Aux Etats-Unis, les Américains découvrent avec stupeur les sommes allouées par l’USAID à des causes parfois farfelues. En France, le président de la Cour des comptes Pierre Moscovici n’a pas le pouvoir d’un Musk pour tailler dans les dépenses publiques…
Le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) dirigé par Elon Musk est chargé de l’audit des agences gouvernementales américaines. Son objectif : vérifier qu’argent et personnel sont employés judicieusement, sans gaspillage, sans corruption, en tenant strictement compte des missions définies pour chacune d’entre elles. Ce qu’a découvert le DOGE à propos de l’USAID relève, pour les Américains, d’un véritable scandale. Ils n’en croient pas leurs yeux. Ils savaient, bien sûr, que le deep state – cette nébuleuse techno-structure bureaucratique composée d’une myriade d’agences pseudo-indépendantes – leur coûtait cher et avait de nombreux tentacules. Mais les révélations sur l’USAID, l’agence d’aide au développement au budget annuel d’environ 50 milliards de dollars, les laissent pantois. Plutôt que d’être une agence pour le développement international, il s’avère qu’elle était surtout une agence pour développer l’influence américaine à l’étranger et imposer une certaine idée de la « démocratie » ainsi que les théories progressistes et wokes. Son démantèlement va affecter des centaines d’ONG, de médias, d’associations, aux États-Unis, à l’étranger, en France. D’où la panique qui secoue certains milieux « indépendants ».
Nébuleuses influences
Sur Sud Radio, André Bercoff n’en est pas revenu, lui non plus. Consterné, il a passé en revue certains « engagements humanitaires » de l’USAID : soutien au développement des véhicules électriques au Viet-Nam, financement d’une clinique transgenre en Inde, subvention de 1,5 million de dollars à une association LGBT serbe, deux millions de dollars pour aider aux opérations chirurgicales de changement de sexe au Guatemala, 4,5 millions de dollars pour lutter contre la désinformation au Kazakhstan, 1,5 million de dollars pour promouvoir les mouvements LGBT en Jamaïque, etc. La Fondation Bill et Melinda Gates aurait bénéficié d’une subvention de l’USAID à hauteur de 5 millards de dollars. Des agences de presse comme Reuters, la BBC ou l’AFP, et des milliers de médias auraient reçu des subsides de l’agence gouvernementale américaine. Politico, média archi-progressiste, pro-démocrate et furieusement anti-Trump, a annoncé de grandes difficultés financières à venir à la suite de la fermeture de l’USAID, un de ses principaux donateurs. Des mouvements atlantistes et des fondations « philanthropiques » auraient profité des largesses de l’USAID pour fomenter ou influencer différentes « révolutions » de couleur (orange en Ukraine, rose en Géorgie, etc.) – c’est ce qu’auraient révélé différents mails et dossiers de l’organisation « humanitaire » qui remontent à la surface du web grâce aux investigations du DOGE. Par ailleurs, des versements d’argent opérés par différentes instances gouvernementales, dont l’USAID, n’ont « aucun code de catégorisation du paiement » – en clair, l’administration ignore pour le compte de qui, individu ou organisation, ils ont été effectués. Des comptables du Trésor américain évaluent à 50 milliards de dollars par an le montant des prestations frauduleuses. Il n’est pas impossible que des organisations terroristes islamistes aient reçu, via ces paiements anonymisés, de l’argent public américain. Le gouvernement a limogé la quasi-totalité des employés de l’USAID pour ne garder que les trois cents qui gèrent les dossiers strictement humanitaires et sanitaires. Tout ce qui relève d’une ingérence directe ou indirecte dans les médias, de la propagation du wokisme ou de toute autre activité l’éloignant de sa mission originelle, se verra financièrement asséché, a annoncé Donald Trump. Les économies ainsi réalisées devraient se compter en milliards de dollars.
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Bien entendu, ça râle du côté des progressistes, surtout ceux qui avaient tout intérêt à ce que les malversations de l’USAID n’émergent pas des abysses bureaucratiques. Des médias et des ONG se lamentent. Sur France Inter, Patrick Cohen se fend d’un éditorial furibond contre ce « dictateur » d’Elon Musk et compare l’usage de l’IA par le DOGE à la surveillance numérique made in China. Il s’interroge – « Qui peut garantir que les informations collectées ne seront pas utilisées contre des opposants, comme dans tout régime autoritaire ? » – et feint d’ignorer les pratiques de surveillance de masse initiées de longue date par la National Security Agency (NSA). Edward Snowden n’a pas attendu l’IA pour révéler, en 2013, le programme PRISM permettant à la NSA d’accéder aux communications téléphoniques et numériques de n’importe qui dans le monde – Angela Merkel et Nicolas Sarkozy apprirent ainsi que leurs conversations étaient écoutées par les grandes oreilles de l’Oncle Sam depuis des mois. Patrick Cohen n’a traité personne de dictateur à l’époque. Il faut dire que les États-Unis d’Amérique étaient alors dirigés par le démocrate Barack Obama, donc… pas touche ! Sous la présidence de Joe Biden, Le Sénat a approuvé la prolongation de la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) et étendu les pouvoirs d’espionnage du FBI, de la CIA et de la NSA sur les citoyens américains et non-américains par le biais des communications privées (messageries, réseaux sociaux, téléphonie, etc.) dans tous les pays du monde – je ne me souviens pas d’avoir entendu Patrick Cohen dénoncer un « putsch numérique », des méthodes pouvant « asseoir des dictateurs et des fascistes » ou des « ingérences » douteuses dans les démocraties occidentales. Enfin, on s’étonne que le journaliste france-intérien ne soit pas effaré, et encore moins scandalisé, par le fait que cette agence « humanitaire » américaine ait subventionné autant de médias européens dits indépendants.
