous constatons que l’intelligence, aussi bien armée et dense qu’elle soit, ne garantit rien. Il y a, dans le pouvoir et sa périphérie, des obsessions, des tentations, des hostilités, des connivences, d’étranges et surprenantes solidarités, des antipathies subtiles qui n’ont rien à voir avec les capacités intellectuelles au sens classique mais tout avec la répudiation de valeurs humaines essentielles : courage, volonté, fidélité, obstination, lucidité et reconnaissance.

Laurent Wauquiez inquiet quant à la légitimité de sa candidature en 2027 ?

Après la catastrophique dissolution et le résultat dénaturé démocratiquement des élections législatives, nous avons été conduits à douter de la transparence politique et parlementaire de Laurent Wauquiez, aussi bien lors du choix du Premier ministre que de la composition du gouvernement. Il s’agissait déjà de tailler des croupières à Bruno Retailleau qui pâtissait sans doute à ses yeux d’avoir été préféré à lui par le Premier ministre, pour Beauvau.

On sait aussi que M. Wauquiez a tout fait pour écarter David Lisnard des postes ou fonctions qu’il aurait mérité d’occuper dans cette période troublée où on n’aurait pas dû se permettre des ostracismes scandaleux.

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Comme président du groupe parlementaire de la Droite Républicaine, Laurent Wauquiez ne s’est pas distingué par la clarté, la clairvoyance de ses choix et l’efficacité de ses tactiques. Sa complicité avec Gabriel Attal (qui a fortement écorné son image durant le mandat de Michel Barnier) a fait plus de mal que de bien à son camp. On a découvert un Laurent Wauquiez directif, autoritaire, avec une unique finalité : ne rien faire qui puisse léser ses ambitions présidentielles.

Comme s’il était assuré en 2027, ou avant si le président de la République préférait la dignité à l’impuissance, d’être le seul candidat de la droite. On en est loin. Il a eu beau tenter une table rase, ils sont plus que jamais là ceux qu’il trouvera sur sa route : David Lisnard, Bruno Retailleau (je l’espère, sa tâche accomplie), Xavier Bertrand, et d’autres qui sortiront du bois républicain…

En attendant, alors que le nom du successeur de Michel Barnier n’est pas encore connu, que Laurent Wauquiez, de grâce, cesse cette petite guerre médiocre seulement destinée à faire gagner la droite des magouilles contre celle des actes. À faire perdre cette dernière au bénéfice de l’autre.

Réfugiés, go home!

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L’Europe ne veut plus accueillir de Syriens. De nombreux pays européens ont immédiatement suspendu l’examen des demandes d’asile d’exilés syriens. En Allemagne, la CDU veut renvoyer un million de réfugiés dans leur pays.


On a rarement vu gouvernements aussi réactifs. Le régime syrien n’est pas tombé depuis 48 heures que dix pays européens annoncent, en ordre dispersé, qu’ils suspendent toutes les demandes d’asile de Syriens. L’Allemagne, premier pays d’accueil (1 million) tire la première lundi matin. 50 000 demandes sont gelées. Norvège, Danemark, Suède, Belgique, Royaume-Uni et Italie suivent. En France, une décision similaire de l’OFPRA était attendue en fin de journée. Seuls les Autrichiens annoncent aussi un programme d’expulsions, mais la question enflamme la campagne électorale en Allemagne où la CDU veut renvoyer tous les Syriens.

Abandon de deux vaches sacrées

Je suis peu suspecte de laxisme migratoire mais un peu gênée par la précipitation. Certes, les ex-rebelles donnent des signes plutôt encourageants quant aux libertés. On aurait pu attendre quelques jours.

En attendant, on renonce à deux vaches sacrées :

  • Le droit d’asile, d’abord. Certes, il a été dévoyé pour devenir une filière migratoire classique. Mais faut-il le rayer ainsi d’un trait de plume ? Certains Syriens n’ont-ils pas encore besoin de protection ? Il n’est pas sûr que cette suspension soit parfaitement orthodoxe. Comme pour la reconstruction express de Notre-Dame, quand on veut prendre des libertés avec la règle de l’Etat de droit, on le fait, finalement…
  • La soi-disant politique européenne coordonnée. Sur les questions migratoires, on constate le retour du national et du chacun pour soi.

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Fini le baratin !

Que signifie cet emballement ? Que le lyrisme immigrationniste, les bras grands ouverts de la chancelière Merkel, et l’immigration-chance-pour-la-France et l’Europe, c’est fini. À part quelques extrême-gauchistes et des journalistes-prêcheurs, plus personne n’ose tenir ce discours. Toutes les gauches européennes sauf la nôtre comprennent qu’elles ne peuvent plus s’opposer aux peuples à coups de moraline. Partout, elles adoptent des politiques restrictives.

La vérité, c’est que les Européens n’en peuvent plus de l’immigration massive, particulièrement de l’immigration musulmane. Pas parce qu’ils sont racistes ou islamophobes, mais parce qu’une partie des populations arrivées ces dernières années posent un sérieux problème d’intégration quand ce n’est pas de délinquance ou d’insécurité. Les Européens veulent bien accueillir mais pas voir leurs sociétés changer pour les nouveaux arrivants. Et la question du djihadisme n’est évidemment pas à négliger.

Il y a quelques jours, invité par Eugénie Bastié, sur Le Figaro-TV, le philosophe Pierre Manent déclarait que « la part musulmane de l’Europe ne peut pas croître indéfiniment, comme c’est le cas aujourd’hui, sinon nous allons au-devant de drames qu’aucune version de la laïcité ne permettra de maîtriser ». Tollé des belles âmes, accusations de racisme, de xénophobie et de conspirationnisme. Pourtant, il a raison. Accueillir suppose d’intégrer à notre culture. On ne peut pas le faire avec de tels flux. L’humanité ne consiste pas à accueillir des gens qui n’aiment pas notre façon de vivre.


Renversant!

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Inspirés par Le Radeau de La Méduse, les chorégraphe et compositeur de Nous, le Radeau créent un spectacle au climat halluciné.


« Voilà un naufrage qui ne fera pas celui de son auteur », lança Louis XVIII lors du Salon de 1819, devant Scène de naufrage, l’immense morceau de bravoure de Géricault, aujourd’hui rebaptisé Le Radeau de la Méduse.

Et voilà encore un ouvrage qui ne fera pas non plus le naufrage de ses auteurs, le chorégraphe Emio Greco et le compositeur Franck Krawczik, lesquels se sont inspirés du tableau et de la tragédie du navire La Méduse pour composer Nous, le Radeau.

Créé à la Cité de la Musique, à Paris, cet étonnant spectacle musical et chorégraphique a fait l’effet d’une heureuse surprise quand l’époque est à la morosité dans le domaine de la création. Il s’inscrit dans une série de productions mêlant musiciens, metteurs en scène et chorégraphes, qui a déjà vu œuvrer côte à côte Benjamin Lazar et Maxime Pascal, ou Romeo Castellucci et Esa-Pekka Salonen, et qui verra bientôt collaborer Robyn Orlin et Camille Dalmais, Benjamin Millepied et Olivier Latry, Shin-Young Lee et Idio Chichava, Laurent Pelly et Nathalie Dessay, Les Arts Florissants et Amala Dianor, ou encore, pêle-mêle, Peter Sellars, Rocio Molina, Tanguy de Williencourt…

La composition de Krawczik déploie un éventail parfaitement improbable où ses compositions propres alternent avec des arrangements puisés chez Bach, Purcell, Vivaldi, Beethoven, Mahler, Schoenberg… et où il s’est attaché les présences de Sonia Wieder-Atherton au violoncelle, du pianiste Wilhelm Latchoumia, du clarinettiste Carjez Gerretsen et d’un duo infernal, Benjamin Munier à la basse et Raphaël Aboulker à la batterie.

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Tous aventuriers au sein d’une masse sonore ébouriffante, tempétueuse, discordante, étrangement séduisante enfin, à laquelle participent encore des ensembles vocaux qui font merveille : l’Ensemble vocal du Conservatoire de Pantin, le Chœur A Piacere, le Chœur philharmonique et l’Ensemble vocal des grandes Écoles.

Porté par ces vagues sonores, Emio Greco, que seconde Pieter Schoelten, balaie le plateau en tempête avec une chorégraphie sauvage, désarticulée, véhémente et d’une extraordinaire vigueur, mettant en scène sept jeunes danseurs de la compagnie ICK Dans Amsterdam, parmi lesquels surgissent deux personnages d’une poésie noire : un échassier, et un danseur surtout, immense et fantomatique, dont la silhouette démesurée surplombe une Sonia Wieder-Atherton comme vampirisée par ce spectre qui ajoute son archet au sien. 

Et la mise-en-scène multiplie des images étonnantes, comme cette pyramide humaine qui s’agglutine autour du clarinettiste et finit par l’engloutir.

Quand le spectacle s’achève, on serait bien en peine d’en définir le contenu, et plus encore peut-être de le rattacher au manifeste inscrit dans le programme et dont on retiendra cependant cette phrase : « Notre but n’est pas de recréer le tableau, mais d’évoquer la volonté inflexible du corps à survivre quand tout le reste a disparu ; c’est la survie qui constitue la force viscérale et motrice de cette œuvre. »  

Il s’en dégage assurément une séduction, une énergie qui emportent l’adhésion. Comme si de ce maelström gestuel et sonore surgissait une force vitale d’une ombrageuse et tragique beauté.

Cette œuvre hors norme a été créée début décembre à la Cité de la Musique. Le public n’a pu l’admirer que deux soirs de suite, espérons qu’elle a séduit des producteurs qui nous offriront prochainement quelques reprises.

Armée d’Assad: la déroute de Damas

Syrie. La corruption systémique, combinée au sectarisme et à la politisation de l’Armée arabe syrienne, a fragilisé l’institution au point de rendre inéluctable l’effondrement du régime de Bachar al-Assad en 2024. Damas, ton univers impitoyable…


La transformation de l’Armée arabe syrienne (AAS) incarne l’histoire d’une institution militaire passée de pilier du régime à catalyseur de sa chute. En décembre 2024, une offensive éclair menée par les forces rebelles, notamment le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), a provoqué la chute rapide de villes stratégiques comme Alep, Hama et Homs. L’AAS, déjà affaiblie, n’a pas pu contenir cette avancée, entraînant la fuite du président Bachar al-Assad et laissant un vide de pouvoir après des décennies de domination autoritaire. Si cet effondrement a surpris par sa soudaineté, il était en réalité le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption endémique et de priorités stratégiques centrées sur la survie à court terme au détriment de la viabilité institutionnelle. Cette érosion progressive, reflet des dysfonctionnements internes de l’AAS, a mené à une décomposition inéluctable.

Une armée sous contrôle de la minorité alaouite

Entre 2000 et 2011, sous la présidence de Bachar al-Assad, l’AAS a traversé une période de stagnation et de déclin marqué. Héritant d’une armée affaiblie par les pratiques autoritaires de son père, Hafez al-Assad, Bachar n’a pas entrepris les réformes nécessaires pour la moderniser ou renforcer sa cohésion. Au contraire, il a renforcé des pratiques de favoritisme, de corruption et de centralisation excessive, transformant l’AAS en un outil de répression intérieure au service exclusif de son régime. Sous son autorité, l’armée est devenue un appareil davantage politique que militaire, axé sur le maintien de l’ordre intérieur et la protection du pouvoir plutôt que sur la défense nationale.

