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Christophe Kerrero, l’ex-Recteur qui dit « Non » à la Caste

Dans un monde où les hauts fonctionnaires rivalisent de servilité, Christophe Kerrero, en envoyant sa démission de Recteur de Paris au visage d’Amélie Oudéa-Castéra, ministre par le fait du Prince, a montré que dans les plus hautes sphères subsistaient des hommes ­intègres et capables, affirme notre chroniqueur, d’une pensée cohérente sur l’Ecole.


Début février 2024, j’avais expliqué pourquoi Christophe Kerrero avait choisi d’abandonner son beau logement de fonction de la Sorbonne, où le portrait en pied de Richelieu par Philippe de Champaigne le contemplait. Et comment, dans le même temps, Amélie Oudéa-Castéra, l’une des ministres les plus incompétentes jamais entrées rue de Grenelle (et la concurrence est rude) était, elle, restée en place : c’est tout simple, elle est sortie en 2004 de l’ENA, promotion Senghor, la même qu’Emmanuel Macron. Tout comme Hollande a favorisé la Promotion Voltaire — celle de Ségolène Royal et de sa « bravitude », celle aussi de Dominique de Villepin, l’homme qui aime Gaza, déjà dans les starters-blocks pour 2027.

Ainsi se forme et se recrute la Caste, en France : copinage sans souci de compétence. Dis-moi de quelle école tu sors, et je te nomme à l’Educ-Nat’ — ou aux Sports, eu égard à ta connaissance de la raquette de Gustavo Kuerten.

C’est pour avoir voulu mettre un peu d’air dans le vivier resserré des élites auto-proclamées que Kerrero s’est fait taper sur les doigts. Et lui qui avait imposé dans les écoles parisiennes une méthode alpha-syllabique, qui avait le projet de monter des prépas pour former les futurs professeurs des écoles — afin de leur épargner des formations annexées par les pédagos —, et qui avec la réforme Affelnet avait infiltré les grands lycées parisiens, cénacles de l’entre-soi, avec des élèves méritants issus des classes les moins favorisées, s’est senti désavoué par cette grande bourgeoise qui, comme ses semblables, pense que l’excellence académique est réservée aux enfants de ses amis (elle appartient à la tribu des Duhamel), aussi nuls soient-ils.

(Parenthèse : c’est avec le même raisonnement que les Anglais ont laissé Kim Philby, espion soviétique, monter pendant 25 ans dans la hiérarchie du MI6 — juste parce qu’il était le fils d’un ex-espion passé lui aussi par le Trinity College de Cambridge. Nous, nous avons l’ENA, nid de grandes incompétences qui n’ont pas pour l’état de la France le respect que l’on pourrait attendre).

Kerrero est né loin de la Caste. Il s’est même payé le luxe, raconte-t-il avec humour, d’être un cancre indécrottable — jusqu’à ce qu’il passe l’agrégation de Lettres. Il s’est dès lors mis au service de cette République à qui il devait tout, sans vouloir se mettre aux ordres des intérêts politiques et financiers auxquels nos Excellences sont dévouées.

A lire aussi, Jean-Michel Blanquer et Barbara Lefebvre: Ni godilleur ni godillot

Son livre, L’École n’a pas dit son dernier mot, est le récit de ce combat. Ex-directeur de Cabinet de Blanquer, il connaît de l’intérieur les adversaires de l’École — et de la République. Il est significatif que le pouvoir laisse sur la touche les vraies compétences, en se repliant, comme disait jadis Michel Poniatowski, sur les copains et les coquins. On ne devient pas ministre avec l’intention de pantoufler rue de Grenelle. On ne reste pas recteur quand la Caste vous a repéré comme un trublion capable d’égratigner Stanislas ou Henri-IV, ces pépinières de l’excellence morne.

Ce livre est un hymne à la méritocratie républicaine, au besoin d’amener chacun au plus haut de ses capacités (et non à son point d’incompétence) et à la sélection des meilleurs. Que de résistances, à droite et à gauche ! Interviewé il y a quelques jours par Christine Kelly, Kerrero, tout en mesure, a dû expliquer à des journalistes de droite anxieux de l’apprendre, qu’il y a des gosses intelligents qui ne sont pas nés avec une cuiller en argent dans la bouche (c’est là, à la 39ème minute) : avec des débatteurs pareils, nous ne sommes pas sortis de gouffre où leurs pareils, de droite et de gauche, nous ont entraînés, à force de préserver les droits des plus nuls de leurs rejetons. Nous ne pouvons pas nous passer des talents réels, méprisés aujourd’hui par la Caste qui méprise 70 millions de Français.

Christophe Kerrero, L’Ecole n’a pas dit son dernier mot, Robert Laffont, mars 2025, 358 p.

Dominique Besnehard dépose les armes aux pieds de la juge Rousseau

Après un coup de sang devant l’effrayante et inquisitrice Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma  – « Si c’est mon procès, je me taille » – , le célèbre agent de stars du cinéma français a été contraint de gentiment rentrer dans le rang. Récit.


Dans les mois qui suivirent l’affaire Weinstein et l’apparition des hashtags #MeeToo et #Balancetonporc, la philosophe féministe Geneviève Fraisse décréta sur la radio publique : « En France, il faut que des têtes tombent »[1]. Message reçu 5 sur 5 par les néo-féministes ayant des prédispositions pour la justice médiatico-révolutionnaire. Confites de religiosité malsaine, caressant des rêves de pureté absolue, ces néo-féministes ont décidé de nettoyer l’humanité au gant de crin et à la toile émeri. Elles entendent débarrasser le monde des quelques scories historiques qui entravent encore sa marche vers la transparence absolue et la codification politique et totalitaire des relations humaines. Le producteur, ancien agent artistique et directeur de casting Dominique Besnehard travaille depuis cinquante ans dans le milieu cinématographique. L’heure du grand nettoyage ayant sonné, il a dernièrement été mis sur la sellette,  obligé de rendre des comptes sur les turpitudes et les vices de ce milieu. Face à lui, un tribunal révolutionnaire appelé “Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma” et présidé par Sandrine Rousseau, s’est évertué à lui extorquer aveux, dénonciations et repentances. Le prévenu a montré quelques signes de nervosité. Mais, à la fin, tout est rentré dans l’ordre.

https://twitter.com/BFMTV/status/1900217154923852077

Déroulé de l’interrogatoire

« Quel est votre regard sur le mouvement MeeToo ? », interroge d’emblée le député Erwan Balanant, rapporteur dudit tribunal. La question n’est pas anodine : il s’agit de savoir si l’inculpé est dans les meilleurs dispositions, s’il adhère au principe même du nettoyage en cours, s’il n’est pas un de ces récalcitrants qui, sous couvert de nuancer les débats, cherchent à justifier les débordements libidineux des hommes en général, des réalisateurs et producteurs de cinéma en particulier. Dominique Besnehard montre pattes blanches : il affirme qu’il est féministe et qu’il a été parmi les premiers à mettre en garde de jeunes actrices contre le comportement de certains réalisateurs. Il s’est éloigné, dit-il, des éléments les plus sulfureux du milieu. Mais Sarah Legrain (LFI), membre inflexible de la commission, ne s’en laisse pas conter. Elle exhume d’anciens messages dans lesquels Dominique Besnehard prenait la défense de Gérard Depardieu lorsqu’il était accusé de s’être mal conduit avec une actrice en herbe désirant absolument prendre des cours à son domicile. L’agent artistique rappelle que, à l’époque, il s’étonnait déjà de l’attitude de certaines jeunes femmes visiblement soucieuses de réussir par tous les moyens possibles dans le monde du cinéma : « Généralement, les cours de théâtre, on les fait dans un cours de théâtre, on ne va pas à domicile, chez un acteur. » Et d’enfoncer le clou : « Quand j’étais agent, j’ai vu des actrices dépasser les bornes. Excusez-moi, Weinstein à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine. Je l’ai vu ça ! J’ai même des actrices dont je m’occupais qui y sont allées ! » Léger malaise dans la salle – mais rien ne peut ébranler les convictions idéologiques du tribunal…

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Après que Dominique Besnehard a expliqué pour quelles raisons il avait cessé de travailler avec le réalisateur Jean-Claude Brisseau, condamné en 2005 pour harcèlement sexuel sur deux actrices, les juges reviennent à la charge : « Vous avez pris vos distances avec Brisseau mais vous avez continué à soutenir Gérard Depardieu. Pourquoi cette différence ? » Il est rappelé à l’impénitent qu’il a signé une tribune en faveur de ce dernier. Dominique Besnehard explique : il n’a signé cette tribune que parce que Depardieu était un ami qu’il a vu partir « en vrille » après la mort de son fils Guillaume, parce sa fille Julie le lui a demandé, parce que des actrices comme Nathalie Baye et Carole Bouquet, pour lesquelles il a la plus grande estime, l’avaient également paraphée, parce qu’il ne voulait pas faire partie de la horde moutonnière, etc. Ces justifications ne satisfont pas la présidente du tribunal qui, s’essayant à une technique de manipulation psychologique assez basique, brosse d’abord M. Besnehard dans le sens du poil – il est un homme important dans le milieu cinématographique, il est écouté, il est reconnu, sa voix compte, etc. – puis lui reproche tout à coup d’avoir eu « des propos dénigrants sur les personnes qui parlent ». Le producteur se rebiffe – « Si c’est mon procès, je me taille ! » – mais la juge révolutionnaire lui rappelle sèchement qu’il n’a pas le choix : il est obligé de répondre à ses questions, que cela lui plaise ou non. Dominique Besnehard a enfin compris qu’il n’aurait aucun répit. Inutile de finasser pour tenter d’obtenir un non-lieu hypothétique : « Non mais, arrêtez ! C’est quoi des propos dénigrants ? Vous racontez des histoires que vous voyez dans la presse. Vous n’êtes pas là pour faire la morale. Arrêtez de faire la morale à tout le monde. Tout ça commence à bien faire. » Après ce coup de sang, Dominique Besnehard rentrera gentiment dans le rang. Il reconnaîtra que les temps ont changé – et que c’est pour le mieux. La preuve : il y a maintenant des « coordinateurs d’intimité » sur les plateaux, quel progrès ! L’interrogatoire, qui a duré plus d’une heure et demie, tire à sa fin ; M. Balanant, le rapporteur, veut être certain qu’il a porté ses fruits : « En tant que co-producteur de la série Dix pour cent, est-ce que vous vous engagez à avoir un discours sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? » Dominique Besnehard, qui commence à montrer des signes de fatigue, rend définitivement les armes : il assure de son allégeance le tribunal et rappelle que cette série a évoqué le problème des « comportements inappropriés » avant même que MeeToo n’existe et qu’elle a été parmi les premières à mettre en avant « une héroïne lesbienne ». La présidente soupire d’aise : enfin, tout rentre dans l’ordre, le nouvel ordre moral qu’elle appelle de ses vœux.

Tout est politique

Retour en arrière. Le 19 septembre 2022, sur France 5, Sandrine Rousseau affirmait avoir vu une ex-compagne de Julien Bayou – alors secrétaire national d’EELV – dans un état « très déprimé ». Elle accusait ce dernier de « comportements de nature à briser la santé morale des femmes ». Allégations floues mais suffisantes pour que Julien Bayou soit contraint de démissionner de ses fonctions de chef de parti et de quitter son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Bien qu’il ait été blanchi à la fois par une enquête interne diligentée par EELV et par le parquet de Paris qui a classé cette affaire sans suite pour « absence d’infraction », la commissaire politique Rousseau traduirait volontiers le citoyen Bayou à la barre d’un tribunal politique qu’elle présiderait : « Ce qui a manqué dans l’affaire Bayou, depuis le début, c’est une analyse politique de la situation », déplore-t-elle sur France Inter (26 février), avant d’ajouter : « La justice a ses critères. Maintenant, il reste la question politique. » Car pour Mme Rousseau, tout est politique, tout doit être politique, aucun espace ne doit échapper à l’emprise politique, aucune relation humaine ne doit pouvoir se soustraire au regard politique. Pour ce qui concerne les relations entre les hommes et les femmes, il n’est pas seulement question de punir des comportements inappropriés, il est surtout prévu de définir très exactement ces comportements, et d’en élargir le champ jusqu’à rendre la vie invivable, et tous les hommes, suspects. Principe totalitaire que Mme Rousseau aimerait pouvoir appliquer en toutes circonstances : « le privé est politique », assène-t-elle en préconisant « l’instauration d’un délit de non-partage des tâches domestiques » et en dénonçant la « structure sociale » et le « rapport de domination » qu’elle subodore dans le fait de « se prendre en photo derrière un barbecue ». Gardons toujours à l’esprit que la politique totalitaire de Sandrine Rousseau et de ses soutiens « féministes » de type haasien repose sur un programme de surveillance permanente débouchant inévitablement sur l’abolition de tous les rapports entre les hommes et les femmes, sur l’indifférenciation sexuelle, sur l’avènement d’un monde woke débarrassé des dernières traces d’histoire et d’humanité, un monde affranchi des mystérieux tourments de l’âme humaine, elle-même délestée à tout jamais de ses pulsions de vie, de désir et de mort – un monde terrifiant dans lequel les hommes « sont dans une sereine ignorance de la passion […] ne sont encombrés de nuls pères ni mères et n’ont pas d’épouses, pas d’enfants, pas d’amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes […] n’ont pas le droit ni de raisons d’être malheureux »[2], c’est-à-dire le plus cauchemardesque et le plus inhumain des mondes.  

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[1] France Culture, émission “Tout un monde”, 22 novembre 2019.

[2] Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, 1932.

Pardon mais Emmanuel Macron n’a pas toujours tort !

Même sur l’international, Emmanuel Macron voit sa politique étrillée par les oppositions et de nombreux médias. La vigilance dont fait preuve le président français sur le dossier ukrainien est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial, estime notre contributeur.


Certes il y a eu l’absurde dissolution mais, la France et le monde continuant à vivre, à surprendre et à inquiéter, on va bien finir par oublier ses déplorables effets. En tentant, parfois, de rendre justice au président de la République. Tout, il est vrai, n’est pas forcément de notre faute. Emmanuel Macron n’a pas une personnalité qui appelle une approbation sans réserve. Irréprochable dans son soutien à l’Ukraine et dans sa volonté de réarmer la France et de renforcer l’esprit et la résistance de l’Union européenne, il a été également convaincant dans son attitude à l’égard de l’Algérie. Son accord avec Bruno Retailleau sur la progressivité des mesures de rétorsion laisse espérer enfin une fermeté après tant d’humiliations subies par notre pays.

Le débat public monopolisé par l’Ukraine

Que le président retrouve de l’importance grâce à cette vie internationale chaotique et à son incidence sur le plan national est une évidence. On ne peut guère lui reprocher cette évolution dans la mesure où il est naturel qu’il profite d’une situation, d’une crise dont il n’a jamais été responsable sauf à continuer ce jeu malsain qui consiste à inverser les culpabilités.

Le fait qu’Emmanuel Macron ne se représentera pas en 2027 devrait, en bonne logique, nous inciter à faire preuve à son égard de plus d’indulgence que de sévérité, à supposer que Marine Le Pen ne soit pas élue en 2027 – Jordan Bardella la remplaçant n’aurait aucune chance ! -, ce qui, de l’aveu même du président, signerait son échec le plus éclatant.

