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Le wokisme a encore frappé à Bruxelles: une sculpture trop «patriarcale» remplacée par une «œuvre» féministe

Jugée trop patriarcale, une œuvre abritée dans le square de la Maturité à Bruxelles va être remplacée par des déchets de chantier, ce qui est plus raccord avec notre époque déconstruite.


Le wokisme a encore frappé : à Bruxelles, encore elle, la sculpture portant le joli nom de La Maturité sera bientôt remplacée par une œuvre… « féministe » qui sublime… les « déchets de chantier » – précisons d’emblée que l’objectif de notre réflexion n’est pas de tenter de clarifier le lien entre « féminisme » et « déchets de chantier » ; nous laisserons cette tâche aux esprits plus éveillés et moins étriqués que les nôtres.

Aperçu de ce à quoi pourrait ressembler la future oeuvre. DR.

Cancel culture : oui, mais non…

Peu semble importer que l’œuvre aujourd’hui vouée à la disparition de l’espace public, travaillée dans le marbre de Carrare par Victor Rousseau, figure depuis un siècle près de la Place du Marché au Bois dans le centre de la capitale, non loin de la Gare centrale, les médiocres censeurs de la modernité décadente ont tranché : elle est trop patriarcale. Les autorités bruxelloises ont refusé de la protéger et l’ont donc condamnée au déclassement.

Se tenant aux côtés d’un homme barbu trônant fièrement sur un drap et semblant contempler l’avenir avec assurance, des personnages féminins et… masculins figurent dans diverses positions, agenouillée, assise ou se tenant par la main. Les fleurs qui ceignent le front d’une femme et les éléments végétaux qui forment un tapis structurant, les regards qui tantôt se perdent dans le lointain, tantôt se fixent dans les yeux les plus proches, la nudité plus ou moins affichée rehaussent l’œuvre de différents niveaux de lecture, allant de la contemplation de la Beauté à l’interprétation allégorique.

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Si Victor Rousseau souhaitait une œuvre intemporelle, il ignorait que les adeptes de la cancel culture auraient raison d’elle. Mais pas totalement, nous rassure-t-on, car elle sera officiellement « conservée, restaurée et replacée dans un lieu où elle sera mise en valeur», échappant à sa réduction en gravats, sans doute parce que son auteur fut rattaché au courant progressiste. Celui-ci était un artiste reconnu, remportant le grand prix de sculpture de Rome en 1911. Mais son goût pour l’antiquité greco-romaine et sa conception du corps humain, dans sa nudité, auront eu raison de son talent.

Verbiage

Le « Rückbaukristalle » qui remplacera « La Maturité » sera réalisé par l’artiste d’origine autrichienne Aglaïa Konrad. Celle-ci est spécialisée dans les œuvres mettant en exergue l’espace urbain dans un environnement globalisé – comprenez qu’il n’y a, chez elle, que peu d’appétence pour l’enracinement et la permanence dans le temps. Les premières images de sa « chose » font craindre le pire : on peut y voir des blocs sans âme assemblés verticalement. Tout cela doit officiellement « rendre hommage [aux déchets de chantier] sous une forme tendre et sculpturale” et assurer “une représentation du développement perpétuel d’une ville.” Un charabia finalement aussi incompréhensible que l’œuvre, comme si l’art dans lequel les décadents excellent était celui d’enrober la laideur d’un verbiage dont ils sont les seuls interprètes.

Tout concourt à la déconstruction de l’identité de Bruxelles pourtant riche d’une histoire pluriséculaire : celle-ci est désormais mise à mal par une immigration massive qui sape ses fondements et une insécurité galopante – elle est la deuxième ville européenne où il y eut le plus de fusillades en 2024, derrière Naples et devant Marseille. On pouvait se rassurer en se répétant naïvement que la culture restait, une fois que tout était oublié : il n’en est désormais plus rien, même elle est attaquée au burin progressiste. 


De Soljenitsyne à JD Vance

Le discours de JD Vance qui a choqué les Européens postule également que l’Occident n’est pas condamné à se soumettre à l’émergence du Sud global.


L’Occident a enfin entendu ce que lui a dit Alexandre Soljenitsyne à Harvard, le 8 juin 1978, dans son discours sur le « déclin du courage ». Cette prise de conscience s’est exprimée par la voix du vice-président des Etats-Unis, James David Vance, le 14 février 2025 à Munich. Il y a là plus qu’un écho.

Oh, bien sûr, les deux discours sont différents. L’âme slave, et la soif d’entreprendre américaine. Le dissident exilé, et le vice-président arrivant au pouvoir. L’orthodoxe, et le catholique. Et pourtant. Deux hommes de foi, remarquablement intelligents, se faisant une haute idée de l’Occident, montrant un profond respect envers les peuples occidentaux et envers la grandeur dont ils sont capables, qui nous disent ce que nous devons impérativement entendre.

Le grand frère se fâche

Ne soyons pas naïfs : Vance sert avant tout les intérêts américains, c’est son rôle. Si enthousiasmant soit le trio qu’il forme avec Donald Trump et Elon Musk, si jubilatoire soit leur message « l’Occident est de retour ! » pour quiconque est attaché à notre civilisation, rien ne garantit que les Etats-Unis ne retomberont pas dans quatre ans entre les mains des soi-disant « progressistes », qui restent bien décidés à détruire cette civilisation. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas nous reposer paresseusement sur le « grand frère » américain, dont l’avenir est encore incertain même s’il y a de bonnes raisons d’être optimiste. D’ailleurs, JD Vance exhorte justement l’Europe à se reprendre en main, à s’assumer, à refuser sa propre relégation aux marges de l’histoire. Il dénonce la soumission à l’immigration massive pour ce qu’elle est : un suicide. Et il invite les dirigeants européens à laisser leurs peuples s’exprimer librement et à les écouter, pour sortir par le haut de la crise démocratique actuelle.

Que le camp « progressiste » qui s’est emparé des rouages de l’UE juge un tel discours hostile en dit long. Et prouve, s’il en était besoin, que ce n’est certainement pas par un ralliement à ce camp, sous quelque prétexte que ce soit, que nous pourrons construire une Europe-puissance : toute puissance mise entre les mains des « progressistes » sera utilisée contre les peuples européens et contre la civilisation européenne, donc contre l’Europe – qu’il ne faudrait surtout pas confondre avec les institutions de l’UE.

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On pourra toujours trouver à redire dans les propos de JD Vance, juger sa vision de la démocratie trop optimiste, pour ne pas dire naïve. Il y a du Périclès dans son enthousiasme, et l’hégémonie américaine sur l’Occident a sa part d’ombre, comme l’avait l’hégémonie athénienne sur la Ligue de Délos. Les Etats-Unis considèrent depuis longtemps la planète comme un plateau d’échecs qui leur appartiendrait (mais Trump bien moins que les autres présidents qui se sont succédés dans le bureau ovale depuis la fin officielle de la Guerre froide). La théorie de la « destinée manifeste » et sa religiosité peuvent amuser ou inquiéter. La soumission de l’économie mondiale au dollar ne bénéficie qu’aux Etats-Unis. Imaginer Trump et Poutine organisant un nouveau partage de Yalta – mais cette fois sans Churchill – vaut mieux qu’une Troisième Guerre mondiale, ou que le triomphe du wokisme, de l’islamisme ou des narco-traficants, mais n’a par ailleurs rien de particulièrement réjouissant. Soit.

Mais j’invite vraiment le lecteur à se faire son propre avis, à écouter ou à lire par lui-même le discours du vice-président américain. Ne vous contentez pas de ce que d’autres en disent, pas même moi ! Et vous verrez. Je n’ose y entendre les propos d’un ami : les Etats n’ont pas d’amis, seulement des intérêts. Mais ce sont assurément les paroles d’un authentique allié, qui veut ses alliés forts et dignes, et qui nous pousse à faire dans nos pays ce qu’il vient lui-même de faire dans le sien (Vance ne nie pas les errements qui furent ceux des Etats-Unis), pour relever la tête et renouer avec ce que nous n’aurions jamais dû cesser d’être – avec ce que Soljenitsyne lui aussi nous appelait à redevenir.


Ainsi, à Harvard déjà il était question de liberté d’expression : « On découvre un courant général d’idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d’esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d’intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d’une compétition, mais d’une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant. » Depuis, la soif de censure de la gauche et de l’extrême-centre ne se cache plus. Souvenons-nous des propos de François Sureau lors de son entrée à l’Académie française en 2022 : « Je ne sais ce que Max Gallo aurait pensé du moment où nous sommes (….) le citoyen réduit à n’être plus le souverain, mais seulement l’objet de la sollicitude de ceux qui le gouvernent et prétendent non le servir, mais le protéger, sans que l’efficacité promise, ultime justification de ces errements, soit jamais au rendez-vous. Non, je ne crois pas que ce disciple de Voltaire et de Hugo se réjouirait de l’état où nous sommes, chacun faisant appel au gouvernement, aux procureurs, aux sociétés de l’information pour interdire les opinions qui le blessent ; (….) où gouvernement et Parlement ensemble prétendent, comme si la France n’avait pas dépassé la minorité légale, en bannir toute haine, oubliant qu’il est des haines justes et que la République s’est fondée sur la haine des tyrans. La liberté, c’est être révolté, blessé, au moins surpris, par les opinions contraires. Personne n’aimerait vivre dans un pays où des institutions généralement défaillantes dans leurs fonctions essentielles, celle de la représentation comme celles de l’action, se revancheraient en nous disant quoi penser, comment parler, quand se taire. »

« Basket of deplorables » et « Gaulois réfractaires »

Depuis que JD Vance s’est exprimé, les dirigeants européens « progressistes » paniquent. Leurs relais parlent « d’ingérence » pour un simple discours, ces mêmes relais qui n’ont jamais rien trouvé à redire à l’authentique ingérence américaine lorsque les milliards de l’USAID alimentaient la propagande de leur camp. Ils tentent de détourner l’attention en la focalisant sur la question ukrainienne, allant parfois jusqu’à sombrer dans le complotisme en accusant Trump et Vance d’être inféodés à Poutine. Aujourd’hui même, le 17 février, Emmanuel Macron organise un sommet européen sur le sujet.

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Il a presque un an, je m’interrogeais sur l’étrange bellicisme de notre président et de ses soutiens dès qu’il est question de l’Ukraine, ou plus exactement sur le contraste flagrant entre ce bellicisme et une pusillanimité systématique dans tant d’autres circonstances. Soyons clairs : ceux qui invoquent de grands principes dès qu’il est question de l’Ukraine mais les « oublient » fort opportunément pour se coucher devant les Comores, l’Algérie, l’Azerbaïdjan, l’Iran, le Qatar, ne sont évidemment pas animés par les principes qu’ils invoquent – pas même dans leur approche de l’Ukraine. Il y a un an, je faisais plusieurs hypothèses sur ce que pouvaient être les motivations d’Emmanuel Macron et des « progressistes ». Avec le recul, j’en retiens surtout deux : « un prétexte pour transférer toujours plus de pouvoir aux institutions non-élues de l’UE au détriment de la démocratie, et sans doute renforcer le contrôle de l’information ; l’appétit pour les opportunités qu’une « économie de guerre » offrirait à Bercy. » Et j’en ajoute aujourd’hui deux autres.

La première est la fin de l’USAID. Les « progressistes » gouvernent contre les peuples, par définition : des deux côtés de l’Atlantique, ils veulent imposer ce qu’ils appellent « progrès » aux « basket of deplorables » et aux « Gaulois réfractaires ». Ils ne sont au pouvoir que grâce à une propagande éhontée, imposée dès l’enfance. Or, nous découvrons aujourd’hui que cette propagande bénéficiait très largement de l’USAID, voire en dépendait. La fin de l’USAID, le fait que les GAFAM et même Disney affirment renoncer à leur obsession pour la politique wokiste dite DEI (Diversité, Equité, Inclusion), montre aux « progressistes » européens que leur pouvoir vacille, et que l’un des principaux piliers de leurs situations confortables disparaît. Il leur faut donc de toute urgence un prétexte pour raffermir leur contrôle sur des peuples qui, si la propagande permanente ne les endort plus, pourraient bien leur demander des comptes.

La seconde est, peut-être, encore plus importante : Donald Trump, James David Vance et Elon Musk prouvent au monde entier que l’action est possible, et donc que si nos dirigeants ne font rien ce n’est pas parce qu’ils ne le peuvent pas, mais parce qu’ils ne le veulent pas. Que ce soit parce que la tiers-mondisation de nos pays sert leurs intérêts, ou parce qu’ils sont trop lâches pour s’y opposer. Depuis le 20 janvier 2025, l’Amérique nous montre qu’il n’y a pas de « sens de l’histoire » auquel il faudrait impérativement se plier, que le désenchantement n’est pas inéluctable, que le déclin de l’Occident devant le « Sud global », et la soumission des peuples occidentaux à la « diversité », ne sont pas une fatalité. Qu’un peuple qui relève la tête peut redevenir maître de son destin. Voilà ce que craignent plus que tout les « progressistes » : que les peuples européens relèvent la tête. Et c’est précisément ce à quoi Soljenitsyne et Vance nous invitent.

Conseil Constitutionnel, référendum: Macron ou l’horreur du vide

A l’exception de Philippe Bas qui semble faire l’unanimité, tous les noms proposés pour rejoindre les Sages du Conseil constitutionnel font polémique. Pendant ce temps, le locataire de l’Elysée se demande quelle question il pourrait bien soumettre à référendum.


Alors que la fin de son mandat se rapproche, Emmanuel Macron ne sait plus quoi penser pour faire oublier que, de par la cohabitation d’un autre type qu’il a provoquée, sa présidence est réduite à une sorte de néant qu’il assume de façon erratique. Et l’on passera sur les images délirantes et dégradantes qu’il a mises sur les réseaux le mettant en scène pour illustrer l’IA son nouveau cheval de bataille.

C’est donc sur le Conseil Constitutionnel (CC) et, une fois encore sur le référendum, que l’actuel locataire de l’Elysée se défoule.

Quant au CC, le mandat de Laurent Fabius, nommé par F. Hollande en 2016,  à la tête du Conseil arrive donc à son terme. Que l’on apprécie ou pas l’ancien Premier ministre, on ne peut contester ses qualités en matière institutionnelle. Enarque, conseiller d’Etat de formation, il a été ministre à plusieurs reprises et surtout à Matignon. Ainsi qu’il l’a confié durant un colloque voici quelques années déjà, il « apprit aussi beaucoup de la Constitution aux côtés de Mitterrand et Charasse ».

Déséquilibre

Bien évidemment sous sa présidence, la jurisprudence du CC a plutôt penchée nettement du côté « droit de l’hommisme ». Les dernières décisions en attestent (y compris sur le concept de fraternité ou le suivi des terroristes sortant de prison). Tous les analystes autorisés se rejoignent pour dire que, jusqu’en 2019 date de l’arrivée d’Alain Juppé, l’ancien maire du Grand-Quevilly règne en maitre sur le Conseil. Il n’y a en effet pas un seul juriste digne de ce nom dans ce cénacle (anciens magistrats, avocats, fonctionnaire parlementaire, élue locale). On veut dire par là qu’il n’y a plus au Conseil un seul constitutionnaliste. La dernière fut Nicole Belloubet, professeur de droit public (dont l’activité scientifique est tout de même réduite à la portion congrue) de 2013 à 2017. Et pourtant au sein des neuf Sages, il y eut des personnalités éminentes du droit public mais aussi du droit privé. Pas moins de douze professeurs, essentiellement de droit public, depuis la création du Conseil constitutionnel, ont accédé à l’institution. Si l’on ne devait en citer qu’un seul, ce serait le doyen Georges Vedel, que nous avons eu l’honneur de connaitre. Si le droit avait un prix Nobel, il lui serait revenu sans conteste. L’influence du doyen Georges Vedel sur notre droit a été décisive. Il a apporté au droit administratif, au droit constitutionnel et à la science politique un enrichissement sans borne. Plus particulièrement, il a marqué également de son empreinte son passage au Conseil constitutionnel. Georges Vedel a été nommé comme membre en février 1980 par le président Valéry Giscard d’Estaing, sur une suggestion, dit-on, de Raymond Barre. Au demeurant, il est seulement, au moment de son entrée en fonction, le 6ème professeur de droit, après René Cassin, Marcel Waline, François Luchaire, Paul Coste-Floret et François Goguel à avoir été désigné membre du Conseil constitutionnel. Toutefois, la pratique des nominations semble implicitement obéir aussi  à des « quotas » de manière à préserver les équilibres selon les spécialités ou les fonctions occupées avant l’entrée en fonction des membres. De fait, une place reviendrait donc à un universitaire. Ainsi, au titre des professeurs de droit, Georges Vedel succède à François Goguel et il sera lui-même remplacé, à sa sortie en février 1989, par Jacques Robert. Lui-même étant remplacé par notre maitre Jean-Claude Colliard. N’oublions pas non plus dans cette galerie de grands conseillers, Robert Badinter professeur de droit privé. Il s’avère que la contribution de ces universitaires à l’élaboration et à l’essor des méthodes de travail et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel a été considérable, au point d’approfondir les rapports entre fonction doctrinale et fonction de juger. Mais étant donné que, et même la présence de Mme Belloubet n’y a rien changé, il n’y a plus ce genre de membres, il ne faut pas s’étonner que la jurisprudence du Conseil ait assez largement perdu en qualité. Le plus souvent des décisions militantes ont succédé à des décisions structurantes.