Bachar al-Assad a consolidé le contrôle de l’armée par l’élite alaouite, sa propre communauté, ce qui a exacerbé les divisions sectaires au sein de l’AAS. Les postes stratégiques étaient attribués selon des critères de loyauté envers le régime plutôt qu’en fonction de la compétence. Cette politisation de l’armée a marginalisé une grande partie des soldats et officiers sunnites, pourtant majoritaires dans les rangs, affaiblissant considérablement sa cohésion et sa capacité opérationnelle. La corruption, déjà omniprésente sous Hafez al-Assad, a atteint de nouveaux sommets sous Bachar. Les officiers supérieurs détournaient des fonds militaires, vendaient des équipements sur le marché noir et utilisaient les conscrits comme main-d’œuvre bon marché pour leurs projets personnels. La pratique des « soldats fantômes », qui permettait aux commandants de détourner les salaires de personnel fictif, est devenue emblématique de cette corruption systémique. Ces abus, en plus de saper le moral des troupes, ont compromis la capacité de l’armée à répondre efficacement aux menaces extérieures.

Les Russes et les Iraniens perpétuellement à la rescousse

Malgré les défis géopolitiques croissants, comme la montée en puissance d’Israël et les tensions régionales, Bachar al-Assad n’a pas modernisé l’AAS. L’armée est restée dépendante de technologies obsolètes héritées de la Guerre froide et n’a pas investi dans la formation ou la préparation de ses troupes. Lors de la guerre du Golfe en 1991, la Syrie a déployé environ 14 500 soldats au sein de la coalition dirigée par les États-Unis contre l’Irak. Ces forces, intégrées au contingent arabe, étaient principalement stationnées en Arabie saoudite. Bien que cette participation ait renforcé l’image d’une solidarité arabe au sein de la coalition et affirmé l’opposition de la Syrie à Saddam Hussein, elle est restée avant tout symbolique, les troupes syriennes étant peu engagées dans les combats.

Malgré les enseignements tirés de ce conflit, la Syrie a rencontré de grandes difficultés à moderniser son armée et à adopter des stratégies militaires avancées. Des contraintes économiques et technologiques persistantes, associées à des choix politiques délibérés, ont maintenu sa dépendance à des alliés comme la Russie pour préserver son efficacité militaire et sa survie stratégique dans les conflits contemporains.

Il semble néanmoins que le régime syrien – d’abord sous Hafez al-Assad, puis sous Bachar al-Assad – ait conclu qu’une occidentalisation (dans la manière de se battre NDLR) de son armée était incompatible avec le contexte politique et géopolitique du pays. L’alliance stratégique avec la Russie et l’Iran, combinée à la priorité absolue donnée à la préservation du régime en place, s’opposait fondamentalement à toute réforme militaire susceptible de réduire cette dépendance ou de s’aligner sur les doctrines occidentales. Cette inaction, combinée à une focalisation excessive sur le contrôle intérieur, a laissé l’AAS mal préparée à affronter des défis militaires complexes. Lorsque la guerre civile a éclaté en 2011, les faiblesses structurelles de l’AAS ont été brutalement exposées. Confrontée à des défections massives, à des pertes territoriales et à la montée des forces d’opposition, l’armée s’est rapidement fragmentée. La corruption a exacerbé cette désintégration, les officiers détournant des ressources, abandonnant leurs unités ou priorisant leur enrichissement personnel plutôt que les objectifs militaires. Cette situation a paralysé l’armée et nécessité une reconstitution urgente dans des conditions désastreuses.

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La reconstruction de l’AAS s’est appuyée sur le soutien de l’Iran et de la Russie. L’Iran a joué un rôle crucial en formant des forces auxiliaires comme les Forces de défense nationale (FDN), tandis que la Russie a fourni un soutien aérien et des conseils stratégiques. Bien que ces interventions aient permis au régime de regagner du territoire, elles ont entraîné une perte d’autonomie significative pour l’armée. L’AAS s’est transformée en une force hybride combinant les vestiges de son organisation initiale avec des milices et des groupes paramilitaires. Cette évolution a érodé sa cohésion, concentrant le pouvoir dans des unités d’élite et des milices de confiance, au détriment d’une armée nationale unifiée.

Les chabihas, hommes de main redoutables du régime

Les chabihas, qui incarnent une logique évolutive unique, ont joué un rôle clé dans cette transformation. Originaires des zones côtières alaouites comme Lattaquié, ces groupes sont passés de contrebandiers locaux à forces paramilitaires soutenues par le régime Assad. Leur ascension a été favorisée par des liens communautaires et tribaux avec la famille Assad, ainsi que par leur proximité avec le Liban, qui leur a permis de tirer profit du trafic transfrontalier de marchandises et d’armes pendant la guerre civile libanaise. Bien que leur violence excessive ait parfois conduit à des confrontations avec le régime, ils ont été réactivés en 2011 pour réprimer l’opposition. Financés et armés par le régime, les chabihas sont devenus des unités paramilitaires redoutées, connues pour leurs massacres et leur rôle dans l’accentuation des divisions sectaires.

Avec le prolongement du conflit, les chabihas ont été intégrés aux FDN, mais sans abandonner leurs pratiques criminelles, telles que l’extorsion et le pillage. Entre 2020 et 2024, ils ont continué à jouer un rôle actif dans les offensives militaires et la gestion des territoires contrôlés par le régime, bien que leur efficacité ait été compromise par des problèmes de discipline et de loyauté. Lors de l’offensive finale des rebelles en décembre 2024, l’AAS et ses milices alliées, y compris les chabihas, n’ont pas pu empêcher l’effondrement du régime.

Bachar al-Assad a hérité d’une armée déjà fragilisée par la politisation, le sectarisme et la corruption du système assado-baasiste. Pourtant, au lieu de la réformer, il a renforcé ses dysfonctionnements, transformant l’AAS en une institution inefficace. Si ces choix ont permis au régime de survivre temporairement, ils ont laissé un héritage d’instabilité durable. Ainsi, la dynastie Assad, arrivée au pouvoir par l’armée, a vu son règne s’achever en grande partie à cause de la déliquescence de cette institution.

Les différentes facettes de Jaurès

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La biographie de Jean Jaurès signée par Jean-Numa Ducange ressuscite la vie et la pensée d’un homme complexe. Bien plus riche que ce que laissent entendre ceux qui se complaisent à le citer…


Jean Jaurès (1859-1914) est cité par tout le monde (ou presque). Les hommes politiques ne sont évidemment pas en reste… Et pourtant, qui connaît le fondateur de L’Humanité, journal toujours existant ? C’est le mérite de l’ouvrage paru récemment chez Perrin, Jean Jaurès, signé de l’historien Jean-Numa Ducange, que de restituer les différentes facettes de ce personnage : favorable aux alliances larges quand il le faut pour défendre la République, il adopte dans le même temps une lecture marxisante du monde qui lui fait comprendre l’importance de la question sociale. Philosophe, historien, journaliste, député, ardent militant aimant profondément sa région natale et son pays, tout en professant une certaine idée de l’internationalisme… Trop « socialiste » pour certains à gauche, trop pacifiste pour d’autres à droite, il a passé sa vie à tenter de définir la perspective d’une gauche républicaine qui n’oublie pas les ouvriers et les paysans, tout en estimant nécessaire de défendre les droits des individus et de lutter contre l’antisémitisme. On mesure, à la lecture de cette biographie fouillée, fondée sur de nombreuses archives inédites, combien un abîme sépare la gauche jaurésienne de ce qu’est devenue une large partie de la gauche aujourd’hui. À lire et à méditer…

Jean-Jaurès, Jean-Numa Ducange, Perrin, 2024. 464 pages.

Jean Jaurès

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Sauve-qui-peut !

L’État perd ses meilleurs serviteurs, et son autorité. Parce qu’ils sont mal payés (profs, médecins) ou parce qu’ils cèdent aux sirènes du privé (haute fonction publique), les fonctionnaires qui le peuvent quittent le navire, affaiblissant la culture du service public, le sens de l’État et celui de l’intérêt général.


La Révolution française n’a pas remis en cause la puissance de l’État royal, patiemment construit et consolidé par la monarchie. Elle a même renforcé sa centralité par son jacobinisme. Elle a en revanche aboli les privilèges de naissance de ceux qui en assuraient la direction au profit d’un principe électif (chargé de fournir une classe politique nouvelle) et d’un principe méritocratique (chargé de recruter les fonctionnaires). Conformément aux textes constitutionnels, les fonctionnaires travaillent au service de la nation et pour l’intérêt général, mais ils obéissent aux lois et au gouvernement, c’est-à-dire au pouvoir politique. Napoléon Bonaparte a renforcé la puissance de l’État républicain. Il a créé une justice administrative pour protéger l’État et ses serviteurs (les fonctionnaires) des administrés, du peuple et de ses juges. La Révolution avait assez montré leur potentiel révolutionnaire. Dans le monde anglo-saxon, on protège les sujets et les citoyens de l’État : notre inversion démontre en creux la place prestigieuse et l’étrange privilège historique des serviteurs de l’État en France.

Une fonction publique devenue obèse

Mais depuis deux siècles, des évolutions profondes ont modifié la donne, et peu à peu abaissé la puissance publique et étatique. L’évolution est préoccupante depuis un petit demi-siècle. D’abord, l’État, qui était sobre jusqu’à la guerre de 1914, a considérablement grossi et le nombre de ses fonctionnaires a crû en conséquence. De quelques centaines de milliers de fonctionnaires au xixe siècle – armée et professeurs compris –, on est passé à 6 millions, non comptés les contractuels, les sous-traitants (y compris désormais les cabinets de conseil), les secteurs paraétatiques, à commencer par la médecine financée sur fonds publics, et la masse des associations et des entreprises financées par l’État. La filiale française d’Acted, parmi d’autres ONG, est financée par cinq niveaux de donateurs publics (UE, l’AFD pour l’État, des régions, des départements et des communes), de sorte qu’on se demande si elle est une ONG ou un bras décentralisé de l’État ? La fonction publique est devenue obèse, et ses missions comme ses compétences se sont diluées au point qu’une zone grise entoure toutes les actions de l’État et de ses démembrements. La SNCF a ainsi été méthodiquement démembrée, tronçonnée entre activités d’investissement, de fonctionnement, de transport, de low cost, etc., semi-privatisée – ses grandes gares étant transformées en galeries commerciales, tandis que les petites sont fermées, n’assurant plus qu’un service public discontinu – et désormais clivée entre contractuels et statutaires minoritaires. Elle est enfin livrée au marché concurrentiel, jusqu’à abandonner le fret dont elle devrait être le maître d’œuvre européen !

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Cette hypertrophie et cette dispersion ont affaibli l’autorité de la fonction publique, le prestige et le statut des fonctionnaires. La France est parmi les pays riches les plus fonctionnarisés du monde. Or plus il y a de fonctionnaires, moins ils sont bien formés et clairement identifiés. L’appauvrissement des professeurs, qui ont perdu en quarante ans (1981-2021) la moitié de leur pouvoir d’achat relatif (qu’on les compare aux smicards ou aux cadres), aboutit à une déconsidération générale dans une société dont l’argent est devenu l’unique référent. Cela rend le métier de moins en moins attractif. Il y a des décennies que, dans les sciences, le métier n’attire plus les plus ambitieux ni les meilleurs, qui optent pour des carrières plus rémunératrices en dépit de l’effondrement industriel. Désormais, ce syndrome a gagné les matières littéraires et les langues, qui peinent à recruter des enseignants. À cela s’ajoute un phénomène nouveau et inédit, la démission de milliers d’enseignants chaque année, eu égard à la dégradation des conditions de travail.

