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Michel-Georges Micberth: vociférations acides made in seventies

Il a disparu il y a tout juste douze ans. En 2023, nous lui avions rendu hommage à l’occasion des dix ans de sa disparition. Cette année, la maison d’édition Lorisse publie Les Vociférations d’un ange : recueil d’articles parus dans la première moitié des années 70 dans les colonnes de Minute et d’Actual-Hebdo.


Mai 68 est déjà derrière, les années de plomb (plutôt molles en France) ont commencé, et Micberth, avec sa barbe d’ogre truculent, vitupère, depuis ses châteaux tourangeaux successifs. Contre Pompidou : « Mais oui bon sang ! Mais c’est bien sûr ! Tout s’explique maintenant. Il y a quelques mois, nous avions un président de la République dret, coquet dynamique, un chouia playboy ; et aujourd’hui il nous reste une sorte de machin ovoïde, un peu flasque, moumoute, très peu ressemblant, en fait, avec le modèle d’origine. Voilà, ça y est, j’ai compris. On nous a chauffé notre président de la République, pour le remplacer par un extra-terrestre. Changer Messmer pour Messmer, par exemple, voilà une chose des plus curieuses. C’est bien là la décision d’un extra-terrestre programmé, décision hors de notre logique humaine ». Contre Michel Debré : « Pour Debré, on savait depuis belle lurette qu’il grimpait aux arbres. Des fois même il essayait de s’envoler. Fallait l’intercepter au filet à papillon et l’incarcérer sous son entonnoir avec une grosse pierre dessus pour plus qu’il bouge ». Contre Jean Royer, ministre de Pompidou, ardent défenseur de l’ordre moral, au sujet duquel on en apprend de belles par ailleurs : « Souhaitons qu’il trébuche et que sa folie soit diagnostiquée, non plus par quelques psychiatres qui chuchotent dans l’ombre mais par une armée de Français sains et lucides ». Manque de chance, Minute fait de Royer son candidat. C’est avec des petites choses comme ça qu’on perd une chronique dans un journal.

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Maître de la vacherie

Le recueil nous plonge dans l’ambiance des fanzines, de la presse parallèle, où quelques futures plumes connues apparaissent. Une génération soixante-huitarde avec laquelle il partage une partie de l’esprit de révolte, mais en bon Chouan, il cultive aussi la révolte contre la révolte. Dans ce petit monde, MGM est content d’être le plus grand parmi les petits : « [À Actual-Hebdo], nous avions quand même 10 000 lecteurs, ce qui est beaucoup pour de l’underground, mais pas assez pour se retrouver aux limites de l’aura de la grande presse nationale. […] il vaut mieux être le plus grand des petits que le plus petit des grands. Non par orgueil, ce qui serait infiniment triste et tarte, mais pour l’audience pas dégueu qu’on en tire ». Micberth se montre maître de la vacherie cinglante. Dans quelques notes de bas de page ajoutées dans les années 90, on lit à propos de Cavanna : « Maçon ayant laborieusement tenté d’écrire. Faux bonhomme, reconverti en héraut médiatique, terne à la ville et pétillant devant les caméras, sorte de vieux nanar égocentrique, pleureuse appointée, là où le conduisent ses prestations de mirliflore ». Pascal Jardin ? « Pascal Jardin était un scénariste affublé de trois gros défauts : un père collabo, un style à chier et un fils à pendre ». La chanteuse Dani ? « Chanteuse médiocre, brave pomme entraînée dans l’univers impitoyable de la drogue et convertie tardivement en brave andouille, marchande de fleurs, son prochain échec ». Néron avait eu Tacite ; de Gaulle, Jacques Laurent ; Giscard et Mitterrand, Jean-Edern Hallier. Les années Pompidou auront eu aussi leur grand pamphlétaire un peu oublié…

310 pages.

LES VOCIFÉRATIONS D'UN ANGE BARIOLÉ

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À consulter aussi : Regards sur Micberth

Immigration : convertir l’opinion publique au lieu de l’informer

Par crainte de représailles académiques, la démographe Michèle Tribalat avait déjà été écartée du fameux ouvrage Face à l’obscurantisme woke de Pierre Vermeren. Mais, après l’attaque publique contre le livre largement commentée ces derniers jours dans la presse, l’éditeur initial a annulé toute la publication, ce qui va finalement bénéficier à une nouvelle maison d’édition. Michèle Tribalat nous propose ici de lire sa contribution au livre : elle y explique l’emprise idéologique sur les institutions académiques et politiques concernant la question migratoire, accusant une élite dominante d’imposer un discours visant à naturaliser l’immigration et à disqualifier toute critique en la présentant comme irrationnelle. La démographe pointe notamment les contradictions et manipulations statistiques de figures influentes comme François Héran.


Le texte ci-dessous est celui que m’avaient commandé Emmanuelle Hénin, Pierre Vermeren et Xavier-Laurent Salvador le 10 juillet 2023 et qui devait figurer dans le livre – Face à l’obscurantisme woke – qu’ils co-dirigeaient pour les PUF. Par courriel du 12 novembre 2024, ils m’apprirent qu’ils avaient consenti à ce que je sois évincée du livre car l’éditeur craignait les mesures de rétorsion de François Héran du Collège de France. C’était sans moi ou pas de publication.

Finalement, comme on l’a appris il y a une semaine, après la charge de Patrick Boucheron (lui aussi du Collège de France) lors d’une conférence de presse du 7 mars dernier, c’est la publication dans son entier qui se trouve annulée par les PUF.

L’ouvrage a déjà trouvé un éditeur prêt à relever le défi et les co-directeurs se réjouissent de la publicité qui leur a ainsi été faite et ne manquera pas d’assurer le succès de la publication.


« L’idéologue désire non point connaître la vérité, mais protéger son système de croyance et abolir, spirituellement faute de mieux, tous ceux qui ne croient pas comme lui. L’idéologie repose sur une communion dans le mensonge impliquant l’ostracisme automatique de quiconque refuse de la partager. »

Jean-François Revel, La connaissance inutile, Grasset, 1988, p. 217


Sur la question migratoire, l’idéologie dominante de l’élite a conquis les institutions académiques. La curiosité, moteur de la recherche, y a été supplantée par la mission visant à convertir l’opinion publique à la bonne pensée qu’elles professent. Ce ne fut pas une conquête soudaine, mais l’écho lointain du « sociocentrisme négatif » (d’après la belle expression de Paul Yonnet) des années 1980, qui allait s’en prendre à l’identité française, après avoir détruit l’idée de roman national. Une « identité-mode de vie », « dernier bastion de l’appartenance groupale ». Comme l’écrivait encore Paul Yonnet, le projet de dissolution de la France place l’antiracisme « dans l’absolue incapacité de raisonner la crainte phobique d’une colonisation de peuplement étranger » qu’on n’appelait pas encore grand remplacement lorsqu’il a écrit son livre1. Et pourtant, c’est à cette crainte que le discours académique majoritaire cherche aujourd’hui à répondre en lui déniant tout ancrage dans le réel et en mettant en défaut les perceptions communes déplaisantes. Ce discours n’a pas pour objet – légitime – d’en rectifier les erreurs par une approche du réel mettant en œuvre les outils techniques adéquats, mais de les disqualifier pour ce qu’elles disent. L’emprise idéologique opère une sélection des scientifiques non pas sur leur maîtrise technique et leur respect des règles à respecter pour éviter de s’égarer, pourtant indispensables à la mesure du phénomène migratoire, mais sur leur adhésion (réelle ou supposée) ou non au dogme dominant.

Neutralité engagée

Tous les partis de gouvernement ont contribué à cette mission idéologique. Ce fut le cas du gouvernement Chirac-Villepin et de ses ministres qui signèrent le décret 2006-13882 créant l’Établissement public du Palais de la Porte dorée (EPPPD) comprenant la Cité nationale de l’histoire de l’immigration – aujourd’hui appelée Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI) – dont une des missions était de « faire évoluer les regards et les mentalités sur l’immigration en France ». Message reçu cinq sur cinq par les dirigeants de ce musée, si l’on en croit son projet scientifique et culturel3 qui diffuse un discours paradoxal laissant penser que les tenants de l’idéologie dominante, ce qu’ils sont, peuvent se payer le luxe d’oublier le caractère idéologique de leur discours, caractère idéologique qu’ils reportent sur les adversaires qu’ils se désignent. Dans le MNHI, c’est la science qui parlerait à l’opposé des discours idéologiques de ceux qui ne pensent pas bien, car seuls ces derniers sont des idéologues. Seuls ces autres prêcheraient au lieu d’argumenter rationnellement. François Héran, professeur au Collège de France et ancien directeur de l’Ined, pour le malheur de cette vénérable institution, également président du Conseil d’orientation du musée, a fortement inspiré le projet muséal. À sa suite, ce projet revendique une « neutralité engagée ». Il soutient qu’« être pour ou contre l’immigration n’a pas plus de sens que de se prononcer pour ou contre le vieillissement de la population ». « L’immigration est un fait aussi établi que le réchauffement des températures moyennes, le développement du numérique ou le fait que la France a possédé un empire colonial »4. Le MNHI fait ainsi mine de croire que l’opposition à l’immigration reviendrait à en nier l’existence alors que c’est exactement le contraire. En fait, ce que le MNHI proclame c’est la permanence du fait migratoire et la vanité qu’il y aurait à s’y opposer. En la comparant au vieillissement de la population, il le naturalise et indique ainsi que seule l’idiotie peut conduire à se déclarer contre l’immigration.

Cette naturalisation5 du fait migratoire a fait son chemin dans la sphère politique. Ainsi a-t-elle été reprise par Gérald Darmanin. Ce dernier, alors ministre de l’Intérieur, a soutenu ce point de vue lors de sa conférence au Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI) le 19 septembre 2023 : « La question de l’immigration n’est pas une question d’opinion publique. Il n’y a pas à être pour ou contre. Être contre c’est comme être contre le soleil. » Ce faisant, le ministre nous explique que l’immigration n’est pas un objet politique et diffuse ainsi l’idée, paradoxale pour un ministre chargé de l’immigration, qu’il n’y a pas grand-chose à faire, sinon s’y adapter, alors même qu’il défend un projet de loi censé tout changer sur le sujet. Il ne peut donc qu’approuver la mission officielle du MNHI visant à changer le regard porté sur elle : en gros, puisque nous n’y pouvons rien, faisons mine de l’apprécier.

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Le rapprochement fait par le MNHI avec le changement climatique pose question. Les mêmes qui nous demandent de nous adapter à l’immigration programment des politiques très coûteuses censées peser sur l’évolution du climat. Celle-ci (à l’échelle planétaire) dépendrait donc des politiques qui seront mises en œuvre en France alors qu’il faudrait s’accommoder de l’immigration étrangère à l’échelle de ce pays ! Il est donc des décisions politiques prises en France qui pourraient freiner le réchauffement planétaire mais aucune vraiment capable de freiner l’immigration en France.

Les idéologues qui se chargent de la rééducation morale des gens ordinaires se moquent de la cohérence de leurs propos car ils savent qu’ils ne seront pas mis face à leurs contradictions. Ils sont entourés de collègues complaisants et sollicités par des médias porteurs de la même idéologie. Ils savent que les petites voix qui s’y risquent n’auront aucun écho tant que la croyance qu’ils répandent, car c’est bien de croyance qu’il s’agit, restera hégémonique dans les élites.

Cette croyance peut ainsi conjuguer le discours sur la faiblesse de l’immigration, notamment par rapport à nos voisins européens, propos favori de François Héran, et celui faisant de la France « le plus grand pays d’immigration du monde depuis au moins deux siècles »6.

François Héran est devenu un champion des déclarations contradictoires censées alimenter le même discours : on n’y peut rien mais c’est formidable !

Il plane au-dessus de la mêlée et sa parole est recueillie avec révérence. Un homme qui parle si bien ne saurait se tromper. Nous ne sommes donc pas très nombreux à nous être penchés sérieusement sur ses écrits et ses déclarations7.

Pourtant, il a apposé son sceau aux tripatouillages statistiques dont il ose se plaindre aujourd’hui. Tout récemment encore, sur RTL, au micro d’Yves Calvi, il récriminait contre ceux qui reproduisent les erreurs qu’il a lui-même commises. Citons-le : « C’est une erreur très fréquente, consistant à dire : ‘j’ai le nombre de séjours d’une année, j’ajoute l’estimation des irréguliers, j’ajoute les demandeurs d’asile et ça fait 500 000 personnes’. Eh bien ! C’est une erreur parce que ça fait des doubles et des triples comptes »8. En 2020, il s’était lui-même livré à ce type de calcul9 (sans estimation des « irréguliers ») dans Le Monde, lorsqu’il s’agissait de ridiculiser ceux qui pensaient qu’on pourrait éviter des contaminations au Covid en prolongeant l’expérience de confinement aux seuls étrangers cherchant à s’installer durablement en France : « chaque année en France, 540 000 entrées environ relèvent de la migration, ce qui est très peu sur l’ensemble des 90 millions d’entrées provisoires ou durables : 0,6 % »10 ; pourcentage calculé sur l’ensemble des entrées en France y compris touristiques ! François Héran avait réitéré ce propos lors d’un entretien avec le géographe Michel Foucher au MNHI : « de véritables migrants qui s’installent dans l’année pour au moins un an c’est peut-être [!!!], si on calcule très large, 500 000 en comptant les Européens, 550 000, peu importe [!!!], mais en gros c’est 1/150ème, 0,6 ou 0,7 % de la mobilité internationale »11. Au diable les doubles et les triples comptes quand c’est pour la bonne cause ! Pourquoi récriminer aujourd’hui contre un discours qu’il a lui-même contribué à propager ? En fait, tout dépend du point idéologique qu’il s’agit de soutenir.

Impuissance générale

En 2017, François Héran avait inventé une stabilité du flux autour de 200 000 entrées pour incriminer l’impuissance de François Fillon (qui se présentait alors à l’élection présidentielle) à le faire baisser12 pour, en 202213, …se rendre à l’évidence d’une hausse, que retrace l’évolution de la proportion d’immigrés dans la population. Cette fois, il souligne l’impuissance commune de tous les présidents de la République à agir sur cette tendance, même s’il consent à reconnaître un léger ralentissement du temps de Nicolas Sarkozy ! S’il fallait ridiculiser Nicolas Sarkozy, mais surtout François Fillon, en 2017, il faut épargner Emmanuel Macron en 2022. On ne peut pas incriminer ce président puisque la croissance de l’immigration étrangère lui échappe, comme elle échappait à ses prédécesseurs. En 2017, il invitait à « faire avec » l’immigration en la naturalisant : on ne pourrait pas plus empêcher des étrangers d’entrer que des enfants de naître. En 2022, c’est la petite France qui ne peut pas, à elle seule, se dresser contre une dynamique mondiale irréversible.

Enfin, comment ne pas évoquer la fessée que François Héran a cru mettre à Stephen Smith14, avec la complicité de Population & Sociétés15, revue de l’Ined, qui s’est ainsi joint à la campagne de dénigrement de Stephen Smith, sous les applaudissements de médias soulagés d’apprendre que ce dernier avait tout faux ? On ne peut guère en faire grief à la presse quand le comité de rédaction de la revue lui-même, grisé par la perspective de démolir le livre de Stephen Smith, n’a pas été en mesure de détecter l’erreur méthodologique flagrante de la démonstration de François Héran. Erreur, qui n’a jamais été rectifiée et dont il faut dire un mot. François Héran supposait que le rapport entre la population subsaharienne qui s’installerait en France et la population subsaharienne en Afrique resterait constant jusqu’en 2050, sans prendre la précaution de vérifier si tel avait bien été le cas jusque-là. En fait, entre 1982 et 2015, la population subsaharienne avait augmenté beaucoup plus vite en France qu’en Afrique. L’hypothèse de base était donc fausse, ce qui n’avait pas empêché les éditions Nathan de retenir l’article de Benoît Bréville, rédacteur en chef de Politis, titré « Le mythe de la ruée vers l’Europe, Immigration, un débat biaisé » s’appuyant sur la si brillante démonstration de François Héran et publié sur le site Groupe d’histoire sociale16, pour le proposer à la sagacité des lycéens comme exercice d’approfondissement.

À lire aussi : Immigration clandestine: il serait plus efficace de dissuader d’entrer que d’obliger à partir

Ce ne sont là que quelques exemples du fourvoiement d’un monde académique qui, sous des atours scientifiques, vise la transformation des perceptions communes afin de satisfaire une élite bien décidée à « changer le regard sur les populations immigrées, sur l’immigration » comme l’a si joliment formulé le MNHI17. Cet ascendant idéologique sur la recherche scientifique a des conséquences désastreuses sur le débat démocratique dans la mesure où toute malversation ayant la bonne tonalité idéologique a toutes les chances d’échapper à la vigilance médiatique.

Avec le risque de banaliser ainsi la fraude scientifique, pourvu qu’elle apporte la satisfaction idéologique attendue.

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  1. Publié en 1993 et réédité en 2022 chez L’Artilleur. Voyage au centre du malaise français.
    L’antiracisme et le roman national
    , Paul Yonnet, 349 p. ↩︎
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000272458 ↩︎
  3. https://www.palais-portedoree.fr/le-projet-scientifique-et-culturel. ↩︎
  4. Op. cit., page 9. ↩︎
  5. Lire à ce propos le chapitre 6 de mon livre (Immigration, idéologie et souci de la vérité,
    L’Artilleur, 2021), consacré à la naturalisation du phénomène migratoire. ↩︎
  6. Projet MNHI op. cit., p. 9. ↩︎
  7. On trouvera mes critiques sur mon site : https://micheletribalat.fr/ et dans mon livre op. cit. ↩︎
  8. https://www.dailymotion.com/video/x8pf0m7. ↩︎
  9. Voir à ce sujet : https://micheletribalat.fr/435108953/mieux-appr-hender-les-flux-
    migratoires-en-france
    . ↩︎
  10. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/26/francois-heran-l-ideologie-du-confinement-
    national-n-est-qu-un-ruineux-cauchemar_6037821_3232.html
    ↩︎
  11. https://www.histoire-immigration.fr/programmation/le-musee-part-en-live/migrations-et-
    covid-19-le-grand-retour-des-frontieres
    . ↩︎
  12. Avec l’immigration, Mesure, débattre, agir, La Découverte, 2017. ↩︎
  13. Immigration : le grand déni, Seuil, 2023. ↩︎
  14. Pour son livre La ruée vers l’Europe, Grasset, 2018. ↩︎
  15. Population & Sociétés n°558, 12 septembre 2018.
    https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/28441/558.population.societes.migration.subsaharienn
    e.europe.fr.pdf
    . ↩︎
  16. https://groupedhistoiresociale.com/2018/11/02/immigration-un-debat-biaise-benoit-
    breville/
    . ↩︎
  17. https://www.palais-portedoree.fr/le-projet-scientifique-et-culturel p. 71. ↩︎

Glucksmann: tremble, Amérique!

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Relations internationales. En exigeant des Américains qu’ils restituent la statue de la Liberté, le chef de la gauche molle française espérait frapper un grand coup médiatique et faire le buzz. Malheureusement, on ne s’improvise pas leader populiste du jour au lendemain, et hormis sur France Inter, son coup d’éclat est passé inaperçu. Ah, si ! Une vulgaire petite porte-parole de la Maison Blanche a fini par réagir à ses menaces hier soir…


Le charismatique Raphaël Glucksmann s’attaque aux États-Unis d’Amérique : le monde tremble. Dimanche, au discours de clôture de son grand parti (Place Publique, si vous l’ignoriez), il a crié « Rendez-nous la statue de la liberté ! » — de sa voix terrible digne de Jean Jaurès. « Vous la méprisez ! », a-t-il rugi tel un lion devant la foule énorme, gigantesque, monstrueuse de ses mille cinq cents militants ; partout dans les rangs, ça défaillait, ça perdait connaissance ; les gens s’écroulaient comme des dominos, congestionnés, ivres de l’ambiance (c’est que les partisans de Glucksmann ne sont plus tout jeunes). Trump n’a qu’à bien se tenir ; quel dommage que six mille kilomètres et vingt-cinq milliards de dollars de PIB séparent Paris de Washington ! — sinon, à coup sûr, le président américain eût entendu les jérémiades (pardon, les menaces) du leader le plus magnétique de l’Hexagone, du nouveau Napoléon français, du Don Quichotte de la bobo-écologie.

Coup d’éclat

Le chef, faisant montre d’une stratégie héritée des préceptes de Sun Tzu, aura cherché à lancer sa campagne par un grand coup d’éclat. Balzac entrait dans la société « comme un boulet de canon » ; Glucksmann entrera dans la politique (au fait, n’y est-il pas déjà entré depuis plusieurs années… ?) comme une fusée électrique — éco-responsable. Raté ! le dandy des beaux quartiers, semble-t-il, est moins versé dans l’art suprême de la provocation que ses ennemis les populistes : la fusée a piqué du nez ; elle s’est échouée lamentablement à quelques encablures de l’Espace Charenton, dans la Seine (elle n’allait quand même pas quitter Paris). Toute la journée, on a guetté anxieusement les médias, les annonces, les communiqués de la Maison Blanche ; en vain ! Donald Trump a préféré rester silencieux. Aurait-il peur ?… on est en droit de se poser la question.

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Il faut dire aussi que Raphaël Glucksmann a sorti le grand jeu. Le paon a exhibé la traîne ; le ouistiti, gonflé la poitrine ; l’éléphanteau barri puissamment. De son ton plein d’assurance, gaullien (à peu de choses près), il a d’abord fustigé ces « Américains qui ont choisi de basculer du côté des tyrans » (si, si, il l’a dit), avant de se lancer dans une diatribe pas très claire au sujet des « scientifiques ». L’émotion dans la salle était palpable ; les vieux (pardon, les militants), essoufflés, hurlaient en chœur : Liberté ! Liberté ! On se serait presque cru avec les soldats de la grande armée lorsqu’ils entonnaient Le Chant du départ, et puis s’en allaient à l’assaut du monde — bien sûr, c’était plutôt la vieille armée ; puis les bourgeois affadis, les secrétaires de mairie, les artistes au chômage ont remplacé les grognards héroïques ; mais enfin, l’esprit était là.

Ce n’était qu’un rêve

Qu’on se le dise : Raphaël Glucksmann, candidat pour l’Ukraine (pardon, pour la France) ne sera jamais à la botte des États-Unis d’Amérique. Il va… il va… au fait, quel est son programme ? — nous verrons cela plus tard. Les grands ambitieux ne s’arrêtent pas aux détails bassement matériels, surtout quand de leur appartement ils ont vue sur la tour Eiffel. La tête dans les nuages, le rassembleur des gauches nous avait déjà fait rêver lors de sa précédente campagne avec ses masses de granit, les inoubliables « ticket climat », « pacte bleu pour les océans », « Europe du train ». Personne n’a oublié le courage dont il fit preuve, l’abnégation, les sacrifices qui furent les siens au moment de la croisade courageuse qu’il mena pour cette vaste idée, non pas la République, non pas la Liberté, non pas la Grandeur de la France, mais l’écologie sociale. Votre cœur s’emballe ? — ce n’est pas normal, allez consulter. Allons ! soyons sérieux : le héraut de l’intérêt général, qui chante la bien-pensance comme Florence Foster Jenkins chantait l’opéra, propose la taxation automatique des profits, la fin des écarts de salaire supérieurs à vingt dans les entreprises, la création de nouvelles autorités européennes (il n’y en a pas assez), et voudrait donner des leçons de liberté aux États-Unis ; trouve-t-il que Trump est ridicule ?…

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On lisait dans un portrait de L’Express publié en 2019 (déjà !), à propos de Glucksmann, ces lignes prophétiques : « il est un essayeur professionnel, il tente tout ; passe son temps à s’extraire de sa zone de confort, se rétame, se relance, essaie, essaie encore : « C’est pour ça que j’aime le mot ‘essayiste’. Il faut essayer en politique, en journalisme, sur le terrain des idées… » » Hélas ! six ans ont passé, et apparemment, le fils du nouveau philosophe ne connaît toujours pas le mot « succès » ; pendant ce temps-là, Elon Musk est devenu l’homme le plus riche du monde, haut conseiller du président des États-Unis, a racheté X et fondé xAI. Glucksmann ferait mieux d’aller prendre des leçons à la Maison Blanche, plutôt que de proférer des inepties sur la statue de Bartholdi ; l’idéalisme est poétique dans un État fort, quand il sort de la bouche de Victor Hugo ; il est bête quand l’État s’affaiblit, abruti de socialisme ignare ; du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas. Interrogé par le journaliste dans le même portrait, le « pirate » (sic) confiait ceci : « Soit on regardait sans réagir ce paysage figé, désespéré, et l’on devenait un think tank d’intellectuels dont le monde se fout. Soit, au contraire, on essayait tout. On tentait tout pour faire bouger les choses ! » Eh bien, voilà, il l’aura lancé, son parti : mais ça aussi, tout le monde s’en fout.


PS : La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a qualifié hier soir (heure française) Raphaël Glucksmann de « petit homme politique français inconnu », et rappelé que les Américains ont été le phare de la liberté mondiale…

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Christophe Kerrero, l’ex-Recteur qui dit « Non » à la Caste

Dans un monde où les hauts fonctionnaires rivalisent de servilité, Christophe Kerrero, en envoyant sa démission de Recteur de Paris au visage d’Amélie Oudéa-Castéra, ministre par le fait du Prince, a montré que dans les plus hautes sphères subsistaient des hommes ­intègres et capables, affirme notre chroniqueur, d’une pensée cohérente sur l’Ecole.


Début février 2024, j’avais expliqué pourquoi Christophe Kerrero avait choisi d’abandonner son beau logement de fonction de la Sorbonne, où le portrait en pied de Richelieu par Philippe de Champaigne le contemplait. Et comment, dans le même temps, Amélie Oudéa-Castéra, l’une des ministres les plus incompétentes jamais entrées rue de Grenelle (et la concurrence est rude) était, elle, restée en place : c’est tout simple, elle est sortie en 2004 de l’ENA, promotion Senghor, la même qu’Emmanuel Macron. Tout comme Hollande a favorisé la Promotion Voltaire — celle de Ségolène Royal et de sa « bravitude », celle aussi de Dominique de Villepin, l’homme qui aime Gaza, déjà dans les starters-blocks pour 2027.

Ainsi se forme et se recrute la Caste, en France : copinage sans souci de compétence. Dis-moi de quelle école tu sors, et je te nomme à l’Educ-Nat’ — ou aux Sports, eu égard à ta connaissance de la raquette de Gustavo Kuerten.

C’est pour avoir voulu mettre un peu d’air dans le vivier resserré des élites auto-proclamées que Kerrero s’est fait taper sur les doigts. Et lui qui avait imposé dans les écoles parisiennes une méthode alpha-syllabique, qui avait le projet de monter des prépas pour former les futurs professeurs des écoles — afin de leur épargner des formations annexées par les pédagos —, et qui avec la réforme Affelnet avait infiltré les grands lycées parisiens, cénacles de l’entre-soi, avec des élèves méritants issus des classes les moins favorisées, s’est senti désavoué par cette grande bourgeoise qui, comme ses semblables, pense que l’excellence académique est réservée aux enfants de ses amis (elle appartient à la tribu des Duhamel), aussi nuls soient-ils.

(Parenthèse : c’est avec le même raisonnement que les Anglais ont laissé Kim Philby, espion soviétique, monter pendant 25 ans dans la hiérarchie du MI6 — juste parce qu’il était le fils d’un ex-espion passé lui aussi par le Trinity College de Cambridge. Nous, nous avons l’ENA, nid de grandes incompétences qui n’ont pas pour l’état de la France le respect que l’on pourrait attendre).

Kerrero est né loin de la Caste. Il s’est même payé le luxe, raconte-t-il avec humour, d’être un cancre indécrottable — jusqu’à ce qu’il passe l’agrégation de Lettres. Il s’est dès lors mis au service de cette République à qui il devait tout, sans vouloir se mettre aux ordres des intérêts politiques et financiers auxquels nos Excellences sont dévouées.

A lire aussi, Jean-Michel Blanquer et Barbara Lefebvre: Ni godilleur ni godillot

Son livre, L’École n’a pas dit son dernier mot, est le récit de ce combat. Ex-directeur de Cabinet de Blanquer, il connaît de l’intérieur les adversaires de l’École — et de la République. Il est significatif que le pouvoir laisse sur la touche les vraies compétences, en se repliant, comme disait jadis Michel Poniatowski, sur les copains et les coquins. On ne devient pas ministre avec l’intention de pantoufler rue de Grenelle. On ne reste pas recteur quand la Caste vous a repéré comme un trublion capable d’égratigner Stanislas ou Henri-IV, ces pépinières de l’excellence morne.

Ce livre est un hymne à la méritocratie républicaine, au besoin d’amener chacun au plus haut de ses capacités (et non à son point d’incompétence) et à la sélection des meilleurs. Que de résistances, à droite et à gauche ! Interviewé il y a quelques jours par Christine Kelly, Kerrero, tout en mesure, a dû expliquer à des journalistes de droite anxieux de l’apprendre, qu’il y a des gosses intelligents qui ne sont pas nés avec une cuiller en argent dans la bouche (c’est là, à la 39ème minute) : avec des débatteurs pareils, nous ne sommes pas sortis de gouffre où leurs pareils, de droite et de gauche, nous ont entraînés, à force de préserver les droits des plus nuls de leurs rejetons. Nous ne pouvons pas nous passer des talents réels, méprisés aujourd’hui par la Caste qui méprise 70 millions de Français.

Christophe Kerrero, L’Ecole n’a pas dit son dernier mot, Robert Laffont, mars 2025, 358 p.

Dominique Besnehard dépose les armes aux pieds de la juge Rousseau

Après un coup de sang devant l’effrayante et inquisitrice Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma  – « Si c’est mon procès, je me taille » – , le célèbre agent de stars du cinéma français a été contraint de gentiment rentrer dans le rang. Récit.


Dans les mois qui suivirent l’affaire Weinstein et l’apparition des hashtags #MeeToo et #Balancetonporc, la philosophe féministe Geneviève Fraisse décréta sur la radio publique : « En France, il faut que des têtes tombent »[1]. Message reçu 5 sur 5 par les néo-féministes ayant des prédispositions pour la justice médiatico-révolutionnaire. Confites de religiosité malsaine, caressant des rêves de pureté absolue, ces néo-féministes ont décidé de nettoyer l’humanité au gant de crin et à la toile émeri. Elles entendent débarrasser le monde des quelques scories historiques qui entravent encore sa marche vers la transparence absolue et la codification politique et totalitaire des relations humaines. Le producteur, ancien agent artistique et directeur de casting Dominique Besnehard travaille depuis cinquante ans dans le milieu cinématographique. L’heure du grand nettoyage ayant sonné, il a dernièrement été mis sur la sellette,  obligé de rendre des comptes sur les turpitudes et les vices de ce milieu. Face à lui, un tribunal révolutionnaire appelé “Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma” et présidé par Sandrine Rousseau, s’est évertué à lui extorquer aveux, dénonciations et repentances. Le prévenu a montré quelques signes de nervosité. Mais, à la fin, tout est rentré dans l’ordre.

https://twitter.com/BFMTV/status/1900217154923852077

Déroulé de l’interrogatoire

« Quel est votre regard sur le mouvement MeeToo ? », interroge d’emblée le député Erwan Balanant, rapporteur dudit tribunal. La question n’est pas anodine : il s’agit de savoir si l’inculpé est dans les meilleurs dispositions, s’il adhère au principe même du nettoyage en cours, s’il n’est pas un de ces récalcitrants qui, sous couvert de nuancer les débats, cherchent à justifier les débordements libidineux des hommes en général, des réalisateurs et producteurs de cinéma en particulier. Dominique Besnehard montre pattes blanches : il affirme qu’il est féministe et qu’il a été parmi les premiers à mettre en garde de jeunes actrices contre le comportement de certains réalisateurs. Il s’est éloigné, dit-il, des éléments les plus sulfureux du milieu. Mais Sarah Legrain (LFI), membre inflexible de la commission, ne s’en laisse pas conter. Elle exhume d’anciens messages dans lesquels Dominique Besnehard prenait la défense de Gérard Depardieu lorsqu’il était accusé de s’être mal conduit avec une actrice en herbe désirant absolument prendre des cours à son domicile. L’agent artistique rappelle que, à l’époque, il s’étonnait déjà de l’attitude de certaines jeunes femmes visiblement soucieuses de réussir par tous les moyens possibles dans le monde du cinéma : « Généralement, les cours de théâtre, on les fait dans un cours de théâtre, on ne va pas à domicile, chez un acteur. » Et d’enfoncer le clou : « Quand j’étais agent, j’ai vu des actrices dépasser les bornes. Excusez-moi, Weinstein à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine. Je l’ai vu ça ! J’ai même des actrices dont je m’occupais qui y sont allées ! » Léger malaise dans la salle – mais rien ne peut ébranler les convictions idéologiques du tribunal…

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Après que Dominique Besnehard a expliqué pour quelles raisons il avait cessé de travailler avec le réalisateur Jean-Claude Brisseau, condamné en 2005 pour harcèlement sexuel sur deux actrices, les juges reviennent à la charge : « Vous avez pris vos distances avec Brisseau mais vous avez continué à soutenir Gérard Depardieu. Pourquoi cette différence ? » Il est rappelé à l’impénitent qu’il a signé une tribune en faveur de ce dernier. Dominique Besnehard explique : il n’a signé cette tribune que parce que Depardieu était un ami qu’il a vu partir « en vrille » après la mort de son fils Guillaume, parce sa fille Julie le lui a demandé, parce que des actrices comme Nathalie Baye et Carole Bouquet, pour lesquelles il a la plus grande estime, l’avaient également paraphée, parce qu’il ne voulait pas faire partie de la horde moutonnière, etc. Ces justifications ne satisfont pas la présidente du tribunal qui, s’essayant à une technique de manipulation psychologique assez basique, brosse d’abord M. Besnehard dans le sens du poil – il est un homme important dans le milieu cinématographique, il est écouté, il est reconnu, sa voix compte, etc. – puis lui reproche tout à coup d’avoir eu « des propos dénigrants sur les personnes qui parlent ». Le producteur se rebiffe – « Si c’est mon procès, je me taille ! » – mais la juge révolutionnaire lui rappelle sèchement qu’il n’a pas le choix : il est obligé de répondre à ses questions, que cela lui plaise ou non. Dominique Besnehard a enfin compris qu’il n’aurait aucun répit. Inutile de finasser pour tenter d’obtenir un non-lieu hypothétique : « Non mais, arrêtez ! C’est quoi des propos dénigrants ? Vous racontez des histoires que vous voyez dans la presse. Vous n’êtes pas là pour faire la morale. Arrêtez de faire la morale à tout le monde. Tout ça commence à bien faire. » Après ce coup de sang, Dominique Besnehard rentrera gentiment dans le rang. Il reconnaîtra que les temps ont changé – et que c’est pour le mieux. La preuve : il y a maintenant des « coordinateurs d’intimité » sur les plateaux, quel progrès ! L’interrogatoire, qui a duré plus d’une heure et demie, tire à sa fin ; M. Balanant, le rapporteur, veut être certain qu’il a porté ses fruits : « En tant que co-producteur de la série Dix pour cent, est-ce que vous vous engagez à avoir un discours sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? » Dominique Besnehard, qui commence à montrer des signes de fatigue, rend définitivement les armes : il assure de son allégeance le tribunal et rappelle que cette série a évoqué le problème des « comportements inappropriés » avant même que MeeToo n’existe et qu’elle a été parmi les premières à mettre en avant « une héroïne lesbienne ». La présidente soupire d’aise : enfin, tout rentre dans l’ordre, le nouvel ordre moral qu’elle appelle de ses vœux.

Tout est politique

Retour en arrière. Le 19 septembre 2022, sur France 5, Sandrine Rousseau affirmait avoir vu une ex-compagne de Julien Bayou – alors secrétaire national d’EELV – dans un état « très déprimé ». Elle accusait ce dernier de « comportements de nature à briser la santé morale des femmes ». Allégations floues mais suffisantes pour que Julien Bayou soit contraint de démissionner de ses fonctions de chef de parti et de quitter son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Bien qu’il ait été blanchi à la fois par une enquête interne diligentée par EELV et par le parquet de Paris qui a classé cette affaire sans suite pour « absence d’infraction », la commissaire politique Rousseau traduirait volontiers le citoyen Bayou à la barre d’un tribunal politique qu’elle présiderait : « Ce qui a manqué dans l’affaire Bayou, depuis le début, c’est une analyse politique de la situation », déplore-t-elle sur France Inter (26 février), avant d’ajouter : « La justice a ses critères. Maintenant, il reste la question politique. » Car pour Mme Rousseau, tout est politique, tout doit être politique, aucun espace ne doit échapper à l’emprise politique, aucune relation humaine ne doit pouvoir se soustraire au regard politique. Pour ce qui concerne les relations entre les hommes et les femmes, il n’est pas seulement question de punir des comportements inappropriés, il est surtout prévu de définir très exactement ces comportements, et d’en élargir le champ jusqu’à rendre la vie invivable, et tous les hommes, suspects. Principe totalitaire que Mme Rousseau aimerait pouvoir appliquer en toutes circonstances : « le privé est politique », assène-t-elle en préconisant « l’instauration d’un délit de non-partage des tâches domestiques » et en dénonçant la « structure sociale » et le « rapport de domination » qu’elle subodore dans le fait de « se prendre en photo derrière un barbecue ». Gardons toujours à l’esprit que la politique totalitaire de Sandrine Rousseau et de ses soutiens « féministes » de type haasien repose sur un programme de surveillance permanente débouchant inévitablement sur l’abolition de tous les rapports entre les hommes et les femmes, sur l’indifférenciation sexuelle, sur l’avènement d’un monde woke débarrassé des dernières traces d’histoire et d’humanité, un monde affranchi des mystérieux tourments de l’âme humaine, elle-même délestée à tout jamais de ses pulsions de vie, de désir et de mort – un monde terrifiant dans lequel les hommes « sont dans une sereine ignorance de la passion […] ne sont encombrés de nuls pères ni mères et n’ont pas d’épouses, pas d’enfants, pas d’amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes […] n’ont pas le droit ni de raisons d’être malheureux »[2], c’est-à-dire le plus cauchemardesque et le plus inhumain des mondes.  

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[1] France Culture, émission “Tout un monde”, 22 novembre 2019.

[2] Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, 1932.

Pardon mais Emmanuel Macron n’a pas toujours tort !

Même sur l’international, Emmanuel Macron voit sa politique étrillée par les oppositions et de nombreux médias. La vigilance dont fait preuve le président français sur le dossier ukrainien est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial, estime notre contributeur.


Certes il y a eu l’absurde dissolution mais, la France et le monde continuant à vivre, à surprendre et à inquiéter, on va bien finir par oublier ses déplorables effets. En tentant, parfois, de rendre justice au président de la République. Tout, il est vrai, n’est pas forcément de notre faute. Emmanuel Macron n’a pas une personnalité qui appelle une approbation sans réserve. Irréprochable dans son soutien à l’Ukraine et dans sa volonté de réarmer la France et de renforcer l’esprit et la résistance de l’Union européenne, il a été également convaincant dans son attitude à l’égard de l’Algérie. Son accord avec Bruno Retailleau sur la progressivité des mesures de rétorsion laisse espérer enfin une fermeté après tant d’humiliations subies par notre pays.

Le débat public monopolisé par l’Ukraine

Que le président retrouve de l’importance grâce à cette vie internationale chaotique et à son incidence sur le plan national est une évidence. On ne peut guère lui reprocher cette évolution dans la mesure où il est naturel qu’il profite d’une situation, d’une crise dont il n’a jamais été responsable sauf à continuer ce jeu malsain qui consiste à inverser les culpabilités.

Le fait qu’Emmanuel Macron ne se représentera pas en 2027 devrait, en bonne logique, nous inciter à faire preuve à son égard de plus d’indulgence que de sévérité, à supposer que Marine Le Pen ne soit pas élue en 2027 – Jordan Bardella la remplaçant n’aurait aucune chance ! -, ce qui, de l’aveu même du président, signerait son échec le plus éclatant.

Face aux accusations systématiques à l’encontre d’Emmanuel Macron même pour le meilleur de son rôle international, notamment à cause de sa prétendue obsession de faire peur à ses concitoyens avec une dramatisation jugée excessive, on peut souligner que sur l’Ukraine, « l’axe Trump-Poutine inquiète les Français et monopolise le débat public1 ».

À lire aussi : Chef de guerre, chef de la diplomatie? Calmez-vous, ça va bien se passer!

Il me semble qu’il est injuste, dans ces conditions, de déclarer, comme Philippe de Villiers, que « nous sommes devenus des va-t-en-guerre2». Comme si en réalité tout ce qu’il fallait accomplir non pas pour préparer la guerre mais pour la prévenir était une posture belliqueuse adoptée par notre nation.

On ne peut pas en même temps alléguer qu’il y aurait contradiction entre le souci de faire exister l’Europe et de la défendre – sur ce plan, le respect de la doctrine nucléaire française – et la paix qui se discuterait sans elle en Arabie saoudite. Il me semble qu’au contraire il y aurait là deux fers au feu, cumul d’autant plus souhaitable que les illusions sur Poutine, malgré les initiatives de Donald Trump, continuent à se dissiper. Le voir accepter la trêve « avec des nuances », qui ne tiennent à rien de moins qu’un abandon total aux exigences russes, démontre à quel point la vigilance du président français est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial. Dont on ne saurait laisser l’administration au seul duo Trump-Poutine, le premier erratique et fluctuant, le second d’un cynisme et d’un mépris confondants.

Péché mortel

Mon étonnement vient aussi du fait que les valeurs conservatrices souvent invoquées – honneur, dignité, courage, résistance et liberté – paraissent être oubliées quand on juge l’action du président pour porter haut une certaine idée de la morale internationale. Alors qu’elles devraient au contraire la légitimer.

Je ne peux pas m’empêcher, devant cette partialité constante à l’égard du président, de me demander qui, en France, confronté au même désordre, à la même incertitude internationale, serait capable de faire mieux, de représenter notre pays avec plus de constance et de fermeté.

À lire aussi : L’ivresse du chef de guerre

À l’exception de l’attitude responsable d’un Bruno Retailleau : « Tant que je suis utile, je reste et j’avance »3, on ne peut pas soutenir que nos débats politiques internes, avec un Laurent Wauquiez précipitant son ambition présidentielle, un parti socialiste multipliant ses rivalités et LFI se spécialisant dans l’odieux au point de troubler certains de ses députés, rassurent au regard du bruit, de la fureur et des rares embellies du monde.

Dans une démocratie apaisée, je n’aurais même pas besoin de m’excuser de concéder à Emmanuel Macron une approche partiellement positive. Mais dans la France telle qu’elle est, je n’ai pas le choix. Je ne voudrais pas que ce billet fût considéré comme un péché politique mortel.

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  1. Le Figaro, édition du 14 mars 2025 https://kiosque.lefigaro.fr/catalog/le-figaro/le-figaro/2025-03-14 ↩︎
  2. JDNews, édition du 11 mars 2025 : Philippe de Villiers : «La France est devenue le dernier va-t-en-guerre d’un monde qui veut la paix» ↩︎
  3. Le Figaro : 13 mars 2025 : «Tant que je suis utile, je reste et j’avance» : Bruno Retailleau, un ministre en campagne ↩︎

Bardella en Israël: se rendre à Jérusalem n’est pas un blanc-seing

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Le gouvernement israélien a invité le président du Rassemblement national à une conférence donnée sur l’antisémitisme à la fin du mois en Israël. Bien qu’elle symbolise le changement du parti, cette visite ne doit pas se transformer en justificatif.


Depuis quelques années, l’image du Rassemblement national a changé en Israël. Un temps tenu en horreur par l’État hébreu lorsque dirigé par Jean-Marie Le Pen, les gouvernements israéliens successifs ont progressivement accepté d’envisager des relations avec le RN. En 2006, il était prévu que Marine Le Pen soit membre d’une délégation de députés européens en visite dans le pays. Mais à l’époque, elle avait subi le même sort que Rima Hassan il y a un mois : le gouvernement israélien avait signifié au Parlement européen qu’il refuserait à ses frontières une députée dont le parti est « raciste et négationniste », rappelant en outre les moult propos antisémites du fondateur du FN.

Stratégies politiques

Moins de vingt ans plus tard, pourtant, le ministre israélien de la Diaspora a choisi de convier non seulement la direction de l’ex-Front national, mais également la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal. Il est indéniable que cette décision témoigne de l’aggiornamento idéologique opéré par le parti depuis sa reprise par Marine Le Pen. Le discours a été vidé de sa substance antisémite et l’essentiel des figures extrémistes a été remercié. Les accusations en électoralisme, visant à faire de cette « dédiabolisation » une simple stratégie dépourvue de sincérité, sont en outre sérieusement affaiblies par le renouvellement des effectifs du RN. Les membres du bureau national du parti, par exemple, ainsi que l’essentiel de ses élus, n’appartenaient pas au FN lorsque sa ligne rappelait l’extrême droite au sens traditionnel.

A lire aussi: Ce que ne dit pas le voyage de Rima Hassan en Israël

En outre, depuis le 7-Octobre, le soutien de Marine Le Pen à Israël s’est fait plutôt vocal, quitte à nuancer la position historique du parti réclamant corps et âme une solution à deux États. Cette invitation à une conférence sur l’antisémitisme à Jérusalem représente néanmoins un problème stratégique pour le parti : peut-elle devenir en tant que telle un argument vérifiant la dédiabolisation du parti ? Israël fait preuve d’une vigilance évidente dans sa relation avec les grands partis de ses alliés diplomatiques ; y être convié à un événement politique constitue un signal qu’il serait ridicule d’ignorer.

Le parti se présente comme un rempart

Pour autant, cette décision ne saurait représenter notre seul phare moral. Surtout, le RN ne doit pas la déployer à ce titre d’un point de vue rhétorique. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche mi-mars, le président du parti estimait que l’envoi de l’invitation au RN signait la place qu’il avait prise à l’échelle internationale. Un élément de langage allant en ce sens a d’ailleurs été déployé par le mouvement, nombre de ses élus ayant publié sur X un message évoquant une « reconnaissance diplomatique ». Mais certains sont allés plus loin, à l’image du député du Pas-de-Calais, Bruno Bilde, qui a vu en cette visite la confirmation que le Rassemblement national constituait « le seul rempart contre l’antisémitisme ».

A relire : Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

On ne peut que comprendre la tentation d’y repérer un adoubement. Or cette position est insatisfaisante. Si le RN souhaite éradiquer tout soupçon d’antisémitisme, il lui faut continuer à suivre une ligne claire sur le sujet et à se distancer des formations politiques sur lesquelles planent toujours un légitime doute dans le monde. Se servir d’une visite éclair dans un État juif pour témoigner de sa bonne entente avec les Juifs, en revanche, ne saurait composer une réponse convenable. Le contraste avec les relations entretenues entre LFI et les Français de confession juive vient intuitivement, mais arguer de ses interactions avec Israël ou de ses désaccords avec des élus antisémites ne constitue pas en soi un programme.

Un certain regard

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Émilie Dequenne, l’actrice belge découverte dans Rosetta, le film des frères Dardenne en 1999, est décédée à l’âge de 43 ans. On la savait malade et en rechute de son cancer. Elle était et restera un visage puissamment émouvant du cinéma de ces 25 dernières années


Je regrette. J’ai été bête. Je n’ai pas osé. Nous étions en vacances, elle aussi. Elle promenait son chien en famille à l’Île-Rousse, à la pointe de la Pietra, entre l’embarcadère des ferrys et les tours génoises à l’horizon. Devant nous, la Méditerranée béate, dangereusement inerte et le vent qui se lève, loin du rideau de pluie, de son Hainaut natal. Un soleil sec et un parfum d’été envahissaient les cœurs. Mais, en Corse, tout peut tourner, basculer d’une minute à l’autre, l’île est aussi belle que tempétueuse. Instable. Changeante. Naturellement indomptable. Le répit n’est que provisoire. Il aurait été inconvenant de la déranger, de l’importuner, pour lui dire quoi au juste ? Un bégaiement de fan. Une banalité de journaliste.

A lire aussi, Jean Chauvet: Action !

La timidité est parfois bonne conseillère. Publiquement, elle avait annoncé sa maladie, on souffrait pour elle. Dans ces moments-là, on espère naïvement qu’un geste, une parole, un encouragement, un simple merci lui donneront un peu de force. Puis, on a peur du ridicule, de l’indécence, du timing imparfait, de l’intrusion du spectateur dans le cercle de l’acteur. Nous ne nous connaissions pas. Alors, je me suis tu. Á l’instant précis où nos regards se sont croisés, par reflexe, j’ai légèrement incliné la tête pour la saluer, elle m’a rendu un sourire doux et franc. Nous en sommes restés là. Rien de plus, rien de moins. Chacun a repris sa route. Et c’est tant mieux, finalement. J’aurais voulu mettre des mots sur son talent d’actrice, je n’y serais pas parvenu. J’aurais voulu lui dire qu’elle faisait partie des rares élues, celles capables de donner une vérité instantanée et non bricolée à un personnage ; sans filtre, sans ficelle du métier trop apparente, directement, charnellement, émotionnellement, elle incarnait une vérité quand d’autres jouent seulement. Dans les arts, cette sincérité extra-lucide ne ment pas. Bien sûr qu’il existe d’excellents faiseurs, d’habiles manipulateurs qui masquent les raccommodages grossiers ; avec elle, tout se matérialisait, sans fard, sans effort, comme si la vie courante, le côté ménager au sens noble de ses rôles se superposait parfaitement à l’imaginaire cinématographique. Aucune coulure, un duplicata exact des émotions et des élans, de la tristesse à la sauvagerie, du désir à la colère. Le spectateur est saisi, troublé, envoûté par cette connexion-là. Elle ne lui échappe pas. Il la reçoit comme une offrande sacrée.

A lire aussi, du même auteur: La Bretagne au soleil-levant

Émilie Dequenne, sans tricher, sans se victimiser, sans se consumer à la lumière des médias, donnait de la grâce et de l’éclat à des personnages populaires. Je crois bien qu’elle révélait la dignité, la haute dignité, des femmes ordinaires ou accidentées. Elle ne trahissait, ni ne salissait ses héroïnes de larmes superfétatoires. Cette captation du réel est un don du ciel. J’aurais voulu lui dire que l’on se souviendrait longtemps d’elle, par sa filmographie qui a oscillé entre cinéma d’auteurs et quelques films plus commerciaux, et surtout par son empreinte. Émilie Dequenne marquait de son empreinte indélébile un long-métrage, qu’elle en soit la vedette, et je dirais même encore plus, dans un second rôle. Récemment, en 2020, elle avait obtenu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour « Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait » d’Emmanuel Mouret. A vrai dire, cette romance entrecroisée ne m’a laissé que quelques vagues souvenirs et pourtant je n’ai pas oublié l’interprétation d’Émilie. Je ne pourrais vous dire précisément la teneur de son rôle, par contre, j’en ressens encore son onde, son écho m’assaille à cinq ans d’intervalle. C’est ça que j’aurais voulu lui dire dans cette station balnéaire de Haute-Corse, la différence fondamentale entre une grande actrice et une professionnelle qui fait consciencieusement son travail ; au fond de ma mémoire, ces quelques minutes à l’écran reviennent me bercer. Je sais intimement, sans avoir besoin de revoir ce film, qu’elle était au diapason de ses sentiments, dans une justesse et une forme de beauté ébréchée, dans une incandescence qui était lumineuse.

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Donald Trump ou la « destinée manifeste » américaine

Le feuilleton entre Trump et le Canada ne fait que commencer… La menace étasunienne pousse donc son voisin à demander de l’aide auprès des Européens…


Alors, Josué ordonna aux scribes du peuple : « Parcourez le camp, donnez cet ordre au peuple : “Préparez des provisions, car dans trois jours vous passerez le Jourdain que voici, pour aller prendre possession de la terre que le Seigneur votre Dieu vous donne en héritage.” 
Josué : 10-11.

Sa Majesté orange propose d’intégrer aux États-Unis le canal de Panama, le Groenland et, pièce de résistance, le Canada. Rien de moins (1).

Esprit fripon

Ces idées furent d’abord accueillies par l’opinion internationale comme de simples boutades émanant d’une personnalité bien connue pour son esprit fripon, mais force est de constater qu’elles ne doivent pas être prises à la légère. En fait, l’offensive a déjà commencé contre l’éventuel futur 51e État par l’arme économique. Une façon d’« attendrir la viande », qui rappelle, mutatis mutandis, l’agression économique diligentée par le président Nixon en 1970 contre le Chili de Salvador Allende et les récentes offres faites à l’Ukraine, qu’elle ne peut pas refuser.

Cette agressivité étonne de prime abord car il semblait, surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, que le monde était entré dans une ère post-coloniale, où la notion de conquête de territoires était devenue obsolète. Mais puisque l’aspirant Imperator Caligula Trumpus a pour ambition de ressusciter un passé glorieux, ce n’aura peut-être été qu’un hiatus. Ce retour aux sources est-il étonnant si l’on se met dans une perspective historique ?

À lire aussi : Le Canado-Irlando-Royaumunien Mark Carney consacré messie du Canada

Le Canada est, en effet, le fruit congelé d’un hasard de l’histoire. Cette colonie fut cédée par la France en 1763 à l’Angleterre et les États-Unis ne purent s’en emparer ni en 1775, ni lors de la guerre anglo-américaine de 1812.

L’expression Manifest destiny (en v.o.) née en 1845, puisée dans la doctrine Monroe de 1823, fut le slogan justifiant la conquête de l’Amérique du Nord par les États-Unis, arguments bibliques à l’appui. S’ils finirent par se résigner à mettre de côté les colonies anglaises septentrionales, ils se rabattirent sur l’ouest du continent, mais… pour lequel ils durent faire concurrence avec l’Angleterre, surtout à partir de 1867, lorsque naquit le dominion du Canada. Si les quatre provinces d’origine (Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse) formaient un ensemble géographique pas trop incohérent, il en résulta une frontière rectiligne suivant le 49e parallèle nord, que Trump qualifie, à juste titre, de purement « artificielle », d’autant plus que de nombreux Canadiens des quatre provinces de l’ouest concernées sont les descendants d’agriculteurs américains à qui le gouvernement offrait des terres (s’ils étaient blancs, bien entendu); un partage de territoire on ne peut plus colonial, digne de ce qui fut effectué sur une carte de l’Afrique lors de la conférence de Berlin de 1885, même si, au nord, le décalage culturel actuel se traduit de nos jours par de moins nombreuses églises pentecôtistes et armureries; pour Justin « Blackface » Trudeau, c’est ça ne pas être américain. Et ce n’est pas faux.

Le réel dépassera-t-il la fiction ?

À noter que le chemin de fer Canadien Pacifique, mièvre élément du roman national du Canada anglais (on a les mythes fondateurs qu’on peut), gouffre financier perpétuel, créant une unité économique non américaine est-ouest factice, fut entaché dès sa conception, donc bien avant le premier coup de sifflet, de scandales financiers impliquant le premier Premier ministre fédéral, le poivrot Sir John A. Macdonald, préfigurant le scandale de Panama.

Les Américains, pratiquant leur nouveau sport national, la chasse à l’Autochtone et au bison, mirent le grappin sur le Texas, l’Oregon, même Hawaii … ; l’Amérique latine leur fournit aussi un butin : Porto-Rico, le canal de Panama (État fantoche arraché à la Colombie par la force des armes américaines), et des zones d’influence sans annexion formelle : Cuba, Haïti, Nicaragua…

Même sans le Canada, il y avait de quoi faire.

Mais aujourd’hui, le Caudillo Trump conteste les frontières canado-américaines consacrées notamment par le traité de 1908, comme il conteste le droit du sol constitutionnel, manifestant de manière générale une grande liberté d’esprit en ce qui concerne les textes juridiques.

À lire aussi : Canada: (re)naissance du patriotisme?

Le Canada est une terre promise vu sa richesse en minéraux, mais surtout en eau, plus précieuse encore que le lait et le miel, qui suscite la convoitise des États du sud-ouest des États-Unis, cruellement assoiffés par l’enfer climatique; cependant, le Canada rejette l’idée que l’eau est une simple « marchandise » au sens de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). L’annexion rendrait la question caduque.

Mais il serait injuste de ne pas tenir compte de l’attachement sentimental de Donald Trump pour la contrée où bon-papa fit ses débuts dans le monde des affaires. La gestion des maisons closes est très formatrice et ouvre beaucoup de portes, surtout dans l’immobilier.

Il est encore trop tôt pour dire si le Canada fera l’objet d’une invasion militaire en bonne (si l’on ose dire…) et due (si l’on ose dire) forme. Une telle promenade prendrait une journée : on n’est plus en 1812. Rectification : elle prendrait une matinée et, pour faire bonne mesure, sur cette lancée, un largage de quelques paras assurerait la maîtrise du Groenland voisin en une ou deux heures supplémentaires.

Alors, comment l’Ontario (qui est, en pratique, le Canada) peut-il éviter de devenir le 51e État, d’une manière ou d’une autre?

Le magazine The Economist avance la solution de l’adhésion du Canada à l’Union européenne. Le Québec lui, pourrait songer à opter pour l’annexion par la France (2).


1 Relire l’analyse de Gerald Olivier NDLR : Panama, Groenland, Canada: quand Donald Trump ravive la Doctrine Monroe

2 Lire Gaetan Langlois, Journal de Montréal, L’annexion du Québec à la France

Universités américaines: Trump siffle la fin de la récréation

Une pétition monstre réclame aux États-Unis la libération de l’étudiant étranger Mahmoud Khalil. La carte verte de ce militant pro-palestinien a été révoquée par l’administration Trump, et il devrait être expulsé. Ses soutiens invoquent sa liberté d’expression et le premier amendement de la Constitution pour le défendre.


À la suite des attaques terroristes du 7-Octobre, le chaos s’était emparé de nombreuses grandes facultés américaines, bastions de la jeunesse démocrate et largement acquises à la cause palestinienne. Manifestations de soutien aux terroristes du Hamas, violences à l’encontre d’étudiants de confession juive… Tout cela n’avait suscité ni indignation ni réaction suffisante de la part des directeurs des établissements débordés concernés. L’arrestation de l’activiste propalestinien Mahmoud Khalil, étudiant à Columbia, et son expulsion annoncée du territoire américain marquent la fin de cette impunité, comme l’avait promis Donald Trump.

La première arrestation d’une longue série

Le 9 mars, des agents de l’immigration ont effectivement arrêté l’étudiant né en Syrie, détenteur d’une carte verte et revendiquant des origines palestiniennes, pour son implication dans les manifestations propalestiniennes qui ont secoué le campus de Columbia. Selon une déclaration de Donald Trump sur son réseau Truth Social, l’arrestation de cet « étudiant pro-Hamas est la première d’une longue série à venir ».

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Durant ces manifestations, le Wall Street Journal[1] rapporte que Mahmoud Khalil occupait la fonction de négociateur en chef pour le compte de la Columbia University Apartheid Divest (CUAD), une coalition anti-israélienne. De son côté, le National Review[2], célèbre mensuel conservateur, révèle que M. Khalil était également correspondant aux affaires politiques auprès de l’UNRWA, une organisation dont les liens avec le Hamas ont été fréquemment dénoncés ces derniers mois. Certains de ses défenseurs mettent en avant son rôle de « négociateur » comme preuve de son pacifisme. Pourtant, des éléments récents viennent contredire cet argument déjà fragile. Le National Review souligne que Khalil était notoirement connu comme l’un des leaders des nombreuses manifestations pro-Hamas. La secrétaire de presse de la Maison Blanche affirme qu’il ne se contentait pas d’organiser des rassemblements visant à « harceler les étudiants juifs américains », mais qu’il diffusait également de la propagande pro-Hamas. Le magazine Newsweek[3] révèle de son côté que Khalil a été accusé d’avoir carrément organisé un événement glorifiant les attaques du 7-Octobre. Difficile, dans ces conditions, de dresser le portrait d’un étudiant pacifiste aux airs de gentil hippie inoffensif. Mais les soutiens de l’étudiant étranger arrêté crient à l’injustice et demandent au gouvernement américain de fournir des preuves de ces accusations. Les Démocrates, soucieux de rester dans la course politique et prêts à tout pour ne pas tomber dans un oubli qui leur tend les bras, n’ont pas hésité à prendre la défense de cet étudiant qu’ils présentent comme une victime de l’administration Trump.

Il fallait s’y attendre, selon certaines représentants démocrates, Trump embastillerait un gentil étudiant en bafouant son droit à la liberté d’expression (« free speech »). Mais, cette liberté connaît des limites : soutenir un groupe terroriste et stigmatiser une population en raison de sa confession ne devraient pas en faire partie. Or, c’est précisément ce que faisait le CUAD, selon le Wall Street Journal, qui rappelle que cette organisation a déclaré en octobre 2024 son soutien à « la libération, par tous moyens nécessaires, y compris la résistance armée ».

Aveuglement idéologique

Est-ce ainsi que la gauche conçoit la liberté d’expression ? 14 élus démocrates ont adressé une lettre ouverte à la secrétaire d’Etat pour la sécurité intérieure, Kristi Noem, demandant la libération immédiate de Khalil, qu’ils considèrent comme un prisonnier politique. Parmi les signataires figure la représentante démocrate du Michigan, Rashida Tlaib, connue pour avoir accusé Joe Biden de « soutenir le génocide du peuple palestinien » dans un tweet publié en juillet 2023 et supprimé depuis.

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Si Mahmoud Khalil s’était contenté d’agiter pacifiquement un drapeau palestinien, il ne se serait évidemment pas retrouvé dans cette situation. Donald Trump, qui a promis d’être le président de tous les Américains, entend protéger également les étudiants juifs, leur garantissant un environnement universitaire sûr. Les Démocrates sont-ils à ce point aveuglés qu’ils ne voient pas que, dans cette affaire, c’est bien Trump qui défend la véritable liberté d’expression ? Les étudiants juifs ne devraient-ils pas, eux aussi, pouvoir jouir de cette liberté sur les campus, sans craindre pour leur intégrité physique ? On frissonnerait presque en imaginant ce qu’il serait advenu si la « camarade Kamala », comme l’appellent ironiquement les trumpistes, avait accédé au Bureau Ovale…

Une mobilisation opportuniste

Par aveuglement idéologique ou par pur calcul électoral, les Démocrates ont appelé à manifester pour la libération de Mahmoud Khalil. L’impayable Alexandria Ocasio-Cortez a dénoncé le « traitement inhumain »[4] infligé à Khalil, en faisant une nouvelle cause politique pour un parti en pleine crise. Ainsi, selon les estimations du Wall Street Journal, plus de 300 manifestants se sont rassemblés jeudi 13 mars devant… la Trump Tower, pour exprimer leur indignation. Outre l’absurdité du choix du lieu – Trump résidant évidemment à la Maison Blanche et non à New York – cette manifestation illustre une fois de plus que les Démocrates ne reculeront devant rien pour cimenter leur électorat sur des bases intersectionnelles. Quitte à fracturer encore davantage la société américaine.

https://twitter.com/SecRubio/status/1899892869332173133

[1] https://www.wsj.com/opinion/mahmoud-khalil-green-card-trump-administration-cuad-columbia-israel-hamas-ecdc4424?mod=Searchresults_pos2&page=1

[2] https://www.nationalreview.com/news/ice-detains-palestinian-activist-who-led-anti-israel-encampments-at-columba-university/

[3] https://www.newsweek.com/who-mahmoud-khalil-columbia-university-grad-detained-ice-2041925

[4] https://www.washingtontimes.com/news/2025/mar/12/free-mahmoud-khalil-democrats-rally-stop-deportation-anti-israel/

Michel-Georges Micberth: vociférations acides made in seventies

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© Photo archives Micberth

Il a disparu il y a tout juste douze ans. En 2023, nous lui avions rendu hommage à l’occasion des dix ans de sa disparition. Cette année, la maison d’édition Lorisse publie Les Vociférations d’un ange : recueil d’articles parus dans la première moitié des années 70 dans les colonnes de Minute et d’Actual-Hebdo.


Mai 68 est déjà derrière, les années de plomb (plutôt molles en France) ont commencé, et Micberth, avec sa barbe d’ogre truculent, vitupère, depuis ses châteaux tourangeaux successifs. Contre Pompidou : « Mais oui bon sang ! Mais c’est bien sûr ! Tout s’explique maintenant. Il y a quelques mois, nous avions un président de la République dret, coquet dynamique, un chouia playboy ; et aujourd’hui il nous reste une sorte de machin ovoïde, un peu flasque, moumoute, très peu ressemblant, en fait, avec le modèle d’origine. Voilà, ça y est, j’ai compris. On nous a chauffé notre président de la République, pour le remplacer par un extra-terrestre. Changer Messmer pour Messmer, par exemple, voilà une chose des plus curieuses. C’est bien là la décision d’un extra-terrestre programmé, décision hors de notre logique humaine ». Contre Michel Debré : « Pour Debré, on savait depuis belle lurette qu’il grimpait aux arbres. Des fois même il essayait de s’envoler. Fallait l’intercepter au filet à papillon et l’incarcérer sous son entonnoir avec une grosse pierre dessus pour plus qu’il bouge ». Contre Jean Royer, ministre de Pompidou, ardent défenseur de l’ordre moral, au sujet duquel on en apprend de belles par ailleurs : « Souhaitons qu’il trébuche et que sa folie soit diagnostiquée, non plus par quelques psychiatres qui chuchotent dans l’ombre mais par une armée de Français sains et lucides ». Manque de chance, Minute fait de Royer son candidat. C’est avec des petites choses comme ça qu’on perd une chronique dans un journal.

A lire aussi: Dernières leçons de maintien en date de tous ces cultureux qui me fatiguent…

Maître de la vacherie

Le recueil nous plonge dans l’ambiance des fanzines, de la presse parallèle, où quelques futures plumes connues apparaissent. Une génération soixante-huitarde avec laquelle il partage une partie de l’esprit de révolte, mais en bon Chouan, il cultive aussi la révolte contre la révolte. Dans ce petit monde, MGM est content d’être le plus grand parmi les petits : « [À Actual-Hebdo], nous avions quand même 10 000 lecteurs, ce qui est beaucoup pour de l’underground, mais pas assez pour se retrouver aux limites de l’aura de la grande presse nationale. […] il vaut mieux être le plus grand des petits que le plus petit des grands. Non par orgueil, ce qui serait infiniment triste et tarte, mais pour l’audience pas dégueu qu’on en tire ». Micberth se montre maître de la vacherie cinglante. Dans quelques notes de bas de page ajoutées dans les années 90, on lit à propos de Cavanna : « Maçon ayant laborieusement tenté d’écrire. Faux bonhomme, reconverti en héraut médiatique, terne à la ville et pétillant devant les caméras, sorte de vieux nanar égocentrique, pleureuse appointée, là où le conduisent ses prestations de mirliflore ». Pascal Jardin ? « Pascal Jardin était un scénariste affublé de trois gros défauts : un père collabo, un style à chier et un fils à pendre ». La chanteuse Dani ? « Chanteuse médiocre, brave pomme entraînée dans l’univers impitoyable de la drogue et convertie tardivement en brave andouille, marchande de fleurs, son prochain échec ». Néron avait eu Tacite ; de Gaulle, Jacques Laurent ; Giscard et Mitterrand, Jean-Edern Hallier. Les années Pompidou auront eu aussi leur grand pamphlétaire un peu oublié…

310 pages.

LES VOCIFÉRATIONS D'UN ANGE BARIOLÉ

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À consulter aussi : Regards sur Micberth

Immigration : convertir l’opinion publique au lieu de l’informer

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La démographe Michèle Tribalat et l'historien Pierre Vermeren © Hannah Assouline - IBO/SIPA

Par crainte de représailles académiques, la démographe Michèle Tribalat avait déjà été écartée du fameux ouvrage Face à l’obscurantisme woke de Pierre Vermeren. Mais, après l’attaque publique contre le livre largement commentée ces derniers jours dans la presse, l’éditeur initial a annulé toute la publication, ce qui va finalement bénéficier à une nouvelle maison d’édition. Michèle Tribalat nous propose ici de lire sa contribution au livre : elle y explique l’emprise idéologique sur les institutions académiques et politiques concernant la question migratoire, accusant une élite dominante d’imposer un discours visant à naturaliser l’immigration et à disqualifier toute critique en la présentant comme irrationnelle. La démographe pointe notamment les contradictions et manipulations statistiques de figures influentes comme François Héran.


Le texte ci-dessous est celui que m’avaient commandé Emmanuelle Hénin, Pierre Vermeren et Xavier-Laurent Salvador le 10 juillet 2023 et qui devait figurer dans le livre – Face à l’obscurantisme woke – qu’ils co-dirigeaient pour les PUF. Par courriel du 12 novembre 2024, ils m’apprirent qu’ils avaient consenti à ce que je sois évincée du livre car l’éditeur craignait les mesures de rétorsion de François Héran du Collège de France. C’était sans moi ou pas de publication.

Finalement, comme on l’a appris il y a une semaine, après la charge de Patrick Boucheron (lui aussi du Collège de France) lors d’une conférence de presse du 7 mars dernier, c’est la publication dans son entier qui se trouve annulée par les PUF.

L’ouvrage a déjà trouvé un éditeur prêt à relever le défi et les co-directeurs se réjouissent de la publicité qui leur a ainsi été faite et ne manquera pas d’assurer le succès de la publication.


« L’idéologue désire non point connaître la vérité, mais protéger son système de croyance et abolir, spirituellement faute de mieux, tous ceux qui ne croient pas comme lui. L’idéologie repose sur une communion dans le mensonge impliquant l’ostracisme automatique de quiconque refuse de la partager. »

Jean-François Revel, La connaissance inutile, Grasset, 1988, p. 217


Sur la question migratoire, l’idéologie dominante de l’élite a conquis les institutions académiques. La curiosité, moteur de la recherche, y a été supplantée par la mission visant à convertir l’opinion publique à la bonne pensée qu’elles professent. Ce ne fut pas une conquête soudaine, mais l’écho lointain du « sociocentrisme négatif » (d’après la belle expression de Paul Yonnet) des années 1980, qui allait s’en prendre à l’identité française, après avoir détruit l’idée de roman national. Une « identité-mode de vie », « dernier bastion de l’appartenance groupale ». Comme l’écrivait encore Paul Yonnet, le projet de dissolution de la France place l’antiracisme « dans l’absolue incapacité de raisonner la crainte phobique d’une colonisation de peuplement étranger » qu’on n’appelait pas encore grand remplacement lorsqu’il a écrit son livre1. Et pourtant, c’est à cette crainte que le discours académique majoritaire cherche aujourd’hui à répondre en lui déniant tout ancrage dans le réel et en mettant en défaut les perceptions communes déplaisantes. Ce discours n’a pas pour objet – légitime – d’en rectifier les erreurs par une approche du réel mettant en œuvre les outils techniques adéquats, mais de les disqualifier pour ce qu’elles disent. L’emprise idéologique opère une sélection des scientifiques non pas sur leur maîtrise technique et leur respect des règles à respecter pour éviter de s’égarer, pourtant indispensables à la mesure du phénomène migratoire, mais sur leur adhésion (réelle ou supposée) ou non au dogme dominant.