Alors E. Macron a donc décidé de récompenser un des derniers grognards de sa campagne de 2017 : Richard Ferrand. Comme l’ont souligné la majorité de nos collègues, ce choix traduit davantage une amitié politique qu’un arbitrage fondé sur les compétences et garantissant l’autorité institutionnelle des Sages. Bien sûr des présidents ont déjà nommé des proches. Ainsi Mitterrand avec Badinter et Charasse. On a parlé ci-dessus des qualités éminentes du premier. On ne peut nier celles du second, praticien hors pair de la constitution. Bien évidemment ils étaient des socialistes bons teints. On fera une exception avec Roland Dumas. Avocat certes. Mais qui était considéré comme fort sulfureux. Mitterrand avoua un jour : « j’ai deux avocats : Robert Badinter pour le droit et Roland Dumas pour le tordu ».

Chirac ne dérogea pas à la nomination de proches avec notamment Pierre Mazeaud et Jean-Louis Debré. On ne peut reprocher à ceux-ci de ne pas être juristes et des connaisseurs éclairés du texte constitutionnel. Le second étant même né dedans en quelque sorte (titulaire d’une thèse de droit relative aux idées constitutionnelles du général de Gaulle).

Emmanuel Macron fait partie de ces présidents qui, depuis Nicolas Sarkozy, ne connaissent strictement rien à notre texte fondamental. Rappelons tout de même que Richard Ferrand est un des personnages centraux de l’ « Affaire des Mutuelles de Bretagne » (qui débute en 2010). En octobre 2022, la Cour de cassation confirme la prescription des faits sans conclure sur le fond de l’affaire. L’arrêt de la Cour devrait mettre fin aux poursuites contre Richard Ferrand. Il existe aussi des soupçons d’emploi fictif de son fils et d’un proche à l’Assemblée nationale. De même citons un achat immobilier avec son indemnité de représentation parlementaire.

A lire aussi, Jean-Eric Schoettl: Loi immigration : désaveu d’échec

Alors non seulement ce personnage est un ami proche du chef de l’Etat mais il est aussi sulfureux. Surtout, s’il a fait un peu de droit à Toulouse et Paris V (en tout deux ans), il est avant tout un peu entrepreneur mais surtout apparatchik socialiste qui va monter les échelons de l’élu local puis, en 2016,  découvrir et œuvrer pour la macronie. Son seul titre de gloire est d’avoir été porté par celle-ci à la tête de l’Assemblée nationale de 2017 à 2022. Il y sera le défenseur zélé de son mentor élyséen. Cet homme a-t-il seulement lu une seule fois notre Constitution ?

Rappelons qu’au titre de l’art. 13 C le Parlement peut contester cette nomination puisqu’en son ultime alinéa il est précisé : « le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ». Dans le cas de Richard Ferrand ça le mériterait.

Avec une présidence pareille, le CC est en danger. Déjà que, selon nous, il dérive gravement contre notre société. Droits humains prennent le pas sur les droits des citoyens.  Nous reprenons pleinement à notre compte l’analyse de Jean-Eric Schoettl. Le Conseil comme le Conseil d’Etat d’ailleurs se fourvoient trop souvent depuis quelques décennies. On en arrive de toute évidence à quelque chose de grave : une Démocratie au péril des prétoires (Gallimard, « Le Débat », 2022).

Il va y avoir d’autres nominations. Mme Braun-Pivet a annoncé Laurence Vichnievsky. L’ancienne juge (affaire Elf) et ex-député Modem du Puy-de-Dôme qui n’a pas plus de références constitutionnelles (voire moins) que Mme Luquiens qu’elle doit remplacer. En revanche M. Larcher devrait se tourner vers Philippe Bas, conseiller d’Etat, sénateur, qui dirigea le Secrétariat général de l’Elysée sous Chirac et fut aussi son ministre. Son expertise ainsi que ses rapports font autorité (rappelons celui sur l’affaire Benalla). C’est la seule de ces trois nominations qui fera, à coup sûr l’unanimité.

Référendum : le président s’amuse !

La seconde grande affaire d’Emmanuel Macron (avec l’IA) c’est une fois encore le référendum. Nous l’avons souligné à plusieurs reprises dans ces colonnes, le président « s’amuse ». Il ne sait plus quoi faire pour recoller à une opinion qui lui a complètement échappé. Ainsi d’ici au début du printemps, il aura arrêté sa réflexion sur le ou les sujets sur lesquels il veut consulter les Français. Il l’avait déjà évoqué le 31 décembre dernier. Il se trouve que depuis vingt ans exactement, il n’y a plus eu de référendum en France. Le dernier date du 29 mai 2005. Jacques Chirac avait alors soumis à ratification le projet de traité constitutionnel européen, élaboré durant les mois précédents. 54,7% des Français avaient rejeté celui-ci. Par la suite, ce « non » inattendu avait généré un profond traumatisme. Ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande n’avaient voulu rééditer l’expérience malheureuse de leur prédécesseur, qui après ce désaveu avait connu une fin de présidence sans rebond possible.

Deux choses essentielles doivent habiter l’esprit, un peu agité en ce moment, du chef de l’Etat. D’abord que, vu l’état de défiance que lui voue l’opinion (moins de 20% de soutiens), quelle que soit la question posée, le Non risque de l’emporter. Car, les votants s’intéresseront plus à celui qui pose la question (et dont ils ne veulent plus) qu’à la question posée. Même s’il y a dans la population une envie certaine de référendum. Plusieurs études montrent que  les Français semblent avoir des priorités bien définies quant aux thèmes sur lesquels ils souhaiteraient être consultés. En tête des préoccupations : la question de la fin de vie, avec 84 % de répondants qui se disent favorables à une consultation sur ce sujet et avec 53 % « tout à fait favorables ». L’immigration arrive juste derrière, avec 74 % souhaitant pouvoir s’exprimer, notamment sur les aspects sociaux (accès au logement, aux allocations, etc.). Les thématiques liées au travail suscitent un même niveau d’intérêt (74 %), qu’il s’agisse de la durée du travail, de l’âge de la retraite, de la semaine de trois ou quatre jours ou encore des jours fériés. Tout çà ne peut que mûrir dans l’esprit aux aguets (aux abois) du président Macron. Mais, et c’est le deuxième bémol,  le champ du référendum, nous l’avons dit ici aussi, est délimité assez strictement par l’art.  11 C al 1 : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » . Dans tout ce qui « plait » aux Français, hormis les réformes relatives au travail, le reste n’entre pas dans le champ référendaire actuel. La fin de vie (sujet beaucoup trop sensible) et l’immigration (encore plus) n’y sont pas. Imagine-t-on un instant des questions aussi stupides que : êtes-vous pour le suicide assisté ou êtes-vous pour ou contre l’immigration ? Avec la valse des crimes commis par des OQTF sur notre territoire depuis quelques temps, la seconde question serait assez vite réglée ! Même s’il est clair que la France ne peut plus faire l’économie d’une vaste réforme structurelle de son immigration. Seule une modification du champ référendaire pourrait permettre de lancer de nouveaux référendums. Mais cela nécessite une révision constitutionnelle et, étant donné le contexte politique actuel, cela relève d’une gageure complète. Une révision avec l’art. 89 C est illusoire dans le contexte politique actuel. Quant au recours à l’art 11 C, on retombe dans les affres citées ci-dessus.

Nous assistons à la fin d’un mandat qui, irrémédiablement tiré vers le bas,  cherche tout de même comment sortir par le haut. Vaste programme !… Le seul référendum qui vaudrait la peine selon nous est celui où, quel que soit le sujet, le président saurait tirer les conséquences d’un résultat négatif. La plus impérieuse serait de quitter le pouvoir.


Pour comprendre son pays, Monsieur le candidat (NDLR : E. Macron), il faut l’aimer comme on aime ses parents, avec bienveillance ce qui n’exclut pas la lucidité. Cela s’appelle le patriotisme et je l’attends d’un Président. Vous l’avez sacrifié dans une expression torturée. Vous avez choisi sans doute ce que vous pensiez être l’intérêt de votre image médiatique dans la pensée convenue. Vous avez marqué votre mépris pour ces générations modestes et laborieuses qui ont su construire dans les épreuves comme dans les pages de gloire, en métropole comme en outremer. Le désamour de la France n’est pas digne de votre ambition (Gérard Longuet).

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Les ventres de Paris

Traiteur, boulanger, torréfacteur, fromager… Chacun possède ses « bonnes adresses », son fournisseur attitré, réputé dans son quartier, ou au-delà, pour la fraicheur de ses produits, pour leur qualité voire leur originalité. Dans ce domaine, la capitale n’est pas en reste. Petit tour de la ville pour remplir son assiette.


Il existe une géographie sentimentale de la ville qui ne peut s’exprimer que par la poésie, celle éprouvée, au quotidien, par celui qui y vit, et qui sait avoir été peu à peu « façonné » par elle.

Personnages singuliers

Paris, malgré toutes ses blessures, continue à nous inspirer des pensées, des sentiments, des tendresses. En marchant, nous accordons notre respiration à la sienne, nous sentons ses odeurs, nous captons ses lumières et la fatigue que nous ressentons se mue en joie : celle de découvrir un « terroir parisien » toujours existant, toujours renouvelé, plein de ressources et peuplé de personnages singuliers qui sont le sel de cette capitale.

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Ainsi vouons-nous, depuis toujours, une tendresse particulière à ces adresses vieillottes qui ne paient pas de mine, devant lesquelles on passe et qui ne font pas la une des gazettes. Elles ont pourtant traversé le temps ! Je songe à la Boulangerie-Pâtisserie Dupuis, créée en 1980, rue Cadet (dans le 9e arrondissement), dont la spécialité demeure la tarte Tatin. Tous les matins, Monsieur Dupuis pèle plusieurs kilos de pommes à la main. Sa tarte bien caramélisée est exquise réchauffée et servie avec une cuillère de crème fraîche. Je songe aussi à ce petit traiteur grec, Produits de Grèce, ouvert en 1978 rue Lagrange (5e) par les Crétois Dimitri et Fotini Kalantzakis qui furent les premiers à faire découvrir le tarama aux Parisiens… Chez eux, tout est fait maison dès cinq heures du matin (aubergines farcies, moussaka, gâteau moelleux traditionnel à l’orange et au yaourt). Leur cuisine n’est pas grasse et leurs produits sont tous délicieux, à l’image de l’huile d’olive de Crète (« c’est un cousin qui la fait »), ou du miel de thym et de la confiture de pétales de rose faite par des moines du Péloponnèse… Dans cet ancien fief des ébénistes et des menuisiers qu’est la rue du Faubourg-Saint-Antoine (11e), j’aime rendre visite, chaque dimanche, à un couple charmant, Sebastina et Nino Pinna, deux Sardes dont les gnocchis, les raviolis et les lasagnes maison sont toujours un régal. Créée en 1986, leur boutique, réputée dans tout le quartier, s’appelle Soboa (« la jeune fille » en patois sarde).

Le second plus ancien marché de Paris

À cent mètres de là, c’est toujours un bonheur que d’aller s’immerger dans le petit « village » d’Aligre. Né en 1618, ce marché (le plus ancien de Paris après celui des Enfants-Rouges) était alors situé hors de la capitale, face à l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs (devenue l’hôpital Saint-Antoine). Il était tenu par les bouchers qui louaient le terrain aux religieuses. Peu à peu, il fut envahi par les marchands ambulants et les vendeurs de foin auprès de qui venaient s’approvisionner tous les propriétaires de chevaux de Paris. Accueillant toutes les classes sociales, Aligre se visite aujourd’hui comme un écomusée vivant (à l’image de sa célèbre Graineterie, la dernière de Paris, fondée en 1895), dont la singularité est de regrouper trois marchés en un : le découvert (destiné aux fruits et légumes), les puces et les fripes (où les « gens de peu » viennent se meubler et se vêtir pour pas cher) et le marché couvert (plus chic) inauguré en 1781 sous le nom de marché Beauvau. C’est là, sous sa charpente en bois, que s’est installé en août 2020 le torréfacteur irlandais Joseph Loughney. Ce Dublinois massif a appris l’art du « café de spécialité » en Australie avant de faire le tour du monde des meilleurs producteurs de café. Vêtu d’un tablier en cuir, il torréfie lui-même chaque jour ses somptueux crus du Honduras, d’Éthiopie et du Costa-Rica, dont il cherche à exprimer l’âme naturelle. Le dimanche matin, son échoppe bondée attire tous les artistes, écrivains et journalistes du faubourg Saint-Antoine, comme si le centre de gravité culturel de Paris était insensiblement passé ces dernières années du 6e au 11e arrondissement… Il y a dix ans, Paris passait encore pour être la capitale où le café était le plus médiocre ; aujourd’hui, on y compte des centaines de lieux où le café d’exception est honoré, à l’image de l’atelier de torréfaction de Joseph Loughney auquel il a donné le joli nom d’Early Bird.

La ville a été inventée pour répondre aux besoins du ventre, du cœur et de la tête, c’est pourquoi nous lui sommes soumis à la façon d’une ruche. Quand j’ai besoin d’un produit précis, ma boussole m’indique toujours une adresse infaillible. Ainsi, pour trouver le meilleur riz du monde, je vais à l’épicerie Nishikidôri, rue Villédo (près du Palais-Royal) : le riz japonais cultivé en terrasse est unique par sa pureté, son goût rond et sa délicatesse. Il faut le rincer plusieurs fois avant de le cuire à la vapeur sans sel. Le lendemain, on peut griller les restes à la poêle avec du beurre, de l’ail, du gingembre frais, des herbes, des champignons et du vinaigre de riz : un régal ! Si j’ai besoin d’olives noires de Sicile, croquantes et gorgées de jus, je vais rue Sainte-Marthe (10e) à La Tête dans les Olives, fondée par Cédric Casanova qui avait commencé sa carrière dans le cirque (encore un sacré loustic !). Si je veux offrir un beau bouquet de fleurs, je me rends chez Stanislas Draber, rue Racine, près de l’Odéon. Cet ancien parfumeur de chez Guerlain a ouvert sa boutique dans un atelier de sculpteur où il propose les plus belles fleurs de saison, cultivées en plein champ par des petits producteurs d’Île-de-France, coupées à la main le matin même. Des raretés pleines de parfums, alors que la plupart des fleurs, importées des Pays-Bas, ne sentent rien et ne suscitent aucune émotion.

Mais le plus beau de tous les commerces, c’est la fromagerie, qui n’existe qu’en France, et que l’on admire à l’égal d’une bijouterie de luxe. La Fromagerie Goncourt, rue Abel-Rabaud (11e) a été créée par le jeune Clément Brossault qui était contrôleur de gestion à la Société Générale avant d’être licencié à la suite de l’affaire Kerviel. Clément est alors parti à vélo du canal Saint-Martin faire le tour de France des producteurs de fromages (3 500 kilomètres !). Un an après, il a ouvert sa boutique. On est émerveillé par la pureté et la précision de ses fromages de saison au lait cru qu’il sait affiner avec douceur : je vous recommande notamment son bleu de Gex, son gaperon fermier d’Auvergne à l’ail et au persil, sa tomme de brebis d’estive du pic du Midi, et son soumaintrain de l’Yonne.

