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L’islam de maman

Sonia Mabrouk n’a pas d’états d’âme quand il s’agit de lutter contre l’islam politique et ses méfaits. Mais la journaliste n’en demeure pas moins attachée à l’islam de son enfance, un islam de femmes nourri de contes plus que de Coran. La foi discrète et inspirée d’une « pratiquante de cœur ».


Causeur. Dans un dialogue avec Philippe de Villiers orchestré par Eugénie Bastié, vous avez fait en quelque sorte votre « outing musulman » en déclarant : « Il y a un islam vécu dans la sphère privée, générateur de sacré. Personnellement, c’est ce qui m’a permis de tenir dans les moments dramatiques. Plus qu’une certaine estime, j’ai pour cet islam-là une admiration totale. » Vous pensiez à votre mère dont la disparition vous a beaucoup éprouvée. Qu’est-ce qui vous fait tenir, la foi, le rite, le groupe ? Expliquez-nous…

Sonia Mabrouk. J’ai longtemps pensé que les « valeurs de la République », même si comme vous je n’aime pas trop ce mot galvaudé, le sacré laïque si vous préférez, étaient suffisantes pour nourrir mon amour de la France. Mais depuis un certain temps, cela ne me suffit plus. En réalité, il y a toujours eu comme une distorsion entre une injonction, que je partage, à faire siennes ces valeurs, et ma conviction personnelle. Derrière ma quête du « sacré[1] », j’ai une vraie croyance, une loyauté à la religion telle que je l’ai connue à travers ma mère et ma grand-mère. Ce n’est pas « l’islam des Lumières » de Malek Chebel, c’est un islam privé, dont j’ai hérité, que j’ai vu pratiqué au quotidien.

Dans quel bain culturel est né cet islam ? N’était-il pas déjà occidentalisé par l’histoire familiale – vous êtes allée à l’école catholique ?

Si, complètement. J’ai été éduquée en partie par des sœurs, des Pères blancs qui étaient des femmes. Ce sont elles, en Tunisie, qui nous apprenaient la prière. Quand je demandais pourquoi, on me répondait « la meilleure manière de bien connaître votre religion, c’est qu’elle soit expliquée par d’autres ». Mon islam n’est pas adossé au Coran, édicté par la main gantée des hommes. Dans ma famille et en partie en Tunisie, l’islam est aussi une histoire de femmes qui puise dans les contes. On m’a appris que Shéhérazade était une femme moderne, une féministe avant l’heure qui vivait dans un environnement féodal, misogyne, et qui était capable de subvertir la règle d’or des hommes. Cela m’est resté. Les sœurs, comme les femmes de ma famille, m’ont appris qu’on avait le Coran, mais aussi Les Mille et Une Nuits. Le Coran ne parle que très rarement des femmes, et des hommes aussi d’ailleurs. Il parle de Dieu et des croyants. Pour moi, Shéhérazade, c’est l’islam moderne.

Cet islam plus charnel que celui du Coran était-il une singularité familiale ?

Non, cela allait au-delà. Dans l’école publique que j’ai fréquentée avant l’école française, mes amies d’enfance (qui sont restées les mêmes) avaient aussi cette vision-là. On considérait un peu l’islam comme une auberge espagnole : je suis pratiquante de cœur, je pioche. Cet islam aurait quelque chose à apporter au monde et à la civilisation. Mais si tu viens en conquérant, tu choisis dans les sourates ce qu’il y a de plus terrible et noir.

Malheureusement, cet islam consolateur et paisible du privé est marginal. Aujourd’hui, la version la plus répandue de l’islam c’est le refus de l’altérité, de l’égalité des sexes, de la critique. Le problème tient-il au Coran lui-même ?

Je ne peux pas vraiment répondre à cela, mais je ne crois pas à la possibilité d’une Réforme. À l’échelle individuelle, chacun peut se fabriquer son islam, mais collectivement, c’est un fantasme. Les voix favorables à l’obscurantisme sont plus fortes. Mais il y en a d’autres. Dans son Dictionnaire amoureux de l’islam, Malek Chebel expliquait que les Arabes ont inventé les aphrodisiaques, le préservatif et les cosmétiques, les préliminaires, etc. J’ai été fascinée par cette lecture. Malheureusement, on entend très peu ceux qui parlent de désaliénation religieuse et encore moins ceux qui, comme moi, défendent la France mais refusent de se couper de tout sentiment religieux.

Admettez que ce n’est pas simple. Vos murs porteurs sont à la fois le primat de la raison et le besoin de sacré. Comment vous arrangez-vous avec tout cela ? N’est-ce pas contradictoire ?

Non, parce que la transcendance, ce n’est pas le surnaturel ou l’idolâtrie. C’est cette part irréductible de l’homme à laquelle les sociétés modernes, nihilistes et matérialistes, ont tourné le dos. On peut essayer de la chasser par la porte de son esprit, elle revient par la fenêtre de son cœur. Je n’ai pas attendu la perte d’un être cher pour avoir besoin de ce lointain qui m’est paradoxalement très proche. Il y a une phrase de Pascal qui me bouleverse : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. » Je sais que c’est en nous. Et pourtant, dès qu’on parle de transcendance, on est regardé différemment. Saint-Exupéry se désespère que rien ne vienne caresser le cœur des hommes dans ce monde asséché. Dans une lettre qu’il a écrite en Tunisie, il dit que les hommes ne peuvent pas juste vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés. Ce désespoir spirituel le désespère.

Ce que vous dites, c’est qu’il faut un plus grand que soi. Cela peut être l’art, la beauté ou même la révolution…

Sans doute, mais quand je suis à Notre-Dame, je ressens véritablement quelque chose de très fort en moi qui vient de très loin. De même à la mosquée Hassan-II de Casablanca.

Et quand vous voyez des caricatures de Charlie, vous vous sentez offensée ?

Peu importe que je sois ou non offensée. Je me battrai toujours pour Charlie parce que c’est la quintessence de la liberté et que, dans notre pays tellement habitué à la liberté, on ne l’aime pas assez. Cependant, je ne crois pas à l’esprit du 11 janvier. Tous Charlie, tous juifs, tous flics, c’est du baratin.

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Ce qui nous ramène au défi que constitue l’installation de l’islam dans les sociétés libérales. Vous ne croyez pas à une réforme.

Y a-t-il un seul État musulman démocratique dans le monde ? Je ne crois pas. C’est ce qui me rend sceptique sur la possibilité d’une Réforme collective. Difficulté supplémentaire, l’islam n’a pas de clergé qui pourrait faire autorité. L’oumma est sans doute un projet collectif, mais pas un projet d’avenir.

Il y a une autre contradiction. Ce qu’apporte la religion, c’est une transcendance, mais aussi une appartenance, un groupe. Comment faire pour éviter à la fois l’enfermement dans le groupe et la désaffiliation de l’individu atomisé ?

L’enjeu est précisément celui-là. Le communautarisme fait du groupe un ensemble homogène dont les autres – les Français, les juifs – sont exclus. Pour autant, je ne crois pas à l’abolition des appartenances. Ce que j’appelle de mes vœux, c’est un groupe où l’individu dispose de sa liberté et de son choix éclairé. Malheureusement, l’islam en est loin.

Vous aviez des amies juives dans la Tunisie de votre enfance. On a certes idéalisé un prétendu âge d’or. Cependant, entre juifs et musulmans, il y a eu des moments de coexistence heureuse.

Il y avait même plus que ça, il y avait des visionnaires qui imaginaient ce qui semble hors d’atteinte aujourd’hui. Le 3 mars 1965, le président Bourguiba visite un camp de réfugiés palestiniens à Jéricho avec le roi Hussein de Jordanie. Après avoir exprimé sa compassion pour leurs souffrances, il ajoute qu’on ne peut pas continuer avec des proclamations grandiloquentes sur les réfugiés palestiniens sans terre. Il faut reconnaître l’État d’Israël. Bourguiba évoque longuement l’expérience tunisienne, rappelle que l’indépendance s’est faite par étapes. Et il conclut : « Si nous avions rejeté les solutions incomplètes comme les Arabes ont rejeté le plan de partage de la Palestine, la Tunisie serait encore aujourd’hui sous occupation étrangère. » Il voulait dire qu’on doit accepter des compromis. Les Arabes ont largement contribué à saborder l’avenir des Palestiniens. Ils ont préféré faire d’Israël le responsable de tous leurs maux.

Vous affirmez que l’islamisme n’est pas l’islam. Cependant, on peut parler d’un islamisme d’atmosphère (pour paraphraser le djihadisme d’atmosphère de Gilles Kepel) qui est un islam identitaire – « Je suis d’abord musulman et je suis musulman contre tous les autres ». Peut-on encore dire « pas d’amalgame » ?

De nombreux individus, moi la première, sont totalement imperméables à cette atmosphère. Mais il serait hypocrite de dire qu’il y a une muraille de Chine. Cependant, je continue à penser que, comme elle l’a été pour les juifs, la France pourrait être une chance pour les musulmans.

Toutes les études montrent que l’imprégnation islamiste concerne 40 % des musulmans en France. Ce qui signifie que 60 % voudraient échapper à la pression de l’islam politique. Que fait-on pour ceux-là ?

Si j’avais la réponse… Je sais que beaucoup de Français musulmans, à qui les médias ne donnent pas la parole et qui n’ont pas non plus envie de la prendre, ne croient pas à une nation multiculturelle. Ils veulent qu’il y ait des crèches dans les mairies et des juifs en France. De même, la majorité des Français ne voudrait pas d’une France sans musulmans. Ils ne veulent juste pas être submergés ou remplacés. Comme moi, ils aiment que la France soit diverse, mais qu’elle n’oublie pas ses racines.

Vous êtes une personnalité publique. N’avez-vous pas peur de vous exposer, d’être moquée, quand vous parlez de vos croyances intimes ?

J’ai pris ma liberté, mon droit de croire dans les signes, dans la symbolique des choses. Peu importe si on se moque de moi, si je surinterprète comme je l’ai fait quand maman est partie, je vois ces symboles et ils contribuent modestement à réenchanter mon monde. C’est la seule manière de se protéger. On a tellement de combats à mener, on a tellement parlé, que cela assèche. Tout ce qui tombe du Ciel ou de la poche de Dieu, je préfère le ramasser. Simone Weil écrit : « Tous les crimes, les grands crimes, commencent par un détail. Et ce détail, c’est une légère faute d’attention. » Alors soyons attentifs à ce et à ceux que nous aimons.

Et si demain tout s'inversait

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[1] Reconquérir le sacré, L’Observatoire, 2023.

La géopolitique du crime organisé à la carte

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Quels sont les véritables Narco-États dans le monde ? Des mafias italiennes, des cartels mexicains ou des triades chinoises, quel groupe a le plus grand pouvoir de nuisance ? Pratiques criminelles et bien évidemment trafics en tous genres: tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le crime organisé est désormais à portée de main avec 40 fiches illustrées aux Éditions Eyrolles.


Géopolitique du Crime organisé ou comment comprendre que la criminalité outrepasse les défis sociétaux. Ce livre s’inscrit dans la ligne éditoriale des éditions Eyrolles proposant de comprendre le monde dans son ensemble par thématique. Dans la même collection, il existe par exemple aussi Géopolitique de l’intelligence artificielle.

Bienvenue dans l’ère du crime internationalisé…

Pour ce nouvel ouvrage : la criminalité, depuis la mondialisation, s’est, elle aussi, mondialisée, et organisée, c’est pourquoi l’on parle de crime organisé, désormais aussi, internationalisé. Les auteurs, Michel Gandilhon (expert associé au département Sécurité défense du Conservatoire national des arts et métiers – CNAM et membre du conseil d’orientation scientifique de l’Observatoire des criminalités internationales – ObsCI), Gaëtan Gorce (chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques – IRIS et directeur de l’ObsCI) et David Weinberger (chercheur associé à l’IRIS et codirecteur de l’ObsCI) sont de cette génération de chercheurs ayant réalisé que les enjeux de la criminalité de demain s’inscrivaient dans les dynamiques de géopolitique internationale. Dans cet ouvrage, ils ont réalisé 40 fiches illustrées, exposant et permettant de comprendre quelles sont les menaces d’aujourd’hui et de demain.


De nombreux sujets sont abordés et éclairés par les contributions de co-auteurs renommés, tels que Clothilde Champeyrache, professeure de criminologie au CNAM, ou Jean-François Gayraud, commissaire général de la police nationale et essayiste. Ces experts, forts de nombreuses années d’expérience et de recherche dans leurs domaines respectifs, partagent leur savoir à travers ces fiches éclairantes, par exemple :

Le fonctionnement des réseaux mafieux, avec un focus particulier sur la ‘Ndrangheta, aujourd’hui reconnue en Italie, aux États-Unis et en Australie comme la plus puissante et dangereuse des organisations criminelles. Cette mafia calabraise bénéficie d’immenses ressources financières issues principalement du trafic de cocaïne, mais également d’autres activités illicites telles que les trafics de déchets, les extorsions, les fraudes aux subventions publiques, ou encore le commerce de médicaments contrefaits et de produits dopants. L’infiltration du milieu politique constitue l’une de ses forces majeures : entre 1991 et 2023, 126 conseils communaux ont été dissous rien qu’en Calabre. Symbolisée par une pieuvre, la ‘Ndrangheta a su étendre son influence bien au-delà de ses frontières historiques… jusqu’en Australie.

A lire aussi: Une société addictogène

Le grand banditisme en France, qui n’est pas en reste face à ce type de criminalité. La France est probablement le pays de l’Union européenne où le crime organisé lié au trafic de drogues illicites connaît l’enracinement territorial le plus marqué. De nombreux quartiers abritent des points de revente, illustrant une réalité préoccupante et posant de sérieux défis à toutes les strates de la société française. Au début des années 1990, les renseignements généraux identifiaient environ 500 quartiers touchés par ce phénomène ; aujourd’hui, ce nombre dépasserait le millier, la majorité se situant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Parmi eux, une soixantaine, considérés comme les plus gravement affectés, ont été regroupés en 2018 sous l’appellation « quartiers de reconquête républicaine », dont la dénomination même vaut reconnaissance de la crise du régalien. On peut citer Marseille, Corbeil-Essonnes, Bagnolet, Aubervilliers, Saint-Denis, Canteleu, Avallon dont la question de la corruption des pouvoirs publics locaux par les groupes criminels constitue un sujet de préoccupation majeur des services en charge de la lutte contre le trafic de drogues illégales, si ce n’est des services en charge du trafic d’armes.

Ces deux cas permettent d’illustrer le contenu de ces fiches : le crime s’est en effet internationalisé, et la coopération des États peine à rattraper le retard pris.

Ce livre propose un panorama riche en informations multiples mais d’une grande précision, sur ces phénomènes, notamment les divers trafics et entités du crime organisé. Ce livre permet de mieux percevoir comment vit et évolue cette face obscure du monde, d’appréhender le phénomène criminel ; surtout de réaliser combien ces questions nous concernent tous et l’urgence de les inscrire dans une dynamique de coopération internationale. En somme, un bon point de départ pour qui veut s’éduquer sur ce sujet hélas plein d’avenir, voire s’engager dans l’une des multiples voies permettant de l’affronter.

Indépendantisme martiniquais: l’influence délétère de Kémi Séba

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Figure du panafricanisme influente, il entretient la haine de la France, fomente des tensions et est soutenu par des régimes hostiles. Il se présente aux élections au Bénin…


Se plonger dans le parcours idéologique de Kémi Séba revient à revenir sur des décennies d’activisme politique afro-américain. Né à Strasbourg de parents d’origine béninoise ayant été naturalisés Français, Stellio Chichi a commencé son parcours en adhérant au mouvement suprémaciste noir Nation Of Islam, que les amateurs de films de prison auront reconnu comme étant un des gangs les plus célèbres du système carcéral étatsunien. Prônant la ségrégation entre les noirs et les autres ethnies des Etats-Unis, Nation Of Islam a été fondé par Elijah Muhammad. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, Kémi Séba n’a pas pris son pseudonyme après son adhésion à Nation Of Islam mais au tournant des années 2000, moment où il rejoint l’idéologie religieuse du kémitisme, mouvement néo-païen panafricaniste opposé aux religions abrahamiques vues comme étant des outils coloniaux de domination des populations noires africaines.

Voilà pour le contexte dans lequel évolue Kémi Séba depuis un peu plus de deux décennies désormais. En dépit de quelques turbulences, il est resté globalement fidèle à son corpus panafricaniste et à ses croyances. Pourtant, plutôt que de se marginaliser progressivement, l’homme a su avec habileté faire croitre son audience initiale et devenir une voix écoutée en Afrique, singulièrement dans le Bénin de ses racines où il envisage même de se faire prochainement élire président de la République.

