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Le burkini cette chausse-trappe


Le burkini cette chausse-trappe
Manifestation contre l'interdiction du burkini à Anvers en Belgique (Photo : SIPA.00769473_000007)
Manifestation contre l'interdiction du burkini à Anvers en Belgique (Photo : SIPA.00769473_000007)

Les inventeurs du burkini ne cachent pas qu’il résulte du croisement « oxymorique » de la burqa et du bikini. De l’enfermement et de la libération. Si la filiation avec le bikini, ce symbole de la liberté des mœurs, n’a rien de visible, en revanche, le nom, autant que la chose, font indiscutablement du burkini une adaptation light de la burqa. Or celle-ci est indiscutablement le symbole visible et ostentatoire des mœurs islamistes les plus radicales et les plus oppressives. Il en résulte que la burqa est le symbole d’une culture qui est en guerre contre la nôtre.

Dans une France qui vit dans le souvenir et sous la menace d’attentats islamistes, l’apparition du burkini dans l’espace public a été perçue à juste titre comme un premier pas vers la banalisation de la burqa et donc comme une provocation islamiste.

Reste la question délicate : comment une démocratie libérale peut-elle réagir à cette provocation qui teste sa capacité de défense immunitaire ? Elle a le choix entre deux attitudes pires l’une que l’autre.

La première serait de ne pas réagir du tout, en application du principe selon lequel chacun est libre de s’habiller comme il le veut dans l’espace public pourvu qu’il ne trouble pas l’ordre et la tranquillité : son apparence ne regarderait pas les autres, qui n’auraient donc pas droit de regard sur elle. Dans ce cas, au nom du principe masochiste « faites chez nous comme chez vous, on s’en accommodera », notre société ouvrirait la voie à d’autres exigences tout aussi  contraires aux mœurs et coutumes qui forment sa culture, c’est-à-dire son identité.

Cette option suicidaire n’a que l’apparence du libéralisme. Car la liberté qui est au cœur des sociétés ouvertes doit se défendre contre ses ennemis, au motif que ses principes et son art de vivre non seulement relèvent de son choix souverain, mais aussi parce que nos mœurs et coutumes valent mieux que la culture archaïque et oppressive qu’on leur oppose. Un peu de progressisme nous protège d’un relativisme décérébré.

L’idée d’interdire tous les signes d’appartenance religieuse dans l’espace public est aberrante

L’autre option, tout aussi nocive, serait d’interdire le burkini et ses variantes au nom d’une loi générale sans avoir les justifications pour le faire. L’idée d’interdire tous les signes d’appartenance religieuse dans l’espace public est aberrante. Elle est une violation absolue de la laïcité qui doit protéger la libre manifestation de toutes les convictions dans l’espace public, dans la société civile. De plus, elle noie le poisson de l’islamisme radical et agressif en l’immergeant dans l’océan de toutes les religions qu’elle mettrait sur le même plan.

La laïcité d’aujourd’hui n’a pas besoin de  se défendre contre l’empiètement des religions : elle n’est remise en question et agressée que par l’islamisme conquérant. Les autres religions présentes en France se sont acculturées à la culture française, à la démocratie libérale. Elles se sont sécularisées.

On peut certes trouver hors de l’islam des femmes qui se conforment à des traditions archaïques et qui se baignent habillées de pied en cap comme leurs arrière-grands-mères. Sur une page publique, le spectacle donné par des femmes ultra-orthodoxes pourrait irriter des modernistes intolérants, mais on n’a pas le droit d’interdire ce qui ne nous plaît pas, s’il n’est pas associé à un danger.

Il est donc bien difficile de savoir comment réagir de façon adéquate à une offensive située sur le plan des mœurs.

On peut au moins tirer une leçon de l’échec. Ce qui a manqué aux arrêtés pris par les maires, et ce qui a conduit à l’annulation par le Conseil d’État de celui de Villeneuve-Loubet, c’est de s’en être tenu dans l’exposé des motifs au lien dans l’opinion publique entre un symbole évoquant la burqa et les attentats islamistes.

Les maires ont préféré alléguer le soi-disant conflit entre la laïcité et des comportements relevant d’une religion dans l’espace public. Par peur de stigmatiser, ils n’ont pas voulu nommer l’islamisme. Encore un effort pour bien énoncer ce que nous défendons et contre quoi.

Burkini, par magazinecauseur



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André Sénik, professeur agrégé de philosophie.

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