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Last exit to Brussels

dantec brexit europe chretienne
Maurice G. Dantec, par Hannah Assouline.

Maurice G. Dantec est mort brutalement le 25 juin à Montréal, à l’âge de 57 ans. On retrouvera dans ce texte, publié dans la revue Salamandra le 28 juin 2003, la verve, les outrances, le talent et aussi le caractère visionnaire de cet écrivain attachant. Nous remercions Florence Kuntz, qui a eu la bonne idée de le republier pour lui rendre hommage, ainsi que Sylvie, son épouse qui nous a autorisés à le faire. Et nous lui présentons, ainsi qu’à sa fille, nos affectueuses condoléances.

J’ai vu l’Europe du futur, un soir, alors que le soleil tombait sur Sarajevo dans un silence majestueux, même pas troublé par le tir des snipers.

C’était beau comme un monde qui s’effondrait sous son propre poids. C’était aussi beau, et terrible, sans doute, qu’un trou noir. J’en avais les larmes aux yeux.

J’allais rentrer en France, la Paix de Dayton serait bientôt signée, c’était la FIN, dans tous les sens du terme.

L’Europe du futur, je croisais son uniforme tous les jours, celui des forces de l’ONU, cette maréchaussée des génocides, l’Europe du futur c’était cette impotence assumée comme telle, ce pacifisme de caniveau démocratique, ces vieilles harpies du bolchevisme qui commettaient toutes leurs abominations au nom de l’Homme sous les yeux impassibles des gouvernements libéraux ou sociaux-démocrates qui mettaient la main à la pâte de Schengen et de Maastricht, en laissant s’accomplir sur ce qui était censé devenir leur territoire futur le pire programme de génocide depuis la Seconde guerre mondiale, et alors même que les peuples de l’Europe orientale s’étaient libérés, sans le moindre secours de leur part, évidemment, d’un joug totalitaire demi-centenaire.

Dans un siècle seulement, la honte nous clouera au cercueil de l’histoire, dans un demi-siècle on commencera sans doute à parler ouvertement de trahison, et dans une génération l’Europe connaîtra le prix du sang et des larmes…[access capability= »lire_inedits »]

[…]

Aaah, l’Europe…

L’Europe du futur, lorsque je rentrai de Sarajevo, faisait la grève générale contre un gouvernement et un présent qu’elle venait tout juste d’élire, on me permettra de trouver quelque analogie avec la situation présente.

Les Agents de la Fonction Publique avaient des revendications très pressantes – on les comprend, pauvres diables –, et les Étudiants aussi. À plusieurs d’entre eux, dans la rue, lors de leurs déambulations manifestatoires, je demandais à brûle-pourpoint s’ils n’avaient pas quelques livres à céder pour de malheureux collégiens dont les écoles avaient été rasées et les instituteurs fusillés par une bande de psychopathes communistes, dans un pays EUROPÉEN.

J’évitais de justesse à plusieurs reprises l’incident diplomatique, façon Crise des Missiles.

J’avais vu l’Europe du futur dans le crépuscule de Sarajevo, je voyais maintenant son centre opératif présent, en action, à la lumière de toute la société qui était soi-disant la mienne.

Car l’Europe du futur, c’est la France bien sûr.

Qui pourrait oser penser, sans prendre le risque d’un ridicule cuisant, que quelque chose d’européen – en quelque domaine que ce soit – puisse se faire sans la France ?

Et mieux encore, que quelque chose de français puisse se faire sans l’Europe ? C’est-à-dire sans l’Europe que la France a faite, ou plus précisément encore : sans l’Europe que la France n’a pas faite, n’a pas su faire, ne veut pas faire, et a toujours défait le jour venu ?

Il existe plusieurs pour méthodes pour tuer une civilisation. L’une d’entre elles, et c’est une des meilleures, consiste à la rendre malade puis à lui faire croire qu’on la sauve, et que la médecine administrée, en réalité un très méchant poison, va la remettre sur pied en deux temps, trois mouvements.

C’est ce qu’est en train de nous vendre l’eurocratie bruxelloise, grâce au cartel des barbons giscardiens, avec cet informe papelard que d’aucuns osent dénommer « constitution ».

Oui, j’ai vu l’Europe du futur : une grande zone libérale-socialiste sans plus la moindre souveraineté politique, et encore moins religieuse, sans plus la moindre HISTOIRE : et les Américains, dont on se gausse à ce sujet un peu trop souvent, nous rabattront bien vite le caquet, comme d’habitude depuis un siècle, c’est d’ailleurs déjà fait.

Oui, j’ai vu l’Europe du futur : celle des Borgia et des guerres de Religion fera piètre figure en regard du formidable processus implosif qui attend ce continent qui tourne le dos à lui-même, à l’Occident, au Christianisme, à la Liberté.

Ah, j’entends déjà les voix nasillardes des bonnes de chambre de la République, celle des journalistes aux ordres, venir geindre à mes oreilles : fasciste, Cassandre, « Bushiste », j’en passe, la racaille gauchiste au pouvoir depuis vingt-cinq ans n’aime pas qu’on lui rappelle ses crimes, ses mensonges, ses errements, et encore moins ceux qu’elle se prépare à commettre.

Et pendant que vingt-cinq siècles d’histoire européenne agonisent aux pieds de la bureaucratie bruxelloise, pendant que l’on tente – depuis Paris, tiens ? – de supprimer toute référence active à la civilisation chrétienne dans ce qui est censé modeler la Charte du futur citoyen de la Nouvelle Union, […] les vendeurs d’opérettes sociales et les boutiquiers des avenirs radieux s’affairent autour de sa carcasse, et essaient de lui arracher quelques dernières concessions.

Alors, c’est sûr, en dehors de la ténébreuse certitude de cette extinction prochaine, je ne vois qu’une zone grise, avec en arrière-plan, au loin, une ligne de feu bien rouge, comme si un profond et dense brouillard recouvrait de ses nuées la présente d’un violent incendie à l’horizon.

Un soir, il y a longtemps, c’était vers 1977, ou 78, je roulais avec quelques compagnons dans une ancienne Simca aux alentours de Poissy, lorsque nous étions passés le long des anciennes usines dudit constructeur automobile, puis, sans que je puisse me rappeler où nous étions avec précision, nous avions traversé un très beau pont métallique sur la Seine, dans un décor de friches industrielles et de voies d’autoroutes qui se déploya comme un écran cinémascope sur le pare-brise, irisé par une pluie fine qui tombait d’un ciel aux nuages intermittents, dans une lumière étrange et douce, argentée ; et tandis qu’une cassette de Kraftwerk déroulait ses boucles électroniques dans l’habitacle humide, j’avais alors, sous l’influence ouvertement néoconstructiviste, ou néofuturiste, des musiciens rhénans, et de plusieurs substances illicites, imaginé le même coin anonyme de la banlieue projeté un demi-siècle plus tard, avec des lignes d’aérotrains à sustentation magnétique qui relieraient Paris, Berlin, Moscou, des immeubles géodésiques dédiés à la science spatiale germano-russe plantés sur le terrain des usines désaffectées, des cathédrales en forme de nefs cosmiques s’élevant à l’horizon, puis beaucoup plus tard dans la nuit, alors que la drogue me tenait éveillé dans une maison où tout le monde dormait à poings fermés, une sorte d’urbanisme géopolitique prit forme dans ma tête.

J’imaginai une vaste fédération euro-russe, après que l’Otan eut victorieusement disposé du communisme est-européen, puisqu’une « anti-révolution de 17 » eût remis en place une monarchie impériale constitutionnelle en Russie. Une alliance hémisphérique boréale se dessinerait alors, parallèlement à une unification hémisphérique panaméricaine, de l’Alaska à Ushuaïa. Seule une telle union à « double polarité », est-ouest et nord-sud, me semblait en mesure de contenir le futur géant chinois, et les différentes formes de despotisme oriental qu’il trouverait comme alliées dans le « tiers-monde », ou ailleurs. Seule une telle « construction européenne » me semblait en mesure de proposer un avenir radieux aux populations divisées du continent, et au reste du globe, sans quoi, me disais-je…

J’étais alors très jeune, j’avais encore peu lu, et encore moins vécu, mais je n’allais pas tarder à comprendre.

Au début des années 80, et au fil des ans plus encore, le rêve sombra peu à peu, alors qu’il devenait évident que toutes les trahisons de la civilisation européenne étaient en voie d’être accomplies par nos gouvernements, de gauche comme de droite, socialistes comme libéraux, et que, pire encore, une dialectique mortifère avait fort à propos contaminé les esprits et rendu tout authentique débat impossible : en effet, entre l’Europe de Bruxelles (qui serait bientôt celle de Maastricht) et les diverses rodomontades « souverainistes » qui déjà se faisaient entendre (PCF, FN, néogauchistes, archéogaullistes, etc.), nul autre choix, comprenez-le bien, n’était possible. Entre les merdiques gestionnaires libéraux-socialistes et l’opposition facho-coco, point de salut. Entre la République bourgeoise girondine et ses compromissions, et la République bourgeoise jacobine et ses crimes, pas de troisième terme, je le savais depuis le collège, ne me l’avait-on pas assez répété !

On comprendra dès lors un peu mieux comment l’idée de ce « troisième terme », a priori impossible, n’est-ce pas, a commencé, et à mon corps défendant, à venir trotter dans ma tête, sous la forme d’une couronne, d’un sceptre, et d’un globe terrestre surplombé d’une croix.

Qu’on ne m’en veuille pas si, après Nietzsche, et par lui, j’en vins à Joseph de Maistre, m’accordera-t-on quelque circonstance atténuante si je prétends que le rêve européen est en attente depuis douze siècles d’un nouveau Rex Carolingus ?

Aïe, aïe, aïe, vous n’êtes pas sérieux, dites-nous, jeune homme, quoique que vous soyez déjà quadragénaire, ce qui aggrave d’autant plus votre cas…

Nous voulons du RATIONNEL. Du POLITIQUE, enfin tel que nous comprenons ce mot, i.e. une variation de l’économie ou de la sociologie. Nous voulons un PLAN. Genre quinquennal. Nous voulons la démocratie pour 450 millions d’Européens, et sans que cela nous coûte trop cher, en taxes diverses, comme en pétitions de principe, quoique de ce point de vue là nos réserves soient considérables.

Alors vous comprenez, vous et vos chimériques visions du Saint Empire Romain Germanique…

Je sais, je sais, suis-je dans l’obligation d’avouer, ce n’est pas sérieux, de ce sérieux qu’empruntent (à très bas taux) les bourgeois dès qu’il s’agit de perpétrer leurs méfaits, mais que voulez-vous, ce n’est pas ma faute si je crois que l’Europe est mal barrée depuis le désastreux traité de Verdun de 843, qui non seulement réduisit la France à un minable bandeau de terre s’étendant de la Somme au Languedoc, mais la divisa à tout jamais de sa fonction impériale.

Clovis et la dynastie franque avaient su faire de leur Royaume naissant la fille aînée de l’Église, dès 496, consacrant ainsi le premier État chrétien d’Occident, vingt ans après la chute de l’Empire romain d’Augustule.

Lorsque Charlemagne prend en main le sceptre royal de France, un peu moins de trois siècles plus tard, il accomplit ce processus historial en faisant en sorte d’être ordonné, grâce à la clairvoyance des papes de l’époque, comme premier Empereur chrétien d’Occident, en concurrence certes avec les basileus de Constantinople, représentant l’Empire d’Orient qui durerait jusqu’en 1453, mais uni à eux par la même religion, car en cette lointaine et brillante époque, le Catholicisme s’étendait sans la moindre division intestine de l’Atlantique à la Méditerranée orientale, unifiant une multitude de peuples, de langues, de cultures, dans un projet civilisationnel dont même les échecs futurs stupéfieraient le monde par leur grandeur. Mais en 843, l’union du Royaume de France et de l’Empire d’Occident est brisée, par des Papes de moins en moins clairvoyants, et au xe siècle le Globe Impérial finira dans les mains des puissances germaniques, pour le plus grand malheur des peuples.

Le nationalisme bourgeois ne pouvait que s’étendre, la compétition économique l’envenimer, les guerres ravager le continent, les grandes hérésies se reconstituer, les schismes advenir, et finalement le modernisme social et industriel se propager. Seule la France aurait pu en ces années cruciales fonder, c’est-à-dire fondre, fusionner, une civilisation européenne chrétienne qui se serait étendue de Galway au Bosphore, et plus loin encore. À la fois celte, romaine et germanique, elle seule pouvait prétendre à un catholicisme – c’est-à-dire à un universalisme –politique pour tout l’Occident, elle seule aurait pu devenir l’axis europei qui jamais ne se fixa.

Mais vous vous enfoncez, jeune homme de quarante ans et des poussières, que nous importent en effet vos jérémiades sur un passé datant d’un millénaire ? Ne savez-vous pas que le monde est né aux alentours de 1968, avec la pilule anticonceptionnelle, le double album blanc des Beatles, l’Internationale situationniste et les romans d’Henri Troyat ? Que sans l’invention de l’ampoule électrique, de la machine à vapeur et de la presse à imprimer, nous ne serions tout juste que des êtres à l’apparence simiesque ? Que le christianisme, certes, c’est parfois très beau, n’est-ce pas, mais de là à vouloir en faire un projet de société contemporain, et plus encore pour 25 nations aussi différentes, je crois que la prise de vos médicaments s’impose de toute urgence.

Certes, certes, j’en conviens, je n’ai pas encore pris ma petite pilule au lithium qui m’aide à supporter l’insupportable, sans pour autant me faire tolérer l’intolérable, je me confesse : je me suis laissé emporter.

En effet, […] que pourrait bien accomplir une religion comme le judéo-christianisme pour UNIFIER 25 nations, dont l’une sera d’ailleurs à forte composante islamique ?

Que pourrait faire, c’est vrai, en toute honnêteté, un principe religieux qui durant mille ans avait permis au continent, et à tous ses peuples, de commencer à devenir une civilisation ?

En effet, cher monsieur, nous ne vous le faisons pas dire. On peine à croire qu’un homme comme vous, pourtant né comme nous autres à peu près au moment de la Création-Du-Monde, n’ait pas songé à proposer une version marxiste-léniniste dopée aux phéromones Debordistes, qui font tant fureur aujourd’hui, ou alors une de ces litanies anticapitalistes humanitaires qui rythment le parcours obligé de tout auteur français qui se respecte, voire – comme vous le disiez vous-même, nous semble-t-il – l’épopée d’une vaste confédération euro-russe qui permettrait par exemple aux agriculteurs du Roussillon d’échanger leurs tomates ou leurs poires contre des tonnes de viande de renne venue de Sibérie, vraiment, nous ne comprenons pas, il y a pourtant du bon dans la constitution eurogiscardienne, surtout pour nos Airbus, mais évidemment, si pour vous, seule une RELIGION peut unifier tant de différences, c’est que vraiment vous ne croyez ni aux miracles de la Centrale-à-Charbon, ni à ceux de la Réglementation, et moins encore à ceux de la démocratie parlementaire, il est hautement probable que vous êtes en fait un dangereux réactionnaire, monsieur, et cela, sachez-le, dans la Patrie-des-Droits-de-l’Homme-et-de-l’Urinoir, cela ne se fait pas, nous vous dénoncerons à la Police Intellectuelle dès que vous aurez tourné le dos.

Alors comment imaginer, dites-moi, une Europe du futur, puisque Aix-la-Chapelle n’est plus qu’une petite bourgade folklorique et que c’est à Bruxelles que se dessinent les plans de l’avorton terminal ?

Quiconque a traversé ce non-pays qu’est la Belgique pour se rendre dans sa capitale ne peut, me semble-t-il, que ressentir une terrible impression de dérision et de ridicule, devant la désolante banalité des paysages et des hommes, cette bourgeoisie incarnée génétiquement, et finir par se dire que, pour sûr, l’Europe actuelle ne pouvait surgir que d’un tel endroit, et qu’un tel endroit avait été nécessairement choisi pour accoucher d’une telle Europe.

La Belgique a ainsi été intronisée, on ne sait pourquoi, centre de gravité historique du continent, ce fut une des plus fondamentales manœuvres des artisans de cette « construction européenne », juste après la Seconde Guerre mondiale, que de se servir de cette dernière, et des abominations du nazisme, pour adapter à l’échelle continentale les immondes institutions de l’ONU, et donc éradiquer de la conscience des peuples européens toute notion de souveraineté politique et religieuse.

Le projet suit son cours. Dans une génération, deux grand maximum, la catastrophe démographique post-communiste aura réduit la population russe à environ 100 millions d’individus, pour plus de 150 aujourd’hui, qui n’appelle pas cela un authentique désastre, surtout dans la configuration géopolitique et ethnico-religieuse de l’ex-URSS, est un docteur Knock de la politique.

Une constitution sociale-libérale aura achevé de déchristianiser politiquement et sociologiquement le continent à l’ouest de la Vistule, terminant le travail que le communisme aura accompli en trois quarts de siècle de l’autre bord.