La haine de la France comme fonds de commerce

Kémi Séba aime souvent à rappeler en conférence le conseil qu’il avait reçu de sa mère lorsqu’il était encore un enfant : « Ne deviens Français que sur le papier ! ». Il est allé au bout de sa logique en brûlant publiquement son passeport français lors d’une conférence de presse tenue depuis Fleury-Mérogis puis en s’improvisant conseiller du général putschiste nigérien Abdourahamane Tiani. De quoi bénéficier d’un passeport diplomatique délivré au mois d’août 2024 qui lui a permis d’annuler une partie des effets de sa déchéance bien méritée de la nationalité française…

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Car, on trouve la trace de Kémi Séba dans toutes les humiliations que la France a subie au Sahel. Participant activement à la dégradation de l’image de notre pays dans la région, alors que nous l’avons militairement sauvée pendant dix ans, Kémi Séba s’est allié à tous nos ennemis. Régulièrement reçu comme hôte de marque par les autorités russes ou encore iraniennes, Kémi Séba intervient partout où il s’agit d’affaiblir l’influence et l’intérêt français. Dès 2017, il était accueilli à Moscou par Alexandre Douguine. Plus tard, en 2019, il bénéficiait de l’appui financier du tristement célèbre Evgueni Prigojine, alors vivant et administrateur de Wagner, en échange selon son propre aveu d’opérations antifrançaises visant à « appeler la jeunesse africaine à mener des actions violentes contre les intérêts français en Afrique ». Il a pour cela reçu plus de 400 000 dollars entre 2018 et 2019. Notons aussi qu’il a participé au forum économique Turquie-Afrique comme à la conférence internationale « La politique française du néocolonialisme » à Bakou en Azerbaïdjan, pays dont on retrouve la trace dans de nombreuses manifestations contre l’Etat en Nouvelle-Calédonie ou encore en Martinique.

Son influence délétère est forte en Afrique, comme nous l’avons dit, mais aussi malheureusement en France. Déjà en métropole en excitant les afro-descendants et diasporas, notamment envers les Sénégalais après avoir officié dix ans dans l’émission Le Grand Rendez-Vous de la chaîne 2STV, mais aussi dans les outre-mers. En Guyane, Kémi Séba a notamment été reçu par l’activiste Elie Domota.

La présence de Kémi Séba en Martinique a été trop peu dénoncée

En 2018, Kémi Séba participait à l’envahissement du supermarché Génapi de la commune de Ducos en Martinique. Aux cris de « Yo armé nou pa armé », lui et ses militants s’étaient emparés de sachets de « sucre rouge sang », symbole de la souffrance des ancêtres, « parce que nos parents ont travaillé dans ces plantations ». Dans un article pour le site Madinin’Art, le chroniqueur martiniquais Yes-Léopold Monthieux est d’ailleurs récemment revenu sur la genèse et les liens qui unissent les « kémites » aux mouvements indépendantistes martiniquais comme le RRPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes) de Rodrigue Petitot :  

« (J’ai) écrit le 29 décembre 2021 dans « La main invisible du désordre » : « en effet, tous les évènements intervenus depuis le premier bris de statue et même de l’équipée du centre commercial Génipa sous la houlette de Kémi Séba, ont comme fil conducteur la défiance de l’Etat et la volonté de lui porter atteinte dans le cadre de la lutte anticoloniale. La philosophie est connue, la méthode éprouvée : les militants d’idéologies diverses peuvent s’engouffrer dans le tunnel ainsi défini ».

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J’ignorais que la « main invisible » pouvait provenir de Russie et de son proxy l’Azerbaïdjan… Des élus martiniquais ont entrepris de rendre cette main de plus en plus visible, et de décomplexer la revendication indépendantiste. Des vidéos montrant des militants du RRPRAC arborant des pendentifs kémites permettent aussi de mesurer l’entrisme du mouvement dans ce mouvement ultramarin sous faux nez, ainsi d’Aude Goussard qui fut candidate pour la 4ème circonscription des dernières élections législatives de Martinique.

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Gwladys Roger, l’une des meneuses du RRPRAC, s’est aussi prise en photo avec ce pendentif au motif égyptien emblématique des sectateurs kémites.

Enfin, Kémi Séba et Rodrigue Petitot partagent un autre point commun. Ils ont tous deux pour avocat Juan Branco, en visite en Martinique au début du mois de janvier pour « dénoncer la vie chère ». Ne serait-ce pas plutôt pour provoquer une insurrection contre l’État qu’il appelle de ses vœux et aurait l’avantage de plaire à de nombreux État étrangers hostiles ?

Libéralisme contre socialisme: la lutte des milliardaires et des fonctionnaires

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Alors qu’en Chine des milliardaires devenus gênants pour le pouvoir communiste ont tendance à disparaitre, aux Etats-Unis on assiste au grand remplacement des politiques traditionnels par les milliardaires. Analyse.


« L’économie mondiale doit-elle être une exploitation ou une organisation du monde ? Les Césars de ce futur empire doivent-ils être […] des milliardaires ou des généraux, des banquiers ou des fonctionnaires de stature exceptionnelle ? C’est là l’éternelle question. » (Oswald Spengler, Prussianité et socialisme)


Le monde, prophétisait en 1919 Spengler dans Prussianité et socialisme, est appelé à être le théâtre d’un affrontement global entre deux modèles irréconciliables de sociétés : le modèle anglo-saxon, qui prône la primauté de l’individu, et le modèle prussien, qui affirme la prééminence de la collectivité.

A ces deux modèles correspondent deux types anthrolopologiques opposés : le type anglo-saxon de l’homme privé, libre, indépendant, culminant dans la figure du self-made man ; et le type prussien du serviteur de l’État, loyal et probe, culminant dans la figure du fonctionnaire weberien.

Chacun de ces types, d’après le philosophe allemand, peut être vu comme le lointain descendant d’une figure prototypale : celle du chevalier teutonique, c’est-à-dire du moine-soldat, dans le cas prussien ; et celle du Viking, c’est-à-dire du pirate-marchand, dans le cas anglo-saxon.

Au sens teutonique de la discipline et de l’austérité, à l’ethos prussien du devoir, répondent ainsi l’existence viking conçue comme une lutte sans merci pour la vie, et l’ethos anglo-saxon du succès.

Dans ces deux modèles de sociétés, la Volonté de puissance est à l’œuvre : mais là où l’esprit anglo-saxon entend les faire s’affronter individuellement pour qu’elles s’aiguisent les unes les autres, l’esprit prussien, lui, entend les unifier dans une seule et même expression générale, dont chacun acceptera ensuite d’être l’instrument.

Ethos prussien du devoir vs. ethos viking du succès : illustrations économiques et sociales

A l’idée prussienne d’une cogestion de l’entreprise, y associant les salariés, correspond ainsi une appréhension anglo-saxonne de la vie économique comme « part de butin revenant à chacun ». Là, rien de la recherche teutonne d’un optimum global, mais la constitution viking, grâce aux compagnies et aux trusts,de fortunes individuelles et de richesses privées. Même le traitement du paupérisme, souligne le philosophe prussien, n’échappe pas à cette opposition. A l’invention bismarckienne d’un État-providence, c’est-à-dire d’une mutualisation obligatoire et solidaire des risques, répond alors le développement, par les milliardaires anglo-saxons, de la philanthropie, c’est-à-dire d’une charité discrétionnaire et privée, offerte par ses dispensateurs à la manière de « vieux corsaires, qui, attablés dans le château conquis, jettent aux prisonniers [en l’occurrence, le peuple] les reliefs du festin ».

Et l’on pourrait décliner en une série infinie d’oppositions cet antagonisme entre un socialisme autoritaire et un libéralisme darwinien : primauté de la collectivité vs. primauté de l’individu ; ethos du devoir vs. ethos du succès ; notion d’administration vs. notion de commerce (« cette forme raffinée de la piraterie ») ; hiérarchie fondée sur l’autorité statutaire vs. hiérarchie fondée sur l’enrichissement personnel ; prééminence de la politique sur l’économie vs. inféodation de la politique à l’économie ; etc., etc.

Évidemment, cette dichotomie de modèles doit être considérée comme une opposition idéelle ; dans la réalité, ni la société anglo-saxonne ni la société prussienne, même de l’époque, ne sont aussi monolithiques. L’émergence d’un Etat-providence aux Etats-Unis, à partir de 1935, l’illustre d’ailleurs – les grandes crises (en l’occurrence, celle de 1929) étant, typiquement, l’occasion de concessions ou d’emprunts au modèle rival -. Mais réciproquement, la place centrale que conserve aujourd’hui la charité privée dans le modèle américain, et le périmètre plus réduit qui y est toujours celui de l’État social, plus d’un siècle après les analyses de Spengler, marquent que l’antagonisme souligné par le philosophe prussien n’a rien de gratuit, et traduit des différences profondes et persistantes de mentalités entre les sociétés[1].

Etats-Unis vs. Chine : vers une radicalisation de l’antagonisme entre modèles

La fin du XXème siècle a pu donner à certains analystes l’idée que la prophétie de Spengler était démentie, et que le modèle anglo-saxon, avec des nuances plus ou moins prononcées de prussianité suivant les climats et l’atavisme des peuples, allait s’imposer à l’échelle planétaire.

Les années récentes, toutefois, n’ont fait que souligner la pertinence de la thèse soutenue par Spengler. Deux faits nouveaux, qui ne se présentent pas comme des épiphénomènes mais comme des tendances lourdes, sont en effet intervenus, et annoncent une recrudescence du partage du monde entre modèle socialiste autoritaire et modèle libéral anglo-saxon.

Une crise profonde du modèle libéral

La première de ces tendances lourdes, c’est le constat que le modèle libéral connaît une crise profonde. D’une part, la primauté accordée à l’individu sur la collectivité a conduit à une érosion dangereuse de la cohésion des sociétés occidentales, minée par des revendications communautaristes voire sécessionnistes. D’autre part, le développement du libre-échange et le déclin du patriotisme économique, aussi bien chez les consommateurs que chez les grands patrons, a mené à une désindustrialisation et à des dépendances d’autant plus critiques que l’effondrement du niveau scolaire moyen assombrit les perspectives d’amélioration de notre productivité et d’inversion de cette dynamique. Plus structurellement, on commence peut-être à mesurer, comme l’écrivait Castoriadis en 1996, que l’efficacité du modèle libéral dépendait aussi du fait « qu’il avait hérité d’une série de types anthropologiques […] créés dans des périodes historiques antérieures, par référence à des valeurs alors consacrées et incontestables : l’honnêteté […], la transmission du savoir, la belle ouvrage, etc. », qu’il n’aurait pas pu faire surgir lui-même et que sa logique, faisant appel aux purs intérêts personnels, tend même à faire disparaître. La désertion, à cet égard, se répand de plus en plus, à tous les niveaux et dans toutes les fonctions, qu’elles soient parentales ou professionnelles.

L’action sociale du libéralisme pourrait alors s’apparenter à l’action économique des fonds spéculatifs dit « activistes » (qui acquièrent des parts minoritaires d’entreprises pour en modifier les stratégies). En obtenant une coupe drastique des coûts et en capitalisant sur le savoir-faire historique de l’entreprise, l’opération permet généralement de dégager d’excellents résultats financiers à court terme, mais le sous-investissement qui en résulte hypothèque d’autant voire ruine les perspectives de long terme de l’entreprise. Le bilan du libéralisme, pour prolonger l’image, aurait ainsi été artificiellement « gonflé » par la dilapidation progressive d’un capital de mystiques, au sens de Péguy – mystique professionnelle, mystique parentale, mystique citoyenne, etc. -, dont nous ne ferions que commencer à constater les effets délétères sur le temps long.

Un succès (menacé ?) du contre-modèle chinois

La seconde de ces tendances lourdes, c’est évidemment la reprise du flambeau du socialisme autoritaire par la Chine, et les succès que ce modèle a rencontré dans ce dont le libéralisme entendait précisément faire son domaine réservé, c’est-à-dire l’économie.

Cette réussite, à l’échelle d’un pays aussi vaste et aussi peuplé, inflige en effet un démenti cinglant à l’absence d’alternative classiquement mise en avant par les libéraux (cf. Thatcher et son fameux : « there is no alternative ») : elle démontre qu’un contre-modèle, fondé sur l’importance d’une discipline collective (par opposition à la considération de la seule initiative privée), n’est pas seulement viable, mais capable de rivaliser voire de détrôner la référence américaine sur son propre terrain.

La Chine, à la différence de l’Europe, n’a raté aucune révolution technologique, et dispose de champions nationaux dans chacun de ces nouveaux secteurs (smartphones, intelligence artificielle, véhicules électriques, e-commerce, etc.). Encore distancée dans certains domaines industriels plus historiques, telle que l’aéronautique ou le spatial, elle rattrape rapidement son retard, comme elle l’a déjà fait dans l’automobile, le ferroviaire, ou encore le nucléaire.

Son modèle mêlant protectionnisme et ouverture au monde, économie de marché et économie planifiée, combiné à une éducation de masse de qualité, a ainsi permis une élévation réelle du niveau de vie global de la population, et s’avère pour l’heure une réussite dans l’ensemble, en dépit d’une demande intérieure qui reste faible et d’une crise immobilière qui se prolonge.

L’opposition peut être schématisée ainsi : là où le modèle libéral, du fait d’un effondrement continu de son système d’éducation général, fait reposer sa croissance future sur une fraction de plus en plus réduite d’individus (qu’il se retrouve d’ailleurs de manière croissante, en raison de l’attrition du vivier, à « débaucher » de l’étranger, par la promesse de meilleures perspectives d’évolutions personnelles), son rival asiatique, lui, s’est employé méthodiquement à en élargir l’assise.

La place des milliardaires offre, dans cette perspective, une illustration exemplaire de l’antagonisme qui s’accroît entre les sociétés américaine et chinoise. Spengler, dans Prussianité et socialisme, aimait à caractériser les milliardaires Yankees comme « des citoyens privés qui règnent sur des pays étrangers par l’intermédiaire d’une classe subalterne de politiciens professionnels ». Si l’invasion américaine de l’Irak pourrait s’analyser dans ce cadre, à l’aune des intérêts des compagnies pétrolières notamment, la « prise de pouvoir » des milliardaires, dans la nouvelle présidence Trump, marque une forme de radicalisation de la perspective spenglérienne, par l’économie qui y est faite, et même revendiquée, du personnel politique « conventionnel ». Désormais, les milliardaires exercent directement les responsabilités étatiques, sans s’embarrasser d’un quelconque « proxy » (on notera d’ailleurs que cette « liquidation » des intermédiaires et des formes est tout à fait dans l’esprit du libéralisme).

A rebours de cette évolution, la Chine, elle, s’est au contraire distinguée ses dernières années par la mise au pas systématique des milliardaires, et le renforcement plus large de l’inféodation de l’économie et des grands groupes privés (notamment issus de la tech)aux objectifs politiques définis par le PCC. A l’installation d’Elon Musk (et de Vivek Ramaswamy, un autre milliardaire d’origine indienne) à la tête d’un ministère de l’efficacité gouvernementale, chargé de dégraisser les effectifs de fonctionnaires fédéraux, répond ainsi, de l’autre côté du Pacifique, l’organisation bureaucratique, par l’Etat-parti, de la disparition des milliardaires critiques (à l’instar des Xiao Jianhua, Jack Ma ou encore Bao Fan, volatilisé depuis bientôt deux ans).

Le resserrement de la tutelle du PCC sur l’économie, qui va de pair avec une évolution autocratique et népotique de l’exercice du pouvoir sous Xi Jinping, éloigne toutefois la Chine de l’idéal de socialisme autoritaire prôné par Spengler, d’essence méritocratique, dont le chef n’est censé être que le premier serviteur de l’Etat, et non l’usufruitier.  Il faudra voir, dans les prochaines années, à quel point cette dérive prévaricatrice se confirme. Si c’est le cas, comme la situation actuelle porte à le penser, l’atteinte des ambitions chinoises pourrait en pâtir lourdement.