Face aux accusations systématiques à l’encontre d’Emmanuel Macron même pour le meilleur de son rôle international, notamment à cause de sa prétendue obsession de faire peur à ses concitoyens avec une dramatisation jugée excessive, on peut souligner que sur l’Ukraine, « l’axe Trump-Poutine inquiète les Français et monopolise le débat public1 ».

À lire aussi : Chef de guerre, chef de la diplomatie? Calmez-vous, ça va bien se passer!

Il me semble qu’il est injuste, dans ces conditions, de déclarer, comme Philippe de Villiers, que « nous sommes devenus des va-t-en-guerre2». Comme si en réalité tout ce qu’il fallait accomplir non pas pour préparer la guerre mais pour la prévenir était une posture belliqueuse adoptée par notre nation.

On ne peut pas en même temps alléguer qu’il y aurait contradiction entre le souci de faire exister l’Europe et de la défendre – sur ce plan, le respect de la doctrine nucléaire française – et la paix qui se discuterait sans elle en Arabie saoudite. Il me semble qu’au contraire il y aurait là deux fers au feu, cumul d’autant plus souhaitable que les illusions sur Poutine, malgré les initiatives de Donald Trump, continuent à se dissiper. Le voir accepter la trêve « avec des nuances », qui ne tiennent à rien de moins qu’un abandon total aux exigences russes, démontre à quel point la vigilance du président français est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial. Dont on ne saurait laisser l’administration au seul duo Trump-Poutine, le premier erratique et fluctuant, le second d’un cynisme et d’un mépris confondants.

Péché mortel

Mon étonnement vient aussi du fait que les valeurs conservatrices souvent invoquées – honneur, dignité, courage, résistance et liberté – paraissent être oubliées quand on juge l’action du président pour porter haut une certaine idée de la morale internationale. Alors qu’elles devraient au contraire la légitimer.

Je ne peux pas m’empêcher, devant cette partialité constante à l’égard du président, de me demander qui, en France, confronté au même désordre, à la même incertitude internationale, serait capable de faire mieux, de représenter notre pays avec plus de constance et de fermeté.

À lire aussi : L’ivresse du chef de guerre

À l’exception de l’attitude responsable d’un Bruno Retailleau : « Tant que je suis utile, je reste et j’avance »3, on ne peut pas soutenir que nos débats politiques internes, avec un Laurent Wauquiez précipitant son ambition présidentielle, un parti socialiste multipliant ses rivalités et LFI se spécialisant dans l’odieux au point de troubler certains de ses députés, rassurent au regard du bruit, de la fureur et des rares embellies du monde.

Dans une démocratie apaisée, je n’aurais même pas besoin de m’excuser de concéder à Emmanuel Macron une approche partiellement positive. Mais dans la France telle qu’elle est, je n’ai pas le choix. Je ne voudrais pas que ce billet fût considéré comme un péché politique mortel.

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  1. Le Figaro, édition du 14 mars 2025 https://kiosque.lefigaro.fr/catalog/le-figaro/le-figaro/2025-03-14 ↩︎
  2. JDNews, édition du 11 mars 2025 : Philippe de Villiers : «La France est devenue le dernier va-t-en-guerre d’un monde qui veut la paix» ↩︎
  3. Le Figaro : 13 mars 2025 : «Tant que je suis utile, je reste et j’avance» : Bruno Retailleau, un ministre en campagne ↩︎

Bardella en Israël: se rendre à Jérusalem n’est pas un blanc-seing

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Le gouvernement israélien a invité le président du Rassemblement national à une conférence donnée sur l’antisémitisme à la fin du mois en Israël. Bien qu’elle symbolise le changement du parti, cette visite ne doit pas se transformer en justificatif.


Depuis quelques années, l’image du Rassemblement national a changé en Israël. Un temps tenu en horreur par l’État hébreu lorsque dirigé par Jean-Marie Le Pen, les gouvernements israéliens successifs ont progressivement accepté d’envisager des relations avec le RN. En 2006, il était prévu que Marine Le Pen soit membre d’une délégation de députés européens en visite dans le pays. Mais à l’époque, elle avait subi le même sort que Rima Hassan il y a un mois : le gouvernement israélien avait signifié au Parlement européen qu’il refuserait à ses frontières une députée dont le parti est « raciste et négationniste », rappelant en outre les moult propos antisémites du fondateur du FN.

Stratégies politiques

Moins de vingt ans plus tard, pourtant, le ministre israélien de la Diaspora a choisi de convier non seulement la direction de l’ex-Front national, mais également la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal. Il est indéniable que cette décision témoigne de l’aggiornamento idéologique opéré par le parti depuis sa reprise par Marine Le Pen. Le discours a été vidé de sa substance antisémite et l’essentiel des figures extrémistes a été remercié. Les accusations en électoralisme, visant à faire de cette « dédiabolisation » une simple stratégie dépourvue de sincérité, sont en outre sérieusement affaiblies par le renouvellement des effectifs du RN. Les membres du bureau national du parti, par exemple, ainsi que l’essentiel de ses élus, n’appartenaient pas au FN lorsque sa ligne rappelait l’extrême droite au sens traditionnel.

A lire aussi: Ce que ne dit pas le voyage de Rima Hassan en Israël

En outre, depuis le 7-Octobre, le soutien de Marine Le Pen à Israël s’est fait plutôt vocal, quitte à nuancer la position historique du parti réclamant corps et âme une solution à deux États. Cette invitation à une conférence sur l’antisémitisme à Jérusalem représente néanmoins un problème stratégique pour le parti : peut-elle devenir en tant que telle un argument vérifiant la dédiabolisation du parti ? Israël fait preuve d’une vigilance évidente dans sa relation avec les grands partis de ses alliés diplomatiques ; y être convié à un événement politique constitue un signal qu’il serait ridicule d’ignorer.

Le parti se présente comme un rempart

Pour autant, cette décision ne saurait représenter notre seul phare moral. Surtout, le RN ne doit pas la déployer à ce titre d’un point de vue rhétorique. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche mi-mars, le président du parti estimait que l’envoi de l’invitation au RN signait la place qu’il avait prise à l’échelle internationale. Un élément de langage allant en ce sens a d’ailleurs été déployé par le mouvement, nombre de ses élus ayant publié sur X un message évoquant une « reconnaissance diplomatique ». Mais certains sont allés plus loin, à l’image du député du Pas-de-Calais, Bruno Bilde, qui a vu en cette visite la confirmation que le Rassemblement national constituait « le seul rempart contre l’antisémitisme ».

A relire : Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

On ne peut que comprendre la tentation d’y repérer un adoubement. Or cette position est insatisfaisante. Si le RN souhaite éradiquer tout soupçon d’antisémitisme, il lui faut continuer à suivre une ligne claire sur le sujet et à se distancer des formations politiques sur lesquelles planent toujours un légitime doute dans le monde. Se servir d’une visite éclair dans un État juif pour témoigner de sa bonne entente avec les Juifs, en revanche, ne saurait composer une réponse convenable. Le contraste avec les relations entretenues entre LFI et les Français de confession juive vient intuitivement, mais arguer de ses interactions avec Israël ou de ses désaccords avec des élus antisémites ne constitue pas en soi un programme.

Un certain regard

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Émilie Dequenne, l’actrice belge découverte dans Rosetta, le film des frères Dardenne en 1999, est décédée à l’âge de 43 ans. On la savait malade et en rechute de son cancer. Elle était et restera un visage puissamment émouvant du cinéma de ces 25 dernières années


Je regrette. J’ai été bête. Je n’ai pas osé. Nous étions en vacances, elle aussi. Elle promenait son chien en famille à l’Île-Rousse, à la pointe de la Pietra, entre l’embarcadère des ferrys et les tours génoises à l’horizon. Devant nous, la Méditerranée béate, dangereusement inerte et le vent qui se lève, loin du rideau de pluie, de son Hainaut natal. Un soleil sec et un parfum d’été envahissaient les cœurs. Mais, en Corse, tout peut tourner, basculer d’une minute à l’autre, l’île est aussi belle que tempétueuse. Instable. Changeante. Naturellement indomptable. Le répit n’est que provisoire. Il aurait été inconvenant de la déranger, de l’importuner, pour lui dire quoi au juste ? Un bégaiement de fan. Une banalité de journaliste.

A lire aussi, Jean Chauvet: Action !

La timidité est parfois bonne conseillère. Publiquement, elle avait annoncé sa maladie, on souffrait pour elle. Dans ces moments-là, on espère naïvement qu’un geste, une parole, un encouragement, un simple merci lui donneront un peu de force. Puis, on a peur du ridicule, de l’indécence, du timing imparfait, de l’intrusion du spectateur dans le cercle de l’acteur. Nous ne nous connaissions pas. Alors, je me suis tu. Á l’instant précis où nos regards se sont croisés, par reflexe, j’ai légèrement incliné la tête pour la saluer, elle m’a rendu un sourire doux et franc. Nous en sommes restés là. Rien de plus, rien de moins. Chacun a repris sa route. Et c’est tant mieux, finalement. J’aurais voulu mettre des mots sur son talent d’actrice, je n’y serais pas parvenu. J’aurais voulu lui dire qu’elle faisait partie des rares élues, celles capables de donner une vérité instantanée et non bricolée à un personnage ; sans filtre, sans ficelle du métier trop apparente, directement, charnellement, émotionnellement, elle incarnait une vérité quand d’autres jouent seulement. Dans les arts, cette sincérité extra-lucide ne ment pas. Bien sûr qu’il existe d’excellents faiseurs, d’habiles manipulateurs qui masquent les raccommodages grossiers ; avec elle, tout se matérialisait, sans fard, sans effort, comme si la vie courante, le côté ménager au sens noble de ses rôles se superposait parfaitement à l’imaginaire cinématographique. Aucune coulure, un duplicata exact des émotions et des élans, de la tristesse à la sauvagerie, du désir à la colère. Le spectateur est saisi, troublé, envoûté par cette connexion-là. Elle ne lui échappe pas. Il la reçoit comme une offrande sacrée.

A lire aussi, du même auteur: La Bretagne au soleil-levant

Émilie Dequenne, sans tricher, sans se victimiser, sans se consumer à la lumière des médias, donnait de la grâce et de l’éclat à des personnages populaires. Je crois bien qu’elle révélait la dignité, la haute dignité, des femmes ordinaires ou accidentées. Elle ne trahissait, ni ne salissait ses héroïnes de larmes superfétatoires. Cette captation du réel est un don du ciel. J’aurais voulu lui dire que l’on se souviendrait longtemps d’elle, par sa filmographie qui a oscillé entre cinéma d’auteurs et quelques films plus commerciaux, et surtout par son empreinte. Émilie Dequenne marquait de son empreinte indélébile un long-métrage, qu’elle en soit la vedette, et je dirais même encore plus, dans un second rôle. Récemment, en 2020, elle avait obtenu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour « Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait » d’Emmanuel Mouret. A vrai dire, cette romance entrecroisée ne m’a laissé que quelques vagues souvenirs et pourtant je n’ai pas oublié l’interprétation d’Émilie. Je ne pourrais vous dire précisément la teneur de son rôle, par contre, j’en ressens encore son onde, son écho m’assaille à cinq ans d’intervalle. C’est ça que j’aurais voulu lui dire dans cette station balnéaire de Haute-Corse, la différence fondamentale entre une grande actrice et une professionnelle qui fait consciencieusement son travail ; au fond de ma mémoire, ces quelques minutes à l’écran reviennent me bercer. Je sais intimement, sans avoir besoin de revoir ce film, qu’elle était au diapason de ses sentiments, dans une justesse et une forme de beauté ébréchée, dans une incandescence qui était lumineuse.

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Donald Trump ou la « destinée manifeste » américaine

Le feuilleton entre Trump et le Canada ne fait que commencer… La menace étasunienne pousse donc son voisin à demander de l’aide auprès des Européens…


Alors, Josué ordonna aux scribes du peuple : « Parcourez le camp, donnez cet ordre au peuple : “Préparez des provisions, car dans trois jours vous passerez le Jourdain que voici, pour aller prendre possession de la terre que le Seigneur votre Dieu vous donne en héritage.” 
Josué : 10-11.

Sa Majesté orange propose d’intégrer aux États-Unis le canal de Panama, le Groenland et, pièce de résistance, le Canada. Rien de moins (1).

Esprit fripon

Ces idées furent d’abord accueillies par l’opinion internationale comme de simples boutades émanant d’une personnalité bien connue pour son esprit fripon, mais force est de constater qu’elles ne doivent pas être prises à la légère. En fait, l’offensive a déjà commencé contre l’éventuel futur 51e État par l’arme économique. Une façon d’« attendrir la viande », qui rappelle, mutatis mutandis, l’agression économique diligentée par le président Nixon en 1970 contre le Chili de Salvador Allende et les récentes offres faites à l’Ukraine, qu’elle ne peut pas refuser.

Cette agressivité étonne de prime abord car il semblait, surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, que le monde était entré dans une ère post-coloniale, où la notion de conquête de territoires était devenue obsolète. Mais puisque l’aspirant Imperator Caligula Trumpus a pour ambition de ressusciter un passé glorieux, ce n’aura peut-être été qu’un hiatus. Ce retour aux sources est-il étonnant si l’on se met dans une perspective historique ?

À lire aussi : Le Canado-Irlando-Royaumunien Mark Carney consacré messie du Canada

Le Canada est, en effet, le fruit congelé d’un hasard de l’histoire. Cette colonie fut cédée par la France en 1763 à l’Angleterre et les États-Unis ne purent s’en emparer ni en 1775, ni lors de la guerre anglo-américaine de 1812.

L’expression Manifest destiny (en v.o.) née en 1845, puisée dans la doctrine Monroe de 1823, fut le slogan justifiant la conquête de l’Amérique du Nord par les États-Unis, arguments bibliques à l’appui. S’ils finirent par se résigner à mettre de côté les colonies anglaises septentrionales, ils se rabattirent sur l’ouest du continent, mais… pour lequel ils durent faire concurrence avec l’Angleterre, surtout à partir de 1867, lorsque naquit le dominion du Canada. Si les quatre provinces d’origine (Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse) formaient un ensemble géographique pas trop incohérent, il en résulta une frontière rectiligne suivant le 49e parallèle nord, que Trump qualifie, à juste titre, de purement « artificielle », d’autant plus que de nombreux Canadiens des quatre provinces de l’ouest concernées sont les descendants d’agriculteurs américains à qui le gouvernement offrait des terres (s’ils étaient blancs, bien entendu); un partage de territoire on ne peut plus colonial, digne de ce qui fut effectué sur une carte de l’Afrique lors de la conférence de Berlin de 1885, même si, au nord, le décalage culturel actuel se traduit de nos jours par de moins nombreuses églises pentecôtistes et armureries; pour Justin « Blackface » Trudeau, c’est ça ne pas être américain. Et ce n’est pas faux.

Le réel dépassera-t-il la fiction ?