Et il y aurait encore tant d’adresses à donner…


Boulangerie-Pâtisserie Dupuis, 13, rue Cadet, 75009 Paris.

Produits de Grèce, 15, rue Lagrange, 75005 Paris.

Soboa, 187, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris.

Marché d’Aligre, place d’Aligre, 75012 Paris.

Nishikidôri, 6, rue Villédo, 75001 Paris.

La Tête dans les Olives, 2, rue Sainte-Marthe, 75010 Paris.

Stanislas Draber, 19, rue Racine, 75006 Paris.

La Fromagerie Goncourt, 1, rue Abel-Rabaud, 75011 Paris.

Un dimanche soir dans le Comté de Midsomer

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Ce soir, France 3 diffuse le dernier épisode de la 24ème saison de l’inspecteur Barnaby. Monsieur Nostalgie essaye de comprendre la mécanique télévisuelle du dimanche soir. Ses rites et son onde qui rappellent l’enfance !


Un dimanche devant la télé répond à des règles, un ordonnancement bien précis hérité d’il y a très longtemps, plus de quarante ans. Chaque petit Français, surtout si on était en hiver et s’il habitait loin des centres urbains et des loisirs à profusion, devait enjamber cette journée particulière, exagérément longue et interminable, inactive et accessoire où rien ne se passait. C’est parce que rien ne se passait, qu’aucun événement venait perturber la douce léthargie des existences raisonnables que la télévision capitale à notre survie en profitait pour nous imposer son rythme, ses répétitions, ses moments de dérapages plus ou moins contrôlés et son actualité molle. Nous étions prisonniers de cette grille et nous finissions par aimer cette rengaine infernale.

Le confort de l’habitude

Il ne fallait surtout pas s’amuser à intervertir les émissions ou à supprimer une série américaine, nous foulions les mêmes terres avec une régularité exemplaire. L’habitude est le confort des peuples jadis civilisés. La télé nous aidait à traverser cette journée de repos, les enfants et les vieillards subissaient alors le même traitement. Il n’y avait pas alors conflit générationnel car nous partagions les mêmes programmes. Les trois chaines structuraient notre espace d’évasion et nous apportaient sur un plateau des sujets de conversation. Cette journée sans fin, qui chaque dimanche, avait le même goût, le même parfum, la même couleur n’était pas un supplice pour autant ; au contraire, sa mécanique lancinante était une borne, un socle sur lequel nous pouvions laisser notre esprit dériver à la fainéante. C’était une aire sous contrôle, la mort ne nous attendait pas au tournant de la rue. Aucune surprise, aucun drame, aucune irruption désagréable de la réalité ne viendraient corrompre notre dimanche. Ce jour était figé à jamais dans des tons gris et vaguement somnolents. Et cette grisaille, nous l’avons comprise bien plus tard, n’est pas un signe d’aphasie, de tristesse ou d’abandon, elle serait plutôt une parka chaude qui protège et réconforte. Une Atlantide.

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Nos dimanches n’étaient pas agressés par les infos en continu, par la déliquescence du monde extérieur, par le fracas des individus en proie à une violence exacerbée. La seule violence admissible à cette époque-là était Starsky et Hutch coursant des méchants au volant d’une Torino à bande blanche. L’ennui était le luxe des nations apaisées. Le dimanche 17 février 1985, par exemple, au hasard, nous nous calions dans un canapé et entamions un marathon télévisuel. Le sport était déjà roi. La gym tonic nous venait d’Amérique. Jean-Michel Leulliot officiait sur la Une et Robert Chapatte à Stade 2. Jacques Martin prenait l’antenne à 11 h 15 pour ne la rendre qu’à l’heure de l’apéro, Sacha Distel de sa voix de velours faisait tourner les têtes de nos grands-mères. Tout ça était prévisible, huilé, et hautement estimable.

Vieilles recettes

Notre dimanche roulait, les heures défilaient, rendant la perspective du lundi matin douce-amère, avec un mélange à la fois d’anxiété et d’excitation. La recette n’a pas changé. France 3 est fidèle à cette diésélisation des mentalités, nécessaire à l’édification d’un peuple heureux. Espérons qu’elle continue sur cette lancée et qu’elle n’invente pas un programme « disruptif », maladie sénile du progressisme. Ce soir, la chaîne publique diffuse le quatrième et dernier épisode de la 24ème saison de « Barnaby » intitulé « Un climat de mort ». L’inspecteur et son adjoint seront une fois de plus les piliers et les garants de notre sécurité. Dans Barnaby, série vendue partout sur la planète, les morts sont nombreuses et étranges, la résolution de l’enquête n’arrive qu’à partir du troisième ou quatrième cadavre. Le téléspectateur n’est pas pressé. Chez « Barnaby », la mort est anecdotique, elle a presque un ressort comique. Car nous savons qu’à Causton, dans le Comté de Midsomer, rien n’est vraiment vrai, ni grave. La série est tellement ancrée que John Barnaby (Neil Dudgeon) a remplacé son cousin Tom Barnaby (John Nettles) au bout de 13 saisons. L’alternance s’est faite sans un couac, nous avons même assisté à leur cohabitation. On ne badine pas avec la démocratie au Royaume-Uni. Aujourd’hui, on visite ce village comme le parc Astérix, des cars entiers veulent sentir l’ambiance frissonnante des cottages et d’un voisinage inquiétant. Une 25ème saison est en préparation. Nos dimanches sont donc sauvés !

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Haro sur le Bayrou!

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Mediapart, qui bien sûr ne roule pas pour l’extrême-gauche déçue de ne pas être aux manettes, sort en toute objectivité une enquête qui tente de mettre en cause François Bayrou dans une affaire de maltraitances supposées. Et les grands médias, qui n’ont apparemment pas d’autres chats à fouetter à un moment où J.D. Vance envoie balader l’Europe en général et l’Ukraine en particulier, brodent à l’infini sur une « affaire » montée de toutes pièces. Alors notre chroniqueur ironise…


Le Figaro vient opportunément de sortir le rapport de l’Inspection Générale issu d’une enquête opérée il y a 25 ans dans l’institution scolaire de Bétharram. Un rapport diligenté par l’Education nationale, alors dirigée par François Bayrou : le ministre, alerté par les rumeurs et par une plainte déposée par un parent d’élève, n’avait pas hésité à lancer les inquisiteurs de l’Education nationale sur cette cité scolaire privée aux méthodes quelque peu archaïques. Est-ce là le réflexe d’un homme qui se sent coupable ?

On ne saurait le lui reprocher, n’en déplaise aux ayatollahs de Mediapart / LFI, qui soulignent, scrogneugneu, que le ministre y avait inscrit certains de ses enfants (et comme il l’a fait remarquer, quel malade mettrait ses gosses dans une institution que l’on soupçonne de crimes sexuels ? Pas même les gens de LFI…), et que son épouse y dispensait des cours de catéchisme — au lieu d’enseigner la vulgate du lambertisme. Haro !

Que dit ce rapport ? « Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés », affirme l’inspecteur. Il ajoute que « tous ceux » qu’il a entendus, à l’exception d’un, « plus nuancé », vivent leur scolarité « très normalement », « sans subir de châtiment corporel et dans un climat de confiance ».

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Alors certes, un surveillant a eu la main un peu leste — ce qui arrivait journellement dans les années 1960, époque lointaine où Bétharram, qui n’est pas exactement à la pointe des pédagogies nouvelles, semble s’être arrêté. So what ? « Selon le représentant des victimes, précise France 3-Régions, cette violence constituait  « l’ADN de cet établissement ». C’est pour ça que nos parents, parfois, nous y mettaient ! Pour redresser soi-disant les enfants pas sages ! Le règne du silence, c’était, Bétharram ».

C’était il y a presque trente ans. Alors oui, Bétharram était passé à côté de l’élève au centre acteur de son propre savoir, selon la formule instaurée par la loi Jospin en 1989. Et ses enseignants n’avaient pas été formés dans les IUFM nouvellement créés…

Sauf une, apparemment :

« Le rapport s’intéresse ensuite à une professeur de mathématiques. Il s’agit de Mme G., enseignante qui a témoigné dans ce même article de Mediapart mettant en cause l’actuel Premier ministre, François Bayrou. En juillet 2024, elle s’était aussi exprimée dans Le Point, dénonçant des maltraitances sur les élèves. L’enseignante qui a travaillé dans l’établissement de 1994 à 1996, assure dans ces médias en avoir parlé à l’époque de vive voix à François Bayrou. Le rapport d’inspection évoque justement son cas. Le 6 avril 1996, blessée par un élève sorti en courant d’une salle de cours, elle a demandé à son avocat de porter plainte.

L’inspecteur décrit une professeur qui « connaît de sérieuses difficultés dans ses classes ». Les témoignages de « ses collègues professeurs montrent qu’[elle] est arrivée dans ce collège avec un état d’esprit très négatif. Elle aurait exprimé son intention de « démolir Bétharram » considérant que cet établissement utilise des méthodes d’un autre âge », constate le rapport, avant d’affirmer qu’elle n’a pas été agressée. Il recommande de « trouver une solution afin que Madame G. n’enseigne plus dans cet établissement ». »

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Sans doute en est-il allé ainsi, sinon Mme G. n’aurait pas en elle autant de hargne recuite. Sinon elle n’aurait pas tiré les sonnettes de la presse — mais en 2024, on ne s’intéressait pas encore à Bayrou. Il a fallu que le Béarnais devienne Premier ministre, en lieu et place de Mélenchon, pour qu’un média (part) ramasse sa rengaine dans le caniveau.

Peut-on reprocher quoi que ce soit au ministre qui a diligenté l’enquête ? Certes, le rapport est rédigé par de hauts fonctionnaires, et pas par les amis de Louis Boyard, le recalé de Villeneuve-Saint-Georges, ou de Sébastien Delogu, récemment condamné pour violences envers des enseignants à Marseille, et partisan d’affecter la vente de drogues légalisées aux narco-trafiquants. Deux grandes consciences de notre démocratie chancelante, comme on voit. Faut-il les affecter à une contre-expertise, puisque leur parti réclame une enquête parlementaire ?

On se souvient de la Fontaine, dans « Les Animaux malades de la peste » : « À ces mots, on cria Haro sur le baudet ! » À tout pouvoir et à tout contre-pouvoir, il faut un bouc émissaire. Le maire de Pau et actuel Premier ministre passe pour un maillon faible d’une droite incertaine. Mais c’est une feinte : moi qui le connais un peu, je peux affirmer que le Gascon est plus fin, plus adroit manœuvrier et in fine plus courageux que les hyènes qui lui courent aux basques.

Richard Millet, l’homme couvert de femmes

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Richard Millet, Journal 2000-2003 tome III ; Journal 2011-2019 tome V, Les Provinciales.

Richard Millet, tel Lazare, est ressuscité grâce au journaliste Pascal Praud qui l’invite une fois par mois sur le plateau de Cnews. Il aura donc survécu à la « fatwa » d’Annie Ernaux et à sa liste de dénonciation, après la fausse affaire Breivik, prétexte à exclure du comité de lecture de Gallimard un écrivain de talent, mais dont la chaise fait en bois du Limousin n’est pas tournée dans la bonne direction : le camp progressiste. L’écrivain, dont le style ressemble au Gange funèbre qui charrie les cadavres putréfiés de la pensée woke, faisant hurler sur chaque rive les dévots d’un système culturel moribond, publie la suite de son journal intime, le quatrième tome, qui couvre les années 2011 à 2019. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, son éditeur a décidé de rééditer le troisième tome publié par le regretté Pierre-Guillaume de Roux. Le livre était devenu introuvable. Il ravira les fidèles du diariste d’autant plus que ce tome couvrant les années 2000 à 2003 est publié dans une version entièrement revue et notablement augmentée. Remercions au passage la fidélité de son éditeur, Olivier Veron, patron des Provinciales.

Invisible ? Oublié ?

Richard Millet évoque longuement son exclusion sociale, pour ne pas dire sa « mort » sociale, dans le tome IV. Je n’y reviendrai pas. Ou seulement pour rappeler les mots de Frédéric Fredj rapportés par Millet lui-même : « Si vous aviez réellement fait l’éloge de Breivik, vous auriez été inculpé par un tribunal. Cela me suffit. » Rappelons qu’Anders Breivik est un terroriste d’extrême droite qui a perpétré et revendiqué les attentats d’Oslo et d’Utøya qui ont fait un total de 77 morts et plus de 300 blessés, le 22 juillet 2011. Millet a été exclu de chez Gallimard en 2016 après avoir publié un texte critique dans la Revue Littéraire, en partie repris dans Le Point, où il passait à la moulinette une romancière « maison » dont je tairais le nom. La romancière, au lieu d’exiger un droit de réponse, a demandé, et obtenu, la tête de Millet. C’est un peu curieux de la part de la maison Gallimard d’avoir cédé quand on sait que, par exemple, l’antifasciste André Malraux côtoyait le fasciste Pierre Drieu la Rochelle. Mais c’était une autre époque. C’était surtout des écrivains d’un autre niveau. Millet raconte tout cela dans le feu de l’action, sur un ton étrangement détaché, comme s’il était l’un des derniers acteurs d’un monde où l’honneur et la fraternité avaient un sens.

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Ce qui m’intéresse plus particulièrement, c’est de lire le Millet qui écoute de la musique classique, flâne sous le crachin breton, donne des coups de pied, ici et là, à un système vermoulu, à de pâles copistes sans talent, sans charisme, qui auront totalement disparu dans une dizaine d’années, peut-être même avant, et qui pensent avoir révolutionné la littérature. Certaines de ses phrases tuent davantage que les kalachnikovs des soldats du Hezbollah qu’il a vus à l’œuvre à Beyrouth. Il regarde avec un léger mépris tous ces écrivains de salon qui n’ont jamais quitté le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Millet : « Contrairement à tant d’écrivains, je n’ai pas de figure prostitutionnelle : fume-cigarette de Sollers, clope de Houellebecq, chemise blanche de BHL, etc. Je suis invisible – bientôt oublié, mais moins que d’autres, ou pas aussi vite… » J’aime cependant qu’après la mort de Dominique Rolin, Sollers et Millet s’embrassent dans le couloir directorial de « la banque centrale », entendez Gallimard. C’est la condition humaine qui dicte les mouvements de ce ballet des spectres où l’on commet parfois un meurtre par pure jalousie. Le Millet qui me touche le plus, c’est celui qui tente de décrire son Limousin natal, sa « vie parmi les ombres ». Le monde paysan va disparaître et avec lui, la science des saisons, le respect du travail bien fait et la silhouette roide de la femme courage devant la tombe du maquisard, son époux. Millet est touchant quand il regarde la mer, dans un appartement donnant sur l’embouchure de la Rance, Saint-Malo, la tombe de Chateaubriand sur le Grand Bé. « Tu viens de passer une semaine avec une agréable et généreuse jeune femme, écrit-il, qui aime la vie bien plus que tu ne le fais, et qui se bat pour savoir si elle atteindra l’âge de quarante ans. » Béatrice, son épouse, a une tumeur au sein. C’est le basculement. Et pourtant il laisse les autres femmes entrer dans son existence. Il y a K., J., O., Emily… Ses journées sont bien remplies ; d’une femme l’autre, dirait Bardamu. La substance féminine se déploie comme la vague sur la plage du Sillon. Il y aura aussi la châtelaine, et puis… chut ! Sa figure féminine imposée : le carré. Millet : « Complémentarité de quatre femmes, ou bien signe d’un impossible équilibre sensuel, sans lequel je m’effondrerais ? Manière de fuite ? Suis-je immoral – perdu ? Incapable de vivre autrement qu’en mes contradictions, qui me mènent souvent au pire ? » Il ajoute, comme séduit par la confession : « Je fais ce que je peux d’un corps qui est un poids dangereux pour mon esprit… » Introspection qui jette un éclairage shakespearien sur l’écrivain. C’est peut-être là qu’il est le plus poignant, Millet, à l’opposé de ses prophéties qui le condamnent au désert. Millet : « Marche dans la forêt sous la pluie. K. ramasse des châtaignes. Je regarde les feuilles mortes, les branches mouillées, laissant chanter en moi la musique de Pärt. »

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Ivresse

Parfois une scène qu’il décrit ravive en moi un lointain souvenir dionysiaque. C’est dans le tome III. Il est en voyage à Vézelay, avec une certaine Carine, pour une rencontre avec des lecteurs. Puis c’est le dîner sur la colline inspirée chère à Jules Roy. « Le soir descend, violacé, sur la vallée. Joie profonde… » Tout le monde est ivre. À minuit, direction la tombe de Bataille, sauvage et grise, pour y verser de la prune de Souillac. Une voix s’élève pour évoquer celle de Maurice Clavel. Réponse tonitruante de Millet : « On s’en fout ! » Et d’ajouter, titubant entre les stèles : « Allons plutôt honorer celle d’Ysé et de la fille adultérine de Claudel ».