La situation de la France

Dans le cas de la France, le philosophe prussien identifiait une troisième figure prototypale : non celles, animées par la Volonté de puissance, des héritiers des Vikings ou des chevaliers teutoniques, mais celle, tournée vers l’otium, du rentier, correspondant à l’idéal du phalanstère fourriériste. Là, non une « énergique notion de propriété », mais un objectif de « jouissance ; non « tout », mais « assez » ; non « l’action », mais le « bien-vivre » […] Des voyageurs anglais, Young par exemple, s’étonnèrent, à la veille de la Révolution, que la noblesse exploitât si mal ses domaines. Elle se contentait de les « posséder » et de recevoir de l’intendant les sommes nécessaires à la vie parisienne. Cette aristocratie du XVIIIème siècle était totalement différente de l’aristocratie anglaise et prussienne qui, entreprenante, cherchait à acquérir et à conquérir. » Et de même, « l’ouvrier [français] veut être, lui aussi, rentier. Il déteste l’oisiveté des autres à laquelle il ne peut prétendre. Son but qui est d’obtenir pour chacun l’égalité quant à la jouissance et à la possibilité de rentes se retrouve aussi dans la fameuse formule de Proudhon : « La propriété, c’est le vol. » Car la propriété dans ce cas ne signifie pas le pouvoir mais une possibilité de jouissance que l’on a acquise ».

Bien que dressé dans des conditions discutables d’impartialité (nous sommes en 1918-1919), il paraît difficile de nier la part de vérité contenue par ce portrait psychologique de notre pays.

Notons tout de même, contre Spengler, que la parenthèse gaullienne – avec l’instauration d’une Vème République d’inspiration monarchique, la poursuite d’un juste équilibre entre libéralisme et collectivisme (les mécanismes imparfaits de l’économie de marché devant être corrigés par la planification et la participation), le tout sous l’égide d’une « noblesse d’Etat » ayant le sens de celui-ci – a certainement constitué l’une des meilleures déclinaisons « terrestres » de l’idéal de socialisme autoritaire caressé par le philosophe prussien.

Las, il faut bien convenir que nous en sommes revenus, et que la France, depuis, n’a guère connu que des alternances entre fourriéristes et libéraux contrariés. Primum omnium salus patriae, rappelait le Général à Peyrefitte[2] : on ne peut pas dire que ce soit le visage que nos hommes politiques, ces quarante dernières années, et particulièrement l’Assemblée actuelle, nous ait habitué à présenter.

Prussianité et socialisme

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[1] Soulignons ici, pour éviter les contresens, que le socialisme autoritaire prôné par Spengler, d’inspiration profondément aristocratique (au sens étymologique du mot – c’est-à-dire de gouvernement des meilleurs), n’est ni le communisme ni le national-socialisme. Le communisme, en particulier, n’est jamais de son point de vue qu’une remise en cause de la répartition du butin, pas de l’esprit plus global de rapine qui anime les sociétés anglo-saxonnes. Quant au national-socialisme, il n’existait pas en 1919, mais on peinerait à faire cadrer sa brutalité plébéienne et son culte d’un chef démagogique, avec l’idéal chevaleresque que le philosophe prussien caressait.

[2] « Avant tout, le salut de la patrie ».

Comme un ballet dans l’eau

Le Ballet de l’Opéra de Lyon part en tournée à travers la France avec Mycelium, une composition hypnotique du chorégraphe grec Christos Papadopoulos. Une troupe virtuose.


À l’issue des représentations de Mycelium, une chorégraphie de Christos Papadopoulos, les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon sont acclamés par le public. Et pour une fois, ce n’est là que justice. Ils sont vingt à servir cette pièce dont l’exécution apparaît vertigineusement complexe. Et leur prestation semble tenir du prodige. Elle démontre avec éloquence combien leur virtuosité semble illimitée, combien leur discipline, leur souplesse mentale leur permettent de s’adapter aux démarches artistiques et aux difficultés les plus diverses.

Il est vrai que le Ballet de Lyon, tel qu’il a été forgé par celui qui fut longtemps son directeur, Yorgos Loukos, s’était rangé, sous sa gouverne, parmi les meilleures compagnies européennes, doté de surcroît d’un répertoire contemporain éblouissant, unique au monde. Désormais sous la conduite d’un ancien danseur de Merce Cunningham, Cédric Andrieux, la troupe démontre n’avoir rien perdu de son excellence.

Côté oiseaux – côté poissons

C’est une tendance qui se manifeste depuis plusieurs années qu’exploite ici le chorégraphe grec Christos Papadopoulos. Il dit avoir été fasciné, comme tout un chacun, par le vol de nuages d’oiseaux comme les étourneaux ou par les déplacements de bancs de poissons, tels qu’ils sont filmés dans des documentaires, et tels qu’il les découvrait durant sa jeunesse passée dans le Péloponnèse.

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Déjà, dans Murmurations, le Français Rachid Ouramdane, avec les danseurs du Ballet de Lorraine, avait évoqué talentueusement le vol ensorcelant des compagnies d’étourneaux. Avec les danseurs du Ballet de Lyon, Papadopoulos, déployant une belle virtuosité, fait un peu la même chose, mais dans un genre tout différent, versant plutôt dans le banc de poissons. S’il évoque verbalement, pour éclairer sa démarche, les réseaux souterrains formant ce mycélium qui prête sa puissance formidable à l’épanouissement des forêts, sa chorégraphie mouvante évoque surtout à nos yeux ces formidables masses fluides de sardines qui glissent, s’étirent, tournoient, se disloquent, se reforment, se séparent à nouveau dans un incessant, un enivrant ballet sous-marin, alors qu’il s’agit le plus souvent pour elles d’échapper à de dangereux prédateurs.

© ONL

Des ténèbres aux ténèbres

Mycelium débute avec un seul danseur qui surgit dans la pénombre et se déplace sur le plateau en paraissant y glisser, ses chevilles et ses pieds demeurant invisibles. Il assume à lui seul une bien longue introduction qui va perdurer à l’excès avec l’apparition d’une danseuse reprenant avec lui le même manège.

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Même si ce prologue semble interminable et se révèle un peu soporifique sous l’emprise d’une composition sonore qui ajoute à l’hypnose, peu à peu l’introduction d’autres interprètes se faufilant imperceptiblement sur le plateau change la donne du tout au tout. Un groupe se forme, se développe, enfle, grossit, se mouvant sans cesse, sous mille formes changeantes, comme une masse qu’on pourrait peut-être qualifier de liquide. C’est un organisme vivant, un corps unique où l’individu n’existe plus, qui se disloque à l’envi, s’enroule sur lui-même, s’éparpille en plusieurs groupes qui s’amalgament aussitôt, recomposent une masse sans cesse métamorphosée.

Cent fois, deux cents fois peut-être, les danseurs reprennent la même gestuelle, la même attitude, de face, de trois quarts, de profil, très simple en apparence, mais bien vite diaboliquement complexe dans son apparente sobriété. Et on ne sait quoi admirer davantage de la composition diabolique du chorégraphe ou de l’exécution miraculeuse qu’en donnent ces danseurs. Leur concentration se doit d’être extrême tant l’ingéniosité des déplacements en commun interdit toute approximation, toute erreur, toute discordance.  

Né dans l’obscurité avec un solo, Mycelium y replonge bientôt quand les vingt danseurs enfin apaisés sont lentement absorbés dans les ténèbres.


Ballet de l’Opéra national de Lyon : Mycelium de Christos Papadopoulos, parfois accompagné de Biped de Merce Cunningham.

Comédie de Valence, les 14 et 15 janvier 2025
Espace Malraux, à Chambéry, le 17 janvier
Théâtre de Bonlieu, à Annecy, du 22 au 24 janvier
Théâtre du Volcan, au Havre, les 27 et 28 janvier
Concertgebouw de Bruges, le 1er février
Maison de la Danse, à Lyon, du 12 au 14 mars
Opéra de Lille, du 25 au 27 mars
Opéra de Rennes, du 20 au 22 mai
Théâtre de Mâcon, le 24 mai.

Bernard Casoni, victime du Mur des cons?

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L’entraîneur de football vient d’être condamné par la justice à 10 000 euros d’amende, plus 15 000 euros avec sursis, pour des propos prétendument racistes tenus lors d’une conférence de presse d’avant-match. Bienvenue chez Orwell.


Qui a dit que la justice était laxiste en France ? Le « scandale » éclate fin septembre 2023 quand le coach d’Orléans, après un début de saison désastreux en National (5 défaites, 2 nuls, 1 victoire), est interrogé en conférence de presse sur la performance de ses joueurs. « Mon rôle, c’est de leur dire, de leur montrer et de les aider à résoudre les problèmes, voilà, c’est tout », répond platement Bernard Casoni, qui a entraîné plusieurs équipes au Maroc, en Algérie et en Tunisie précédemment. Et d’ajouter, du coup : « Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins hein… » Des propos tenus en direct devant deux ou trois plumitifs du coin (on est en 3e division nationale, pas en Ligue des champions), et donc pas vraiment pesés au trébuchet, par un homme qui fait alors allusion à sa longue expérience footballistique sur l’autre rive de la Méditerranée. Des propos que l’on pourrait qualifier tout au plus de maladroits, à l’époque qui est la nôtre. Des propos qui n’auraient pas cassé trois pattes à un canard ou même au moindre cramponné à la fin d’un siècle révolu, mais qui à l’entame du nouveau sont passibles d’excommunication. Des propos jugés « ignobles » par le quotidien 20 Minutes

Tandis que les inévitables associations antiracistes, attirées par l’odeur du gibier, fût-il boiteux, ne ratent pas une si belle occasion de sonner l’hallali en portant plainte, le tribunal numérique et médiatique s’emballe aussitôt. Sans surprise. Les jeunes chevaliers blancs – mais pas trop quand même – de la presse régionale, France Bleu Orléans en tête, se mettent à mater par le trou de la serrure du vestiaire de l’US Orléans. L’hérétique est accusé d’avoir demandé à sa cellule de recrutement « de blanchir l’effectif », ce que l’intéressé dément, tout comme son président. Au cours d’une séance d’entraînement, le coach relaps aurait osé ricaner : « Pas besoin de chasubles pour eux, ils sont déjà noirs. » Sommé de se justifier, le dissident en survêt bredouille quelques mots pour sa défense. « C’est du chambrage. Je suis un gars du sud, c’est du football, ce n’est que du chambrage. » Le rebut, en un mot, ose même se plaindre. « Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire. »

Un jugement saugrenu

La bande à Baudot aura donc la main leste. Ce jeudi 9 janvier, le tribunal correctionnel d’Orléans condamne Bernard Casoni à 25 000 euros d’amende, dont 15 000 avec sursis, et au versement de 1 501 euros d’indemnités aux parties civiles (SOS Racisme, Sportitude et la Licra notamment) pour injures publiques à caractère raciste. Soit 11 501 euros nets d’impôt pour avoir déclaré : « Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins hein… » En sus d’une petite mort sociale pour le condamné, dans un métier aussi exposé que le sien. Le repris de justice s’est entre-temps exilé en Côte d’Ivoire, où il chapeaute un club de deuxième division. Une preuve supplémentaire de son racisme pathologique.

Ce jugement laisse sans voix, surtout si on le compare à d’autres récentes décisions de « justice », les guillemets étant de plus en plus de rigueur, hélas. La semaine dernière, un étranger en situation irrégulière portant un couteau ressort libre du tribunal de Saint-Nazaire après avoir menacé de mort des policiers. Libre et sans débourser le moindre sou. La nuit de Noël, deux Algériens sous OQTF cambriolent une pharmacie à Ivry-sur-Seine puis sont relâchés par un juge, faute de place en Centre de rétention administrative. Ils récidiveront une semaine plus tard à Thiais. Début décembre, une enseignante d’un lycée de Tourcoing est menacée de mort et agressée par une élève de 18 ans, qui refuse de retirer son voile. Verdict pour la jeune Warda H. : quatre mois de prison avec sursis, c’est-à-dire peanuts, l’obligation de se soumettre au redoutable stage de citoyenneté et le versement d’une indemnité de 1 000 euros à l’institutrice. Au même moment, un homme au casier judiciaire bien garni écope à Saint-Malo de six mois de prison avec sursis et d’une indemnité de 950 euros à verser aux parties civiles, pour menaces de mort et injures en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion. « Arrête-toi, espèce de sale blanc, sale français ! Je suis là pour prendre vos allocations et baiser vos femmes », s’était emporté le sanguin Malouin auprès d’un automobiliste qui l’empêchait d’avancer, avant de s’en prendre à deux employés d’un centre Leclerc local :  « Je vais vous tuer… par le Coran je t’égorgerai, je te défoncerai le crâne à coups de clé. » Sans avoir fait Maths Sup, et sur un plan strictement pécuniaire, on notera donc que le comportement et les propos du vindicatif et multirécidiviste Breton sont jugés 12,106 fois moins graves que ceux de l’entraîneur orléanais et néanmoins raciste.

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Début novembre, à Castres, Léo est poignardé à la sortie d’une discothèque après avoir été pris à partie par un groupe d’une vingtaine de jeunes qui voulaient « égorger un Français », dixit la mère de la victime. Jugé en comparution immédiate, l’auteur du coup de couteau, Jawed M., est condamné à 105 heures de travail d’intérêt général (pourquoi pas 106 ?) mais n’aura pas à sortir son chéquier. Fin octobre, un clandestin algérien sous OQTF menace avec un couteau de 20 centimètres les passagers d’un bus à Bobigny et agresse deux contrôleurs et un policier. Il n’est pas poursuivi pénalement, afin de favoriser son expulsion. Même pas 1 euro de dommages et intérêts pour les passagers du bus ? « Je vais te tuer, je vais te couper la tête », hurle en sortant un tournevis un migrant somalien à l’employé d’un fast-food de La Roche-sur-Yon, qui s’était interposé parce que son client mal dégrossi importunait une dame. Ce sera donc trois mois de prison, mais avec sursis, c’est-à-dire que dalle. Et 0 euro d’amende, soit 11 501 de moins que pour le Nanard d’Orléans. À la même époque, le tribunal correctionnel d’Évry-Courcouronnes inflige quatre mois avec sursis mais aucune sanction financière à un OQTF qui a agressé sexuellement une femme, à son domicile d’Antony. Entre une peine de prison avec sursis et plusieurs milliers d’euros d’amende, le commun des mortels a vite fait son choix.

La dystopie nous guette…

Inutile de remonter plus loin dans le temps, la suite est à l’avenant. Au moins Bernard Casoni a-t-il échappé au stage de citoyenneté. On pourrait par ailleurs comparer la lourde pénalité financière qui le frappe avec un autre footeux appelé à la barre pour des actes bien plus graves. En septembre 2017, l’international Kingsley Coman est condamné à 5 000 euros d’amende pour violence conjugale par le tribunal correctionnel de Meaux. Pour des faits similaires, le député insoumis à la main un peu trop lourde, Adrien Quatennens, doit verser 2 000 euros de dommages et intérêts à sa dulcinée, en décembre 2022. Six fois moins que le coach à la parole un peu trop légère. En septembre 2023, un coutumier des palais de justice et des menaces de mort, le « comique » préféré du président, Yassine Belattar, se voit contraint par le tribunal correctionnel de Paris de lâcher 500 euros au metteur en scène Kader Aoun, pour une énième intimidation létale. Peut-être notre entraîneur ségrégationniste aurait-il dû boire quelques coups et fumer un joint avant de (com)paraître en conférence de presse. Ses avocats auraient ainsi pu plaider l’absence de discernement auprès du tribunal, à l’instar de ceux de Kobili Traoré, qui a tabassé puis défenestré Sarah Halimi. Le meurtrier antisémite n’a pas eu un euro à débourser et coule aujourd’hui des jours paisibles, aux frais du contribuable, dans un hôpital psychiatrique, profitant de ses nombreuses permissions de sortie pour se prendre en photo sur TikTok avec ses potes, à proximité du domicile de sa victime…

Un parfum de dystopie orwellienne plane désormais sur nos prétoires. Pauvre justice française, qui apparaît jour après jour de plus en plus bancale, déséquilibrée, ultra politisée, partiale, incroyablement laxiste ou exagérément implacable selon les cas de figure et les cases à cocher. En un mot, injuste. La hiérarchie des peines qu’elle prononce aujourd’hui défie le bon sens le plus élémentaire. L’indépendance que lui a accordé le pouvoir politique ces dernières années n’était peut-être finalement pas l’idée du siècle. Que donne un pouvoir à la dérive sans aucun contre-pouvoir ? L’antiracisme est entre-temps devenu une religion, dont les juges pour peu qu’ils soient de la magistrature – sont les gardiens du temple. Le raciste est un hérétique. Le dérapage raciste, ou perçu comme tel, fait figure de blasphème. Suprême sacrilège. Comme si le racisme était la seule passion triste qui agite les tréfonds de l’âme humaine. Du moins, la plus grave. Pour nos nouveaux Fouquier-Tinville à robes longues, une parole déplacée est potentiellement plus condamnable qu’un acte déplacé. Si la justice française condamne Casoni à payer plus de 10 000 euros, que risque en proportion Delphine Ernotte quand elle juge qu’il y a trop de mâles blancs dans sa télé publique, et qu’elle en vire certains ? Plus de 100 000 euros ? Et pour nos peu philosémites soutiens du Hamas, au Palais Bourbon ou ailleurs ? Un million d’euros ? C’est votre dernier mot ?