Individualisme et consumérisme n’épargnent pas les fonctionnaires

Le troisième phénomène est la perte d’autorité de l’État qui, dans une société devenue molle et dont les valeurs ont profondément changé, sous le coup de l’individualisme et du consumérisme, peine à se faire respecter, et à se faire obéir par ses propres fonctionnaires. Pas plus qu’il ne parvient à obliger les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux – alors qu’il a financé leurs études et qu’il est responsable de la sécurité sociale qui rémunère leur activité –, l’État ne se plus fait obéir de certaines catégories de fonctionnaires. Il y a un petit demi-siècle, quand l’État était fort et riche, il imposait aux jeunes normaliens et agrégés – alors payés 2,5 fois le SMIC en début de carrière – des nominations dans les lycées les plus ruraux, les plus pauvres ou les plus populaires du pays. Alors que leur salaire est aujourd’hui proche du SMIC en début de carrière (surtout si l’on intègre la hausse du coût du logement), l’État n’a plus la force d’y affecter tous ses jeunes fonctionnaires. Il a alors recours à des contractuels formés de manière aléatoire pour boucher les trous, ce qui contribue à entretenir la stagnation sociale et professionnelle des classes populaires, attisant chez elles un ressentiment envers la République… et ses fonctionnaires. De même, l’État impécunieux peine à nommer des chefs d’établissement bien rémunérés et ayant l’autorité nécessaire à la tête des écoles les plus difficiles : écoles et collèges REP (réseau d’éducation prioritaire, ex-ZEP), lycées professionnels ou de banlieues. Partout, des personnels de direction manquent : peu payés bien que logés, mal considérés et mal protégés par le ministère, ces fonctionnaires au rôle essentiel manquent à l’appel. La récente histoire du chef d’établissement de la cité Maurice-Ravel, à Paris, menacé de mort sans que son auteur soit emprisonné, démontre que l’État peine ou échoue à protéger ces fonctionnaires, sur lesquels repose pourtant l’ordre républicain.

Rentrée scolaire en uniforme pour les élèves de l’école Ronchèse, 2 septembre 2024. La dégradation des conditions de travail des professeurs, qui ont perdu la moitié de leur pouvoir d’achat en quarante ans, rend la profession de moins en moins attractive © SYSPEO/SIPA

À l’autre extrémité de l’État, face à ses hauts fonctionnaires passés par l’ENA ou par les cabinets ministériels, l’État peine désormais à accueillir des carrières longues dans la haute fonction publique. Les allers-retours entre la haute administration et le secteur privé dans des postes bien plus rémunérateurs se multiplient depuis vingt ans, affaiblissant la culture du service public, le sens de l’État et de l’intérêt général. Le Canard enchaîné en tient régulièrement une scrupuleuse et inquiétante chronique. Or les hauts fonctionnaires étaient non seulement les gardiens de l’éthique républicaine, mais aussi ses prescripteurs. Emmanuel Macron a considérablement accentué cette dérive, en détruisant l’ENA et les corps d’État (diplomates, préfets, recteurs, etc.), en les ouvrant à des cadres ayant fait carrière dans l’entreprise ou dans des cabinets d’avocats ou de médecine, suivant des logiques d’amitié ou des opportunités de toutes natures. Cette dérive est conforme à ce qu’il a reçu comme enseignement à l’IEP de Paris, depuis que feu Richard Descoings, énarque et conseiller d’État, directeur de l’IEP de 1996 à 2012, a pulvérisé la vieille institution française, pour en faire une business school internationale professant l’enrichissement comme optimum personnel, et en y recrutant de manière de plus en plus aléatoire. Une partie des professeurs et des « maîtres de conférences » de l’IEP ou de « grandes écoles » financées sur fonds publics poussent désormais leurs étudiants vers la quête d’un enrichissement rapide. Désormais, la plupart des polytechniciens et des normaliens de la rue d’Ulm abandonnent le service de l’État auquel ils étaient destinés, et pour lequel ils ont été excellemment formés et rémunérés pendant leurs études, au profit d’autres carrières. Pour les polytechniciens, l’enrichissement personnel passe par l’expatriation des meilleurs aux États-Unis, où ils peuvent pratiquer leur science et s’enrichir, et pour les autres, par la finance européenne ; pour les normaliens, le double diplôme à HEC ou à l’ENA (actuel INSP) permet de fuir la carrière universitaire ou scientifique, de plus en plus dévaluée du fait de ses revenus. Rappelons à ce sujet qu’un instituteur allemand touche le salaire d’un universitaire français, ce qui est plus parlant que tous les raisonnements.

Délitement par les deux bouts

Ce cul-par-dessus-tête dans la formation des élites étatiques et administratives françaises permet de comprendre les frustrations et le désarroi des niveaux intermédiaires et inférieurs de l’administration. D’autant que les élites subsistantes ont inoculé la culture de la concurrence et du management au sein des structures inadaptées de la vieille bureaucratie française. On se rappelle de la vague de suicides suscitée à France Télécom – ex-PTT – lorsque les méthodes managériales de la fin de la décennie 2000 sont passées en force pour adapter les fonctionnaires et leurs chefs à l’internet. Ce choc a peu ou prou frappé l’ensemble des services publics. Ainsi La Banque postale, ex-PTT, qui est depuis sa création la banque des plus modestes et de nombreux retraités. Son rôle dans l’accompagnement social était un service public. Quel n’a pas été le choc – et bientôt le dégoût – pour ses milliers de guichetiers et d’employés, quand le management les a poussés à passer de l’accompagnement à l’incitation forcée d’achats de produits financiers ou d’épargne au profit de la seule banque, désormais au détriment des « clients », comme l’ont fait de manière de plus en plus décomplexée toutes les banques.

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Si l’on ajoute les fonctionnaires de catégories C, dont les fonctions ouvrières qu’ils occupaient dans l’intendance des administrations d’État (gardiens, veilleurs de nuit, femmes de ménage, hommes d’entretien, ouvriers, cuisiniers, jardiniers, etc.) ont été systématiquement externalisées auprès de sociétés de main-d’œuvre employant une immigration récente soumise à un management invisible et à de bas salaires, il n’est pas abusif d’écrire que la fonction publique s’est délitée par les deux bouts. Après vingt ans de libéralisation et de mise en concurrence à marche forcée sous contrainte européenne, que reste-t-il des services publics à la française ? Face à la numérisation de l’administration, qui a créé un écran – et parfois un fossé – numérique entre les usagers et les fonctionnaires, que reste-t-il de l’esprit de service public ? Il demeure des corps intermédiaires au contact du public, les « chiens de berger » de la société que sont les professeurs, les infirmières, les policiers et les pompiers, fidèles à leurs postes au contact des publics. L’administration fiscale de Bercy est désormais plus à distance, mais du fait de son rôle capital pour l’État, elle a été modernisée et ses fonctionnaires y sont mieux payés, encadrés et traités qu’ailleurs. Il demeure aussi l’armée mexicaine de la fonction territoriale, qui a crû d’un tiers de 1997 à 2022, pour atteindre presque 2 millions de fonctionnaires. Il y a trente ans, l’informatisation miracle de l’administration devait permettre une fonte de ses effectifs tant on allait gagner en productivité ! C’est l’inverse qui s’est passé – hors administration fiscale –, puisque les administrations françaises ont gagné un million de fonctionnaires en vingt-cinq ans.

Mais l’administration et ses fonctionnaires ont profondément changé, sous les coups de boutoir des politiques imposées par Bruxelles et par la haute fonction publique saisie par les principes d’un libéralisme plus idéologique qu’efficient. À l’exception peut-être des ministères régaliens – justice, police, armée –, dans lesquels la culture de l’État demeure stable par nécessité de service, les autres administrations ont été bousculées par des chocs endogènes (restrictions budgétaires, appauvrissement des fonctionnaires, inoculation de méthodes de management mal digérées) et des chocs exogènes (crise sociale, effondrement culturel, archipellisation de la société). Les syndicats de fonctionnaires auraient pu tirer profit de ces évolutions si éloignées de leurs attentes, mais comme dans le reste de la société, leur recul est spectaculaire. C’est particulièrement net dans l’Éducation nationale et à l’Université, où leur situation de cogestionnaire du système est devenue artificielle. L’effondrement des métiers ouvriers dans les fonctions de support les a affaiblis partout, sauf à l’hôpital. Mais la crise y est telle que leur capacité à inverser le cours des choses est faible. C’est la société qui s’indigne du sort des infirmières, obligeant les politiques à le corriger en partie, car elles sont le pilier du système hospitalier. Partout ailleurs, notamment dans les grands services publics ouverts à la concurrence, les évolutions ont été si rapides que les commentateurs et les responsables politiques ou syndicaux ont tendance à décrire un monde qui n’existe plus. Comme pour maintenir en vie le concept rassurant d’une fonction publique à la française vivant sur ses rentes et sur ses acquis. Mais il est loin le temps où l’État avait autorité sur des fonctionnaires respectés.

On a cassé la République: 150 ans d'histoire de la nation

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La donna e mobile…

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La nouvelle mise en scène du Rigoletto de Verdi à l’Opéra-Bastille, signée Claus Guth, allie modernité et émotion, avec une scénographie minimaliste et un casting exceptionnel


Production anthologique de 2016, cette nouvelle reprise du chef-d’œuvre de Verdi (la pandémie avait eu raison des représentations de 2020) où triomphaient, il y a quatre ans, Ludovic Tézier et Nadine Sierra sur le plateau de l’Opéra-Bastille, se voit reconduit, cet hiver 2024, dans une nouvelle distribution : un Rigoletto d’exception, à tous points de vue.

Inspiré, comme l’on sait, du drame hugolien de 1832, Le Roi s’amuse est devenu Rigoletto sous les auspices du génial librettiste Francesco Maria Piave. Le titre initialement envisagé par Verdi, La Maledizione, illustre le sort funeste fait au bouffon mal conformé dont le prénom, Triboulet, est donc changé en Rigoletto dans la transposition lyrique qu’en fera le compositeur en 1851…  On a peine à le croire aujourd’hui, mais tandis que la création de La Traviata, deux ans plus tard, se soldera par un fiasco total à La Fenice, tout Venise au contraire fredonne immédiatement l’air célébrissime « La donna e mobile… » Et la mélodie fait bientôt le tour de l’Europe entière.

Par les temps qui courent et du train où vont les choses, le jour n’est peut-être pas si loin où plus aucune scène lyrique occidentale ne se risquera à laisser, au seuil du troisième acte, un Duc de Mantoue libertin (comprenez : ‘’coupable d’agression sexuelle et sexiste’’) faire offense à la Femme en chantant de sa voix de ténor : « Cual pluma al vento/ Muta d’accento/ E di pensiero (…) E sempre misero/ Chi a lei s’affida » – Comme la plume au vent, la femme est changeante. Elle change de propos comme de pensée. Est toujours malheureux qui se fie à elle »…

A lire aussi, du même auteur: Edouard Limonov, ou la vie comme rhapsodie

En attendant, et avant que les inquisitrices du woke n’abattent leurs foudres vengeresses sur Verdi, il est fort heureusement permis  d’assister aux représentations, non encore tamisées par la cancel culture, de l’immortel « melodramma en trois actes et quatre tableaux », dans la mise en scène de Claus Guth, épurée autant qu’intelligible : les costumes Renaissance du grand bal d’ouverture dans le palais du Duc cèdent vite la place à des vêtements d’époque contemporaine, où se meuvent les personnages telles les marionnettes du destin, enchâssés dans l’unique espace parallélépipédique d’une boîte en carton recyclé (décor et costumes signés Christian Schmidt) : agrandissement, aux dimensions du plateau, de ce modeste paquet que, vieillard clochardisé, le double de Rigoletto trimbalera avec lui du début à la fin comme s’il revisitait obstinément son lointain, fatal traumatisme. Ici, la difformité physique de Rigoletto n’apparaît pas : le supplice du bossu est intérieur. C’est assez bien vu. Le metteur en scène allemand, qui scénographiait Samson cet été au Festival d’Aix-en-Provence, faisait déjà merveille à la Bastille dans sa régie de Don Giovanni l’an passé, production berlinoise du Staatoper Unter Den Linden (cf. notre article Désir, meurtre et damnation).