À noter que le chemin de fer Canadien Pacifique, mièvre élément du roman national du Canada anglais (on a les mythes fondateurs qu’on peut), gouffre financier perpétuel, créant une unité économique non américaine est-ouest factice, fut entaché dès sa conception, donc bien avant le premier coup de sifflet, de scandales financiers impliquant le premier Premier ministre fédéral, le poivrot Sir John A. Macdonald, préfigurant le scandale de Panama.

Les Américains, pratiquant leur nouveau sport national, la chasse à l’Autochtone et au bison, mirent le grappin sur le Texas, l’Oregon, même Hawaii … ; l’Amérique latine leur fournit aussi un butin : Porto-Rico, le canal de Panama (État fantoche arraché à la Colombie par la force des armes américaines), et des zones d’influence sans annexion formelle : Cuba, Haïti, Nicaragua…

Même sans le Canada, il y avait de quoi faire.

Mais aujourd’hui, le Caudillo Trump conteste les frontières canado-américaines consacrées notamment par le traité de 1908, comme il conteste le droit du sol constitutionnel, manifestant de manière générale une grande liberté d’esprit en ce qui concerne les textes juridiques.

À lire aussi : Canada: (re)naissance du patriotisme?

Le Canada est une terre promise vu sa richesse en minéraux, mais surtout en eau, plus précieuse encore que le lait et le miel, qui suscite la convoitise des États du sud-ouest des États-Unis, cruellement assoiffés par l’enfer climatique; cependant, le Canada rejette l’idée que l’eau est une simple « marchandise » au sens de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). L’annexion rendrait la question caduque.

Mais il serait injuste de ne pas tenir compte de l’attachement sentimental de Donald Trump pour la contrée où bon-papa fit ses débuts dans le monde des affaires. La gestion des maisons closes est très formatrice et ouvre beaucoup de portes, surtout dans l’immobilier.

Il est encore trop tôt pour dire si le Canada fera l’objet d’une invasion militaire en bonne (si l’on ose dire…) et due (si l’on ose dire) forme. Une telle promenade prendrait une journée : on n’est plus en 1812. Rectification : elle prendrait une matinée et, pour faire bonne mesure, sur cette lancée, un largage de quelques paras assurerait la maîtrise du Groenland voisin en une ou deux heures supplémentaires.

Alors, comment l’Ontario (qui est, en pratique, le Canada) peut-il éviter de devenir le 51e État, d’une manière ou d’une autre?

Le magazine The Economist avance la solution de l’adhésion du Canada à l’Union européenne. Le Québec lui, pourrait songer à opter pour l’annexion par la France (2).


1 Relire l’analyse de Gerald Olivier NDLR : Panama, Groenland, Canada: quand Donald Trump ravive la Doctrine Monroe

2 Lire Gaetan Langlois, Journal de Montréal, L’annexion du Québec à la France

Universités américaines: Trump siffle la fin de la récréation

Une pétition monstre réclame aux États-Unis la libération de l’étudiant étranger Mahmoud Khalil. La carte verte de ce militant pro-palestinien a été révoquée par l’administration Trump, et il devrait être expulsé. Ses soutiens invoquent sa liberté d’expression et le premier amendement de la Constitution pour le défendre.


À la suite des attaques terroristes du 7-Octobre, le chaos s’était emparé de nombreuses grandes facultés américaines, bastions de la jeunesse démocrate et largement acquises à la cause palestinienne. Manifestations de soutien aux terroristes du Hamas, violences à l’encontre d’étudiants de confession juive… Tout cela n’avait suscité ni indignation ni réaction suffisante de la part des directeurs des établissements débordés concernés. L’arrestation de l’activiste propalestinien Mahmoud Khalil, étudiant à Columbia, et son expulsion annoncée du territoire américain marquent la fin de cette impunité, comme l’avait promis Donald Trump.

La première arrestation d’une longue série

Le 9 mars, des agents de l’immigration ont effectivement arrêté l’étudiant né en Syrie, détenteur d’une carte verte et revendiquant des origines palestiniennes, pour son implication dans les manifestations propalestiniennes qui ont secoué le campus de Columbia. Selon une déclaration de Donald Trump sur son réseau Truth Social, l’arrestation de cet « étudiant pro-Hamas est la première d’une longue série à venir ».

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Columbia, Sciences-Po: les étudiants, les idiots utiles du Hamas

Durant ces manifestations, le Wall Street Journal[1] rapporte que Mahmoud Khalil occupait la fonction de négociateur en chef pour le compte de la Columbia University Apartheid Divest (CUAD), une coalition anti-israélienne. De son côté, le National Review[2], célèbre mensuel conservateur, révèle que M. Khalil était également correspondant aux affaires politiques auprès de l’UNRWA, une organisation dont les liens avec le Hamas ont été fréquemment dénoncés ces derniers mois. Certains de ses défenseurs mettent en avant son rôle de « négociateur » comme preuve de son pacifisme. Pourtant, des éléments récents viennent contredire cet argument déjà fragile. Le National Review souligne que Khalil était notoirement connu comme l’un des leaders des nombreuses manifestations pro-Hamas. La secrétaire de presse de la Maison Blanche affirme qu’il ne se contentait pas d’organiser des rassemblements visant à « harceler les étudiants juifs américains », mais qu’il diffusait également de la propagande pro-Hamas. Le magazine Newsweek[3] révèle de son côté que Khalil a été accusé d’avoir carrément organisé un événement glorifiant les attaques du 7-Octobre. Difficile, dans ces conditions, de dresser le portrait d’un étudiant pacifiste aux airs de gentil hippie inoffensif. Mais les soutiens de l’étudiant étranger arrêté crient à l’injustice et demandent au gouvernement américain de fournir des preuves de ces accusations. Les Démocrates, soucieux de rester dans la course politique et prêts à tout pour ne pas tomber dans un oubli qui leur tend les bras, n’ont pas hésité à prendre la défense de cet étudiant qu’ils présentent comme une victime de l’administration Trump.

Il fallait s’y attendre, selon certaines représentants démocrates, Trump embastillerait un gentil étudiant en bafouant son droit à la liberté d’expression (« free speech »). Mais, cette liberté connaît des limites : soutenir un groupe terroriste et stigmatiser une population en raison de sa confession ne devraient pas en faire partie. Or, c’est précisément ce que faisait le CUAD, selon le Wall Street Journal, qui rappelle que cette organisation a déclaré en octobre 2024 son soutien à « la libération, par tous moyens nécessaires, y compris la résistance armée ».

Aveuglement idéologique

Est-ce ainsi que la gauche conçoit la liberté d’expression ? 14 élus démocrates ont adressé une lettre ouverte à la secrétaire d’Etat pour la sécurité intérieure, Kristi Noem, demandant la libération immédiate de Khalil, qu’ils considèrent comme un prisonnier politique. Parmi les signataires figure la représentante démocrate du Michigan, Rashida Tlaib, connue pour avoir accusé Joe Biden de « soutenir le génocide du peuple palestinien » dans un tweet publié en juillet 2023 et supprimé depuis.

A lire aussi, Jean-Michel Blanquer: Penser le 7-Octobre en exorciste

Si Mahmoud Khalil s’était contenté d’agiter pacifiquement un drapeau palestinien, il ne se serait évidemment pas retrouvé dans cette situation. Donald Trump, qui a promis d’être le président de tous les Américains, entend protéger également les étudiants juifs, leur garantissant un environnement universitaire sûr. Les Démocrates sont-ils à ce point aveuglés qu’ils ne voient pas que, dans cette affaire, c’est bien Trump qui défend la véritable liberté d’expression ? Les étudiants juifs ne devraient-ils pas, eux aussi, pouvoir jouir de cette liberté sur les campus, sans craindre pour leur intégrité physique ? On frissonnerait presque en imaginant ce qu’il serait advenu si la « camarade Kamala », comme l’appellent ironiquement les trumpistes, avait accédé au Bureau Ovale…

Une mobilisation opportuniste

Par aveuglement idéologique ou par pur calcul électoral, les Démocrates ont appelé à manifester pour la libération de Mahmoud Khalil. L’impayable Alexandria Ocasio-Cortez a dénoncé le « traitement inhumain »[4] infligé à Khalil, en faisant une nouvelle cause politique pour un parti en pleine crise. Ainsi, selon les estimations du Wall Street Journal, plus de 300 manifestants se sont rassemblés jeudi 13 mars devant… la Trump Tower, pour exprimer leur indignation. Outre l’absurdité du choix du lieu – Trump résidant évidemment à la Maison Blanche et non à New York – cette manifestation illustre une fois de plus que les Démocrates ne reculeront devant rien pour cimenter leur électorat sur des bases intersectionnelles. Quitte à fracturer encore davantage la société américaine.

https://twitter.com/SecRubio/status/1899892869332173133

[1] https://www.wsj.com/opinion/mahmoud-khalil-green-card-trump-administration-cuad-columbia-israel-hamas-ecdc4424?mod=Searchresults_pos2&page=1

[2] https://www.nationalreview.com/news/ice-detains-palestinian-activist-who-led-anti-israel-encampments-at-columba-university/

[3] https://www.newsweek.com/who-mahmoud-khalil-columbia-university-grad-detained-ice-2041925

[4] https://www.washingtontimes.com/news/2025/mar/12/free-mahmoud-khalil-democrats-rally-stop-deportation-anti-israel/

Dans le mur de l’État de droit

Cinq hautes juridictions françaises et européennes garantissent aux sans-papiers et délinquants étrangers une batterie de droits qui insultent le bon sens. Seule la voie référendaire pourrait inverser la vapeur. Passage en revue de ces aberrations légales par l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.


« Il n’y a qu’à les enfermer le temps que leurs pays les reprennent. » Telle est la réflexion de tant de nos compatriotes, justement révoltés par la litanie de crimes perpétrés par des étrangers sous le coup d’OQTF, d’arrêtés d’expulsion ou d’interdictions de territoire. Telle est l’exigence de tant de nos concitoyens, légitimement exaspérés par le fait que des immigrés condamnés pour terrorisme ne puissent être reconduits vers leurs pays d’origine à la fin de leur peine.

La loi censurée

« La loi ne le permet pas », explique-t-on, ce qui est vrai. « Il faut donc la changer », répondent nos compatriotes, ce qui est logique. Mais ici l’ignorance – ou la mauvaise foi – s’infiltre dans le débat. « Que fait le ministre de l’Intérieur pour la modifier ? » s’interroge-t-on. « Que n’agit-il pas au lieu de déplorer ! », ajoutent les dirigeants du RN.

Gare toutefois à ce que l’impatience, si naturelle soit-elle, ne conduise à une impasse. Car, même si elle était votée, une loi permettant, sans limite de temps, la rétention administrative des étrangers n’ayant pas déféré à une OQTF, ou prévoyant l’incarcération, tant que leur éloignement n’est pas possible, des étrangers fichés comme dangereux par les services de sécurité ou considérés comme encore dangereux une fois leur peine purgée, se heurterait au mur de l’« État de droit », c’est-à-dire aux jurisprudences de nos cinq cours suprêmes : Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour de cassation, Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), interprétant de manière constructive les droits énoncés, de façon souvent imprécise, dans notre « bloc de constitutionnalité » et nos engagements européens. Il serait disproportionné, jugeraient-elles, qu’un étranger soit indéfiniment privé de sa liberté individuelle du seul fait – étranger à la volonté de l’intéressé – que son pays d’origine refuse de le recevoir. La loi serait donc censurée.

Au-delà de ces cas spécifiques (mais nombreux) d’étrangers que leur pays refuse de reprendre, les jurisprudences de nos cinq cours suprêmes configurent les politiques d’immigration sous bien d’autres aspects.

Principes suprêmes

D’abord parce qu’elles reconnaissent le regroupement familial, au nom du « droit de mener une vie familiale normale », déduit du préambule de la Constitution de 1946 (n° 93-325 DC, 13 août 1993). À elle seule, cette jurisprudence interdit d’instaurer des quotas migratoires.

De même, en matière d’accueil des demandeurs d’asile, la CEDH condamne la reconduite d’une embarcation interceptée en mer à son pays de provenance, même dans le cadre d’un accord bilatéral assurant la sécurité des intéressés.

La CJUE ajoute que le placement en rétention du demandeur doit être exceptionnel. S’il est débouté, il ne devra pas être reconduit dans son pays d’origine si son retour le met en danger, y compris sur le plan médical.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: L’État de droit, c’est plus fort que toi !

La jurisprudence de la CJUE interdit en outre le refoulement des immigrants illégaux à la « frontière intérieure » (franco-italienne par exemple), même quand celle-ci est momentanément rétablie en raison des circonstances, comme le permet le système Schengen.

La jurisprudence de la CEDH interdit de plus l’expulsion d’un étranger, si dangereux soit-il, s’il est exposé, dans son pays d’origine, à de mauvais traitements (décision Daoudi, 3 décembre 2009) ou s’il risque d’y faire l’objet de poursuites pénales non conformes aux règles du procès équitable (décision Othman Abu Qatada, 17 janvier 2012).

Les jurisprudences des cours suprêmes tendent à aligner sur les droits des nationaux les droits des étrangers, non seulement lorsque ceux-ci justifient dans le pays d’accueil d’un séjour régulier d’une durée suffisante, ce qui est légitime, mais aussi lorsqu’ils n’y résident pas régulièrement, voire lorsqu’ils n’y résident pas du tout (c’est alors à l’habitant de la planète que nos droits sont ouverts).

La jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit par exemple depuis 1993 qu’un maire refuse de marier un étranger au motif que celui-ci est en situation irrégulière. La liberté du mariage, juge-t-il en effet, « est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 » et « son respect s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé » (n° 93-325 DC du 13 août 1993, n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003).

Révisons la Constitution !

Pour faire sauter les verrous énumérés ci-dessus (et d’autres), il faudrait une révision constitutionnelle. Celle-ci pourrait prendre soit la forme radicale de la réduction des modes de saisine et des bases de référence du Conseil constitutionnel, soit la forme plus détaillée d’une neutralisation, sujet par sujet, des jurisprudences incapacitantes. En tout état de cause, elle affirmerait la primauté de la loi française sur le droit international antérieur, de manière à ne plus voir nos juges nationaux écarter la loi au profit d’une directive européenne ou d’une jurisprudence de la CEDH. Et, pour bien marquer qu’elle exprime la volonté du peuple souverain, cette révision devrait être approuvée par voie référendaire.

A lire aussi, Raphaël Piastra: Chef de guerre, chef de la diplomatie? Calmez-vous, ça va bien se passer!

Cependant, les conditions politiques permettant une telle révision ne pourront être réunies qu’à l’issue d’élections donnant la majorité absolue aux forces désireuses de sauter le pas. Les détracteurs de Bruno Retailleau, du côté du Rassemblement national, le savent bien. Ils savent aussi que le pas à sauter est trop considérable pour ne pas commander aujourd’hui un constat d’accord, demain une coalition. Or l’un et l’autre sont compromis par le procès en hypocrisie que plusieurs responsables du RN intentent au ministre de l’Intérieur et à tous ceux qui, à droite et au centre, approuvent son action.