En attendant, l’ancien joueur de l’équipe de France de football a fait appel (contre-appel ?) de la sentence. Mais si la justice se met de plus en plus souvent hors-jeu, est-ce bien utile ?

Le journalisme, victime de ses arnaques

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«On se lève et on se casse» : en France, Marine Tondelier et Sandrine Rousseau exhortent les députés du NFP à quitter X pour protester contre Elon Musk. Aux États-Unis, le patron de Meta (Facebook) Mark Zuckerberg négocie un virage politique et regrette la politisation passée des vérificateurs de faits sur ses plateformes.


Les journalistes ? Ils ne cessent, trop majoritairement, de brader la liberté d’expression. Gardiens de l’idéologie progressiste, perméables au terrorisme intellectuel[1] ou soucieux du quand-dira-t-on, ceux-ci participent aux censures, mises au ban, modérations bien-pensantes. Le 7 janvier, la dénonciation par Mark Zuckerberg (patron de Facebook, Instagram et WhatsApp), d’une « politisation » des vérificateurs de faits (« fact-checking »), a confirmé la dérive d’un monde frelaté. De fait : jamais la profession n’a protesté contre les législations tendant à mettre les réseaux sociaux sous surveillance. Jamais elle ne s’excusera d’avoir diabolisé ceux qui alertent sur les risques d’une société ouverte à ses ennemis. Jamais elle ne s’indignera des intimidations procédurales conduisant illico des indociles devant la 17e chambre correctionnelle. Jamais elle ne reconnaitra son silence sur les viols de masse des pédophiles pakistanais en Grande-Bretagne. C’est le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, aujourd’hui disparu, qui avait lancé l’assaut contre CNews et le groupe Bolloré en 2024. La caste a toujours applaudi aux rappels à l’ordre et aux sanctions ciblées de l’Arcom, régulateur de la communication audiovisuelle et numérique qui se dit indépendant mais dont le président est désigné par l’Elysée ; sa décision d’interdire C8 est un scandale démocratique qui a laissé muette une corporation qui, comme le monde politique, s’est décrédibilisée. L’opinion a appris à se passer des imposteurs.

À lire aussi, Gabriel Robin : «Grooming gangs» en Grande-Bretagne: le peuple des abysses

La gauche et les macroniens, qui appellent à quitter le trop libre X (ex-Twitter) d’Elon Musk, confirment leur faible pour le bâillon et le gourdin. Pour eux, la libéralisation de l’internet est « un danger pour nos démocraties » (Yaël Braun-Pivet, dimanche). Ce mépris d’une expression populaire avait poussé Emmanuel Macron, lors de ses vœux du 31 décembre, à parler de « manipulation » concernant les élections en Roumanie, Moldavie et Géorgie : peut-être est-ce exact, mais il faut des preuves. Jeudi, sur RMC, l’ancien commissaire européen, Thierry Breton, s’est flatté d’une ingérence européenne dans l’annulation en novembre, par le conseil constitutionnel roumain, des élections en Roumanie. Breton, promoteur du Digital Service Act, gendarme de la Toile, a menacé d’une semblable invalidation des élections allemandes du 23 février en cas de victoire de l’afD, parti jugé trop à droite. Cette police de la pensée est totalitaire. Elle oblige à lui résister.

La décision de Zuckerberg de supprimer le fact-checking, aux Etats-Unis dans l’immédiat, répond à la volonté d’Elon Musk et de Donald Trump de libérer X de la surveillance journalistique pour confier les modérations aux usagers. « Nous avons atteint un point où il y a trop d’erreurs et trop de censure », a expliqué Zuckerberg en accusant les fact-checkeurs d’être marqués à gauche. Il a admis avoir cédé aux pressions du FBI et de la Maison Blanche pour supprimer des révélations sur Hunter Biden, fils de Joe, pour faire taire les arguments contre la politique anti-Covid ou pour occulter les effets secondaires du vaccin.

Les sycophantes et déconspirateurs à cartes de presse, qui ont hurlé faussement contre les « complotistes anti-vax », ont achevé de détruire le monopole du journalisme hors sol, victime de ses arnaques. Tout, là aussi, est à reconstruire.

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[1] Jean Sévillia, Les habits neufs du terrorisme intellectuel, Perrin

France / Algérie: l’escalade

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Les relations entre l’Algérie et la France se sont tendues récemment avec l’arrestation à Montpellier de Boualem Naman, alias « Doualemn », un influenceur algérien de 59 ans, après la diffusion d’une vidéo incitant à la violence sur TikTok. Après avoir été envoyé en Algérie jeudi, il a été renvoyé en France le même jour. Marine Tondelier, en donnant le sentiment de prendre le parti des autorités algériennes, nous déshonore et détourne l’attention des véritables violations commises par l’Algérie.


La crise franco-algérienne connaît une escalade

Les Algériens ont expulsé l’influenceur Doualemn et nous donnent des leçons de droit. Espérons qu’il restera en rétention jusqu’à son procès. On le garde, mais au frais…

En France, le ton monte. L’Algérie se « déshonore » avec la rétention de l’écrivain Boualem Sansal, selon le président Emmanuel Macron. L’Algérie cherche à nous humilier, selon le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Ce sont des mots forts. À présent, on attend les actes. Chacun y va de son idée : de Jordan Bardella à Gabriel Attal, nous avons assisté à un tir groupé contre le Traité de 1968. Mais tout le monde semble oublier que ce traité relève de la compétence du président. Gérald Darmanin propose une exemption de visas pour la nomenklatura. Xavier Driencourt, ancien ambassadeur, rappelle qu’en Algérie, diplomates, officiels et religieux français ne peuvent se déplacer sans autorisation et escorte policière, et propose de faire de même pour les Algériens en France.

Beaucoup se demandent pourquoi il ne serait pas plus simple de carrément ne plus délivrer de visas aux Algériens. La réponse est simple : avec l’espace Schengen, la France n’a plus complètement la main. Si la France refuse un visa, un ressortissant algérien peut toujours en solliciter un auprès de nos voisins.

A écouter: Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

Depuis 70 ans, la France entretient avec l’Algérie une relation sadomasochiste. Les Algériens ont piétiné les accords d’Évian et expulsé les Pieds-Noirs, mais, malgré cela, les ressortissants algériens devraient toujours être chouchoutés en France. Et aujourd’hui, les relais du régime se déchaînent. Sans réaction forte, voire brutale, le message que la France envoie est clair : vous pouvez nous envoyer vos délinquants, emprisonner nos écrivains et nous insulter sans conséquence. Il est temps d’agir fermement. Basta ! C’est le moment de faire du Trump.

Il existe un large consensus en France pour adopter une position de fermeté, et des moyens d’action sont à notre disposition

Avant d’envisager une rupture des relations diplomatiques, plusieurs mesures sont à notre portée. L’Algérie a besoin de la France. D’ailleurs, le bloc central semble se rallier à la fermeté défendue par la droite. « La France est une grande puissance et doit se faire respecter. On ne provoque pas la France sans en subir les conséquences », affirme Gabriel Attal dans Le Figaro. Pour l’instant, ce qu’il dit est faux. L’ancien Premier ministre prend par ailleurs soin dans sa tribune de critiquer aussi bien l’aveuglement de l’extrême gauche que la haine aveugle de l’extrême droite…

Pour terminer, il convient de revenir sur la différence stridente et choquante constatée à gauche. Interrogée sur les provocations algériennes, Marine Tondelier ose parler des « provocations » de Bruno Retailleau et l’accuse de ne pas respecter le droit. Au-delà des enjeux électoraux et de la prétendue « obsession » du RN, cette attitude traduit une véritable névrose de cette gauche née dans le combat anticolonial. Certains semblent congelés depuis 1962. Des décennies plus tard, la France reste engluée dans la repentance et un antiracisme unilatéral, qui veut que « racisés » et colonisés aient toujours raison. Ségolène Royal prétend que nous avons une « dette morale », et elle semble sincèrement le croire. Fouettez-moi…

A relire, notre dossier: Coupons le cordon! Pour l’indépendance de l’Algérie

Excusez-moi, mais la colonisation est un phénomène complexe et universel. Et si je ne m’abuse, l’Algérie est née d’une colonisation arabe. Juger les faits coloniaux avec les critères moraux actuels n’a guère de sens. L’histoire n’est pas un simple bilan comptable, et des crimes ont été commis des deux côtés.

Alors que la France est agressée par un régime autoritaire et qu’un écrivain croupit en prison, la gauche reste muette et refuse de défendre son pays. Certains de ses représentants vont jusqu’à joindre leurs crachats à ceux de nos ennemis. Ils ont de la chance d’être français. Dans un pays libre, on a le droit de ne pas être patriote. 


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio

Coq cherche poule aux œufs d’or

Symbole du sport français, Le Coq sportif lutte pour sa survie. Placée en redressement judiciaire, la marque a six mois pour se remplumer.


Il a paradé sur le maillot jaune de Bernard Hinault, pavoisé sur le polo de Yannick Noah, légendé la tunique verte de l’AS Saint-Étienne, et en août dernier, lors des JO de Paris, le Coq sportif, emblème d’une firme française créée il y a cent cinquante ans, était encore brodé sur le cœur de tous les athlètes de la délégation tricolore. Mais depuis, le chant du coq ressemble au chant du cygne.

Le 22 novembre, le Coq, qui a illustré les plus belles pages du sport français, a été placé en redressement judiciaire, avec un sursis de six mois pour se remplumer. Les pertes sont considérables : de janvier 2023 à juin 2024, il a perdu quelque 46 millions d’euros, malgré deux prêts de l’État dont les 22 millions se sont révélés trop volatils (la CGT se demande aujourd’hui où est passé l’argent…). Dans l’Aube, à Romilly-sur-Seine, où le Coq est élevé, 350 emplois sont menacés, des centaines d’emplois indirects impactés…

Parmi les créanciers qui lui volent dans les plumes, le Coq sportif doit combattre contre… le coq du XV de France, l’emblème de la FFR (Fédération française de rugby) ! La fédération réclame à l’équipementier 5,3 millions pour des litiges liés au contrat qui les a unis de 2018 à septembre 2024. À la FFR, des voix se sont élevées pour condamner ces poursuites judiciaires de basse-cour, estimant qu’une « fédération sportive délégataire de service public ne peut prendre le risque aussi infime soit-il de précipiter des centaines de familles de salariés dans la précarité en liquidant une société française exemplaire à bien des égards comme Le Coq sportif ».

Mais Florian Grill, président de la FFR réélu le 19 octobre, est resté ferme. On sait aujourd’hui pourquoi. Le 7 décembre, la FFR a présenté ses comptes. Ils ne sont pas fameux. Lors de la Coupe du monde de rugby organisée en 2023 en France, la FFR a perdu environ 20 millions, en tant qu’actionnaire d’un « GIE hospitalités et voyages » : destiné à exploiter le tourisme sportif, ce groupement d’intérêt économique n’a pas fait recette. Il s’agit donc de renflouer les caisses. Florian Grill ne le cache plus : « C’est de ma responsabilité de président de la fédération de faire rentrer les sous. »

Pauvre France dont les coqs, pour ne pas passer à la casserole, recherchent désespérément une poule aux œufs d’or.

Éducation nationale, reconstruire pour assurer l’avenir

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Contrairement à la gauche et au centre, qui considèrent que le modèle éducatif républicain est dépassé, le député RN Roger Chudeau explique ici comment son mouvement politique entend renouer avec une Éducation nationale performante


Affirmer que notre système éducatif va mal est devenu un truisme. À l’instar d’autres services publics l’école connait une sorte de lent affaissement dont chacun connait les indices : effondrement du niveau de maîtrise des connaissances fondamentales, échec de l’intégration par l’école, inculture de nos futures élites, trop peu de doctorants, trop peu d’ingénieurs

Comme souvent dans la longue histoire de notre nation, dont le Général de Gaulle disait qu’elle avait été « créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires », il semble que nous succombions peu à peu au vertige du vide et du renoncement et l’état de notre école n’en n’est qu’un des tristes symptômes.

À gauche comme au centre, la cause est entendue : le modèle français d’éducation nationale est forclos, obsolète, dépassé.

La gauche, dans des publications récentes, estime que l’avenir du système éducatif réside dans son ouverture tous azimuts à la société : interventions des associations et « mouvements pédagogiques » en classe, omniprésence des parents d’élèves, « éducation » à toutes les questions « sociétales », enfin, pilotage de l’éducation par les « cités éducatives » et les collectivités territoriales. En un mot, an 2 de la déconstruction, fin d’une éducation nationale.

Le « bloc central », quant à lui, a toujours professé pour la question éducative une forme d’embarras, teintée d’incompétence. Au fond, la fuite des classes moyennes et supérieures vers le privé, sorte d’avatar de la « main invisible du marché », fait bien l’affaire de ceux qui n’ont jamais pris la peine de réfléchir sérieusement aux enjeux, pour la nation, d’une école performante.

Notre position est toute différente.

Nous sommes certes parfaitement au fait des causes de l’effondrement de notre système éducatif et de ses effets dévastateurs et nous estimons que ce modèle doit être réinventé. Mais nous considérons aussi qu’il est d’intérêt général de doter notre pays d’un système éducatif rénové, modernisé, conçu et piloté par la puissance publique.

Seule celle-ci, selon nous, est en mesure de produire une analyse prospective des nombreux défis que notre pays devra affronter dans les 50 prochaines années : défis économiques, écologiques, sécuritaires, géopolitiques, informationnels. Il appartient à l’État de déterminer, avec les institutions de la République et la contribution de la société civile, ce que doivent être les missions, les objectifs, l’organisation de l’action éducatrice au XXIème siècle.

Au sein des « Horaces » nous élaborons donc un projet de reconstruction de notre système éducatif susceptible de répondre à la question suivante : De quel appareil éducatif notre pays a-t-il besoin pour relever les défis de notre siècle ?

Notre projet de reconstruction de l’école de France repose sur trois principes :

  • Restaurer l’efficacité de l’école, en la recentrant sur sa mission de transmission des connaissances et des valeurs. Pour cela, procéder à une remise à plat des programmes, des cursus et des examens. Revoir aussi la formation des professeurs qui devra être assurée par l’employeur et non plus par l’Université. L’idée est de retrouver un bon niveau chez les professeurs et donc chez les élèves. L’élévation du niveau permettra de rétablir l’ascenseur social : le principe méritocratique, fondement de l’ambition républicaine de mobilité sociale, sera restauré et les politiques dites de « discrimination positive », supprimées.
  • Restaurer l’autorité, sanctuariser l’institution scolaire, en réprimant toute atteinte portée à l’institution scolaire. Les débats sociétaux n’y auront pas leur place, pas plus que les tentatives d’emprises islamistes ou politiques. Le statut du corps enseignant devra évoluer sensiblement pour l’adapter aux objectifs du système éducatif et permettre la revalorisation salariale des professeurs.
  • Ériger en méthode de gouvernance la liberté et la responsabilité pédagogiques : Les établissements disposeront des marges d’autonomie permettant le recrutement de personnels, l’aménagement des programmes et des horaires, des expérimentations pédagogiques, dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens à la manière des « charterschools ». Les résultats de chaque établissement seront rendus publics tous les ans afin de mesurer l’efficacité de leur action éducative.

Ces principes, déclinés en mesures législatives et réglementaires, seront présentés aux Français dans le cadre des rendez-vous électoraux majeurs à venir.

La crise de l’école n’est pas une fatalité. Nous devons, nous pouvons redresser cette institution essentielle à la France. Il ne s’agit pas d’un simple enjeu éducatif : c’est un défi civilisationnel.

Le combat pour l’école est un combat pour la France.


Contribution de Roger Chudeau, Député de Loir-et-Cher, Inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire, ancien Directeur de l’encadrement du MEN, ancien conseiller « éducation » du Premier ministre François Fillon. Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen.

L’islam de maman

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Sonia Mabrouk © Hannah Assouline

Sonia Mabrouk n’a pas d’états d’âme quand il s’agit de lutter contre l’islam politique et ses méfaits. Mais la journaliste n’en demeure pas moins attachée à l’islam de son enfance, un islam de femmes nourri de contes plus que de Coran. La foi discrète et inspirée d’une « pratiquante de cœur ».