© Benoîte Fanton / OnP

Dans sa mouture actuelle de 2024, son Rigoletto s’appuie sur un casting de haute tenue, à commencer par le chef helvéto-vénézuélien Domingo Hindoyan, formé à l’excellente école de Caracas puis à Genève, et qu’on découvre à l’Opéra de Paris au pupitre de l’orchestre maison, ici à son meilleur – et les chœurs aussi. Les voix ne sont pas en reste : dans le rôle-titre, le baryton russe Roman Burdenko donne une profondeur rare aux lamentations du bouffon pleurant ses larmes de sang (« di vivo sangue a lagrima piangando »). Campée par la magnifique soprano italienne Rosa Feola (qui débute également sur la scène parisienne), sa fille Gilda vous étreint d’émotion avec son impeccable legato. Dans le petit rôle de Maddalena excelle la mezzo Aude Extremo (on avait pu l’admirer déjà en septembre dernier en Suzuki dans Madame Butterfly). La basse géorgienne Goderdzi Janelidze reprend sans faillir l’emploi du glaçant tueur à gages Sparafucile qu’il tenait déjà en 2021, tandis que notre Marine Chagnon nationale, membre de la troupe lyrique maison, nous donne une Giovanna sublimement traîtresse à sa patronne. Le Duc de Mantoue, sous les traits du ténor arménien Liparit Avetisyan, développe un vibrato vertigineux. Le baryton américain Blake Denson plante enfin un Monterone d’une présence physique impressionnante.

En bref, pour clôturer l’année, le choix de cette reprise, rehaussée d’un casting superlativement exercé, ne pouvait être meilleur. On n’en a pas fini pour autant avec Verdi au cours de la saison lyrique 2024-2025 : chef-d’œuvre de la maturité verdienne fascinant entre tous, Don Carlos sera encore donné à l’Opéra-Bastille en mars, et Rigoletto repris une fois de plus en mai-juin ici même, dans une distribution nouvelle…


Rigoletto, opéra de Giuseppe Verdi.

Avec Liparit Avetisyan, Roman Burdenko, Goderdzi Janelidze, Aude Extrémo, Marine Chagnon, Blake Denson, Florent Mbia, Kevin Punnackal, Armin Ahangaran, Teona Todua, Julien Joguet, Henri Bernard Guizirian.

Direction : Domingo Hindoyan. Mise en scène : Paul Guth
Opéra Bastille, les 10, 13, 16, 19, 24 décembre à 19h30. Le 22 décembre à 14h30.
Durée : 2h45
(Spectacle repris du 10 mai au 12 juin 2025 à l’Opéra Bastille. Nouvelle direction nouvelle distribution).

Cage international: Anatomie d’une meute islamo-gauchiste

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Le militant islamiste français Elias d'Imzalène, fiché S depuis 2021, lors d'une manifestation pro-palestinienne à Paris, 9 septembre 2024 © Idir Hakim/SIPA

Elias d’Imzalène, ce militant islamiste qui a appelé à l’intifada dans les rues de Paris devant le gratin LFI, a tranquillement récidivé face à l’OSCE, cénacle censé œuvrer à la sécurité en Europe. Cet activiste est soutenu par Cage International, une puissante ONG britannique dont la spécialité est d’arroser les réseaux djihadistes qui veulent instaurer un califat mondial


Les images ont fait le tour des chaînes d’information. Le 8 septembre dernier, place de la Nation, en plein cœur de Paris, lors d’un rassemblement en soutien à la Palestine, un militant islamiste connu sous le pseudonyme d’Elias d’Imzalène a lancé un appel à la guerre civile, sous les acclamations de la foule : « Est-ce qu’on est prêt à mener l’intifada dans Paris ? Dans nos quartiers ? Dans nos banlieues ? »

Rapidement signalés à la justice par le ministère de l’Intérieur, ces propos explicitement factieux ont valu à leur auteur, de son vrai nom El Yess Zareli, fondateur du site Islam et info, et du collectif StopZemmour, une comparution devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris le 23 octobre. Lors de l’audience, le parquet a requis huit mois de prison avec sursis et 2 000 euros d’amende. Le délibéré sera rendu le 19 décembre.

Ce que l’on sait moins, c’est qu’Elias d’Imzalène, dont Le Parisien a révélé qu’il fait l’objet d’une fiche S depuis 2021, ne se borne pas à mener son combat antirépublicain dans la rue et sur le web. Moins de deux semaines avant son procès, il a pu décliner sa rhétorique haineuse lors de la très respectable conférence annuelle Human Dimension, organisée à Varsovie par l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).

En octobre, devant un parterre de délégations occidentales, Elias d’Imzalène a prononcé un discours intégralement mensonger. « En France, la persécution des musulmans est le mot d’ordre de l’État, du gouvernement et des médias », a-t-il affirmé sans vergogne sur un ton faussement docte et pacifique. Comment de tels bobards ont-ils droit de cité dans un cadre aussi officiel que l’OSCE ? Selon nos informations, l’invitation d’Elias d’Imzalène dans cet éminent cénacle diplomatique a été rendue possible par le parrainage d’une puissante ONG britannique : Cage International.

Un fondateur passé par Guantánamo

Fondée en 2003 à Londres sous le nom initial de « Cageprisoners », Cage International s’est donné pour mission de dénoncer les abus de pouvoir que subiraient les personnes détenues pour faits d’islamisme dans les pays occidentaux. Sous des dehors très urbains, l’ONG a pour directeur un activiste au passé sulfureux : Moazzam Begg. Né il y a 56 ans à Birmingham, cet ancien membre du « Lynx Gang », une bande criminelle d’antifas anglais, a appartenu au cours des années 1990 à divers groupes djihadistes, en Bosnie, en Tchétchénie, au Pakistan et en Afghanistan. En février 2002, soit cinq mois après le 11-Septembre, il est arrêté à Islamabad par des supplétifs de l’armée américaine.

Accusé d’être « sympathisant, recruteur, financier et combattant » du mouvement d’Oussama ben Laden, Begg est d’abord incarcéré sur une base de l’US Air Force près de Kaboul, avant d’être transféré à Guantánamo, où il est mis au secret pendant deux ans jusqu’à ce que Georges W. Bush ordonne sa libération suite à une demande de Londres – Begg est un sujet britannique. Depuis, il clame son innocence et jure qu’il n’a jamais commis d’acte terroriste.

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À son retour au Royaume-Uni en 2005, Begg devient la principale cheville ouvrière de Cage International. Parmi les prisonniers soutenus par l’ONG : l’Algérien Djamel Beghal, ancien d’Al-Qaïda à l’origine de la radicalisation de Chérif Kouachi et Ahmed Coulibaly, les tueurs de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher à Paris, qu’il a connus à Fleury-Mérogis. Signalons aussi Rachid Aït El Hajd, déchu de sa nationalité française et fraîchement expulsé vers le Maroc pour son implication dans les attentats de Casablanca du 16 mai 2003.

Cage International est une ONG riche. Entre 2007 et 2014, elle a notamment perçu 305 000 livres de la part du Joseph Rowntree Charitable Trust (JRCT), une œuvre philanthropique tenue par des quakers britanniques, tandis qu’entre 2009 et 2012, Anita Roddick, la créatrice anglaise de la marque de cosmétiques The Body Shop, lui a versé 120 000 livres à travers sa fondation. La révélation de ces dons a suscité un tollé dans la presse britannique, obligeant les deux organismes à s’engager à ne plus financer à l’avenir d’entités encourageant le djihadisme.

Soumettre l’Occident aux lois de la charia

Cage International s’appuie aussi sur des réseaux internationaux tels que le mouvement islamiste Hizb ut-Tahrir (« Parti de la libération »), présent dans une quarantaine de pays, qui veut réunir les musulmans (l’oumma) afin d’instaurer un califat mondial. Si les Frères musulmans agissent dans la discrétion et appliquent une stratégie d’entrisme, le mouvement Hizb ut-Tahrir proclame fièrement sa volonté de soumettre l’Occident aux lois de la charia.

Récemment, Cage International s’est dotée d’un responsable pour chapeauter sa branche française. Son nom : Rayan Freschi. Depuis sa nomination, ce « militant des droits de l’homme », qui s’exprime régulièrement dans des médias francophones comme Le Média, TRT et Orient XXI, s’est beaucoup investi dans la défense de l’imam Mahjoub Mahjoubi, expulsé en février dernier vers la Tunisie par une décision du Conseil d’État suite à une condamnation pour apologie du terrorisme, ainsi que pour des prêches radicaux ciblant la France, les femmes et les juifs. Freschi a aussi participé à la campagne de soutien à Abdourahmane Ridouane, imam de la mosquée salafiste Al Farouk de Pessac, près de Bordeaux, accusé quant à lui de propos antisémites et d’apologie du Hamas (son procès aura lieu le 13 janvier prochain).

Partout où il intervient, Freschi se présente comme « juriste et chercheur »… Mais chercheur en quoi, au juste ? On ne lui connaît aucune affiliation à une université ou un laboratoire. On sait juste qu’il est l’auteur d’un rapport de 52 pages, préfacé par l’islamologue François Burgat, sur la « persécution des musulmans parrainée par l’État en France ». Dans ce document, Freschi pose ses exigences à l’État : annuler la dissolution des organisations musulmanes islamistes telles que Barakacity et le CCIF ; abroger les lois sur la laïcité, comme celle de 2004 prohibant les signes religieux à l’école et la loi de 2010 sur l’interdiction du niqab, etc. Il veut que les pouvoirs publics encouragent (et peut-être financent) l’instauration d’une contre-société islamiste dans notre pays.

On ne s’en étonnera pas, le lobbying de Cage International trouve nombre de relais complaisants dans les plus hautes sphères internationales qui grouillent de faux chercheurs et de bureaucrates militants. En 2021, avec l’appui de 36 autres organisations musulmanes, l’ONG a saisi le Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour faire condamner la « politique islamophobe » de la France. Deux ans plus tard, elle participait à une conférence sur Guantánamo, organisée au Parlement européen par des élus de gauche irlandais en présence de représentants de La France insoumise. L’islamo-gauchisme en actes.

Procès Paty: l’ «islamophobie» toujours invoquée par certains militants

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DR.

Certains militants estiment que l’ « islamophobie » présumée de la société française explique la mort de Samuel Paty. Le contexte de menaces quotidiennes que subissent de nos jours les professeurs rend ce type de messages particulièrement dangereux pour ces derniers, rappelle Didier Lemaire dans cette tribune.


Maître Carine Chaix, avocat partenaire de Défense des serviteurs de la République, a déposé plainte au nom de Mikaëlle Paty et de notre association, pour apologie de terrorisme et incitation à la haine envers les professeurs suite à des propos tenus le 3 décembre sur X (ex-Twitter) par Monsieur Pierre Jacquel.

Une argumentation inacceptable

Mardi 3 décembre, le doctorant Pierre Jacquel formulait l’accusation suivante : « Sans islamophobie, ce drame ne serait jamais arrivé. Patty (sic) était probablement un islamophobe laïc, mais si un musulman le dit on parlerait (sic) d’apologie du terrorisme. Le père de famille musulman fait le coupable idéal, et ce procès va encore alimenter l’islamophobie ».

Nous ne pouvons accepter que la mémoire et l’honneur de Samuel Paty soient salis par une personne prenant fait et cause pour l’un des prévenus, Brahim Chnina, qui a organisé la campagne de haine ciblant le professeur. Il reviendra à la Justice d’apprécier la justification de cet assassinat, formulée par ce Monsieur, et si celle-ci participe de plus à focaliser la haine sur les professeurs soucieux que soit respecté dans leur établissement le cadre laïque de l’instruction.

Inversion victimaire à la mode

Ce Monsieur, se présentant comme enseignant doctorant à l’université de la Sorbonne – alors qu’il ne maîtrise manifestement pas la concordance des temps –, prétend, en effet, que « l’islamophobie de la société et de nombreux profs laïcs sont la racine du terrorisme ». Il reprend ainsi le type d’« argument » qui innocente le violeur en prétendant que la mini-jupe, quand ce n’est pas la femme elle-même, serait la cause du viol. Il faut dire que l’inversion de la victime et du bourreau est devenue un « argument » très en vogue depuis quelques mois dans la sphère islamo-gauchiste, notamment chez les députés de LFI qui nazifient les juifs pour justifier les pogroms génocidaires du Hamas et inciter à l’antisémitisme dans notre pays. Ces députés ne font finalement que reprendre la phraséologie frériste.