À présent, relire les romans de Millet en cherchant les figures féminines qui s’y cachent…

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Les Tuche à Albert

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Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Je n’avais pas envie de payer un bras au cinéma Pathé d’Amiens pour voir God Save the Tuche, de Jean-Paul Rouve, le cinquième volet de la série. Alors, ma Sauvageonne et moi, sommes allés au Casino d’Albert – qui pratique des prix raisonnables – pour prendre des nouvelles de la singulière famille du Nord de la France. Rassurez-vous : ses membres vont bien ; ils mènent une vie tranquille à Bouzolles. Cathy (Isabelle Nanty), la mère, a créé une baraque à frites ; Jeff (Jean-Paul Rouve), le père, a été élu président du club de football FC Bouzolles. Leur petit-fils, Jiji (Aristote Laios) se voit proposer une semaine de stage en Angleterre. La famille décide de l’accompagner. C’est à peu près là que débutent les nouvelles aventures. C’est du lourd ; du très lourd. Les Bouzolliens sont accueillis dans une charmante demeure par Gordon, un majordome. Puis, c’est le roi Charles III et son épouse Camilla qui les invitent à déjeuner. Les Nordistes accumulent les bourdes ; Jeff serre la paluche au roi comme s’il se fut agi de l’arrière droit du FC Bouzolles ; Cathy enseigne à Camilla une technique bien à elle et salivaire de nettoyer les vitres… Je regarde les gags ; je rigole.

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Les comédiens excellent ; Claire Nadeau, en Mamie Suze, est hilarante ; il en est de même pour Pierre Lottin (savoureux dans En Fanfare) qui incarne Wilfried Tuche. Et que dire de l’immense Bernard Ménez qui joue un Charles III plus vrai que nature ? Fabuleux ! Soudain, cet univers éminemment british me rappelle la bataille d’Albert au cours de laquelle nos alliés britanniques montrèrent un courage inouï, ce au prix de pertes humaines immenses. Les opérations se déroulèrent du 1er au 13 juillet 1916 ; c’était le début de la Bataille de la Somme… Mon grand-père paternel – qui fut blessé lors de l’attaque du bois de Maurepas à quelques dizaines de kilomètres de là – nous parlait souvent de la bravoure absolue de nos amis d’outre-Manche.

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Oui, je repensais à tout ça, à la Grande guerre, à mon grand-père, en sortant du Casino d’Albert. Il faisait une espèce de petit froid humide. Devant le musée local (Somme 1916), la statue du soldat anglais – casque plat et fusil d’assaut – brillait. Nous avancions vers la voiture ; je me sentais partagé entre la franche rigolade générée par God Save the Tuche, et l’admiration mélancolique que je n’ai jamais cessé de développer à l’endroit de nos alliés britanniques qui nous ont aidé à bouter de France les hordes d’outre-Rhin (enfin, pour être précis, les hordes prussiennes et les troupes bavaroises). Certains disent qu’à l’heure de l’Intelligence Artificielle, il faut oublier tout ça. Le Picard que je suis n’en fera rien. C’est dit.

Laxisme dégoupillé, capitale Grenoble

La France se transforme-t-elle en narco-État ? Hier, Bruno Retailleau a commenté l’attaque à la grenade survenue dans un bar de Grenoble mercredi 12: «Vous savez que la kalachnikov est une des armes privilégiées par les narcoracailles, mais là, on est passé au stade supérieur, puisque c’est une grenade» a déclaré le ministre. Il a écarté la piste terroriste, expliquant que l’affaire s’inscrivait dans un contexte de «trafic et de crime organisé», et précisant que le bar visé faisait l’objet d’une procédure de fermeture pour des soupçons de trafics. L’enquête et la traque de l’auteur de l’attaque, toujours en fuite, sont menées par une juridiction spécialisée qui mobilise 20 enquêteurs. Pendant ce temps, le Vert Eric Piolle donne l’impression que sa seule préoccupation est d’apprendre à transformer les grenades en compost bio…


À Grenoble, on attend désormais l’attaque de bar au missile sol-sol. Après le recours à la grenade, on ne pourra faire moins. « Technique de guerre » souligne à juste titre Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur lors de sa visite sur place ce vendredi. Du jamais vu, en effet. Ou en tout cas très rarement. Du moins dans nos contrées jusqu’alors relativement civilisées.

« Je m’en fous »

Deux choses étonnent, et même sidèrent. Tout d’abord, redisons-le, les moyens employés qui ressortissent, effectivement, à ceux qu’on emploie en temps de guerre ou de guérilla ouverte. Mais peut-être en sommes-nous là. Dans ce cas, il serait opportun et urgent de nous en informer, de nous associer aux décisions que cela ne manquerait pas d’impliquer… Puis, stupéfie également le fait en lui-même glaçant que, finalement, nous ne sommes pas autrement surpris. Je n’irai pas jusqu’à dire que nous y étions préparés, mais il y a de cela, comme si nous avions fini par comprendre – sinon accepter – que nous nous trouvons embarqués dans une escalade de violence, de sauvagerie aveugle que plus personne ne semble être en mesure d’endiguer.

Cette réalité-là, épouvantable, le maire de Grenoble la nie tout tranquillement. Pour lui, il n’y pas de « hausse de l’insécurité », déclare-t-il lors d’un entretien accordé à Libération, dégoupillant alors benoitement son laxisme, quelques heures seulement avant le moment où la grenade allait l’être.

Ce n’est pas tout : « Je m’en fous » ose-t-il lâcher face à ceux qui se permettent de contester, de condamner cet impardonnable aveuglement. Bref, nous avons-là en majesté l’abject mépris dont nous saoulent les doctrinaires en chambre de son espèce. Nos peurs, nos angoisses, nos inquiétudes ne sont pas les leurs.

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Chez M. Piolle le laxisme n’est pas l’effet d’une banale paresse mentale ou physique. C’est bien pire. Il s’agit d’un mode de fonctionnement intellectuel parfaitement assumé. L’abjection que lui inspirent les caméras de surveillance me semble aussi révélatrice que le sont, selon nos si estimés psychiatres, nos actes manqués ou nos lapsus révélateurs. Cette prévention contre ces caméras est l’expression en acte de son refus de « voir ». La manifestation bien concrète de son rejet – conscient ou inconscient – du réel. Cette dérobade relève d’une immaturité mentale qu’on pardonne volontiers à l’enfant qui se met les mains devant les yeux pour ne pas voir le croque-mitaine en carton, mais qu’on ne peut que condamner chez l’adulte investi de responsabilités publiques.

Grenoble, métropole apaisée

Même constat crypto psychanalytique lorsque, là encore, tout tranquillement, le maire de Grenoble ose affirmer qu’il serait opportun et urgent d’apprendre à vivre avec les dealers, les intégrer dans le quotidien des quartiers, des immeubles. Il est vrai, M. Piolle, on le sait, est un très ardent apôtre du vivre ensemble.

Malheureusement pour lui, à, entendre ce que les Grenoblois – nombreux- sont venus dire à M. le ministre de l’Intérieur, il est plus qu’évident qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Absolument pas ! Ce qu’ils ont exprimé, excédés mais dignes, est le cauchemar de l’insécurité qui plombe leur existence chaque jour, chaque nuit. Ils sont venus dire que, au vivre ensemble façon Piolle, ils préféreraient de beaucoup le vivre en paix. Ce bien commun, précieux entre tous que, en théorie du moins, les représentants du peuple – tous, à tous les niveaux – doivent – chacun à son poste et avec ses moyens – s’efforcer de leur apporter.

M. le ministre Retailleau n’est évidemment pas porteur du remède miracle. Mais il donne toutes les apparences d’être habité de la volonté de travailler dans ce sens. C’est déjà cela. Et puis, comme j’en étais au décryptage dans le genre psychologie de fin de banquet, alors qu’il s’avançait dans les rues de la ville, parka quasi militaire bien fermée jusqu’en haut, je me suis surpris à me dire que sa tenue me faisait davantage penser à celle, guerrière, d’un Zélensky qu’à ces costumes si joliment cintrés en vogue chez nos petits marquis de ministères… Un signe encourageant, peut-être ? On se raccroche à ce qu’on peut.

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Libertés du quotidien: le combat qui manque à la droite française

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Sans se révolter, les Français apprenaient récemment de l’Ademe qu’une culotte propre chaque matin était la seule concession à l’équilibre de la planète. Pour tous les autres vêtements, ils sont priés de les porter à plusieurs reprises avant de les passer dans la machine à laver… La droite française, engluée dans la paperasse et ses demi-mesures, devrait troquer ses calculettes pour une dose de populisme libéral façon Trump ou Milei, histoire de redonner aux Français le droit sacré de faire un barbecue sans l’aval de dix agences gouvernementales.


Pour les économistes, la vie économique marche sur deux jambes qu’on peut distinguer : 1) la production de biens portée par les entreprises et commandant le niveau de vie à long terme ; 2) la production d’utilité par les personnes dans leur vie privée. Ils les étudient respectivement dans la théorie de la croissance et la théorie du développement. En effet, le développement peut s’interpréter assez facilement comme une agrégation des utilités individuelles ou des « bonheurs » individuels, ce qui est quasiment un synonyme.

Malgré Fukuyama et sa « fin de l’Histoire», la bataille des systèmes économiques et politiques fait rage, opposant les socialistes, étatistes et progressistes de gauche aux libéraux de droite. Ces derniers doivent prendre à leur charge la défense des libertés sur les deux plans de l’orientation productive et de l’orientation populiste du bonheur.

Milei et Trump montrent la voie

La droite internationale nouvelle, celle de Javier Milei et de Donald Trump, réalise cette double tâche et remplit complètement son contrat intellectuel et moral. On la voit désormais combattre les dépenses publiques exagérées et relancer le secteur économique privé en baissant les impôts des entreprises mais aussi s’attaquer aux multiples pressions (wokisme, écologisme politique…) qui pourrissent la vie des gens au quotidien. Cette double démarche est celle du libertarianisme, mot savant pour désigner la droite véritable remplissant ses deux missions en faveur de la prospérité matérielle et des libertés au jour le jour. Observons en outre qu’ils conçoivent l’action au plan national, espace rêvé pour la liberté individuelle.

Ces perspectives soulèvent des espérances nouvelles. La question que tous les Français se posent est celle de savoir si ces coups de boutoirs libéraux du grand large ont quelque chance d’entraîner leur pays sur une même pente libérale. Leur « droite » est-elle et sera-t-elle à la hauteur de ce mouvement bien exotique ? On peut raisonnablement en douter. Par sa composition politique et sociale, la droite française a eu en effet pour vocation principale de tenir (mal) le front de la liberté des intérêts économiques privés et de leurs investissements tout en mettant en place une série de relais publics nationaux et internationaux qui se sont rapidement gauchis. Mais surtout, elle passe et passera sans doute complètement à côté du populisme libéral de la vie courante. Elle l’a toujours fait, à l’exception des « Patriotes », pour les gilets Jaunes et pendant le Covid, ainsi que « Reconquête ! » depuis. Comme par hasard, ce sont les grands amis de Donald Trump !

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En théorie économique, la production d’utilité-bonheur et son élaboration par les personnes privées elles-mêmes, selon le principe Beckerien élargi, implique plusieurs facteurs :

  • les flux de revenus rémunérant les éléments de capital possédés dans la sphère de production de biens : capital physique, temps de travail, culture professionnelle notamment ;
  • la consommation et les cultures humaines qu’ils permettent d’obtenir, en quantité et structure optimales ;
  • le patrimoine privé cumulant les épargnes et héritages du passé ;
  • beaucoup de cultures humaines diverses et de « mentalités-vertus » acquises ou transmises ;
  • le temps à répartir ; 
  • enfin, un facteur de protocoles juridiques et réglementaires et les pressions régissant la vie personnelle.

Chaque personne, seule ou en famille, a sa propre fonction de bonheur à maximiser, dépendant de tous les éléments précédents. Quand en janvier on souhaite la bonne année à un parent ou un ami, on se place par l’esprit en observateur de sa fonction d’utilité-bonheur et si on le connaît vraiment bien, on sait ce qui compte pour lui : santé, voyage, sport, argent, belle voiture, réussite des enfants… Dans tous les cas on lui souhaite au préalable d’être libre d’œuvrer librement pour y parvenir. Mais on est parfois loin du compte…

La France étouffe

La montée du socialisme et l’amenuisement des libertés concrètes roulent en flot ininterrompu en France sous la forme de pressions et de protocoles juridiques et réglementaires de plus en plus étouffants : faire ceci ou cela, respecter des limitations de vitesse ridicules, faire contrôler sa maison, obtenir un certificat pour louer, ne plus pouvoir louer, se numériser à l’extrême, subir la fausse complaisance de ses fournisseurs ou de sa banque pour faciliter leur gestion à eux, créer un espace obligatoire, saborder sa voiture diesel dans la rade de Toulon… sans parler de tout ce qui attend dans la coulisse : suppression des espèces, reconnaissance faciale, carte des voyages en avion autorisés, « pass sanitaire » généralisé, puce sous la peau, jours où il fera trop mauvais pour avoir le droit de sortir, interdictions des préfets pour la pêche à pied, la chasse, le barbecue… On ne fait plus ce que l’on veut de son temps, de son patrimoine, ni même pour éduquer ses enfants. Les communes obéissent aux fonctionnaires des intercommunalités obligatoires sous prétexte d’économies de gestion jamais réalisées ; les agences (ADEME, ARCOM, OFB…) vous conseillent, vous surveillent et des sanctions pleuvent, tant sur les professionnels que sur les personnes.

Les moteurs de cette évolution sont certes l’action délibérée des hommes de pouvoir mais aussi et peut-être surtout, l’absence de réaction de la majorité soumise et fatiguée du peuple. On l’a vu de façon consternante au moment du Covid. Leur contexte est celui d’une réduction dramatique du tissu affectif national où les individus se regardent en chiens de faïence.

Notre siècle voit la disparition progressive du droit fondamental des individus et des familles à définir librement leurs fonctions d’utilité et à agir en conséquence. Sur ce point que nous signalons, les partis de droite, s’éloignant du peuple, ont été muets depuis fort longtemps, pour tout dire depuis Georges Pompidou, manquant ainsi gravement à ce combat existentiel.

« Bonne et heureuse vie » serait donc certainement le meilleur slogan des partis de droite s’ils prenaient enfin conscience de l’exaspération populaire sur l’utilité et la vie courante. Mais ils vont au contraire se contenter d’un vague combat pour le pouvoir d’achat, certes important mais besogneux et à effet trop lointain. À noter pourtant l’opération récente contre les ZFE (Crit’ Air Libre) où le RN vient de s’engager avec les automobilistes.

Pour réussir vraiment et rejoindre le mouvement d’émancipation international des peuples occidentaux, la droite devrait entreprendre une politique plus nettement populiste en faveur des libertés du quotidien.

Le wokisme a encore frappé à Bruxelles: une sculpture trop «patriarcale» remplacée par une «œuvre» féministe

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La Maturité, Victor Rousseau, Bruxelles. Wikimedia commons.

Jugée trop patriarcale, une œuvre abritée dans le square de la Maturité à Bruxelles va être remplacée par des déchets de chantier, ce qui est plus raccord avec notre époque déconstruite.