Causeur. Dans un dialogue avec Philippe de Villiers orchestré par Eugénie Bastié, vous avez fait en quelque sorte votre « outing musulman » en déclarant : « Il y a un islam vécu dans la sphère privée, générateur de sacré. Personnellement, c’est ce qui m’a permis de tenir dans les moments dramatiques. Plus qu’une certaine estime, j’ai pour cet islam-là une admiration totale. » Vous pensiez à votre mère dont la disparition vous a beaucoup éprouvée. Qu’est-ce qui vous fait tenir, la foi, le rite, le groupe ? Expliquez-nous…

Sonia Mabrouk. J’ai longtemps pensé que les « valeurs de la République », même si comme vous je n’aime pas trop ce mot galvaudé, le sacré laïque si vous préférez, étaient suffisantes pour nourrir mon amour de la France. Mais depuis un certain temps, cela ne me suffit plus. En réalité, il y a toujours eu comme une distorsion entre une injonction, que je partage, à faire siennes ces valeurs, et ma conviction personnelle. Derrière ma quête du « sacré[1] », j’ai une vraie croyance, une loyauté à la religion telle que je l’ai connue à travers ma mère et ma grand-mère. Ce n’est pas « l’islam des Lumières » de Malek Chebel, c’est un islam privé, dont j’ai hérité, que j’ai vu pratiqué au quotidien.

Dans quel bain culturel est né cet islam ? N’était-il pas déjà occidentalisé par l’histoire familiale – vous êtes allée à l’école catholique ?

Si, complètement. J’ai été éduquée en partie par des sœurs, des Pères blancs qui étaient des femmes. Ce sont elles, en Tunisie, qui nous apprenaient la prière. Quand je demandais pourquoi, on me répondait « la meilleure manière de bien connaître votre religion, c’est qu’elle soit expliquée par d’autres ». Mon islam n’est pas adossé au Coran, édicté par la main gantée des hommes. Dans ma famille et en partie en Tunisie, l’islam est aussi une histoire de femmes qui puise dans les contes. On m’a appris que Shéhérazade était une femme moderne, une féministe avant l’heure qui vivait dans un environnement féodal, misogyne, et qui était capable de subvertir la règle d’or des hommes. Cela m’est resté. Les sœurs, comme les femmes de ma famille, m’ont appris qu’on avait le Coran, mais aussi Les Mille et Une Nuits. Le Coran ne parle que très rarement des femmes, et des hommes aussi d’ailleurs. Il parle de Dieu et des croyants. Pour moi, Shéhérazade, c’est l’islam moderne.

Cet islam plus charnel que celui du Coran était-il une singularité familiale ?

Non, cela allait au-delà. Dans l’école publique que j’ai fréquentée avant l’école française, mes amies d’enfance (qui sont restées les mêmes) avaient aussi cette vision-là. On considérait un peu l’islam comme une auberge espagnole : je suis pratiquante de cœur, je pioche. Cet islam aurait quelque chose à apporter au monde et à la civilisation. Mais si tu viens en conquérant, tu choisis dans les sourates ce qu’il y a de plus terrible et noir.

Malheureusement, cet islam consolateur et paisible du privé est marginal. Aujourd’hui, la version la plus répandue de l’islam c’est le refus de l’altérité, de l’égalité des sexes, de la critique. Le problème tient-il au Coran lui-même ?

Je ne peux pas vraiment répondre à cela, mais je ne crois pas à la possibilité d’une Réforme. À l’échelle individuelle, chacun peut se fabriquer son islam, mais collectivement, c’est un fantasme. Les voix favorables à l’obscurantisme sont plus fortes. Mais il y en a d’autres. Dans son Dictionnaire amoureux de l’islam, Malek Chebel expliquait que les Arabes ont inventé les aphrodisiaques, le préservatif et les cosmétiques, les préliminaires, etc. J’ai été fascinée par cette lecture. Malheureusement, on entend très peu ceux qui parlent de désaliénation religieuse et encore moins ceux qui, comme moi, défendent la France mais refusent de se couper de tout sentiment religieux.

Admettez que ce n’est pas simple. Vos murs porteurs sont à la fois le primat de la raison et le besoin de sacré. Comment vous arrangez-vous avec tout cela ? N’est-ce pas contradictoire ?

Non, parce que la transcendance, ce n’est pas le surnaturel ou l’idolâtrie. C’est cette part irréductible de l’homme à laquelle les sociétés modernes, nihilistes et matérialistes, ont tourné le dos. On peut essayer de la chasser par la porte de son esprit, elle revient par la fenêtre de son cœur. Je n’ai pas attendu la perte d’un être cher pour avoir besoin de ce lointain qui m’est paradoxalement très proche. Il y a une phrase de Pascal qui me bouleverse : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais trouvé. » Je sais que c’est en nous. Et pourtant, dès qu’on parle de transcendance, on est regardé différemment. Saint-Exupéry se désespère que rien ne vienne caresser le cœur des hommes dans ce monde asséché. Dans une lettre qu’il a écrite en Tunisie, il dit que les hommes ne peuvent pas juste vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés. Ce désespoir spirituel le désespère.

Ce que vous dites, c’est qu’il faut un plus grand que soi. Cela peut être l’art, la beauté ou même la révolution…

Sans doute, mais quand je suis à Notre-Dame, je ressens véritablement quelque chose de très fort en moi qui vient de très loin. De même à la mosquée Hassan-II de Casablanca.

Et quand vous voyez des caricatures de Charlie, vous vous sentez offensée ?

Peu importe que je sois ou non offensée. Je me battrai toujours pour Charlie parce que c’est la quintessence de la liberté et que, dans notre pays tellement habitué à la liberté, on ne l’aime pas assez. Cependant, je ne crois pas à l’esprit du 11 janvier. Tous Charlie, tous juifs, tous flics, c’est du baratin.

À lire aussi, Driss Ghali : Sonia Mabrouk: dernier appel avant la catastrophe

Ce qui nous ramène au défi que constitue l’installation de l’islam dans les sociétés libérales. Vous ne croyez pas à une réforme.

Y a-t-il un seul État musulman démocratique dans le monde ? Je ne crois pas. C’est ce qui me rend sceptique sur la possibilité d’une Réforme collective. Difficulté supplémentaire, l’islam n’a pas de clergé qui pourrait faire autorité. L’oumma est sans doute un projet collectif, mais pas un projet d’avenir.

Il y a une autre contradiction. Ce qu’apporte la religion, c’est une transcendance, mais aussi une appartenance, un groupe. Comment faire pour éviter à la fois l’enfermement dans le groupe et la désaffiliation de l’individu atomisé ?

L’enjeu est précisément celui-là. Le communautarisme fait du groupe un ensemble homogène dont les autres – les Français, les juifs – sont exclus. Pour autant, je ne crois pas à l’abolition des appartenances. Ce que j’appelle de mes vœux, c’est un groupe où l’individu dispose de sa liberté et de son choix éclairé. Malheureusement, l’islam en est loin.

Vous aviez des amies juives dans la Tunisie de votre enfance. On a certes idéalisé un prétendu âge d’or. Cependant, entre juifs et musulmans, il y a eu des moments de coexistence heureuse.

Il y avait même plus que ça, il y avait des visionnaires qui imaginaient ce qui semble hors d’atteinte aujourd’hui. Le 3 mars 1965, le président Bourguiba visite un camp de réfugiés palestiniens à Jéricho avec le roi Hussein de Jordanie. Après avoir exprimé sa compassion pour leurs souffrances, il ajoute qu’on ne peut pas continuer avec des proclamations grandiloquentes sur les réfugiés palestiniens sans terre. Il faut reconnaître l’État d’Israël. Bourguiba évoque longuement l’expérience tunisienne, rappelle que l’indépendance s’est faite par étapes. Et il conclut : « Si nous avions rejeté les solutions incomplètes comme les Arabes ont rejeté le plan de partage de la Palestine, la Tunisie serait encore aujourd’hui sous occupation étrangère. » Il voulait dire qu’on doit accepter des compromis. Les Arabes ont largement contribué à saborder l’avenir des Palestiniens. Ils ont préféré faire d’Israël le responsable de tous leurs maux.

Vous affirmez que l’islamisme n’est pas l’islam. Cependant, on peut parler d’un islamisme d’atmosphère (pour paraphraser le djihadisme d’atmosphère de Gilles Kepel) qui est un islam identitaire – « Je suis d’abord musulman et je suis musulman contre tous les autres ». Peut-on encore dire « pas d’amalgame » ?

De nombreux individus, moi la première, sont totalement imperméables à cette atmosphère. Mais il serait hypocrite de dire qu’il y a une muraille de Chine. Cependant, je continue à penser que, comme elle l’a été pour les juifs, la France pourrait être une chance pour les musulmans.

Toutes les études montrent que l’imprégnation islamiste concerne 40 % des musulmans en France. Ce qui signifie que 60 % voudraient échapper à la pression de l’islam politique. Que fait-on pour ceux-là ?

Si j’avais la réponse… Je sais que beaucoup de Français musulmans, à qui les médias ne donnent pas la parole et qui n’ont pas non plus envie de la prendre, ne croient pas à une nation multiculturelle. Ils veulent qu’il y ait des crèches dans les mairies et des juifs en France. De même, la majorité des Français ne voudrait pas d’une France sans musulmans. Ils ne veulent juste pas être submergés ou remplacés. Comme moi, ils aiment que la France soit diverse, mais qu’elle n’oublie pas ses racines.

Vous êtes une personnalité publique. N’avez-vous pas peur de vous exposer, d’être moquée, quand vous parlez de vos croyances intimes ?

J’ai pris ma liberté, mon droit de croire dans les signes, dans la symbolique des choses. Peu importe si on se moque de moi, si je surinterprète comme je l’ai fait quand maman est partie, je vois ces symboles et ils contribuent modestement à réenchanter mon monde. C’est la seule manière de se protéger. On a tellement de combats à mener, on a tellement parlé, que cela assèche. Tout ce qui tombe du Ciel ou de la poche de Dieu, je préfère le ramasser. Simone Weil écrit : « Tous les crimes, les grands crimes, commencent par un détail. Et ce détail, c’est une légère faute d’attention. » Alors soyons attentifs à ce et à ceux que nous aimons.

Et si demain tout s'inversait

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[1] Reconquérir le sacré, L’Observatoire, 2023.

La géopolitique du crime organisé à la carte

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Test detection de marijuana sur un produit en provenance de Suisse à Carros en France le 20 mai 2020 © SYSPEO/SIPA/2005252115

Quels sont les véritables Narco-États dans le monde ? Des mafias italiennes, des cartels mexicains ou des triades chinoises, quel groupe a le plus grand pouvoir de nuisance ? Pratiques criminelles et bien évidemment trafics en tous genres: tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le crime organisé est désormais à portée de main avec 40 fiches illustrées aux Éditions Eyrolles.


Géopolitique du Crime organisé ou comment comprendre que la criminalité outrepasse les défis sociétaux. Ce livre s’inscrit dans la ligne éditoriale des éditions Eyrolles proposant de comprendre le monde dans son ensemble par thématique. Dans la même collection, il existe par exemple aussi Géopolitique de l’intelligence artificielle.

Bienvenue dans l’ère du crime internationalisé…

Pour ce nouvel ouvrage : la criminalité, depuis la mondialisation, s’est, elle aussi, mondialisée, et organisée, c’est pourquoi l’on parle de crime organisé, désormais aussi, internationalisé. Les auteurs, Michel Gandilhon (expert associé au département Sécurité défense du Conservatoire national des arts et métiers – CNAM et membre du conseil d’orientation scientifique de l’Observatoire des criminalités internationales – ObsCI), Gaëtan Gorce (chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques – IRIS et directeur de l’ObsCI) et David Weinberger (chercheur associé à l’IRIS et codirecteur de l’ObsCI) sont de cette génération de chercheurs ayant réalisé que les enjeux de la criminalité de demain s’inscrivaient dans les dynamiques de géopolitique internationale. Dans cet ouvrage, ils ont réalisé 40 fiches illustrées, exposant et permettant de comprendre quelles sont les menaces d’aujourd’hui et de demain.


De nombreux sujets sont abordés et éclairés par les contributions de co-auteurs renommés, tels que Clothilde Champeyrache, professeure de criminologie au CNAM, ou Jean-François Gayraud, commissaire général de la police nationale et essayiste. Ces experts, forts de nombreuses années d’expérience et de recherche dans leurs domaines respectifs, partagent leur savoir à travers ces fiches éclairantes, par exemple :

Le fonctionnement des réseaux mafieux, avec un focus particulier sur la ‘Ndrangheta, aujourd’hui reconnue en Italie, aux États-Unis et en Australie comme la plus puissante et dangereuse des organisations criminelles. Cette mafia calabraise bénéficie d’immenses ressources financières issues principalement du trafic de cocaïne, mais également d’autres activités illicites telles que les trafics de déchets, les extorsions, les fraudes aux subventions publiques, ou encore le commerce de médicaments contrefaits et de produits dopants. L’infiltration du milieu politique constitue l’une de ses forces majeures : entre 1991 et 2023, 126 conseils communaux ont été dissous rien qu’en Calabre. Symbolisée par une pieuvre, la ‘Ndrangheta a su étendre son influence bien au-delà de ses frontières historiques… jusqu’en Australie.

A lire aussi: Une société addictogène

Le grand banditisme en France, qui n’est pas en reste face à ce type de criminalité. La France est probablement le pays de l’Union européenne où le crime organisé lié au trafic de drogues illicites connaît l’enracinement territorial le plus marqué. De nombreux quartiers abritent des points de revente, illustrant une réalité préoccupante et posant de sérieux défis à toutes les strates de la société française. Au début des années 1990, les renseignements généraux identifiaient environ 500 quartiers touchés par ce phénomène ; aujourd’hui, ce nombre dépasserait le millier, la majorité se situant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Parmi eux, une soixantaine, considérés comme les plus gravement affectés, ont été regroupés en 2018 sous l’appellation « quartiers de reconquête républicaine », dont la dénomination même vaut reconnaissance de la crise du régalien. On peut citer Marseille, Corbeil-Essonnes, Bagnolet, Aubervilliers, Saint-Denis, Canteleu, Avallon dont la question de la corruption des pouvoirs publics locaux par les groupes criminels constitue un sujet de préoccupation majeur des services en charge de la lutte contre le trafic de drogues illégales, si ce n’est des services en charge du trafic d’armes.

Ces deux cas permettent d’illustrer le contenu de ces fiches : le crime s’est en effet internationalisé, et la coopération des États peine à rattraper le retard pris.

Ce livre propose un panorama riche en informations multiples mais d’une grande précision, sur ces phénomènes, notamment les divers trafics et entités du crime organisé. Ce livre permet de mieux percevoir comment vit et évolue cette face obscure du monde, d’appréhender le phénomène criminel ; surtout de réaliser combien ces questions nous concernent tous et l’urgence de les inscrire dans une dynamique de coopération internationale. En somme, un bon point de départ pour qui veut s’éduquer sur ce sujet hélas plein d’avenir, voire s’engager dans l’une des multiples voies permettant de l’affronter.

Indépendantisme martiniquais: l’influence délétère de Kémi Séba

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Kemi Seba, Paris, 2006 © SIMON ISABELLE/SIPA

Figure du panafricanisme influente, il entretient la haine de la France, fomente des tensions et est soutenu par des régimes hostiles. Il se présente aux élections au Bénin…


Se plonger dans le parcours idéologique de Kémi Séba revient à revenir sur des décennies d’activisme politique afro-américain. Né à Strasbourg de parents d’origine béninoise ayant été naturalisés Français, Stellio Chichi a commencé son parcours en adhérant au mouvement suprémaciste noir Nation Of Islam, que les amateurs de films de prison auront reconnu comme étant un des gangs les plus célèbres du système carcéral étatsunien. Prônant la ségrégation entre les noirs et les autres ethnies des Etats-Unis, Nation Of Islam a été fondé par Elijah Muhammad. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, Kémi Séba n’a pas pris son pseudonyme après son adhésion à Nation Of Islam mais au tournant des années 2000, moment où il rejoint l’idéologie religieuse du kémitisme, mouvement néo-païen panafricaniste opposé aux religions abrahamiques vues comme étant des outils coloniaux de domination des populations noires africaines.

Voilà pour le contexte dans lequel évolue Kémi Séba depuis un peu plus de deux décennies désormais. En dépit de quelques turbulences, il est resté globalement fidèle à son corpus panafricaniste et à ses croyances. Pourtant, plutôt que de se marginaliser progressivement, l’homme a su avec habileté faire croitre son audience initiale et devenir une voix écoutée en Afrique, singulièrement dans le Bénin de ses racines où il envisage même de se faire prochainement élire président de la République.