6200 journalistes et 700 médias à travers le monde ont en effet, semble-t-il, été arrosés par l’USAID. En Ukraine, par exemple, l’agence est la première contributrice des aides internationales finançant 9 médias sur 10. L’ONG Reporters sans frontières, qui n’a jamais craint de dénoncer « les ingérences étrangères dans le domaine de l’information » quand elle pensait y voir la main des Russes, s’apitoie sur le sort des « médias indépendants » dont le financement était assuré par l’agence américaine. Sur CNews, Mathieu Bock-Côté, après avoir avoué sa surprise en apprenant que l’USAID avait financé un programme promouvant… l’égalité de genre dans l’armée jordanienne, résume la situation : « On nous dit donc que la presse libre et indépendante est compromise par la fin du financement américain – donc le financement américain, c’est la garantie qu’il n’y a pas de biais idéologique !?! C’est lunaire ! Je crois qu’on nous prend vraiment pour des idiots. » Je le crois aussi…
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Du côté des ONG, le coup est rude. Le gel des crédits de l’USAID « aura réellement des conséquences vitales, voire mortelles, pour des millions de personnes », affirme solennellement Daryl Grisgraber, en charge des questions humanitaires pour la branche américaine d’Oxfam – la branche française étant dirigée, rappelons-le, par Cécile Duflot. De nombreuses ONG ont transmis à la presse de longues déclarations pour sensibiliser sur les « conséquences dramatiques » de la décision du gouvernement américain mais se montrent moins diserts quand il s’agit de communiquer le montant des subventions de l’USAID qu’elles reçoivent depuis des années et la répartition réelle de leur utilisation : projets, programmes en cours, bureaux, emplois, salaires, etc. C’est pourtant sur ces différents critères que l’administration Trump décidera de continuer de subvenir ou non aux besoins de telle ou telle ONG.
L’efficacité de France Travail questionnée
Ce n’est pas seulement pour réduire les coûts publics que le DOGE a été créé, mais c’est également pour vérifier que l’argent débloqué est utilisé aux seules fins annoncées dans les statuts officiels des différents agences gouvernementales – l’aide humanitaire et l’aide au développement, dans le cas de l’USAID. De plus, le DOGE d’Elon Musk a promis de combattre la surcharge techno-bureaucratique des différentes branches de l’administration américaine, source de dépenses inutiles et d’inefficacité, et de faire en sorte que ces services servent au mieux les citoyens américains sans leur coûter plus que ce qui est strictement nécessaire à leur bon fonctionnement. Si nous avions l’équivalent d’un DOGE en France, sans doute serait-il en train de se pencher sur le cas, par exemple, de France Travail (ex-Pôle Emploi). L’enquête de l’eurodéputée Sarah Knafo révèle en effet un véritable scandale que les médias mainstream se gardent bien de relayer : 43 milliards d’euros de budget, 54 500 employés, pour seulement 12,9 % de chômeurs retrouvant du travail grâce à cette institution publique ; des salaires de cadres atteignant 14 000 euros par mois tandis que les conseillers chargés de suivre les chômeurs plafonnent entre 1700 et 2100 euros mensuels ; une cérémonie pour célébrer la signature de 40 contrats de travail coûtant plus de 300 000 euros. Comme si cela ne suffisait pas, l’enquête de Sarah Knafo nous apprend que France Travail a dépensé en une seule année 1,2 milliard d’euros pour sous-traiter certaines de ses missions à des prestataires privés – formation des conseillers, accompagnement des chômeurs, évaluations professionnelles, etc. – alors que ces tâches auraient pu être assurées en interne. Cette enquête confirme également un mal récurrent dans l’administration française, administration qui accueille, recycle ou recase les représentants d’une caste politique qui n’a pas l’intention de céder sa place. Thibault Guilluy s’est présenté aux législatives de 2017 sous l’étiquette LREM dans la circonscription d’Emmanuel Macron, la 4ème du Pas-de-Calais. Sa suppléante était Tiphaine Auzière, l’une des filles de Brigitte Macron. Ça créé des liens. Après avoir passé, histoire de se faire la main sur le plan de l’inefficacité théodulaire, trois années dans les bureaux du Haut-commissariat à l’Emploi et à l’Engagement des entreprises, M. Guilluy a été nommé directeur général de France Travail. Son salaire n’est pas communiqué – le dernier salaire connu est celui du DG de Pôle Emploi en 2009 : 20 000 euros par mois ! En 2020, notre DOGE à nous, la Cour des comptes, a fait les gros yeux en soulignant l’inefficacité de Pôle emploi, une « hausse importante des effectifs » en son sein, une « perte importante du potentiel de travail » et un « statut particulièrement favorable pour les cadres dirigeants » – en clair, trop de personnel et des cadres dirigeants surpayés pour des résultats plus que médiocres. Et puis ? Et puis rien. Pierre Moscovici n’est pas Elon Musk. La grosse machine administrative continue donc de nous coûter une blinde et d’être d’une inefficacité totale. Encore n’avons-nous évoqué ici qu’un seul des nombreux dispositifs techno-administratifs qui plombent nos finances publiques. Rien ne change. Et rien ne changera. Comme l’a souligné Ivan Rioufol dans sa dernière chronique, que ce soit pour réduire les dépenses publiques, freiner l’immigration ou lutter contre l’insécurité, nos responsables politiques parlent beaucoup mais ne font pas grand-chose, « aucun acte ne suivra, tant que cette caste, bavarde et inutile, s’accrochera à ses pouvoirs ». Que voulez-vous qui change dans un pays où il est apparemment prévu que le macrono-socialiste Richard Ferrand succède au socialo-macroniste Laurent Fabius au Conseil constitutionnel ?