Le wokisme a encore frappé : à Bruxelles, encore elle, la sculpture portant le joli nom de La Maturité sera bientôt remplacée par une œuvre… « féministe » qui sublime… les « déchets de chantier » – précisons d’emblée que l’objectif de notre réflexion n’est pas de tenter de clarifier le lien entre « féminisme » et « déchets de chantier » ; nous laisserons cette tâche aux esprits plus éveillés et moins étriqués que les nôtres.

Aperçu de ce à quoi pourrait ressembler la future oeuvre. DR.

Cancel culture : oui, mais non…

Peu semble importer que l’œuvre aujourd’hui vouée à la disparition de l’espace public, travaillée dans le marbre de Carrare par Victor Rousseau, figure depuis un siècle près de la Place du Marché au Bois dans le centre de la capitale, non loin de la Gare centrale, les médiocres censeurs de la modernité décadente ont tranché : elle est trop patriarcale. Les autorités bruxelloises ont refusé de la protéger et l’ont donc condamnée au déclassement.

Se tenant aux côtés d’un homme barbu trônant fièrement sur un drap et semblant contempler l’avenir avec assurance, des personnages féminins et… masculins figurent dans diverses positions, agenouillée, assise ou se tenant par la main. Les fleurs qui ceignent le front d’une femme et les éléments végétaux qui forment un tapis structurant, les regards qui tantôt se perdent dans le lointain, tantôt se fixent dans les yeux les plus proches, la nudité plus ou moins affichée rehaussent l’œuvre de différents niveaux de lecture, allant de la contemplation de la Beauté à l’interprétation allégorique.

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Si Victor Rousseau souhaitait une œuvre intemporelle, il ignorait que les adeptes de la cancel culture auraient raison d’elle. Mais pas totalement, nous rassure-t-on, car elle sera officiellement « conservée, restaurée et replacée dans un lieu où elle sera mise en valeur», échappant à sa réduction en gravats, sans doute parce que son auteur fut rattaché au courant progressiste. Celui-ci était un artiste reconnu, remportant le grand prix de sculpture de Rome en 1911. Mais son goût pour l’antiquité greco-romaine et sa conception du corps humain, dans sa nudité, auront eu raison de son talent.

Verbiage

Le « Rückbaukristalle » qui remplacera « La Maturité » sera réalisé par l’artiste d’origine autrichienne Aglaïa Konrad. Celle-ci est spécialisée dans les œuvres mettant en exergue l’espace urbain dans un environnement globalisé – comprenez qu’il n’y a, chez elle, que peu d’appétence pour l’enracinement et la permanence dans le temps. Les premières images de sa « chose » font craindre le pire : on peut y voir des blocs sans âme assemblés verticalement. Tout cela doit officiellement « rendre hommage [aux déchets de chantier] sous une forme tendre et sculpturale” et assurer “une représentation du développement perpétuel d’une ville.” Un charabia finalement aussi incompréhensible que l’œuvre, comme si l’art dans lequel les décadents excellent était celui d’enrober la laideur d’un verbiage dont ils sont les seuls interprètes.

Tout concourt à la déconstruction de l’identité de Bruxelles pourtant riche d’une histoire pluriséculaire : celle-ci est désormais mise à mal par une immigration massive qui sape ses fondements et une insécurité galopante – elle est la deuxième ville européenne où il y eut le plus de fusillades en 2024, derrière Naples et devant Marseille. On pouvait se rassurer en se répétant naïvement que la culture restait, une fois que tout était oublié : il n’en est désormais plus rien, même elle est attaquée au burin progressiste. 


De Soljenitsyne à JD Vance

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Alexander Soljenitsyne aux États-Unis, septembre 1991 © LINE/SIPA, et JD Vance à la conférence de Munich sur la sécurité, Allemagne, 14 février 2025 © dts News Agency Germany/Shutters/SIPA

Le discours de JD Vance qui a choqué les Européens postule également que l’Occident n’est pas condamné à se soumettre à l’émergence du Sud global.


L’Occident a enfin entendu ce que lui a dit Alexandre Soljenitsyne à Harvard, le 8 juin 1978, dans son discours sur le « déclin du courage ». Cette prise de conscience s’est exprimée par la voix du vice-président des Etats-Unis, James David Vance, le 14 février 2025 à Munich. Il y a là plus qu’un écho.

Oh, bien sûr, les deux discours sont différents. L’âme slave, et la soif d’entreprendre américaine. Le dissident exilé, et le vice-président arrivant au pouvoir. L’orthodoxe, et le catholique. Et pourtant. Deux hommes de foi, remarquablement intelligents, se faisant une haute idée de l’Occident, montrant un profond respect envers les peuples occidentaux et envers la grandeur dont ils sont capables, qui nous disent ce que nous devons impérativement entendre.

Le grand frère se fâche

Ne soyons pas naïfs : Vance sert avant tout les intérêts américains, c’est son rôle. Si enthousiasmant soit le trio qu’il forme avec Donald Trump et Elon Musk, si jubilatoire soit leur message « l’Occident est de retour ! » pour quiconque est attaché à notre civilisation, rien ne garantit que les Etats-Unis ne retomberont pas dans quatre ans entre les mains des soi-disant « progressistes », qui restent bien décidés à détruire cette civilisation. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas nous reposer paresseusement sur le « grand frère » américain, dont l’avenir est encore incertain même s’il y a de bonnes raisons d’être optimiste. D’ailleurs, JD Vance exhorte justement l’Europe à se reprendre en main, à s’assumer, à refuser sa propre relégation aux marges de l’histoire. Il dénonce la soumission à l’immigration massive pour ce qu’elle est : un suicide. Et il invite les dirigeants européens à laisser leurs peuples s’exprimer librement et à les écouter, pour sortir par le haut de la crise démocratique actuelle.

Que le camp « progressiste » qui s’est emparé des rouages de l’UE juge un tel discours hostile en dit long. Et prouve, s’il en était besoin, que ce n’est certainement pas par un ralliement à ce camp, sous quelque prétexte que ce soit, que nous pourrons construire une Europe-puissance : toute puissance mise entre les mains des « progressistes » sera utilisée contre les peuples européens et contre la civilisation européenne, donc contre l’Europe – qu’il ne faudrait surtout pas confondre avec les institutions de l’UE.

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On pourra toujours trouver à redire dans les propos de JD Vance, juger sa vision de la démocratie trop optimiste, pour ne pas dire naïve. Il y a du Périclès dans son enthousiasme, et l’hégémonie américaine sur l’Occident a sa part d’ombre, comme l’avait l’hégémonie athénienne sur la Ligue de Délos. Les Etats-Unis considèrent depuis longtemps la planète comme un plateau d’échecs qui leur appartiendrait (mais Trump bien moins que les autres présidents qui se sont succédés dans le bureau ovale depuis la fin officielle de la Guerre froide). La théorie de la « destinée manifeste » et sa religiosité peuvent amuser ou inquiéter. La soumission de l’économie mondiale au dollar ne bénéficie qu’aux Etats-Unis. Imaginer Trump et Poutine organisant un nouveau partage de Yalta – mais cette fois sans Churchill – vaut mieux qu’une Troisième Guerre mondiale, ou que le triomphe du wokisme, de l’islamisme ou des narco-traficants, mais n’a par ailleurs rien de particulièrement réjouissant. Soit.

Mais j’invite vraiment le lecteur à se faire son propre avis, à écouter ou à lire par lui-même le discours du vice-président américain. Ne vous contentez pas de ce que d’autres en disent, pas même moi ! Et vous verrez. Je n’ose y entendre les propos d’un ami : les Etats n’ont pas d’amis, seulement des intérêts. Mais ce sont assurément les paroles d’un authentique allié, qui veut ses alliés forts et dignes, et qui nous pousse à faire dans nos pays ce qu’il vient lui-même de faire dans le sien (Vance ne nie pas les errements qui furent ceux des Etats-Unis), pour relever la tête et renouer avec ce que nous n’aurions jamais dû cesser d’être – avec ce que Soljenitsyne lui aussi nous appelait à redevenir.


Ainsi, à Harvard déjà il était question de liberté d’expression : « On découvre un courant général d’idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d’esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d’intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d’une compétition, mais d’une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant. » Depuis, la soif de censure de la gauche et de l’extrême-centre ne se cache plus. Souvenons-nous des propos de François Sureau lors de son entrée à l’Académie française en 2022 : « Je ne sais ce que Max Gallo aurait pensé du moment où nous sommes (….) le citoyen réduit à n’être plus le souverain, mais seulement l’objet de la sollicitude de ceux qui le gouvernent et prétendent non le servir, mais le protéger, sans que l’efficacité promise, ultime justification de ces errements, soit jamais au rendez-vous. Non, je ne crois pas que ce disciple de Voltaire et de Hugo se réjouirait de l’état où nous sommes, chacun faisant appel au gouvernement, aux procureurs, aux sociétés de l’information pour interdire les opinions qui le blessent ; (….) où gouvernement et Parlement ensemble prétendent, comme si la France n’avait pas dépassé la minorité légale, en bannir toute haine, oubliant qu’il est des haines justes et que la République s’est fondée sur la haine des tyrans. La liberté, c’est être révolté, blessé, au moins surpris, par les opinions contraires. Personne n’aimerait vivre dans un pays où des institutions généralement défaillantes dans leurs fonctions essentielles, celle de la représentation comme celles de l’action, se revancheraient en nous disant quoi penser, comment parler, quand se taire. »

« Basket of deplorables » et « Gaulois réfractaires »

Depuis que JD Vance s’est exprimé, les dirigeants européens « progressistes » paniquent. Leurs relais parlent « d’ingérence » pour un simple discours, ces mêmes relais qui n’ont jamais rien trouvé à redire à l’authentique ingérence américaine lorsque les milliards de l’USAID alimentaient la propagande de leur camp. Ils tentent de détourner l’attention en la focalisant sur la question ukrainienne, allant parfois jusqu’à sombrer dans le complotisme en accusant Trump et Vance d’être inféodés à Poutine. Aujourd’hui même, le 17 février, Emmanuel Macron organise un sommet européen sur le sujet.

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Il a presque un an, je m’interrogeais sur l’étrange bellicisme de notre président et de ses soutiens dès qu’il est question de l’Ukraine, ou plus exactement sur le contraste flagrant entre ce bellicisme et une pusillanimité systématique dans tant d’autres circonstances. Soyons clairs : ceux qui invoquent de grands principes dès qu’il est question de l’Ukraine mais les « oublient » fort opportunément pour se coucher devant les Comores, l’Algérie, l’Azerbaïdjan, l’Iran, le Qatar, ne sont évidemment pas animés par les principes qu’ils invoquent – pas même dans leur approche de l’Ukraine. Il y a un an, je faisais plusieurs hypothèses sur ce que pouvaient être les motivations d’Emmanuel Macron et des « progressistes ». Avec le recul, j’en retiens surtout deux : « un prétexte pour transférer toujours plus de pouvoir aux institutions non-élues de l’UE au détriment de la démocratie, et sans doute renforcer le contrôle de l’information ; l’appétit pour les opportunités qu’une « économie de guerre » offrirait à Bercy. » Et j’en ajoute aujourd’hui deux autres.

La première est la fin de l’USAID. Les « progressistes » gouvernent contre les peuples, par définition : des deux côtés de l’Atlantique, ils veulent imposer ce qu’ils appellent « progrès » aux « basket of deplorables » et aux « Gaulois réfractaires ». Ils ne sont au pouvoir que grâce à une propagande éhontée, imposée dès l’enfance. Or, nous découvrons aujourd’hui que cette propagande bénéficiait très largement de l’USAID, voire en dépendait. La fin de l’USAID, le fait que les GAFAM et même Disney affirment renoncer à leur obsession pour la politique wokiste dite DEI (Diversité, Equité, Inclusion), montre aux « progressistes » européens que leur pouvoir vacille, et que l’un des principaux piliers de leurs situations confortables disparaît. Il leur faut donc de toute urgence un prétexte pour raffermir leur contrôle sur des peuples qui, si la propagande permanente ne les endort plus, pourraient bien leur demander des comptes.

La seconde est, peut-être, encore plus importante : Donald Trump, James David Vance et Elon Musk prouvent au monde entier que l’action est possible, et donc que si nos dirigeants ne font rien ce n’est pas parce qu’ils ne le peuvent pas, mais parce qu’ils ne le veulent pas. Que ce soit parce que la tiers-mondisation de nos pays sert leurs intérêts, ou parce qu’ils sont trop lâches pour s’y opposer. Depuis le 20 janvier 2025, l’Amérique nous montre qu’il n’y a pas de « sens de l’histoire » auquel il faudrait impérativement se plier, que le désenchantement n’est pas inéluctable, que le déclin de l’Occident devant le « Sud global », et la soumission des peuples occidentaux à la « diversité », ne sont pas une fatalité. Qu’un peuple qui relève la tête peut redevenir maître de son destin. Voilà ce que craignent plus que tout les « progressistes » : que les peuples européens relèvent la tête. Et c’est précisément ce à quoi Soljenitsyne et Vance nous invitent.

Conseil Constitutionnel, référendum: Macron ou l’horreur du vide

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Ricahrd Ferrand et Emmanuel Macron, Paris, 20 février 2019 © Erez Lichtfeld/SIPA

A l’exception de Philippe Bas qui semble faire l’unanimité, tous les noms proposés pour rejoindre les Sages du Conseil constitutionnel font polémique. Pendant ce temps, le locataire de l’Elysée se demande quelle question il pourrait bien soumettre à référendum.


Alors que la fin de son mandat se rapproche, Emmanuel Macron ne sait plus quoi penser pour faire oublier que, de par la cohabitation d’un autre type qu’il a provoquée, sa présidence est réduite à une sorte de néant qu’il assume de façon erratique. Et l’on passera sur les images délirantes et dégradantes qu’il a mises sur les réseaux le mettant en scène pour illustrer l’IA son nouveau cheval de bataille.

C’est donc sur le Conseil Constitutionnel (CC) et, une fois encore sur le référendum, que l’actuel locataire de l’Elysée se défoule.

Quant au CC, le mandat de Laurent Fabius, nommé par F. Hollande en 2016,  à la tête du Conseil arrive donc à son terme. Que l’on apprécie ou pas l’ancien Premier ministre, on ne peut contester ses qualités en matière institutionnelle. Enarque, conseiller d’Etat de formation, il a été ministre à plusieurs reprises et surtout à Matignon. Ainsi qu’il l’a confié durant un colloque voici quelques années déjà, il « apprit aussi beaucoup de la Constitution aux côtés de Mitterrand et Charasse ».

Déséquilibre

Bien évidemment sous sa présidence, la jurisprudence du CC a plutôt penchée nettement du côté « droit de l’hommisme ». Les dernières décisions en attestent (y compris sur le concept de fraternité ou le suivi des terroristes sortant de prison). Tous les analystes autorisés se rejoignent pour dire que, jusqu’en 2019 date de l’arrivée d’Alain Juppé, l’ancien maire du Grand-Quevilly règne en maitre sur le Conseil. Il n’y a en effet pas un seul juriste digne de ce nom dans ce cénacle (anciens magistrats, avocats, fonctionnaire parlementaire, élue locale). On veut dire par là qu’il n’y a plus au Conseil un seul constitutionnaliste. La dernière fut Nicole Belloubet, professeur de droit public (dont l’activité scientifique est tout de même réduite à la portion congrue) de 2013 à 2017. Et pourtant au sein des neuf Sages, il y eut des personnalités éminentes du droit public mais aussi du droit privé. Pas moins de douze professeurs, essentiellement de droit public, depuis la création du Conseil constitutionnel, ont accédé à l’institution. Si l’on ne devait en citer qu’un seul, ce serait le doyen Georges Vedel, que nous avons eu l’honneur de connaitre. Si le droit avait un prix Nobel, il lui serait revenu sans conteste. L’influence du doyen Georges Vedel sur notre droit a été décisive. Il a apporté au droit administratif, au droit constitutionnel et à la science politique un enrichissement sans borne. Plus particulièrement, il a marqué également de son empreinte son passage au Conseil constitutionnel. Georges Vedel a été nommé comme membre en février 1980 par le président Valéry Giscard d’Estaing, sur une suggestion, dit-on, de Raymond Barre. Au demeurant, il est seulement, au moment de son entrée en fonction, le 6ème professeur de droit, après René Cassin, Marcel Waline, François Luchaire, Paul Coste-Floret et François Goguel à avoir été désigné membre du Conseil constitutionnel. Toutefois, la pratique des nominations semble implicitement obéir aussi  à des « quotas » de manière à préserver les équilibres selon les spécialités ou les fonctions occupées avant l’entrée en fonction des membres. De fait, une place reviendrait donc à un universitaire. Ainsi, au titre des professeurs de droit, Georges Vedel succède à François Goguel et il sera lui-même remplacé, à sa sortie en février 1989, par Jacques Robert. Lui-même étant remplacé par notre maitre Jean-Claude Colliard. N’oublions pas non plus dans cette galerie de grands conseillers, Robert Badinter professeur de droit privé. Il s’avère que la contribution de ces universitaires à l’élaboration et à l’essor des méthodes de travail et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel a été considérable, au point d’approfondir les rapports entre fonction doctrinale et fonction de juger. Mais étant donné que, et même la présence de Mme Belloubet n’y a rien changé, il n’y a plus ce genre de membres, il ne faut pas s’étonner que la jurisprudence du Conseil ait assez largement perdu en qualité. Le plus souvent des décisions militantes ont succédé à des décisions structurantes.