La haine de la France comme fonds de commerce

Kémi Séba aime souvent à rappeler en conférence le conseil qu’il avait reçu de sa mère lorsqu’il était encore un enfant : « Ne deviens Français que sur le papier ! ». Il est allé au bout de sa logique en brûlant publiquement son passeport français lors d’une conférence de presse tenue depuis Fleury-Mérogis puis en s’improvisant conseiller du général putschiste nigérien Abdourahamane Tiani. De quoi bénéficier d’un passeport diplomatique délivré au mois d’août 2024 qui lui a permis d’annuler une partie des effets de sa déchéance bien méritée de la nationalité française…

À lire aussi, Loup Viallet: Barkhane, le temps béni du Mali

Car, on trouve la trace de Kémi Séba dans toutes les humiliations que la France a subie au Sahel. Participant activement à la dégradation de l’image de notre pays dans la région, alors que nous l’avons militairement sauvée pendant dix ans, Kémi Séba s’est allié à tous nos ennemis. Régulièrement reçu comme hôte de marque par les autorités russes ou encore iraniennes, Kémi Séba intervient partout où il s’agit d’affaiblir l’influence et l’intérêt français. Dès 2017, il était accueilli à Moscou par Alexandre Douguine. Plus tard, en 2019, il bénéficiait de l’appui financier du tristement célèbre Evgueni Prigojine, alors vivant et administrateur de Wagner, en échange selon son propre aveu d’opérations antifrançaises visant à « appeler la jeunesse africaine à mener des actions violentes contre les intérêts français en Afrique ». Il a pour cela reçu plus de 400 000 dollars entre 2018 et 2019. Notons aussi qu’il a participé au forum économique Turquie-Afrique comme à la conférence internationale « La politique française du néocolonialisme » à Bakou en Azerbaïdjan, pays dont on retrouve la trace dans de nombreuses manifestations contre l’Etat en Nouvelle-Calédonie ou encore en Martinique.

Son influence délétère est forte en Afrique, comme nous l’avons dit, mais aussi malheureusement en France. Déjà en métropole en excitant les afro-descendants et diasporas, notamment envers les Sénégalais après avoir officié dix ans dans l’émission Le Grand Rendez-Vous de la chaîne 2STV, mais aussi dans les outre-mers. En Guyane, Kémi Séba a notamment été reçu par l’activiste Elie Domota.

La présence de Kémi Séba en Martinique a été trop peu dénoncée

En 2018, Kémi Séba participait à l’envahissement du supermarché Génapi de la commune de Ducos en Martinique. Aux cris de « Yo armé nou pa armé », lui et ses militants s’étaient emparés de sachets de « sucre rouge sang », symbole de la souffrance des ancêtres, « parce que nos parents ont travaillé dans ces plantations ». Dans un article pour le site Madinin’Art, le chroniqueur martiniquais Yes-Léopold Monthieux est d’ailleurs récemment revenu sur la genèse et les liens qui unissent les « kémites » aux mouvements indépendantistes martiniquais comme le RRPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes) de Rodrigue Petitot :  

« (J’ai) écrit le 29 décembre 2021 dans « La main invisible du désordre » : « en effet, tous les évènements intervenus depuis le premier bris de statue et même de l’équipée du centre commercial Génipa sous la houlette de Kémi Séba, ont comme fil conducteur la défiance de l’Etat et la volonté de lui porter atteinte dans le cadre de la lutte anticoloniale. La philosophie est connue, la méthode éprouvée : les militants d’idéologies diverses peuvent s’engouffrer dans le tunnel ainsi défini ».

A lire aussi, Elisabeth Lévy: France / Algérie: l’escalade

J’ignorais que la « main invisible » pouvait provenir de Russie et de son proxy l’Azerbaïdjan… Des élus martiniquais ont entrepris de rendre cette main de plus en plus visible, et de décomplexer la revendication indépendantiste. Des vidéos montrant des militants du RRPRAC arborant des pendentifs kémites permettent aussi de mesurer l’entrisme du mouvement dans ce mouvement ultramarin sous faux nez, ainsi d’Aude Goussard qui fut candidate pour la 4ème circonscription des dernières élections législatives de Martinique.

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Gwladys Roger, l’une des meneuses du RRPRAC, s’est aussi prise en photo avec ce pendentif au motif égyptien emblématique des sectateurs kémites.

Enfin, Kémi Séba et Rodrigue Petitot partagent un autre point commun. Ils ont tous deux pour avocat Juan Branco, en visite en Martinique au début du mois de janvier pour « dénoncer la vie chère ». Ne serait-ce pas plutôt pour provoquer une insurrection contre l’État qu’il appelle de ses vœux et aurait l’avantage de plaire à de nombreux État étrangers hostiles ?

Libéralisme contre socialisme: la lutte des milliardaires et des fonctionnaires

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Boca Chica, Etats-Unis, 20 novembre 2024 © Brandon Bell/AP/SIPA

Alors qu’en Chine des milliardaires devenus gênants pour le pouvoir communiste ont tendance à disparaitre, aux Etats-Unis on assiste au grand remplacement des politiques traditionnels par les milliardaires. Analyse.


« L’économie mondiale doit-elle être une exploitation ou une organisation du monde ? Les Césars de ce futur empire doivent-ils être […] des milliardaires ou des généraux, des banquiers ou des fonctionnaires de stature exceptionnelle ? C’est là l’éternelle question. » (Oswald Spengler, Prussianité et socialisme)


Le monde, prophétisait en 1919 Spengler dans Prussianité et socialisme, est appelé à être le théâtre d’un affrontement global entre deux modèles irréconciliables de sociétés : le modèle anglo-saxon, qui prône la primauté de l’individu, et le modèle prussien, qui affirme la prééminence de la collectivité.

A ces deux modèles correspondent deux types anthrolopologiques opposés : le type anglo-saxon de l’homme privé, libre, indépendant, culminant dans la figure du self-made man ; et le type prussien du serviteur de l’État, loyal et probe, culminant dans la figure du fonctionnaire weberien.

Chacun de ces types, d’après le philosophe allemand, peut être vu comme le lointain descendant d’une figure prototypale : celle du chevalier teutonique, c’est-à-dire du moine-soldat, dans le cas prussien ; et celle du Viking, c’est-à-dire du pirate-marchand, dans le cas anglo-saxon.

Au sens teutonique de la discipline et de l’austérité, à l’ethos prussien du devoir, répondent ainsi l’existence viking conçue comme une lutte sans merci pour la vie, et l’ethos anglo-saxon du succès.

Dans ces deux modèles de sociétés, la Volonté de puissance est à l’œuvre : mais là où l’esprit anglo-saxon entend les faire s’affronter individuellement pour qu’elles s’aiguisent les unes les autres, l’esprit prussien, lui, entend les unifier dans une seule et même expression générale, dont chacun acceptera ensuite d’être l’instrument.

Ethos prussien du devoir vs. ethos viking du succès : illustrations économiques et sociales

A l’idée prussienne d’une cogestion de l’entreprise, y associant les salariés, correspond ainsi une appréhension anglo-saxonne de la vie économique comme « part de butin revenant à chacun ». Là, rien de la recherche teutonne d’un optimum global, mais la constitution viking, grâce aux compagnies et aux trusts,de fortunes individuelles et de richesses privées. Même le traitement du paupérisme, souligne le philosophe prussien, n’échappe pas à cette opposition. A l’invention bismarckienne d’un État-providence, c’est-à-dire d’une mutualisation obligatoire et solidaire des risques, répond alors le développement, par les milliardaires anglo-saxons, de la philanthropie, c’est-à-dire d’une charité discrétionnaire et privée, offerte par ses dispensateurs à la manière de « vieux corsaires, qui, attablés dans le château conquis, jettent aux prisonniers [en l’occurrence, le peuple] les reliefs du festin ».

Et l’on pourrait décliner en une série infinie d’oppositions cet antagonisme entre un socialisme autoritaire et un libéralisme darwinien : primauté de la collectivité vs. primauté de l’individu ; ethos du devoir vs. ethos du succès ; notion d’administration vs. notion de commerce (« cette forme raffinée de la piraterie ») ; hiérarchie fondée sur l’autorité statutaire vs. hiérarchie fondée sur l’enrichissement personnel ; prééminence de la politique sur l’économie vs. inféodation de la politique à l’économie ; etc., etc.

Évidemment, cette dichotomie de modèles doit être considérée comme une opposition idéelle ; dans la réalité, ni la société anglo-saxonne ni la société prussienne, même de l’époque, ne sont aussi monolithiques. L’émergence d’un Etat-providence aux Etats-Unis, à partir de 1935, l’illustre d’ailleurs – les grandes crises (en l’occurrence, celle de 1929) étant, typiquement, l’occasion de concessions ou d’emprunts au modèle rival -. Mais réciproquement, la place centrale que conserve aujourd’hui la charité privée dans le modèle américain, et le périmètre plus réduit qui y est toujours celui de l’État social, plus d’un siècle après les analyses de Spengler, marquent que l’antagonisme souligné par le philosophe prussien n’a rien de gratuit, et traduit des différences profondes et persistantes de mentalités entre les sociétés[1].

Etats-Unis vs. Chine : vers une radicalisation de l’antagonisme entre modèles

La fin du XXème siècle a pu donner à certains analystes l’idée que la prophétie de Spengler était démentie, et que le modèle anglo-saxon, avec des nuances plus ou moins prononcées de prussianité suivant les climats et l’atavisme des peuples, allait s’imposer à l’échelle planétaire.

Les années récentes, toutefois, n’ont fait que souligner la pertinence de la thèse soutenue par Spengler. Deux faits nouveaux, qui ne se présentent pas comme des épiphénomènes mais comme des tendances lourdes, sont en effet intervenus, et annoncent une recrudescence du partage du monde entre modèle socialiste autoritaire et modèle libéral anglo-saxon.

Une crise profonde du modèle libéral

La première de ces tendances lourdes, c’est le constat que le modèle libéral connaît une crise profonde. D’une part, la primauté accordée à l’individu sur la collectivité a conduit à une érosion dangereuse de la cohésion des sociétés occidentales, minée par des revendications communautaristes voire sécessionnistes. D’autre part, le développement du libre-échange et le déclin du patriotisme économique, aussi bien chez les consommateurs que chez les grands patrons, a mené à une désindustrialisation et à des dépendances d’autant plus critiques que l’effondrement du niveau scolaire moyen assombrit les perspectives d’amélioration de notre productivité et d’inversion de cette dynamique. Plus structurellement, on commence peut-être à mesurer, comme l’écrivait Castoriadis en 1996, que l’efficacité du modèle libéral dépendait aussi du fait « qu’il avait hérité d’une série de types anthropologiques […] créés dans des périodes historiques antérieures, par référence à des valeurs alors consacrées et incontestables : l’honnêteté […], la transmission du savoir, la belle ouvrage, etc. », qu’il n’aurait pas pu faire surgir lui-même et que sa logique, faisant appel aux purs intérêts personnels, tend même à faire disparaître. La désertion, à cet égard, se répand de plus en plus, à tous les niveaux et dans toutes les fonctions, qu’elles soient parentales ou professionnelles.

L’action sociale du libéralisme pourrait alors s’apparenter à l’action économique des fonds spéculatifs dit « activistes » (qui acquièrent des parts minoritaires d’entreprises pour en modifier les stratégies). En obtenant une coupe drastique des coûts et en capitalisant sur le savoir-faire historique de l’entreprise, l’opération permet généralement de dégager d’excellents résultats financiers à court terme, mais le sous-investissement qui en résulte hypothèque d’autant voire ruine les perspectives de long terme de l’entreprise. Le bilan du libéralisme, pour prolonger l’image, aurait ainsi été artificiellement « gonflé » par la dilapidation progressive d’un capital de mystiques, au sens de Péguy – mystique professionnelle, mystique parentale, mystique citoyenne, etc. -, dont nous ne ferions que commencer à constater les effets délétères sur le temps long.

Un succès (menacé ?) du contre-modèle chinois

La seconde de ces tendances lourdes, c’est évidemment la reprise du flambeau du socialisme autoritaire par la Chine, et les succès que ce modèle a rencontré dans ce dont le libéralisme entendait précisément faire son domaine réservé, c’est-à-dire l’économie.

Cette réussite, à l’échelle d’un pays aussi vaste et aussi peuplé, inflige en effet un démenti cinglant à l’absence d’alternative classiquement mise en avant par les libéraux (cf. Thatcher et son fameux : « there is no alternative ») : elle démontre qu’un contre-modèle, fondé sur l’importance d’une discipline collective (par opposition à la considération de la seule initiative privée), n’est pas seulement viable, mais capable de rivaliser voire de détrôner la référence américaine sur son propre terrain.

La Chine, à la différence de l’Europe, n’a raté aucune révolution technologique, et dispose de champions nationaux dans chacun de ces nouveaux secteurs (smartphones, intelligence artificielle, véhicules électriques, e-commerce, etc.). Encore distancée dans certains domaines industriels plus historiques, telle que l’aéronautique ou le spatial, elle rattrape rapidement son retard, comme elle l’a déjà fait dans l’automobile, le ferroviaire, ou encore le nucléaire.

Son modèle mêlant protectionnisme et ouverture au monde, économie de marché et économie planifiée, combiné à une éducation de masse de qualité, a ainsi permis une élévation réelle du niveau de vie global de la population, et s’avère pour l’heure une réussite dans l’ensemble, en dépit d’une demande intérieure qui reste faible et d’une crise immobilière qui se prolonge.

L’opposition peut être schématisée ainsi : là où le modèle libéral, du fait d’un effondrement continu de son système d’éducation général, fait reposer sa croissance future sur une fraction de plus en plus réduite d’individus (qu’il se retrouve d’ailleurs de manière croissante, en raison de l’attrition du vivier, à « débaucher » de l’étranger, par la promesse de meilleures perspectives d’évolutions personnelles), son rival asiatique, lui, s’est employé méthodiquement à en élargir l’assise.

La place des milliardaires offre, dans cette perspective, une illustration exemplaire de l’antagonisme qui s’accroît entre les sociétés américaine et chinoise. Spengler, dans Prussianité et socialisme, aimait à caractériser les milliardaires Yankees comme « des citoyens privés qui règnent sur des pays étrangers par l’intermédiaire d’une classe subalterne de politiciens professionnels ». Si l’invasion américaine de l’Irak pourrait s’analyser dans ce cadre, à l’aune des intérêts des compagnies pétrolières notamment, la « prise de pouvoir » des milliardaires, dans la nouvelle présidence Trump, marque une forme de radicalisation de la perspective spenglérienne, par l’économie qui y est faite, et même revendiquée, du personnel politique « conventionnel ». Désormais, les milliardaires exercent directement les responsabilités étatiques, sans s’embarrasser d’un quelconque « proxy » (on notera d’ailleurs que cette « liquidation » des intermédiaires et des formes est tout à fait dans l’esprit du libéralisme).

A rebours de cette évolution, la Chine, elle, s’est au contraire distinguée ses dernières années par la mise au pas systématique des milliardaires, et le renforcement plus large de l’inféodation de l’économie et des grands groupes privés (notamment issus de la tech)aux objectifs politiques définis par le PCC. A l’installation d’Elon Musk (et de Vivek Ramaswamy, un autre milliardaire d’origine indienne) à la tête d’un ministère de l’efficacité gouvernementale, chargé de dégraisser les effectifs de fonctionnaires fédéraux, répond ainsi, de l’autre côté du Pacifique, l’organisation bureaucratique, par l’Etat-parti, de la disparition des milliardaires critiques (à l’instar des Xiao Jianhua, Jack Ma ou encore Bao Fan, volatilisé depuis bientôt deux ans).

Le resserrement de la tutelle du PCC sur l’économie, qui va de pair avec une évolution autocratique et népotique de l’exercice du pouvoir sous Xi Jinping, éloigne toutefois la Chine de l’idéal de socialisme autoritaire prôné par Spengler, d’essence méritocratique, dont le chef n’est censé être que le premier serviteur de l’Etat, et non l’usufruitier.  Il faudra voir, dans les prochaines années, à quel point cette dérive prévaricatrice se confirme. Si c’est le cas, comme la situation actuelle porte à le penser, l’atteinte des ambitions chinoises pourrait en pâtir lourdement.