Ce qui se profile aux États-Unis, avec les attaques en règle contre toutes les institutions chrétiennes, et leurs symboles, conduites par la confédération transpolitique du « gauchisme libéral », et qui vaut à ce pays des batailles constitutionnelles toujours recommencées et jamais vraiment terminées (les avis de la Cour suprême peuvent être annulés, ou « amendés »… par la Cour suprême), prendra racine sur le terreau social-libéral de la gauche européenne sans le moindre espoir de retour.

Une idéologie politico-religieuse bien plus dynamique, et violemment opposée aussi bien au judéo-christianisme qu’au modernisme post-chrétien, saura sans doute judicieusement utiliser ce vaste espace vide, peuplé de 450 millions de Bruxellois.[/access]

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Montebourg-Laurent: le flirt surprise de l’été

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arnaud montebourg pierre laurent ps pcf
Arnaud Montebourg et Pierre Laurent. Sipa. Reportage : 00721349_000022. Reportage : 00722942_000020.

C’est désormais avéré : Pierre Laurent, le leader du PCF a pris langue avec Arnaud Montebourg. Et les points de convergence seraient nombreux et réels en vue de 2017.

C’est le communiste qui a fait le premier pas, publiquement, sur LCP, souhaitant une candidature entre « socialistes critiques, communistes, écologistes… » mais aussi « le parti de Jean-Luc Mélenchon ». Et, relancé par les journalistes, il n’a pas fallu le pousser de beaucoup pour qu’il reconnaisse ses convergences avec l’homme à la marinière.

On pourrait en déduire que la candidature de  Moi-Mélenchon aura été le meilleur argument pour un rapprochement, somme toute inattendu Laurent/Montebourg, sur l’air de « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » ? Oui, mais pas que.

Et Mélenchon cocufia son allié

En effet, il est de notoriété publique que la candidature de JLM annoncée en janvier, sans discussion avec ses alliés communistes, a froissé ceux-ci, pour rester poli. Bien qu’il conserve quelques soutiens au PC, comme Marie-George Buffet, Mélenchon semble s’être mis à dos bon nombre de dirigeants mais aussi de militants communistes, qui ont le sentiment de s’être fait faire un bébé dans le dos par leur « camarade Jean-Luc » parti seul à l’aventure des présidentielles, enterrant de facto le Front de gauche.

Mais les convergences Laurent/Montebourg semblent aller au-delà. D’abord, le PCF voit aussi, et surtout, les législatives de juin 2017, qui s’annoncent très compliquées. Or, si le PC soutenait une fois de plus JLM, quel bénéfice en tirerait-il de ce côté-là? (sauf à ce que JLM gagne la présidentielle, hypothèse volontairement non retenue par l’auteur, qui écrit en général à jeun).

Si la gauche perdait, avec Hollande candidat, les accords seraient fort compliqués entre Solferino et Fabien, le PS en voudrait d’autant plus à Mélenchon et le ferait payer de la seule manière possible en plombant le PC au maximum. Mais si Hollande gagnait, ce serait probablement sur une ligne centriste, avec Macron en étendard/rabatteur de juppéistes et bayrouistes égarés, et l’on voit mal là aussi le PS s’enfermer dans des alliances en contradiction avec un gouvernement macrollandais.

Non, Pierre Laurent, fin politique et placide aux nerfs d’acier, joue la carte Montebourg en vue d’amortir le choc des législatives, prenant le pari que seul celui-ci peut battre Hollande (ou Macron ou Valls) lors des primaires du PS. Et là, ça change tout.

Petits calculs à gauche

Car Montebourg candidat vainqueur des primaires, soutenu donc et par le PS et par le PC, cela aurait de quoi bouleverser la donne politique à gauche, où finalement Mélenchon passerait, du coup, pour le diviseur du candidat qui aurait réussi sur son nom à fédérer les grandes familles de gauche.

Alors, Montebourg, même perdant, aurait probablement les clefs de Solférino, et saurait récompenser les communistes, en repartant sur une sorte de remake du Programme commun, du chemin unitaire, le seul qui vaille pour les futures reconquêtes électorales….

À moins que Montebourg n’y aille malgré tout, hors le PS, et alors le soutien du PC ne lui serait que plus vital, et là encore l’espace pour Mélenchon serait réduit.

Mais il reste un hic : comment convaincre les militants communistes que Montebourg, qui fut deux ans ministre de Hollande avant de claquer la porte, c’est mieux que Mélenchon ?  Surtout en repassant par la case primaires PS ? Surtout avec un programme, comme dessiné aux contours de l’Appel du Mont Beuvray, « colbertiste » voire « gaulliste » de gauche, faisant appel aussi bien aux syndicalistes qu’aux patrons de bonne volonté?

C’est là, probablement, que la conversation entre Laurent et Montebourg prend tout son sens. Le grand public, et même les experts, savent peu de choses de la pensée politique « intime » de Pierre Laurent, tant ses prises de positions publiques ne reflètent généralement qu’un compromis entre les courants antagonistes de la direction du PCF, où coexistent difficilement, sur fond de consensus formel antilibéral, maintes sensibilités.

Montebourg, dénominateur commun du PCF ?

Au Conseil national du parti, on retrouve, en vrac, des  Nuitdeboutistes enfiévrés, des islamocompatibles résolus, des orphelins de Georges Marchais, des socialophobes hystérisés, des économicistes obsessionnels, des élus locaux prudentissimes  et aussi beaucoup de communistes qui se posent des questions sur la situation nouvelle créée par les attentats, le dévissage de Hollande et la mort du Front de gauche – ce qu’on ne saurait leur reprocher.

C’est bien sûr autour de dernière cette mouvance communiste floue, « en recherche », qui reflète probablement l’opinion de la majorité des militants et des sympathisants, que Pierre Laurent devra s’appuyer. De source sûre, on dit ce dernier foncièrement attaché – en privé – aux valeurs républicaines, y compris donc à la laïcité et au patriotisme bien pensés. On comprend mieux, dans cette optique, qu’il préfère mordicus l’option Montebourg au ralliement du PCF à un Hamon, à une Aubry ou à une Taubira, qui tous, quoi qu’ils en disent, feraient bien don de leur personne à la gauche dès la rentrée de septembre.

Le patriotisme économique -et donc la réindustrialisation- qu’incarne – seul chez les frondeurs- Arnaud Montebourg, pourrait être un levier politique pour éviter ces candidatures-là, levier qui donnerait du contenu au consensus antilibéral en vigueur au PCF, et lui donnerait aussi de l’efficacité électorale, vu la popularité des thèses protectionnistes dans ce qu’on pourrait appeler « les territoires perdus de la gauche ».

Ce coup de poker est loin d’être gagné. Mais pour qui aime à la fois son pays et la gauche, il vaut d’être tenté.

Tant d’amour et de paix, ça laisse muet…

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daech islam saint etienne rouvray
Miliciens de l'Etat islamique, Falloujah, Irak. Sipa. Numéro de reportage : AP21800159_000007.

Je ne parlerai pas des martyrs de Charlie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne disserterai pas sur les massacres du Bataclan et d’ailleurs. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je n’évoquerai pas les tueries de Boko Haram, de l’AQMI, d’Al-Qaïda, d’Al-Nosra et d’une foule d’autres groupes d’assassins organisés, en Syrie et ailleurs, au nom du Prophète, sur lui la paix et la lumière. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne dirai rien des près de 300 morts tués dans un attentat à Bagdad le 3 juillet, ni des 15 autres tués dans la même ville le 25, ni… Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Et j’ai eu tort de parler ici-même des infidèles tués au musée du Bardo l’année dernière. Car j’ai pris le risque de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne rappellerai pas, pas même pour mémoire, les centaines de viols perpétrés à Cologne, entre autres, au dernier jour de l’An — bonne année ! Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne gloserai pas sur les attentats commis en Arabie saoudite, au Yemen, en Syrie, en Irak, en Turquie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Ni même ne comptabiliserai-je les 80 morts de Kaboul de samedi dernier — les derniers dans une très longue liste. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Ne comptez pas sur moi pour condamner les attentats à la hache, à la machette, et autres procédés ingénieux perpétrés en Allemagne ces derniers jours. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

De même ne commenterai-je pas l’utilisation d’acide au Pakistan pour défigurer les jeunes filles « impudiques » — la dernière a été étranglée par son frère. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne dirai rien, oh non, sur le prêtre octogénaire égorgé ce mardi 26 juillet dans une église normande pendant la messe par deux courageux « soldats » de Daech — tout comme d’autres valeureux combattants de Daech avaient fixé au sommet d’une colonne romaine le corps décapité du conservateur octogénaire de Palmyre — ce sont des hommes qui aiment les vieillards, et ils ont prouvé à Nice qu’ils aiment aussi les enfants. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

(Parenthèse. Si un vieil imam avait été tué dans une mosquée par deux connards — ce qui serait difficile vu que les mosquées sont le plus souvent protégées, comme les synagogues, le président de la République et le Premier ministre, si prompts à condamner et à combattre le terrorisme, appelleraient déjà à une manifestation monstre contre la montée des périls d’extrême droite, et envisageraient peut-être de dissoudre tel ou tel groupuscule. Et sans doute auraient-ils raison. Mais ils n’envisagent pas, semble-t-il, de dissoudre l’islam, ni de prendre de vraies mesures contre les milliers de terroristes islamistes potentiels français — ou qui se sont invités en France. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. Fin de parenthèse)

Et je ne citerai pas les sourates qui appellent au meurtre des infidèles, par le fer et par le feu. Car l’islam est une religion de paix et d’amour, et seules de méchantes langues propagent ce genre d’information.

Et si jamais demain je me fais égorger par un illuminé, mes amis, ne mettez pas en cause l’islam. Car l’islam est une religion de paix et d’amour.

Comment Saint-Etienne-du-Rouvray est devenu un ghetto islamiste

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saint etienne rouvray ecole islam
Saint-Etienne-du-Rouvray, juillet 2016. Sipa. Numéro de reportage : AP21927272_000023 .

Daoud Boughezala. Jusqu’ici, les djihadistes visaient essentiellement des grandes villes (Paris, Nice). Avez-vous été étonnée de voir le terrorisme frapper un petit village a priori paisible comme Saint-Etienne-du-Rouvray ?

Florence M.[1. Pour préserver son anonymat, le prénom a été changé.] Oui et non. On se croyait moins exposé qu’à Paris mais Saint-Etienne-du-Rouvray n’est pas une zone rurale ou pavillonnaire. C’est une ville ouvrière de la banlieue rouennaise de 30 000 habitants qui est peu à peu devenue un ghetto depuis la construction massive de logements sociaux dans les années 1970 et 1980. Le vendredi, j’y croise beaucoup d’hommes barbus et même des petites filles voilées. Dans certaines écoles, on compte 90% de maghrébins et des femmes voilées de pied en cap vont chercher leurs enfants à la sortie. Depuis quelques années, j’assiste à une recrudescence du nombre de musulmans barbus dans la région, y compris à Rouen. Alors que je n’ai aucune animosité envers les populations arabo-musulmane, cela m’interpelle : ces personnes qui, à mon sens, affichent ostensiblement leur pratique excessive de la religion ne seraient-elles pas proches des milieux radicaux qui véhiculent des idées extrémistes ?

De votre propre aveu, l’immigration arabo-musulmane n’a pas débarqué du jour au lendemain en Normandie. Avez-vous vu l’intégration progressivement reculer ?

Il y a vingt ans, j’enseignais à Saint-Etienne-du-Rouvray. C’était déjà une population très majoritairement maghrébine mais la religion n’y était pas présente comme aujourd’hui. D’année en années, les comportements ont évolué, et une partie de la population maghrébine a adopté une attitude beaucoup plus intransigeante dans la pratique de la religion. Au départ, les enfants se contentaient de ne pas manger de porc à la cantine, ce qui est normal. Puis, il y a une dizaine d’années, les parents les ont poussés à refuser les bonbons censés contenir de la gélatine de porc. Depuis trois ou quatre ans, ils ne mettent plus leurs enfants à la cantine certains jours parce que la viande servie n’est pas hallal ou bien demandent qu’on ne serve pas de viande à leurs enfants. Cela fait également cinq ou six ans qu’on nous propose des cours d’arabe sous le nom d’ « enseignements de langue et culture d’origine ». En soi, c’est une très bonne idée, d’autant que l’apprentissage est théoriquement ouvert à tous les élèves, mais je me pose des questions : dans quelles conditions sont-ils habilités ? Qui les recrute ? Qui les paie ? Dispensent-ils un enseignement religieux alors que notre école est laïque ?

J’imagine que de tels cours contribuent à enfermer les deuxième et troisième générations dans leur communauté d’origine. L’agglomération rouennaise, dont sont originaires plusieurs djihadistes de l’Etat islamique, est-elle devenue un foyer immigré à ciel ouvert  ?

Dans la petite ville voisine de Saint-Etienne-du-Rouvray où j’enseigne à des enfants de primaire, il y a « seulement » un tiers d’enfants issus de l’immigration arabo-musulmane (turque, maghrébine). On y voit beaucoup de mariages mixtes, et seulement une minorité de femmes voilées. En revanche, mes collègues qui exercent à Saint-Etienne dans un quartier que l’on appelle « Le Château blanc » s’adressent à 90% d’enfants maghrébins dans un contexte beaucoup plus islamisé.

Considérez-vous cette concentration ethnoreligieuse comme une bombe à retardement ?

Mon inquiétude dépasse la question de l’immigration. Les djihadistes sont d’abord des paumés qui ont dérivé vers la violence islamiste. Alors que beaucoup d’enfants ont de grosses difficultés scolaires, l’école dispose de moins en moins de moyens. Que vont devenir ceux qu’on ne peut pas prendre sous notre aile ? Dans dix ans, on risque de se trouver face à des gens, de toutes origines, complètement en marge de notre société, sans aucun repère, qui sauront à peine lire et écrire. Ils risqueront d’être tentés par tous types de dérives : drogue, violence… et islamisme radical.

Surfant sur ces difficultés, aux dernières élections régionales, le Front national a dépassé les 27% à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans une région qui lui a pourtant longtemps été rétive. Voyez-vous grandir la défiance entre les communautés ?

Dans le cadre de mon travail, au contact des élèves, parents d’élèves et collègues, aussi bien que dans ma vie personnelle, je ne l’ai pas constaté. Mais, au travers des médias, les choses sont différentes et la montée du FN semble aller dans le sens d’une augmentation du communautarisme et de la haine entre les communautés.
Après ce dernier attentat, j’ai peur que les djihadistes s’en prennent à nos écoles. Il est inévitable qu’une psychose s’installe.

Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray: on connaît les coupables!

Un suspect interpellé à Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.00765831_000004)

Alors que la France a été frappée par un nouvel attentat moins de deux semaines après celui de Nice, et tandis que l’Allemagne a été touchée plusieurs fois durant ce laps de temps, on a la chance de ce côté-ci du Rhin de connaître les coupables des actes terroristes de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray. L’enquête a été facile puisque les coupables sont les mêmes dans les deux cas de figure, des témoins au-dessus de tout soupçon s’étant exprimés pour les décrire avant même que la police et la justice aient terminé leurs enquêtes.

Pour l’attentat de Nice, dès le samedi 16 juillet comme l’a relaté notre ami Marc Cohen, un témoin s’est manifesté sur la promenade des Anglais pour dénoncer un des coupables. Ce témoin s’appelle Raphaël Liogier, est sociologue de son état, et pour lui, « l’acharnement de Daech sur la France est lié à l’intolérance des Français, seuls en Europe, par exemple à s’offusquer de la mode islamique. » Le premier coupable était donc connu : l’intolérance des Français.

Le mardi 19 juillet, un deuxième témoin s’exprimait au sujet de cet attentat : l’imam de Nice Abdelkader Sadouni. Il y avait en effet un autre coupable dont il dévoilait le nom dans les colonnes du journal transalpin Il Giornale en y déclarant : « La laïcité française est responsable des attentats. » L’imam nie aujourd’hui avoir tenu ses propos, le témoignage peut donc prêter à caution, mais la laïcité française fait depuis partie des suspects probables dans les attentats qui frappent la France depuis janvier 2015.

Nice nous a donc appris le nom d’un coupable : l’intolérance des Français et le nom d’un suspect qu’il serait urgent d’incarcérer à titre préventif, le bracelet électronique ne servant à rien nous le savons depuis hier : la laïcité française.

L’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray nous a permis avant même que les deux « terroristes présumés » — pour parler comme certains médias — aient été formellement identifiés d’avoir la certitude de la culpabilité de la laïcité et de connaître un autre coupable.