Déjà, en mars 2012, Tarik Ramadan expliquait que les assassinats d’Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Jonathan Sandler (le rabbin et professeur juif) et de ses trois élèves de l’école Ozar Hatorah, Myriam, Arié et Gabriel (qui avaient huit, cinq et trois ans), devaient être imputés non à son auteur, Mohamed Merah, mais à la France qui traite une partie de sa population « comme des citoyens de seconde catégorie ». Aujourd’hui, il faut bien l’admettre, c’est une large partie de la classe politique et de la petite bourgeoisie intellectuelle déclassée qui propage ce genre de rhétorique, impulsée par les idéologues de tous les mouvements totalitaires pour préparer les meurtres de masse.

Vous pouvez soutenir notre démarche et contribuer par vos dons à poursuivre ce sinistre individu.

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Paris–Damas: deux visages de la défaite

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Abou Mohammed al-Joulani, Damas, Syrie, 8 décembre 2024 © Omar Albam/AP/SIPA

L’effondrement du régime de Bachar al-Assad, sous la pression d’islamistes se présentant comme nationalistes, serait une « opportunité » historique pour le peuple syrien et la région, tentent de nous convaincre nombre de politiques et d’éditocrates. Le réveil sera terrible, prévient notre chroniqueur.


Lénine ou Staline disait que la guerre est un accélérateur de l’histoire. Oui, sauf à Paris où les milieux culturels et médiatiques sont immobiles dans l’aveuglement et l’arrogance, guerre après guerre.

Damas est tombée et ils se sont réjouis. X a été leur salon ou plutôt leur Galerie des Glaces où ils ont exposé leur vertu comme certaines femmes vérifient la courbe de leurs fessiers devant une baie vitrée à la sortie de la salle de sport. Les mêmes qui vous mettent en garde contre le danger du RN sautent de joie à la nouvelle de l’entrée d’Al-Qaeda à Damas. Les mêmes qui se disent capables de prédire au dixième de degré près la température terrestre en 2050 ne sont même pas capables de reconnaître un djihadiste avec barbe et AK47. Pire, le président de la République à l’époque du Bataclan vous dit par communiqué interposé que les déclarations du principal dirigeant des rebelles sont encourageantes. C’est drôle, les socialistes croient au repentir du premier émir islamiste venu et refusent de toutes leurs forces de croire à l’adhésion de Marine Le Pen aux valeurs républicaines. Je comprends mieux pourquoi l’attentat du Bataclan a eu lieu : peut-être que les autorités de l’époque ont lu des signaux encourageants dans les rapports de la DGSE… Ou peut-être que celle-ci, elle-même contaminée par l’esprit parisien, a convaincu le président de la République que les islamistes de Syrie étaient sur le point de devenir inclusifs…

Quelle immense blague ! 

Ces milieux qui se disent « élites » croient qu’ils sont ouverts sur le monde. En réalité, ils sont isolés du monde, ils n’y comprennent rien. Autrement, ils comprendraient ce qui se passe au coin de la rue, à Marseille ou à Saint-Denis, notre Moyen-Orient de proximité.  Ils sont ouverts sur leur névrose, ça c’est sûr. Ils sont ouverts sur leur obsession qui consiste à avoir tort, tout le temps et ensemble.  

Pourtant, ce qui vient de se passer en Syrie est une calamité pour la France. 

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Tout l’édifice politique légué par la présence franco-britannique au Moyen-Orient tombe à terre. L’Irak a été démantelé par les Américains, et maintenant la Syrie se disperse dans les sables du désert. Demain, elle se résumera à quatre ou cinq grandes régions politico-administratives retranchées derrière leurs milices et leurs identités (le réduit alaouite, le refuge kurde, le califat sunnite etc.). Il ne reste plus que le Liban pour que toute trace du passage de la France dans la région soit effacée. Ainsi, nous aurons perdu nos relais naturels au Moyen-Orient qui sont les Chrétiens, épurés ethniquement depuis vingt ans, et les bourgeoisies sunnites progressistes, obligées de s’exiler ou bien de faire une place aux sauvages en Toyota que nous appelons « rebelles modérés ». Ces derniers ont faim, ils vont s’emparer des entreprises qui les intéressent ou s’y imposer comme associés.

Pendant que la France recule en poussant des youyous de joie, la Turquie, elle, avance. C’est une puissance impérialiste. Elle peut se le permettre car elle n’a pas Clémentine Autain ni Marine Tondelier pour lui en tenir rigueur. Puissance néocoloniale, la Turquie occupe des portions du territoire syrien et parraine Joulani dans son aventure politique. Elle rêve d’envoyer aux oubliettes de l’histoire les traités imposés par la France et l’Angleterre il y a cent ans et qui ont abouti à son expulsion de l’Irak et de la Syrie actuelle (Traité de Sèvres, 1920 ; Traité de Lausanne, 1923). Elle se considère chez elle de Mossoul à Alep et a pour la première fois l’occasion de revendiquer ses « titres de propriété ».

De cela, les bien-pensants ne se doutent point. À leurs yeux, le monde a commencé en 1939 lorsqu’un certain Hitler a sifflé le début de l’histoire universelle en posant la culpabilité fondatrice de l’homme blanc hétérosexuel. Ne leur parlez pas de nationalisme turc, le patriarcat oriental ne les émeut pas, ils veulent transformer en eunuques nos hommes à nous seulement… Les femmes des autres ont le droit d’avoir des maris, nos femmes à nous en seront privées : il n’y a rien à comprendre, il s’agit d’une religion et une religion ça se respecte, à part le catholicisme bien sûr…

Autre calamité pour la France, l’immigration à venir. Des milliers de chances pour la France vont débarquer. Certains sont des chances véritables, d’autres d’authentiques mauvaises nouvelles à tout point de vue. C’est comme ça, il paraît : on ne peut rien contre l’immigration mais on peut tout contre le changement climatique… La foi ne se discute pas. Même Joulani vous le dira.

Cela dit et pour conclure sur une note « positive », il convient de tirer un autre enseignement essentiel de la chute du régime al-Assad : la force a toujours raison. L’homme qui porte un fusil a toujours le dernier mot. Et quand l’alternance est impossible — c’était le cas en Syrie — il ne reste plus aux hommes qui aspirent à gouverner leurs semblables que le chemin de la violence. Bien sûr, cette leçon ne vaut pas pour nous. Nous vivons en démocratie, cher Monsieur ! Le peuple s’exprime à chaque élection et il fait barrage comme un seul homme contre lui-même. Chez nous, le parti arrivé en premier aux élections n’a aucune chance de gouverner ni même de commander une commission à l’Assemblée. Mais nous sommes une démocratie et nous entendons bien donner rapidement des leçons de démocratie aux Syriens !

La droite des actes ou celle des magouilles?

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Laurent Wauquiez salue Bruno Retailleau à l'Assemblée nationale, 26 novembre 2024 © Jacques Witt/SIPA

Le chef des députés LR à l’Assemblée souffrirait-il de la soudaine notoriété du ministre de l’Intérieur ? Entre M. Retailleau qui monte dans les sondages et M. Wauquiez qui rame à l’Assemblée, la droite semble hésiter : qui sera le héros de 2027, et qui devra se contenter d’applaudir depuis les coulisses ? Analyse.


Le conflit entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, au sein des Républicains, est révélateur et a une longue tradition politique qui pourrait concerner beaucoup d’histoires partisanes. Si on accepte de ne pas tomber dans le byzantinisme pour faire croire à une noblesse des affrontements, ce qui oppose ces deux personnalités est, pour l’une, son appétence pour les coups fourrés, les magouilles et les exclusions et, pour l’autre, sa passion des actes et sa volonté de transformer une réalité insupportable pour les Français.

Rivalité entre le ministre de l’Intérieur et le président du groupe Droite républicaine

En effet, Bruno Retailleau désirerait rester au sein du prochain gouvernement – si celui-ci a de la cohérence et que gauche et extrême gauche demeurent à l’extérieur et sur ce point seulement, accord total entre Wauquiez et Retailleau (Le Figaro). Non par narcissisme personnel, de la part de celui-ci, ou ambition déplacée mais, tout simplement, comme pour tout bon artisan qui a commencé son travail, par l’envie de le terminer pour que la France aille mieux.

Qu’on ne me dise pas que je m’illusionne sur Bruno Retailleau, avec cet air de pessimisme trop heureux de me donner tort… Mais je peux facilement objecter que le ministre de l’Intérieur qui, je l’espère, le sera à nouveau, a démontré, avant la motion de censure, à quel point son verbe et ses actions étaient indissociables. La droite a mis en valeur, enfin, dans l’exercice du pouvoir, un homme d’une droite authentique qui n’avait pas peur de s’affirmer ainsi et de le démontrer. Jusqu’à lui, nous n’avions connu, peu ou prou, que l’inverse.

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Quant à Laurent Wauquiez, je n’aurai pas l’indécence de tenir pour rien son prestigieux parcours universitaire mais en politique, nous constatons que l’intelligence, aussi bien armée et dense qu’elle soit, ne garantit rien. Il y a, dans le pouvoir et sa périphérie, des obsessions, des tentations, des hostilités, des connivences, d’étranges et surprenantes solidarités, des antipathies subtiles qui n’ont rien à voir avec les capacités intellectuelles au sens classique mais tout avec la répudiation de valeurs humaines essentielles : courage, volonté, fidélité, obstination, lucidité et reconnaissance.

Laurent Wauquiez inquiet quant à la légitimité de sa candidature en 2027 ?

Après la catastrophique dissolution et le résultat dénaturé démocratiquement des élections législatives, nous avons été conduits à douter de la transparence politique et parlementaire de Laurent Wauquiez, aussi bien lors du choix du Premier ministre que de la composition du gouvernement. Il s’agissait déjà de tailler des croupières à Bruno Retailleau qui pâtissait sans doute à ses yeux d’avoir été préféré à lui par le Premier ministre, pour Beauvau.

On sait aussi que M. Wauquiez a tout fait pour écarter David Lisnard des postes ou fonctions qu’il aurait mérité d’occuper dans cette période troublée où on n’aurait pas dû se permettre des ostracismes scandaleux.

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Comme président du groupe parlementaire de la Droite Républicaine, Laurent Wauquiez ne s’est pas distingué par la clarté, la clairvoyance de ses choix et l’efficacité de ses tactiques. Sa complicité avec Gabriel Attal (qui a fortement écorné son image durant le mandat de Michel Barnier) a fait plus de mal que de bien à son camp. On a découvert un Laurent Wauquiez directif, autoritaire, avec une unique finalité : ne rien faire qui puisse léser ses ambitions présidentielles.

Comme s’il était assuré en 2027, ou avant si le président de la République préférait la dignité à l’impuissance, d’être le seul candidat de la droite. On en est loin. Il a eu beau tenter une table rase, ils sont plus que jamais là ceux qu’il trouvera sur sa route : David Lisnard, Bruno Retailleau (je l’espère, sa tâche accomplie), Xavier Bertrand, et d’autres qui sortiront du bois républicain…

En attendant, alors que le nom du successeur de Michel Barnier n’est pas encore connu, que Laurent Wauquiez, de grâce, cesse cette petite guerre médiocre seulement destinée à faire gagner la droite des magouilles contre celle des actes. À faire perdre cette dernière au bénéfice de l’autre.

Réfugiés, go home!

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Place de la République, Paris, 8 décembre 2024 © Aurelien Morissard/AP/SIPA

L’Europe ne veut plus accueillir de Syriens. De nombreux pays européens ont immédiatement suspendu l’examen des demandes d’asile d’exilés syriens. En Allemagne, la CDU veut renvoyer un million de réfugiés dans leur pays.