En réalité, ce procès trouble une grande partie de leur propre électorat, qui fait crédit à Bruno Retailleau de sa sincérité et ne comprend pas pourquoi le RN ne cherche pas à soutenir son action (quitte à souligner que cette action se heurte à des blocages structurels que seul un changement politique profond pourrait surmonter). D’où l’impression que le RN, redoutant la concurrence sur ses domaines de prédilection, cherche moins à résoudre les problèmes qu’à les exploiter électoralement de façon monopolistique. À lui de décider clairement s’il assume de refuser une alliance indispensable à terme pour mener à bien un projet régalien conforme au vœu très majoritaire des Français.

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L’infantilisation des Français s’aggrave

Cinq ans après le confinement de mars 2020, les études se multiplient qui nous confirment que cette mesure a sauvé de nombreuses vies et que les pays ayant confiné tôt ont mieux limité les conséquences économiques et sociales de la pandémie. Experts dissidents et médias populistes ont bien fait d’être mis au pas par le pouvoir, nous assure-t-on. Dans son billet, notre chroniqueur dénonce au contraire une dérive totalitaire qui s’aggrave. Le pouvoir continue de s’exercer en faisant peur aux citoyens, selon lui.


Le Covid a durablement infecté la démocratie. Il y a cinq ans, Emmanuel Macron dramatisait l’épidémie en répétant six fois : « Nous sommes en guerre ! ». 500.000 morts étaient annoncés en France. Le 17 mars 2020, à midi, il mettait fin à la liberté de circuler en imposant, « quoi qu’il en coûte », un confinement sanitaire approuvé par l’opinion tétanisée. Depuis, la dérive totalitaire du pouvoir n’a cessé de s’aggraver, dans l’hébétude du monde intellectuel et médiatique. Exploitant la crainte du virus, le chef de l’Etat allait imposer, le 12 juillet 2021, un passe sanitaire interdisant les cafés, restaurants, cinémas, etc. aux non-vaccinés. Aujourd’hui, l’inefficacité de ces mesures étatiques commence à être timidement admise. Leurs effets sur la santé mentale des jeunes également. Pourtant, face à l’hystérisation hygiéniste et à ses ségrégations de sous-citoyens, rares furent ceux qui alarmèrent sur les procédés mensongers employés ; à commencer par le slogan officiel, authentique fake-news : « Tous vaccinés, tous protégés ». Ayant eu à subir les accusations en « complotisme » et « antivax » des fanatiques de l’ordre sanitaire, j’ai pu observer de près l’efficacité d’une propagande anxiogène sur les comportements. Dans leur majorité, les Français apeurés ont accepté leur servitude, jusqu’à l’absurde. Ils ont dû remplir leurs auto-attestations pour sortir. J’ai gardé de cette époque, devenue si vite irrationnelle, l’avis de contravention (135 euros, réglés) reçu par mon épouse qui, le 24 février 2021 à 18h50 avait été verbalisée par la gendarmerie pour « circulation à une heure interdite » alors qu’elle se promenait à la pointe désertique d’une île atlantique balayée par le vent. Peu auparavant, le Premier ministre Jean Castex avait également prévenu : « Papy et mamie doivent éviter d’aller chercher les enfants à l’école ».

A lire aussi, du même auteur: Macron: entre menace russe et menace terroriste, pourquoi choisir?

Cette infantilisation des citoyens, sommés d’obéir à l’Etat-mamma et à ses délires, caractérise la macronie. Comme tout pouvoir faible, celui-ci est tenté par les fausses guerres qui rassemblent autour du président. Le modèle chinois du contrôle social et de la dénonciation a été aussi l’inspirateur du gouvernement, soumis à la vision mondialiste de l’Organisation Mondiale de la Santé. Les responsables de ce fiasco, à commencer par le chef de l’Etat, n’ont jusqu’à ce jour jamais reconnu avoir surestimé l’épidémie. Aucun bilan n’a été tiré des ruineux et inutiles confinements et couvre-feux, ni des vaccins expérimentaux aux effets secondaires importants. Stalinienne a été la diabolisation, par la presse mimétique, de ceux qui réclamaient une distance face aux firmes pharmaceutiques et la vigilance dans le recours liberticide au QRCode, inventé en 1994 pour identifier les pièces détachées chez Toyota. Simon Leys, dans La forêt en feu, a décrit cette oppression : « Dans un système totalitaire, chaque fois que le bon sens entre en conflit avec le dogme, c’est toujours le bon sens qui perd ». La France reste à la merci d’une rechute de sa démocratie, si mal défendue par ses prétendus soutiens. Ceux-là n’avaient rien compris non plus de la révolte des gilets jaunes.

Après la peur du Covid, voici réactivée celle de « l’extrême droite », où sont parqués tous ceux qui osent penser par eux-mêmes. Des chaînes de télévision (C8, NRJ12) ont été chassées par le pouvoir. Des portraits d’indésirables (dont Cyril Hanouna sous les traits du Juif vu par les nazis) sont diffusés par LFI. La justice pourrait interdire à Marine Le Pen de se présenter en 2027. Tant que les Français laisseront faire, l’étau totalitaire se refermera.

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Fabien Galthié: l’homme du tournoi

Ça y est ! Le XV de France a remporté samedi le tournoi des Six nations, en s’imposant 35-16 face à l’Écosse. Encore une victoire qui témoigne de l’importance de Fabien Galthié, l’homme qui depuis son arrivée, n’a cessé de redresser cette équipe et de la hisser au sommet du rugby.


Cinq ans avant d’être nommé sélectionneur-entraîneur des Bleus, Fabien Galthié, l’homme aux étranges incongrues lunettes à grosse monture noire qui donnent l’impression qu’il est étranger à ce qui l’entoure, n’avait pas caché son ambition : si cette responsabilité lui était échue un jour, il ferait de ceux-ci la meilleure équipe du monde. On l’avait pris alors pour un arrogant hâbleur…

Fin de la malédiction

Une décennie plus tard, après les deux matches d’anthologie gagnés contre l’Irlande (42-27), la grande favorite, à Dublin où elle faisait figure d’invincible, et la vaillante Écosse (35-16) qui n’a pas tenu la distance, samedi, au Stade de France, qui lui ont valu de décrocher le trophée du Tournoi des six nations, il semble bien qu’il est en passe de réaliser cette prophétie. En tout cas, pour le quotidien L’Équipe, qui n’a jamais été très complaisant à son endroit, il serait bien parti pour. Cette victoire, écrit le quotidien sportif, « atteste d’une progression qui peut nourrir beaucoup d’espoirs à deux ans et demi de la coupe du Monde en Australie. »

https://twitter.com/francetvsport/status/1901047714248335676

Pour le moment, ce qui est sûr, c’est qu’il a été incontestablement l’homme de cette 25ème édition du Tournoi qui restera gravée dans les annales de l’Ovalie hexagonale, non seulement parce qu’il a enfin conjuré une malédiction qui le poursuivait depuis sa prise de fonction, celle de gagner de grands matches mais de ne conquérir aucun titre, mais aussi parce que les Bleus ont fait tomber quelques records et en ont établi d’autres.

En fait, la malédiction n’était pas tout à fait exacte, euphémisme pour ne pas dire fausse. En vérité, c’est plutôt, lui, Galthié, qui a mis un terme à une disette de titres. L’âge d’or du XV de France dans les Six nations a été la décennie de 2000 à 2010, où il a engrangé quatre titres (2002, 04, 06, et 2010), pratiquement un tous les deux ans. Puis, en 2011, les bleus perdent à Auckland, capitale de la Nouvelle-Zélande, la finale de la coupe du monde d’un petit point (8 à 7, un essai et une pénalité – discutable – pour les All blacks, contre un essai transformé pour les Tricolores). Sonnés par cette amère déconvenue, les Bleus ne sont plus que des figurants dans les Six nations.

Joueur émérite et entraîneur à succès

Quand Galthié prend les commandes des Tricolores, il a un passé d’entraîneur à succès en club et de joueur émérite à l’international. Comme entraîneur, il a conquis en 2007 avec le Stade français le bouclier de Brennus qui récompense le champion de France, et est finaliste en 2011 avec Montpellier. Comme joueur (demi de mêlée, poste oh ! combien stratégique), il a été déclaré meilleur du monde par l’International Rugby Board (l’instance suprême), fait partie du club très fermé de ceux qui ont disputé quatre coupes du monde dont une finale, a à son actif trois Grands Chelems et deux championnats de France. En somme, un des palmarès parmi les plus prestigieux. Ce qui l’autorise quand on lui a confié les rênes d’une équipe de France en quenouille à mettre les pendules à l’heure et à parler cru. « On n’est plus ici pour jouer, on est pour gagner vu qu’on est des pros », aurait-il en substance dit au staff et aux joueurs. Sur un ton ne souffrant aucune réplique, il aurait ajouté que le temps des « ronds de serviettes au banquet des quinze » était désormais révolu.

À lire aussi : Le Tournoi des 6 Nations, du rugby et des hymnes nationaux

En 2022, douze après leur dernier titre en Six nations, le XV tricolore réalise le Grand Chelem. En 2020, puis en 2023 et 24, il termine second derrière l’Angleterre puis deux fois derrière l’Irlande, classée deuxième équipe mondiale. À l’édition 2021, les Français terminent 5ème. C’est une année charnière, où les anciens cèdent leur place aux jeunes-pousses qui constituent l’ossature de l’équipe actuelle, les Dupont, Ramos, Gros, et consorts. En gros, en cinq ans, trois places de second et un Grand Chelem, ce n’est pas à dédaigner.

Certes, à la coupe du Monde de 2023 où elle était donnée grande favorite, l’équipe de France s’est fait sortir en quart. Mais par qui ? Par l’Afrique du Sud qui a gagné le titre. Et sur quel score ? 29 pour les Springboks contre 28 pour les Bleus. Encore un petit point en leur défaveur, comme lors de ce Six nations contre les Anglais (26-25) qui les prive du Grand Chelem, leur objectif affiché.

Pourtant, en match d’ouverture de cette même édition de la coupe du Monde, les Français avaient réalisé l’exploit face à la Nouvelle-Zélande en l’emportant par un 27 à 13 ce qui laissait présager un avenir radieux si elle n’avait pas rencontré prématurément les Sud-Africains qui vaincront ces mêmes Néo-Zélandais en finale. Un an plus tard, au Stade de France, à l’issue d’une rencontre haletante, lors de la tournée dite d’automne face aux All Blacks, les Bleus rééditeront leur exploit mais cette fois juste, à leur tour, avec un petit point d’avance (30-29). Dès lors, le XV français, sous la férule de Galthié, pouvait être considéré comme un des meilleurs du monde, ce que cette victoire, certes sans Grand Chelem, induit.

Un tournoi de records

En effet, en plus d’avoir gagné les Six nations, la France a fait une razzia de records. Avec ses huit essais en une seule édition, Louis Bielle-Biarrey, l’ailier « supersonique », comme il est déjà surnommé, coiffé de son immuable casque rouge, âgé seulement de 21 ans, a égalé le plus anciens de tous qui était détenu depuis 1914 par l’Anglais Cyril Lowe, rejoint en 1925 par l’Ecossais Ian Smith.

Les Français qui ont marqué en tout 30 essais ont dépossédé les Anglais du record qu’ils détenaient depuis 2001, avec 29 à leur actif, du nombre de réalisations en une seule édition. En inscrivant son 450ème points, Thomas Ramos est devenu le meilleur marqueur français de tous les temps, ce qui lui ouvre la perspective de pouvoir, avant la fin de sa carrière, envisager le record mondial de 566 points détenu par l’Irlandais Johnny Sexton. Enfin, Damian Penaud avec ses 39 essais en 55 sélections a supplanté le charismatique Serge Blanco, « le Pelé du Rugby », qui lui en avait réalisé 38 mais en 93 sélections.

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La France est aussi devenue une machine à marquer. À la différence entre points marqués et encaissés, elle a battu son propre record qui datait de 1998, à savoir qu’elle a porté son solde positif à 125 points contre 95. Avec 71 points passés contre l’Italie, elle a aussi établi le record, qui a peu de probabilité d’être battu dans un avenir proche, du score le plus élevé depuis la création des Six nations en 2000. Lors de cette 25ème édition, hormis lors de sa très courte défaite face à l’Angleterre (25-26), elle a remporté toutes ses rencontres en franchissant systématiquement la barre des 30 points : 35 contre l’Écosse, 42 contre l’Irlande, 43 contre le Pays de Galles et 71 époustouflants contre les trans-alpins.

S’ajoute qu’avec près de 10 millions de téléspectateurs devant leur écran samedi, France 2 a battu tous les records d’audience faisant que le XV de France supplante auprès du public hexagonal le Onze tricolore. Si sa pratique reste majoritairement circonscrite à un grand Sud-ouest, le rugby, un sport « de voyous joué par des gentlemen », aux règles certes absconses, est en passe de gagner le match de la popularité par réaction, sûrement, aux dérives à la fois des supporteurs et des pratiquants du foot.

Il ne pouvait que diriger une équipe

Ce bilan « globalement positif » est sans conteste imputable à Fabien Galthié, « un stratège hors pair à la personnalité complexe », ainsi qu’un chroniqueur de l’ovalie l’a qualifié. On lui reproche de manquer d’humanité envers les joueurs, d’être rugueux dans ses propos à l’endroit du joueur qui a failli. Ce qu’a démenti indirectement, dans une longue interview accordée au « journal officiel » du Rugby, Midi Olympique, Maxime Lucu, le Basque à qui a incombé la lourde mission de remplacer Antoine Dupont après sa grave blessure qui risque de compromettre, du moins psychologiquement, sa carrière.

À lire aussi : Antoine Dupont s’ennuie

En 2024, Lucu a connu un gros passage à vide qui menaçait la poursuite de sa carrière internationale. Avec Galthié, « nous avons beaucoup discuté, dit-il. Des échanges sincères où il m’a dit être désolé pour moi et déçu (…). Ça m’a fait du bien… » Galthié l’a fait revenir en équipe de France alors que d’autres sélectionneurs l’auraient rayé de leur liste. Et, comme l’a reconnu Galthié, il a été décisif dans la victoire cruciale contre l’Irlande.

Un de ses anciens équipiers au Stade français à dit de Galthié : « Il vit, mange, dort rugby. Il est d’une exigence peu commune envers lui-même et envers les autres. Il ne pouvait que diriger une équipe. » Une équipe à gagner.

Christophe Kerrero, l’ex-Recteur qui dit « Non » à la Caste

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Christophe Kerrero © Astrid di Crollalanza

Dans un monde où les hauts fonctionnaires rivalisent de servilité, Christophe Kerrero, en envoyant sa démission de Recteur de Paris au visage d’Amélie Oudéa-Castéra, ministre par le fait du Prince, a montré que dans les plus hautes sphères subsistaient des hommes ­intègres et capables, affirme notre chroniqueur, d’une pensée cohérente sur l’Ecole.


Début février 2024, j’avais expliqué pourquoi Christophe Kerrero avait choisi d’abandonner son beau logement de fonction de la Sorbonne, où le portrait en pied de Richelieu par Philippe de Champaigne le contemplait. Et comment, dans le même temps, Amélie Oudéa-Castéra, l’une des ministres les plus incompétentes jamais entrées rue de Grenelle (et la concurrence est rude) était, elle, restée en place : c’est tout simple, elle est sortie en 2004 de l’ENA, promotion Senghor, la même qu’Emmanuel Macron. Tout comme Hollande a favorisé la Promotion Voltaire — celle de Ségolène Royal et de sa « bravitude », celle aussi de Dominique de Villepin, l’homme qui aime Gaza, déjà dans les starters-blocks pour 2027.

Ainsi se forme et se recrute la Caste, en France : copinage sans souci de compétence. Dis-moi de quelle école tu sors, et je te nomme à l’Educ-Nat’ — ou aux Sports, eu égard à ta connaissance de la raquette de Gustavo Kuerten.

C’est pour avoir voulu mettre un peu d’air dans le vivier resserré des élites auto-proclamées que Kerrero s’est fait taper sur les doigts. Et lui qui avait imposé dans les écoles parisiennes une méthode alpha-syllabique, qui avait le projet de monter des prépas pour former les futurs professeurs des écoles — afin de leur épargner des formations annexées par les pédagos —, et qui avec la réforme Affelnet avait infiltré les grands lycées parisiens, cénacles de l’entre-soi, avec des élèves méritants issus des classes les moins favorisées, s’est senti désavoué par cette grande bourgeoise qui, comme ses semblables, pense que l’excellence académique est réservée aux enfants de ses amis (elle appartient à la tribu des Duhamel), aussi nuls soient-ils.

(Parenthèse : c’est avec le même raisonnement que les Anglais ont laissé Kim Philby, espion soviétique, monter pendant 25 ans dans la hiérarchie du MI6 — juste parce qu’il était le fils d’un ex-espion passé lui aussi par le Trinity College de Cambridge. Nous, nous avons l’ENA, nid de grandes incompétences qui n’ont pas pour l’état de la France le respect que l’on pourrait attendre).

Kerrero est né loin de la Caste. Il s’est même payé le luxe, raconte-t-il avec humour, d’être un cancre indécrottable — jusqu’à ce qu’il passe l’agrégation de Lettres. Il s’est dès lors mis au service de cette République à qui il devait tout, sans vouloir se mettre aux ordres des intérêts politiques et financiers auxquels nos Excellences sont dévouées.

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Son livre, L’École n’a pas dit son dernier mot, est le récit de ce combat. Ex-directeur de Cabinet de Blanquer, il connaît de l’intérieur les adversaires de l’École — et de la République. Il est significatif que le pouvoir laisse sur la touche les vraies compétences, en se repliant, comme disait jadis Michel Poniatowski, sur les copains et les coquins. On ne devient pas ministre avec l’intention de pantoufler rue de Grenelle. On ne reste pas recteur quand la Caste vous a repéré comme un trublion capable d’égratigner Stanislas ou Henri-IV, ces pépinières de l’excellence morne.

Ce livre est un hymne à la méritocratie républicaine, au besoin d’amener chacun au plus haut de ses capacités (et non à son point d’incompétence) et à la sélection des meilleurs. Que de résistances, à droite et à gauche ! Interviewé il y a quelques jours par Christine Kelly, Kerrero, tout en mesure, a dû expliquer à des journalistes de droite anxieux de l’apprendre, qu’il y a des gosses intelligents qui ne sont pas nés avec une cuiller en argent dans la bouche (c’est là, à la 39ème minute) : avec des débatteurs pareils, nous ne sommes pas sortis de gouffre où leurs pareils, de droite et de gauche, nous ont entraînés, à force de préserver les droits des plus nuls de leurs rejetons. Nous ne pouvons pas nous passer des talents réels, méprisés aujourd’hui par la Caste qui méprise 70 millions de Français.

Christophe Kerrero, L’Ecole n’a pas dit son dernier mot, Robert Laffont, mars 2025, 358 p.

Dominique Besnehard dépose les armes aux pieds de la juge Rousseau

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Camille Cottin et Dominique Besnehard, Cannes, octobre 2020 © Laurent VU/SIPA

Après un coup de sang devant l’effrayante et inquisitrice Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma  – « Si c’est mon procès, je me taille » – , le célèbre agent de stars du cinéma français a été contraint de gentiment rentrer dans le rang. Récit.


Dans les mois qui suivirent l’affaire Weinstein et l’apparition des hashtags #MeeToo et #Balancetonporc, la philosophe féministe Geneviève Fraisse décréta sur la radio publique : « En France, il faut que des têtes tombent »[1]. Message reçu 5 sur 5 par les néo-féministes ayant des prédispositions pour la justice médiatico-révolutionnaire. Confites de religiosité malsaine, caressant des rêves de pureté absolue, ces néo-féministes ont décidé de nettoyer l’humanité au gant de crin et à la toile émeri. Elles entendent débarrasser le monde des quelques scories historiques qui entravent encore sa marche vers la transparence absolue et la codification politique et totalitaire des relations humaines. Le producteur, ancien agent artistique et directeur de casting Dominique Besnehard travaille depuis cinquante ans dans le milieu cinématographique. L’heure du grand nettoyage ayant sonné, il a dernièrement été mis sur la sellette,  obligé de rendre des comptes sur les turpitudes et les vices de ce milieu. Face à lui, un tribunal révolutionnaire appelé “Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma” et présidé par Sandrine Rousseau, s’est évertué à lui extorquer aveux, dénonciations et repentances. Le prévenu a montré quelques signes de nervosité. Mais, à la fin, tout est rentré dans l’ordre.

https://twitter.com/BFMTV/status/1900217154923852077

Déroulé de l’interrogatoire

« Quel est votre regard sur le mouvement MeeToo ? », interroge d’emblée le député Erwan Balanant, rapporteur dudit tribunal. La question n’est pas anodine : il s’agit de savoir si l’inculpé est dans les meilleurs dispositions, s’il adhère au principe même du nettoyage en cours, s’il n’est pas un de ces récalcitrants qui, sous couvert de nuancer les débats, cherchent à justifier les débordements libidineux des hommes en général, des réalisateurs et producteurs de cinéma en particulier. Dominique Besnehard montre pattes blanches : il affirme qu’il est féministe et qu’il a été parmi les premiers à mettre en garde de jeunes actrices contre le comportement de certains réalisateurs. Il s’est éloigné, dit-il, des éléments les plus sulfureux du milieu. Mais Sarah Legrain (LFI), membre inflexible de la commission, ne s’en laisse pas conter. Elle exhume d’anciens messages dans lesquels Dominique Besnehard prenait la défense de Gérard Depardieu lorsqu’il était accusé de s’être mal conduit avec une actrice en herbe désirant absolument prendre des cours à son domicile. L’agent artistique rappelle que, à l’époque, il s’étonnait déjà de l’attitude de certaines jeunes femmes visiblement soucieuses de réussir par tous les moyens possibles dans le monde du cinéma : « Généralement, les cours de théâtre, on les fait dans un cours de théâtre, on ne va pas à domicile, chez un acteur. » Et d’enfoncer le clou : « Quand j’étais agent, j’ai vu des actrices dépasser les bornes. Excusez-moi, Weinstein à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine. Je l’ai vu ça ! J’ai même des actrices dont je m’occupais qui y sont allées ! » Léger malaise dans la salle – mais rien ne peut ébranler les convictions idéologiques du tribunal…

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Après que Dominique Besnehard a expliqué pour quelles raisons il avait cessé de travailler avec le réalisateur Jean-Claude Brisseau, condamné en 2005 pour harcèlement sexuel sur deux actrices, les juges reviennent à la charge : « Vous avez pris vos distances avec Brisseau mais vous avez continué à soutenir Gérard Depardieu. Pourquoi cette différence ? » Il est rappelé à l’impénitent qu’il a signé une tribune en faveur de ce dernier. Dominique Besnehard explique : il n’a signé cette tribune que parce que Depardieu était un ami qu’il a vu partir « en vrille » après la mort de son fils Guillaume, parce sa fille Julie le lui a demandé, parce que des actrices comme Nathalie Baye et Carole Bouquet, pour lesquelles il a la plus grande estime, l’avaient également paraphée, parce qu’il ne voulait pas faire partie de la horde moutonnière, etc. Ces justifications ne satisfont pas la présidente du tribunal qui, s’essayant à une technique de manipulation psychologique assez basique, brosse d’abord M. Besnehard dans le sens du poil – il est un homme important dans le milieu cinématographique, il est écouté, il est reconnu, sa voix compte, etc. – puis lui reproche tout à coup d’avoir eu « des propos dénigrants sur les personnes qui parlent ». Le producteur se rebiffe – « Si c’est mon procès, je me taille ! » – mais la juge révolutionnaire lui rappelle sèchement qu’il n’a pas le choix : il est obligé de répondre à ses questions, que cela lui plaise ou non. Dominique Besnehard a enfin compris qu’il n’aurait aucun répit. Inutile de finasser pour tenter d’obtenir un non-lieu hypothétique : « Non mais, arrêtez ! C’est quoi des propos dénigrants ? Vous racontez des histoires que vous voyez dans la presse. Vous n’êtes pas là pour faire la morale. Arrêtez de faire la morale à tout le monde. Tout ça commence à bien faire. » Après ce coup de sang, Dominique Besnehard rentrera gentiment dans le rang. Il reconnaîtra que les temps ont changé – et que c’est pour le mieux. La preuve : il y a maintenant des « coordinateurs d’intimité » sur les plateaux, quel progrès ! L’interrogatoire, qui a duré plus d’une heure et demie, tire à sa fin ; M. Balanant, le rapporteur, veut être certain qu’il a porté ses fruits : « En tant que co-producteur de la série Dix pour cent, est-ce que vous vous engagez à avoir un discours sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? » Dominique Besnehard, qui commence à montrer des signes de fatigue, rend définitivement les armes : il assure de son allégeance le tribunal et rappelle que cette série a évoqué le problème des « comportements inappropriés » avant même que MeeToo n’existe et qu’elle a été parmi les premières à mettre en avant « une héroïne lesbienne ». La présidente soupire d’aise : enfin, tout rentre dans l’ordre, le nouvel ordre moral qu’elle appelle de ses vœux.

Tout est politique

Retour en arrière. Le 19 septembre 2022, sur France 5, Sandrine Rousseau affirmait avoir vu une ex-compagne de Julien Bayou – alors secrétaire national d’EELV – dans un état « très déprimé ». Elle accusait ce dernier de « comportements de nature à briser la santé morale des femmes ». Allégations floues mais suffisantes pour que Julien Bayou soit contraint de démissionner de ses fonctions de chef de parti et de quitter son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Bien qu’il ait été blanchi à la fois par une enquête interne diligentée par EELV et par le parquet de Paris qui a classé cette affaire sans suite pour « absence d’infraction », la commissaire politique Rousseau traduirait volontiers le citoyen Bayou à la barre d’un tribunal politique qu’elle présiderait : « Ce qui a manqué dans l’affaire Bayou, depuis le début, c’est une analyse politique de la situation », déplore-t-elle sur France Inter (26 février), avant d’ajouter : « La justice a ses critères. Maintenant, il reste la question politique. » Car pour Mme Rousseau, tout est politique, tout doit être politique, aucun espace ne doit échapper à l’emprise politique, aucune relation humaine ne doit pouvoir se soustraire au regard politique. Pour ce qui concerne les relations entre les hommes et les femmes, il n’est pas seulement question de punir des comportements inappropriés, il est surtout prévu de définir très exactement ces comportements, et d’en élargir le champ jusqu’à rendre la vie invivable, et tous les hommes, suspects. Principe totalitaire que Mme Rousseau aimerait pouvoir appliquer en toutes circonstances : « le privé est politique », assène-t-elle en préconisant « l’instauration d’un délit de non-partage des tâches domestiques » et en dénonçant la « structure sociale » et le « rapport de domination » qu’elle subodore dans le fait de « se prendre en photo derrière un barbecue ». Gardons toujours à l’esprit que la politique totalitaire de Sandrine Rousseau et de ses soutiens « féministes » de type haasien repose sur un programme de surveillance permanente débouchant inévitablement sur l’abolition de tous les rapports entre les hommes et les femmes, sur l’indifférenciation sexuelle, sur l’avènement d’un monde woke débarrassé des dernières traces d’histoire et d’humanité, un monde affranchi des mystérieux tourments de l’âme humaine, elle-même délestée à tout jamais de ses pulsions de vie, de désir et de mort – un monde terrifiant dans lequel les hommes « sont dans une sereine ignorance de la passion […] ne sont encombrés de nuls pères ni mères et n’ont pas d’épouses, pas d’enfants, pas d’amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes […] n’ont pas le droit ni de raisons d’être malheureux »[2], c’est-à-dire le plus cauchemardesque et le plus inhumain des mondes.  

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[1] France Culture, émission “Tout un monde”, 22 novembre 2019.

[2] Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, 1932.

Pardon mais Emmanuel Macron n’a pas toujours tort !

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Emmanuel Macron à Bruxelles lors du sommet de la défense de l'Union européenne à Bruxelles dans le cadre d'une campagne visant à renforcer le soutien à l'Ukraine après que le président américain Donald Trump a interrompu l'aide militaire et le partage de renseignements des États-Unis, 6 mars 2025 © EPN/Newscom/SIPA

Même sur l’international, Emmanuel Macron voit sa politique étrillée par les oppositions et de nombreux médias. La vigilance dont fait preuve le président français sur le dossier ukrainien est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial, estime notre contributeur.


Certes il y a eu l’absurde dissolution mais, la France et le monde continuant à vivre, à surprendre et à inquiéter, on va bien finir par oublier ses déplorables effets. En tentant, parfois, de rendre justice au président de la République. Tout, il est vrai, n’est pas forcément de notre faute. Emmanuel Macron n’a pas une personnalité qui appelle une approbation sans réserve. Irréprochable dans son soutien à l’Ukraine et dans sa volonté de réarmer la France et de renforcer l’esprit et la résistance de l’Union européenne, il a été également convaincant dans son attitude à l’égard de l’Algérie. Son accord avec Bruno Retailleau sur la progressivité des mesures de rétorsion laisse espérer enfin une fermeté après tant d’humiliations subies par notre pays.

Le débat public monopolisé par l’Ukraine

Que le président retrouve de l’importance grâce à cette vie internationale chaotique et à son incidence sur le plan national est une évidence. On ne peut guère lui reprocher cette évolution dans la mesure où il est naturel qu’il profite d’une situation, d’une crise dont il n’a jamais été responsable sauf à continuer ce jeu malsain qui consiste à inverser les culpabilités.

Le fait qu’Emmanuel Macron ne se représentera pas en 2027 devrait, en bonne logique, nous inciter à faire preuve à son égard de plus d’indulgence que de sévérité, à supposer que Marine Le Pen ne soit pas élue en 2027 – Jordan Bardella la remplaçant n’aurait aucune chance ! -, ce qui, de l’aveu même du président, signerait son échec le plus éclatant.

Face aux accusations systématiques à l’encontre d’Emmanuel Macron même pour le meilleur de son rôle international, notamment à cause de sa prétendue obsession de faire peur à ses concitoyens avec une dramatisation jugée excessive, on peut souligner que sur l’Ukraine, « l’axe Trump-Poutine inquiète les Français et monopolise le débat public1 ».