En effet, dès la veille de l’égorgement du Père Hamel dans sa paroisse, l’islamologue Olivier Roy expliquait dans Mediapart au sujet des racines du djihadisme : « La laïcité française n’arrange pas les choses, non pas à cause de sa pratique autoritaire, mais parce qu’elle participe de la déculturation du religieux en refusant sa pratique publique ». Là c’était déjà trop : deux témoignages à charge contre la laïcité française faisaient d’elle une coupable parfaite à envoyer d’urgence à Cayenne ou aux Kerguelen selon qu’on soit plutôt océan Atlantique ou océan Indien !

Le deuxième témoignage désignant sans le moindre doute l’autre coupable de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray est arrivé via le communiqué de presse de SOS Racisme, celui-ci accusant « une secte d’extrême droite aux orientations racistes, antisémites, sexistes et homophobes », « secte » par ailleurs nommée Daech. Il fallait oser placer « l’extrême droite » dans ce communiqué. Comme il fallait aussi oser utiliser autant de mots pour ne pas avoir à en prononcer certains et ainsi ne s’aliéner aucune clientèle, voire les satisfaire toutes à la fois. Mais certains osent tout et c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît comme le disait le regretté Michel Audiard. En tout cas, à SOS Racisme on ne sait pas si ce qu’ils fument c’est de la bonne, mais en tout cas c’est de la forte !

Donc l’enquête est terminée, les coupables sont connus puisqu’ils s’agit de « l’intolérance des Français », de « la laïcité à la française » et d’une « secte d’extrême droite ». François Molins le procureur de Paris peut donc partir prendre quelques vacances bien méritées, lui qui depuis janvier 2015 poursuit sans relâche des coupables qui sont désormais connus.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Le problème aujourd’hui, c’est l’islam radical, pas la droite nationale

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Les forces de l'ordre montent la garde devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927520_000015)

Causeur. L’attaque de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray et l’égorgement du prêtre revendiqués par l’Etat islamique visent-ils à provoquer des affrontements entre chrétiens et musulmans, voire une guerre civile faisant imploser la société française, comme vous le faisait dire Libération dans un entretien réalisé avant l’attentat de Nice[1. Un entretien opportunément retweeté par Edwy Plenel le matin du 15 juillet…] ?

Jean-Yves Camus.[2. Jean-Yves Camus est spécialiste de l’extrême droite.] Précisons d’abord que je ne souhaite pas l’implosion de la société française. Au-delà de mon positionnement politique clairement à gauche, je suis avant tout français. C’est la France qui est attaquée depuis des mois, elle n’a pas décidé d’être en état de guerre. J’ignore quelle sera la réaction de la société française à l’acte terroriste d’hier mais je suis certain que les catholiques de France ne se dresseront pas contre une autre partie de la nation. Clairement, le choix du lieu, de la cible et du moment de l’acte manifestent une attaque réfléchie et pensée contre l’Eglise catholique, ses prêtres et ses fidèles. C’est un acte de guerre de religion. On a aussi franchi un nouveau cap dans la localisation géographique des actes : après la capitale, après une très grande ville de province, c’est une petite ville de la France profonde qui est visée. Et la victime est un prêtre égorgé dans son lieu de culte le jour de l’ouverture des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), ce qui n’est pas un hasard.

Est-ce à dire qu’au même titre que l’antisémitisme, l’antichristianisme est aujourd’hui un puissant moteur de la violence djihadiste ?

Même s’il y a une composante spécifiquement antijuive dans le discours de l’islam radical, dès l’époque d’Al-Qaïda, on était face à une organisation se réclamant du « front mondial contre les croisés ». La référence aux Croisades inclut bien évidemment les chrétiens. C’est l’ensemble des sociétés « apostates » qui est visé. Il n’y a qu’à voir le sort réservé aux chrétiens du Proche-Orient qui n’ont même plus aujourd’hui la possibilité de vivre en dhimmitude. Auparavant, ils étaient dans une situation insatisfaisante mais au moins pouvaient-ils vivre sur place. Maintenant, en Syrie ou en Irak, dans les zones contrôlées par Daech du moins – Bachar Al-Assad n’ayant jamais persécuté ni exterminé les chrétiens –, les chrétiens ne peuvent plus survivre. Mais ce n’est pas une raison pour croire que les chrétiens d’Orient doivent venir vivre chez nous. La solution consiste au contraire à ce que nous leur permettions de vivre à nouveau dans ces pays où ils sont implantés depuis deux millénaires, comme le réclame légitimement l’œuvre d’Orient.

Depuis hier, beaucoup de « chrétiens d’Occident » vivent dans la crainte, sinon dans la colère. Jugez-vous crédible l’hypothèse d’une réplique violente d’« ultradroite » au djihadisme ?

Il ne faut pas éliminer la possibilité qu’il existe un fou furieux, un déséquilibré ou un individu ayant par ailleurs des idées qui, demain, commette un acte terrible. Au moment de l’affaire Breivik, j’ai dit que cet homme avait des idées d’extrême droite (qu’il avait d’ailleurs exposées) mais que ce n’était pas une raison pour imputer la responsabilité de son acte au Parti du progrès dont il avait été adhérent. De même, ce n’est pas parce que qu’un de ses membres commettra un acte criminel que cela mettra en cause l’ensemble des mouvances de la droite nationale. Même après l’affaire du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray, personne ne peut penser que les milieux cathos-tradis ou le Front national n’incitent leurs militants à passer à l’action violente. Si une réplique se produisait un jour, compte tenu de la manière dont le paysage politico-médiatique fonctionne, cet acte aurait des répercussions dramatiques pour l’ensemble de la droite.

Pourquoi ?

Quand on réagit sous le coup de l’urgence, sans avoir toutes les informations nécessaires, ou avec un parti pris idéologique, les mises en cause sont toujours générales. Si des représailles se produisaient, tous ceux qui font de l’islamophobie l’alpha et l’omega de la politique française, qui pensent que la France est naturellement islamophobe, que l’Etat a instauré des discriminations, pourraient dire : « Vous voyez bien, nous l’avions annoncé ! » Or, le problème aujourd’hui est l’islam radical et les attentats qu’il commet. On ne peut pas coller le label d’islamophobe à la France tout entière ni à l’Etat. Le risque, c’est qu’un acte isolé efface cette vérité et donne la possibilité aux pyromanes habituels, au lieu de voir le problème auquel la France est confrontée – la guerre que l’islam radical nous a déclarés -, de renverser la perspective en expliquant que l’islamophobie galopante est le problème du pays.

Trouvez-vous donc infondées les critiques de la politique internationale « islamophobe » de la France, engagée sur plusieurs fronts en Afrique et au Proche-Orient ?

On a vu des gens se réunir place de la République à Paris autour du slogan « Leurs guerres, nos morts ». Mais nos guerres sont légitimes ! C’est leur guerre qui est illégitime. Quand on intervient en Syrie ou en Irak sous quelque forme que ce soit, quand des soldats de nos forces spéciales vont en Libye pour éviter que les islamistes en fassent un nouvel Etat sous leur coupe, la France est dans son droit. Depuis vingt ans, on entend toujours les mêmes, d’ailleurs peu nombreux, prétendre que si nous n’étions engagés sur aucun de ces théâtres d’opération, il ne se passerait rien. Malheureusement, on pourrait se retirer demain matin du Mali, de Libye, d’Irak et de Djibouti même, la guerre de civilisations lancée par Daech serait toujours là.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

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Saint-Etienne-du-Rouvray: Miscellanées guerrières, chapitre deux

saint etienne rouen vicaire daech

Quelques réflexions en vrac, dans un ordre vaguement chronologique, depuis hier onze heures jusqu’à ce matin, même heure.

Tout d’abord, la radio m’apprend qu’il y aurait « une prise d’otages dans le village de Saint-Etienne-du-Rouvray, en Normandie ». À chaque fois, ou presque,  qu’il se passe quelque chose dans une ville provinciale de moins de 100 000 habitants, le confrère de service décrète spontanément qu’il s’agit d’« un village », alors qu’en fait, là,  c’est une ville de 30 000 habitants dans l’agglo de Rouen. Pour ces journalistes, il y a l’Île-de-France, les capitales régionales, Chamonix, Deauville, la Riviera et, à la rigueur, les Hauts-de-France et leurs consanguins qui votent mal. Tout le reste, c’est du ressort de Jean-Pierre Pernaut et de ses sabotiers-rémouleurs ? On ne vous demande pas d’aimer la France, les confrères, mais au moins de la connaître un peu. C’est si dur que ça de taper Saint-Etienne-du-Rouvray dans Wikipédia ?

Si certains journalistes méritent qu’on leur tire les oreilles, d’autres donnent des envies de gnons. Honnêtement, je collerais bien une beigne aux lavettes de confrères qui persistent, alors que les faits sont établis, à parler de « présumés » terroristes sur les chaînes d’infos. À défaut de mandales – qui resteront au stade de la pulsion pour cause de surmoi –  on parlera désormais de présumés journalistes de chaînes présumées d’info.

Par charité chrétienne, on n’épiloguera pas sur la déclaration filandreuse de l’archevêque de Rouen, en direct depuis les JMJ de Cracovie. La seule idéologie criminelle mise en accusation par Mgr Lebrun, c’est le communisme. Cherchez l’erreur. Par ailleurs, Monseigneur parle, je cite, de « trois victimes »,  incluant au nombre de celles-ci les auteurs de l’assassinat. Cherchez l’horreur.

Sur BFM, justement, on interviewe, à chaud, à quelques mètres des lieux du crime, un autre victimologue, l’intérimaire de Monseigneur Lebrun, le vicaire général de l’archidiocèse de Normandie. Celui-ci incrimine uniquement notre société « malade » qui génère « de l’exclusion ». Que ces gens sont fatigants ! Mais après tout, chacun son job : Dieu pardonne, moi pas. Je m’explique, ci-dessous, avec l’aide du Bon Dieu, justement. Si c’est bien lui qui a rédigé la Bible, qu’il en soit remercié.

Les plus rockers d’entre nous connaissent tous l’Ecclésiaste 3:1-15 grâce à sa mise en musique par le grand Pete Seeger et sa reprise par les Byrds. 
Il n’est pas inutile de s’y replonger pour tous ceux qui pensent que les seules urgences du moment sont le recueillement, la prière et le pardon à tous ceux qui nous ont égorgés.

Extraits :

À toute chose sa saison, et à toute affaire sous les cieux, son temps.
Il y a un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui est planté.
Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour démolir, et un temps pour bâtir.
Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour se lamenter, et un temps pour sauter de joie.
Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les ramasser ; un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements.
Un temps pour chercher, et un temps pour laisser perdre ; un temps pour conserver, et un temps pour jeter.
Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler.
Un temps pour aimer, et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.

Oui, il y a un temps pour la paix, qui viendra dès nous aurons gagné cette guerre, là-bas et surtout ici-bas contre l’ennemi intérieur. En géopolitique, je crois que l’Ancien Testament me convainc plus que le Nouveau.

Patatras, sur iTélé, l’abbé Grosjean, curé de la paroisse de Saint-Cyr-l’École, me fait changer d’avis aussi sec : « Le seul moyen d’éviter les guerres de religions, explique-t-il,  c’est de faire la guerre au terrorisme islamiste. » Qu’attend-on pour le nommer évêque (ou ministre) ?

Autre bonne nouvelle en cet après-midi médiatique légèrement sociopathogène, l’excellente tribune sur Lemonde.fr de Frédéric Encel et Yves Lacoste.

Extrait : « Face à une idéologie fanatique, il est vrai que l’emploi du RAID, des régiments de parachutistes et des forces spéciales, absolument nécessaire, ne suffit pas. L’islamisme radical incarne une forme de romanisme révolutionnaire morbide, opposons-lui pour paraphraser Max Weber, le ré-enchantement de la nation républicaine. »

Rien à ajouter, donc, enfin presque : pourquoi diable avoir choisi d’illustrer ce texte sur le « réenchantement de la nation républicaine » avec deux ministres sur fond de drapeau européen ? Je hasarderai bien une hypothèse : le chef du service photo du Monde est en vacances, et c’est Arnaud Leparmentier qui le remplace en juillet.

Sur iTélé, vers 21h, Virginie Duval, présidente de l’Union syndicale des magistrats, défend mordicus ses quatre collègues qui ont fait libérer le déjà djihadiste et futur égorgeur Adel Kermiche « qui présentait de réelles garanties de réinsertion ». Elle s’est refusée à envisager que ces juges aient pu commettre une erreur. Et elle a bien sûr condamné par avance tout durcissement de la législation antiterroriste. Heureusement quelques minutes plus tard, le procureur Molins sera beaucoup moins confraternel, insistant lourdement sur la demande du parquet de garder en taule Adel Kermiche, demande refusée par ses collègues. Il paraît qu’une pétition fait un malheur sur Internet. De bonnes âmes exigent que les médias ne nomment plus les terroristes, « pour ne pas leur faire de pub ». C’est un poil neuneu, in my opinion, mais ça part d’un bon sentiment. Mon problème, à moi est ailleurs : les juges qui ont libéré le double djihadiste Kermiche ont-ils des noms ? Et si oui, lesquels ?

Une devinette pour finir : nous reproduisons ci-dessous deux tweets sur l’assassinat du Père Hamel. Le premier émane d’une ado décérébrée de Rhône-Alpes et le second, d’un éminent confrère de Libé. L’un me paraît encore plus problématique que l’autre. Saurez-vous deviner lequel ?

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Les égorgeurs et les fines bouches

Les forces de l'ordre montent la garde devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927520_000001)

La barbarie varie ses effets et frappe aujourd’hui le cœur battant de notre civilisation, celui qui réunit un prêtre hors d’âge, trois bonnes sœurs et deux paroissiens, pour célébrer un matin d’été comme un autre le culte du Dieu vivant. Deux fiers combattants de l’Etat islamique se sont enregistrés pendant qu’ils égorgeaient un vieillard en train de célébrer la messe, et un autre en train d’y assister. Il y a des gens quelque part dans le monde pour se réjouir de ça. Des gens éduqués en France, qui parlent notre langue, partagent des bribes de culture avec nous. Des gens qui fêtent ce genre de chose. Des gens qui se pensent furieusement du bon côté, des gens qui ricanent à l’unisson du sadisme de leurs frères d’arme. Des gens qui ne demandent qu’à recommencer, qui recommenceront demain, aujourd’hui s’ils le peuvent.

Mais il paraît que ces gens-là ne méritent pas notre haine. Qu’il faudrait vaquer. Continuer d’un air dégagé à tapoter sur nos portables, siffloter dans la rue et lutter contre les violences policières. Célébrer l’Euro de football, le Tour de France et la diversité culturelle. Bref, que le mieux ce serait de faire comme si de rien n’était. Business as usual, circulez braves gens, il n’y a rien à voir, rien à dire, rien à haïr ! Parce que ce serait attiser les braises, et faire le jeu de, et aussi un cadeau aux terroristes, et patati et patata. Et puis peut-être aussi parce qu’on s’en fout un peu. On n’a guère l’âme guerrière : la guerre, la police, c’est des saletés tout ça, des trucs de bourrin, de bas du front qui veulent en découdre, nous on est au-dessus de ces trivialités, pas question de salir les jolies mains qu’on n’a pas, et en plus on sait qui sont les méchants.

Les méchants on n’en démordra pas, ce sont les petits blancs, les beaufs racistes qui discriminent. On veut des ennemis sur mesure. Des ennemis inoffensifs et bien de chez nous qu’on peut mépriser en toute tranquillité. A l’extrême rigueur, on dénoncera les extrêmes qui s’alimentent l’un l’autre. Nous, on chantera des chansons, on respectera des minutes de silence mais on restera dans le juste milieu, on « refusera l’emballement » comme dit tranquillement après cette horreur l’équanime Cécile Duflot sur Twitter.

 

On sera du côté de la raison raisonnable qui refuse de pencher d’un côté ou de l’autre. Qui est équitablement indifférente. Ah le beau rôle qu’on se donne là ! Les beaux atours de la lâcheté contemporaine ! Tous les extrêmes, contre lesquels on lutte, c’est tout le monde et personne et surtout pas de noms propres! Ce sont les mêmes qui cherchaient des raisons de s’indigner avec Stéphane Hessel qui aujourd’hui font la fine bouche et restent froids. On égorge un prêtre et un paroissien octogénaires dans une église en pleine messe, mais il ne faut pas s’emballer ?

Cependant, tout bien élevé qu’on est, on a ces dernières années couvert d’injures ceux qui sentaient venir ces horreurs, on les a traités d’islamophobes, de racistes, d’ennemis de la République, du genre humain, on a même vu en eux la nouvelle menace qui pointait, et maintenant qu’on ne peut que se rendre compte qu’on s’est planté dans les grandes largueurs, on se pose en gardien des bonnes manières. On prétend raison garder. On se donne le beau rôle du pondéré, de celui qui en pleine tempête garde la tête froide. Après avoir alimenté la violence victimaire de l’islamisme en dénonçant fiévreusement des dangers imaginaires, ventre fécond, bête immonde et peste brune, on prétend s’opposer à la « volonté de guerre des religions », comme vient de le faire Jean-Luc Mélenchon sur Facebook. Faut-il avoir perdu toute décence, tout bon sens, pour dénoncer tout uniment « la volonté de guerre » de l’islam et celle du christianisme dans les circonstances actuelles, quelques heures après ce drame atroce? Il y a des corrections fraternelles qui se perdent.


Afin de constater à quel point une nouvelle guerre des religions nous guette, on pourra d’abord lire Le Parisien, selon lequel la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray était devenu un foyer de radicalisation islamiste[1. La question de savoir si c’est la mosquée du coin, Internet ou quelque autre jolie facette de la modernité française qui est responsable de la « radicalisation » et surtout du passage à l’acte de ces combattants de l’EI pourra paraître oiseuse, mais tandis que la machine à déni s’est mise en place (« Adel Kermiche n’a jamais fréquenté notre mosquée » répètent fidèles et responsables religieux locaux, « agacés » les pauvres qu’on puisse oser leur demander des comptes après cette horreur), RTL nous apprend que ce brave garçon il y a deux mois parlait à ses coreligionnaires « à la sortie de la mosquée », « de se faire une église ». Personne parmi tous ces braves gens n’a semble-t-il daigné le prendre au sérieux. On leur accordera notre pardon, quand ils nous le demanderont.]. Et en poursuivant sa lecture par une dépêche AFP reprise par Le Point on apprendra que le terrain de cette même mosquée avait été généreusement offert par la paroisse catholique de la ville. Loin de moi l’idée de jeter la pierre aux victimes de ces actes atroces, mais force est de constater que pendant qu’au Moyen-Orient les chrétiens sont massivement persécutés et les églises détruites, ici, la douce et généreuse Eglise de France offre dans sa tendre naïveté et bien malgré elle sans doute, les moyens aux futurs égorgeurs de religieux d’acquérir les bases de leur idéologie mortifère. Le Christ, nous autres catholiques, nous a certes envoyé comme des agneaux au milieu des loups, mais nous a dans un même mouvement conseillé la prudence des serpents…

Faut-il mettre un bracelet électronique au diable ? Proposer un programme de « déradicalisation » à un barbare ? « Enfermer tous les suspects »? Face au diable, rendez-nous les prêtres exorcistes. Face aux barbares, rendez-nous Churchill et De Gaulle. Face aux suspects, préservons l’état de droit mais donnons–nous aussi les moyens d’une pleine et radicale lucidité. Apprenons à connaître vraiment notre ennemi et combattons-le jusqu’à ce qu’il soit hors d’état de nuire à la France et aux Français, pour l’amour qu’on lui doit malgré tout, on verra plus tard. En attendant, les tristes apôtres de la tête froide, ceux qui ont toujours eu tout faux, ne nous priveront pas de nos émotions. Et s’il est bien sûr bien difficile de ne pas se laisser aller à haïr les barbares, il est presque aussi difficile de ne pas céder à la colère contre tous les dénégateurs de la barbarie. Et on se demande d’ailleurs pourquoi, sinon par respect des enseignements d’une Eglise qu’ils méprisent tant, il faudrait n’y pas céder.

Colère à l’encontre de tous ceux, ils sont nombreux, qui ont traité d’islamophobes ceux qui voyaient monter ce qui arrive aujourd’hui, qui leur ont collé au visage la plus infamante des étiquettes, celle du raciste, tout en nous chantant l’égale nocivité ou l’égale bénignité, c’est égal, de toutes les religions. De tous ceux qui font semblant de croire que le problème aujourd’hui c’est la violence policière. La violence policière ? Voici donc le temps des héros à deux balles qui dégoulinent de trouille respectueuse devant la racaille, mais brandissent comme des médailles les deux baffes qu’ils se sont mangées par des policiers à bout de nerfs chargés de leur sécurité. On ne peut que se demander encore une fois ce qui est advenu du sens commun en notre douce France, lorsque la doxa s’indigne de deux baffes malheureuses et de trois charges un peu rudes de la police, de cette même police que des dingues lynchent et tuent, alors que des dizaines, peut-être des centaines d’autres dingues sont en liberté et cherchent à organiser des meurtres de masse. Il est difficile vraiment de ne pas se laisser submerger par la colère à l’encontre de ceux qui refusaient, qui refusent, de voir ce qui nous tombe dessus, qui incitent à haïr ceux qui nous protègent et à excuser ceux qui nous persécutent. Qui relativisent la barbarie islamiste comme d’autres en leur temps ont tout fait pour s’accommoder de la barbarie nazie plutôt que de risquer une nouvelle guerre, et qui ont eu, on le sait, et la guerre et le déshonneur.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Ennemi intérieur, la preuve par Saint-Etienne-du-Rouvray

Des membres de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) dans les rues de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927272_000022)

Je ne sais pas si mes amis catholiques sont d’humeur, ce matin, à tendre la joue gauche. Mais il est bien possible que beaucoup soient plus belliqueux que ce que recommande leur Dieu, à l’unisson du pays entier. Un prêtre égorgé dans son église, ce crime effroyable hantera longtemps notre mémoire collective. On a vu à cette occasion apparaître dans les commentaires l’appellation « communauté catholique ». Non, les cathos ne sont pas une communauté parmi d’autres, les cathos c’est un peu plus la France que les autres et quand tu t’attaques à mes églises, tu t’attaques à moi. Passons, ce n’est peut-être pas le moment de faire des chichis sémantiques.

Bien sûr, dès le meurtre connu, des hommes de Dieu se sont succédé sur les plateaux pour condamner l’acte odieux, appeler à l’union et à la tolérance et dénoncer par avance les amalgames. Comme toujours en pareil cas, sur France Inter et dans quelques autres médias, on a espéré le plus longtemps possible que les tueurs appartiendraient à la catégorie « forcené laïque ». Et comme toujours, on a entendu une fois les faits connus et le caractère islamiste incontestable un défilé de témoins essentiellement musulmans, dire que tout cela n’avait rien à voir avec l’islam.

Il est vrai qu’on sent monter dans le pays des humeurs mauvaises dont nul ne peut garantir qu’elles ne se retourneront pas contre un musulman ou contre un Arabe du coin de la rue. Et il faudrait être inconscient pour ne pas s’en inquiéter. Pour l’instant, en dépit des prières muettes mais assourdissantes de ceux qui rêvent qu’un nouveau Breivik viendra rappeler aux populations que le problème de la France, c’est les fachos, les réacs, l’extrême droite, appelez ça comme vous voulez, on n’a relevé aucun dérapage significatif. Mais le pays veut en découdre avec l’islam radical. Et ce n’est pas avec des paroles apaisantes et des appels à faire bloc qu’on va le calmer. Voilà plus d’un an qu’on lui dit qu’il est en guerre. Il veut savoir contre qui il la fait et comment.

Dénégationnisme médiatique

On a raison de le répéter, notre ennemi n’est pas l’islam, tous les musulmans sincèrement horrifiés pour leur pays en témoignent. Mais c’est bien à l’intérieur de l’islam, de l’islam de France (et des autres pays d’Europe), que cet ennemi se développe, se cache, s’abrite. Ce n’est pas en taisant cette vérité qu’on protègera les musulmans français du risque d’amalgame qui pèse sur eux, c’est en l’affrontant sans avoir peur d’être traité de ceci ou cela. Les Français ne sont pas en colère à cause des ratés de la sécurité, ils sont en colère parce qu’on leur raconte des bobards. C’est le déni outrancier pratiqué par certains médias au prétexte de ne pas jeter de l’huile sur le feu qui encourage tous les fantasmes. Après Nice, on nous a rebattu les oreilles avec les frasques du terroriste : il buvait de l’alcool, il mangeait du porc et il draguait les filles, et même les garçons, il ne pouvait pas être musulman ce gars-là. Pour un peu, nous avions vécu un drame de l’alcoolisme et de la sexualité débridée. Ce dénégationnisme médiatique n’apaise pas au contraire, il rend les gens dingues.

Bien sûr, nombre de victimes étaient musulmanes et ils sont des millions, qui font la fête le 14 juillet, ou d’ailleurs ne la font pas, à appartenir sans restriction à la communauté nationale. Mais d’autres, concitoyens ou pas, sont nos ennemis. Il doit être permis de le dire. Comme il doit être permis de dire que les musulmans de France doivent maintenant faire leur part du boulot et aider l’Etat français à faire le ménage, par exemple en expulsant d’autorité tous les « forcenés » étrangers qui viennent prêcher la haine de l’Occident dans nos mosquées. Encore faudrait-il que l’Etat soit à la manœuvre pour aller débusquer les djihadistes jusque dans les chiottes comme disait l’autre. De ce point de vue, la conclusion d’un accord avec le Maroc pour la formation de nos imams n’est guère encourageante.

Quant aux moyens, quand « tout le monde est une cible et n’importe quoi une arme », comme me le souffle Gil Mihaely, si on ne veut pas que chacun se prenne pour un justicier, tout le monde est à peu près d’accord : il faut passer à la vitesse supérieure. Sur la façon de faire, tout le monde a sa petite idée. Et bien sûr, le président aussi. « Nous devons mener cette guerre par tous les moyens dans le respect du droit », a-t-il dit. Faudrait savoir : par tous les moyens ou dans le respect du droit ? Et de quel droit ? De celui qui permet à juge d’instruction certainement très soucieux des libertés de coller un bracelet électronique à un type qui a tenté d’aller faire le djihad en Syrie de sorte qu’il a pu commettre son crime sans enfreindre son contrôle judiciaire ? Du droit qui permet à un étranger condamné pour avoir tabassé un automobiliste de rester dans notre pays après avoir purgé sa micro-peine ? Je ne devrais pas évoquer le sujet, car je viens d’entendre que Marine Le Pen demandait le rétablissement de la « double peine » — appellation  qui n’est guère aimable pour les pays d’origine — mais je n’ai jamais compris, même quand j’étais de gauche, pourquoi un pays devrait s’embarrasser à garder sur son sol des délinquants étrangers. En tout cas, le débat houleux sur les droits des terroristes condamnés à ne pas être déchus de leur nationalité qui a inauguré l’année paraît aujourd’hui surréaliste. Si nous voulons préserver nos libertés, il va peut-être falloir envisager de prendre quelques libertés avec le droit.

Il y a quelques jours, Le Monde évoquait, pour le démentir mais tout de même, le risque de guerre civile. Et chacun répète à l’envi que « c’est ce que veulent les terroristes ». Mais il ne sert pas à grand-chose de nous dire « restez unis les enfants ». Si on veut conjurer le spectre de la guerre civile, le seul moyen est de livrer et de gagner la guerre de l’intérieur.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Face au terrorisme, la démocratie comme combat

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saint etienne rouvray democratie terrorisme
Siant-Etienne du Rouvray, hommage au prêtre égorgé. Sipa. Numéro de reportage : AP21927272_000025.

Le père Jacques Hamel avait 86 ans. Ce 26 juillet il est donc mort, égorgé par deux terroristes se réclamant de Daech, dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, où il célébrait la messe avec quelques fidèles, comme lui pris en otages. Une vie vaut une vie. L’assassinat d’un vieux serviteur de l’Evangile parvenu au terme d’une vie offerte, n’est pas plus abject que celui d’un enfant innocent, broyé sous les roues d’un camion fou, un soir de 14 juillet dans les rues de Nice.

Célébrer la messe, un acte de liberté

Notre République laïque, dans son désir impérieux de tenir tout pouvoir religieux « à distance » des décisions qui concernent la vie de la cité, n’a pas oublié pour autant la force de ce symbole qui a traversé les siècles, se manifestant parfois contre les excès du pouvoir civil lui-même : l’espace sacré de l’église comme ultime refuge contre toute forme de violence, au nom du Dieu d’amour auquel les fidèles ont donné leur foi. Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob qui est aussi celui des juifs et des musulmans. Même si chacun le prie dans sa propre « langue » spirituelle. Même si d’autres choisissent librement de se tenir à l’écart de toute appartenance religieuse. Célébrer la messe dans une église ouverte sur la rue, prier Dieu à la mosquée ou à la synagogue sont tout autant des actes d’insurrection, de liberté républicaine que dessiner des caricatures pour Charlie.

C’est bien le symbole religieux d’accueil et de paix, libérateur, civilisateur, qui était visé là et non les dérives matérialistes de nos sociétés sécularisées. Le 19 avril 2015, le massacre qui visait deux églises de Villejuif avait pu être évité. Mais l’on se doutait bien que la cible chrétienne, assimilée au croisé occidental, finirait par resurgir, à l’aveugle, quelque part dans l’Hexagone comme elle existe hélas, depuis des années, en maints lieux du Proche et du Moyen-Orient.

Depuis ce nouvel attentat, le plus étonnant est sans doute l’absence de toute surprise dans les réactions, les attitudes et les commentaires des uns et des autres, dans les prises de décision des autorités. Comme si la feuille de route qui s’impose désormais en de telles circonstances avait été rodée, validée, sans erreur possible, par les drames précédents. Je le dirai ici tel je le pense : l’image qui s’impose à moi est celle d’une forme de désarroi des autorités et de vacuité du discours politique dans son ensemble.

Comme tout citoyen, je m’interroge sur l’action du gouvernement et le soutien parfois ambigu de sa majorité. Je comprends que les Français, dans les sondages, puissent aujourd’hui exprimer leur doute sur la capacité des pouvoirs publics à assurer totalement leur protection. C’est l’une des faces de la réalité, même s’il faut saluer avec gratitude la compétence, la mobilisation et le dévouement exemplaires de nos forces de l’ordre : police, gendarmerie, armée. Pour autant, je n’ai pas trouvé à ce jour dans l’opposition la moindre déclaration qui nourrisse en moi la conviction qu’une « autre politique » serait possible et que les « recettes » formulées ici ou là avec une mâle assurance, auraient pu éviter quoi que ce soit des drames que nous venons de vivre ou seraient à même de nous protéger de manière certaine pour l’avenir.

Que sont nos enfants devenus ?

À dresser un tel bilan dans un contexte où d’autres actes terroristes peuvent survenir à tout moment, on pourrait légitimement se laisser envahir par le doute et la peur. Or la peur ne saurait être une réponse au défi qui nous est jeté. Nous laisser gagner par la peur serait donner raison à ceux qui ont choisi cette stratégie perverse pour nous diviser et faire éclater à terme notre communauté nationale. Oui, quelles que soient nos attentes légitimes vis à vis de nos gouvernants, quel que soit leur devoir de protection, nous savons désormais que d’autres drames sont possibles sauf à renoncer à être un pays de liberté, qu’il nous faut apprendre à vivre sous la menace comme d’autres le font en divers lieux de la planète, et que nous devrons tenir bon, dans la durée, en serrant les poings et les dents, parce qu’il y va de nos raisons de vivre et d’espérer pour nous-mêmes et pour les générations de nos enfants et de nos petits-enfants. Parce qu’il y va de la victoire d’un certain humanisme sur la barbarie.

Oui, nous voici entrés en résistance. Non pas contre d’autres Français, fussent-ils musulmans, eux aussi victimes de la même folie meurtrière. Entrés en résistance contre nos propres peurs et contre ceux qui les nourrissent à des fins électoralistes. Oui nous devons nous battre, sans nous lasser, pour une forme d’unité nationale, en redisant que personne n’est dépositaire des clés d’accès à la liberté, à l’égalité et à la fraternité qui demeurent notre bien commun. Et qu’il est des moments dans l’histoire d’une nation, où des citoyens responsables doivent accepter de suspendre momentanément des surenchères idéologiques, renoncer à la prétention d’imposer leur vérité au seul motif qu’ils en auraient les moyens parlementaires ou médiatiques. Cette sagesse fait aussi partie de notre héritage commun.

Et posons-nous enfin, ensemble, la vraie question : pourquoi certains parmi nos propres enfants en viennent-ils à nourrir une telle haine pour leur pays que répondre à l’appel nihiliste de Daech en y laissant la vie leur apparaisse comme un sort désirable ? Où donc est la faille dans ce que nous continuons d’appeler les valeurs de la République sur lesquelles fonder un vivre-ensemble ?

Si la démocratie est un combat, ne l’épuisons pas en vaines querelles. En temps de paix civile ce serait déjà une faute ; dans la période terrible où nous sommes engagés, c’est devenu un crime absolu.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Last exit to Brussels

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Maurice G. Dantec, par Hannah Assouline.
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Maurice G. Dantec, par Hannah Assouline.

Maurice G. Dantec est mort brutalement le 25 juin à Montréal, à l’âge de 57 ans. On retrouvera dans ce texte, publié dans la revue Salamandra le 28 juin 2003, la verve, les outrances, le talent et aussi le caractère visionnaire de cet écrivain attachant. Nous remercions Florence Kuntz, qui a eu la bonne idée de le republier pour lui rendre hommage, ainsi que Sylvie, son épouse qui nous a autorisés à le faire. Et nous lui présentons, ainsi qu’à sa fille, nos affectueuses condoléances.

J’ai vu l’Europe du futur, un soir, alors que le soleil tombait sur Sarajevo dans un silence majestueux, même pas troublé par le tir des snipers.

C’était beau comme un monde qui s’effondrait sous son propre poids. C’était aussi beau, et terrible, sans doute, qu’un trou noir. J’en avais les larmes aux yeux.

J’allais rentrer en France, la Paix de Dayton serait bientôt signée, c’était la FIN, dans tous les sens du terme.

L’Europe du futur, je croisais son uniforme tous les jours, celui des forces de l’ONU, cette maréchaussée des génocides, l’Europe du futur c’était cette impotence assumée comme telle, ce pacifisme de caniveau démocratique, ces vieilles harpies du bolchevisme qui commettaient toutes leurs abominations au nom de l’Homme sous les yeux impassibles des gouvernements libéraux ou sociaux-démocrates qui mettaient la main à la pâte de Schengen et de Maastricht, en laissant s’accomplir sur ce qui était censé devenir leur territoire futur le pire programme de génocide depuis la Seconde guerre mondiale, et alors même que les peuples de l’Europe orientale s’étaient libérés, sans le moindre secours de leur part, évidemment, d’un joug totalitaire demi-centenaire.

Dans un siècle seulement, la honte nous clouera au cercueil de l’histoire, dans un demi-siècle on commencera sans doute à parler ouvertement de trahison, et dans une génération l’Europe connaîtra le prix du sang et des larmes…[access capability= »lire_inedits »]

[…]

Aaah, l’Europe…

L’Europe du futur, lorsque je rentrai de Sarajevo, faisait la grève générale contre un gouvernement et un présent qu’elle venait tout juste d’élire, on me permettra de trouver quelque analogie avec la situation présente.

Les Agents de la Fonction Publique avaient des revendications très pressantes – on les comprend, pauvres diables –, et les Étudiants aussi. À plusieurs d’entre eux, dans la rue, lors de leurs déambulations manifestatoires, je demandais à brûle-pourpoint s’ils n’avaient pas quelques livres à céder pour de malheureux collégiens dont les écoles avaient été rasées et les instituteurs fusillés par une bande de psychopathes communistes, dans un pays EUROPÉEN.

J’évitais de justesse à plusieurs reprises l’incident diplomatique, façon Crise des Missiles.

J’avais vu l’Europe du futur dans le crépuscule de Sarajevo, je voyais maintenant son centre opératif présent, en action, à la lumière de toute la société qui était soi-disant la mienne.

Car l’Europe du futur, c’est la France bien sûr.

Qui pourrait oser penser, sans prendre le risque d’un ridicule cuisant, que quelque chose d’européen – en quelque domaine que ce soit – puisse se faire sans la France ?

Et mieux encore, que quelque chose de français puisse se faire sans l’Europe ? C’est-à-dire sans l’Europe que la France a faite, ou plus précisément encore : sans l’Europe que la France n’a pas faite, n’a pas su faire, ne veut pas faire, et a toujours défait le jour venu ?

Il existe plusieurs pour méthodes pour tuer une civilisation. L’une d’entre elles, et c’est une des meilleures, consiste à la rendre malade puis à lui faire croire qu’on la sauve, et que la médecine administrée, en réalité un très méchant poison, va la remettre sur pied en deux temps, trois mouvements.

C’est ce qu’est en train de nous vendre l’eurocratie bruxelloise, grâce au cartel des barbons giscardiens, avec cet informe papelard que d’aucuns osent dénommer « constitution ».

Oui, j’ai vu l’Europe du futur : une grande zone libérale-socialiste sans plus la moindre souveraineté politique, et encore moins religieuse, sans plus la moindre HISTOIRE : et les Américains, dont on se gausse à ce sujet un peu trop souvent, nous rabattront bien vite le caquet, comme d’habitude depuis un siècle, c’est d’ailleurs déjà fait.

Oui, j’ai vu l’Europe du futur : celle des Borgia et des guerres de Religion fera piètre figure en regard du formidable processus implosif qui attend ce continent qui tourne le dos à lui-même, à l’Occident, au Christianisme, à la Liberté.

Ah, j’entends déjà les voix nasillardes des bonnes de chambre de la République, celle des journalistes aux ordres, venir geindre à mes oreilles : fasciste, Cassandre, « Bushiste », j’en passe, la racaille gauchiste au pouvoir depuis vingt-cinq ans n’aime pas qu’on lui rappelle ses crimes, ses mensonges, ses errements, et encore moins ceux qu’elle se prépare à commettre.

Et pendant que vingt-cinq siècles d’histoire européenne agonisent aux pieds de la bureaucratie bruxelloise, pendant que l’on tente – depuis Paris, tiens ? – de supprimer toute référence active à la civilisation chrétienne dans ce qui est censé modeler la Charte du futur citoyen de la Nouvelle Union, […] les vendeurs d’opérettes sociales et les boutiquiers des avenirs radieux s’affairent autour de sa carcasse, et essaient de lui arracher quelques dernières concessions.

Alors, c’est sûr, en dehors de la ténébreuse certitude de cette extinction prochaine, je ne vois qu’une zone grise, avec en arrière-plan, au loin, une ligne de feu bien rouge, comme si un profond et dense brouillard recouvrait de ses nuées la présente d’un violent incendie à l’horizon.

Un soir, il y a longtemps, c’était vers 1977, ou 78, je roulais avec quelques compagnons dans une ancienne Simca aux alentours de Poissy, lorsque nous étions passés le long des anciennes usines dudit constructeur automobile, puis, sans que je puisse me rappeler où nous étions avec précision, nous avions traversé un très beau pont métallique sur la Seine, dans un décor de friches industrielles et de voies d’autoroutes qui se déploya comme un écran cinémascope sur le pare-brise, irisé par une pluie fine qui tombait d’un ciel aux nuages intermittents, dans une lumière étrange et douce, argentée ; et tandis qu’une cassette de Kraftwerk déroulait ses boucles électroniques dans l’habitacle humide, j’avais alors, sous l’influence ouvertement néoconstructiviste, ou néofuturiste, des musiciens rhénans, et de plusieurs substances illicites, imaginé le même coin anonyme de la banlieue projeté un demi-siècle plus tard, avec des lignes d’aérotrains à sustentation magnétique qui relieraient Paris, Berlin, Moscou, des immeubles géodésiques dédiés à la science spatiale germano-russe plantés sur le terrain des usines désaffectées, des cathédrales en forme de nefs cosmiques s’élevant à l’horizon, puis beaucoup plus tard dans la nuit, alors que la drogue me tenait éveillé dans une maison où tout le monde dormait à poings fermés, une sorte d’urbanisme géopolitique prit forme dans ma tête.

J’imaginai une vaste fédération euro-russe, après que l’Otan eut victorieusement disposé du communisme est-européen, puisqu’une « anti-révolution de 17 » eût remis en place une monarchie impériale constitutionnelle en Russie. Une alliance hémisphérique boréale se dessinerait alors, parallèlement à une unification hémisphérique panaméricaine, de l’Alaska à Ushuaïa. Seule une telle union à « double polarité », est-ouest et nord-sud, me semblait en mesure de contenir le futur géant chinois, et les différentes formes de despotisme oriental qu’il trouverait comme alliées dans le « tiers-monde », ou ailleurs. Seule une telle « construction européenne » me semblait en mesure de proposer un avenir radieux aux populations divisées du continent, et au reste du globe, sans quoi, me disais-je…

J’étais alors très jeune, j’avais encore peu lu, et encore moins vécu, mais je n’allais pas tarder à comprendre.

Au début des années 80, et au fil des ans plus encore, le rêve sombra peu à peu, alors qu’il devenait évident que toutes les trahisons de la civilisation européenne étaient en voie d’être accomplies par nos gouvernements, de gauche comme de droite, socialistes comme libéraux, et que, pire encore, une dialectique mortifère avait fort à propos contaminé les esprits et rendu tout authentique débat impossible : en effet, entre l’Europe de Bruxelles (qui serait bientôt celle de Maastricht) et les diverses rodomontades « souverainistes » qui déjà se faisaient entendre (PCF, FN, néogauchistes, archéogaullistes, etc.), nul autre choix, comprenez-le bien, n’était possible. Entre les merdiques gestionnaires libéraux-socialistes et l’opposition facho-coco, point de salut. Entre la République bourgeoise girondine et ses compromissions, et la République bourgeoise jacobine et ses crimes, pas de troisième terme, je le savais depuis le collège, ne me l’avait-on pas assez répété !

On comprendra dès lors un peu mieux comment l’idée de ce « troisième terme », a priori impossible, n’est-ce pas, a commencé, et à mon corps défendant, à venir trotter dans ma tête, sous la forme d’une couronne, d’un sceptre, et d’un globe terrestre surplombé d’une croix.

Qu’on ne m’en veuille pas si, après Nietzsche, et par lui, j’en vins à Joseph de Maistre, m’accordera-t-on quelque circonstance atténuante si je prétends que le rêve européen est en attente depuis douze siècles d’un nouveau Rex Carolingus ?

Aïe, aïe, aïe, vous n’êtes pas sérieux, dites-nous, jeune homme, quoique que vous soyez déjà quadragénaire, ce qui aggrave d’autant plus votre cas…

Nous voulons du RATIONNEL. Du POLITIQUE, enfin tel que nous comprenons ce mot, i.e. une variation de l’économie ou de la sociologie. Nous voulons un PLAN. Genre quinquennal. Nous voulons la démocratie pour 450 millions d’Européens, et sans que cela nous coûte trop cher, en taxes diverses, comme en pétitions de principe, quoique de ce point de vue là nos réserves soient considérables.

Alors vous comprenez, vous et vos chimériques visions du Saint Empire Romain Germanique…

Je sais, je sais, suis-je dans l’obligation d’avouer, ce n’est pas sérieux, de ce sérieux qu’empruntent (à très bas taux) les bourgeois dès qu’il s’agit de perpétrer leurs méfaits, mais que voulez-vous, ce n’est pas ma faute si je crois que l’Europe est mal barrée depuis le désastreux traité de Verdun de 843, qui non seulement réduisit la France à un minable bandeau de terre s’étendant de la Somme au Languedoc, mais la divisa à tout jamais de sa fonction impériale.

Clovis et la dynastie franque avaient su faire de leur Royaume naissant la fille aînée de l’Église, dès 496, consacrant ainsi le premier État chrétien d’Occident, vingt ans après la chute de l’Empire romain d’Augustule.

Lorsque Charlemagne prend en main le sceptre royal de France, un peu moins de trois siècles plus tard, il accomplit ce processus historial en faisant en sorte d’être ordonné, grâce à la clairvoyance des papes de l’époque, comme premier Empereur chrétien d’Occident, en concurrence certes avec les basileus de Constantinople, représentant l’Empire d’Orient qui durerait jusqu’en 1453, mais uni à eux par la même religion, car en cette lointaine et brillante époque, le Catholicisme s’étendait sans la moindre division intestine de l’Atlantique à la Méditerranée orientale, unifiant une multitude de peuples, de langues, de cultures, dans un projet civilisationnel dont même les échecs futurs stupéfieraient le monde par leur grandeur. Mais en 843, l’union du Royaume de France et de l’Empire d’Occident est brisée, par des Papes de moins en moins clairvoyants, et au xe siècle le Globe Impérial finira dans les mains des puissances germaniques, pour le plus grand malheur des peuples.

Le nationalisme bourgeois ne pouvait que s’étendre, la compétition économique l’envenimer, les guerres ravager le continent, les grandes hérésies se reconstituer, les schismes advenir, et finalement le modernisme social et industriel se propager. Seule la France aurait pu en ces années cruciales fonder, c’est-à-dire fondre, fusionner, une civilisation européenne chrétienne qui se serait étendue de Galway au Bosphore, et plus loin encore. À la fois celte, romaine et germanique, elle seule pouvait prétendre à un catholicisme – c’est-à-dire à un universalisme –politique pour tout l’Occident, elle seule aurait pu devenir l’axis europei qui jamais ne se fixa.

Mais vous vous enfoncez, jeune homme de quarante ans et des poussières, que nous importent en effet vos jérémiades sur un passé datant d’un millénaire ? Ne savez-vous pas que le monde est né aux alentours de 1968, avec la pilule anticonceptionnelle, le double album blanc des Beatles, l’Internationale situationniste et les romans d’Henri Troyat ? Que sans l’invention de l’ampoule électrique, de la machine à vapeur et de la presse à imprimer, nous ne serions tout juste que des êtres à l’apparence simiesque ? Que le christianisme, certes, c’est parfois très beau, n’est-ce pas, mais de là à vouloir en faire un projet de société contemporain, et plus encore pour 25 nations aussi différentes, je crois que la prise de vos médicaments s’impose de toute urgence.

Certes, certes, j’en conviens, je n’ai pas encore pris ma petite pilule au lithium qui m’aide à supporter l’insupportable, sans pour autant me faire tolérer l’intolérable, je me confesse : je me suis laissé emporter.

En effet, […] que pourrait bien accomplir une religion comme le judéo-christianisme pour UNIFIER 25 nations, dont l’une sera d’ailleurs à forte composante islamique ?

Que pourrait faire, c’est vrai, en toute honnêteté, un principe religieux qui durant mille ans avait permis au continent, et à tous ses peuples, de commencer à devenir une civilisation ?

En effet, cher monsieur, nous ne vous le faisons pas dire. On peine à croire qu’un homme comme vous, pourtant né comme nous autres à peu près au moment de la Création-Du-Monde, n’ait pas songé à proposer une version marxiste-léniniste dopée aux phéromones Debordistes, qui font tant fureur aujourd’hui, ou alors une de ces litanies anticapitalistes humanitaires qui rythment le parcours obligé de tout auteur français qui se respecte, voire – comme vous le disiez vous-même, nous semble-t-il – l’épopée d’une vaste confédération euro-russe qui permettrait par exemple aux agriculteurs du Roussillon d’échanger leurs tomates ou leurs poires contre des tonnes de viande de renne venue de Sibérie, vraiment, nous ne comprenons pas, il y a pourtant du bon dans la constitution eurogiscardienne, surtout pour nos Airbus, mais évidemment, si pour vous, seule une RELIGION peut unifier tant de différences, c’est que vraiment vous ne croyez ni aux miracles de la Centrale-à-Charbon, ni à ceux de la Réglementation, et moins encore à ceux de la démocratie parlementaire, il est hautement probable que vous êtes en fait un dangereux réactionnaire, monsieur, et cela, sachez-le, dans la Patrie-des-Droits-de-l’Homme-et-de-l’Urinoir, cela ne se fait pas, nous vous dénoncerons à la Police Intellectuelle dès que vous aurez tourné le dos.

Alors comment imaginer, dites-moi, une Europe du futur, puisque Aix-la-Chapelle n’est plus qu’une petite bourgade folklorique et que c’est à Bruxelles que se dessinent les plans de l’avorton terminal ?

Quiconque a traversé ce non-pays qu’est la Belgique pour se rendre dans sa capitale ne peut, me semble-t-il, que ressentir une terrible impression de dérision et de ridicule, devant la désolante banalité des paysages et des hommes, cette bourgeoisie incarnée génétiquement, et finir par se dire que, pour sûr, l’Europe actuelle ne pouvait surgir que d’un tel endroit, et qu’un tel endroit avait été nécessairement choisi pour accoucher d’une telle Europe.

La Belgique a ainsi été intronisée, on ne sait pourquoi, centre de gravité historique du continent, ce fut une des plus fondamentales manœuvres des artisans de cette « construction européenne », juste après la Seconde Guerre mondiale, que de se servir de cette dernière, et des abominations du nazisme, pour adapter à l’échelle continentale les immondes institutions de l’ONU, et donc éradiquer de la conscience des peuples européens toute notion de souveraineté politique et religieuse.

Le projet suit son cours. Dans une génération, deux grand maximum, la catastrophe démographique post-communiste aura réduit la population russe à environ 100 millions d’individus, pour plus de 150 aujourd’hui, qui n’appelle pas cela un authentique désastre, surtout dans la configuration géopolitique et ethnico-religieuse de l’ex-URSS, est un docteur Knock de la politique.

Une constitution sociale-libérale aura achevé de déchristianiser politiquement et sociologiquement le continent à l’ouest de la Vistule, terminant le travail que le communisme aura accompli en trois quarts de siècle de l’autre bord.

Ce qui se profile aux États-Unis, avec les attaques en règle contre toutes les institutions chrétiennes, et leurs symboles, conduites par la confédération transpolitique du « gauchisme libéral », et qui vaut à ce pays des batailles constitutionnelles toujours recommencées et jamais vraiment terminées (les avis de la Cour suprême peuvent être annulés, ou « amendés »… par la Cour suprême), prendra racine sur le terreau social-libéral de la gauche européenne sans le moindre espoir de retour.

Une idéologie politico-religieuse bien plus dynamique, et violemment opposée aussi bien au judéo-christianisme qu’au modernisme post-chrétien, saura sans doute judicieusement utiliser ce vaste espace vide, peuplé de 450 millions de Bruxellois.[/access]

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Montebourg-Laurent: le flirt surprise de l’été

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arnaud montebourg pierre laurent ps pcf
Arnaud Montebourg et Pierre Laurent. Sipa. Reportage : 00721349_000022. Reportage : 00722942_000020.
arnaud montebourg pierre laurent ps pcf
Arnaud Montebourg et Pierre Laurent. Sipa. Reportage : 00721349_000022. Reportage : 00722942_000020.

C’est désormais avéré : Pierre Laurent, le leader du PCF a pris langue avec Arnaud Montebourg. Et les points de convergence seraient nombreux et réels en vue de 2017.

C’est le communiste qui a fait le premier pas, publiquement, sur LCP, souhaitant une candidature entre « socialistes critiques, communistes, écologistes… » mais aussi « le parti de Jean-Luc Mélenchon ». Et, relancé par les journalistes, il n’a pas fallu le pousser de beaucoup pour qu’il reconnaisse ses convergences avec l’homme à la marinière.

On pourrait en déduire que la candidature de  Moi-Mélenchon aura été le meilleur argument pour un rapprochement, somme toute inattendu Laurent/Montebourg, sur l’air de « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » ? Oui, mais pas que.

Et Mélenchon cocufia son allié

En effet, il est de notoriété publique que la candidature de JLM annoncée en janvier, sans discussion avec ses alliés communistes, a froissé ceux-ci, pour rester poli. Bien qu’il conserve quelques soutiens au PC, comme Marie-George Buffet, Mélenchon semble s’être mis à dos bon nombre de dirigeants mais aussi de militants communistes, qui ont le sentiment de s’être fait faire un bébé dans le dos par leur « camarade Jean-Luc » parti seul à l’aventure des présidentielles, enterrant de facto le Front de gauche.

Mais les convergences Laurent/Montebourg semblent aller au-delà. D’abord, le PCF voit aussi, et surtout, les législatives de juin 2017, qui s’annoncent très compliquées. Or, si le PC soutenait une fois de plus JLM, quel bénéfice en tirerait-il de ce côté-là? (sauf à ce que JLM gagne la présidentielle, hypothèse volontairement non retenue par l’auteur, qui écrit en général à jeun).

Si la gauche perdait, avec Hollande candidat, les accords seraient fort compliqués entre Solferino et Fabien, le PS en voudrait d’autant plus à Mélenchon et le ferait payer de la seule manière possible en plombant le PC au maximum. Mais si Hollande gagnait, ce serait probablement sur une ligne centriste, avec Macron en étendard/rabatteur de juppéistes et bayrouistes égarés, et l’on voit mal là aussi le PS s’enfermer dans des alliances en contradiction avec un gouvernement macrollandais.

Non, Pierre Laurent, fin politique et placide aux nerfs d’acier, joue la carte Montebourg en vue d’amortir le choc des législatives, prenant le pari que seul celui-ci peut battre Hollande (ou Macron ou Valls) lors des primaires du PS. Et là, ça change tout.

Petits calculs à gauche

Car Montebourg candidat vainqueur des primaires, soutenu donc et par le PS et par le PC, cela aurait de quoi bouleverser la donne politique à gauche, où finalement Mélenchon passerait, du coup, pour le diviseur du candidat qui aurait réussi sur son nom à fédérer les grandes familles de gauche.

Alors, Montebourg, même perdant, aurait probablement les clefs de Solférino, et saurait récompenser les communistes, en repartant sur une sorte de remake du Programme commun, du chemin unitaire, le seul qui vaille pour les futures reconquêtes électorales….

À moins que Montebourg n’y aille malgré tout, hors le PS, et alors le soutien du PC ne lui serait que plus vital, et là encore l’espace pour Mélenchon serait réduit.

Mais il reste un hic : comment convaincre les militants communistes que Montebourg, qui fut deux ans ministre de Hollande avant de claquer la porte, c’est mieux que Mélenchon ?  Surtout en repassant par la case primaires PS ? Surtout avec un programme, comme dessiné aux contours de l’Appel du Mont Beuvray, « colbertiste » voire « gaulliste » de gauche, faisant appel aussi bien aux syndicalistes qu’aux patrons de bonne volonté?

C’est là, probablement, que la conversation entre Laurent et Montebourg prend tout son sens. Le grand public, et même les experts, savent peu de choses de la pensée politique « intime » de Pierre Laurent, tant ses prises de positions publiques ne reflètent généralement qu’un compromis entre les courants antagonistes de la direction du PCF, où coexistent difficilement, sur fond de consensus formel antilibéral, maintes sensibilités.

Montebourg, dénominateur commun du PCF ?

Au Conseil national du parti, on retrouve, en vrac, des  Nuitdeboutistes enfiévrés, des islamocompatibles résolus, des orphelins de Georges Marchais, des socialophobes hystérisés, des économicistes obsessionnels, des élus locaux prudentissimes  et aussi beaucoup de communistes qui se posent des questions sur la situation nouvelle créée par les attentats, le dévissage de Hollande et la mort du Front de gauche – ce qu’on ne saurait leur reprocher.

C’est bien sûr autour de dernière cette mouvance communiste floue, « en recherche », qui reflète probablement l’opinion de la majorité des militants et des sympathisants, que Pierre Laurent devra s’appuyer. De source sûre, on dit ce dernier foncièrement attaché – en privé – aux valeurs républicaines, y compris donc à la laïcité et au patriotisme bien pensés. On comprend mieux, dans cette optique, qu’il préfère mordicus l’option Montebourg au ralliement du PCF à un Hamon, à une Aubry ou à une Taubira, qui tous, quoi qu’ils en disent, feraient bien don de leur personne à la gauche dès la rentrée de septembre.

Le patriotisme économique -et donc la réindustrialisation- qu’incarne – seul chez les frondeurs- Arnaud Montebourg, pourrait être un levier politique pour éviter ces candidatures-là, levier qui donnerait du contenu au consensus antilibéral en vigueur au PCF, et lui donnerait aussi de l’efficacité électorale, vu la popularité des thèses protectionnistes dans ce qu’on pourrait appeler « les territoires perdus de la gauche ».

Ce coup de poker est loin d’être gagné. Mais pour qui aime à la fois son pays et la gauche, il vaut d’être tenté.

Tant d’amour et de paix, ça laisse muet…

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daech islam saint etienne rouvray
Miliciens de l'Etat islamique, Falloujah, Irak. Sipa. Numéro de reportage : AP21800159_000007.
daech islam saint etienne rouvray
Miliciens de l'Etat islamique, Falloujah, Irak. Sipa. Numéro de reportage : AP21800159_000007.

Je ne parlerai pas des martyrs de Charlie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne disserterai pas sur les massacres du Bataclan et d’ailleurs. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je n’évoquerai pas les tueries de Boko Haram, de l’AQMI, d’Al-Qaïda, d’Al-Nosra et d’une foule d’autres groupes d’assassins organisés, en Syrie et ailleurs, au nom du Prophète, sur lui la paix et la lumière. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne dirai rien des près de 300 morts tués dans un attentat à Bagdad le 3 juillet, ni des 15 autres tués dans la même ville le 25, ni… Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Et j’ai eu tort de parler ici-même des infidèles tués au musée du Bardo l’année dernière. Car j’ai pris le risque de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne rappellerai pas, pas même pour mémoire, les centaines de viols perpétrés à Cologne, entre autres, au dernier jour de l’An — bonne année ! Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne gloserai pas sur les attentats commis en Arabie saoudite, au Yemen, en Syrie, en Irak, en Turquie. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Ni même ne comptabiliserai-je les 80 morts de Kaboul de samedi dernier — les derniers dans une très longue liste. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Ne comptez pas sur moi pour condamner les attentats à la hache, à la machette, et autres procédés ingénieux perpétrés en Allemagne ces derniers jours. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

De même ne commenterai-je pas l’utilisation d’acide au Pakistan pour défigurer les jeunes filles « impudiques » — la dernière a été étranglée par son frère. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

Je ne dirai rien, oh non, sur le prêtre octogénaire égorgé ce mardi 26 juillet dans une église normande pendant la messe par deux courageux « soldats » de Daech — tout comme d’autres valeureux combattants de Daech avaient fixé au sommet d’une colonne romaine le corps décapité du conservateur octogénaire de Palmyre — ce sont des hommes qui aiment les vieillards, et ils ont prouvé à Nice qu’ils aiment aussi les enfants. Car je risquerais de parler de l’islam, et l’islam est une religion de paix et d’amour.

(Parenthèse. Si un vieil imam avait été tué dans une mosquée par deux connards — ce qui serait difficile vu que les mosquées sont le plus souvent protégées, comme les synagogues, le président de la République et le Premier ministre, si prompts à condamner et à combattre le terrorisme, appelleraient déjà à une manifestation monstre contre la montée des périls d’extrême droite, et envisageraient peut-être de dissoudre tel ou tel groupuscule. Et sans doute auraient-ils raison. Mais ils n’envisagent pas, semble-t-il, de dissoudre l’islam, ni de prendre de vraies mesures contre les milliers de terroristes islamistes potentiels français — ou qui se sont invités en France. Car l’islam est une religion de paix et d’amour. Fin de parenthèse)

Et je ne citerai pas les sourates qui appellent au meurtre des infidèles, par le fer et par le feu. Car l’islam est une religion de paix et d’amour, et seules de méchantes langues propagent ce genre d’information.

Et si jamais demain je me fais égorger par un illuminé, mes amis, ne mettez pas en cause l’islam. Car l’islam est une religion de paix et d’amour.

Comment Saint-Etienne-du-Rouvray est devenu un ghetto islamiste

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saint etienne rouvray ecole islam
Saint-Etienne-du-Rouvray, juillet 2016. Sipa. Numéro de reportage : AP21927272_000023 .
saint etienne rouvray ecole islam
Saint-Etienne-du-Rouvray, juillet 2016. Sipa. Numéro de reportage : AP21927272_000023 .

Daoud Boughezala. Jusqu’ici, les djihadistes visaient essentiellement des grandes villes (Paris, Nice). Avez-vous été étonnée de voir le terrorisme frapper un petit village a priori paisible comme Saint-Etienne-du-Rouvray ?

Florence M.[1. Pour préserver son anonymat, le prénom a été changé.] Oui et non. On se croyait moins exposé qu’à Paris mais Saint-Etienne-du-Rouvray n’est pas une zone rurale ou pavillonnaire. C’est une ville ouvrière de la banlieue rouennaise de 30 000 habitants qui est peu à peu devenue un ghetto depuis la construction massive de logements sociaux dans les années 1970 et 1980. Le vendredi, j’y croise beaucoup d’hommes barbus et même des petites filles voilées. Dans certaines écoles, on compte 90% de maghrébins et des femmes voilées de pied en cap vont chercher leurs enfants à la sortie. Depuis quelques années, j’assiste à une recrudescence du nombre de musulmans barbus dans la région, y compris à Rouen. Alors que je n’ai aucune animosité envers les populations arabo-musulmane, cela m’interpelle : ces personnes qui, à mon sens, affichent ostensiblement leur pratique excessive de la religion ne seraient-elles pas proches des milieux radicaux qui véhiculent des idées extrémistes ?

De votre propre aveu, l’immigration arabo-musulmane n’a pas débarqué du jour au lendemain en Normandie. Avez-vous vu l’intégration progressivement reculer ?

Il y a vingt ans, j’enseignais à Saint-Etienne-du-Rouvray. C’était déjà une population très majoritairement maghrébine mais la religion n’y était pas présente comme aujourd’hui. D’année en années, les comportements ont évolué, et une partie de la population maghrébine a adopté une attitude beaucoup plus intransigeante dans la pratique de la religion. Au départ, les enfants se contentaient de ne pas manger de porc à la cantine, ce qui est normal. Puis, il y a une dizaine d’années, les parents les ont poussés à refuser les bonbons censés contenir de la gélatine de porc. Depuis trois ou quatre ans, ils ne mettent plus leurs enfants à la cantine certains jours parce que la viande servie n’est pas hallal ou bien demandent qu’on ne serve pas de viande à leurs enfants. Cela fait également cinq ou six ans qu’on nous propose des cours d’arabe sous le nom d’ « enseignements de langue et culture d’origine ». En soi, c’est une très bonne idée, d’autant que l’apprentissage est théoriquement ouvert à tous les élèves, mais je me pose des questions : dans quelles conditions sont-ils habilités ? Qui les recrute ? Qui les paie ? Dispensent-ils un enseignement religieux alors que notre école est laïque ?

J’imagine que de tels cours contribuent à enfermer les deuxième et troisième générations dans leur communauté d’origine. L’agglomération rouennaise, dont sont originaires plusieurs djihadistes de l’Etat islamique, est-elle devenue un foyer immigré à ciel ouvert  ?

Dans la petite ville voisine de Saint-Etienne-du-Rouvray où j’enseigne à des enfants de primaire, il y a « seulement » un tiers d’enfants issus de l’immigration arabo-musulmane (turque, maghrébine). On y voit beaucoup de mariages mixtes, et seulement une minorité de femmes voilées. En revanche, mes collègues qui exercent à Saint-Etienne dans un quartier que l’on appelle « Le Château blanc » s’adressent à 90% d’enfants maghrébins dans un contexte beaucoup plus islamisé.

Considérez-vous cette concentration ethnoreligieuse comme une bombe à retardement ?

Mon inquiétude dépasse la question de l’immigration. Les djihadistes sont d’abord des paumés qui ont dérivé vers la violence islamiste. Alors que beaucoup d’enfants ont de grosses difficultés scolaires, l’école dispose de moins en moins de moyens. Que vont devenir ceux qu’on ne peut pas prendre sous notre aile ? Dans dix ans, on risque de se trouver face à des gens, de toutes origines, complètement en marge de notre société, sans aucun repère, qui sauront à peine lire et écrire. Ils risqueront d’être tentés par tous types de dérives : drogue, violence… et islamisme radical.

Surfant sur ces difficultés, aux dernières élections régionales, le Front national a dépassé les 27% à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans une région qui lui a pourtant longtemps été rétive. Voyez-vous grandir la défiance entre les communautés ?

Dans le cadre de mon travail, au contact des élèves, parents d’élèves et collègues, aussi bien que dans ma vie personnelle, je ne l’ai pas constaté. Mais, au travers des médias, les choses sont différentes et la montée du FN semble aller dans le sens d’une augmentation du communautarisme et de la haine entre les communautés.
Après ce dernier attentat, j’ai peur que les djihadistes s’en prennent à nos écoles. Il est inévitable qu’une psychose s’installe.

Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray: on connaît les coupables!

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Un suspect interpellé à Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.00765831_000004)
Un suspect interpellé à Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.00765831_000004)

Alors que la France a été frappée par un nouvel attentat moins de deux semaines après celui de Nice, et tandis que l’Allemagne a été touchée plusieurs fois durant ce laps de temps, on a la chance de ce côté-ci du Rhin de connaître les coupables des actes terroristes de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray. L’enquête a été facile puisque les coupables sont les mêmes dans les deux cas de figure, des témoins au-dessus de tout soupçon s’étant exprimés pour les décrire avant même que la police et la justice aient terminé leurs enquêtes.

Pour l’attentat de Nice, dès le samedi 16 juillet comme l’a relaté notre ami Marc Cohen, un témoin s’est manifesté sur la promenade des Anglais pour dénoncer un des coupables. Ce témoin s’appelle Raphaël Liogier, est sociologue de son état, et pour lui, « l’acharnement de Daech sur la France est lié à l’intolérance des Français, seuls en Europe, par exemple à s’offusquer de la mode islamique. » Le premier coupable était donc connu : l’intolérance des Français.

Le mardi 19 juillet, un deuxième témoin s’exprimait au sujet de cet attentat : l’imam de Nice Abdelkader Sadouni. Il y avait en effet un autre coupable dont il dévoilait le nom dans les colonnes du journal transalpin Il Giornale en y déclarant : « La laïcité française est responsable des attentats. » L’imam nie aujourd’hui avoir tenu ses propos, le témoignage peut donc prêter à caution, mais la laïcité française fait depuis partie des suspects probables dans les attentats qui frappent la France depuis janvier 2015.

Nice nous a donc appris le nom d’un coupable : l’intolérance des Français et le nom d’un suspect qu’il serait urgent d’incarcérer à titre préventif, le bracelet électronique ne servant à rien nous le savons depuis hier : la laïcité française.

L’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray nous a permis avant même que les deux « terroristes présumés » — pour parler comme certains médias — aient été formellement identifiés d’avoir la certitude de la culpabilité de la laïcité et de connaître un autre coupable.

En effet, dès la veille de l’égorgement du Père Hamel dans sa paroisse, l’islamologue Olivier Roy expliquait dans Mediapart au sujet des racines du djihadisme : « La laïcité française n’arrange pas les choses, non pas à cause de sa pratique autoritaire, mais parce qu’elle participe de la déculturation du religieux en refusant sa pratique publique ». Là c’était déjà trop : deux témoignages à charge contre la laïcité française faisaient d’elle une coupable parfaite à envoyer d’urgence à Cayenne ou aux Kerguelen selon qu’on soit plutôt océan Atlantique ou océan Indien !

Le deuxième témoignage désignant sans le moindre doute l’autre coupable de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray est arrivé via le communiqué de presse de SOS Racisme, celui-ci accusant « une secte d’extrême droite aux orientations racistes, antisémites, sexistes et homophobes », « secte » par ailleurs nommée Daech. Il fallait oser placer « l’extrême droite » dans ce communiqué. Comme il fallait aussi oser utiliser autant de mots pour ne pas avoir à en prononcer certains et ainsi ne s’aliéner aucune clientèle, voire les satisfaire toutes à la fois. Mais certains osent tout et c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît comme le disait le regretté Michel Audiard. En tout cas, à SOS Racisme on ne sait pas si ce qu’ils fument c’est de la bonne, mais en tout cas c’est de la forte !

Donc l’enquête est terminée, les coupables sont connus puisqu’ils s’agit de « l’intolérance des Français », de « la laïcité à la française » et d’une « secte d’extrême droite ». François Molins le procureur de Paris peut donc partir prendre quelques vacances bien méritées, lui qui depuis janvier 2015 poursuit sans relâche des coupables qui sont désormais connus.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Le problème aujourd’hui, c’est l’islam radical, pas la droite nationale

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Les forces de l'ordre montent la garde devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927520_000015)
Les forces de l'ordre montent la garde devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927520_000015)

Causeur. L’attaque de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray et l’égorgement du prêtre revendiqués par l’Etat islamique visent-ils à provoquer des affrontements entre chrétiens et musulmans, voire une guerre civile faisant imploser la société française, comme vous le faisait dire Libération dans un entretien réalisé avant l’attentat de Nice[1. Un entretien opportunément retweeté par Edwy Plenel le matin du 15 juillet…] ?

Jean-Yves Camus.[2. Jean-Yves Camus est spécialiste de l’extrême droite.] Précisons d’abord que je ne souhaite pas l’implosion de la société française. Au-delà de mon positionnement politique clairement à gauche, je suis avant tout français. C’est la France qui est attaquée depuis des mois, elle n’a pas décidé d’être en état de guerre. J’ignore quelle sera la réaction de la société française à l’acte terroriste d’hier mais je suis certain que les catholiques de France ne se dresseront pas contre une autre partie de la nation. Clairement, le choix du lieu, de la cible et du moment de l’acte manifestent une attaque réfléchie et pensée contre l’Eglise catholique, ses prêtres et ses fidèles. C’est un acte de guerre de religion. On a aussi franchi un nouveau cap dans la localisation géographique des actes : après la capitale, après une très grande ville de province, c’est une petite ville de la France profonde qui est visée. Et la victime est un prêtre égorgé dans son lieu de culte le jour de l’ouverture des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), ce qui n’est pas un hasard.

Est-ce à dire qu’au même titre que l’antisémitisme, l’antichristianisme est aujourd’hui un puissant moteur de la violence djihadiste ?

Même s’il y a une composante spécifiquement antijuive dans le discours de l’islam radical, dès l’époque d’Al-Qaïda, on était face à une organisation se réclamant du « front mondial contre les croisés ». La référence aux Croisades inclut bien évidemment les chrétiens. C’est l’ensemble des sociétés « apostates » qui est visé. Il n’y a qu’à voir le sort réservé aux chrétiens du Proche-Orient qui n’ont même plus aujourd’hui la possibilité de vivre en dhimmitude. Auparavant, ils étaient dans une situation insatisfaisante mais au moins pouvaient-ils vivre sur place. Maintenant, en Syrie ou en Irak, dans les zones contrôlées par Daech du moins – Bachar Al-Assad n’ayant jamais persécuté ni exterminé les chrétiens –, les chrétiens ne peuvent plus survivre. Mais ce n’est pas une raison pour croire que les chrétiens d’Orient doivent venir vivre chez nous. La solution consiste au contraire à ce que nous leur permettions de vivre à nouveau dans ces pays où ils sont implantés depuis deux millénaires, comme le réclame légitimement l’œuvre d’Orient.

Depuis hier, beaucoup de « chrétiens d’Occident » vivent dans la crainte, sinon dans la colère. Jugez-vous crédible l’hypothèse d’une réplique violente d’« ultradroite » au djihadisme ?

Il ne faut pas éliminer la possibilité qu’il existe un fou furieux, un déséquilibré ou un individu ayant par ailleurs des idées qui, demain, commette un acte terrible. Au moment de l’affaire Breivik, j’ai dit que cet homme avait des idées d’extrême droite (qu’il avait d’ailleurs exposées) mais que ce n’était pas une raison pour imputer la responsabilité de son acte au Parti du progrès dont il avait été adhérent. De même, ce n’est pas parce que qu’un de ses membres commettra un acte criminel que cela mettra en cause l’ensemble des mouvances de la droite nationale. Même après l’affaire du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray, personne ne peut penser que les milieux cathos-tradis ou le Front national n’incitent leurs militants à passer à l’action violente. Si une réplique se produisait un jour, compte tenu de la manière dont le paysage politico-médiatique fonctionne, cet acte aurait des répercussions dramatiques pour l’ensemble de la droite.

Pourquoi ?

Quand on réagit sous le coup de l’urgence, sans avoir toutes les informations nécessaires, ou avec un parti pris idéologique, les mises en cause sont toujours générales. Si des représailles se produisaient, tous ceux qui font de l’islamophobie l’alpha et l’omega de la politique française, qui pensent que la France est naturellement islamophobe, que l’Etat a instauré des discriminations, pourraient dire : « Vous voyez bien, nous l’avions annoncé ! » Or, le problème aujourd’hui est l’islam radical et les attentats qu’il commet. On ne peut pas coller le label d’islamophobe à la France tout entière ni à l’Etat. Le risque, c’est qu’un acte isolé efface cette vérité et donne la possibilité aux pyromanes habituels, au lieu de voir le problème auquel la France est confrontée – la guerre que l’islam radical nous a déclarés -, de renverser la perspective en expliquant que l’islamophobie galopante est le problème du pays.

Trouvez-vous donc infondées les critiques de la politique internationale « islamophobe » de la France, engagée sur plusieurs fronts en Afrique et au Proche-Orient ?

On a vu des gens se réunir place de la République à Paris autour du slogan « Leurs guerres, nos morts ». Mais nos guerres sont légitimes ! C’est leur guerre qui est illégitime. Quand on intervient en Syrie ou en Irak sous quelque forme que ce soit, quand des soldats de nos forces spéciales vont en Libye pour éviter que les islamistes en fassent un nouvel Etat sous leur coupe, la France est dans son droit. Depuis vingt ans, on entend toujours les mêmes, d’ailleurs peu nombreux, prétendre que si nous n’étions engagés sur aucun de ces théâtres d’opération, il ne se passerait rien. Malheureusement, on pourrait se retirer demain matin du Mali, de Libye, d’Irak et de Djibouti même, la guerre de civilisations lancée par Daech serait toujours là.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

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Saint-Etienne-du-Rouvray: Miscellanées guerrières, chapitre deux

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saint etienne rouen vicaire daech

saint etienne rouen vicaire daech

Quelques réflexions en vrac, dans un ordre vaguement chronologique, depuis hier onze heures jusqu’à ce matin, même heure.

Tout d’abord, la radio m’apprend qu’il y aurait « une prise d’otages dans le village de Saint-Etienne-du-Rouvray, en Normandie ». À chaque fois, ou presque,  qu’il se passe quelque chose dans une ville provinciale de moins de 100 000 habitants, le confrère de service décrète spontanément qu’il s’agit d’« un village », alors qu’en fait, là,  c’est une ville de 30 000 habitants dans l’agglo de Rouen. Pour ces journalistes, il y a l’Île-de-France, les capitales régionales, Chamonix, Deauville, la Riviera et, à la rigueur, les Hauts-de-France et leurs consanguins qui votent mal. Tout le reste, c’est du ressort de Jean-Pierre Pernaut et de ses sabotiers-rémouleurs ? On ne vous demande pas d’aimer la France, les confrères, mais au moins de la connaître un peu. C’est si dur que ça de taper Saint-Etienne-du-Rouvray dans Wikipédia ?

Si certains journalistes méritent qu’on leur tire les oreilles, d’autres donnent des envies de gnons. Honnêtement, je collerais bien une beigne aux lavettes de confrères qui persistent, alors que les faits sont établis, à parler de « présumés » terroristes sur les chaînes d’infos. À défaut de mandales – qui resteront au stade de la pulsion pour cause de surmoi –  on parlera désormais de présumés journalistes de chaînes présumées d’info.

Par charité chrétienne, on n’épiloguera pas sur la déclaration filandreuse de l’archevêque de Rouen, en direct depuis les JMJ de Cracovie. La seule idéologie criminelle mise en accusation par Mgr Lebrun, c’est le communisme. Cherchez l’erreur. Par ailleurs, Monseigneur parle, je cite, de « trois victimes »,  incluant au nombre de celles-ci les auteurs de l’assassinat. Cherchez l’horreur.

Sur BFM, justement, on interviewe, à chaud, à quelques mètres des lieux du crime, un autre victimologue, l’intérimaire de Monseigneur Lebrun, le vicaire général de l’archidiocèse de Normandie. Celui-ci incrimine uniquement notre société « malade » qui génère « de l’exclusion ». Que ces gens sont fatigants ! Mais après tout, chacun son job : Dieu pardonne, moi pas. Je m’explique, ci-dessous, avec l’aide du Bon Dieu, justement. Si c’est bien lui qui a rédigé la Bible, qu’il en soit remercié.

Les plus rockers d’entre nous connaissent tous l’Ecclésiaste 3:1-15 grâce à sa mise en musique par le grand Pete Seeger et sa reprise par les Byrds. 
Il n’est pas inutile de s’y replonger pour tous ceux qui pensent que les seules urgences du moment sont le recueillement, la prière et le pardon à tous ceux qui nous ont égorgés.

Extraits :

À toute chose sa saison, et à toute affaire sous les cieux, son temps.
Il y a un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui est planté.
Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour démolir, et un temps pour bâtir.
Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour se lamenter, et un temps pour sauter de joie.
Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les ramasser ; un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements.
Un temps pour chercher, et un temps pour laisser perdre ; un temps pour conserver, et un temps pour jeter.
Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler.
Un temps pour aimer, et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.

Oui, il y a un temps pour la paix, qui viendra dès nous aurons gagné cette guerre, là-bas et surtout ici-bas contre l’ennemi intérieur. En géopolitique, je crois que l’Ancien Testament me convainc plus que le Nouveau.

Patatras, sur iTélé, l’abbé Grosjean, curé de la paroisse de Saint-Cyr-l’École, me fait changer d’avis aussi sec : « Le seul moyen d’éviter les guerres de religions, explique-t-il,  c’est de faire la guerre au terrorisme islamiste. » Qu’attend-on pour le nommer évêque (ou ministre) ?

Autre bonne nouvelle en cet après-midi médiatique légèrement sociopathogène, l’excellente tribune sur Lemonde.fr de Frédéric Encel et Yves Lacoste.

Extrait : « Face à une idéologie fanatique, il est vrai que l’emploi du RAID, des régiments de parachutistes et des forces spéciales, absolument nécessaire, ne suffit pas. L’islamisme radical incarne une forme de romanisme révolutionnaire morbide, opposons-lui pour paraphraser Max Weber, le ré-enchantement de la nation républicaine. »

Rien à ajouter, donc, enfin presque : pourquoi diable avoir choisi d’illustrer ce texte sur le « réenchantement de la nation républicaine » avec deux ministres sur fond de drapeau européen ? Je hasarderai bien une hypothèse : le chef du service photo du Monde est en vacances, et c’est Arnaud Leparmentier qui le remplace en juillet.

Sur iTélé, vers 21h, Virginie Duval, présidente de l’Union syndicale des magistrats, défend mordicus ses quatre collègues qui ont fait libérer le déjà djihadiste et futur égorgeur Adel Kermiche « qui présentait de réelles garanties de réinsertion ». Elle s’est refusée à envisager que ces juges aient pu commettre une erreur. Et elle a bien sûr condamné par avance tout durcissement de la législation antiterroriste. Heureusement quelques minutes plus tard, le procureur Molins sera beaucoup moins confraternel, insistant lourdement sur la demande du parquet de garder en taule Adel Kermiche, demande refusée par ses collègues. Il paraît qu’une pétition fait un malheur sur Internet. De bonnes âmes exigent que les médias ne nomment plus les terroristes, « pour ne pas leur faire de pub ». C’est un poil neuneu, in my opinion, mais ça part d’un bon sentiment. Mon problème, à moi est ailleurs : les juges qui ont libéré le double djihadiste Kermiche ont-ils des noms ? Et si oui, lesquels ?

Une devinette pour finir : nous reproduisons ci-dessous deux tweets sur l’assassinat du Père Hamel. Le premier émane d’une ado décérébrée de Rhône-Alpes et le second, d’un éminent confrère de Libé. L’un me paraît encore plus problématique que l’autre. Saurez-vous deviner lequel ?

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Les égorgeurs et les fines bouches

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Les forces de l'ordre montent la garde devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927520_000001)
Les forces de l'ordre montent la garde devant l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927520_000001)

La barbarie varie ses effets et frappe aujourd’hui le cœur battant de notre civilisation, celui qui réunit un prêtre hors d’âge, trois bonnes sœurs et deux paroissiens, pour célébrer un matin d’été comme un autre le culte du Dieu vivant. Deux fiers combattants de l’Etat islamique se sont enregistrés pendant qu’ils égorgeaient un vieillard en train de célébrer la messe, et un autre en train d’y assister. Il y a des gens quelque part dans le monde pour se réjouir de ça. Des gens éduqués en France, qui parlent notre langue, partagent des bribes de culture avec nous. Des gens qui fêtent ce genre de chose. Des gens qui se pensent furieusement du bon côté, des gens qui ricanent à l’unisson du sadisme de leurs frères d’arme. Des gens qui ne demandent qu’à recommencer, qui recommenceront demain, aujourd’hui s’ils le peuvent.

Mais il paraît que ces gens-là ne méritent pas notre haine. Qu’il faudrait vaquer. Continuer d’un air dégagé à tapoter sur nos portables, siffloter dans la rue et lutter contre les violences policières. Célébrer l’Euro de football, le Tour de France et la diversité culturelle. Bref, que le mieux ce serait de faire comme si de rien n’était. Business as usual, circulez braves gens, il n’y a rien à voir, rien à dire, rien à haïr ! Parce que ce serait attiser les braises, et faire le jeu de, et aussi un cadeau aux terroristes, et patati et patata. Et puis peut-être aussi parce qu’on s’en fout un peu. On n’a guère l’âme guerrière : la guerre, la police, c’est des saletés tout ça, des trucs de bourrin, de bas du front qui veulent en découdre, nous on est au-dessus de ces trivialités, pas question de salir les jolies mains qu’on n’a pas, et en plus on sait qui sont les méchants.

Les méchants on n’en démordra pas, ce sont les petits blancs, les beaufs racistes qui discriminent. On veut des ennemis sur mesure. Des ennemis inoffensifs et bien de chez nous qu’on peut mépriser en toute tranquillité. A l’extrême rigueur, on dénoncera les extrêmes qui s’alimentent l’un l’autre. Nous, on chantera des chansons, on respectera des minutes de silence mais on restera dans le juste milieu, on « refusera l’emballement » comme dit tranquillement après cette horreur l’équanime Cécile Duflot sur Twitter.

 

On sera du côté de la raison raisonnable qui refuse de pencher d’un côté ou de l’autre. Qui est équitablement indifférente. Ah le beau rôle qu’on se donne là ! Les beaux atours de la lâcheté contemporaine ! Tous les extrêmes, contre lesquels on lutte, c’est tout le monde et personne et surtout pas de noms propres! Ce sont les mêmes qui cherchaient des raisons de s’indigner avec Stéphane Hessel qui aujourd’hui font la fine bouche et restent froids. On égorge un prêtre et un paroissien octogénaires dans une église en pleine messe, mais il ne faut pas s’emballer ?

