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Eric Neuhoff : retour sur le drame de sa vie 

Eric Neuhoff publie "Pentothal" aux éditions Albin Michel


Eric Neuhoff : retour sur le drame de sa vie 
Eric Neuhoff © Denis Félix

Avec son récit Pentothal, Eric Neuhoff revient sur l’accident qui emporta l’un de ses meilleurs amis et le clouera des mois sur un lit d’hôpital. Intime, sincère, bouleversant.


© Albin Michel

On connaît le redoutable Éric Neuhoff, hussard, brillant, fustigeur de la pensée unique, provocateur, cinéphile imparable au Masque et la Plume sur France Inter ou dans le Fig Mag, élégant dandy détaché de tout, romancier exquis des histoires d’amour qui n’en finissent pas, des hanches de Laëtitia, des fêtes au champagne et de cette France qu’on aime. C’est, finalement, peu le connaître. Pentothal, son dernier récit, nous surprend, nous émeut par sa sincérité brute, sa fragilité diaphane qui laisse voir, à l’intérieur, un cœur écorché. On le serait moins car ce qu’il nous raconte est terrible.

Amputation ?

En 1978, sur une route départementale de Catalogne, il est victime un accident de voiture qui coûtera la vie à Olivier, l’un de ses meilleurs amis. Il se retrouve à l’hôpital, une jambe broyée. Il souffre terriblement, abruti par le pentothal. Certains médecins et chirurgiens peu éclairés, songent même à l’amputer. Sa jambe devra son salut à une équipe d’aides-soignantes qui, en douce, lui fournissent une liste d’établissements où, disent-elles, il sera mieux traité et soigné que dans le leur… Et au fameux professeur Judet, de la clinique Jouvenet, dans le XVIe arrondissement. « Mousquetaire en blouse bleue, il défiait la fatalité sabre au clair. »

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Après douze mois cloué sur un lit de souffrance et dix-huit anesthésies générales, peu à peu, la sacrée jambe se remit à fonctionner. C’est ce martyre que nous conte Éric Neuhoff ; pas un martyre de fiction mais bien le sien. Et la mort d’Olivier, que ses parents lui annoncèrent bien plus tard, afin qu’il fût en mesure de supporter l’épouvantable nouvelle…

Littérature acide

Mais bien plus que le récit d’abominables souffrances, ce livre, tissé d’une mélancolie acidulée, est celui de l’adieu à la jeunesse ; l’adieu aussi au monde d’avant. On y voit passer Bernard Frank, Henri-François Rey (sosie d’Alain Pacadis), Jean-Jacques Brochier, Jean-François Bizot et ses Déclassés (quel beau roman !), Michel Déon, Jacques Higelin. Les amis sont là : Patrick Besson, Frédéric Vitoux et son épouse, François Cérésa, Anthony Palou…

La bande son est constituée de Chicago (message pour Éric : le musicien flingué accidentellement à la roulette russe, c’était Terry Kath), Bijou, Dutronc, Téléphone, Gainsbourg. Rôdent les ombres de Pascal Jardin, de Drieu la Rochelle, de Claude Sautet, de Louis Malle, de Geneviève Dormann. Et quel joli clin d’œil à Kléber Haedens lorsqu’il raconte, qu’avec le temps, ses yeux bleus sont devenus gris. Oui, ce Pentothal, détient la puissance nostalgique et mélancolique du Adios de Kléber. Pentothal : un grand livre, profond, sensible et si intime qu’il en devient universel.

Pentothal, Éric Neuhoff ; Albin Michel ; 212 p

Pentothal

Price: 19,90 €

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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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