On a rarement vu gouvernements aussi réactifs. Le régime syrien n’est pas tombé depuis 48 heures que dix pays européens annoncent, en ordre dispersé, qu’ils suspendent toutes les demandes d’asile de Syriens. L’Allemagne, premier pays d’accueil (1 million) tire la première lundi matin. 50 000 demandes sont gelées. Norvège, Danemark, Suède, Belgique, Royaume-Uni et Italie suivent. En France, une décision similaire de l’OFPRA était attendue en fin de journée. Seuls les Autrichiens annoncent aussi un programme d’expulsions, mais la question enflamme la campagne électorale en Allemagne où la CDU veut renvoyer tous les Syriens.

Abandon de deux vaches sacrées

Je suis peu suspecte de laxisme migratoire mais un peu gênée par la précipitation. Certes, les ex-rebelles donnent des signes plutôt encourageants quant aux libertés. On aurait pu attendre quelques jours.

En attendant, on renonce à deux vaches sacrées :

  • Le droit d’asile, d’abord. Certes, il a été dévoyé pour devenir une filière migratoire classique. Mais faut-il le rayer ainsi d’un trait de plume ? Certains Syriens n’ont-ils pas encore besoin de protection ? Il n’est pas sûr que cette suspension soit parfaitement orthodoxe. Comme pour la reconstruction express de Notre-Dame, quand on veut prendre des libertés avec la règle de l’Etat de droit, on le fait, finalement…
  • La soi-disant politique européenne coordonnée. Sur les questions migratoires, on constate le retour du national et du chacun pour soi.

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Fini le baratin !

Que signifie cet emballement ? Que le lyrisme immigrationniste, les bras grands ouverts de la chancelière Merkel, et l’immigration-chance-pour-la-France et l’Europe, c’est fini. À part quelques extrême-gauchistes et des journalistes-prêcheurs, plus personne n’ose tenir ce discours. Toutes les gauches européennes sauf la nôtre comprennent qu’elles ne peuvent plus s’opposer aux peuples à coups de moraline. Partout, elles adoptent des politiques restrictives.

La vérité, c’est que les Européens n’en peuvent plus de l’immigration massive, particulièrement de l’immigration musulmane. Pas parce qu’ils sont racistes ou islamophobes, mais parce qu’une partie des populations arrivées ces dernières années posent un sérieux problème d’intégration quand ce n’est pas de délinquance ou d’insécurité. Les Européens veulent bien accueillir mais pas voir leurs sociétés changer pour les nouveaux arrivants. Et la question du djihadisme n’est évidemment pas à négliger.

Il y a quelques jours, invité par Eugénie Bastié, sur Le Figaro-TV, le philosophe Pierre Manent déclarait que « la part musulmane de l’Europe ne peut pas croître indéfiniment, comme c’est le cas aujourd’hui, sinon nous allons au-devant de drames qu’aucune version de la laïcité ne permettra de maîtriser ». Tollé des belles âmes, accusations de racisme, de xénophobie et de conspirationnisme. Pourtant, il a raison. Accueillir suppose d’intégrer à notre culture. On ne peut pas le faire avec de tels flux. L’humanité ne consiste pas à accueillir des gens qui n’aiment pas notre façon de vivre.


Renversant!

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© Alwin Poiana / ICK Dans Amsterdam

Inspirés par Le Radeau de La Méduse, les chorégraphe et compositeur de Nous, le Radeau créent un spectacle au climat halluciné.


« Voilà un naufrage qui ne fera pas celui de son auteur », lança Louis XVIII lors du Salon de 1819, devant Scène de naufrage, l’immense morceau de bravoure de Géricault, aujourd’hui rebaptisé Le Radeau de la Méduse.

Et voilà encore un ouvrage qui ne fera pas non plus le naufrage de ses auteurs, le chorégraphe Emio Greco et le compositeur Franck Krawczik, lesquels se sont inspirés du tableau et de la tragédie du navire La Méduse pour composer Nous, le Radeau.

Créé à la Cité de la Musique, à Paris, cet étonnant spectacle musical et chorégraphique a fait l’effet d’une heureuse surprise quand l’époque est à la morosité dans le domaine de la création. Il s’inscrit dans une série de productions mêlant musiciens, metteurs en scène et chorégraphes, qui a déjà vu œuvrer côte à côte Benjamin Lazar et Maxime Pascal, ou Romeo Castellucci et Esa-Pekka Salonen, et qui verra bientôt collaborer Robyn Orlin et Camille Dalmais, Benjamin Millepied et Olivier Latry, Shin-Young Lee et Idio Chichava, Laurent Pelly et Nathalie Dessay, Les Arts Florissants et Amala Dianor, ou encore, pêle-mêle, Peter Sellars, Rocio Molina, Tanguy de Williencourt…

La composition de Krawczik déploie un éventail parfaitement improbable où ses compositions propres alternent avec des arrangements puisés chez Bach, Purcell, Vivaldi, Beethoven, Mahler, Schoenberg… et où il s’est attaché les présences de Sonia Wieder-Atherton au violoncelle, du pianiste Wilhelm Latchoumia, du clarinettiste Carjez Gerretsen et d’un duo infernal, Benjamin Munier à la basse et Raphaël Aboulker à la batterie.

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Tous aventuriers au sein d’une masse sonore ébouriffante, tempétueuse, discordante, étrangement séduisante enfin, à laquelle participent encore des ensembles vocaux qui font merveille : l’Ensemble vocal du Conservatoire de Pantin, le Chœur A Piacere, le Chœur philharmonique et l’Ensemble vocal des grandes Écoles.

Porté par ces vagues sonores, Emio Greco, que seconde Pieter Schoelten, balaie le plateau en tempête avec une chorégraphie sauvage, désarticulée, véhémente et d’une extraordinaire vigueur, mettant en scène sept jeunes danseurs de la compagnie ICK Dans Amsterdam, parmi lesquels surgissent deux personnages d’une poésie noire : un échassier, et un danseur surtout, immense et fantomatique, dont la silhouette démesurée surplombe une Sonia Wieder-Atherton comme vampirisée par ce spectre qui ajoute son archet au sien. 

Et la mise-en-scène multiplie des images étonnantes, comme cette pyramide humaine qui s’agglutine autour du clarinettiste et finit par l’engloutir.

Quand le spectacle s’achève, on serait bien en peine d’en définir le contenu, et plus encore peut-être de le rattacher au manifeste inscrit dans le programme et dont on retiendra cependant cette phrase : « Notre but n’est pas de recréer le tableau, mais d’évoquer la volonté inflexible du corps à survivre quand tout le reste a disparu ; c’est la survie qui constitue la force viscérale et motrice de cette œuvre. »  

Il s’en dégage assurément une séduction, une énergie qui emportent l’adhésion. Comme si de ce maelström gestuel et sonore surgissait une force vitale d’une ombrageuse et tragique beauté.

Cette œuvre hors norme a été créée début décembre à la Cité de la Musique. Le public n’a pu l’admirer que deux soirs de suite, espérons qu’elle a séduit des producteurs qui nous offriront prochainement quelques reprises.

Armée d’Assad: la déroute de Damas

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Les rebelles à Hama, Syrie, 6 décembre 2024 © Ghaith Alsayed/AP/SIPA

Syrie. La corruption systémique, combinée au sectarisme et à la politisation de l’Armée arabe syrienne, a fragilisé l’institution au point de rendre inéluctable l’effondrement du régime de Bachar al-Assad en 2024. Damas, ton univers impitoyable…


La transformation de l’Armée arabe syrienne (AAS) incarne l’histoire d’une institution militaire passée de pilier du régime à catalyseur de sa chute. En décembre 2024, une offensive éclair menée par les forces rebelles, notamment le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC), a provoqué la chute rapide de villes stratégiques comme Alep, Hama et Homs. L’AAS, déjà affaiblie, n’a pas pu contenir cette avancée, entraînant la fuite du président Bachar al-Assad et laissant un vide de pouvoir après des décennies de domination autoritaire. Si cet effondrement a surpris par sa soudaineté, il était en réalité le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption endémique et de priorités stratégiques centrées sur la survie à court terme au détriment de la viabilité institutionnelle. Cette érosion progressive, reflet des dysfonctionnements internes de l’AAS, a mené à une décomposition inéluctable.

Une armée sous contrôle de la minorité alaouite

Entre 2000 et 2011, sous la présidence de Bachar al-Assad, l’AAS a traversé une période de stagnation et de déclin marqué. Héritant d’une armée affaiblie par les pratiques autoritaires de son père, Hafez al-Assad, Bachar n’a pas entrepris les réformes nécessaires pour la moderniser ou renforcer sa cohésion. Au contraire, il a renforcé des pratiques de favoritisme, de corruption et de centralisation excessive, transformant l’AAS en un outil de répression intérieure au service exclusif de son régime. Sous son autorité, l’armée est devenue un appareil davantage politique que militaire, axé sur le maintien de l’ordre intérieur et la protection du pouvoir plutôt que sur la défense nationale.

Bachar al-Assad a consolidé le contrôle de l’armée par l’élite alaouite, sa propre communauté, ce qui a exacerbé les divisions sectaires au sein de l’AAS. Les postes stratégiques étaient attribués selon des critères de loyauté envers le régime plutôt qu’en fonction de la compétence. Cette politisation de l’armée a marginalisé une grande partie des soldats et officiers sunnites, pourtant majoritaires dans les rangs, affaiblissant considérablement sa cohésion et sa capacité opérationnelle. La corruption, déjà omniprésente sous Hafez al-Assad, a atteint de nouveaux sommets sous Bachar. Les officiers supérieurs détournaient des fonds militaires, vendaient des équipements sur le marché noir et utilisaient les conscrits comme main-d’œuvre bon marché pour leurs projets personnels. La pratique des « soldats fantômes », qui permettait aux commandants de détourner les salaires de personnel fictif, est devenue emblématique de cette corruption systémique. Ces abus, en plus de saper le moral des troupes, ont compromis la capacité de l’armée à répondre efficacement aux menaces extérieures.

Les Russes et les Iraniens perpétuellement à la rescousse

Malgré les défis géopolitiques croissants, comme la montée en puissance d’Israël et les tensions régionales, Bachar al-Assad n’a pas modernisé l’AAS. L’armée est restée dépendante de technologies obsolètes héritées de la Guerre froide et n’a pas investi dans la formation ou la préparation de ses troupes. Lors de la guerre du Golfe en 1991, la Syrie a déployé environ 14 500 soldats au sein de la coalition dirigée par les États-Unis contre l’Irak. Ces forces, intégrées au contingent arabe, étaient principalement stationnées en Arabie saoudite. Bien que cette participation ait renforcé l’image d’une solidarité arabe au sein de la coalition et affirmé l’opposition de la Syrie à Saddam Hussein, elle est restée avant tout symbolique, les troupes syriennes étant peu engagées dans les combats.

Malgré les enseignements tirés de ce conflit, la Syrie a rencontré de grandes difficultés à moderniser son armée et à adopter des stratégies militaires avancées. Des contraintes économiques et technologiques persistantes, associées à des choix politiques délibérés, ont maintenu sa dépendance à des alliés comme la Russie pour préserver son efficacité militaire et sa survie stratégique dans les conflits contemporains.