La situation de la France

Dans le cas de la France, le philosophe prussien identifiait une troisième figure prototypale : non celles, animées par la Volonté de puissance, des héritiers des Vikings ou des chevaliers teutoniques, mais celle, tournée vers l’otium, du rentier, correspondant à l’idéal du phalanstère fourriériste. Là, non une « énergique notion de propriété », mais un objectif de « jouissance ; non « tout », mais « assez » ; non « l’action », mais le « bien-vivre » […] Des voyageurs anglais, Young par exemple, s’étonnèrent, à la veille de la Révolution, que la noblesse exploitât si mal ses domaines. Elle se contentait de les « posséder » et de recevoir de l’intendant les sommes nécessaires à la vie parisienne. Cette aristocratie du XVIIIème siècle était totalement différente de l’aristocratie anglaise et prussienne qui, entreprenante, cherchait à acquérir et à conquérir. » Et de même, « l’ouvrier [français] veut être, lui aussi, rentier. Il déteste l’oisiveté des autres à laquelle il ne peut prétendre. Son but qui est d’obtenir pour chacun l’égalité quant à la jouissance et à la possibilité de rentes se retrouve aussi dans la fameuse formule de Proudhon : « La propriété, c’est le vol. » Car la propriété dans ce cas ne signifie pas le pouvoir mais une possibilité de jouissance que l’on a acquise ».

Bien que dressé dans des conditions discutables d’impartialité (nous sommes en 1918-1919), il paraît difficile de nier la part de vérité contenue par ce portrait psychologique de notre pays.

Notons tout de même, contre Spengler, que la parenthèse gaullienne – avec l’instauration d’une Vème République d’inspiration monarchique, la poursuite d’un juste équilibre entre libéralisme et collectivisme (les mécanismes imparfaits de l’économie de marché devant être corrigés par la planification et la participation), le tout sous l’égide d’une « noblesse d’Etat » ayant le sens de celui-ci – a certainement constitué l’une des meilleures déclinaisons « terrestres » de l’idéal de socialisme autoritaire caressé par le philosophe prussien.

Las, il faut bien convenir que nous en sommes revenus, et que la France, depuis, n’a guère connu que des alternances entre fourriéristes et libéraux contrariés. Primum omnium salus patriae, rappelait le Général à Peyrefitte[2] : on ne peut pas dire que ce soit le visage que nos hommes politiques, ces quarante dernières années, et particulièrement l’Assemblée actuelle, nous ait habitué à présenter.

Prussianité et socialisme

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[1] Soulignons ici, pour éviter les contresens, que le socialisme autoritaire prôné par Spengler, d’inspiration profondément aristocratique (au sens étymologique du mot – c’est-à-dire de gouvernement des meilleurs), n’est ni le communisme ni le national-socialisme. Le communisme, en particulier, n’est jamais de son point de vue qu’une remise en cause de la répartition du butin, pas de l’esprit plus global de rapine qui anime les sociétés anglo-saxonnes. Quant au national-socialisme, il n’existait pas en 1919, mais on peinerait à faire cadrer sa brutalité plébéienne et son culte d’un chef démagogique, avec l’idéal chevaleresque que le philosophe prussien caressait.

[2] « Avant tout, le salut de la patrie ».

Comme un ballet dans l’eau

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Le Ballet de l’Opéra de Lyon part en tournée à travers la France avec Mycelium, une composition hypnotique du chorégraphe grec Christos Papadopoulos. Une troupe virtuose.


À l’issue des représentations de Mycelium, une chorégraphie de Christos Papadopoulos, les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon sont acclamés par le public. Et pour une fois, ce n’est là que justice. Ils sont vingt à servir cette pièce dont l’exécution apparaît vertigineusement complexe. Et leur prestation semble tenir du prodige. Elle démontre avec éloquence combien leur virtuosité semble illimitée, combien leur discipline, leur souplesse mentale leur permettent de s’adapter aux démarches artistiques et aux difficultés les plus diverses.

Il est vrai que le Ballet de Lyon, tel qu’il a été forgé par celui qui fut longtemps son directeur, Yorgos Loukos, s’était rangé, sous sa gouverne, parmi les meilleures compagnies européennes, doté de surcroît d’un répertoire contemporain éblouissant, unique au monde. Désormais sous la conduite d’un ancien danseur de Merce Cunningham, Cédric Andrieux, la troupe démontre n’avoir rien perdu de son excellence.

Côté oiseaux – côté poissons

C’est une tendance qui se manifeste depuis plusieurs années qu’exploite ici le chorégraphe grec Christos Papadopoulos. Il dit avoir été fasciné, comme tout un chacun, par le vol de nuages d’oiseaux comme les étourneaux ou par les déplacements de bancs de poissons, tels qu’ils sont filmés dans des documentaires, et tels qu’il les découvrait durant sa jeunesse passée dans le Péloponnèse.

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Déjà, dans Murmurations, le Français Rachid Ouramdane, avec les danseurs du Ballet de Lorraine, avait évoqué talentueusement le vol ensorcelant des compagnies d’étourneaux. Avec les danseurs du Ballet de Lyon, Papadopoulos, déployant une belle virtuosité, fait un peu la même chose, mais dans un genre tout différent, versant plutôt dans le banc de poissons. S’il évoque verbalement, pour éclairer sa démarche, les réseaux souterrains formant ce mycélium qui prête sa puissance formidable à l’épanouissement des forêts, sa chorégraphie mouvante évoque surtout à nos yeux ces formidables masses fluides de sardines qui glissent, s’étirent, tournoient, se disloquent, se reforment, se séparent à nouveau dans un incessant, un enivrant ballet sous-marin, alors qu’il s’agit le plus souvent pour elles d’échapper à de dangereux prédateurs.

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Des ténèbres aux ténèbres

Mycelium débute avec un seul danseur qui surgit dans la pénombre et se déplace sur le plateau en paraissant y glisser, ses chevilles et ses pieds demeurant invisibles. Il assume à lui seul une bien longue introduction qui va perdurer à l’excès avec l’apparition d’une danseuse reprenant avec lui le même manège.

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Même si ce prologue semble interminable et se révèle un peu soporifique sous l’emprise d’une composition sonore qui ajoute à l’hypnose, peu à peu l’introduction d’autres interprètes se faufilant imperceptiblement sur le plateau change la donne du tout au tout. Un groupe se forme, se développe, enfle, grossit, se mouvant sans cesse, sous mille formes changeantes, comme une masse qu’on pourrait peut-être qualifier de liquide. C’est un organisme vivant, un corps unique où l’individu n’existe plus, qui se disloque à l’envi, s’enroule sur lui-même, s’éparpille en plusieurs groupes qui s’amalgament aussitôt, recomposent une masse sans cesse métamorphosée.

Cent fois, deux cents fois peut-être, les danseurs reprennent la même gestuelle, la même attitude, de face, de trois quarts, de profil, très simple en apparence, mais bien vite diaboliquement complexe dans son apparente sobriété. Et on ne sait quoi admirer davantage de la composition diabolique du chorégraphe ou de l’exécution miraculeuse qu’en donnent ces danseurs. Leur concentration se doit d’être extrême tant l’ingéniosité des déplacements en commun interdit toute approximation, toute erreur, toute discordance.  

Né dans l’obscurité avec un solo, Mycelium y replonge bientôt quand les vingt danseurs enfin apaisés sont lentement absorbés dans les ténèbres.


Ballet de l’Opéra national de Lyon : Mycelium de Christos Papadopoulos, parfois accompagné de Biped de Merce Cunningham.

Comédie de Valence, les 14 et 15 janvier 2025
Espace Malraux, à Chambéry, le 17 janvier
Théâtre de Bonlieu, à Annecy, du 22 au 24 janvier
Théâtre du Volcan, au Havre, les 27 et 28 janvier
Concertgebouw de Bruges, le 1er février
Maison de la Danse, à Lyon, du 12 au 14 mars
Opéra de Lille, du 25 au 27 mars
Opéra de Rennes, du 20 au 22 mai
Théâtre de Mâcon, le 24 mai.

Bernard Casoni, victime du Mur des cons?

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Bernard Casoni © ADIL BENAYACHE/SIPA/2305281145

L’entraîneur de football vient d’être condamné par la justice à 10 000 euros d’amende, plus 15 000 euros avec sursis, pour des propos prétendument racistes tenus lors d’une conférence de presse d’avant-match. Bienvenue chez Orwell.


Qui a dit que la justice était laxiste en France ? Le « scandale » éclate fin septembre 2023 quand le coach d’Orléans, après un début de saison désastreux en National (5 défaites, 2 nuls, 1 victoire), est interrogé en conférence de presse sur la performance de ses joueurs. « Mon rôle, c’est de leur dire, de leur montrer et de les aider à résoudre les problèmes, voilà, c’est tout », répond platement Bernard Casoni, qui a entraîné plusieurs équipes au Maroc, en Algérie et en Tunisie précédemment. Et d’ajouter, du coup : « Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins hein… » Des propos tenus en direct devant deux ou trois plumitifs du coin (on est en 3e division nationale, pas en Ligue des champions), et donc pas vraiment pesés au trébuchet, par un homme qui fait alors allusion à sa longue expérience footballistique sur l’autre rive de la Méditerranée. Des propos que l’on pourrait qualifier tout au plus de maladroits, à l’époque qui est la nôtre. Des propos qui n’auraient pas cassé trois pattes à un canard ou même au moindre cramponné à la fin d’un siècle révolu, mais qui à l’entame du nouveau sont passibles d’excommunication. Des propos jugés « ignobles » par le quotidien 20 Minutes

Tandis que les inévitables associations antiracistes, attirées par l’odeur du gibier, fût-il boiteux, ne ratent pas une si belle occasion de sonner l’hallali en portant plainte, le tribunal numérique et médiatique s’emballe aussitôt. Sans surprise. Les jeunes chevaliers blancs – mais pas trop quand même – de la presse régionale, France Bleu Orléans en tête, se mettent à mater par le trou de la serrure du vestiaire de l’US Orléans. L’hérétique est accusé d’avoir demandé à sa cellule de recrutement « de blanchir l’effectif », ce que l’intéressé dément, tout comme son président. Au cours d’une séance d’entraînement, le coach relaps aurait osé ricaner : « Pas besoin de chasubles pour eux, ils sont déjà noirs. » Sommé de se justifier, le dissident en survêt bredouille quelques mots pour sa défense. « C’est du chambrage. Je suis un gars du sud, c’est du football, ce n’est que du chambrage. » Le rebut, en un mot, ose même se plaindre. « Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire. »

Un jugement saugrenu

La bande à Baudot aura donc la main leste. Ce jeudi 9 janvier, le tribunal correctionnel d’Orléans condamne Bernard Casoni à 25 000 euros d’amende, dont 15 000 avec sursis, et au versement de 1 501 euros d’indemnités aux parties civiles (SOS Racisme, Sportitude et la Licra notamment) pour injures publiques à caractère raciste. Soit 11 501 euros nets d’impôt pour avoir déclaré : « Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins hein… » En sus d’une petite mort sociale pour le condamné, dans un métier aussi exposé que le sien. Le repris de justice s’est entre-temps exilé en Côte d’Ivoire, où il chapeaute un club de deuxième division. Une preuve supplémentaire de son racisme pathologique.

Ce jugement laisse sans voix, surtout si on le compare à d’autres récentes décisions de « justice », les guillemets étant de plus en plus de rigueur, hélas. La semaine dernière, un étranger en situation irrégulière portant un couteau ressort libre du tribunal de Saint-Nazaire après avoir menacé de mort des policiers. Libre et sans débourser le moindre sou. La nuit de Noël, deux Algériens sous OQTF cambriolent une pharmacie à Ivry-sur-Seine puis sont relâchés par un juge, faute de place en Centre de rétention administrative. Ils récidiveront une semaine plus tard à Thiais. Début décembre, une enseignante d’un lycée de Tourcoing est menacée de mort et agressée par une élève de 18 ans, qui refuse de retirer son voile. Verdict pour la jeune Warda H. : quatre mois de prison avec sursis, c’est-à-dire peanuts, l’obligation de se soumettre au redoutable stage de citoyenneté et le versement d’une indemnité de 1 000 euros à l’institutrice. Au même moment, un homme au casier judiciaire bien garni écope à Saint-Malo de six mois de prison avec sursis et d’une indemnité de 950 euros à verser aux parties civiles, pour menaces de mort et injures en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion. « Arrête-toi, espèce de sale blanc, sale français ! Je suis là pour prendre vos allocations et baiser vos femmes », s’était emporté le sanguin Malouin auprès d’un automobiliste qui l’empêchait d’avancer, avant de s’en prendre à deux employés d’un centre Leclerc local :  « Je vais vous tuer… par le Coran je t’égorgerai, je te défoncerai le crâne à coups de clé. » Sans avoir fait Maths Sup, et sur un plan strictement pécuniaire, on notera donc que le comportement et les propos du vindicatif et multirécidiviste Breton sont jugés 12,106 fois moins graves que ceux de l’entraîneur orléanais et néanmoins raciste.

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Début novembre, à Castres, Léo est poignardé à la sortie d’une discothèque après avoir été pris à partie par un groupe d’une vingtaine de jeunes qui voulaient « égorger un Français », dixit la mère de la victime. Jugé en comparution immédiate, l’auteur du coup de couteau, Jawed M., est condamné à 105 heures de travail d’intérêt général (pourquoi pas 106 ?) mais n’aura pas à sortir son chéquier. Fin octobre, un clandestin algérien sous OQTF menace avec un couteau de 20 centimètres les passagers d’un bus à Bobigny et agresse deux contrôleurs et un policier. Il n’est pas poursuivi pénalement, afin de favoriser son expulsion. Même pas 1 euro de dommages et intérêts pour les passagers du bus ? « Je vais te tuer, je vais te couper la tête », hurle en sortant un tournevis un migrant somalien à l’employé d’un fast-food de La Roche-sur-Yon, qui s’était interposé parce que son client mal dégrossi importunait une dame. Ce sera donc trois mois de prison, mais avec sursis, c’est-à-dire que dalle. Et 0 euro d’amende, soit 11 501 de moins que pour le Nanard d’Orléans. À la même époque, le tribunal correctionnel d’Évry-Courcouronnes inflige quatre mois avec sursis mais aucune sanction financière à un OQTF qui a agressé sexuellement une femme, à son domicile d’Antony. Entre une peine de prison avec sursis et plusieurs milliers d’euros d’amende, le commun des mortels a vite fait son choix.

La dystopie nous guette…

Inutile de remonter plus loin dans le temps, la suite est à l’avenant. Au moins Bernard Casoni a-t-il échappé au stage de citoyenneté. On pourrait par ailleurs comparer la lourde pénalité financière qui le frappe avec un autre footeux appelé à la barre pour des actes bien plus graves. En septembre 2017, l’international Kingsley Coman est condamné à 5 000 euros d’amende pour violence conjugale par le tribunal correctionnel de Meaux. Pour des faits similaires, le député insoumis à la main un peu trop lourde, Adrien Quatennens, doit verser 2 000 euros de dommages et intérêts à sa dulcinée, en décembre 2022. Six fois moins que le coach à la parole un peu trop légère. En septembre 2023, un coutumier des palais de justice et des menaces de mort, le « comique » préféré du président, Yassine Belattar, se voit contraint par le tribunal correctionnel de Paris de lâcher 500 euros au metteur en scène Kader Aoun, pour une énième intimidation létale. Peut-être notre entraîneur ségrégationniste aurait-il dû boire quelques coups et fumer un joint avant de (com)paraître en conférence de presse. Ses avocats auraient ainsi pu plaider l’absence de discernement auprès du tribunal, à l’instar de ceux de Kobili Traoré, qui a tabassé puis défenestré Sarah Halimi. Le meurtrier antisémite n’a pas eu un euro à débourser et coule aujourd’hui des jours paisibles, aux frais du contribuable, dans un hôpital psychiatrique, profitant de ses nombreuses permissions de sortie pour se prendre en photo sur TikTok avec ses potes, à proximité du domicile de sa victime…

Un parfum de dystopie orwellienne plane désormais sur nos prétoires. Pauvre justice française, qui apparaît jour après jour de plus en plus bancale, déséquilibrée, ultra politisée, partiale, incroyablement laxiste ou exagérément implacable selon les cas de figure et les cases à cocher. En un mot, injuste. La hiérarchie des peines qu’elle prononce aujourd’hui défie le bon sens le plus élémentaire. L’indépendance que lui a accordé le pouvoir politique ces dernières années n’était peut-être finalement pas l’idée du siècle. Que donne un pouvoir à la dérive sans aucun contre-pouvoir ? L’antiracisme est entre-temps devenu une religion, dont les juges pour peu qu’ils soient de la magistrature – sont les gardiens du temple. Le raciste est un hérétique. Le dérapage raciste, ou perçu comme tel, fait figure de blasphème. Suprême sacrilège. Comme si le racisme était la seule passion triste qui agite les tréfonds de l’âme humaine. Du moins, la plus grave. Pour nos nouveaux Fouquier-Tinville à robes longues, une parole déplacée est potentiellement plus condamnable qu’un acte déplacé. Si la justice française condamne Casoni à payer plus de 10 000 euros, que risque en proportion Delphine Ernotte quand elle juge qu’il y a trop de mâles blancs dans sa télé publique, et qu’elle en vire certains ? Plus de 100 000 euros ? Et pour nos peu philosémites soutiens du Hamas, au Palais Bourbon ou ailleurs ? Un million d’euros ? C’est votre dernier mot ?