Alors E. Macron a donc décidé de récompenser un des derniers grognards de sa campagne de 2017 : Richard Ferrand. Comme l’ont souligné la majorité de nos collègues, ce choix traduit davantage une amitié politique qu’un arbitrage fondé sur les compétences et garantissant l’autorité institutionnelle des Sages. Bien sûr des présidents ont déjà nommé des proches. Ainsi Mitterrand avec Badinter et Charasse. On a parlé ci-dessus des qualités éminentes du premier. On ne peut nier celles du second, praticien hors pair de la constitution. Bien évidemment ils étaient des socialistes bons teints. On fera une exception avec Roland Dumas. Avocat certes. Mais qui était considéré comme fort sulfureux. Mitterrand avoua un jour : « j’ai deux avocats : Robert Badinter pour le droit et Roland Dumas pour le tordu ».

Chirac ne dérogea pas à la nomination de proches avec notamment Pierre Mazeaud et Jean-Louis Debré. On ne peut reprocher à ceux-ci de ne pas être juristes et des connaisseurs éclairés du texte constitutionnel. Le second étant même né dedans en quelque sorte (titulaire d’une thèse de droit relative aux idées constitutionnelles du général de Gaulle).

Emmanuel Macron fait partie de ces présidents qui, depuis Nicolas Sarkozy, ne connaissent strictement rien à notre texte fondamental. Rappelons tout de même que Richard Ferrand est un des personnages centraux de l’ « Affaire des Mutuelles de Bretagne » (qui débute en 2010). En octobre 2022, la Cour de cassation confirme la prescription des faits sans conclure sur le fond de l’affaire. L’arrêt de la Cour devrait mettre fin aux poursuites contre Richard Ferrand. Il existe aussi des soupçons d’emploi fictif de son fils et d’un proche à l’Assemblée nationale. De même citons un achat immobilier avec son indemnité de représentation parlementaire.

A lire aussi, Jean-Eric Schoettl: Loi immigration : désaveu d’échec

Alors non seulement ce personnage est un ami proche du chef de l’Etat mais il est aussi sulfureux. Surtout, s’il a fait un peu de droit à Toulouse et Paris V (en tout deux ans), il est avant tout un peu entrepreneur mais surtout apparatchik socialiste qui va monter les échelons de l’élu local puis, en 2016,  découvrir et œuvrer pour la macronie. Son seul titre de gloire est d’avoir été porté par celle-ci à la tête de l’Assemblée nationale de 2017 à 2022. Il y sera le défenseur zélé de son mentor élyséen. Cet homme a-t-il seulement lu une seule fois notre Constitution ?

Rappelons qu’au titre de l’art. 13 C le Parlement peut contester cette nomination puisqu’en son ultime alinéa il est précisé : « le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ». Dans le cas de Richard Ferrand ça le mériterait.

Avec une présidence pareille, le CC est en danger. Déjà que, selon nous, il dérive gravement contre notre société. Droits humains prennent le pas sur les droits des citoyens.  Nous reprenons pleinement à notre compte l’analyse de Jean-Eric Schoettl. Le Conseil comme le Conseil d’Etat d’ailleurs se fourvoient trop souvent depuis quelques décennies. On en arrive de toute évidence à quelque chose de grave : une Démocratie au péril des prétoires (Gallimard, « Le Débat », 2022).

Il va y avoir d’autres nominations. Mme Braun-Pivet a annoncé Laurence Vichnievsky. L’ancienne juge (affaire Elf) et ex-député Modem du Puy-de-Dôme qui n’a pas plus de références constitutionnelles (voire moins) que Mme Luquiens qu’elle doit remplacer. En revanche M. Larcher devrait se tourner vers Philippe Bas, conseiller d’Etat, sénateur, qui dirigea le Secrétariat général de l’Elysée sous Chirac et fut aussi son ministre. Son expertise ainsi que ses rapports font autorité (rappelons celui sur l’affaire Benalla). C’est la seule de ces trois nominations qui fera, à coup sûr l’unanimité.

Référendum : le président s’amuse !

La seconde grande affaire d’Emmanuel Macron (avec l’IA) c’est une fois encore le référendum. Nous l’avons souligné à plusieurs reprises dans ces colonnes, le président « s’amuse ». Il ne sait plus quoi faire pour recoller à une opinion qui lui a complètement échappé. Ainsi d’ici au début du printemps, il aura arrêté sa réflexion sur le ou les sujets sur lesquels il veut consulter les Français. Il l’avait déjà évoqué le 31 décembre dernier. Il se trouve que depuis vingt ans exactement, il n’y a plus eu de référendum en France. Le dernier date du 29 mai 2005. Jacques Chirac avait alors soumis à ratification le projet de traité constitutionnel européen, élaboré durant les mois précédents. 54,7% des Français avaient rejeté celui-ci. Par la suite, ce « non » inattendu avait généré un profond traumatisme. Ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande n’avaient voulu rééditer l’expérience malheureuse de leur prédécesseur, qui après ce désaveu avait connu une fin de présidence sans rebond possible.

Deux choses essentielles doivent habiter l’esprit, un peu agité en ce moment, du chef de l’Etat. D’abord que, vu l’état de défiance que lui voue l’opinion (moins de 20% de soutiens), quelle que soit la question posée, le Non risque de l’emporter. Car, les votants s’intéresseront plus à celui qui pose la question (et dont ils ne veulent plus) qu’à la question posée. Même s’il y a dans la population une envie certaine de référendum. Plusieurs études montrent que  les Français semblent avoir des priorités bien définies quant aux thèmes sur lesquels ils souhaiteraient être consultés. En tête des préoccupations : la question de la fin de vie, avec 84 % de répondants qui se disent favorables à une consultation sur ce sujet et avec 53 % « tout à fait favorables ». L’immigration arrive juste derrière, avec 74 % souhaitant pouvoir s’exprimer, notamment sur les aspects sociaux (accès au logement, aux allocations, etc.). Les thématiques liées au travail suscitent un même niveau d’intérêt (74 %), qu’il s’agisse de la durée du travail, de l’âge de la retraite, de la semaine de trois ou quatre jours ou encore des jours fériés. Tout çà ne peut que mûrir dans l’esprit aux aguets (aux abois) du président Macron. Mais, et c’est le deuxième bémol,  le champ du référendum, nous l’avons dit ici aussi, est délimité assez strictement par l’art.  11 C al 1 : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions » . Dans tout ce qui « plait » aux Français, hormis les réformes relatives au travail, le reste n’entre pas dans le champ référendaire actuel. La fin de vie (sujet beaucoup trop sensible) et l’immigration (encore plus) n’y sont pas. Imagine-t-on un instant des questions aussi stupides que : êtes-vous pour le suicide assisté ou êtes-vous pour ou contre l’immigration ? Avec la valse des crimes commis par des OQTF sur notre territoire depuis quelques temps, la seconde question serait assez vite réglée ! Même s’il est clair que la France ne peut plus faire l’économie d’une vaste réforme structurelle de son immigration. Seule une modification du champ référendaire pourrait permettre de lancer de nouveaux référendums. Mais cela nécessite une révision constitutionnelle et, étant donné le contexte politique actuel, cela relève d’une gageure complète. Une révision avec l’art. 89 C est illusoire dans le contexte politique actuel. Quant au recours à l’art 11 C, on retombe dans les affres citées ci-dessus.

Nous assistons à la fin d’un mandat qui, irrémédiablement tiré vers le bas,  cherche tout de même comment sortir par le haut. Vaste programme !… Le seul référendum qui vaudrait la peine selon nous est celui où, quel que soit le sujet, le président saurait tirer les conséquences d’un résultat négatif. La plus impérieuse serait de quitter le pouvoir.


Pour comprendre son pays, Monsieur le candidat (NDLR : E. Macron), il faut l’aimer comme on aime ses parents, avec bienveillance ce qui n’exclut pas la lucidité. Cela s’appelle le patriotisme et je l’attends d’un Président. Vous l’avez sacrifié dans une expression torturée. Vous avez choisi sans doute ce que vous pensiez être l’intérêt de votre image médiatique dans la pensée convenue. Vous avez marqué votre mépris pour ces générations modestes et laborieuses qui ont su construire dans les épreuves comme dans les pages de gloire, en métropole comme en outremer. Le désamour de la France n’est pas digne de votre ambition (Gérard Longuet).

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Les ventres de Paris

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Sebastina et Nino Pinna, rue du Faubourg-Saint-Antoine © Emmanuel Tresmontant

Traiteur, boulanger, torréfacteur, fromager… Chacun possède ses « bonnes adresses », son fournisseur attitré, réputé dans son quartier, ou au-delà, pour la fraicheur de ses produits, pour leur qualité voire leur originalité. Dans ce domaine, la capitale n’est pas en reste. Petit tour de la ville pour remplir son assiette.


Il existe une géographie sentimentale de la ville qui ne peut s’exprimer que par la poésie, celle éprouvée, au quotidien, par celui qui y vit, et qui sait avoir été peu à peu « façonné » par elle.

Personnages singuliers

Paris, malgré toutes ses blessures, continue à nous inspirer des pensées, des sentiments, des tendresses. En marchant, nous accordons notre respiration à la sienne, nous sentons ses odeurs, nous captons ses lumières et la fatigue que nous ressentons se mue en joie : celle de découvrir un « terroir parisien » toujours existant, toujours renouvelé, plein de ressources et peuplé de personnages singuliers qui sont le sel de cette capitale.

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Ainsi vouons-nous, depuis toujours, une tendresse particulière à ces adresses vieillottes qui ne paient pas de mine, devant lesquelles on passe et qui ne font pas la une des gazettes. Elles ont pourtant traversé le temps ! Je songe à la Boulangerie-Pâtisserie Dupuis, créée en 1980, rue Cadet (dans le 9e arrondissement), dont la spécialité demeure la tarte Tatin. Tous les matins, Monsieur Dupuis pèle plusieurs kilos de pommes à la main. Sa tarte bien caramélisée est exquise réchauffée et servie avec une cuillère de crème fraîche. Je songe aussi à ce petit traiteur grec, Produits de Grèce, ouvert en 1978 rue Lagrange (5e) par les Crétois Dimitri et Fotini Kalantzakis qui furent les premiers à faire découvrir le tarama aux Parisiens… Chez eux, tout est fait maison dès cinq heures du matin (aubergines farcies, moussaka, gâteau moelleux traditionnel à l’orange et au yaourt). Leur cuisine n’est pas grasse et leurs produits sont tous délicieux, à l’image de l’huile d’olive de Crète (« c’est un cousin qui la fait »), ou du miel de thym et de la confiture de pétales de rose faite par des moines du Péloponnèse… Dans cet ancien fief des ébénistes et des menuisiers qu’est la rue du Faubourg-Saint-Antoine (11e), j’aime rendre visite, chaque dimanche, à un couple charmant, Sebastina et Nino Pinna, deux Sardes dont les gnocchis, les raviolis et les lasagnes maison sont toujours un régal. Créée en 1986, leur boutique, réputée dans tout le quartier, s’appelle Soboa (« la jeune fille » en patois sarde).

Le second plus ancien marché de Paris

À cent mètres de là, c’est toujours un bonheur que d’aller s’immerger dans le petit « village » d’Aligre. Né en 1618, ce marché (le plus ancien de Paris après celui des Enfants-Rouges) était alors situé hors de la capitale, face à l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs (devenue l’hôpital Saint-Antoine). Il était tenu par les bouchers qui louaient le terrain aux religieuses. Peu à peu, il fut envahi par les marchands ambulants et les vendeurs de foin auprès de qui venaient s’approvisionner tous les propriétaires de chevaux de Paris. Accueillant toutes les classes sociales, Aligre se visite aujourd’hui comme un écomusée vivant (à l’image de sa célèbre Graineterie, la dernière de Paris, fondée en 1895), dont la singularité est de regrouper trois marchés en un : le découvert (destiné aux fruits et légumes), les puces et les fripes (où les « gens de peu » viennent se meubler et se vêtir pour pas cher) et le marché couvert (plus chic) inauguré en 1781 sous le nom de marché Beauvau. C’est là, sous sa charpente en bois, que s’est installé en août 2020 le torréfacteur irlandais Joseph Loughney. Ce Dublinois massif a appris l’art du « café de spécialité » en Australie avant de faire le tour du monde des meilleurs producteurs de café. Vêtu d’un tablier en cuir, il torréfie lui-même chaque jour ses somptueux crus du Honduras, d’Éthiopie et du Costa-Rica, dont il cherche à exprimer l’âme naturelle. Le dimanche matin, son échoppe bondée attire tous les artistes, écrivains et journalistes du faubourg Saint-Antoine, comme si le centre de gravité culturel de Paris était insensiblement passé ces dernières années du 6e au 11e arrondissement… Il y a dix ans, Paris passait encore pour être la capitale où le café était le plus médiocre ; aujourd’hui, on y compte des centaines de lieux où le café d’exception est honoré, à l’image de l’atelier de torréfaction de Joseph Loughney auquel il a donné le joli nom d’Early Bird.

La ville a été inventée pour répondre aux besoins du ventre, du cœur et de la tête, c’est pourquoi nous lui sommes soumis à la façon d’une ruche. Quand j’ai besoin d’un produit précis, ma boussole m’indique toujours une adresse infaillible. Ainsi, pour trouver le meilleur riz du monde, je vais à l’épicerie Nishikidôri, rue Villédo (près du Palais-Royal) : le riz japonais cultivé en terrasse est unique par sa pureté, son goût rond et sa délicatesse. Il faut le rincer plusieurs fois avant de le cuire à la vapeur sans sel. Le lendemain, on peut griller les restes à la poêle avec du beurre, de l’ail, du gingembre frais, des herbes, des champignons et du vinaigre de riz : un régal ! Si j’ai besoin d’olives noires de Sicile, croquantes et gorgées de jus, je vais rue Sainte-Marthe (10e) à La Tête dans les Olives, fondée par Cédric Casanova qui avait commencé sa carrière dans le cirque (encore un sacré loustic !). Si je veux offrir un beau bouquet de fleurs, je me rends chez Stanislas Draber, rue Racine, près de l’Odéon. Cet ancien parfumeur de chez Guerlain a ouvert sa boutique dans un atelier de sculpteur où il propose les plus belles fleurs de saison, cultivées en plein champ par des petits producteurs d’Île-de-France, coupées à la main le matin même. Des raretés pleines de parfums, alors que la plupart des fleurs, importées des Pays-Bas, ne sentent rien et ne suscitent aucune émotion.

Mais le plus beau de tous les commerces, c’est la fromagerie, qui n’existe qu’en France, et que l’on admire à l’égal d’une bijouterie de luxe. La Fromagerie Goncourt, rue Abel-Rabaud (11e) a été créée par le jeune Clément Brossault qui était contrôleur de gestion à la Société Générale avant d’être licencié à la suite de l’affaire Kerviel. Clément est alors parti à vélo du canal Saint-Martin faire le tour de France des producteurs de fromages (3 500 kilomètres !). Un an après, il a ouvert sa boutique. On est émerveillé par la pureté et la précision de ses fromages de saison au lait cru qu’il sait affiner avec douceur : je vous recommande notamment son bleu de Gex, son gaperon fermier d’Auvergne à l’ail et au persil, sa tomme de brebis d’estive du pic du Midi, et son soumaintrain de l’Yonne.

