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Colombie: à quoi bon un accord de paix?


Colombie: à quoi bon un accord de paix?
Signature de l'accord de paix intra-colombien. Sipa. Numéro de reportage : AP21913750_000001.
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Signature de l'accord de paix intra-colombien. Sipa. Numéro de reportage : AP21913750_000001.

Cette fois ça y est. Ou plutôt, une fois encore, ça y est. Après la signature du cessez-le feu définitif le 23 juin entre le gouvernement colombien et les Farc, les deux protagonistes remettent ça, avec un accord de paix définitif –pourtant celui du 23 juin l’était aussi- signé le 24 août. Une nouvelle fois la presse colombienne, El Espectador et El País en tête, s’enflamment, évoquant –à juste titre- un accord historique, tout comme les intellectuels et Bogota, où la place Bolivar est devenue le point de réunion non seulement des doux pigeons de la capitale, mais aussi des citoyens pacifistes ou pragmatiques en faveur de la paix.

L’accord de paix final enfin signé, c’en serait donc fini des 53 ans de guerre civile. On doit reconnaître là une sacrée performance, Messieurs (et Mesdames)  les Colombiens, je vous  tire mon chapeau. Oui mais El Espectador m’apprend à l’instant que l’accord final –celui-ci serait donc le vrai ?- sera maintenant signé à l’ONU. Voilà de quoi assurer une nouvelle fièvre d’enthousiasme pour les prochaines semaines, ce qui fera les affaires, je l’espère, de la presse écrite colombienne, au moins aussi mal en point que la nôtre.

Les Colombiens entre résignation et peur

Alvaro Uribe, l’ancien président, a de quoi pester. Lui qui a consacré l’essentiel de sa carrière politique à la lutte contre les Farc et qui est déjà entré en campagne présidentielle ne compte pas laisser sa chère Colombie aux mains de communistes qui vont faire de son pays un nouveau Venezuela d’ici peu.  Avec seulement dix députés et sénateurs assurés aux Farc pour les dix ans à venir, on est dans là dans une bonne fiction uribéiste, une histoire par ailleurs plausible qui pourrait être le thème d’un bouquin d’anticipation politique. Reste que son discours qu’il martèle depuis des années, a contaminé une certaine partie de la population : bientôt des tueurs d’enfants vont entrer au Parlement,  alors une paix avec ces assassins non merci, mieux vaut tous les annihiler comme Uribe, lui, savait le faire. Et de toute façon, la Colombie ayant tellement de problèmes – la guérilla ELN, les bandes criminelles, le narcotrafic, les inégalités sociales, un système d’éducation hors de prix – ce n’est pas cet accord de paix qui va changer la face de la société. Ce raisonnement est présent chez une bonne partie de la population.

Que l’on se rassure, il n’y aura pas de retour en arrière. Uribe a perdu cette manche, Santos –qui a reçu la bénédiction du Pape pour son traité de paix- a gagné, les Farc peut-être aussi, cela reste sujet à débat. Mais même chez les partisans, pacifistes ou simplement pragmatiques, de cet accord, l’optimisme n’est pas de mise. La crainte de voir les 10 000 combattants des Farc rejoindre l’ELN ou faire carrière dans le trafic de drogue est bien présente. Et que vont devenir tous les jeunes militaires – et ils sont nombreux- si l’armée n’a plus besoin d’eux ? Selon les Colombiens favorables à l’accord, la période qui arrive risque d’être difficile.

C’est le 2 octobre – et non plus en septembre – que se tiendra le référendum pour la paix. Un référendum, en voilà une bonne idée. Comme chez les Anglais, c’est le Peuple qui va pouvoir trancher. Et en plus vous savez quoi ? Les étrangers résidents en Colombie pourront voter. Sauf que le taux de « oui » au traité pour que celui-ci soit accepté par un quorum d’au moins 13 % des électeurs colombiens – donc que l’abstention ne soit pas trop massive. Voilà qui ne devrait pas arranger la popularité de Santos. Mais pour décider de ce qui est bon pour le pays, faut-il toujours faire confiance au peuple ?



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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