Il semble néanmoins que le régime syrien – d’abord sous Hafez al-Assad, puis sous Bachar al-Assad – ait conclu qu’une occidentalisation (dans la manière de se battre NDLR) de son armée était incompatible avec le contexte politique et géopolitique du pays. L’alliance stratégique avec la Russie et l’Iran, combinée à la priorité absolue donnée à la préservation du régime en place, s’opposait fondamentalement à toute réforme militaire susceptible de réduire cette dépendance ou de s’aligner sur les doctrines occidentales. Cette inaction, combinée à une focalisation excessive sur le contrôle intérieur, a laissé l’AAS mal préparée à affronter des défis militaires complexes. Lorsque la guerre civile a éclaté en 2011, les faiblesses structurelles de l’AAS ont été brutalement exposées. Confrontée à des défections massives, à des pertes territoriales et à la montée des forces d’opposition, l’armée s’est rapidement fragmentée. La corruption a exacerbé cette désintégration, les officiers détournant des ressources, abandonnant leurs unités ou priorisant leur enrichissement personnel plutôt que les objectifs militaires. Cette situation a paralysé l’armée et nécessité une reconstitution urgente dans des conditions désastreuses.

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La reconstruction de l’AAS s’est appuyée sur le soutien de l’Iran et de la Russie. L’Iran a joué un rôle crucial en formant des forces auxiliaires comme les Forces de défense nationale (FDN), tandis que la Russie a fourni un soutien aérien et des conseils stratégiques. Bien que ces interventions aient permis au régime de regagner du territoire, elles ont entraîné une perte d’autonomie significative pour l’armée. L’AAS s’est transformée en une force hybride combinant les vestiges de son organisation initiale avec des milices et des groupes paramilitaires. Cette évolution a érodé sa cohésion, concentrant le pouvoir dans des unités d’élite et des milices de confiance, au détriment d’une armée nationale unifiée.

Les chabihas, hommes de main redoutables du régime

Les chabihas, qui incarnent une logique évolutive unique, ont joué un rôle clé dans cette transformation. Originaires des zones côtières alaouites comme Lattaquié, ces groupes sont passés de contrebandiers locaux à forces paramilitaires soutenues par le régime Assad. Leur ascension a été favorisée par des liens communautaires et tribaux avec la famille Assad, ainsi que par leur proximité avec le Liban, qui leur a permis de tirer profit du trafic transfrontalier de marchandises et d’armes pendant la guerre civile libanaise. Bien que leur violence excessive ait parfois conduit à des confrontations avec le régime, ils ont été réactivés en 2011 pour réprimer l’opposition. Financés et armés par le régime, les chabihas sont devenus des unités paramilitaires redoutées, connues pour leurs massacres et leur rôle dans l’accentuation des divisions sectaires.

Avec le prolongement du conflit, les chabihas ont été intégrés aux FDN, mais sans abandonner leurs pratiques criminelles, telles que l’extorsion et le pillage. Entre 2020 et 2024, ils ont continué à jouer un rôle actif dans les offensives militaires et la gestion des territoires contrôlés par le régime, bien que leur efficacité ait été compromise par des problèmes de discipline et de loyauté. Lors de l’offensive finale des rebelles en décembre 2024, l’AAS et ses milices alliées, y compris les chabihas, n’ont pas pu empêcher l’effondrement du régime.

Bachar al-Assad a hérité d’une armée déjà fragilisée par la politisation, le sectarisme et la corruption du système assado-baasiste. Pourtant, au lieu de la réformer, il a renforcé ses dysfonctionnements, transformant l’AAS en une institution inefficace. Si ces choix ont permis au régime de survivre temporairement, ils ont laissé un héritage d’instabilité durable. Ainsi, la dynastie Assad, arrivée au pouvoir par l’armée, a vu son règne s’achever en grande partie à cause de la déliquescence de cette institution.

Les différentes facettes de Jaurès

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© Perrin

La biographie de Jean Jaurès signée par Jean-Numa Ducange ressuscite la vie et la pensée d’un homme complexe. Bien plus riche que ce que laissent entendre ceux qui se complaisent à le citer…


Jean Jaurès (1859-1914) est cité par tout le monde (ou presque). Les hommes politiques ne sont évidemment pas en reste… Et pourtant, qui connaît le fondateur de L’Humanité, journal toujours existant ? C’est le mérite de l’ouvrage paru récemment chez Perrin, Jean Jaurès, signé de l’historien Jean-Numa Ducange, que de restituer les différentes facettes de ce personnage : favorable aux alliances larges quand il le faut pour défendre la République, il adopte dans le même temps une lecture marxisante du monde qui lui fait comprendre l’importance de la question sociale. Philosophe, historien, journaliste, député, ardent militant aimant profondément sa région natale et son pays, tout en professant une certaine idée de l’internationalisme… Trop « socialiste » pour certains à gauche, trop pacifiste pour d’autres à droite, il a passé sa vie à tenter de définir la perspective d’une gauche républicaine qui n’oublie pas les ouvriers et les paysans, tout en estimant nécessaire de défendre les droits des individus et de lutter contre l’antisémitisme. On mesure, à la lecture de cette biographie fouillée, fondée sur de nombreuses archives inédites, combien un abîme sépare la gauche jaurésienne de ce qu’est devenue une large partie de la gauche aujourd’hui. À lire et à méditer…

Jean-Jaurès, Jean-Numa Ducange, Perrin, 2024. 464 pages.

Jean Jaurès

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Sauve-qui-peut !

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Le ministère de l’Économie et des Finances, au 139 rue de Bercy dans le 12e arrondissement de Paris © Bridgeman Images

L’État perd ses meilleurs serviteurs, et son autorité. Parce qu’ils sont mal payés (profs, médecins) ou parce qu’ils cèdent aux sirènes du privé (haute fonction publique), les fonctionnaires qui le peuvent quittent le navire, affaiblissant la culture du service public, le sens de l’État et celui de l’intérêt général.


La Révolution française n’a pas remis en cause la puissance de l’État royal, patiemment construit et consolidé par la monarchie. Elle a même renforcé sa centralité par son jacobinisme. Elle a en revanche aboli les privilèges de naissance de ceux qui en assuraient la direction au profit d’un principe électif (chargé de fournir une classe politique nouvelle) et d’un principe méritocratique (chargé de recruter les fonctionnaires). Conformément aux textes constitutionnels, les fonctionnaires travaillent au service de la nation et pour l’intérêt général, mais ils obéissent aux lois et au gouvernement, c’est-à-dire au pouvoir politique. Napoléon Bonaparte a renforcé la puissance de l’État républicain. Il a créé une justice administrative pour protéger l’État et ses serviteurs (les fonctionnaires) des administrés, du peuple et de ses juges. La Révolution avait assez montré leur potentiel révolutionnaire. Dans le monde anglo-saxon, on protège les sujets et les citoyens de l’État : notre inversion démontre en creux la place prestigieuse et l’étrange privilège historique des serviteurs de l’État en France.

Une fonction publique devenue obèse

Mais depuis deux siècles, des évolutions profondes ont modifié la donne, et peu à peu abaissé la puissance publique et étatique. L’évolution est préoccupante depuis un petit demi-siècle. D’abord, l’État, qui était sobre jusqu’à la guerre de 1914, a considérablement grossi et le nombre de ses fonctionnaires a crû en conséquence. De quelques centaines de milliers de fonctionnaires au xixe siècle – armée et professeurs compris –, on est passé à 6 millions, non comptés les contractuels, les sous-traitants (y compris désormais les cabinets de conseil), les secteurs paraétatiques, à commencer par la médecine financée sur fonds publics, et la masse des associations et des entreprises financées par l’État. La filiale française d’Acted, parmi d’autres ONG, est financée par cinq niveaux de donateurs publics (UE, l’AFD pour l’État, des régions, des départements et des communes), de sorte qu’on se demande si elle est une ONG ou un bras décentralisé de l’État ? La fonction publique est devenue obèse, et ses missions comme ses compétences se sont diluées au point qu’une zone grise entoure toutes les actions de l’État et de ses démembrements. La SNCF a ainsi été méthodiquement démembrée, tronçonnée entre activités d’investissement, de fonctionnement, de transport, de low cost, etc., semi-privatisée – ses grandes gares étant transformées en galeries commerciales, tandis que les petites sont fermées, n’assurant plus qu’un service public discontinu – et désormais clivée entre contractuels et statutaires minoritaires. Elle est enfin livrée au marché concurrentiel, jusqu’à abandonner le fret dont elle devrait être le maître d’œuvre européen !

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Cette hypertrophie et cette dispersion ont affaibli l’autorité de la fonction publique, le prestige et le statut des fonctionnaires. La France est parmi les pays riches les plus fonctionnarisés du monde. Or plus il y a de fonctionnaires, moins ils sont bien formés et clairement identifiés. L’appauvrissement des professeurs, qui ont perdu en quarante ans (1981-2021) la moitié de leur pouvoir d’achat relatif (qu’on les compare aux smicards ou aux cadres), aboutit à une déconsidération générale dans une société dont l’argent est devenu l’unique référent. Cela rend le métier de moins en moins attractif. Il y a des décennies que, dans les sciences, le métier n’attire plus les plus ambitieux ni les meilleurs, qui optent pour des carrières plus rémunératrices en dépit de l’effondrement industriel. Désormais, ce syndrome a gagné les matières littéraires et les langues, qui peinent à recruter des enseignants. À cela s’ajoute un phénomène nouveau et inédit, la démission de milliers d’enseignants chaque année, eu égard à la dégradation des conditions de travail.

Individualisme et consumérisme n’épargnent pas les fonctionnaires

Le troisième phénomène est la perte d’autorité de l’État qui, dans une société devenue molle et dont les valeurs ont profondément changé, sous le coup de l’individualisme et du consumérisme, peine à se faire respecter, et à se faire obéir par ses propres fonctionnaires. Pas plus qu’il ne parvient à obliger les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux – alors qu’il a financé leurs études et qu’il est responsable de la sécurité sociale qui rémunère leur activité –, l’État ne se plus fait obéir de certaines catégories de fonctionnaires. Il y a un petit demi-siècle, quand l’État était fort et riche, il imposait aux jeunes normaliens et agrégés – alors payés 2,5 fois le SMIC en début de carrière – des nominations dans les lycées les plus ruraux, les plus pauvres ou les plus populaires du pays. Alors que leur salaire est aujourd’hui proche du SMIC en début de carrière (surtout si l’on intègre la hausse du coût du logement), l’État n’a plus la force d’y affecter tous ses jeunes fonctionnaires. Il a alors recours à des contractuels formés de manière aléatoire pour boucher les trous, ce qui contribue à entretenir la stagnation sociale et professionnelle des classes populaires, attisant chez elles un ressentiment envers la République… et ses fonctionnaires. De même, l’État impécunieux peine à nommer des chefs d’établissement bien rémunérés et ayant l’autorité nécessaire à la tête des écoles les plus difficiles : écoles et collèges REP (réseau d’éducation prioritaire, ex-ZEP), lycées professionnels ou de banlieues. Partout, des personnels de direction manquent : peu payés bien que logés, mal considérés et mal protégés par le ministère, ces fonctionnaires au rôle essentiel manquent à l’appel. La récente histoire du chef d’établissement de la cité Maurice-Ravel, à Paris, menacé de mort sans que son auteur soit emprisonné, démontre que l’État peine ou échoue à protéger ces fonctionnaires, sur lesquels repose pourtant l’ordre républicain.