Et il y aurait encore tant d’adresses à donner…


Boulangerie-Pâtisserie Dupuis, 13, rue Cadet, 75009 Paris.

Produits de Grèce, 15, rue Lagrange, 75005 Paris.

Soboa, 187, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris.

Marché d’Aligre, place d’Aligre, 75012 Paris.

Nishikidôri, 6, rue Villédo, 75001 Paris.

La Tête dans les Olives, 2, rue Sainte-Marthe, 75010 Paris.

Stanislas Draber, 19, rue Racine, 75006 Paris.

La Fromagerie Goncourt, 1, rue Abel-Rabaud, 75011 Paris.

Un dimanche soir dans le Comté de Midsomer

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Neil Dudgeon et Nick Hendrix. "Midsomer Murders" (Inspecteur Barnaby) © ITV/REX/SIPA

Ce soir, France 3 diffuse le dernier épisode de la 24ème saison de l’inspecteur Barnaby. Monsieur Nostalgie essaye de comprendre la mécanique télévisuelle du dimanche soir. Ses rites et son onde qui rappellent l’enfance !


Un dimanche devant la télé répond à des règles, un ordonnancement bien précis hérité d’il y a très longtemps, plus de quarante ans. Chaque petit Français, surtout si on était en hiver et s’il habitait loin des centres urbains et des loisirs à profusion, devait enjamber cette journée particulière, exagérément longue et interminable, inactive et accessoire où rien ne se passait. C’est parce que rien ne se passait, qu’aucun événement venait perturber la douce léthargie des existences raisonnables que la télévision capitale à notre survie en profitait pour nous imposer son rythme, ses répétitions, ses moments de dérapages plus ou moins contrôlés et son actualité molle. Nous étions prisonniers de cette grille et nous finissions par aimer cette rengaine infernale.

Le confort de l’habitude

Il ne fallait surtout pas s’amuser à intervertir les émissions ou à supprimer une série américaine, nous foulions les mêmes terres avec une régularité exemplaire. L’habitude est le confort des peuples jadis civilisés. La télé nous aidait à traverser cette journée de repos, les enfants et les vieillards subissaient alors le même traitement. Il n’y avait pas alors conflit générationnel car nous partagions les mêmes programmes. Les trois chaines structuraient notre espace d’évasion et nous apportaient sur un plateau des sujets de conversation. Cette journée sans fin, qui chaque dimanche, avait le même goût, le même parfum, la même couleur n’était pas un supplice pour autant ; au contraire, sa mécanique lancinante était une borne, un socle sur lequel nous pouvions laisser notre esprit dériver à la fainéante. C’était une aire sous contrôle, la mort ne nous attendait pas au tournant de la rue. Aucune surprise, aucun drame, aucune irruption désagréable de la réalité ne viendraient corrompre notre dimanche. Ce jour était figé à jamais dans des tons gris et vaguement somnolents. Et cette grisaille, nous l’avons comprise bien plus tard, n’est pas un signe d’aphasie, de tristesse ou d’abandon, elle serait plutôt une parka chaude qui protège et réconforte. Une Atlantide.

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Nos dimanches n’étaient pas agressés par les infos en continu, par la déliquescence du monde extérieur, par le fracas des individus en proie à une violence exacerbée. La seule violence admissible à cette époque-là était Starsky et Hutch coursant des méchants au volant d’une Torino à bande blanche. L’ennui était le luxe des nations apaisées. Le dimanche 17 février 1985, par exemple, au hasard, nous nous calions dans un canapé et entamions un marathon télévisuel. Le sport était déjà roi. La gym tonic nous venait d’Amérique. Jean-Michel Leulliot officiait sur la Une et Robert Chapatte à Stade 2. Jacques Martin prenait l’antenne à 11 h 15 pour ne la rendre qu’à l’heure de l’apéro, Sacha Distel de sa voix de velours faisait tourner les têtes de nos grands-mères. Tout ça était prévisible, huilé, et hautement estimable.

Vieilles recettes

Notre dimanche roulait, les heures défilaient, rendant la perspective du lundi matin douce-amère, avec un mélange à la fois d’anxiété et d’excitation. La recette n’a pas changé. France 3 est fidèle à cette diésélisation des mentalités, nécessaire à l’édification d’un peuple heureux. Espérons qu’elle continue sur cette lancée et qu’elle n’invente pas un programme « disruptif », maladie sénile du progressisme. Ce soir, la chaîne publique diffuse le quatrième et dernier épisode de la 24ème saison de « Barnaby » intitulé « Un climat de mort ». L’inspecteur et son adjoint seront une fois de plus les piliers et les garants de notre sécurité. Dans Barnaby, série vendue partout sur la planète, les morts sont nombreuses et étranges, la résolution de l’enquête n’arrive qu’à partir du troisième ou quatrième cadavre. Le téléspectateur n’est pas pressé. Chez « Barnaby », la mort est anecdotique, elle a presque un ressort comique. Car nous savons qu’à Causton, dans le Comté de Midsomer, rien n’est vraiment vrai, ni grave. La série est tellement ancrée que John Barnaby (Neil Dudgeon) a remplacé son cousin Tom Barnaby (John Nettles) au bout de 13 saisons. L’alternance s’est faite sans un couac, nous avons même assisté à leur cohabitation. On ne badine pas avec la démocratie au Royaume-Uni. Aujourd’hui, on visite ce village comme le parc Astérix, des cars entiers veulent sentir l’ambiance frissonnante des cottages et d’un voisinage inquiétant. Une 25ème saison est en préparation. Nos dimanches sont donc sauvés !

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Haro sur le Bayrou!

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Manifestants près du collège-lycée Notre-Dame de Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques, 12 février 2025 © Mael Garnier/SIPA

Mediapart, qui bien sûr ne roule pas pour l’extrême-gauche déçue de ne pas être aux manettes, sort en toute objectivité une enquête qui tente de mettre en cause François Bayrou dans une affaire de maltraitances supposées. Et les grands médias, qui n’ont apparemment pas d’autres chats à fouetter à un moment où J.D. Vance envoie balader l’Europe en général et l’Ukraine en particulier, brodent à l’infini sur une « affaire » montée de toutes pièces. Alors notre chroniqueur ironise…


Le Figaro vient opportunément de sortir le rapport de l’Inspection Générale issu d’une enquête opérée il y a 25 ans dans l’institution scolaire de Bétharram. Un rapport diligenté par l’Education nationale, alors dirigée par François Bayrou : le ministre, alerté par les rumeurs et par une plainte déposée par un parent d’élève, n’avait pas hésité à lancer les inquisiteurs de l’Education nationale sur cette cité scolaire privée aux méthodes quelque peu archaïques. Est-ce là le réflexe d’un homme qui se sent coupable ?

On ne saurait le lui reprocher, n’en déplaise aux ayatollahs de Mediapart / LFI, qui soulignent, scrogneugneu, que le ministre y avait inscrit certains de ses enfants (et comme il l’a fait remarquer, quel malade mettrait ses gosses dans une institution que l’on soupçonne de crimes sexuels ? Pas même les gens de LFI…), et que son épouse y dispensait des cours de catéchisme — au lieu d’enseigner la vulgate du lambertisme. Haro !

Que dit ce rapport ? « Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés », affirme l’inspecteur. Il ajoute que « tous ceux » qu’il a entendus, à l’exception d’un, « plus nuancé », vivent leur scolarité « très normalement », « sans subir de châtiment corporel et dans un climat de confiance ».

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Alors certes, un surveillant a eu la main un peu leste — ce qui arrivait journellement dans les années 1960, époque lointaine où Bétharram, qui n’est pas exactement à la pointe des pédagogies nouvelles, semble s’être arrêté. So what ? « Selon le représentant des victimes, précise France 3-Régions, cette violence constituait  « l’ADN de cet établissement ». C’est pour ça que nos parents, parfois, nous y mettaient ! Pour redresser soi-disant les enfants pas sages ! Le règne du silence, c’était, Bétharram ».

C’était il y a presque trente ans. Alors oui, Bétharram était passé à côté de l’élève au centre acteur de son propre savoir, selon la formule instaurée par la loi Jospin en 1989. Et ses enseignants n’avaient pas été formés dans les IUFM nouvellement créés…

Sauf une, apparemment :

« Le rapport s’intéresse ensuite à une professeur de mathématiques. Il s’agit de Mme G., enseignante qui a témoigné dans ce même article de Mediapart mettant en cause l’actuel Premier ministre, François Bayrou. En juillet 2024, elle s’était aussi exprimée dans Le Point, dénonçant des maltraitances sur les élèves. L’enseignante qui a travaillé dans l’établissement de 1994 à 1996, assure dans ces médias en avoir parlé à l’époque de vive voix à François Bayrou. Le rapport d’inspection évoque justement son cas. Le 6 avril 1996, blessée par un élève sorti en courant d’une salle de cours, elle a demandé à son avocat de porter plainte.

L’inspecteur décrit une professeur qui « connaît de sérieuses difficultés dans ses classes ». Les témoignages de « ses collègues professeurs montrent qu’[elle] est arrivée dans ce collège avec un état d’esprit très négatif. Elle aurait exprimé son intention de « démolir Bétharram » considérant que cet établissement utilise des méthodes d’un autre âge », constate le rapport, avant d’affirmer qu’elle n’a pas été agressée. Il recommande de « trouver une solution afin que Madame G. n’enseigne plus dans cet établissement ». »

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Sans doute en est-il allé ainsi, sinon Mme G. n’aurait pas en elle autant de hargne recuite. Sinon elle n’aurait pas tiré les sonnettes de la presse — mais en 2024, on ne s’intéressait pas encore à Bayrou. Il a fallu que le Béarnais devienne Premier ministre, en lieu et place de Mélenchon, pour qu’un média (part) ramasse sa rengaine dans le caniveau.

Peut-on reprocher quoi que ce soit au ministre qui a diligenté l’enquête ? Certes, le rapport est rédigé par de hauts fonctionnaires, et pas par les amis de Louis Boyard, le recalé de Villeneuve-Saint-Georges, ou de Sébastien Delogu, récemment condamné pour violences envers des enseignants à Marseille, et partisan d’affecter la vente de drogues légalisées aux narco-trafiquants. Deux grandes consciences de notre démocratie chancelante, comme on voit. Faut-il les affecter à une contre-expertise, puisque leur parti réclame une enquête parlementaire ?

On se souvient de la Fontaine, dans « Les Animaux malades de la peste » : « À ces mots, on cria Haro sur le baudet ! » À tout pouvoir et à tout contre-pouvoir, il faut un bouc émissaire. Le maire de Pau et actuel Premier ministre passe pour un maillon faible d’une droite incertaine. Mais c’est une feinte : moi qui le connais un peu, je peux affirmer que le Gascon est plus fin, plus adroit manœuvrier et in fine plus courageux que les hyènes qui lui courent aux basques.

Richard Millet, l’homme couvert de femmes

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Richard Millet © Hannah Assouline

Richard Millet, Journal 2000-2003 tome III ; Journal 2011-2019 tome V, Les Provinciales.

Richard Millet, tel Lazare, est ressuscité grâce au journaliste Pascal Praud qui l’invite une fois par mois sur le plateau de Cnews. Il aura donc survécu à la « fatwa » d’Annie Ernaux et à sa liste de dénonciation, après la fausse affaire Breivik, prétexte à exclure du comité de lecture de Gallimard un écrivain de talent, mais dont la chaise fait en bois du Limousin n’est pas tournée dans la bonne direction : le camp progressiste. L’écrivain, dont le style ressemble au Gange funèbre qui charrie les cadavres putréfiés de la pensée woke, faisant hurler sur chaque rive les dévots d’un système culturel moribond, publie la suite de son journal intime, le quatrième tome, qui couvre les années 2011 à 2019. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, son éditeur a décidé de rééditer le troisième tome publié par le regretté Pierre-Guillaume de Roux. Le livre était devenu introuvable. Il ravira les fidèles du diariste d’autant plus que ce tome couvrant les années 2000 à 2003 est publié dans une version entièrement revue et notablement augmentée. Remercions au passage la fidélité de son éditeur, Olivier Veron, patron des Provinciales.

Invisible ? Oublié ?

Richard Millet évoque longuement son exclusion sociale, pour ne pas dire sa « mort » sociale, dans le tome IV. Je n’y reviendrai pas. Ou seulement pour rappeler les mots de Frédéric Fredj rapportés par Millet lui-même : « Si vous aviez réellement fait l’éloge de Breivik, vous auriez été inculpé par un tribunal. Cela me suffit. » Rappelons qu’Anders Breivik est un terroriste d’extrême droite qui a perpétré et revendiqué les attentats d’Oslo et d’Utøya qui ont fait un total de 77 morts et plus de 300 blessés, le 22 juillet 2011. Millet a été exclu de chez Gallimard en 2016 après avoir publié un texte critique dans la Revue Littéraire, en partie repris dans Le Point, où il passait à la moulinette une romancière « maison » dont je tairais le nom. La romancière, au lieu d’exiger un droit de réponse, a demandé, et obtenu, la tête de Millet. C’est un peu curieux de la part de la maison Gallimard d’avoir cédé quand on sait que, par exemple, l’antifasciste André Malraux côtoyait le fasciste Pierre Drieu la Rochelle. Mais c’était une autre époque. C’était surtout des écrivains d’un autre niveau. Millet raconte tout cela dans le feu de l’action, sur un ton étrangement détaché, comme s’il était l’un des derniers acteurs d’un monde où l’honneur et la fraternité avaient un sens.

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Ce qui m’intéresse plus particulièrement, c’est de lire le Millet qui écoute de la musique classique, flâne sous le crachin breton, donne des coups de pied, ici et là, à un système vermoulu, à de pâles copistes sans talent, sans charisme, qui auront totalement disparu dans une dizaine d’années, peut-être même avant, et qui pensent avoir révolutionné la littérature. Certaines de ses phrases tuent davantage que les kalachnikovs des soldats du Hezbollah qu’il a vus à l’œuvre à Beyrouth. Il regarde avec un léger mépris tous ces écrivains de salon qui n’ont jamais quitté le quartier de Saint-Germain-des-Prés. Millet : « Contrairement à tant d’écrivains, je n’ai pas de figure prostitutionnelle : fume-cigarette de Sollers, clope de Houellebecq, chemise blanche de BHL, etc. Je suis invisible – bientôt oublié, mais moins que d’autres, ou pas aussi vite… » J’aime cependant qu’après la mort de Dominique Rolin, Sollers et Millet s’embrassent dans le couloir directorial de « la banque centrale », entendez Gallimard. C’est la condition humaine qui dicte les mouvements de ce ballet des spectres où l’on commet parfois un meurtre par pure jalousie. Le Millet qui me touche le plus, c’est celui qui tente de décrire son Limousin natal, sa « vie parmi les ombres ». Le monde paysan va disparaître et avec lui, la science des saisons, le respect du travail bien fait et la silhouette roide de la femme courage devant la tombe du maquisard, son époux. Millet est touchant quand il regarde la mer, dans un appartement donnant sur l’embouchure de la Rance, Saint-Malo, la tombe de Chateaubriand sur le Grand Bé. « Tu viens de passer une semaine avec une agréable et généreuse jeune femme, écrit-il, qui aime la vie bien plus que tu ne le fais, et qui se bat pour savoir si elle atteindra l’âge de quarante ans. » Béatrice, son épouse, a une tumeur au sein. C’est le basculement. Et pourtant il laisse les autres femmes entrer dans son existence. Il y a K., J., O., Emily… Ses journées sont bien remplies ; d’une femme l’autre, dirait Bardamu. La substance féminine se déploie comme la vague sur la plage du Sillon. Il y aura aussi la châtelaine, et puis… chut ! Sa figure féminine imposée : le carré. Millet : « Complémentarité de quatre femmes, ou bien signe d’un impossible équilibre sensuel, sans lequel je m’effondrerais ? Manière de fuite ? Suis-je immoral – perdu ? Incapable de vivre autrement qu’en mes contradictions, qui me mènent souvent au pire ? » Il ajoute, comme séduit par la confession : « Je fais ce que je peux d’un corps qui est un poids dangereux pour mon esprit… » Introspection qui jette un éclairage shakespearien sur l’écrivain. C’est peut-être là qu’il est le plus poignant, Millet, à l’opposé de ses prophéties qui le condamnent au désert. Millet : « Marche dans la forêt sous la pluie. K. ramasse des châtaignes. Je regarde les feuilles mortes, les branches mouillées, laissant chanter en moi la musique de Pärt. »

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Ivresse

Parfois une scène qu’il décrit ravive en moi un lointain souvenir dionysiaque. C’est dans le tome III. Il est en voyage à Vézelay, avec une certaine Carine, pour une rencontre avec des lecteurs. Puis c’est le dîner sur la colline inspirée chère à Jules Roy. « Le soir descend, violacé, sur la vallée. Joie profonde… » Tout le monde est ivre. À minuit, direction la tombe de Bataille, sauvage et grise, pour y verser de la prune de Souillac. Une voix s’élève pour évoquer celle de Maurice Clavel. Réponse tonitruante de Millet : « On s’en fout ! » Et d’ajouter, titubant entre les stèles : « Allons plutôt honorer celle d’Ysé et de la fille adultérine de Claudel ».