En attendant, l’ancien joueur de l’équipe de France de football a fait appel (contre-appel ?) de la sentence. Mais si la justice se met de plus en plus souvent hors-jeu, est-ce bien utile ?

Le journalisme, victime de ses arnaques

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« Nous allons nous débarrasser des vérifacteurs de faits et les remplacer par des notes communautaires similaires à X, en commençant avec les États-Unis », a déclaré le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, dans une vidéo publiée mardi à Asuncion au Paraguay le 07 janvier 2025 © Andre M Chang/ZUMA Press Wire/Shutterstock

«On se lève et on se casse» : en France, Marine Tondelier et Sandrine Rousseau exhortent les députés du NFP à quitter X pour protester contre Elon Musk. Aux États-Unis, le patron de Meta (Facebook) Mark Zuckerberg négocie un virage politique et regrette la politisation passée des vérificateurs de faits sur ses plateformes.


Les journalistes ? Ils ne cessent, trop majoritairement, de brader la liberté d’expression. Gardiens de l’idéologie progressiste, perméables au terrorisme intellectuel[1] ou soucieux du quand-dira-t-on, ceux-ci participent aux censures, mises au ban, modérations bien-pensantes. Le 7 janvier, la dénonciation par Mark Zuckerberg (patron de Facebook, Instagram et WhatsApp), d’une « politisation » des vérificateurs de faits (« fact-checking »), a confirmé la dérive d’un monde frelaté. De fait : jamais la profession n’a protesté contre les législations tendant à mettre les réseaux sociaux sous surveillance. Jamais elle ne s’excusera d’avoir diabolisé ceux qui alertent sur les risques d’une société ouverte à ses ennemis. Jamais elle ne s’indignera des intimidations procédurales conduisant illico des indociles devant la 17e chambre correctionnelle. Jamais elle ne reconnaitra son silence sur les viols de masse des pédophiles pakistanais en Grande-Bretagne. C’est le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, aujourd’hui disparu, qui avait lancé l’assaut contre CNews et le groupe Bolloré en 2024. La caste a toujours applaudi aux rappels à l’ordre et aux sanctions ciblées de l’Arcom, régulateur de la communication audiovisuelle et numérique qui se dit indépendant mais dont le président est désigné par l’Elysée ; sa décision d’interdire C8 est un scandale démocratique qui a laissé muette une corporation qui, comme le monde politique, s’est décrédibilisée. L’opinion a appris à se passer des imposteurs.

À lire aussi, Gabriel Robin : «Grooming gangs» en Grande-Bretagne: le peuple des abysses

La gauche et les macroniens, qui appellent à quitter le trop libre X (ex-Twitter) d’Elon Musk, confirment leur faible pour le bâillon et le gourdin. Pour eux, la libéralisation de l’internet est « un danger pour nos démocraties » (Yaël Braun-Pivet, dimanche). Ce mépris d’une expression populaire avait poussé Emmanuel Macron, lors de ses vœux du 31 décembre, à parler de « manipulation » concernant les élections en Roumanie, Moldavie et Géorgie : peut-être est-ce exact, mais il faut des preuves. Jeudi, sur RMC, l’ancien commissaire européen, Thierry Breton, s’est flatté d’une ingérence européenne dans l’annulation en novembre, par le conseil constitutionnel roumain, des élections en Roumanie. Breton, promoteur du Digital Service Act, gendarme de la Toile, a menacé d’une semblable invalidation des élections allemandes du 23 février en cas de victoire de l’afD, parti jugé trop à droite. Cette police de la pensée est totalitaire. Elle oblige à lui résister.

La décision de Zuckerberg de supprimer le fact-checking, aux Etats-Unis dans l’immédiat, répond à la volonté d’Elon Musk et de Donald Trump de libérer X de la surveillance journalistique pour confier les modérations aux usagers. « Nous avons atteint un point où il y a trop d’erreurs et trop de censure », a expliqué Zuckerberg en accusant les fact-checkeurs d’être marqués à gauche. Il a admis avoir cédé aux pressions du FBI et de la Maison Blanche pour supprimer des révélations sur Hunter Biden, fils de Joe, pour faire taire les arguments contre la politique anti-Covid ou pour occulter les effets secondaires du vaccin.

Les sycophantes et déconspirateurs à cartes de presse, qui ont hurlé faussement contre les « complotistes anti-vax », ont achevé de détruire le monopole du journalisme hors sol, victime de ses arnaques. Tout, là aussi, est à reconstruire.

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[1] Jean Sévillia, Les habits neufs du terrorisme intellectuel, Perrin

France / Algérie: l’escalade

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L'influenceur algérien « Doualemn » sur TikTok. DR.

Les relations entre l’Algérie et la France se sont tendues récemment avec l’arrestation à Montpellier de Boualem Naman, alias « Doualemn », un influenceur algérien de 59 ans, après la diffusion d’une vidéo incitant à la violence sur TikTok. Après avoir été envoyé en Algérie jeudi, il a été renvoyé en France le même jour. Marine Tondelier, en donnant le sentiment de prendre le parti des autorités algériennes, nous déshonore et détourne l’attention des véritables violations commises par l’Algérie.


La crise franco-algérienne connaît une escalade

Les Algériens ont expulsé l’influenceur Doualemn et nous donnent des leçons de droit. Espérons qu’il restera en rétention jusqu’à son procès. On le garde, mais au frais…

En France, le ton monte. L’Algérie se « déshonore » avec la rétention de l’écrivain Boualem Sansal, selon le président Emmanuel Macron. L’Algérie cherche à nous humilier, selon le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Ce sont des mots forts. À présent, on attend les actes. Chacun y va de son idée : de Jordan Bardella à Gabriel Attal, nous avons assisté à un tir groupé contre le Traité de 1968. Mais tout le monde semble oublier que ce traité relève de la compétence du président. Gérald Darmanin propose une exemption de visas pour la nomenklatura. Xavier Driencourt, ancien ambassadeur, rappelle qu’en Algérie, diplomates, officiels et religieux français ne peuvent se déplacer sans autorisation et escorte policière, et propose de faire de même pour les Algériens en France.

Beaucoup se demandent pourquoi il ne serait pas plus simple de carrément ne plus délivrer de visas aux Algériens. La réponse est simple : avec l’espace Schengen, la France n’a plus complètement la main. Si la France refuse un visa, un ressortissant algérien peut toujours en solliciter un auprès de nos voisins.

A écouter: Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

Depuis 70 ans, la France entretient avec l’Algérie une relation sadomasochiste. Les Algériens ont piétiné les accords d’Évian et expulsé les Pieds-Noirs, mais, malgré cela, les ressortissants algériens devraient toujours être chouchoutés en France. Et aujourd’hui, les relais du régime se déchaînent. Sans réaction forte, voire brutale, le message que la France envoie est clair : vous pouvez nous envoyer vos délinquants, emprisonner nos écrivains et nous insulter sans conséquence. Il est temps d’agir fermement. Basta ! C’est le moment de faire du Trump.

Il existe un large consensus en France pour adopter une position de fermeté, et des moyens d’action sont à notre disposition

Avant d’envisager une rupture des relations diplomatiques, plusieurs mesures sont à notre portée. L’Algérie a besoin de la France. D’ailleurs, le bloc central semble se rallier à la fermeté défendue par la droite. « La France est une grande puissance et doit se faire respecter. On ne provoque pas la France sans en subir les conséquences », affirme Gabriel Attal dans Le Figaro. Pour l’instant, ce qu’il dit est faux. L’ancien Premier ministre prend par ailleurs soin dans sa tribune de critiquer aussi bien l’aveuglement de l’extrême gauche que la haine aveugle de l’extrême droite…

Pour terminer, il convient de revenir sur la différence stridente et choquante constatée à gauche. Interrogée sur les provocations algériennes, Marine Tondelier ose parler des « provocations » de Bruno Retailleau et l’accuse de ne pas respecter le droit. Au-delà des enjeux électoraux et de la prétendue « obsession » du RN, cette attitude traduit une véritable névrose de cette gauche née dans le combat anticolonial. Certains semblent congelés depuis 1962. Des décennies plus tard, la France reste engluée dans la repentance et un antiracisme unilatéral, qui veut que « racisés » et colonisés aient toujours raison. Ségolène Royal prétend que nous avons une « dette morale », et elle semble sincèrement le croire. Fouettez-moi…

A relire, notre dossier: Coupons le cordon! Pour l’indépendance de l’Algérie

Excusez-moi, mais la colonisation est un phénomène complexe et universel. Et si je ne m’abuse, l’Algérie est née d’une colonisation arabe. Juger les faits coloniaux avec les critères moraux actuels n’a guère de sens. L’histoire n’est pas un simple bilan comptable, et des crimes ont été commis des deux côtés.

Alors que la France est agressée par un régime autoritaire et qu’un écrivain croupit en prison, la gauche reste muette et refuse de défendre son pays. Certains de ses représentants vont jusqu’à joindre leurs crachats à ceux de nos ennemis. Ils ont de la chance d’être français. Dans un pays libre, on a le droit de ne pas être patriote. 


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio

Coq cherche poule aux œufs d’or

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Emblème du Coq Sportif © D.R.

Symbole du sport français, Le Coq sportif lutte pour sa survie. Placée en redressement judiciaire, la marque a six mois pour se remplumer.


Il a paradé sur le maillot jaune de Bernard Hinault, pavoisé sur le polo de Yannick Noah, légendé la tunique verte de l’AS Saint-Étienne, et en août dernier, lors des JO de Paris, le Coq sportif, emblème d’une firme française créée il y a cent cinquante ans, était encore brodé sur le cœur de tous les athlètes de la délégation tricolore. Mais depuis, le chant du coq ressemble au chant du cygne.

Le 22 novembre, le Coq, qui a illustré les plus belles pages du sport français, a été placé en redressement judiciaire, avec un sursis de six mois pour se remplumer. Les pertes sont considérables : de janvier 2023 à juin 2024, il a perdu quelque 46 millions d’euros, malgré deux prêts de l’État dont les 22 millions se sont révélés trop volatils (la CGT se demande aujourd’hui où est passé l’argent…). Dans l’Aube, à Romilly-sur-Seine, où le Coq est élevé, 350 emplois sont menacés, des centaines d’emplois indirects impactés…

Parmi les créanciers qui lui volent dans les plumes, le Coq sportif doit combattre contre… le coq du XV de France, l’emblème de la FFR (Fédération française de rugby) ! La fédération réclame à l’équipementier 5,3 millions pour des litiges liés au contrat qui les a unis de 2018 à septembre 2024. À la FFR, des voix se sont élevées pour condamner ces poursuites judiciaires de basse-cour, estimant qu’une « fédération sportive délégataire de service public ne peut prendre le risque aussi infime soit-il de précipiter des centaines de familles de salariés dans la précarité en liquidant une société française exemplaire à bien des égards comme Le Coq sportif ».

Mais Florian Grill, président de la FFR réélu le 19 octobre, est resté ferme. On sait aujourd’hui pourquoi. Le 7 décembre, la FFR a présenté ses comptes. Ils ne sont pas fameux. Lors de la Coupe du monde de rugby organisée en 2023 en France, la FFR a perdu environ 20 millions, en tant qu’actionnaire d’un « GIE hospitalités et voyages » : destiné à exploiter le tourisme sportif, ce groupement d’intérêt économique n’a pas fait recette. Il s’agit donc de renflouer les caisses. Florian Grill ne le cache plus : « C’est de ma responsabilité de président de la fédération de faire rentrer les sous. »

Pauvre France dont les coqs, pour ne pas passer à la casserole, recherchent désespérément une poule aux œufs d’or.

Éducation nationale, reconstruire pour assurer l’avenir

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Passation de pouvoirs entre Anne Genetet et Elisabeth Borne, ministère de l'Education nationale, Paris, 24 décembre 2024 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Contrairement à la gauche et au centre, qui considèrent que le modèle éducatif républicain est dépassé, le député RN Roger Chudeau explique ici comment son mouvement politique entend renouer avec une Éducation nationale performante


Affirmer que notre système éducatif va mal est devenu un truisme. À l’instar d’autres services publics l’école connait une sorte de lent affaissement dont chacun connait les indices : effondrement du niveau de maîtrise des connaissances fondamentales, échec de l’intégration par l’école, inculture de nos futures élites, trop peu de doctorants, trop peu d’ingénieurs

Comme souvent dans la longue histoire de notre nation, dont le Général de Gaulle disait qu’elle avait été « créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires », il semble que nous succombions peu à peu au vertige du vide et du renoncement et l’état de notre école n’en n’est qu’un des tristes symptômes.

À gauche comme au centre, la cause est entendue : le modèle français d’éducation nationale est forclos, obsolète, dépassé.

La gauche, dans des publications récentes, estime que l’avenir du système éducatif réside dans son ouverture tous azimuts à la société : interventions des associations et « mouvements pédagogiques » en classe, omniprésence des parents d’élèves, « éducation » à toutes les questions « sociétales », enfin, pilotage de l’éducation par les « cités éducatives » et les collectivités territoriales. En un mot, an 2 de la déconstruction, fin d’une éducation nationale.

Le « bloc central », quant à lui, a toujours professé pour la question éducative une forme d’embarras, teintée d’incompétence. Au fond, la fuite des classes moyennes et supérieures vers le privé, sorte d’avatar de la « main invisible du marché », fait bien l’affaire de ceux qui n’ont jamais pris la peine de réfléchir sérieusement aux enjeux, pour la nation, d’une école performante.

Notre position est toute différente.

Nous sommes certes parfaitement au fait des causes de l’effondrement de notre système éducatif et de ses effets dévastateurs et nous estimons que ce modèle doit être réinventé. Mais nous considérons aussi qu’il est d’intérêt général de doter notre pays d’un système éducatif rénové, modernisé, conçu et piloté par la puissance publique.

Seule celle-ci, selon nous, est en mesure de produire une analyse prospective des nombreux défis que notre pays devra affronter dans les 50 prochaines années : défis économiques, écologiques, sécuritaires, géopolitiques, informationnels. Il appartient à l’État de déterminer, avec les institutions de la République et la contribution de la société civile, ce que doivent être les missions, les objectifs, l’organisation de l’action éducatrice au XXIème siècle.

Au sein des « Horaces » nous élaborons donc un projet de reconstruction de notre système éducatif susceptible de répondre à la question suivante : De quel appareil éducatif notre pays a-t-il besoin pour relever les défis de notre siècle ?

Notre projet de reconstruction de l’école de France repose sur trois principes :

  • Restaurer l’efficacité de l’école, en la recentrant sur sa mission de transmission des connaissances et des valeurs. Pour cela, procéder à une remise à plat des programmes, des cursus et des examens. Revoir aussi la formation des professeurs qui devra être assurée par l’employeur et non plus par l’Université. L’idée est de retrouver un bon niveau chez les professeurs et donc chez les élèves. L’élévation du niveau permettra de rétablir l’ascenseur social : le principe méritocratique, fondement de l’ambition républicaine de mobilité sociale, sera restauré et les politiques dites de « discrimination positive », supprimées.
  • Restaurer l’autorité, sanctuariser l’institution scolaire, en réprimant toute atteinte portée à l’institution scolaire. Les débats sociétaux n’y auront pas leur place, pas plus que les tentatives d’emprises islamistes ou politiques. Le statut du corps enseignant devra évoluer sensiblement pour l’adapter aux objectifs du système éducatif et permettre la revalorisation salariale des professeurs.
  • Ériger en méthode de gouvernance la liberté et la responsabilité pédagogiques : Les établissements disposeront des marges d’autonomie permettant le recrutement de personnels, l’aménagement des programmes et des horaires, des expérimentations pédagogiques, dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens à la manière des « charterschools ». Les résultats de chaque établissement seront rendus publics tous les ans afin de mesurer l’efficacité de leur action éducative.

Ces principes, déclinés en mesures législatives et réglementaires, seront présentés aux Français dans le cadre des rendez-vous électoraux majeurs à venir.

La crise de l’école n’est pas une fatalité. Nous devons, nous pouvons redresser cette institution essentielle à la France. Il ne s’agit pas d’un simple enjeu éducatif : c’est un défi civilisationnel.

Le combat pour l’école est un combat pour la France.


Contribution de Roger Chudeau, Député de Loir-et-Cher, Inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire, ancien Directeur de l’encadrement du MEN, ancien conseiller « éducation » du Premier ministre François Fillon. Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen.