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Israël, cet allié que certains adorent détester

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israel palestine urvoas terrorisme
Lyon, 2016. Sipa. Numéro de reportage : 00759052_000002.

Rappelons quelques évidences. Israël est un Etat de droit. Et comme tout Etat de droit, Israël garantit l’accès des prisonniers, y compris palestiniens, à un avocat. Israël permet aux prisonniers, mêmes palestiniens, de passer des diplômes. Israël hospitalise les prisonniers, mêmes palestiniens, qui font la grève de la faim pour que leur santé ne se dégrade pas. Les tribunaux militaires et la Cour Suprême israélienne veillent strictement au respect des lois, même pour les palestiniens. La rétention administrative en Israël est conforme aux dispositions de la 4ème Convention de Genève de 1949, même pour les Palestiniens.

Les résultats actuels de notre politique antiterroriste ne nous offrent pas le luxe de mépriser nos alliés. Notre ministre de la Justice M. Urvoas devrait donc bien s’inspirer d’Israël, tant sur le plan technique (la surveillance des réseaux sociaux) que sur le plan opérationnel (mise en œuvre de moyens physiques de protection) et sur le plan du renseignement humain que les services français ont lamentablement déserté depuis la suppression tragique des RG en 2008.µ

L’Obs perd son sang-froid

Venant à l’aide du Garde des Sceaux, une tribune publiée le 19 août dernier dans « Le Plus » de L’Obs appelle à ne surtout pas suivre l’exemple israélien, modèle de l’impasse sécuritaire dans laquelle se serait enferrée cette « puissance occupante, coloniale et expansionniste ». Rien de moins.

Les signataires de cette tribune, un pot-pourri d’artistes « engagés », intellectuels, politiques d’extrême-gauche, commencent leur analyse par une erreur factuelle. Non, la présence israélienne dans les « territoires palestiniens depuis 1967 » ne constitue pas « l’occupation militaire la plus longue du XXème siècle ». L’occupation militaire du Tibet commencée par la Chine en 1950 n’a toujours pas cessé. Mais contrairement aux « territoires palestiniens », le Tibet était considéré comme un Etat souverain avant que Mao ne décide de le « libérer » et ce, dans l’indifférence générale.

La tribune se poursuit par des raccourcis symptomatiques d’un tropisme anti-israélien irraisonné.

L’opération « Bordure Protectrice » de l’été 2014 est évoquée comme pour marquer la barbarie israélienne contre des palestiniens « non armés » qui n’avait « nulle part où fuir ». Pas un mot en revanche sur les causes de l’intervention militaire, à savoir : les centaines de roquettes tirées depuis le début 2014 sur les villes israéliennes, cibles civiles s’il en est, ainsi que l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes israéliens par des activistes du Hamas en Israël. Quant à un endroit où fuir qui serait inexistant en raison du « blocus israélien », on rappellera que l’Egypte contrôle le point de passage de Rafah et le maintient fermé sans émotion particulière de la part des signataires de la tribune.

Si ces derniers prennent soin de souligner que « mêmes les hôpitaux et les bâtiments de l’ONU étaient bombardés et détruits par l’aviation israélienne », ils omettent de préciser que c’est parce que le Hamas y entreposait ses stocks d’armes et munitions et s’en servait comme base de tir de ses roquettes et ce, au su et au vu de l’ONU.

De la même façon, inutile de chercher les termes « terrorisme palestinien » dans cette tribune, vous n’y trouverez que l’hyperbolique « résistance palestinienne ». Comment qualifier autrement en effet l’assassinat à coup de couteaux d’une adolescente de 13 ans dans son lit, de lancer sa voiture contre des passants – hommes, femmes, enfants – à un arrêt de bus ou de tirer à l’arme de guerre sur les clients d’un restaurant attablés en terrasse ? Voilà les glorieuses opérations de l’héroïque résistance palestinienne.

N’est pas Sadate qui veut

Contrairement aux formules creuses et lénifiantes de cette tribune, ce n’est pas en raison d’une prétendue politique d’oppression des Palestiniens qu’Israël se serait enfermée dans une « impasse sécuritaire » mais notamment en raison de la veulerie d’Arafat puis d’Abbas qui ont refusé les offres insensées de Barak en 2000 et Olmert en 2008 et de la corruption endémique de la nomenklatura palestinienne qui s’est tellement bien adaptée à la perfusion financière de l’UE et de l’ONU qu’elle préfère continuer à profiter de l’aide internationale que construire les bases d’un véritable Etat. N’est pas Sadate qui veut.

Israël n’est pas exempt de défauts ni de reproches. Mais en état de guerre permanent depuis sa création en 1948, condition imposée par ses voisins à l’extérieur et les terroristes à l’intérieur, il n’en est pas moins resté une démocratie sans police politique ni religieuse contrairement aux pays qui l’entourent.

Etat multi-ethnique et multiconfessionnel par excellence, Israël ne prétend pas au « vivre-ensemble », il l’applique. Les citoyens israéliens, quelles que soient leur couleur, religion, idées politiques, orientation sexuelle disposent des mêmes droits. Les arabes, les druzes, les chrétiens israéliens ont le droit de vote, sont députés, juges, hauts-gradés dans l’armée, acteurs, chanteurs, travaillent en Israël. C’est un juge arabe, Salim Joubran, qui a condamné Moshé Katsav, ancien président de l’Etat d’Israël, à une peine de prison. Ce sont des Arabes Israéliennes qui ont représenté Israël à l’Eurovision et au concours de Miss Monde. D’après un récent sondage, 52% des résidents arabes de Jérusalem-Est préfèrent être des citoyens israéliens plutôt que des citoyens d’un futur Etat palestinien. De plus en plus de druzes du Golan sollicitent la nationalité israélienne.

Alors oui, peut-être faudrait-il commencer à s’inspirer d’Israël et accepter, en ces temps troublés, son aide en matière de lutte anti-terroriste.

Quand l’idéologie des bonnes âmes progressistes vient se fracasser sur la réalité des attentats terroristes, il faut ranger les grands discours et regarder la réalité en face avant qu’il ne soit trop tard.

Tafta: l’accord mort-vivant?

Manifestation à Rennes en mai 2016 (Photo : SIPA.00756721_000007)

Si le Tafta[1. Transatlantic Free Trade Area (Tafta), Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, également nommé TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership.] avait été ratifié par l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique, il aurait institué la zone de libre-échange la plus importante de l’histoire, représentant plus de 40 % du PIB mondial. Mais après plus de vingt ans de négociations, le Tafta trouvera simplement sa place au panthéon des naufrages célèbres, entre la CED[2. La Communauté européenne de défense (CED), abandonnée en 1954, après le rejet du projet par le parlement français.] et le Titanic. Léviathan commercial né des négociations entamées après la chute du mur de Berlin, le projet voit le jour avec la signature de la première résolution transatlantique entre Etats-Unis et Europe en 1990. L’idée va dès le départ susciter de fortes résistances et pousser les parties contractantes à revoir leur copie. Ainsi, la fuite et la publication de tractations secrètes préludant à la mise en place de l’AMI (l’Accord multilatéral sur l’Investissement[3. L’ancêtre du TAFTA, négocié sans succès de 1995 à 1998.]), révèlent notamment l’existence d’un mécanisme, similaire à celui de l’Alena[4. Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Entré en vigueur le 1er janvier 1994, il crée une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.], permettant aux investisseurs privés d’intenter des procès aux Etats et collectivités devant un tribunal arbitral international. La révélation suscita une vague de protestation et amena le Premier ministre Lionel Jospin à réclamer un rapport public, poussant finalement le gouvernement français à quitter les négociations et entraînant de fait la mise au rencard de l’AMI en octobre 1998. Figure clé du mouvement d’opposition à l’AMI, l’essayiste Susan George, offrit à l’accord mort-né cette épitaphe célèbre : « L’AMI est comme Dracula : il meurt à être exposé en plein jour ». L’échec de cet ancêtre du Tafta marque aussi la naissance et la montée en puissance du mouvement altermondialiste. Le célèbre mouvement Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) est créé sur les cendres de l’AMI, et Susan Georges devient sa vice-présidente.

L’analogie avec le destin connu vingt ans plus tard par le Tafta est frappante. En mai 2016, la publication par Greenpeace de documents confidentiels à propos du Tafta a levé le voile sur une négociation restée jusqu’ici très opaque. La suite a ressemblé peu ou prou au sort réservé à l’AMI : des Français de plus en plus réservés et des Américains de moins en moins convaincus, jusqu’à la volonté d’abandonner les négociations, révélée ce mardi 30 août par la voix du secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl. Une mort programmée, en quelque sorte, puisque François Hollande avait déclaré, en avril 2016, sur France 2 : « S’il n’y a pas de réciprocité, s’il n’y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n’a pas accès aux marchés publics et si, en revanche, les États-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l’on fait ici, je ne l’accepterai pas. » Au lendemain de la publication de Greenpeace, le président français réaffirmait que la France disait « non, à ce stade des négociations ». La confirmation officielle de l’abandon des négociations par Matthias Fekl n’est donc pas surprenante, elle en dit long sur l’évolution des équilibres européens après le Brexit.

Le TTIP rencontrait déjà aux Etats-Unis un certain nombre d’oppositions et, pour l’administration Obama, la signature d’un brouillon d’accord devenait une priorité et peu à peu une cause perdue. En conséquence, la pression américaine s’était considérablement accentuée ces derniers mois sur les Européens pour parvenir à une ébauche d’accord le plus rapidement possible. Dans le camp européen, la division était de plus en plus marquée entre le camp des pro- Tafta, représenté surtout par Angela Merkel, très pressée de signer au plus vite un accord avec les Etats-Unis et celui des hésitants, représenté par François Hollande ou Jean-Claude Juncker qui, au nom de la Commission européenne, ne souhaitait pas signer un brouillon d’accord contraignant. La position allemande n’était pas elle-même forcément arrêtée, compte tenu des divisions très fortes sur la question au sein même du gouvernement. Comme l’explique une source proche des négociations, si Angela Merkel, portée par « une croyance mythologique en la vertu du libre-échange et du partenariat américain », soutenait encore le projet, Sigmar Gabriel, vice-chancelier d’Allemagne, partageait quant à lui beaucoup plus les réticences françaises. Le double discours allemand compliquait d’ailleurs plus encore les discussions sur le TTIP. « Il est très compliqué de travailler avec les Allemands sur ce sujet puisque les interlocuteurs sont constamment renvoyés de la Chancellerie au Bundestag et aux représentants de la coalition »[5. Coalition entre les Unions chrétiennes (CDU/CSU) et le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) sur laquelle s’appuie le cabinet Merkel III depuis le 17 décembre 2013.]. D’un autre côté, confie-t-on dans les milieux impliqués dans les négociations : « Il était utile de pouvoir jouer sur les divergences de vue entre SPD et CDU… »

« Un front Hollande-Juncker face à une ligne Cameron-Merkel-Renzi »

Du côté des autres partenaires européens, Mariano Rajoy apparaissait trop affaibli et isolé en Espagne pour peser suffisamment dans les discussions et Matteo Renzi, bien que favorable au traité, trop tenu par les échéances électorales et entravé par les difficultés financières de l’Italie. « La Hongrie ou la Slovaquie étaient beaucoup plus proches de la France, la République tchèque ou la Croatie étaient au contraire beaucoup plus favorables à l’accord, les Scandinaves prêts à signer tandis que la Pologne restait fluctuante en raison de l’importance de l’alliance militaire avec les Etats-Unis », confie un proche du dossier. Parmi les grands acteurs des négociations, David Cameron au Royaume-Uni était sans doute celui qui avait le plus intérêt à parvenir à un accord, compte tenu du risque de Brexit. Barack Obama ayant menacé de maintenir « le Royaume-Uni en queue de peloton » dans les futures négociations commerciales en cas de majorité pour le « leave », Cameron n’avait pas manqué d’insister sur les avantages économiques promis par l’accord pour en faire un argument contre la sortie de l’Union. Les électeurs britanniques s’étant finalement prononcés pour elle, l’administration Obama ne pouvait guère être plus définitivement convaincue de l’échec final du TTIP.

François Hollande pourrait quant à lui retirer un certain gain politique de la mort du Tafta. Le président français a certes adopté une position très ambivalente vis-à-vis des accords du TTIP, puisqu’il plaidait encore en faveur d’une accélération des négociations en février 2014, lors d’une visite aux Etats-Unis, mais il a occupé graduellement une position beaucoup plus critique, et beaucoup plus prudente, à mesure que les tractations s’enlisaient. Dans les négociations, la France a réussi à briser son isolement de départ et à trouver une ligne commune avec la Commission européenne dans une configuration politique voyant s’opposer « un front Hollande-Juncker face à une ligne Cameron-Merkel-Renzi », explique là encore une source proche des instances de négociations. Le président français a-t-il senti le vent tourner suffisamment tôt pour tirer parti de l’effritement du camp pro-Tafta et de la montée en puissance du mouvement anti-traité dans l’opinion ? « Un certain nombre de gouvernements ont sous-estimé les résistances de la société civile », explique-t-on en effet à propos de l’enlisement progressif des négociations. La position de François Hollande tient donc certes de la posture politique mais elle s’est également traduite dès avril 2016 dans le domaine diplomatique, à l’occasion de la visite de Barack Obama à Hanovre, qui n’a pas suffi à obtenir des Européens la signature d’un traité préliminaire et ce principalement en raison de l’opposition française. Sur le plan de la politique intérieure, l’opposition au Tafta est extrêmement fédératrice et transcende largement les clivages partisans. On retrouve pêle-mêle, au sein des opposants durs, aussi bien l’extrême gauche qu’une partie des frondeurs du PS ou des représentants de la majorité gouvernementale, mais aussi, dans l’opposition, François Fillon, sur une ligne très anti-Tafta, ou encore le Front national, favorable à l’abandon immédiat des négociations… Quant à Nicolas Sarkozy, sa position est assez fluctuante : très pro-Tafta quand il était au pouvoir, beaucoup moins depuis qu’il l’a quitté…

Le gel des négociations pourrait cependant n’être que temporaire. S’il a été annoncé également en Allemagne que les discussions « avaient échoué », c’est par la voix de Sigmar Gabriel, notoirement plus sceptique à l’égard du TTIP. Il n’est pas interdit de penser en réalité que le calendrier électoral français, les élections américaines et le référendum constitutionnel italien en octobre aient mis tout le monde d’accord pour interrompre les discussions autour du traité transatlantique… jusqu’à une période plus favorable à leur reprise… D’autant que les partisans des accords du Tafta mettent en avant un autre élément important de l’équation : la Chine. « Les Chinois, eux, ne respectent aucune règle, confie-t-on dans le camp français. Nous sommes d’accord là-dessus avec les Etats-Unis. Si on arrêtait complètement les négociations, ça serait du pain béni pour les Chinois qui profiteraient de la dislocation du bloc occidental. On ne peut entretenir une vision du monde parcellaire. Les Américains ne sont pas des anges, mais les Chinois encore moins. » L’ombre de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, créée à l’initiative de Pékin en octobre 2014 dans le but de faire directement concurrence au FMI plane aussi sur les négociations du Tafta.

Du côté des détracteurs du traité, on souligne enfin que l’annonce du gel des négociations sur le Tafta pourrait être un moyen sûr de faire passer plus simplement la ratification du traité CETA[6. Comprehensive Economic and Trade Agreement. Accord global sur l’économie et le commerce.] avec le Canada. A priori plus rassurant pour les Européens et les Français, puisque le gouvernement de Justin Trudeau a accepté de reconnaître  un grand nombre d’appellations d’origine protégées (AOP), le CETA suscite cependant une inquiétude croissante et la crainte que l’échec du Tafta ne précipite trop sa signature… au détriment des Etats européens. Des craintes que les Canadiens partagent également, de façon symétriquement opposée. En larguant les amarres pour s’éloigner du navire Europe, le Royaume-Uni a peut-être contribué au naufrage du Tafta. Mais le naufrage reste temporaire et la vaste partie d’échec transatlantique est sûrement loin d’être terminée.

Des journalistes climatologues du dimanche

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meteo canicule climat
La Défense. Oliver H.

Les Romains croyaient que les fortes chaleurs estivales étaient causées par l’apparition de la « petite chienne » (canicula), autre nom de Sirius, l’étoile principale de la constellation du Grand Chien. Ils pensaient même que durant cette période de l’année, les chiens étaient plus susceptibles de contracter la rage. Aujourd’hui, l’explication journalistique des épisodes caniculaires, comme d’ailleurs celle des étés maussades, n’est guère plus scientifique.

Mon précédent post portait sur les « prophéties » médiatiques (au sujet du Brexit). Je vais continuer sur ce thème avec un sujet d’actualité : la canicule, et donc le réchauffement climatique. Le « et donc » établit ici un rapport de contiguïté étroite en ces deux notions, qui ne va de soi que dans le discours médiatique. En effet, si, par définition, toute canicule constitue un réchauffement, les médias, quant à eux, vont plus loin (plus loin même que les spécialistes à qui ils tendent le micro) : la canicule est un argument en faveur d’une thèse, celle du Réchauffement.The Réchauffement, celui dont on ne parle qu’en tremblant car ce seul mot fait frémir les mortels et annonce la fin des temps

Le journaliste, militant réchauffiste

Evidemment, quand il fait chaud, c’est facile. On peut même risquer, comme l’Obs il y a quelques jours, un article intitulé « Canicule : à Paris aussi, on meurt du réchauffement climatique ». Objectivement, c’est la canicule qui tue, mais présenter la chose ainsi permet, comme on dit, de « sensibiliser » fortement la population au drame du réchauffement climatique. Si on en meurt, c’est qu’il existe.

Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux

Burkini, voile: la vertu ostentatoire

Image extraite d'une vidéo tournée sur une plage de Marseille (Photo : SIPA.AP21943945_000002)

Invité par Olivier Galzi sur iTélé le 29 août, le député PS Razzy Hammadi a déclaré que c’était « un droit fondamental pour des musulmanes dans notre pays de porter un voile dans l’espace public ». Voilà un homme de gauche comme Terra nova les aime.

Pendant ce temps, à Colomiers, Manuel Valls parlait de Marianne, « le sein nu, parce qu’elle nourrit le peuple, et qui n’est pas voilée ». Comme Chevènement, il conseille aux musulmans un minimum de discrétion, ce qui offusque immédiatement les divers thuriféraires de l’islam de France.

Et avant-hier à Marseille, à quatre heures de l’après-midi et en plein centre-ville, j’ai croisé une jeune femme en burqa, tenant la main d’une petite fille accoutrée de même.

Ce qui nous ramène au burkini et à l’incident de Sisco. Les types qui avaient « privatisé » la plage selon un principe de « caïdat » (dixit le procureur de la République) se seraient offusqués des photos que prenait un touriste — photographiant probablement le paysage, qui n’est pas mal, comme partout en Corse.

Faudrait savoir. Le voile est-il fait pour se cacher ou pour être remarquée ?

Lire la suite sur le blog de Jean-Paul Brighelli

 
Burkini, par magazinecauseur
 

La société du spectacle

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Rappeler (encore et encore) ce qu’est la laïcité

Tunis, janvier 2011 (Photo : SIPA.00612670_000008)

La décision du Conseil d’État d’annuler l’arrêté pris à Villeneuve-Loubet et concernant le « burkini », loin de ramener le calme en la matière, a relancé le débat politique. De nouveau, la notion de laïcité est au centre de la controverse, et l’on voit apparaître à son sujet des arguments pour le moins curieux, comme l’assimilation au « racisme », ainsi que l’a fait l’historien Shlomo Sand dans les colonnes du Nouvel observateur[1. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1552646-arretes-anti-burkini-femmes-voilees-verbalisees-la-laicite-ultime-refuge-du-raciste.html]. Que ce genre « d’argument » puisse surgir dans le feu de la polémique, on veut bien l’admettre et invoquer à son propos l’échauffement malsain des esprits. Qu’il puisse être invoqué par un homme d’habitude plus pondéré en dit long sur la confusion mentale qui saisit aujourd’hui une partie des « cerveaux » de la « gauche ».

On voit bien ici l’effet de « point Goodwin » que veulent imposer ceux qui utilisent ce type d’argument, cherchant à déconsidérer d’emblée leurs adversaires. Et il convient de dire que cet argument est doublement pervers, d’une part car il empêche le débat d’avoir lieu de manière sereine (ce qui est – normalement – le but que devrait viser un intellectuel) mais aussi parce que galvaudant le mot « racisme », il lui ôte sa précision et son efficacité, ce qui se révélera à l’usage dramatique quand nous serons confrontés à de véritables arguments racistes. A cela s’ajoute une liste d’arguments controuvés, qui font peine à lire et entendre, et qui ont été dénoncés avec vigueur par un journaliste québécois[2. http://www.journaldemontreal.com/2016/08/22/burkini–le-monde-a-lenvers].

Il faut donc rappeler, encore et encore, non pas tant pour convaincre des esprits ayant abandonné toute capacité de raisonnement à la pression d’une idéologie mais pour borner un débat au profit des gens raisonnables, ce qu’est la laïcité. Elle est fondamentalement un principe politique, qui a des incarnations juridiques et qui fait partie d’une culture politique spécifique. Ce sont donc ces trois dimensions que l’on va successivement examiner.

Lire la suite sur le blog de Jacques Sapir

Colombie: à quoi bon un accord de paix?

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Signature de l'accord de paix intra-colombien. Sipa. Numéro de reportage : AP21913750_000001.

Cette fois ça y est. Ou plutôt, une fois encore, ça y est. Après la signature du cessez-le feu définitif le 23 juin entre le gouvernement colombien et les Farc, les deux protagonistes remettent ça, avec un accord de paix définitif –pourtant celui du 23 juin l’était aussi- signé le 24 août. Une nouvelle fois la presse colombienne, El Espectador et El País en tête, s’enflamment, évoquant –à juste titre- un accord historique, tout comme les intellectuels et Bogota, où la place Bolivar est devenue le point de réunion non seulement des doux pigeons de la capitale, mais aussi des citoyens pacifistes ou pragmatiques en faveur de la paix.

L’accord de paix final enfin signé, c’en serait donc fini des 53 ans de guerre civile. On doit reconnaître là une sacrée performance, Messieurs (et Mesdames)  les Colombiens, je vous  tire mon chapeau. Oui mais El Espectador m’apprend à l’instant que l’accord final –celui-ci serait donc le vrai ?- sera maintenant signé à l’ONU. Voilà de quoi assurer une nouvelle fièvre d’enthousiasme pour les prochaines semaines, ce qui fera les affaires, je l’espère, de la presse écrite colombienne, au moins aussi mal en point que la nôtre.

Les Colombiens entre résignation et peur

Alvaro Uribe, l’ancien président, a de quoi pester. Lui qui a consacré l’essentiel de sa carrière politique à la lutte contre les Farc et qui est déjà entré en campagne présidentielle ne compte pas laisser sa chère Colombie aux mains de communistes qui vont faire de son pays un nouveau Venezuela d’ici peu.  Avec seulement dix députés et sénateurs assurés aux Farc pour les dix ans à venir, on est dans là dans une bonne fiction uribéiste, une histoire par ailleurs plausible qui pourrait être le thème d’un bouquin d’anticipation politique. Reste que son discours qu’il martèle depuis des années, a contaminé une certaine partie de la population : bientôt des tueurs d’enfants vont entrer au Parlement,  alors une paix avec ces assassins non merci, mieux vaut tous les annihiler comme Uribe, lui, savait le faire. Et de toute façon, la Colombie ayant tellement de problèmes – la guérilla ELN, les bandes criminelles, le narcotrafic, les inégalités sociales, un système d’éducation hors de prix – ce n’est pas cet accord de paix qui va changer la face de la société. Ce raisonnement est présent chez une bonne partie de la population.

Que l’on se rassure, il n’y aura pas de retour en arrière. Uribe a perdu cette manche, Santos –qui a reçu la bénédiction du Pape pour son traité de paix- a gagné, les Farc peut-être aussi, cela reste sujet à débat. Mais même chez les partisans, pacifistes ou simplement pragmatiques, de cet accord, l’optimisme n’est pas de mise. La crainte de voir les 10 000 combattants des Farc rejoindre l’ELN ou faire carrière dans le trafic de drogue est bien présente. Et que vont devenir tous les jeunes militaires – et ils sont nombreux- si l’armée n’a plus besoin d’eux ? Selon les Colombiens favorables à l’accord, la période qui arrive risque d’être difficile.

C’est le 2 octobre – et non plus en septembre – que se tiendra le référendum pour la paix. Un référendum, en voilà une bonne idée. Comme chez les Anglais, c’est le Peuple qui va pouvoir trancher. Et en plus vous savez quoi ? Les étrangers résidents en Colombie pourront voter. Sauf que le taux de « oui » au traité pour que celui-ci soit accepté par un quorum d’au moins 13 % des électeurs colombiens – donc que l’abstention ne soit pas trop massive. Voilà qui ne devrait pas arranger la popularité de Santos. Mais pour décider de ce qui est bon pour le pays, faut-il toujours faire confiance au peuple ?

Turquie: le Kurde, voilà l’ennemi!

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Des tanks turcs stationnés à Karkamis tout près de la frontière syrienne (Photo : SIPA.AP21943273_000007)

Ce n’est certes pas la première fois que l’armée turque vient frapper, en appui des milices djihadistes, au Nord de la Syrie. Mais jusqu’à présent, avions, blindés et canons retournaient dans leurs bases après quelques jours ou quelques heures d’opération. Il semble que cette fois, l’armée turque ne va pas se contenter de coups de semonce. Comme si les grandes puissances lui avaient donné tacitement l’autorisation de poursuivre sa manœuvre en profondeur. François Hollande a de son côté déclaré qu’il « comprenait » cette attaque turque après l’attentat de Gaziantep. Il a en revanche omis de parler des Kurdes que nous sommes censés défendre et qui sont la vraie cible stratégique de l’armée turque…

Pas question de laisser Poutine à Ankara

Le putsch avorté de la mi-juillet avait été l’occasion pour Erdogan de resserrer les liens avec l’ennemi d’hier, Vladimir Poutine. Une quinzaine de jours après leur réconciliation, le Kremlin avait eu l’habileté avec Téhéran d’assurer Erdogan de son soutien. Tandis que les « alliés du Golfe » restaient étrangement silencieux. La diplomatie américaine, montrée du doigt elle aussi, s’est alors empressée de recoller les morceaux avec Ankara, dépêchant en urgence Joe Biden en personne. Washington peut redouter une nouvelle percée russe au Moyen-Orient. La Turquie est une alliée traditionnelle de l’Amérique et un des piliers militaires de l’OTAN ; elle a une position géopolitique cruciale pour contrôler l’Eurasie et a fortiori la Russie. Hors de question pour les Etats-Unis de laisser s’installer Poutine en Turquie.

Depuis, Ankara semble jouer à merveille de sa nouvelle position médiane entre Moscou et Washington. Position confortable, comparable à celle de l’Egypte et d’Israël (et qui fut autrefois celle de la France). C’est ainsi que le grand Turc a obtenu les garanties suffisantes américaines pour entrer sans coup férir en profondeur en Syrie. Le vice-président américain était encore sur le sol turc le jour de l’offensive vers Jarablus. Pour la Maison-Blanche, cette concession à la Turquie est une façon de faire rentrer Ankara dans son giron. Ni les Russes ni les Américains, les principaux fournisseurs des kurdes syriens, ne peuvent s’y opposer. Ils ne souhaitent d’ailleurs pas que les Kurdes du PYD fassent la jonction entre leurs cantons pour fonder un « grand Rojava », lequel mordrait sur des terres arabes le long de la frontière syro-turque. C’est aussi impensable pour les alliés régionaux respectifs de Moscou et Washington, Damas et Ankara. Moscou a donc laissé faire, sachant la lutte pour Jarablus pourrait détourner les rebelles islamistes de la bataille pour Alep.

 Damas pas encore prêt à un renversement d’alliance

Si ces conquêtes turques se font en étroite coordination avec les factions islamistes de Syrie (sur le dos de Daech dans un premier temps, sur le dos des Kurdes désormais), le rapprochement turc esquissé avec Bachar Al-Assad est-il encore d’actualité ? Pour le moment, Damas n’est pas prêt à un tel renversement d’alliance. Les diplomaties syrienne comme russe ont formellement protesté contre cette nouvelle incursion turque. Le rapprochement turco-syrien sur le dos des Kurdes n’est donc pas pour tout de suite.

Sur les lambeaux de Daech, Erdogan tient non seulement à faire oublier les états d’âme de ses armées par une campagne militaire victorieuse ; il tient à s’assurer une porte d’entrée centrale sur la Syrie. Le président turc ne se contente pas de contrer le parti kurde après sa victoire à Manbij. Il saisit des territoires qui sont autant de gages pour l’avenir. Un peu sur le modèle (toute comparaison gardée) de l’armée française fonçant vers Berchtesgaden, Stuttgart ou Turin en 1945, afin de négocier avec Roosevelt des compensations de toute nature.

Malgré les inévitables pertes militaires, la percée turque en Syrie marque une avancée stratégique intéressante pour Ankara. Une avancée qui n’eut pas été possible sans un repositionnement diplomatique. Moins dogmatique (Ankara était le soutien aveugle des printemps islamistes), recentré sur ses intérêts (son alliance avec les pétromonarchies du Golfe lui a fait perdre de vue la question kurde), la nouvelle diplomatie turque du ministre Mevlut Cavusoglu et du chef du gouvernement Binali Yildirim, joue désormais un jeu plus subtil et plus équilibré entre Arabes sunnites et chiites, Kurdes, Américains et Russes. Les partisans du Kurdistan autonome syrien ont quelques raisons de s’inquiéter…

Les juifs et le burkini: un silence ambigu

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israel juifs burkini plage
Juifs orthodoxes sur la plage de Tel-Aviv. Sipa. Reportage n°AP21557279_000004.

Qui a inventé cette forme particulière de décence consistant à couvrir tout son corps en public ? Le peuple hébreu. La « tzniout » (pudeur) est même au centre du judaïsme. La Torah considère que la nudité affichée réduit l’être humain à sa condition animale. Pour les rabbins, elle marque symboliquement la frontière entre matérialisme et idéalisme. C’est pourquoi les juifs pratiquants – et surtout leurs filles et épouses – sont aussi sourcilleux en matière de « modestie » physique que les musulmans. Mais on ne le dit pas. Le CRIF s’est abstenu de prendre clairement position dans l’affaire du burkini. Le Consistoire lui-même, organe officiel du culte israélite dans l’Hexagone, est sur la réserve. Le rabbin de la grande synagogue parisienne de la Victoire, Moshé Sebbag, est le seul qui ait osé sortir du silence en chuchotant à une agence de presse juive qu’il se sentait solidaire… des maires anti-burkini et non des musulmanes incriminées.

La discrétion des juifs orthodoxes français

Comment comprendre ce paradoxe ? D’abord, deux mille ans d’exil ont forgé une mentalité particulière et un principe talmudique ne souffrant guère d’exception : « La loi de l’Etat est la loi. » Autrement dit, en diaspora, il faut s’adapter. En France, l’idéal républicain et la laïcité sont à la source du pacte démocratique. C’est une originalité parfois surprenante vu de l’étranger (les dirigeants juifs, à travers le monde, ont désapprouvé globalement les mesures anti-burkini du mois d’août, jugées liberticides). Mais les juifs de ce pays, eux, ont intégré depuis longtemps ce que le comte de Clermont-Tonnerre préconisait déjà sous la Révolution : « Accordons tout aux juifs en tant qu’individus et rien en tant que nation. » C’est dans le même esprit que s’expriment aujourd’hui les tenants d’une ligne ferme sur l’islam dans l’espace public et contre le communautarisme.

Dans ce contexte, soulignons que les juifs orthodoxes français optent pour la discrétion : ils vont plutôt à la montagne lors des congés estivaux et se baignent en tenues couvertes dans des piscines privées installées dans des hôtels « casher », à l’abri des regards. En Israël, il existe des plages réservées aux pratiquants où l’on se jette à l’eau avec des vêtements ou des maillots ressemblant au burkini. En plein centre de Tel-Aviv, on trouve côte-à-côte une plage pour religieux, une autre fréquentée par les homosexuels et une troisième réservée aux… chiens et à leurs maîtres ! Un mode de vie à l’anglo-saxonne impensable ici.

L’islamo-gauchisme inquiète les juifs

Deuxième explication : les juifs de notre pays ne sont pas tous pratiquants, loin s’en faut. D’autre part, les croyants comme les autres redoutent particulièrement l’expansion du fondamentalisme musulman et la menace terroriste, puisqu’ils sont une cible privilégiée des fous d’Allah.

Enfin, les pourfendeurs d’une raideur laïque prétendument « islamophobe » se situent surtout dans le camp islamo-gauchiste, dont le bras armé associatif est la Ligue des droits de l’homme (LDH), en conflit avec le CRIF et la LICRA. Ce courant qui a le vent en poupe dans les banlieues sensibles inquiète les juifs français, d’autant plus que lesdits islamo-gauchistes reprennent sans nuances les sorties violemment antisionistes de Tariq Ramadan et consorts.

Pourtant, le judaïsme ayant inventé la pudeur corporelle en même temps que le monothéisme, ses responsables hexagonaux devraient au moins souligner que le burkini n’est pas forcément une provocation destinée à marquer l’asservissement de la femme mais, en certaines circonstances, le signe d’une exigence spirituelle respectable. La plupart des rabbins et des fidèles le pensent, mais ils s’autocensurent car ils craignent les réactions d’une opinion chauffée à bloc sur les thématiques identitaire et religieuse. On comprend d’autant mieux cette frilosité que le contexte actuel (assassinats djihadistes de masse inédits sur le territoire de la République, montée du salafisme, radicalisation islamiste et complotisme tous azimuts…) incite à la prudence.

On peut néanmoins regretter ce silence ambigu, car l’affaire complexe du maillot de bain intégral mérite aussi réflexion et éclairage théologique.

Burkini, par magazinecauseur

Le burkini cette chausse-trappe

Manifestation contre l'interdiction du burkini à Anvers en Belgique (Photo : SIPA.00769473_000007)

Les inventeurs du burkini ne cachent pas qu’il résulte du croisement « oxymorique » de la burqa et du bikini. De l’enfermement et de la libération. Si la filiation avec le bikini, ce symbole de la liberté des mœurs, n’a rien de visible, en revanche, le nom, autant que la chose, font indiscutablement du burkini une adaptation light de la burqa. Or celle-ci est indiscutablement le symbole visible et ostentatoire des mœurs islamistes les plus radicales et les plus oppressives. Il en résulte que la burqa est le symbole d’une culture qui est en guerre contre la nôtre.

Dans une France qui vit dans le souvenir et sous la menace d’attentats islamistes, l’apparition du burkini dans l’espace public a été perçue à juste titre comme un premier pas vers la banalisation de la burqa et donc comme une provocation islamiste.

Reste la question délicate : comment une démocratie libérale peut-elle réagir à cette provocation qui teste sa capacité de défense immunitaire ? Elle a le choix entre deux attitudes pires l’une que l’autre.

La première serait de ne pas réagir du tout, en application du principe selon lequel chacun est libre de s’habiller comme il le veut dans l’espace public pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre et la tranquillité : son apparence ne regarderait pas les autres, qui n’auraient donc pas droit de regard sur elle. Dans ce cas, au nom du principe masochiste « faites chez nous comme chez vous, on s’en accommodera », notre société ouvrirait la voie à d’autres exigences tout aussi  contraires aux mœurs et coutumes qui forment sa culture, c’est-à-dire son identité.

Cette option suicidaire n’a que l’apparence du libéralisme. Car la liberté qui est au cœur des sociétés ouvertes doit se défendre contre ses ennemis, au motif que ses principes et son art de vivre non seulement relèvent de son choix souverain, mais aussi parce que nos mœurs et coutumes valent mieux que la culture archaïque et oppressive qu’on leur oppose. Un peu de progressisme nous protège d’un relativisme décérébré.

L’idée d’interdire tous les signes d’appartenance religieuse dans l’espace public est aberrante

L’autre option, tout aussi nocive, serait d’interdire le burkini et ses variantes au nom d’une loi générale sans avoir les justifications pour le faire. L’idée d’interdire tous les signes d’appartenance religieuse dans l’espace public est aberrante. Elle est une violation absolue de la laïcité qui doit protéger la libre manifestation de toutes les convictions dans l’espace public, dans la société civile. De plus, elle noie le poisson de l’islamisme radical et agressif en l’immergeant dans l’océan de toutes les religions qu’elle mettrait sur le même plan.

La laïcité d’aujourd’hui n’a pas besoin de  se défendre contre l’empiètement des religions : elle n’est remise en question et agressée que par l’islamisme conquérant. Les autres religions présentes en France se sont acculturées à la culture française, à la démocratie libérale. Elles se sont sécularisées.

On peut certes trouver hors de l’islam des femmes qui se conforment à des traditions archaïques et qui se baignent habillées de pied en cap comme leurs arrière-grands-mères. Sur une page publique, le spectacle donné par des femmes ultra-orthodoxes pourrait irriter des modernistes intolérants, mais on n’a pas le droit d’interdire ce qui ne nous plaît pas, s’il n’est pas associé à un danger.

Il est donc bien difficile de savoir comment réagir de façon adéquate à une offensive située sur le plan des mœurs.

On peut au moins tirer une leçon de l’échec. Ce qui a manqué aux arrêtés pris par les maires, et ce qui a conduit à l’annulation par le Conseil d’État de celui de Villeneuve-Loubet, c’est de s’en être tenu dans l’exposé des motifs au lien dans l’opinion publique entre un symbole évoquant la burqa et les attentats islamistes.

Les maires ont préféré alléguer le soi-disant conflit entre la laïcité et des comportements relevant d’une religion dans l’espace public. Par peur de stigmatiser, ils n’ont pas voulu nommer l’islamisme. Encore un effort pour bien énoncer ce que nous défendons et contre quoi.

Burkini, par magazinecauseur

Syrie: Poutine sur les traces de Pharaon

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Vladimir Poutine. Sipa. Reportage n°AP20290930_000002.

Même si la survie de l’Etat islamique s’explique essentiellement par le jeu des puissances régionales, qu’il s’agisse de l’Iran, de la Turquie ou de l’Arabie Saoudite, force est de constater que les limites territoriale de ce proto-Etat peuvent être utilement rapprochée des Empires qui se succédèrent à l’aube de l’histoire au Moyen-Orient.

En premier lieu, la mainmise de l’Iran sur le sud de l’Irak n’est pas sans rappeler l’antique complémentarité entre le foyer de l’Elam, à mi-chemin entre plaine et montagne, et la riche plaine de Mésopotamie dans laquelle fleurit la civilisation de Sumer. Dotée en abondance de naphte et de céréales, Sumer importe des montagnes iraniennes le bois, la pierre et les métaux indispensable à la construction de sa civilisation très avancée. Plus tard, la conquête perse de la Babylonie préservera ce foyer majeur de civilisation et l’incorporera à l’Empire. Les liens actuels entre l’Iran et la partie chiite de l’Irak, s’enracinent par conséquent dans une complémentarité vieille de cinq milliers d’années, la plaine mésopotamienne ayant inventé l’agriculture au moment où le piémont iranien domestiquait moutons et chèvres. Il n’est donc pas négligeable de constater que l’antique territoire de Sumer, partie la plus avancée de la Babylonie, échappe aujourd’hui au contrôle de l’Etat islamique au profit de l’Iran.

Dans sa forme actuelle, le territoire de l’Etat islamique correspond à celui de la civilisation d’Akkad, située plus au nord de Sumer, et qui la supplantera entre le XXIVe et le XXIIe siècles avant Jésus-Christ.
akkad
Le territoire d’Akkad, restreint à la Mésopotamie, n’a jamais réussi à trouver un débouché sur les mers occidentales et il y a fort à parier pour que la chute de l’Etat islamique ressemble à celle de cette civilisation. En revanche, le rêve de l’Etat islamique est de devenir une seconde Assyrie, balayant, depuis le cœur des terres, le rivage syrien et formant un empire étendu au cœur du Moyen-Orient, capable de projeter des forces jusqu’à l’Egypte ou l’Anatolie lointaines. Il est en effet à noter que l’Assyrie, même après avoir été détruite, connut plusieurs renaissances, notamment sous la forme d’un empire néo-assyrien.

assyrie

Si nous déplaçons notre regard plus à l’ouest, il apparaît que les velléités néo-ottomanes de la Turquie, cherchant à déborder des montagnes anatoliennes pour conquérir le piémont syrien, s’enracinent elles aussi dans une histoire très anciennes. L’histoire de l’Empire indo-européen Hittite, qui se construisit au cœur de l’Anatolie avant de mener une offensive éclair contre la Syrie du nord en est un exemple éclatant. Le contrôle d’Alep, représentait alors déjà un enjeu stratégique de premier plan. Pour contrer le danger Hittite, les cités marchandes syriennes s’appuyèrent sur une puissance militaire de premier plan : celle de l’Egypte de Ramsès II dont la contre-offensive militaire préfigura celle de la Russie contemporaine. Après s’être combattus lors de la bataille de Qadesh (1274 av. J-C), Égyptiens et Hittites finirent par trouver un compromis.

hittites

La permanence des complémentarités géopolitiques comme des lignes de fractures pourrait relever de l’effet d’optique si elle n’était corroborée par l’empilement des fortifications sur des micro-territoires circonscrits. Négliger l’archéologie de ces espaces revient par conséquent à s’interdire toute capacité à contrer efficacement l’Etat islamique. Vladimir Poutine, qui l’a bien compris, pourra préparer ses prochaines opérations cartes en mains, tout en fumant tout à son aise les cigares du Pharaon.

Israël, cet allié que certains adorent détester

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israel palestine urvoas terrorisme
Lyon, 2016. Sipa. Numéro de reportage : 00759052_000002.
israel palestine urvoas terrorisme
Lyon, 2016. Sipa. Numéro de reportage : 00759052_000002.

Rappelons quelques évidences. Israël est un Etat de droit. Et comme tout Etat de droit, Israël garantit l’accès des prisonniers, y compris palestiniens, à un avocat. Israël permet aux prisonniers, mêmes palestiniens, de passer des diplômes. Israël hospitalise les prisonniers, mêmes palestiniens, qui font la grève de la faim pour que leur santé ne se dégrade pas. Les tribunaux militaires et la Cour Suprême israélienne veillent strictement au respect des lois, même pour les palestiniens. La rétention administrative en Israël est conforme aux dispositions de la 4ème Convention de Genève de 1949, même pour les Palestiniens.

Les résultats actuels de notre politique antiterroriste ne nous offrent pas le luxe de mépriser nos alliés. Notre ministre de la Justice M. Urvoas devrait donc bien s’inspirer d’Israël, tant sur le plan technique (la surveillance des réseaux sociaux) que sur le plan opérationnel (mise en œuvre de moyens physiques de protection) et sur le plan du renseignement humain que les services français ont lamentablement déserté depuis la suppression tragique des RG en 2008.µ

L’Obs perd son sang-froid

Venant à l’aide du Garde des Sceaux, une tribune publiée le 19 août dernier dans « Le Plus » de L’Obs appelle à ne surtout pas suivre l’exemple israélien, modèle de l’impasse sécuritaire dans laquelle se serait enferrée cette « puissance occupante, coloniale et expansionniste ». Rien de moins.

Les signataires de cette tribune, un pot-pourri d’artistes « engagés », intellectuels, politiques d’extrême-gauche, commencent leur analyse par une erreur factuelle. Non, la présence israélienne dans les « territoires palestiniens depuis 1967 » ne constitue pas « l’occupation militaire la plus longue du XXème siècle ». L’occupation militaire du Tibet commencée par la Chine en 1950 n’a toujours pas cessé. Mais contrairement aux « territoires palestiniens », le Tibet était considéré comme un Etat souverain avant que Mao ne décide de le « libérer » et ce, dans l’indifférence générale.

La tribune se poursuit par des raccourcis symptomatiques d’un tropisme anti-israélien irraisonné.

L’opération « Bordure Protectrice » de l’été 2014 est évoquée comme pour marquer la barbarie israélienne contre des palestiniens « non armés » qui n’avait « nulle part où fuir ». Pas un mot en revanche sur les causes de l’intervention militaire, à savoir : les centaines de roquettes tirées depuis le début 2014 sur les villes israéliennes, cibles civiles s’il en est, ainsi que l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes israéliens par des activistes du Hamas en Israël. Quant à un endroit où fuir qui serait inexistant en raison du « blocus israélien », on rappellera que l’Egypte contrôle le point de passage de Rafah et le maintient fermé sans émotion particulière de la part des signataires de la tribune.

Si ces derniers prennent soin de souligner que « mêmes les hôpitaux et les bâtiments de l’ONU étaient bombardés et détruits par l’aviation israélienne », ils omettent de préciser que c’est parce que le Hamas y entreposait ses stocks d’armes et munitions et s’en servait comme base de tir de ses roquettes et ce, au su et au vu de l’ONU.

De la même façon, inutile de chercher les termes « terrorisme palestinien » dans cette tribune, vous n’y trouverez que l’hyperbolique « résistance palestinienne ». Comment qualifier autrement en effet l’assassinat à coup de couteaux d’une adolescente de 13 ans dans son lit, de lancer sa voiture contre des passants – hommes, femmes, enfants – à un arrêt de bus ou de tirer à l’arme de guerre sur les clients d’un restaurant attablés en terrasse ? Voilà les glorieuses opérations de l’héroïque résistance palestinienne.

N’est pas Sadate qui veut

Contrairement aux formules creuses et lénifiantes de cette tribune, ce n’est pas en raison d’une prétendue politique d’oppression des Palestiniens qu’Israël se serait enfermée dans une « impasse sécuritaire » mais notamment en raison de la veulerie d’Arafat puis d’Abbas qui ont refusé les offres insensées de Barak en 2000 et Olmert en 2008 et de la corruption endémique de la nomenklatura palestinienne qui s’est tellement bien adaptée à la perfusion financière de l’UE et de l’ONU qu’elle préfère continuer à profiter de l’aide internationale que construire les bases d’un véritable Etat. N’est pas Sadate qui veut.

Israël n’est pas exempt de défauts ni de reproches. Mais en état de guerre permanent depuis sa création en 1948, condition imposée par ses voisins à l’extérieur et les terroristes à l’intérieur, il n’en est pas moins resté une démocratie sans police politique ni religieuse contrairement aux pays qui l’entourent.

Etat multi-ethnique et multiconfessionnel par excellence, Israël ne prétend pas au « vivre-ensemble », il l’applique. Les citoyens israéliens, quelles que soient leur couleur, religion, idées politiques, orientation sexuelle disposent des mêmes droits. Les arabes, les druzes, les chrétiens israéliens ont le droit de vote, sont députés, juges, hauts-gradés dans l’armée, acteurs, chanteurs, travaillent en Israël. C’est un juge arabe, Salim Joubran, qui a condamné Moshé Katsav, ancien président de l’Etat d’Israël, à une peine de prison. Ce sont des Arabes Israéliennes qui ont représenté Israël à l’Eurovision et au concours de Miss Monde. D’après un récent sondage, 52% des résidents arabes de Jérusalem-Est préfèrent être des citoyens israéliens plutôt que des citoyens d’un futur Etat palestinien. De plus en plus de druzes du Golan sollicitent la nationalité israélienne.

Alors oui, peut-être faudrait-il commencer à s’inspirer d’Israël et accepter, en ces temps troublés, son aide en matière de lutte anti-terroriste.

Quand l’idéologie des bonnes âmes progressistes vient se fracasser sur la réalité des attentats terroristes, il faut ranger les grands discours et regarder la réalité en face avant qu’il ne soit trop tard.

Tafta: l’accord mort-vivant?

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Manifestation à Rennes en mai 2016 (Photo : SIPA.00756721_000007)
Manifestation à Rennes en mai 2016 (Photo : SIPA.00756721_000007)

Si le Tafta[1. Transatlantic Free Trade Area (Tafta), Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, également nommé TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership.] avait été ratifié par l’Union européenne et les Etats-Unis d’Amérique, il aurait institué la zone de libre-échange la plus importante de l’histoire, représentant plus de 40 % du PIB mondial. Mais après plus de vingt ans de négociations, le Tafta trouvera simplement sa place au panthéon des naufrages célèbres, entre la CED[2. La Communauté européenne de défense (CED), abandonnée en 1954, après le rejet du projet par le parlement français.] et le Titanic. Léviathan commercial né des négociations entamées après la chute du mur de Berlin, le projet voit le jour avec la signature de la première résolution transatlantique entre Etats-Unis et Europe en 1990. L’idée va dès le départ susciter de fortes résistances et pousser les parties contractantes à revoir leur copie. Ainsi, la fuite et la publication de tractations secrètes préludant à la mise en place de l’AMI (l’Accord multilatéral sur l’Investissement[3. L’ancêtre du TAFTA, négocié sans succès de 1995 à 1998.]), révèlent notamment l’existence d’un mécanisme, similaire à celui de l’Alena[4. Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Entré en vigueur le 1er janvier 1994, il crée une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.], permettant aux investisseurs privés d’intenter des procès aux Etats et collectivités devant un tribunal arbitral international. La révélation suscita une vague de protestation et amena le Premier ministre Lionel Jospin à réclamer un rapport public, poussant finalement le gouvernement français à quitter les négociations et entraînant de fait la mise au rencard de l’AMI en octobre 1998. Figure clé du mouvement d’opposition à l’AMI, l’essayiste Susan George, offrit à l’accord mort-né cette épitaphe célèbre : « L’AMI est comme Dracula : il meurt à être exposé en plein jour ». L’échec de cet ancêtre du Tafta marque aussi la naissance et la montée en puissance du mouvement altermondialiste. Le célèbre mouvement Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) est créé sur les cendres de l’AMI, et Susan Georges devient sa vice-présidente.

L’analogie avec le destin connu vingt ans plus tard par le Tafta est frappante. En mai 2016, la publication par Greenpeace de documents confidentiels à propos du Tafta a levé le voile sur une négociation restée jusqu’ici très opaque. La suite a ressemblé peu ou prou au sort réservé à l’AMI : des Français de plus en plus réservés et des Américains de moins en moins convaincus, jusqu’à la volonté d’abandonner les négociations, révélée ce mardi 30 août par la voix du secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl. Une mort programmée, en quelque sorte, puisque François Hollande avait déclaré, en avril 2016, sur France 2 : « S’il n’y a pas de réciprocité, s’il n’y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n’a pas accès aux marchés publics et si, en revanche, les États-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l’on fait ici, je ne l’accepterai pas. » Au lendemain de la publication de Greenpeace, le président français réaffirmait que la France disait « non, à ce stade des négociations ». La confirmation officielle de l’abandon des négociations par Matthias Fekl n’est donc pas surprenante, elle en dit long sur l’évolution des équilibres européens après le Brexit.

Le TTIP rencontrait déjà aux Etats-Unis un certain nombre d’oppositions et, pour l’administration Obama, la signature d’un brouillon d’accord devenait une priorité et peu à peu une cause perdue. En conséquence, la pression américaine s’était considérablement accentuée ces derniers mois sur les Européens pour parvenir à une ébauche d’accord le plus rapidement possible. Dans le camp européen, la division était de plus en plus marquée entre le camp des pro- Tafta, représenté surtout par Angela Merkel, très pressée de signer au plus vite un accord avec les Etats-Unis et celui des hésitants, représenté par François Hollande ou Jean-Claude Juncker qui, au nom de la Commission européenne, ne souhaitait pas signer un brouillon d’accord contraignant. La position allemande n’était pas elle-même forcément arrêtée, compte tenu des divisions très fortes sur la question au sein même du gouvernement. Comme l’explique une source proche des négociations, si Angela Merkel, portée par « une croyance mythologique en la vertu du libre-échange et du partenariat américain », soutenait encore le projet, Sigmar Gabriel, vice-chancelier d’Allemagne, partageait quant à lui beaucoup plus les réticences françaises. Le double discours allemand compliquait d’ailleurs plus encore les discussions sur le TTIP. « Il est très compliqué de travailler avec les Allemands sur ce sujet puisque les interlocuteurs sont constamment renvoyés de la Chancellerie au Bundestag et aux représentants de la coalition »[5. Coalition entre les Unions chrétiennes (CDU/CSU) et le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) sur laquelle s’appuie le cabinet Merkel III depuis le 17 décembre 2013.]. D’un autre côté, confie-t-on dans les milieux impliqués dans les négociations : « Il était utile de pouvoir jouer sur les divergences de vue entre SPD et CDU… »

« Un front Hollande-Juncker face à une ligne Cameron-Merkel-Renzi »

Du côté des autres partenaires européens, Mariano Rajoy apparaissait trop affaibli et isolé en Espagne pour peser suffisamment dans les discussions et Matteo Renzi, bien que favorable au traité, trop tenu par les échéances électorales et entravé par les difficultés financières de l’Italie. « La Hongrie ou la Slovaquie étaient beaucoup plus proches de la France, la République tchèque ou la Croatie étaient au contraire beaucoup plus favorables à l’accord, les Scandinaves prêts à signer tandis que la Pologne restait fluctuante en raison de l’importance de l’alliance militaire avec les Etats-Unis », confie un proche du dossier. Parmi les grands acteurs des négociations, David Cameron au Royaume-Uni était sans doute celui qui avait le plus intérêt à parvenir à un accord, compte tenu du risque de Brexit. Barack Obama ayant menacé de maintenir « le Royaume-Uni en queue de peloton » dans les futures négociations commerciales en cas de majorité pour le « leave », Cameron n’avait pas manqué d’insister sur les avantages économiques promis par l’accord pour en faire un argument contre la sortie de l’Union. Les électeurs britanniques s’étant finalement prononcés pour elle, l’administration Obama ne pouvait guère être plus définitivement convaincue de l’échec final du TTIP.

François Hollande pourrait quant à lui retirer un certain gain politique de la mort du Tafta. Le président français a certes adopté une position très ambivalente vis-à-vis des accords du TTIP, puisqu’il plaidait encore en faveur d’une accélération des négociations en février 2014, lors d’une visite aux Etats-Unis, mais il a occupé graduellement une position beaucoup plus critique, et beaucoup plus prudente, à mesure que les tractations s’enlisaient. Dans les négociations, la France a réussi à briser son isolement de départ et à trouver une ligne commune avec la Commission européenne dans une configuration politique voyant s’opposer « un front Hollande-Juncker face à une ligne Cameron-Merkel-Renzi », explique là encore une source proche des instances de négociations. Le président français a-t-il senti le vent tourner suffisamment tôt pour tirer parti de l’effritement du camp pro-Tafta et de la montée en puissance du mouvement anti-traité dans l’opinion ? « Un certain nombre de gouvernements ont sous-estimé les résistances de la société civile », explique-t-on en effet à propos de l’enlisement progressif des négociations. La position de François Hollande tient donc certes de la posture politique mais elle s’est également traduite dès avril 2016 dans le domaine diplomatique, à l’occasion de la visite de Barack Obama à Hanovre, qui n’a pas suffi à obtenir des Européens la signature d’un traité préliminaire et ce principalement en raison de l’opposition française. Sur le plan de la politique intérieure, l’opposition au Tafta est extrêmement fédératrice et transcende largement les clivages partisans. On retrouve pêle-mêle, au sein des opposants durs, aussi bien l’extrême gauche qu’une partie des frondeurs du PS ou des représentants de la majorité gouvernementale, mais aussi, dans l’opposition, François Fillon, sur une ligne très anti-Tafta, ou encore le Front national, favorable à l’abandon immédiat des négociations… Quant à Nicolas Sarkozy, sa position est assez fluctuante : très pro-Tafta quand il était au pouvoir, beaucoup moins depuis qu’il l’a quitté…

Le gel des négociations pourrait cependant n’être que temporaire. S’il a été annoncé également en Allemagne que les discussions « avaient échoué », c’est par la voix de Sigmar Gabriel, notoirement plus sceptique à l’égard du TTIP. Il n’est pas interdit de penser en réalité que le calendrier électoral français, les élections américaines et le référendum constitutionnel italien en octobre aient mis tout le monde d’accord pour interrompre les discussions autour du traité transatlantique… jusqu’à une période plus favorable à leur reprise… D’autant que les partisans des accords du Tafta mettent en avant un autre élément important de l’équation : la Chine. « Les Chinois, eux, ne respectent aucune règle, confie-t-on dans le camp français. Nous sommes d’accord là-dessus avec les Etats-Unis. Si on arrêtait complètement les négociations, ça serait du pain béni pour les Chinois qui profiteraient de la dislocation du bloc occidental. On ne peut entretenir une vision du monde parcellaire. Les Américains ne sont pas des anges, mais les Chinois encore moins. » L’ombre de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, créée à l’initiative de Pékin en octobre 2014 dans le but de faire directement concurrence au FMI plane aussi sur les négociations du Tafta.

Du côté des détracteurs du traité, on souligne enfin que l’annonce du gel des négociations sur le Tafta pourrait être un moyen sûr de faire passer plus simplement la ratification du traité CETA[6. Comprehensive Economic and Trade Agreement. Accord global sur l’économie et le commerce.] avec le Canada. A priori plus rassurant pour les Européens et les Français, puisque le gouvernement de Justin Trudeau a accepté de reconnaître  un grand nombre d’appellations d’origine protégées (AOP), le CETA suscite cependant une inquiétude croissante et la crainte que l’échec du Tafta ne précipite trop sa signature… au détriment des Etats européens. Des craintes que les Canadiens partagent également, de façon symétriquement opposée. En larguant les amarres pour s’éloigner du navire Europe, le Royaume-Uni a peut-être contribué au naufrage du Tafta. Mais le naufrage reste temporaire et la vaste partie d’échec transatlantique est sûrement loin d’être terminée.

Des journalistes climatologues du dimanche

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meteo canicule climat
La Défense. Oliver H.
meteo canicule climat
La Défense. Oliver H.

Les Romains croyaient que les fortes chaleurs estivales étaient causées par l’apparition de la « petite chienne » (canicula), autre nom de Sirius, l’étoile principale de la constellation du Grand Chien. Ils pensaient même que durant cette période de l’année, les chiens étaient plus susceptibles de contracter la rage. Aujourd’hui, l’explication journalistique des épisodes caniculaires, comme d’ailleurs celle des étés maussades, n’est guère plus scientifique.

Mon précédent post portait sur les « prophéties » médiatiques (au sujet du Brexit). Je vais continuer sur ce thème avec un sujet d’actualité : la canicule, et donc le réchauffement climatique. Le « et donc » établit ici un rapport de contiguïté étroite en ces deux notions, qui ne va de soi que dans le discours médiatique. En effet, si, par définition, toute canicule constitue un réchauffement, les médias, quant à eux, vont plus loin (plus loin même que les spécialistes à qui ils tendent le micro) : la canicule est un argument en faveur d’une thèse, celle du Réchauffement.The Réchauffement, celui dont on ne parle qu’en tremblant car ce seul mot fait frémir les mortels et annonce la fin des temps

Le journaliste, militant réchauffiste

Evidemment, quand il fait chaud, c’est facile. On peut même risquer, comme l’Obs il y a quelques jours, un article intitulé « Canicule : à Paris aussi, on meurt du réchauffement climatique ». Objectivement, c’est la canicule qui tue, mais présenter la chose ainsi permet, comme on dit, de « sensibiliser » fortement la population au drame du réchauffement climatique. Si on en meurt, c’est qu’il existe.

Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux

Burkini, voile: la vertu ostentatoire

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Image extraite d'une vidéo tournée sur une plage de Marseille (Photo : SIPA.AP21943945_000002)
Image extraite d'une vidéo tournée sur une plage de Marseille (Photo : SIPA.AP21943945_000002)

Invité par Olivier Galzi sur iTélé le 29 août, le député PS Razzy Hammadi a déclaré que c’était « un droit fondamental pour des musulmanes dans notre pays de porter un voile dans l’espace public ». Voilà un homme de gauche comme Terra nova les aime.

Pendant ce temps, à Colomiers, Manuel Valls parlait de Marianne, « le sein nu, parce qu’elle nourrit le peuple, et qui n’est pas voilée ». Comme Chevènement, il conseille aux musulmans un minimum de discrétion, ce qui offusque immédiatement les divers thuriféraires de l’islam de France.

Et avant-hier à Marseille, à quatre heures de l’après-midi et en plein centre-ville, j’ai croisé une jeune femme en burqa, tenant la main d’une petite fille accoutrée de même.

Ce qui nous ramène au burkini et à l’incident de Sisco. Les types qui avaient « privatisé » la plage selon un principe de « caïdat » (dixit le procureur de la République) se seraient offusqués des photos que prenait un touriste — photographiant probablement le paysage, qui n’est pas mal, comme partout en Corse.

Faudrait savoir. Le voile est-il fait pour se cacher ou pour être remarquée ?

Lire la suite sur le blog de Jean-Paul Brighelli

 
Burkini, par magazinecauseur
 

La société du spectacle

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Rappeler (encore et encore) ce qu’est la laïcité

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Tunis, janvier 2011 (Photo : SIPA.00612670_000008)
Tunis, janvier 2011 (Photo : SIPA.00612670_000008)

La décision du Conseil d’État d’annuler l’arrêté pris à Villeneuve-Loubet et concernant le « burkini », loin de ramener le calme en la matière, a relancé le débat politique. De nouveau, la notion de laïcité est au centre de la controverse, et l’on voit apparaître à son sujet des arguments pour le moins curieux, comme l’assimilation au « racisme », ainsi que l’a fait l’historien Shlomo Sand dans les colonnes du Nouvel observateur[1. http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1552646-arretes-anti-burkini-femmes-voilees-verbalisees-la-laicite-ultime-refuge-du-raciste.html]. Que ce genre « d’argument » puisse surgir dans le feu de la polémique, on veut bien l’admettre et invoquer à son propos l’échauffement malsain des esprits. Qu’il puisse être invoqué par un homme d’habitude plus pondéré en dit long sur la confusion mentale qui saisit aujourd’hui une partie des « cerveaux » de la « gauche ».

On voit bien ici l’effet de « point Goodwin » que veulent imposer ceux qui utilisent ce type d’argument, cherchant à déconsidérer d’emblée leurs adversaires. Et il convient de dire que cet argument est doublement pervers, d’une part car il empêche le débat d’avoir lieu de manière sereine (ce qui est – normalement – le but que devrait viser un intellectuel) mais aussi parce que galvaudant le mot « racisme », il lui ôte sa précision et son efficacité, ce qui se révélera à l’usage dramatique quand nous serons confrontés à de véritables arguments racistes. A cela s’ajoute une liste d’arguments controuvés, qui font peine à lire et entendre, et qui ont été dénoncés avec vigueur par un journaliste québécois[2. http://www.journaldemontreal.com/2016/08/22/burkini–le-monde-a-lenvers].

Il faut donc rappeler, encore et encore, non pas tant pour convaincre des esprits ayant abandonné toute capacité de raisonnement à la pression d’une idéologie mais pour borner un débat au profit des gens raisonnables, ce qu’est la laïcité. Elle est fondamentalement un principe politique, qui a des incarnations juridiques et qui fait partie d’une culture politique spécifique. Ce sont donc ces trois dimensions que l’on va successivement examiner.

Lire la suite sur le blog de Jacques Sapir

Colombie: à quoi bon un accord de paix?

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colombie farc uribe
Signature de l'accord de paix intra-colombien. Sipa. Numéro de reportage : AP21913750_000001.
colombie farc uribe
Signature de l'accord de paix intra-colombien. Sipa. Numéro de reportage : AP21913750_000001.

Cette fois ça y est. Ou plutôt, une fois encore, ça y est. Après la signature du cessez-le feu définitif le 23 juin entre le gouvernement colombien et les Farc, les deux protagonistes remettent ça, avec un accord de paix définitif –pourtant celui du 23 juin l’était aussi- signé le 24 août. Une nouvelle fois la presse colombienne, El Espectador et El País en tête, s’enflamment, évoquant –à juste titre- un accord historique, tout comme les intellectuels et Bogota, où la place Bolivar est devenue le point de réunion non seulement des doux pigeons de la capitale, mais aussi des citoyens pacifistes ou pragmatiques en faveur de la paix.

L’accord de paix final enfin signé, c’en serait donc fini des 53 ans de guerre civile. On doit reconnaître là une sacrée performance, Messieurs (et Mesdames)  les Colombiens, je vous  tire mon chapeau. Oui mais El Espectador m’apprend à l’instant que l’accord final –celui-ci serait donc le vrai ?- sera maintenant signé à l’ONU. Voilà de quoi assurer une nouvelle fièvre d’enthousiasme pour les prochaines semaines, ce qui fera les affaires, je l’espère, de la presse écrite colombienne, au moins aussi mal en point que la nôtre.

Les Colombiens entre résignation et peur

Alvaro Uribe, l’ancien président, a de quoi pester. Lui qui a consacré l’essentiel de sa carrière politique à la lutte contre les Farc et qui est déjà entré en campagne présidentielle ne compte pas laisser sa chère Colombie aux mains de communistes qui vont faire de son pays un nouveau Venezuela d’ici peu.  Avec seulement dix députés et sénateurs assurés aux Farc pour les dix ans à venir, on est dans là dans une bonne fiction uribéiste, une histoire par ailleurs plausible qui pourrait être le thème d’un bouquin d’anticipation politique. Reste que son discours qu’il martèle depuis des années, a contaminé une certaine partie de la population : bientôt des tueurs d’enfants vont entrer au Parlement,  alors une paix avec ces assassins non merci, mieux vaut tous les annihiler comme Uribe, lui, savait le faire. Et de toute façon, la Colombie ayant tellement de problèmes – la guérilla ELN, les bandes criminelles, le narcotrafic, les inégalités sociales, un système d’éducation hors de prix – ce n’est pas cet accord de paix qui va changer la face de la société. Ce raisonnement est présent chez une bonne partie de la population.

Que l’on se rassure, il n’y aura pas de retour en arrière. Uribe a perdu cette manche, Santos –qui a reçu la bénédiction du Pape pour son traité de paix- a gagné, les Farc peut-être aussi, cela reste sujet à débat. Mais même chez les partisans, pacifistes ou simplement pragmatiques, de cet accord, l’optimisme n’est pas de mise. La crainte de voir les 10 000 combattants des Farc rejoindre l’ELN ou faire carrière dans le trafic de drogue est bien présente. Et que vont devenir tous les jeunes militaires – et ils sont nombreux- si l’armée n’a plus besoin d’eux ? Selon les Colombiens favorables à l’accord, la période qui arrive risque d’être difficile.

C’est le 2 octobre – et non plus en septembre – que se tiendra le référendum pour la paix. Un référendum, en voilà une bonne idée. Comme chez les Anglais, c’est le Peuple qui va pouvoir trancher. Et en plus vous savez quoi ? Les étrangers résidents en Colombie pourront voter. Sauf que le taux de « oui » au traité pour que celui-ci soit accepté par un quorum d’au moins 13 % des électeurs colombiens – donc que l’abstention ne soit pas trop massive. Voilà qui ne devrait pas arranger la popularité de Santos. Mais pour décider de ce qui est bon pour le pays, faut-il toujours faire confiance au peuple ?

Turquie: le Kurde, voilà l’ennemi!

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Des tanks turcs stationnés à Karkamis tout près de la frontière syrienne (Photo : SIPA.AP21943273_000007)
Des tanks turcs stationnés à Karkamis tout près de la frontière syrienne (Photo : SIPA.AP21943273_000007)

Ce n’est certes pas la première fois que l’armée turque vient frapper, en appui des milices djihadistes, au Nord de la Syrie. Mais jusqu’à présent, avions, blindés et canons retournaient dans leurs bases après quelques jours ou quelques heures d’opération. Il semble que cette fois, l’armée turque ne va pas se contenter de coups de semonce. Comme si les grandes puissances lui avaient donné tacitement l’autorisation de poursuivre sa manœuvre en profondeur. François Hollande a de son côté déclaré qu’il « comprenait » cette attaque turque après l’attentat de Gaziantep. Il a en revanche omis de parler des Kurdes que nous sommes censés défendre et qui sont la vraie cible stratégique de l’armée turque…

Pas question de laisser Poutine à Ankara

Le putsch avorté de la mi-juillet avait été l’occasion pour Erdogan de resserrer les liens avec l’ennemi d’hier, Vladimir Poutine. Une quinzaine de jours après leur réconciliation, le Kremlin avait eu l’habileté avec Téhéran d’assurer Erdogan de son soutien. Tandis que les « alliés du Golfe » restaient étrangement silencieux. La diplomatie américaine, montrée du doigt elle aussi, s’est alors empressée de recoller les morceaux avec Ankara, dépêchant en urgence Joe Biden en personne. Washington peut redouter une nouvelle percée russe au Moyen-Orient. La Turquie est une alliée traditionnelle de l’Amérique et un des piliers militaires de l’OTAN ; elle a une position géopolitique cruciale pour contrôler l’Eurasie et a fortiori la Russie. Hors de question pour les Etats-Unis de laisser s’installer Poutine en Turquie.

Depuis, Ankara semble jouer à merveille de sa nouvelle position médiane entre Moscou et Washington. Position confortable, comparable à celle de l’Egypte et d’Israël (et qui fut autrefois celle de la France). C’est ainsi que le grand Turc a obtenu les garanties suffisantes américaines pour entrer sans coup férir en profondeur en Syrie. Le vice-président américain était encore sur le sol turc le jour de l’offensive vers Jarablus. Pour la Maison-Blanche, cette concession à la Turquie est une façon de faire rentrer Ankara dans son giron. Ni les Russes ni les Américains, les principaux fournisseurs des kurdes syriens, ne peuvent s’y opposer. Ils ne souhaitent d’ailleurs pas que les Kurdes du PYD fassent la jonction entre leurs cantons pour fonder un « grand Rojava », lequel mordrait sur des terres arabes le long de la frontière syro-turque. C’est aussi impensable pour les alliés régionaux respectifs de Moscou et Washington, Damas et Ankara. Moscou a donc laissé faire, sachant la lutte pour Jarablus pourrait détourner les rebelles islamistes de la bataille pour Alep.

 Damas pas encore prêt à un renversement d’alliance

Si ces conquêtes turques se font en étroite coordination avec les factions islamistes de Syrie (sur le dos de Daech dans un premier temps, sur le dos des Kurdes désormais), le rapprochement turc esquissé avec Bachar Al-Assad est-il encore d’actualité ? Pour le moment, Damas n’est pas prêt à un tel renversement d’alliance. Les diplomaties syrienne comme russe ont formellement protesté contre cette nouvelle incursion turque. Le rapprochement turco-syrien sur le dos des Kurdes n’est donc pas pour tout de suite.

Sur les lambeaux de Daech, Erdogan tient non seulement à faire oublier les états d’âme de ses armées par une campagne militaire victorieuse ; il tient à s’assurer une porte d’entrée centrale sur la Syrie. Le président turc ne se contente pas de contrer le parti kurde après sa victoire à Manbij. Il saisit des territoires qui sont autant de gages pour l’avenir. Un peu sur le modèle (toute comparaison gardée) de l’armée française fonçant vers Berchtesgaden, Stuttgart ou Turin en 1945, afin de négocier avec Roosevelt des compensations de toute nature.

Malgré les inévitables pertes militaires, la percée turque en Syrie marque une avancée stratégique intéressante pour Ankara. Une avancée qui n’eut pas été possible sans un repositionnement diplomatique. Moins dogmatique (Ankara était le soutien aveugle des printemps islamistes), recentré sur ses intérêts (son alliance avec les pétromonarchies du Golfe lui a fait perdre de vue la question kurde), la nouvelle diplomatie turque du ministre Mevlut Cavusoglu et du chef du gouvernement Binali Yildirim, joue désormais un jeu plus subtil et plus équilibré entre Arabes sunnites et chiites, Kurdes, Américains et Russes. Les partisans du Kurdistan autonome syrien ont quelques raisons de s’inquiéter…

Les juifs et le burkini: un silence ambigu

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israel juifs burkini plage
Juifs orthodoxes sur la plage de Tel-Aviv. Sipa. Reportage n°AP21557279_000004.
israel juifs burkini plage
Juifs orthodoxes sur la plage de Tel-Aviv. Sipa. Reportage n°AP21557279_000004.

Qui a inventé cette forme particulière de décence consistant à couvrir tout son corps en public ? Le peuple hébreu. La « tzniout » (pudeur) est même au centre du judaïsme. La Torah considère que la nudité affichée réduit l’être humain à sa condition animale. Pour les rabbins, elle marque symboliquement la frontière entre matérialisme et idéalisme. C’est pourquoi les juifs pratiquants – et surtout leurs filles et épouses – sont aussi sourcilleux en matière de « modestie » physique que les musulmans. Mais on ne le dit pas. Le CRIF s’est abstenu de prendre clairement position dans l’affaire du burkini. Le Consistoire lui-même, organe officiel du culte israélite dans l’Hexagone, est sur la réserve. Le rabbin de la grande synagogue parisienne de la Victoire, Moshé Sebbag, est le seul qui ait osé sortir du silence en chuchotant à une agence de presse juive qu’il se sentait solidaire… des maires anti-burkini et non des musulmanes incriminées.

La discrétion des juifs orthodoxes français

Comment comprendre ce paradoxe ? D’abord, deux mille ans d’exil ont forgé une mentalité particulière et un principe talmudique ne souffrant guère d’exception : « La loi de l’Etat est la loi. » Autrement dit, en diaspora, il faut s’adapter. En France, l’idéal républicain et la laïcité sont à la source du pacte démocratique. C’est une originalité parfois surprenante vu de l’étranger (les dirigeants juifs, à travers le monde, ont désapprouvé globalement les mesures anti-burkini du mois d’août, jugées liberticides). Mais les juifs de ce pays, eux, ont intégré depuis longtemps ce que le comte de Clermont-Tonnerre préconisait déjà sous la Révolution : « Accordons tout aux juifs en tant qu’individus et rien en tant que nation. » C’est dans le même esprit que s’expriment aujourd’hui les tenants d’une ligne ferme sur l’islam dans l’espace public et contre le communautarisme.

Dans ce contexte, soulignons que les juifs orthodoxes français optent pour la discrétion : ils vont plutôt à la montagne lors des congés estivaux et se baignent en tenues couvertes dans des piscines privées installées dans des hôtels « casher », à l’abri des regards. En Israël, il existe des plages réservées aux pratiquants où l’on se jette à l’eau avec des vêtements ou des maillots ressemblant au burkini. En plein centre de Tel-Aviv, on trouve côte-à-côte une plage pour religieux, une autre fréquentée par les homosexuels et une troisième réservée aux… chiens et à leurs maîtres ! Un mode de vie à l’anglo-saxonne impensable ici.

L’islamo-gauchisme inquiète les juifs

Deuxième explication : les juifs de notre pays ne sont pas tous pratiquants, loin s’en faut. D’autre part, les croyants comme les autres redoutent particulièrement l’expansion du fondamentalisme musulman et la menace terroriste, puisqu’ils sont une cible privilégiée des fous d’Allah.

Enfin, les pourfendeurs d’une raideur laïque prétendument « islamophobe » se situent surtout dans le camp islamo-gauchiste, dont le bras armé associatif est la Ligue des droits de l’homme (LDH), en conflit avec le CRIF et la LICRA. Ce courant qui a le vent en poupe dans les banlieues sensibles inquiète les juifs français, d’autant plus que lesdits islamo-gauchistes reprennent sans nuances les sorties violemment antisionistes de Tariq Ramadan et consorts.

Pourtant, le judaïsme ayant inventé la pudeur corporelle en même temps que le monothéisme, ses responsables hexagonaux devraient au moins souligner que le burkini n’est pas forcément une provocation destinée à marquer l’asservissement de la femme mais, en certaines circonstances, le signe d’une exigence spirituelle respectable. La plupart des rabbins et des fidèles le pensent, mais ils s’autocensurent car ils craignent les réactions d’une opinion chauffée à bloc sur les thématiques identitaire et religieuse. On comprend d’autant mieux cette frilosité que le contexte actuel (assassinats djihadistes de masse inédits sur le territoire de la République, montée du salafisme, radicalisation islamiste et complotisme tous azimuts…) incite à la prudence.

On peut néanmoins regretter ce silence ambigu, car l’affaire complexe du maillot de bain intégral mérite aussi réflexion et éclairage théologique.

Burkini, par magazinecauseur

Le burkini cette chausse-trappe

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Manifestation contre l'interdiction du burkini à Anvers en Belgique (Photo : SIPA.00769473_000007)
Manifestation contre l'interdiction du burkini à Anvers en Belgique (Photo : SIPA.00769473_000007)

Les inventeurs du burkini ne cachent pas qu’il résulte du croisement « oxymorique » de la burqa et du bikini. De l’enfermement et de la libération. Si la filiation avec le bikini, ce symbole de la liberté des mœurs, n’a rien de visible, en revanche, le nom, autant que la chose, font indiscutablement du burkini une adaptation light de la burqa. Or celle-ci est indiscutablement le symbole visible et ostentatoire des mœurs islamistes les plus radicales et les plus oppressives. Il en résulte que la burqa est le symbole d’une culture qui est en guerre contre la nôtre.

Dans une France qui vit dans le souvenir et sous la menace d’attentats islamistes, l’apparition du burkini dans l’espace public a été perçue à juste titre comme un premier pas vers la banalisation de la burqa et donc comme une provocation islamiste.

Reste la question délicate : comment une démocratie libérale peut-elle réagir à cette provocation qui teste sa capacité de défense immunitaire ? Elle a le choix entre deux attitudes pires l’une que l’autre.

La première serait de ne pas réagir du tout, en application du principe selon lequel chacun est libre de s’habiller comme il le veut dans l’espace public pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre et la tranquillité : son apparence ne regarderait pas les autres, qui n’auraient donc pas droit de regard sur elle. Dans ce cas, au nom du principe masochiste « faites chez nous comme chez vous, on s’en accommodera », notre société ouvrirait la voie à d’autres exigences tout aussi  contraires aux mœurs et coutumes qui forment sa culture, c’est-à-dire son identité.

Cette option suicidaire n’a que l’apparence du libéralisme. Car la liberté qui est au cœur des sociétés ouvertes doit se défendre contre ses ennemis, au motif que ses principes et son art de vivre non seulement relèvent de son choix souverain, mais aussi parce que nos mœurs et coutumes valent mieux que la culture archaïque et oppressive qu’on leur oppose. Un peu de progressisme nous protège d’un relativisme décérébré.

L’idée d’interdire tous les signes d’appartenance religieuse dans l’espace public est aberrante

L’autre option, tout aussi nocive, serait d’interdire le burkini et ses variantes au nom d’une loi générale sans avoir les justifications pour le faire. L’idée d’interdire tous les signes d’appartenance religieuse dans l’espace public est aberrante. Elle est une violation absolue de la laïcité qui doit protéger la libre manifestation de toutes les convictions dans l’espace public, dans la société civile. De plus, elle noie le poisson de l’islamisme radical et agressif en l’immergeant dans l’océan de toutes les religions qu’elle mettrait sur le même plan.

La laïcité d’aujourd’hui n’a pas besoin de  se défendre contre l’empiètement des religions : elle n’est remise en question et agressée que par l’islamisme conquérant. Les autres religions présentes en France se sont acculturées à la culture française, à la démocratie libérale. Elles se sont sécularisées.

On peut certes trouver hors de l’islam des femmes qui se conforment à des traditions archaïques et qui se baignent habillées de pied en cap comme leurs arrière-grands-mères. Sur une page publique, le spectacle donné par des femmes ultra-orthodoxes pourrait irriter des modernistes intolérants, mais on n’a pas le droit d’interdire ce qui ne nous plaît pas, s’il n’est pas associé à un danger.

Il est donc bien difficile de savoir comment réagir de façon adéquate à une offensive située sur le plan des mœurs.

On peut au moins tirer une leçon de l’échec. Ce qui a manqué aux arrêtés pris par les maires, et ce qui a conduit à l’annulation par le Conseil d’État de celui de Villeneuve-Loubet, c’est de s’en être tenu dans l’exposé des motifs au lien dans l’opinion publique entre un symbole évoquant la burqa et les attentats islamistes.

Les maires ont préféré alléguer le soi-disant conflit entre la laïcité et des comportements relevant d’une religion dans l’espace public. Par peur de stigmatiser, ils n’ont pas voulu nommer l’islamisme. Encore un effort pour bien énoncer ce que nous défendons et contre quoi.

Burkini, par magazinecauseur

Syrie: Poutine sur les traces de Pharaon

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poutine syrie egypte sumer
Vladimir Poutine. Sipa. Reportage n°AP20290930_000002.
poutine syrie egypte sumer
Vladimir Poutine. Sipa. Reportage n°AP20290930_000002.

Même si la survie de l’Etat islamique s’explique essentiellement par le jeu des puissances régionales, qu’il s’agisse de l’Iran, de la Turquie ou de l’Arabie Saoudite, force est de constater que les limites territoriale de ce proto-Etat peuvent être utilement rapprochée des Empires qui se succédèrent à l’aube de l’histoire au Moyen-Orient.

En premier lieu, la mainmise de l’Iran sur le sud de l’Irak n’est pas sans rappeler l’antique complémentarité entre le foyer de l’Elam, à mi-chemin entre plaine et montagne, et la riche plaine de Mésopotamie dans laquelle fleurit la civilisation de Sumer. Dotée en abondance de naphte et de céréales, Sumer importe des montagnes iraniennes le bois, la pierre et les métaux indispensable à la construction de sa civilisation très avancée. Plus tard, la conquête perse de la Babylonie préservera ce foyer majeur de civilisation et l’incorporera à l’Empire. Les liens actuels entre l’Iran et la partie chiite de l’Irak, s’enracinent par conséquent dans une complémentarité vieille de cinq milliers d’années, la plaine mésopotamienne ayant inventé l’agriculture au moment où le piémont iranien domestiquait moutons et chèvres. Il n’est donc pas négligeable de constater que l’antique territoire de Sumer, partie la plus avancée de la Babylonie, échappe aujourd’hui au contrôle de l’Etat islamique au profit de l’Iran.

Dans sa forme actuelle, le territoire de l’Etat islamique correspond à celui de la civilisation d’Akkad, située plus au nord de Sumer, et qui la supplantera entre le XXIVe et le XXIIe siècles avant Jésus-Christ.
akkad
Le territoire d’Akkad, restreint à la Mésopotamie, n’a jamais réussi à trouver un débouché sur les mers occidentales et il y a fort à parier pour que la chute de l’Etat islamique ressemble à celle de cette civilisation. En revanche, le rêve de l’Etat islamique est de devenir une seconde Assyrie, balayant, depuis le cœur des terres, le rivage syrien et formant un empire étendu au cœur du Moyen-Orient, capable de projeter des forces jusqu’à l’Egypte ou l’Anatolie lointaines. Il est en effet à noter que l’Assyrie, même après avoir été détruite, connut plusieurs renaissances, notamment sous la forme d’un empire néo-assyrien.

assyrie

Si nous déplaçons notre regard plus à l’ouest, il apparaît que les velléités néo-ottomanes de la Turquie, cherchant à déborder des montagnes anatoliennes pour conquérir le piémont syrien, s’enracinent elles aussi dans une histoire très anciennes. L’histoire de l’Empire indo-européen Hittite, qui se construisit au cœur de l’Anatolie avant de mener une offensive éclair contre la Syrie du nord en est un exemple éclatant. Le contrôle d’Alep, représentait alors déjà un enjeu stratégique de premier plan. Pour contrer le danger Hittite, les cités marchandes syriennes s’appuyèrent sur une puissance militaire de premier plan : celle de l’Egypte de Ramsès II dont la contre-offensive militaire préfigura celle de la Russie contemporaine. Après s’être combattus lors de la bataille de Qadesh (1274 av. J-C), Égyptiens et Hittites finirent par trouver un compromis.

hittites

La permanence des complémentarités géopolitiques comme des lignes de fractures pourrait relever de l’effet d’optique si elle n’était corroborée par l’empilement des fortifications sur des micro-territoires circonscrits. Négliger l’archéologie de ces espaces revient par conséquent à s’interdire toute capacité à contrer efficacement l’Etat islamique. Vladimir Poutine, qui l’a bien compris, pourra préparer ses prochaines opérations cartes en mains, tout en fumant tout à son aise les cigares du Pharaon.

Les grandes migrations ne détruisent que les cités mortes

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