À présent, relire les romans de Millet en cherchant les figures féminines qui s’y cachent…

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Les Tuche à Albert

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DR.

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Je n’avais pas envie de payer un bras au cinéma Pathé d’Amiens pour voir God Save the Tuche, de Jean-Paul Rouve, le cinquième volet de la série. Alors, ma Sauvageonne et moi, sommes allés au Casino d’Albert – qui pratique des prix raisonnables – pour prendre des nouvelles de la singulière famille du Nord de la France. Rassurez-vous : ses membres vont bien ; ils mènent une vie tranquille à Bouzolles. Cathy (Isabelle Nanty), la mère, a créé une baraque à frites ; Jeff (Jean-Paul Rouve), le père, a été élu président du club de football FC Bouzolles. Leur petit-fils, Jiji (Aristote Laios) se voit proposer une semaine de stage en Angleterre. La famille décide de l’accompagner. C’est à peu près là que débutent les nouvelles aventures. C’est du lourd ; du très lourd. Les Bouzolliens sont accueillis dans une charmante demeure par Gordon, un majordome. Puis, c’est le roi Charles III et son épouse Camilla qui les invitent à déjeuner. Les Nordistes accumulent les bourdes ; Jeff serre la paluche au roi comme s’il se fut agi de l’arrière droit du FC Bouzolles ; Cathy enseigne à Camilla une technique bien à elle et salivaire de nettoyer les vitres… Je regarde les gags ; je rigole.

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Les comédiens excellent ; Claire Nadeau, en Mamie Suze, est hilarante ; il en est de même pour Pierre Lottin (savoureux dans En Fanfare) qui incarne Wilfried Tuche. Et que dire de l’immense Bernard Ménez qui joue un Charles III plus vrai que nature ? Fabuleux ! Soudain, cet univers éminemment british me rappelle la bataille d’Albert au cours de laquelle nos alliés britanniques montrèrent un courage inouï, ce au prix de pertes humaines immenses. Les opérations se déroulèrent du 1er au 13 juillet 1916 ; c’était le début de la Bataille de la Somme… Mon grand-père paternel – qui fut blessé lors de l’attaque du bois de Maurepas à quelques dizaines de kilomètres de là – nous parlait souvent de la bravoure absolue de nos amis d’outre-Manche.

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Oui, je repensais à tout ça, à la Grande guerre, à mon grand-père, en sortant du Casino d’Albert. Il faisait une espèce de petit froid humide. Devant le musée local (Somme 1916), la statue du soldat anglais – casque plat et fusil d’assaut – brillait. Nous avancions vers la voiture ; je me sentais partagé entre la franche rigolade générée par God Save the Tuche, et l’admiration mélancolique que je n’ai jamais cessé de développer à l’endroit de nos alliés britanniques qui nous ont aidé à bouter de France les hordes d’outre-Rhin (enfin, pour être précis, les hordes prussiennes et les troupes bavaroises). Certains disent qu’à l’heure de l’Intelligence Artificielle, il faut oublier tout ça. Le Picard que je suis n’en fera rien. C’est dit.

Laxisme dégoupillé, capitale Grenoble

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Eric Piolle et Bruno Retailleau répondent à la presse à Grenoble, 14 février 2025 © MOURAD ALLILI/SIPA

La France se transforme-t-elle en narco-État ? Hier, Bruno Retailleau a commenté l’attaque à la grenade survenue dans un bar de Grenoble mercredi 12: «Vous savez que la kalachnikov est une des armes privilégiées par les narcoracailles, mais là, on est passé au stade supérieur, puisque c’est une grenade» a déclaré le ministre. Il a écarté la piste terroriste, expliquant que l’affaire s’inscrivait dans un contexte de «trafic et de crime organisé», et précisant que le bar visé faisait l’objet d’une procédure de fermeture pour des soupçons de trafics. L’enquête et la traque de l’auteur de l’attaque, toujours en fuite, sont menées par une juridiction spécialisée qui mobilise 20 enquêteurs. Pendant ce temps, le Vert Eric Piolle donne l’impression que sa seule préoccupation est d’apprendre à transformer les grenades en compost bio…


À Grenoble, on attend désormais l’attaque de bar au missile sol-sol. Après le recours à la grenade, on ne pourra faire moins. « Technique de guerre » souligne à juste titre Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur lors de sa visite sur place ce vendredi. Du jamais vu, en effet. Ou en tout cas très rarement. Du moins dans nos contrées jusqu’alors relativement civilisées.

« Je m’en fous »

Deux choses étonnent, et même sidèrent. Tout d’abord, redisons-le, les moyens employés qui ressortissent, effectivement, à ceux qu’on emploie en temps de guerre ou de guérilla ouverte. Mais peut-être en sommes-nous là. Dans ce cas, il serait opportun et urgent de nous en informer, de nous associer aux décisions que cela ne manquerait pas d’impliquer… Puis, stupéfie également le fait en lui-même glaçant que, finalement, nous ne sommes pas autrement surpris. Je n’irai pas jusqu’à dire que nous y étions préparés, mais il y a de cela, comme si nous avions fini par comprendre – sinon accepter – que nous nous trouvons embarqués dans une escalade de violence, de sauvagerie aveugle que plus personne ne semble être en mesure d’endiguer.

Cette réalité-là, épouvantable, le maire de Grenoble la nie tout tranquillement. Pour lui, il n’y pas de « hausse de l’insécurité », déclare-t-il lors d’un entretien accordé à Libération, dégoupillant alors benoitement son laxisme, quelques heures seulement avant le moment où la grenade allait l’être.

Ce n’est pas tout : « Je m’en fous » ose-t-il lâcher face à ceux qui se permettent de contester, de condamner cet impardonnable aveuglement. Bref, nous avons-là en majesté l’abject mépris dont nous saoulent les doctrinaires en chambre de son espèce. Nos peurs, nos angoisses, nos inquiétudes ne sont pas les leurs.

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Chez M. Piolle le laxisme n’est pas l’effet d’une banale paresse mentale ou physique. C’est bien pire. Il s’agit d’un mode de fonctionnement intellectuel parfaitement assumé. L’abjection que lui inspirent les caméras de surveillance me semble aussi révélatrice que le sont, selon nos si estimés psychiatres, nos actes manqués ou nos lapsus révélateurs. Cette prévention contre ces caméras est l’expression en acte de son refus de « voir ». La manifestation bien concrète de son rejet – conscient ou inconscient – du réel. Cette dérobade relève d’une immaturité mentale qu’on pardonne volontiers à l’enfant qui se met les mains devant les yeux pour ne pas voir le croque-mitaine en carton, mais qu’on ne peut que condamner chez l’adulte investi de responsabilités publiques.

Grenoble, métropole apaisée

Même constat crypto psychanalytique lorsque, là encore, tout tranquillement, le maire de Grenoble ose affirmer qu’il serait opportun et urgent d’apprendre à vivre avec les dealers, les intégrer dans le quotidien des quartiers, des immeubles. Il est vrai, M. Piolle, on le sait, est un très ardent apôtre du vivre ensemble.

Malheureusement pour lui, à, entendre ce que les Grenoblois – nombreux- sont venus dire à M. le ministre de l’Intérieur, il est plus qu’évident qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Absolument pas ! Ce qu’ils ont exprimé, excédés mais dignes, est le cauchemar de l’insécurité qui plombe leur existence chaque jour, chaque nuit. Ils sont venus dire que, au vivre ensemble façon Piolle, ils préféreraient de beaucoup le vivre en paix. Ce bien commun, précieux entre tous que, en théorie du moins, les représentants du peuple – tous, à tous les niveaux – doivent – chacun à son poste et avec ses moyens – s’efforcer de leur apporter.

M. le ministre Retailleau n’est évidemment pas porteur du remède miracle. Mais il donne toutes les apparences d’être habité de la volonté de travailler dans ce sens. C’est déjà cela. Et puis, comme j’en étais au décryptage dans le genre psychologie de fin de banquet, alors qu’il s’avançait dans les rues de la ville, parka quasi militaire bien fermée jusqu’en haut, je me suis surpris à me dire que sa tenue me faisait davantage penser à celle, guerrière, d’un Zélensky qu’à ces costumes si joliment cintrés en vogue chez nos petits marquis de ministères… Un signe encourageant, peut-être ? On se raccroche à ce qu’on peut.

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Libertés du quotidien: le combat qui manque à la droite française

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Mobilisation des gilets jaunes pour protester contre les taxes, Bourgoin-Jallieu, 5 janvier 2019 © Allili Mourad/SIPA

Sans se révolter, les Français apprenaient récemment de l’Ademe qu’une culotte propre chaque matin était la seule concession à l’équilibre de la planète. Pour tous les autres vêtements, ils sont priés de les porter à plusieurs reprises avant de les passer dans la machine à laver… La droite française, engluée dans la paperasse et ses demi-mesures, devrait troquer ses calculettes pour une dose de populisme libéral façon Trump ou Milei, histoire de redonner aux Français le droit sacré de faire un barbecue sans l’aval de dix agences gouvernementales.


Pour les économistes, la vie économique marche sur deux jambes qu’on peut distinguer : 1) la production de biens portée par les entreprises et commandant le niveau de vie à long terme ; 2) la production d’utilité par les personnes dans leur vie privée. Ils les étudient respectivement dans la théorie de la croissance et la théorie du développement. En effet, le développement peut s’interpréter assez facilement comme une agrégation des utilités individuelles ou des « bonheurs » individuels, ce qui est quasiment un synonyme.

Malgré Fukuyama et sa « fin de l’Histoire», la bataille des systèmes économiques et politiques fait rage, opposant les socialistes, étatistes et progressistes de gauche aux libéraux de droite. Ces derniers doivent prendre à leur charge la défense des libertés sur les deux plans de l’orientation productive et de l’orientation populiste du bonheur.

Milei et Trump montrent la voie

La droite internationale nouvelle, celle de Javier Milei et de Donald Trump, réalise cette double tâche et remplit complètement son contrat intellectuel et moral. On la voit désormais combattre les dépenses publiques exagérées et relancer le secteur économique privé en baissant les impôts des entreprises mais aussi s’attaquer aux multiples pressions (wokisme, écologisme politique…) qui pourrissent la vie des gens au quotidien. Cette double démarche est celle du libertarianisme, mot savant pour désigner la droite véritable remplissant ses deux missions en faveur de la prospérité matérielle et des libertés au jour le jour. Observons en outre qu’ils conçoivent l’action au plan national, espace rêvé pour la liberté individuelle.

Ces perspectives soulèvent des espérances nouvelles. La question que tous les Français se posent est celle de savoir si ces coups de boutoirs libéraux du grand large ont quelque chance d’entraîner leur pays sur une même pente libérale. Leur « droite » est-elle et sera-t-elle à la hauteur de ce mouvement bien exotique ? On peut raisonnablement en douter. Par sa composition politique et sociale, la droite française a eu en effet pour vocation principale de tenir (mal) le front de la liberté des intérêts économiques privés et de leurs investissements tout en mettant en place une série de relais publics nationaux et internationaux qui se sont rapidement gauchis. Mais surtout, elle passe et passera sans doute complètement à côté du populisme libéral de la vie courante. Elle l’a toujours fait, à l’exception des « Patriotes », pour les gilets Jaunes et pendant le Covid, ainsi que « Reconquête ! » depuis. Comme par hasard, ce sont les grands amis de Donald Trump !

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En théorie économique, la production d’utilité-bonheur et son élaboration par les personnes privées elles-mêmes, selon le principe Beckerien élargi, implique plusieurs facteurs :

  • les flux de revenus rémunérant les éléments de capital possédés dans la sphère de production de biens : capital physique, temps de travail, culture professionnelle notamment ;
  • la consommation et les cultures humaines qu’ils permettent d’obtenir, en quantité et structure optimales ;
  • le patrimoine privé cumulant les épargnes et héritages du passé ;
  • beaucoup de cultures humaines diverses et de « mentalités-vertus » acquises ou transmises ;
  • le temps à répartir ; 
  • enfin, un facteur de protocoles juridiques et réglementaires et les pressions régissant la vie personnelle.

Chaque personne, seule ou en famille, a sa propre fonction de bonheur à maximiser, dépendant de tous les éléments précédents. Quand en janvier on souhaite la bonne année à un parent ou un ami, on se place par l’esprit en observateur de sa fonction d’utilité-bonheur et si on le connaît vraiment bien, on sait ce qui compte pour lui : santé, voyage, sport, argent, belle voiture, réussite des enfants… Dans tous les cas on lui souhaite au préalable d’être libre d’œuvrer librement pour y parvenir. Mais on est parfois loin du compte…

La France étouffe

La montée du socialisme et l’amenuisement des libertés concrètes roulent en flot ininterrompu en France sous la forme de pressions et de protocoles juridiques et réglementaires de plus en plus étouffants : faire ceci ou cela, respecter des limitations de vitesse ridicules, faire contrôler sa maison, obtenir un certificat pour louer, ne plus pouvoir louer, se numériser à l’extrême, subir la fausse complaisance de ses fournisseurs ou de sa banque pour faciliter leur gestion à eux, créer un espace obligatoire, saborder sa voiture diesel dans la rade de Toulon… sans parler de tout ce qui attend dans la coulisse : suppression des espèces, reconnaissance faciale, carte des voyages en avion autorisés, « pass sanitaire » généralisé, puce sous la peau, jours où il fera trop mauvais pour avoir le droit de sortir, interdictions des préfets pour la pêche à pied, la chasse, le barbecue… On ne fait plus ce que l’on veut de son temps, de son patrimoine, ni même pour éduquer ses enfants. Les communes obéissent aux fonctionnaires des intercommunalités obligatoires sous prétexte d’économies de gestion jamais réalisées ; les agences (ADEME, ARCOM, OFB…) vous conseillent, vous surveillent et des sanctions pleuvent, tant sur les professionnels que sur les personnes.

Les moteurs de cette évolution sont certes l’action délibérée des hommes de pouvoir mais aussi et peut-être surtout, l’absence de réaction de la majorité soumise et fatiguée du peuple. On l’a vu de façon consternante au moment du Covid. Leur contexte est celui d’une réduction dramatique du tissu affectif national où les individus se regardent en chiens de faïence.

Notre siècle voit la disparition progressive du droit fondamental des individus et des familles à définir librement leurs fonctions d’utilité et à agir en conséquence. Sur ce point que nous signalons, les partis de droite, s’éloignant du peuple, ont été muets depuis fort longtemps, pour tout dire depuis Georges Pompidou, manquant ainsi gravement à ce combat existentiel.

« Bonne et heureuse vie » serait donc certainement le meilleur slogan des partis de droite s’ils prenaient enfin conscience de l’exaspération populaire sur l’utilité et la vie courante. Mais ils vont au contraire se contenter d’un vague combat pour le pouvoir d’achat, certes important mais besogneux et à effet trop lointain. À noter pourtant l’opération récente contre les ZFE (Crit’ Air Libre) où le RN vient de s’engager avec les automobilistes.

Pour réussir vraiment et rejoindre le mouvement d’émancipation international des peuples occidentaux, la droite devrait entreprendre une politique plus nettement populiste en faveur des libertés du quotidien.