Cependant, tout bien élevé qu’on est, on a ces dernières années couvert d’injures ceux qui sentaient venir ces horreurs, on les a traités d’islamophobes, de racistes, d’ennemis de la République, du genre humain, on a même vu en eux la nouvelle menace qui pointait, et maintenant qu’on ne peut que se rendre compte qu’on s’est planté dans les grandes largueurs, on se pose en gardien des bonnes manières. On prétend raison garder. On se donne le beau rôle du pondéré, de celui qui en pleine tempête garde la tête froide. Après avoir alimenté la violence victimaire de l’islamisme en dénonçant fiévreusement des dangers imaginaires, ventre fécond, bête immonde et peste brune, on prétend s’opposer à la « volonté de guerre des religions », comme vient de le faire Jean-Luc Mélenchon sur Facebook. Faut-il avoir perdu toute décence, tout bon sens, pour dénoncer tout uniment « la volonté de guerre » de l’islam et celle du christianisme dans les circonstances actuelles, quelques heures après ce drame atroce? Il y a des corrections fraternelles qui se perdent.


Afin de constater à quel point une nouvelle guerre des religions nous guette, on pourra d’abord lire Le Parisien, selon lequel la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray était devenu un foyer de radicalisation islamiste[1. La question de savoir si c’est la mosquée du coin, Internet ou quelque autre jolie facette de la modernité française qui est responsable de la « radicalisation » et surtout du passage à l’acte de ces combattants de l’EI pourra paraître oiseuse, mais tandis que la machine à déni s’est mise en place (« Adel Kermiche n’a jamais fréquenté notre mosquée » répètent fidèles et responsables religieux locaux, « agacés » les pauvres qu’on puisse oser leur demander des comptes après cette horreur), RTL nous apprend que ce brave garçon il y a deux mois parlait à ses coreligionnaires « à la sortie de la mosquée », « de se faire une église ». Personne parmi tous ces braves gens n’a semble-t-il daigné le prendre au sérieux. On leur accordera notre pardon, quand ils nous le demanderont.]. Et en poursuivant sa lecture par une dépêche AFP reprise par Le Point on apprendra que le terrain de cette même mosquée avait été généreusement offert par la paroisse catholique de la ville. Loin de moi l’idée de jeter la pierre aux victimes de ces actes atroces, mais force est de constater que pendant qu’au Moyen-Orient les chrétiens sont massivement persécutés et les églises détruites, ici, la douce et généreuse Eglise de France offre dans sa tendre naïveté et bien malgré elle sans doute, les moyens aux futurs égorgeurs de religieux d’acquérir les bases de leur idéologie mortifère. Le Christ, nous autres catholiques, nous a certes envoyé comme des agneaux au milieu des loups, mais nous a dans un même mouvement conseillé la prudence des serpents…

Faut-il mettre un bracelet électronique au diable ? Proposer un programme de « déradicalisation » à un barbare ? « Enfermer tous les suspects »? Face au diable, rendez-nous les prêtres exorcistes. Face aux barbares, rendez-nous Churchill et De Gaulle. Face aux suspects, préservons l’état de droit mais donnons–nous aussi les moyens d’une pleine et radicale lucidité. Apprenons à connaître vraiment notre ennemi et combattons-le jusqu’à ce qu’il soit hors d’état de nuire à la France et aux Français, pour l’amour qu’on lui doit malgré tout, on verra plus tard. En attendant, les tristes apôtres de la tête froide, ceux qui ont toujours eu tout faux, ne nous priveront pas de nos émotions. Et s’il est bien sûr bien difficile de ne pas se laisser aller à haïr les barbares, il est presque aussi difficile de ne pas céder à la colère contre tous les dénégateurs de la barbarie. Et on se demande d’ailleurs pourquoi, sinon par respect des enseignements d’une Eglise qu’ils méprisent tant, il faudrait n’y pas céder.

Colère à l’encontre de tous ceux, ils sont nombreux, qui ont traité d’islamophobes ceux qui voyaient monter ce qui arrive aujourd’hui, qui leur ont collé au visage la plus infamante des étiquettes, celle du raciste, tout en nous chantant l’égale nocivité ou l’égale bénignité, c’est égal, de toutes les religions. De tous ceux qui font semblant de croire que le problème aujourd’hui c’est la violence policière. La violence policière ? Voici donc le temps des héros à deux balles qui dégoulinent de trouille respectueuse devant la racaille, mais brandissent comme des médailles les deux baffes qu’ils se sont mangées par des policiers à bout de nerfs chargés de leur sécurité. On ne peut que se demander encore une fois ce qui est advenu du sens commun en notre douce France, lorsque la doxa s’indigne de deux baffes malheureuses et de trois charges un peu rudes de la police, de cette même police que des dingues lynchent et tuent, alors que des dizaines, peut-être des centaines d’autres dingues sont en liberté et cherchent à organiser des meurtres de masse. Il est difficile vraiment de ne pas se laisser submerger par la colère à l’encontre de ceux qui refusaient, qui refusent, de voir ce qui nous tombe dessus, qui incitent à haïr ceux qui nous protègent et à excuser ceux qui nous persécutent. Qui relativisent la barbarie islamiste comme d’autres en leur temps ont tout fait pour s’accommoder de la barbarie nazie plutôt que de risquer une nouvelle guerre, et qui ont eu, on le sait, et la guerre et le déshonneur.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Ennemi intérieur, la preuve par Saint-Etienne-du-Rouvray

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Des membres de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) dans les rues de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927272_000022)
Des membres de la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) dans les rues de Saint-Etienne-du-Rouvray (Photo : SIPA.AP21927272_000022)

Je ne sais pas si mes amis catholiques sont d’humeur, ce matin, à tendre la joue gauche. Mais il est bien possible que beaucoup soient plus belliqueux que ce que recommande leur Dieu, à l’unisson du pays entier. Un prêtre égorgé dans son église, ce crime effroyable hantera longtemps notre mémoire collective. On a vu à cette occasion apparaître dans les commentaires l’appellation « communauté catholique ». Non, les cathos ne sont pas une communauté parmi d’autres, les cathos c’est un peu plus la France que les autres et quand tu t’attaques à mes églises, tu t’attaques à moi. Passons, ce n’est peut-être pas le moment de faire des chichis sémantiques.

Bien sûr, dès le meurtre connu, des hommes de Dieu se sont succédé sur les plateaux pour condamner l’acte odieux, appeler à l’union et à la tolérance et dénoncer par avance les amalgames. Comme toujours en pareil cas, sur France Inter et dans quelques autres médias, on a espéré le plus longtemps possible que les tueurs appartiendraient à la catégorie « forcené laïque ». Et comme toujours, on a entendu une fois les faits connus et le caractère islamiste incontestable un défilé de témoins essentiellement musulmans, dire que tout cela n’avait rien à voir avec l’islam.

Il est vrai qu’on sent monter dans le pays des humeurs mauvaises dont nul ne peut garantir qu’elles ne se retourneront pas contre un musulman ou contre un Arabe du coin de la rue. Et il faudrait être inconscient pour ne pas s’en inquiéter. Pour l’instant, en dépit des prières muettes mais assourdissantes de ceux qui rêvent qu’un nouveau Breivik viendra rappeler aux populations que le problème de la France, c’est les fachos, les réacs, l’extrême droite, appelez ça comme vous voulez, on n’a relevé aucun dérapage significatif. Mais le pays veut en découdre avec l’islam radical. Et ce n’est pas avec des paroles apaisantes et des appels à faire bloc qu’on va le calmer. Voilà plus d’un an qu’on lui dit qu’il est en guerre. Il veut savoir contre qui il la fait et comment.

Dénégationnisme médiatique

On a raison de le répéter, notre ennemi n’est pas l’islam, tous les musulmans sincèrement horrifiés pour leur pays en témoignent. Mais c’est bien à l’intérieur de l’islam, de l’islam de France (et des autres pays d’Europe), que cet ennemi se développe, se cache, s’abrite. Ce n’est pas en taisant cette vérité qu’on protègera les musulmans français du risque d’amalgame qui pèse sur eux, c’est en l’affrontant sans avoir peur d’être traité de ceci ou cela. Les Français ne sont pas en colère à cause des ratés de la sécurité, ils sont en colère parce qu’on leur raconte des bobards. C’est le déni outrancier pratiqué par certains médias au prétexte de ne pas jeter de l’huile sur le feu qui encourage tous les fantasmes. Après Nice, on nous a rebattu les oreilles avec les frasques du terroriste : il buvait de l’alcool, il mangeait du porc et il draguait les filles, et même les garçons, il ne pouvait pas être musulman ce gars-là. Pour un peu, nous avions vécu un drame de l’alcoolisme et de la sexualité débridée. Ce dénégationnisme médiatique n’apaise pas au contraire, il rend les gens dingues.

Bien sûr, nombre de victimes étaient musulmanes et ils sont des millions, qui font la fête le 14 juillet, ou d’ailleurs ne la font pas, à appartenir sans restriction à la communauté nationale. Mais d’autres, concitoyens ou pas, sont nos ennemis. Il doit être permis de le dire. Comme il doit être permis de dire que les musulmans de France doivent maintenant faire leur part du boulot et aider l’Etat français à faire le ménage, par exemple en expulsant d’autorité tous les « forcenés » étrangers qui viennent prêcher la haine de l’Occident dans nos mosquées. Encore faudrait-il que l’Etat soit à la manœuvre pour aller débusquer les djihadistes jusque dans les chiottes comme disait l’autre. De ce point de vue, la conclusion d’un accord avec le Maroc pour la formation de nos imams n’est guère encourageante.

Quant aux moyens, quand « tout le monde est une cible et n’importe quoi une arme », comme me le souffle Gil Mihaely, si on ne veut pas que chacun se prenne pour un justicier, tout le monde est à peu près d’accord : il faut passer à la vitesse supérieure. Sur la façon de faire, tout le monde a sa petite idée. Et bien sûr, le président aussi. « Nous devons mener cette guerre par tous les moyens dans le respect du droit », a-t-il dit. Faudrait savoir : par tous les moyens ou dans le respect du droit ? Et de quel droit ? De celui qui permet à juge d’instruction certainement très soucieux des libertés de coller un bracelet électronique à un type qui a tenté d’aller faire le djihad en Syrie de sorte qu’il a pu commettre son crime sans enfreindre son contrôle judiciaire ? Du droit qui permet à un étranger condamné pour avoir tabassé un automobiliste de rester dans notre pays après avoir purgé sa micro-peine ? Je ne devrais pas évoquer le sujet, car je viens d’entendre que Marine Le Pen demandait le rétablissement de la « double peine » — appellation  qui n’est guère aimable pour les pays d’origine — mais je n’ai jamais compris, même quand j’étais de gauche, pourquoi un pays devrait s’embarrasser à garder sur son sol des délinquants étrangers. En tout cas, le débat houleux sur les droits des terroristes condamnés à ne pas être déchus de leur nationalité qui a inauguré l’année paraît aujourd’hui surréaliste. Si nous voulons préserver nos libertés, il va peut-être falloir envisager de prendre quelques libertés avec le droit.

Il y a quelques jours, Le Monde évoquait, pour le démentir mais tout de même, le risque de guerre civile. Et chacun répète à l’envi que « c’est ce que veulent les terroristes ». Mais il ne sert pas à grand-chose de nous dire « restez unis les enfants ». Si on veut conjurer le spectre de la guerre civile, le seul moyen est de livrer et de gagner la guerre de l’intérieur.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur

Face au terrorisme, la démocratie comme combat

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saint etienne rouvray democratie terrorisme
Siant-Etienne du Rouvray, hommage au prêtre égorgé. Sipa. Numéro de reportage : AP21927272_000025.
saint etienne rouvray democratie terrorisme
Siant-Etienne du Rouvray, hommage au prêtre égorgé. Sipa. Numéro de reportage : AP21927272_000025.

Le père Jacques Hamel avait 86 ans. Ce 26 juillet il est donc mort, égorgé par deux terroristes se réclamant de Daech, dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, où il célébrait la messe avec quelques fidèles, comme lui pris en otages. Une vie vaut une vie. L’assassinat d’un vieux serviteur de l’Evangile parvenu au terme d’une vie offerte, n’est pas plus abject que celui d’un enfant innocent, broyé sous les roues d’un camion fou, un soir de 14 juillet dans les rues de Nice.

Célébrer la messe, un acte de liberté

Notre République laïque, dans son désir impérieux de tenir tout pouvoir religieux « à distance » des décisions qui concernent la vie de la cité, n’a pas oublié pour autant la force de ce symbole qui a traversé les siècles, se manifestant parfois contre les excès du pouvoir civil lui-même : l’espace sacré de l’église comme ultime refuge contre toute forme de violence, au nom du Dieu d’amour auquel les fidèles ont donné leur foi. Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob qui est aussi celui des juifs et des musulmans. Même si chacun le prie dans sa propre « langue » spirituelle. Même si d’autres choisissent librement de se tenir à l’écart de toute appartenance religieuse. Célébrer la messe dans une église ouverte sur la rue, prier Dieu à la mosquée ou à la synagogue sont tout autant des actes d’insurrection, de liberté républicaine que dessiner des caricatures pour Charlie.

C’est bien le symbole religieux d’accueil et de paix, libérateur, civilisateur, qui était visé là et non les dérives matérialistes de nos sociétés sécularisées. Le 19 avril 2015, le massacre qui visait deux églises de Villejuif avait pu être évité. Mais l’on se doutait bien que la cible chrétienne, assimilée au croisé occidental, finirait par resurgir, à l’aveugle, quelque part dans l’Hexagone comme elle existe hélas, depuis des années, en maints lieux du Proche et du Moyen-Orient.

Depuis ce nouvel attentat, le plus étonnant est sans doute l’absence de toute surprise dans les réactions, les attitudes et les commentaires des uns et des autres, dans les prises de décision des autorités. Comme si la feuille de route qui s’impose désormais en de telles circonstances avait été rodée, validée, sans erreur possible, par les drames précédents. Je le dirai ici tel je le pense : l’image qui s’impose à moi est celle d’une forme de désarroi des autorités et de vacuité du discours politique dans son ensemble.

Comme tout citoyen, je m’interroge sur l’action du gouvernement et le soutien parfois ambigu de sa majorité. Je comprends que les Français, dans les sondages, puissent aujourd’hui exprimer leur doute sur la capacité des pouvoirs publics à assurer totalement leur protection. C’est l’une des faces de la réalité, même s’il faut saluer avec gratitude la compétence, la mobilisation et le dévouement exemplaires de nos forces de l’ordre : police, gendarmerie, armée. Pour autant, je n’ai pas trouvé à ce jour dans l’opposition la moindre déclaration qui nourrisse en moi la conviction qu’une « autre politique » serait possible et que les « recettes » formulées ici ou là avec une mâle assurance, auraient pu éviter quoi que ce soit des drames que nous venons de vivre ou seraient à même de nous protéger de manière certaine pour l’avenir.

Que sont nos enfants devenus ?

À dresser un tel bilan dans un contexte où d’autres actes terroristes peuvent survenir à tout moment, on pourrait légitimement se laisser envahir par le doute et la peur. Or la peur ne saurait être une réponse au défi qui nous est jeté. Nous laisser gagner par la peur serait donner raison à ceux qui ont choisi cette stratégie perverse pour nous diviser et faire éclater à terme notre communauté nationale. Oui, quelles que soient nos attentes légitimes vis à vis de nos gouvernants, quel que soit leur devoir de protection, nous savons désormais que d’autres drames sont possibles sauf à renoncer à être un pays de liberté, qu’il nous faut apprendre à vivre sous la menace comme d’autres le font en divers lieux de la planète, et que nous devrons tenir bon, dans la durée, en serrant les poings et les dents, parce qu’il y va de nos raisons de vivre et d’espérer pour nous-mêmes et pour les générations de nos enfants et de nos petits-enfants. Parce qu’il y va de la victoire d’un certain humanisme sur la barbarie.

Oui, nous voici entrés en résistance. Non pas contre d’autres Français, fussent-ils musulmans, eux aussi victimes de la même folie meurtrière. Entrés en résistance contre nos propres peurs et contre ceux qui les nourrissent à des fins électoralistes. Oui nous devons nous battre, sans nous lasser, pour une forme d’unité nationale, en redisant que personne n’est dépositaire des clés d’accès à la liberté, à l’égalité et à la fraternité qui demeurent notre bien commun. Et qu’il est des moments dans l’histoire d’une nation, où des citoyens responsables doivent accepter de suspendre momentanément des surenchères idéologiques, renoncer à la prétention d’imposer leur vérité au seul motif qu’ils en auraient les moyens parlementaires ou médiatiques. Cette sagesse fait aussi partie de notre héritage commun.

Et posons-nous enfin, ensemble, la vraie question : pourquoi certains parmi nos propres enfants en viennent-ils à nourrir une telle haine pour leur pays que répondre à l’appel nihiliste de Daech en y laissant la vie leur apparaisse comme un sort désirable ? Où donc est la faille dans ce que nous continuons d’appeler les valeurs de la République sur lesquelles fonder un vivre-ensemble ?

Si la démocratie est un combat, ne l’épuisons pas en vaines querelles. En temps de paix civile ce serait déjà une faute ; dans la période terrible où nous sommes engagés, c’est devenu un crime absolu.

Dossier: les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, par magazinecauseur