À lire aussi : Chef de guerre, chef de la diplomatie? Calmez-vous, ça va bien se passer!

Il me semble qu’il est injuste, dans ces conditions, de déclarer, comme Philippe de Villiers, que « nous sommes devenus des va-t-en-guerre2». Comme si en réalité tout ce qu’il fallait accomplir non pas pour préparer la guerre mais pour la prévenir était une posture belliqueuse adoptée par notre nation.

On ne peut pas en même temps alléguer qu’il y aurait contradiction entre le souci de faire exister l’Europe et de la défendre – sur ce plan, le respect de la doctrine nucléaire française – et la paix qui se discuterait sans elle en Arabie saoudite. Il me semble qu’au contraire il y aurait là deux fers au feu, cumul d’autant plus souhaitable que les illusions sur Poutine, malgré les initiatives de Donald Trump, continuent à se dissiper. Le voir accepter la trêve « avec des nuances », qui ne tiennent à rien de moins qu’un abandon total aux exigences russes, démontre à quel point la vigilance du président français est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial. Dont on ne saurait laisser l’administration au seul duo Trump-Poutine, le premier erratique et fluctuant, le second d’un cynisme et d’un mépris confondants.

Péché mortel

Mon étonnement vient aussi du fait que les valeurs conservatrices souvent invoquées – honneur, dignité, courage, résistance et liberté – paraissent être oubliées quand on juge l’action du président pour porter haut une certaine idée de la morale internationale. Alors qu’elles devraient au contraire la légitimer.

Je ne peux pas m’empêcher, devant cette partialité constante à l’égard du président, de me demander qui, en France, confronté au même désordre, à la même incertitude internationale, serait capable de faire mieux, de représenter notre pays avec plus de constance et de fermeté.

À lire aussi : L’ivresse du chef de guerre

À l’exception de l’attitude responsable d’un Bruno Retailleau : « Tant que je suis utile, je reste et j’avance »3, on ne peut pas soutenir que nos débats politiques internes, avec un Laurent Wauquiez précipitant son ambition présidentielle, un parti socialiste multipliant ses rivalités et LFI se spécialisant dans l’odieux au point de troubler certains de ses députés, rassurent au regard du bruit, de la fureur et des rares embellies du monde.

Dans une démocratie apaisée, je n’aurais même pas besoin de m’excuser de concéder à Emmanuel Macron une approche partiellement positive. Mais dans la France telle qu’elle est, je n’ai pas le choix. Je ne voudrais pas que ce billet fût considéré comme un péché politique mortel.

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  1. Le Figaro, édition du 14 mars 2025 https://kiosque.lefigaro.fr/catalog/le-figaro/le-figaro/2025-03-14 ↩︎
  2. JDNews, édition du 11 mars 2025 : Philippe de Villiers : «La France est devenue le dernier va-t-en-guerre d’un monde qui veut la paix» ↩︎
  3. Le Figaro : 13 mars 2025 : «Tant que je suis utile, je reste et j’avance» : Bruno Retailleau, un ministre en campagne ↩︎

Bardella en Israël: se rendre à Jérusalem n’est pas un blanc-seing

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Jordan Bardella, Paris, 16 janvier 2025 © Tom Nicholson/Shutterstock/SIPA

Le gouvernement israélien a invité le président du Rassemblement national à une conférence donnée sur l’antisémitisme à la fin du mois en Israël. Bien qu’elle symbolise le changement du parti, cette visite ne doit pas se transformer en justificatif.


Depuis quelques années, l’image du Rassemblement national a changé en Israël. Un temps tenu en horreur par l’État hébreu lorsque dirigé par Jean-Marie Le Pen, les gouvernements israéliens successifs ont progressivement accepté d’envisager des relations avec le RN. En 2006, il était prévu que Marine Le Pen soit membre d’une délégation de députés européens en visite dans le pays. Mais à l’époque, elle avait subi le même sort que Rima Hassan il y a un mois : le gouvernement israélien avait signifié au Parlement européen qu’il refuserait à ses frontières une députée dont le parti est « raciste et négationniste », rappelant en outre les moult propos antisémites du fondateur du FN.

Stratégies politiques

Moins de vingt ans plus tard, pourtant, le ministre israélien de la Diaspora a choisi de convier non seulement la direction de l’ex-Front national, mais également la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal. Il est indéniable que cette décision témoigne de l’aggiornamento idéologique opéré par le parti depuis sa reprise par Marine Le Pen. Le discours a été vidé de sa substance antisémite et l’essentiel des figures extrémistes a été remercié. Les accusations en électoralisme, visant à faire de cette « dédiabolisation » une simple stratégie dépourvue de sincérité, sont en outre sérieusement affaiblies par le renouvellement des effectifs du RN. Les membres du bureau national du parti, par exemple, ainsi que l’essentiel de ses élus, n’appartenaient pas au FN lorsque sa ligne rappelait l’extrême droite au sens traditionnel.

A lire aussi: Ce que ne dit pas le voyage de Rima Hassan en Israël

En outre, depuis le 7-Octobre, le soutien de Marine Le Pen à Israël s’est fait plutôt vocal, quitte à nuancer la position historique du parti réclamant corps et âme une solution à deux États. Cette invitation à une conférence sur l’antisémitisme à Jérusalem représente néanmoins un problème stratégique pour le parti : peut-elle devenir en tant que telle un argument vérifiant la dédiabolisation du parti ? Israël fait preuve d’une vigilance évidente dans sa relation avec les grands partis de ses alliés diplomatiques ; y être convié à un événement politique constitue un signal qu’il serait ridicule d’ignorer.

Le parti se présente comme un rempart

Pour autant, cette décision ne saurait représenter notre seul phare moral. Surtout, le RN ne doit pas la déployer à ce titre d’un point de vue rhétorique. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche mi-mars, le président du parti estimait que l’envoi de l’invitation au RN signait la place qu’il avait prise à l’échelle internationale. Un élément de langage allant en ce sens a d’ailleurs été déployé par le mouvement, nombre de ses élus ayant publié sur X un message évoquant une « reconnaissance diplomatique ». Mais certains sont allés plus loin, à l’image du député du Pas-de-Calais, Bruno Bilde, qui a vu en cette visite la confirmation que le Rassemblement national constituait « le seul rempart contre l’antisémitisme ».

A relire : Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

On ne peut que comprendre la tentation d’y repérer un adoubement. Or cette position est insatisfaisante. Si le RN souhaite éradiquer tout soupçon d’antisémitisme, il lui faut continuer à suivre une ligne claire sur le sujet et à se distancer des formations politiques sur lesquelles planent toujours un légitime doute dans le monde. Se servir d’une visite éclair dans un État juif pour témoigner de sa bonne entente avec les Juifs, en revanche, ne saurait composer une réponse convenable. Le contraste avec les relations entretenues entre LFI et les Français de confession juive vient intuitivement, mais arguer de ses interactions avec Israël ou de ses désaccords avec des élus antisémites ne constitue pas en soi un programme.

Un certain regard

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Les réalisateurs Luc et Jean-Pierre Dardenne et leur actrice Emilie Dequenne, Palme d'Or à Cannes 1999 © MARY EVANS/SIPA

Émilie Dequenne, l’actrice belge découverte dans Rosetta, le film des frères Dardenne en 1999, est décédée à l’âge de 43 ans. On la savait malade et en rechute de son cancer. Elle était et restera un visage puissamment émouvant du cinéma de ces 25 dernières années


Je regrette. J’ai été bête. Je n’ai pas osé. Nous étions en vacances, elle aussi. Elle promenait son chien en famille à l’Île-Rousse, à la pointe de la Pietra, entre l’embarcadère des ferrys et les tours génoises à l’horizon. Devant nous, la Méditerranée béate, dangereusement inerte et le vent qui se lève, loin du rideau de pluie, de son Hainaut natal. Un soleil sec et un parfum d’été envahissaient les cœurs. Mais, en Corse, tout peut tourner, basculer d’une minute à l’autre, l’île est aussi belle que tempétueuse. Instable. Changeante. Naturellement indomptable. Le répit n’est que provisoire. Il aurait été inconvenant de la déranger, de l’importuner, pour lui dire quoi au juste ? Un bégaiement de fan. Une banalité de journaliste.

A lire aussi, Jean Chauvet: Action !

La timidité est parfois bonne conseillère. Publiquement, elle avait annoncé sa maladie, on souffrait pour elle. Dans ces moments-là, on espère naïvement qu’un geste, une parole, un encouragement, un simple merci lui donneront un peu de force. Puis, on a peur du ridicule, de l’indécence, du timing imparfait, de l’intrusion du spectateur dans le cercle de l’acteur. Nous ne nous connaissions pas. Alors, je me suis tu. Á l’instant précis où nos regards se sont croisés, par reflexe, j’ai légèrement incliné la tête pour la saluer, elle m’a rendu un sourire doux et franc. Nous en sommes restés là. Rien de plus, rien de moins. Chacun a repris sa route. Et c’est tant mieux, finalement. J’aurais voulu mettre des mots sur son talent d’actrice, je n’y serais pas parvenu. J’aurais voulu lui dire qu’elle faisait partie des rares élues, celles capables de donner une vérité instantanée et non bricolée à un personnage ; sans filtre, sans ficelle du métier trop apparente, directement, charnellement, émotionnellement, elle incarnait une vérité quand d’autres jouent seulement. Dans les arts, cette sincérité extra-lucide ne ment pas. Bien sûr qu’il existe d’excellents faiseurs, d’habiles manipulateurs qui masquent les raccommodages grossiers ; avec elle, tout se matérialisait, sans fard, sans effort, comme si la vie courante, le côté ménager au sens noble de ses rôles se superposait parfaitement à l’imaginaire cinématographique. Aucune coulure, un duplicata exact des émotions et des élans, de la tristesse à la sauvagerie, du désir à la colère. Le spectateur est saisi, troublé, envoûté par cette connexion-là. Elle ne lui échappe pas. Il la reçoit comme une offrande sacrée.

A lire aussi, du même auteur: La Bretagne au soleil-levant

Émilie Dequenne, sans tricher, sans se victimiser, sans se consumer à la lumière des médias, donnait de la grâce et de l’éclat à des personnages populaires. Je crois bien qu’elle révélait la dignité, la haute dignité, des femmes ordinaires ou accidentées. Elle ne trahissait, ni ne salissait ses héroïnes de larmes superfétatoires. Cette captation du réel est un don du ciel. J’aurais voulu lui dire que l’on se souviendrait longtemps d’elle, par sa filmographie qui a oscillé entre cinéma d’auteurs et quelques films plus commerciaux, et surtout par son empreinte. Émilie Dequenne marquait de son empreinte indélébile un long-métrage, qu’elle en soit la vedette, et je dirais même encore plus, dans un second rôle. Récemment, en 2020, elle avait obtenu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour « Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait » d’Emmanuel Mouret. A vrai dire, cette romance entrecroisée ne m’a laissé que quelques vagues souvenirs et pourtant je n’ai pas oublié l’interprétation d’Émilie. Je ne pourrais vous dire précisément la teneur de son rôle, par contre, j’en ressens encore son onde, son écho m’assaille à cinq ans d’intervalle. C’est ça que j’aurais voulu lui dire dans cette station balnéaire de Haute-Corse, la différence fondamentale entre une grande actrice et une professionnelle qui fait consciencieusement son travail ; au fond de ma mémoire, ces quelques minutes à l’écran reviennent me bercer. Je sais intimement, sans avoir besoin de revoir ce film, qu’elle était au diapason de ses sentiments, dans une justesse et une forme de beauté ébréchée, dans une incandescence qui était lumineuse.

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Donald Trump ou la « destinée manifeste » américaine

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Le Premier ministre canadien Mark Carney rencontre le président français Emmanuel Macron. Mark Carney entame une tournée européenne afin de renforcer les liens avec l'Europe pour faire face aux relations tendues avec Donald Trump. Paris, 17 mars 2025 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Le feuilleton entre Trump et le Canada ne fait que commencer… La menace étasunienne pousse donc son voisin à demander de l’aide auprès des Européens…


Alors, Josué ordonna aux scribes du peuple : « Parcourez le camp, donnez cet ordre au peuple : “Préparez des provisions, car dans trois jours vous passerez le Jourdain que voici, pour aller prendre possession de la terre que le Seigneur votre Dieu vous donne en héritage.” 
Josué : 10-11.

Sa Majesté orange propose d’intégrer aux États-Unis le canal de Panama, le Groenland et, pièce de résistance, le Canada. Rien de moins (1).

Esprit fripon

Ces idées furent d’abord accueillies par l’opinion internationale comme de simples boutades émanant d’une personnalité bien connue pour son esprit fripon, mais force est de constater qu’elles ne doivent pas être prises à la légère. En fait, l’offensive a déjà commencé contre l’éventuel futur 51e État par l’arme économique. Une façon d’« attendrir la viande », qui rappelle, mutatis mutandis, l’agression économique diligentée par le président Nixon en 1970 contre le Chili de Salvador Allende et les récentes offres faites à l’Ukraine, qu’elle ne peut pas refuser.

Cette agressivité étonne de prime abord car il semblait, surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, que le monde était entré dans une ère post-coloniale, où la notion de conquête de territoires était devenue obsolète. Mais puisque l’aspirant Imperator Caligula Trumpus a pour ambition de ressusciter un passé glorieux, ce n’aura peut-être été qu’un hiatus. Ce retour aux sources est-il étonnant si l’on se met dans une perspective historique ?

À lire aussi : Le Canado-Irlando-Royaumunien Mark Carney consacré messie du Canada

Le Canada est, en effet, le fruit congelé d’un hasard de l’histoire. Cette colonie fut cédée par la France en 1763 à l’Angleterre et les États-Unis ne purent s’en emparer ni en 1775, ni lors de la guerre anglo-américaine de 1812.

L’expression Manifest destiny (en v.o.) née en 1845, puisée dans la doctrine Monroe de 1823, fut le slogan justifiant la conquête de l’Amérique du Nord par les États-Unis, arguments bibliques à l’appui. S’ils finirent par se résigner à mettre de côté les colonies anglaises septentrionales, ils se rabattirent sur l’ouest du continent, mais… pour lequel ils durent faire concurrence avec l’Angleterre, surtout à partir de 1867, lorsque naquit le dominion du Canada. Si les quatre provinces d’origine (Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse) formaient un ensemble géographique pas trop incohérent, il en résulta une frontière rectiligne suivant le 49e parallèle nord, que Trump qualifie, à juste titre, de purement « artificielle », d’autant plus que de nombreux Canadiens des quatre provinces de l’ouest concernées sont les descendants d’agriculteurs américains à qui le gouvernement offrait des terres (s’ils étaient blancs, bien entendu); un partage de territoire on ne peut plus colonial, digne de ce qui fut effectué sur une carte de l’Afrique lors de la conférence de Berlin de 1885, même si, au nord, le décalage culturel actuel se traduit de nos jours par de moins nombreuses églises pentecôtistes et armureries; pour Justin « Blackface » Trudeau, c’est ça ne pas être américain. Et ce n’est pas faux.

Le réel dépassera-t-il la fiction ?

À noter que le chemin de fer Canadien Pacifique, mièvre élément du roman national du Canada anglais (on a les mythes fondateurs qu’on peut), gouffre financier perpétuel, créant une unité économique non américaine est-ouest factice, fut entaché dès sa conception, donc bien avant le premier coup de sifflet, de scandales financiers impliquant le premier Premier ministre fédéral, le poivrot Sir John A. Macdonald, préfigurant le scandale de Panama.

Les Américains, pratiquant leur nouveau sport national, la chasse à l’Autochtone et au bison, mirent le grappin sur le Texas, l’Oregon, même Hawaii … ; l’Amérique latine leur fournit aussi un butin : Porto-Rico, le canal de Panama (État fantoche arraché à la Colombie par la force des armes américaines), et des zones d’influence sans annexion formelle : Cuba, Haïti, Nicaragua…

Même sans le Canada, il y avait de quoi faire.

Mais aujourd’hui, le Caudillo Trump conteste les frontières canado-américaines consacrées notamment par le traité de 1908, comme il conteste le droit du sol constitutionnel, manifestant de manière générale une grande liberté d’esprit en ce qui concerne les textes juridiques.

À lire aussi : Canada: (re)naissance du patriotisme?

Le Canada est une terre promise vu sa richesse en minéraux, mais surtout en eau, plus précieuse encore que le lait et le miel, qui suscite la convoitise des États du sud-ouest des États-Unis, cruellement assoiffés par l’enfer climatique; cependant, le Canada rejette l’idée que l’eau est une simple « marchandise » au sens de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). L’annexion rendrait la question caduque.

Mais il serait injuste de ne pas tenir compte de l’attachement sentimental de Donald Trump pour la contrée où bon-papa fit ses débuts dans le monde des affaires. La gestion des maisons closes est très formatrice et ouvre beaucoup de portes, surtout dans l’immobilier.

Il est encore trop tôt pour dire si le Canada fera l’objet d’une invasion militaire en bonne (si l’on ose dire…) et due (si l’on ose dire) forme. Une telle promenade prendrait une journée : on n’est plus en 1812. Rectification : elle prendrait une matinée et, pour faire bonne mesure, sur cette lancée, un largage de quelques paras assurerait la maîtrise du Groenland voisin en une ou deux heures supplémentaires.

Alors, comment l’Ontario (qui est, en pratique, le Canada) peut-il éviter de devenir le 51e État, d’une manière ou d’une autre?

Le magazine The Economist avance la solution de l’adhésion du Canada à l’Union européenne. Le Québec lui, pourrait songer à opter pour l’annexion par la France (2).


1 Relire l’analyse de Gerald Olivier NDLR : Panama, Groenland, Canada: quand Donald Trump ravive la Doctrine Monroe

2 Lire Gaetan Langlois, Journal de Montréal, L’annexion du Québec à la France

Universités américaines: Trump siffle la fin de la récréation

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Des étudiants et des partisans pro-palestiniens se sont rassemblés et ont prié devant l’université de Columbia pour protester contre l’arrestation et la détention, par les services de l’immigration, de Mahmoud Khalil, étudiant et organisateur pro-palestinien à Columbia. New York, le 14 mars 2025 © Laura Brett/Sipa USA/SIPA

Une pétition monstre réclame aux États-Unis la libération de l’étudiant étranger Mahmoud Khalil. La carte verte de ce militant pro-palestinien a été révoquée par l’administration Trump, et il devrait être expulsé. Ses soutiens invoquent sa liberté d’expression et le premier amendement de la Constitution pour le défendre.


À la suite des attaques terroristes du 7-Octobre, le chaos s’était emparé de nombreuses grandes facultés américaines, bastions de la jeunesse démocrate et largement acquises à la cause palestinienne. Manifestations de soutien aux terroristes du Hamas, violences à l’encontre d’étudiants de confession juive… Tout cela n’avait suscité ni indignation ni réaction suffisante de la part des directeurs des établissements débordés concernés. L’arrestation de l’activiste propalestinien Mahmoud Khalil, étudiant à Columbia, et son expulsion annoncée du territoire américain marquent la fin de cette impunité, comme l’avait promis Donald Trump.

La première arrestation d’une longue série

Le 9 mars, des agents de l’immigration ont effectivement arrêté l’étudiant né en Syrie, détenteur d’une carte verte et revendiquant des origines palestiniennes, pour son implication dans les manifestations propalestiniennes qui ont secoué le campus de Columbia. Selon une déclaration de Donald Trump sur son réseau Truth Social, l’arrestation de cet « étudiant pro-Hamas est la première d’une longue série à venir ».

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Columbia, Sciences-Po: les étudiants, les idiots utiles du Hamas

Durant ces manifestations, le Wall Street Journal[1] rapporte que Mahmoud Khalil occupait la fonction de négociateur en chef pour le compte de la Columbia University Apartheid Divest (CUAD), une coalition anti-israélienne. De son côté, le National Review[2], célèbre mensuel conservateur, révèle que M. Khalil était également correspondant aux affaires politiques auprès de l’UNRWA, une organisation dont les liens avec le Hamas ont été fréquemment dénoncés ces derniers mois. Certains de ses défenseurs mettent en avant son rôle de « négociateur » comme preuve de son pacifisme. Pourtant, des éléments récents viennent contredire cet argument déjà fragile. Le National Review souligne que Khalil était notoirement connu comme l’un des leaders des nombreuses manifestations pro-Hamas. La secrétaire de presse de la Maison Blanche affirme qu’il ne se contentait pas d’organiser des rassemblements visant à « harceler les étudiants juifs américains », mais qu’il diffusait également de la propagande pro-Hamas. Le magazine Newsweek[3] révèle de son côté que Khalil a été accusé d’avoir carrément organisé un événement glorifiant les attaques du 7-Octobre. Difficile, dans ces conditions, de dresser le portrait d’un étudiant pacifiste aux airs de gentil hippie inoffensif. Mais les soutiens de l’étudiant étranger arrêté crient à l’injustice et demandent au gouvernement américain de fournir des preuves de ces accusations. Les Démocrates, soucieux de rester dans la course politique et prêts à tout pour ne pas tomber dans un oubli qui leur tend les bras, n’ont pas hésité à prendre la défense de cet étudiant qu’ils présentent comme une victime de l’administration Trump.

Il fallait s’y attendre, selon certaines représentants démocrates, Trump embastillerait un gentil étudiant en bafouant son droit à la liberté d’expression (« free speech »). Mais, cette liberté connaît des limites : soutenir un groupe terroriste et stigmatiser une population en raison de sa confession ne devraient pas en faire partie. Or, c’est précisément ce que faisait le CUAD, selon le Wall Street Journal, qui rappelle que cette organisation a déclaré en octobre 2024 son soutien à « la libération, par tous moyens nécessaires, y compris la résistance armée ».

Aveuglement idéologique

Est-ce ainsi que la gauche conçoit la liberté d’expression ? 14 élus démocrates ont adressé une lettre ouverte à la secrétaire d’Etat pour la sécurité intérieure, Kristi Noem, demandant la libération immédiate de Khalil, qu’ils considèrent comme un prisonnier politique. Parmi les signataires figure la représentante démocrate du Michigan, Rashida Tlaib, connue pour avoir accusé Joe Biden de « soutenir le génocide du peuple palestinien » dans un tweet publié en juillet 2023 et supprimé depuis.

A lire aussi, Jean-Michel Blanquer: Penser le 7-Octobre en exorciste

Si Mahmoud Khalil s’était contenté d’agiter pacifiquement un drapeau palestinien, il ne se serait évidemment pas retrouvé dans cette situation. Donald Trump, qui a promis d’être le président de tous les Américains, entend protéger également les étudiants juifs, leur garantissant un environnement universitaire sûr. Les Démocrates sont-ils à ce point aveuglés qu’ils ne voient pas que, dans cette affaire, c’est bien Trump qui défend la véritable liberté d’expression ? Les étudiants juifs ne devraient-ils pas, eux aussi, pouvoir jouir de cette liberté sur les campus, sans craindre pour leur intégrité physique ? On frissonnerait presque en imaginant ce qu’il serait advenu si la « camarade Kamala », comme l’appellent ironiquement les trumpistes, avait accédé au Bureau Ovale…

Une mobilisation opportuniste

Par aveuglement idéologique ou par pur calcul électoral, les Démocrates ont appelé à manifester pour la libération de Mahmoud Khalil. L’impayable Alexandria Ocasio-Cortez a dénoncé le « traitement inhumain »[4] infligé à Khalil, en faisant une nouvelle cause politique pour un parti en pleine crise. Ainsi, selon les estimations du Wall Street Journal, plus de 300 manifestants se sont rassemblés jeudi 13 mars devant… la Trump Tower, pour exprimer leur indignation. Outre l’absurdité du choix du lieu – Trump résidant évidemment à la Maison Blanche et non à New York – cette manifestation illustre une fois de plus que les Démocrates ne reculeront devant rien pour cimenter leur électorat sur des bases intersectionnelles. Quitte à fracturer encore davantage la société américaine.

https://twitter.com/SecRubio/status/1899892869332173133

[1] https://www.wsj.com/opinion/mahmoud-khalil-green-card-trump-administration-cuad-columbia-israel-hamas-ecdc4424?mod=Searchresults_pos2&page=1

[2] https://www.nationalreview.com/news/ice-detains-palestinian-activist-who-led-anti-israel-encampments-at-columba-university/

[3] https://www.newsweek.com/who-mahmoud-khalil-columbia-university-grad-detained-ice-2041925

[4] https://www.washingtontimes.com/news/2025/mar/12/free-mahmoud-khalil-democrats-rally-stop-deportation-anti-israel/

Dans le mur de l’État de droit

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Síofra O'Leary, alors présidente de la Cour européenne des droits de l'homme, prononce un discours à Strasbourg, le 9 avril 2024, après avoir rendu un arrêt condamnant la Suisse pour « inaction climatique ». Une décision qui marque une nouvelle extension du pouvoir de la CEDH dans les politiques nationales © AP Photo/Jean-François Badias/SIPA

Cinq hautes juridictions françaises et européennes garantissent aux sans-papiers et délinquants étrangers une batterie de droits qui insultent le bon sens. Seule la voie référendaire pourrait inverser la vapeur. Passage en revue de ces aberrations légales par l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.


« Il n’y a qu’à les enfermer le temps que leurs pays les reprennent. » Telle est la réflexion de tant de nos compatriotes, justement révoltés par la litanie de crimes perpétrés par des étrangers sous le coup d’OQTF, d’arrêtés d’expulsion ou d’interdictions de territoire. Telle est l’exigence de tant de nos concitoyens, légitimement exaspérés par le fait que des immigrés condamnés pour terrorisme ne puissent être reconduits vers leurs pays d’origine à la fin de leur peine.

La loi censurée

« La loi ne le permet pas », explique-t-on, ce qui est vrai. « Il faut donc la changer », répondent nos compatriotes, ce qui est logique. Mais ici l’ignorance – ou la mauvaise foi – s’infiltre dans le débat. « Que fait le ministre de l’Intérieur pour la modifier ? » s’interroge-t-on. « Que n’agit-il pas au lieu de déplorer ! », ajoutent les dirigeants du RN.

Gare toutefois à ce que l’impatience, si naturelle soit-elle, ne conduise à une impasse. Car, même si elle était votée, une loi permettant, sans limite de temps, la rétention administrative des étrangers n’ayant pas déféré à une OQTF, ou prévoyant l’incarcération, tant que leur éloignement n’est pas possible, des étrangers fichés comme dangereux par les services de sécurité ou considérés comme encore dangereux une fois leur peine purgée, se heurterait au mur de l’« État de droit », c’est-à-dire aux jurisprudences de nos cinq cours suprêmes : Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour de cassation, Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), interprétant de manière constructive les droits énoncés, de façon souvent imprécise, dans notre « bloc de constitutionnalité » et nos engagements européens. Il serait disproportionné, jugeraient-elles, qu’un étranger soit indéfiniment privé de sa liberté individuelle du seul fait – étranger à la volonté de l’intéressé – que son pays d’origine refuse de le recevoir. La loi serait donc censurée.

Au-delà de ces cas spécifiques (mais nombreux) d’étrangers que leur pays refuse de reprendre, les jurisprudences de nos cinq cours suprêmes configurent les politiques d’immigration sous bien d’autres aspects.

Principes suprêmes

D’abord parce qu’elles reconnaissent le regroupement familial, au nom du « droit de mener une vie familiale normale », déduit du préambule de la Constitution de 1946 (n° 93-325 DC, 13 août 1993). À elle seule, cette jurisprudence interdit d’instaurer des quotas migratoires.

De même, en matière d’accueil des demandeurs d’asile, la CEDH condamne la reconduite d’une embarcation interceptée en mer à son pays de provenance, même dans le cadre d’un accord bilatéral assurant la sécurité des intéressés.

La CJUE ajoute que le placement en rétention du demandeur doit être exceptionnel. S’il est débouté, il ne devra pas être reconduit dans son pays d’origine si son retour le met en danger, y compris sur le plan médical.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: L’État de droit, c’est plus fort que toi !

La jurisprudence de la CJUE interdit en outre le refoulement des immigrants illégaux à la « frontière intérieure » (franco-italienne par exemple), même quand celle-ci est momentanément rétablie en raison des circonstances, comme le permet le système Schengen.

La jurisprudence de la CEDH interdit de plus l’expulsion d’un étranger, si dangereux soit-il, s’il est exposé, dans son pays d’origine, à de mauvais traitements (décision Daoudi, 3 décembre 2009) ou s’il risque d’y faire l’objet de poursuites pénales non conformes aux règles du procès équitable (décision Othman Abu Qatada, 17 janvier 2012).

Les jurisprudences des cours suprêmes tendent à aligner sur les droits des nationaux les droits des étrangers, non seulement lorsque ceux-ci justifient dans le pays d’accueil d’un séjour régulier d’une durée suffisante, ce qui est légitime, mais aussi lorsqu’ils n’y résident pas régulièrement, voire lorsqu’ils n’y résident pas du tout (c’est alors à l’habitant de la planète que nos droits sont ouverts).

La jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit par exemple depuis 1993 qu’un maire refuse de marier un étranger au motif que celui-ci est en situation irrégulière. La liberté du mariage, juge-t-il en effet, « est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 » et « son respect s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé » (n° 93-325 DC du 13 août 1993, n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003).

Révisons la Constitution !

Pour faire sauter les verrous énumérés ci-dessus (et d’autres), il faudrait une révision constitutionnelle. Celle-ci pourrait prendre soit la forme radicale de la réduction des modes de saisine et des bases de référence du Conseil constitutionnel, soit la forme plus détaillée d’une neutralisation, sujet par sujet, des jurisprudences incapacitantes. En tout état de cause, elle affirmerait la primauté de la loi française sur le droit international antérieur, de manière à ne plus voir nos juges nationaux écarter la loi au profit d’une directive européenne ou d’une jurisprudence de la CEDH. Et, pour bien marquer qu’elle exprime la volonté du peuple souverain, cette révision devrait être approuvée par voie référendaire.

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Cependant, les conditions politiques permettant une telle révision ne pourront être réunies qu’à l’issue d’élections donnant la majorité absolue aux forces désireuses de sauter le pas. Les détracteurs de Bruno Retailleau, du côté du Rassemblement national, le savent bien. Ils savent aussi que le pas à sauter est trop considérable pour ne pas commander aujourd’hui un constat d’accord, demain une coalition. Or l’un et l’autre sont compromis par le procès en hypocrisie que plusieurs responsables du RN intentent au ministre de l’Intérieur et à tous ceux qui, à droite et au centre, approuvent son action.

En réalité, ce procès trouble une grande partie de leur propre électorat, qui fait crédit à Bruno Retailleau de sa sincérité et ne comprend pas pourquoi le RN ne cherche pas à soutenir son action (quitte à souligner que cette action se heurte à des blocages structurels que seul un changement politique profond pourrait surmonter). D’où l’impression que le RN, redoutant la concurrence sur ses domaines de prédilection, cherche moins à résoudre les problèmes qu’à les exploiter électoralement de façon monopolistique. À lui de décider clairement s’il assume de refuser une alliance indispensable à terme pour mener à bien un projet régalien conforme au vœu très majoritaire des Français.

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L’infantilisation des Français s’aggrave

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Mulhouse, 25 mars 2020 © CUGNOT MATHIEU-POOL/SIPA

Cinq ans après le confinement de mars 2020, les études se multiplient qui nous confirment que cette mesure a sauvé de nombreuses vies et que les pays ayant confiné tôt ont mieux limité les conséquences économiques et sociales de la pandémie. Experts dissidents et médias populistes ont bien fait d’être mis au pas par le pouvoir, nous assure-t-on. Dans son billet, notre chroniqueur dénonce au contraire une dérive totalitaire qui s’aggrave. Le pouvoir continue de s’exercer en faisant peur aux citoyens, selon lui.


Le Covid a durablement infecté la démocratie. Il y a cinq ans, Emmanuel Macron dramatisait l’épidémie en répétant six fois : « Nous sommes en guerre ! ». 500.000 morts étaient annoncés en France. Le 17 mars 2020, à midi, il mettait fin à la liberté de circuler en imposant, « quoi qu’il en coûte », un confinement sanitaire approuvé par l’opinion tétanisée. Depuis, la dérive totalitaire du pouvoir n’a cessé de s’aggraver, dans l’hébétude du monde intellectuel et médiatique. Exploitant la crainte du virus, le chef de l’Etat allait imposer, le 12 juillet 2021, un passe sanitaire interdisant les cafés, restaurants, cinémas, etc. aux non-vaccinés. Aujourd’hui, l’inefficacité de ces mesures étatiques commence à être timidement admise. Leurs effets sur la santé mentale des jeunes également. Pourtant, face à l’hystérisation hygiéniste et à ses ségrégations de sous-citoyens, rares furent ceux qui alarmèrent sur les procédés mensongers employés ; à commencer par le slogan officiel, authentique fake-news : « Tous vaccinés, tous protégés ». Ayant eu à subir les accusations en « complotisme » et « antivax » des fanatiques de l’ordre sanitaire, j’ai pu observer de près l’efficacité d’une propagande anxiogène sur les comportements. Dans leur majorité, les Français apeurés ont accepté leur servitude, jusqu’à l’absurde. Ils ont dû remplir leurs auto-attestations pour sortir. J’ai gardé de cette époque, devenue si vite irrationnelle, l’avis de contravention (135 euros, réglés) reçu par mon épouse qui, le 24 février 2021 à 18h50 avait été verbalisée par la gendarmerie pour « circulation à une heure interdite » alors qu’elle se promenait à la pointe désertique d’une île atlantique balayée par le vent. Peu auparavant, le Premier ministre Jean Castex avait également prévenu : « Papy et mamie doivent éviter d’aller chercher les enfants à l’école ».

A lire aussi, du même auteur: Macron: entre menace russe et menace terroriste, pourquoi choisir?

Cette infantilisation des citoyens, sommés d’obéir à l’Etat-mamma et à ses délires, caractérise la macronie. Comme tout pouvoir faible, celui-ci est tenté par les fausses guerres qui rassemblent autour du président. Le modèle chinois du contrôle social et de la dénonciation a été aussi l’inspirateur du gouvernement, soumis à la vision mondialiste de l’Organisation Mondiale de la Santé. Les responsables de ce fiasco, à commencer par le chef de l’Etat, n’ont jusqu’à ce jour jamais reconnu avoir surestimé l’épidémie. Aucun bilan n’a été tiré des ruineux et inutiles confinements et couvre-feux, ni des vaccins expérimentaux aux effets secondaires importants. Stalinienne a été la diabolisation, par la presse mimétique, de ceux qui réclamaient une distance face aux firmes pharmaceutiques et la vigilance dans le recours liberticide au QRCode, inventé en 1994 pour identifier les pièces détachées chez Toyota. Simon Leys, dans La forêt en feu, a décrit cette oppression : « Dans un système totalitaire, chaque fois que le bon sens entre en conflit avec le dogme, c’est toujours le bon sens qui perd ». La France reste à la merci d’une rechute de sa démocratie, si mal défendue par ses prétendus soutiens. Ceux-là n’avaient rien compris non plus de la révolte des gilets jaunes.

Après la peur du Covid, voici réactivée celle de « l’extrême droite », où sont parqués tous ceux qui osent penser par eux-mêmes. Des chaînes de télévision (C8, NRJ12) ont été chassées par le pouvoir. Des portraits d’indésirables (dont Cyril Hanouna sous les traits du Juif vu par les nazis) sont diffusés par LFI. La justice pourrait interdire à Marine Le Pen de se présenter en 2027. Tant que les Français laisseront faire, l’étau totalitaire se refermera.

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Fabien Galthié: l’homme du tournoi

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Fabien Galthié lors du match Italie - France à Rome, 23 février 2025 © Massimo Insabato/Mondadori Portfolio/Sipa USA/SIPA

Ça y est ! Le XV de France a remporté samedi le tournoi des Six nations, en s’imposant 35-16 face à l’Écosse. Encore une victoire qui témoigne de l’importance de Fabien Galthié, l’homme qui depuis son arrivée, n’a cessé de redresser cette équipe et de la hisser au sommet du rugby.


Cinq ans avant d’être nommé sélectionneur-entraîneur des Bleus, Fabien Galthié, l’homme aux étranges incongrues lunettes à grosse monture noire qui donnent l’impression qu’il est étranger à ce qui l’entoure, n’avait pas caché son ambition : si cette responsabilité lui était échue un jour, il ferait de ceux-ci la meilleure équipe du monde. On l’avait pris alors pour un arrogant hâbleur…

Fin de la malédiction

Une décennie plus tard, après les deux matches d’anthologie gagnés contre l’Irlande (42-27), la grande favorite, à Dublin où elle faisait figure d’invincible, et la vaillante Écosse (35-16) qui n’a pas tenu la distance, samedi, au Stade de France, qui lui ont valu de décrocher le trophée du Tournoi des six nations, il semble bien qu’il est en passe de réaliser cette prophétie. En tout cas, pour le quotidien L’Équipe, qui n’a jamais été très complaisant à son endroit, il serait bien parti pour. Cette victoire, écrit le quotidien sportif, « atteste d’une progression qui peut nourrir beaucoup d’espoirs à deux ans et demi de la coupe du Monde en Australie. »

https://twitter.com/francetvsport/status/1901047714248335676

Pour le moment, ce qui est sûr, c’est qu’il a été incontestablement l’homme de cette 25ème édition du Tournoi qui restera gravée dans les annales de l’Ovalie hexagonale, non seulement parce qu’il a enfin conjuré une malédiction qui le poursuivait depuis sa prise de fonction, celle de gagner de grands matches mais de ne conquérir aucun titre, mais aussi parce que les Bleus ont fait tomber quelques records et en ont établi d’autres.

En fait, la malédiction n’était pas tout à fait exacte, euphémisme pour ne pas dire fausse. En vérité, c’est plutôt, lui, Galthié, qui a mis un terme à une disette de titres. L’âge d’or du XV de France dans les Six nations a été la décennie de 2000 à 2010, où il a engrangé quatre titres (2002, 04, 06, et 2010), pratiquement un tous les deux ans. Puis, en 2011, les bleus perdent à Auckland, capitale de la Nouvelle-Zélande, la finale de la coupe du monde d’un petit point (8 à 7, un essai et une pénalité – discutable – pour les All blacks, contre un essai transformé pour les Tricolores). Sonnés par cette amère déconvenue, les Bleus ne sont plus que des figurants dans les Six nations.

Joueur émérite et entraîneur à succès

Quand Galthié prend les commandes des Tricolores, il a un passé d’entraîneur à succès en club et de joueur émérite à l’international. Comme entraîneur, il a conquis en 2007 avec le Stade français le bouclier de Brennus qui récompense le champion de France, et est finaliste en 2011 avec Montpellier. Comme joueur (demi de mêlée, poste oh ! combien stratégique), il a été déclaré meilleur du monde par l’International Rugby Board (l’instance suprême), fait partie du club très fermé de ceux qui ont disputé quatre coupes du monde dont une finale, a à son actif trois Grands Chelems et deux championnats de France. En somme, un des palmarès parmi les plus prestigieux. Ce qui l’autorise quand on lui a confié les rênes d’une équipe de France en quenouille à mettre les pendules à l’heure et à parler cru. « On n’est plus ici pour jouer, on est pour gagner vu qu’on est des pros », aurait-il en substance dit au staff et aux joueurs. Sur un ton ne souffrant aucune réplique, il aurait ajouté que le temps des « ronds de serviettes au banquet des quinze » était désormais révolu.

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En 2022, douze après leur dernier titre en Six nations, le XV tricolore réalise le Grand Chelem. En 2020, puis en 2023 et 24, il termine second derrière l’Angleterre puis deux fois derrière l’Irlande, classée deuxième équipe mondiale. À l’édition 2021, les Français terminent 5ème. C’est une année charnière, où les anciens cèdent leur place aux jeunes-pousses qui constituent l’ossature de l’équipe actuelle, les Dupont, Ramos, Gros, et consorts. En gros, en cinq ans, trois places de second et un Grand Chelem, ce n’est pas à dédaigner.

Certes, à la coupe du Monde de 2023 où elle était donnée grande favorite, l’équipe de France s’est fait sortir en quart. Mais par qui ? Par l’Afrique du Sud qui a gagné le titre. Et sur quel score ? 29 pour les Springboks contre 28 pour les Bleus. Encore un petit point en leur défaveur, comme lors de ce Six nations contre les Anglais (26-25) qui les prive du Grand Chelem, leur objectif affiché.

Pourtant, en match d’ouverture de cette même édition de la coupe du Monde, les Français avaient réalisé l’exploit face à la Nouvelle-Zélande en l’emportant par un 27 à 13 ce qui laissait présager un avenir radieux si elle n’avait pas rencontré prématurément les Sud-Africains qui vaincront ces mêmes Néo-Zélandais en finale. Un an plus tard, au Stade de France, à l’issue d’une rencontre haletante, lors de la tournée dite d’automne face aux All Blacks, les Bleus rééditeront leur exploit mais cette fois juste, à leur tour, avec un petit point d’avance (30-29). Dès lors, le XV français, sous la férule de Galthié, pouvait être considéré comme un des meilleurs du monde, ce que cette victoire, certes sans Grand Chelem, induit.

Un tournoi de records

En effet, en plus d’avoir gagné les Six nations, la France a fait une razzia de records. Avec ses huit essais en une seule édition, Louis Bielle-Biarrey, l’ailier « supersonique », comme il est déjà surnommé, coiffé de son immuable casque rouge, âgé seulement de 21 ans, a égalé le plus anciens de tous qui était détenu depuis 1914 par l’Anglais Cyril Lowe, rejoint en 1925 par l’Ecossais Ian Smith.

Les Français qui ont marqué en tout 30 essais ont dépossédé les Anglais du record qu’ils détenaient depuis 2001, avec 29 à leur actif, du nombre de réalisations en une seule édition. En inscrivant son 450ème points, Thomas Ramos est devenu le meilleur marqueur français de tous les temps, ce qui lui ouvre la perspective de pouvoir, avant la fin de sa carrière, envisager le record mondial de 566 points détenu par l’Irlandais Johnny Sexton. Enfin, Damian Penaud avec ses 39 essais en 55 sélections a supplanté le charismatique Serge Blanco, « le Pelé du Rugby », qui lui en avait réalisé 38 mais en 93 sélections.

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La France est aussi devenue une machine à marquer. À la différence entre points marqués et encaissés, elle a battu son propre record qui datait de 1998, à savoir qu’elle a porté son solde positif à 125 points contre 95. Avec 71 points passés contre l’Italie, elle a aussi établi le record, qui a peu de probabilité d’être battu dans un avenir proche, du score le plus élevé depuis la création des Six nations en 2000. Lors de cette 25ème édition, hormis lors de sa très courte défaite face à l’Angleterre (25-26), elle a remporté toutes ses rencontres en franchissant systématiquement la barre des 30 points : 35 contre l’Écosse, 42 contre l’Irlande, 43 contre le Pays de Galles et 71 époustouflants contre les trans-alpins.

S’ajoute qu’avec près de 10 millions de téléspectateurs devant leur écran samedi, France 2 a battu tous les records d’audience faisant que le XV de France supplante auprès du public hexagonal le Onze tricolore. Si sa pratique reste majoritairement circonscrite à un grand Sud-ouest, le rugby, un sport « de voyous joué par des gentlemen », aux règles certes absconses, est en passe de gagner le match de la popularité par réaction, sûrement, aux dérives à la fois des supporteurs et des pratiquants du foot.

Il ne pouvait que diriger une équipe

Ce bilan « globalement positif » est sans conteste imputable à Fabien Galthié, « un stratège hors pair à la personnalité complexe », ainsi qu’un chroniqueur de l’ovalie l’a qualifié. On lui reproche de manquer d’humanité envers les joueurs, d’être rugueux dans ses propos à l’endroit du joueur qui a failli. Ce qu’a démenti indirectement, dans une longue interview accordée au « journal officiel » du Rugby, Midi Olympique, Maxime Lucu, le Basque à qui a incombé la lourde mission de remplacer Antoine Dupont après sa grave blessure qui risque de compromettre, du moins psychologiquement, sa carrière.

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En 2024, Lucu a connu un gros passage à vide qui menaçait la poursuite de sa carrière internationale. Avec Galthié, « nous avons beaucoup discuté, dit-il. Des échanges sincères où il m’a dit être désolé pour moi et déçu (…). Ça m’a fait du bien… » Galthié l’a fait revenir en équipe de France alors que d’autres sélectionneurs l’auraient rayé de leur liste. Et, comme l’a reconnu Galthié, il a été décisif dans la victoire cruciale contre l’Irlande.

Un de ses anciens équipiers au Stade français à dit de Galthié : « Il vit, mange, dort rugby. Il est d’une exigence peu commune envers lui-même et envers les autres. Il ne pouvait que diriger une équipe. » Une équipe à gagner.