Rentrée scolaire en uniforme pour les élèves de l’école Ronchèse, 2 septembre 2024. La dégradation des conditions de travail des professeurs, qui ont perdu la moitié de leur pouvoir d’achat en quarante ans, rend la profession de moins en moins attractive © SYSPEO/SIPA

À l’autre extrémité de l’État, face à ses hauts fonctionnaires passés par l’ENA ou par les cabinets ministériels, l’État peine désormais à accueillir des carrières longues dans la haute fonction publique. Les allers-retours entre la haute administration et le secteur privé dans des postes bien plus rémunérateurs se multiplient depuis vingt ans, affaiblissant la culture du service public, le sens de l’État et de l’intérêt général. Le Canard enchaîné en tient régulièrement une scrupuleuse et inquiétante chronique. Or les hauts fonctionnaires étaient non seulement les gardiens de l’éthique républicaine, mais aussi ses prescripteurs. Emmanuel Macron a considérablement accentué cette dérive, en détruisant l’ENA et les corps d’État (diplomates, préfets, recteurs, etc.), en les ouvrant à des cadres ayant fait carrière dans l’entreprise ou dans des cabinets d’avocats ou de médecine, suivant des logiques d’amitié ou des opportunités de toutes natures. Cette dérive est conforme à ce qu’il a reçu comme enseignement à l’IEP de Paris, depuis que feu Richard Descoings, énarque et conseiller d’État, directeur de l’IEP de 1996 à 2012, a pulvérisé la vieille institution française, pour en faire une business school internationale professant l’enrichissement comme optimum personnel, et en y recrutant de manière de plus en plus aléatoire. Une partie des professeurs et des « maîtres de conférences » de l’IEP ou de « grandes écoles » financées sur fonds publics poussent désormais leurs étudiants vers la quête d’un enrichissement rapide. Désormais, la plupart des polytechniciens et des normaliens de la rue d’Ulm abandonnent le service de l’État auquel ils étaient destinés, et pour lequel ils ont été excellemment formés et rémunérés pendant leurs études, au profit d’autres carrières. Pour les polytechniciens, l’enrichissement personnel passe par l’expatriation des meilleurs aux États-Unis, où ils peuvent pratiquer leur science et s’enrichir, et pour les autres, par la finance européenne ; pour les normaliens, le double diplôme à HEC ou à l’ENA (actuel INSP) permet de fuir la carrière universitaire ou scientifique, de plus en plus dévaluée du fait de ses revenus. Rappelons à ce sujet qu’un instituteur allemand touche le salaire d’un universitaire français, ce qui est plus parlant que tous les raisonnements.

Délitement par les deux bouts

Ce cul-par-dessus-tête dans la formation des élites étatiques et administratives françaises permet de comprendre les frustrations et le désarroi des niveaux intermédiaires et inférieurs de l’administration. D’autant que les élites subsistantes ont inoculé la culture de la concurrence et du management au sein des structures inadaptées de la vieille bureaucratie française. On se rappelle de la vague de suicides suscitée à France Télécom – ex-PTT – lorsque les méthodes managériales de la fin de la décennie 2000 sont passées en force pour adapter les fonctionnaires et leurs chefs à l’internet. Ce choc a peu ou prou frappé l’ensemble des services publics. Ainsi La Banque postale, ex-PTT, qui est depuis sa création la banque des plus modestes et de nombreux retraités. Son rôle dans l’accompagnement social était un service public. Quel n’a pas été le choc – et bientôt le dégoût – pour ses milliers de guichetiers et d’employés, quand le management les a poussés à passer de l’accompagnement à l’incitation forcée d’achats de produits financiers ou d’épargne au profit de la seule banque, désormais au détriment des « clients », comme l’ont fait de manière de plus en plus décomplexée toutes les banques.

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Si l’on ajoute les fonctionnaires de catégories C, dont les fonctions ouvrières qu’ils occupaient dans l’intendance des administrations d’État (gardiens, veilleurs de nuit, femmes de ménage, hommes d’entretien, ouvriers, cuisiniers, jardiniers, etc.) ont été systématiquement externalisées auprès de sociétés de main-d’œuvre employant une immigration récente soumise à un management invisible et à de bas salaires, il n’est pas abusif d’écrire que la fonction publique s’est délitée par les deux bouts. Après vingt ans de libéralisation et de mise en concurrence à marche forcée sous contrainte européenne, que reste-t-il des services publics à la française ? Face à la numérisation de l’administration, qui a créé un écran – et parfois un fossé – numérique entre les usagers et les fonctionnaires, que reste-t-il de l’esprit de service public ? Il demeure des corps intermédiaires au contact du public, les « chiens de berger » de la société que sont les professeurs, les infirmières, les policiers et les pompiers, fidèles à leurs postes au contact des publics. L’administration fiscale de Bercy est désormais plus à distance, mais du fait de son rôle capital pour l’État, elle a été modernisée et ses fonctionnaires y sont mieux payés, encadrés et traités qu’ailleurs. Il demeure aussi l’armée mexicaine de la fonction territoriale, qui a crû d’un tiers de 1997 à 2022, pour atteindre presque 2 millions de fonctionnaires. Il y a trente ans, l’informatisation miracle de l’administration devait permettre une fonte de ses effectifs tant on allait gagner en productivité ! C’est l’inverse qui s’est passé – hors administration fiscale –, puisque les administrations françaises ont gagné un million de fonctionnaires en vingt-cinq ans.

Mais l’administration et ses fonctionnaires ont profondément changé, sous les coups de boutoir des politiques imposées par Bruxelles et par la haute fonction publique saisie par les principes d’un libéralisme plus idéologique qu’efficient. À l’exception peut-être des ministères régaliens – justice, police, armée –, dans lesquels la culture de l’État demeure stable par nécessité de service, les autres administrations ont été bousculées par des chocs endogènes (restrictions budgétaires, appauvrissement des fonctionnaires, inoculation de méthodes de management mal digérées) et des chocs exogènes (crise sociale, effondrement culturel, archipellisation de la société). Les syndicats de fonctionnaires auraient pu tirer profit de ces évolutions si éloignées de leurs attentes, mais comme dans le reste de la société, leur recul est spectaculaire. C’est particulièrement net dans l’Éducation nationale et à l’Université, où leur situation de cogestionnaire du système est devenue artificielle. L’effondrement des métiers ouvriers dans les fonctions de support les a affaiblis partout, sauf à l’hôpital. Mais la crise y est telle que leur capacité à inverser le cours des choses est faible. C’est la société qui s’indigne du sort des infirmières, obligeant les politiques à le corriger en partie, car elles sont le pilier du système hospitalier. Partout ailleurs, notamment dans les grands services publics ouverts à la concurrence, les évolutions ont été si rapides que les commentateurs et les responsables politiques ou syndicaux ont tendance à décrire un monde qui n’existe plus. Comme pour maintenir en vie le concept rassurant d’une fonction publique à la française vivant sur ses rentes et sur ses acquis. Mais il est loin le temps où l’État avait autorité sur des fonctionnaires respectés.

On a cassé la République: 150 ans d'histoire de la nation

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La donna e mobile…

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© Benoîte Fanton / Opéra national de Paris

La nouvelle mise en scène du Rigoletto de Verdi à l’Opéra-Bastille, signée Claus Guth, allie modernité et émotion, avec une scénographie minimaliste et un casting exceptionnel


Production anthologique de 2016, cette nouvelle reprise du chef-d’œuvre de Verdi (la pandémie avait eu raison des représentations de 2020) où triomphaient, il y a quatre ans, Ludovic Tézier et Nadine Sierra sur le plateau de l’Opéra-Bastille, se voit reconduit, cet hiver 2024, dans une nouvelle distribution : un Rigoletto d’exception, à tous points de vue.

Inspiré, comme l’on sait, du drame hugolien de 1832, Le Roi s’amuse est devenu Rigoletto sous les auspices du génial librettiste Francesco Maria Piave. Le titre initialement envisagé par Verdi, La Maledizione, illustre le sort funeste fait au bouffon mal conformé dont le prénom, Triboulet, est donc changé en Rigoletto dans la transposition lyrique qu’en fera le compositeur en 1851…  On a peine à le croire aujourd’hui, mais tandis que la création de La Traviata, deux ans plus tard, se soldera par un fiasco total à La Fenice, tout Venise au contraire fredonne immédiatement l’air célébrissime « La donna e mobile… » Et la mélodie fait bientôt le tour de l’Europe entière.

Par les temps qui courent et du train où vont les choses, le jour n’est peut-être pas si loin où plus aucune scène lyrique occidentale ne se risquera à laisser, au seuil du troisième acte, un Duc de Mantoue libertin (comprenez : ‘’coupable d’agression sexuelle et sexiste’’) faire offense à la Femme en chantant de sa voix de ténor : « Cual pluma al vento/ Muta d’accento/ E di pensiero (…) E sempre misero/ Chi a lei s’affida » – Comme la plume au vent, la femme est changeante. Elle change de propos comme de pensée. Est toujours malheureux qui se fie à elle »…

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En attendant, et avant que les inquisitrices du woke n’abattent leurs foudres vengeresses sur Verdi, il est fort heureusement permis  d’assister aux représentations, non encore tamisées par la cancel culture, de l’immortel « melodramma en trois actes et quatre tableaux », dans la mise en scène de Claus Guth, épurée autant qu’intelligible : les costumes Renaissance du grand bal d’ouverture dans le palais du Duc cèdent vite la place à des vêtements d’époque contemporaine, où se meuvent les personnages telles les marionnettes du destin, enchâssés dans l’unique espace parallélépipédique d’une boîte en carton recyclé (décor et costumes signés Christian Schmidt) : agrandissement, aux dimensions du plateau, de ce modeste paquet que, vieillard clochardisé, le double de Rigoletto trimbalera avec lui du début à la fin comme s’il revisitait obstinément son lointain, fatal traumatisme. Ici, la difformité physique de Rigoletto n’apparaît pas : le supplice du bossu est intérieur. C’est assez bien vu. Le metteur en scène allemand, qui scénographiait Samson cet été au Festival d’Aix-en-Provence, faisait déjà merveille à la Bastille dans sa régie de Don Giovanni l’an passé, production berlinoise du Staatoper Unter Den Linden (cf. notre article Désir, meurtre et damnation).

© Benoîte Fanton / OnP

Dans sa mouture actuelle de 2024, son Rigoletto s’appuie sur un casting de haute tenue, à commencer par le chef helvéto-vénézuélien Domingo Hindoyan, formé à l’excellente école de Caracas puis à Genève, et qu’on découvre à l’Opéra de Paris au pupitre de l’orchestre maison, ici à son meilleur – et les chœurs aussi. Les voix ne sont pas en reste : dans le rôle-titre, le baryton russe Roman Burdenko donne une profondeur rare aux lamentations du bouffon pleurant ses larmes de sang (« di vivo sangue a lagrima piangando »). Campée par la magnifique soprano italienne Rosa Feola (qui débute également sur la scène parisienne), sa fille Gilda vous étreint d’émotion avec son impeccable legato. Dans le petit rôle de Maddalena excelle la mezzo Aude Extremo (on avait pu l’admirer déjà en septembre dernier en Suzuki dans Madame Butterfly). La basse géorgienne Goderdzi Janelidze reprend sans faillir l’emploi du glaçant tueur à gages Sparafucile qu’il tenait déjà en 2021, tandis que notre Marine Chagnon nationale, membre de la troupe lyrique maison, nous donne une Giovanna sublimement traîtresse à sa patronne. Le Duc de Mantoue, sous les traits du ténor arménien Liparit Avetisyan, développe un vibrato vertigineux. Le baryton américain Blake Denson plante enfin un Monterone d’une présence physique impressionnante.

En bref, pour clôturer l’année, le choix de cette reprise, rehaussée d’un casting superlativement exercé, ne pouvait être meilleur. On n’en a pas fini pour autant avec Verdi au cours de la saison lyrique 2024-2025 : chef-d’œuvre de la maturité verdienne fascinant entre tous, Don Carlos sera encore donné à l’Opéra-Bastille en mars, et Rigoletto repris une fois de plus en mai-juin ici même, dans une distribution nouvelle…


Rigoletto, opéra de Giuseppe Verdi.

Avec Liparit Avetisyan, Roman Burdenko, Goderdzi Janelidze, Aude Extrémo, Marine Chagnon, Blake Denson, Florent Mbia, Kevin Punnackal, Armin Ahangaran, Teona Todua, Julien Joguet, Henri Bernard Guizirian.

Direction : Domingo Hindoyan. Mise en scène : Paul Guth
Opéra Bastille, les 10, 13, 16, 19, 24 décembre à 19h30. Le 22 décembre à 14h30.
Durée : 2h45
(Spectacle repris du 10 mai au 12 juin 2025 à l’Opéra Bastille. Nouvelle direction nouvelle distribution).