Neutralité engagée

Tous les partis de gouvernement ont contribué à cette mission idéologique. Ce fut le cas du gouvernement Chirac-Villepin et de ses ministres qui signèrent le décret 2006-13882 créant l’Établissement public du Palais de la Porte dorée (EPPPD) comprenant la Cité nationale de l’histoire de l’immigration – aujourd’hui appelée Musée national de l’histoire de l’immigration (MNHI) – dont une des missions était de « faire évoluer les regards et les mentalités sur l’immigration en France ». Message reçu cinq sur cinq par les dirigeants de ce musée, si l’on en croit son projet scientifique et culturel3 qui diffuse un discours paradoxal laissant penser que les tenants de l’idéologie dominante, ce qu’ils sont, peuvent se payer le luxe d’oublier le caractère idéologique de leur discours, caractère idéologique qu’ils reportent sur les adversaires qu’ils se désignent. Dans le MNHI, c’est la science qui parlerait à l’opposé des discours idéologiques de ceux qui ne pensent pas bien, car seuls ces derniers sont des idéologues. Seuls ces autres prêcheraient au lieu d’argumenter rationnellement. François Héran, professeur au Collège de France et ancien directeur de l’Ined, pour le malheur de cette vénérable institution, également président du Conseil d’orientation du musée, a fortement inspiré le projet muséal. À sa suite, ce projet revendique une « neutralité engagée ». Il soutient qu’« être pour ou contre l’immigration n’a pas plus de sens que de se prononcer pour ou contre le vieillissement de la population ». « L’immigration est un fait aussi établi que le réchauffement des températures moyennes, le développement du numérique ou le fait que la France a possédé un empire colonial »4. Le MNHI fait ainsi mine de croire que l’opposition à l’immigration reviendrait à en nier l’existence alors que c’est exactement le contraire. En fait, ce que le MNHI proclame c’est la permanence du fait migratoire et la vanité qu’il y aurait à s’y opposer. En la comparant au vieillissement de la population, il le naturalise et indique ainsi que seule l’idiotie peut conduire à se déclarer contre l’immigration.

Cette naturalisation5 du fait migratoire a fait son chemin dans la sphère politique. Ainsi a-t-elle été reprise par Gérald Darmanin. Ce dernier, alors ministre de l’Intérieur, a soutenu ce point de vue lors de sa conférence au Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI) le 19 septembre 2023 : « La question de l’immigration n’est pas une question d’opinion publique. Il n’y a pas à être pour ou contre. Être contre c’est comme être contre le soleil. » Ce faisant, le ministre nous explique que l’immigration n’est pas un objet politique et diffuse ainsi l’idée, paradoxale pour un ministre chargé de l’immigration, qu’il n’y a pas grand-chose à faire, sinon s’y adapter, alors même qu’il défend un projet de loi censé tout changer sur le sujet. Il ne peut donc qu’approuver la mission officielle du MNHI visant à changer le regard porté sur elle : en gros, puisque nous n’y pouvons rien, faisons mine de l’apprécier.

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Le rapprochement fait par le MNHI avec le changement climatique pose question. Les mêmes qui nous demandent de nous adapter à l’immigration programment des politiques très coûteuses censées peser sur l’évolution du climat. Celle-ci (à l’échelle planétaire) dépendrait donc des politiques qui seront mises en œuvre en France alors qu’il faudrait s’accommoder de l’immigration étrangère à l’échelle de ce pays ! Il est donc des décisions politiques prises en France qui pourraient freiner le réchauffement planétaire mais aucune vraiment capable de freiner l’immigration en France.

Les idéologues qui se chargent de la rééducation morale des gens ordinaires se moquent de la cohérence de leurs propos car ils savent qu’ils ne seront pas mis face à leurs contradictions. Ils sont entourés de collègues complaisants et sollicités par des médias porteurs de la même idéologie. Ils savent que les petites voix qui s’y risquent n’auront aucun écho tant que la croyance qu’ils répandent, car c’est bien de croyance qu’il s’agit, restera hégémonique dans les élites.

Cette croyance peut ainsi conjuguer le discours sur la faiblesse de l’immigration, notamment par rapport à nos voisins européens, propos favori de François Héran, et celui faisant de la France « le plus grand pays d’immigration du monde depuis au moins deux siècles »6.

François Héran est devenu un champion des déclarations contradictoires censées alimenter le même discours : on n’y peut rien mais c’est formidable !

Il plane au-dessus de la mêlée et sa parole est recueillie avec révérence. Un homme qui parle si bien ne saurait se tromper. Nous ne sommes donc pas très nombreux à nous être penchés sérieusement sur ses écrits et ses déclarations7.

Pourtant, il a apposé son sceau aux tripatouillages statistiques dont il ose se plaindre aujourd’hui. Tout récemment encore, sur RTL, au micro d’Yves Calvi, il récriminait contre ceux qui reproduisent les erreurs qu’il a lui-même commises. Citons-le : « C’est une erreur très fréquente, consistant à dire : ‘j’ai le nombre de séjours d’une année, j’ajoute l’estimation des irréguliers, j’ajoute les demandeurs d’asile et ça fait 500 000 personnes’. Eh bien ! C’est une erreur parce que ça fait des doubles et des triples comptes »8. En 2020, il s’était lui-même livré à ce type de calcul9 (sans estimation des « irréguliers ») dans Le Monde, lorsqu’il s’agissait de ridiculiser ceux qui pensaient qu’on pourrait éviter des contaminations au Covid en prolongeant l’expérience de confinement aux seuls étrangers cherchant à s’installer durablement en France : « chaque année en France, 540 000 entrées environ relèvent de la migration, ce qui est très peu sur l’ensemble des 90 millions d’entrées provisoires ou durables : 0,6 % »10 ; pourcentage calculé sur l’ensemble des entrées en France y compris touristiques ! François Héran avait réitéré ce propos lors d’un entretien avec le géographe Michel Foucher au MNHI : « de véritables migrants qui s’installent dans l’année pour au moins un an c’est peut-être [!!!], si on calcule très large, 500 000 en comptant les Européens, 550 000, peu importe [!!!], mais en gros c’est 1/150ème, 0,6 ou 0,7 % de la mobilité internationale »11. Au diable les doubles et les triples comptes quand c’est pour la bonne cause ! Pourquoi récriminer aujourd’hui contre un discours qu’il a lui-même contribué à propager ? En fait, tout dépend du point idéologique qu’il s’agit de soutenir.

Impuissance générale

En 2017, François Héran avait inventé une stabilité du flux autour de 200 000 entrées pour incriminer l’impuissance de François Fillon (qui se présentait alors à l’élection présidentielle) à le faire baisser12 pour, en 202213, …se rendre à l’évidence d’une hausse, que retrace l’évolution de la proportion d’immigrés dans la population. Cette fois, il souligne l’impuissance commune de tous les présidents de la République à agir sur cette tendance, même s’il consent à reconnaître un léger ralentissement du temps de Nicolas Sarkozy ! S’il fallait ridiculiser Nicolas Sarkozy, mais surtout François Fillon, en 2017, il faut épargner Emmanuel Macron en 2022. On ne peut pas incriminer ce président puisque la croissance de l’immigration étrangère lui échappe, comme elle échappait à ses prédécesseurs. En 2017, il invitait à « faire avec » l’immigration en la naturalisant : on ne pourrait pas plus empêcher des étrangers d’entrer que des enfants de naître. En 2022, c’est la petite France qui ne peut pas, à elle seule, se dresser contre une dynamique mondiale irréversible.

Enfin, comment ne pas évoquer la fessée que François Héran a cru mettre à Stephen Smith14, avec la complicité de Population & Sociétés15, revue de l’Ined, qui s’est ainsi joint à la campagne de dénigrement de Stephen Smith, sous les applaudissements de médias soulagés d’apprendre que ce dernier avait tout faux ? On ne peut guère en faire grief à la presse quand le comité de rédaction de la revue lui-même, grisé par la perspective de démolir le livre de Stephen Smith, n’a pas été en mesure de détecter l’erreur méthodologique flagrante de la démonstration de François Héran. Erreur, qui n’a jamais été rectifiée et dont il faut dire un mot. François Héran supposait que le rapport entre la population subsaharienne qui s’installerait en France et la population subsaharienne en Afrique resterait constant jusqu’en 2050, sans prendre la précaution de vérifier si tel avait bien été le cas jusque-là. En fait, entre 1982 et 2015, la population subsaharienne avait augmenté beaucoup plus vite en France qu’en Afrique. L’hypothèse de base était donc fausse, ce qui n’avait pas empêché les éditions Nathan de retenir l’article de Benoît Bréville, rédacteur en chef de Politis, titré « Le mythe de la ruée vers l’Europe, Immigration, un débat biaisé » s’appuyant sur la si brillante démonstration de François Héran et publié sur le site Groupe d’histoire sociale16, pour le proposer à la sagacité des lycéens comme exercice d’approfondissement.

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Ce ne sont là que quelques exemples du fourvoiement d’un monde académique qui, sous des atours scientifiques, vise la transformation des perceptions communes afin de satisfaire une élite bien décidée à « changer le regard sur les populations immigrées, sur l’immigration » comme l’a si joliment formulé le MNHI17. Cet ascendant idéologique sur la recherche scientifique a des conséquences désastreuses sur le débat démocratique dans la mesure où toute malversation ayant la bonne tonalité idéologique a toutes les chances d’échapper à la vigilance médiatique.

Avec le risque de banaliser ainsi la fraude scientifique, pourvu qu’elle apporte la satisfaction idéologique attendue.

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  1. Publié en 1993 et réédité en 2022 chez L’Artilleur. Voyage au centre du malaise français.
    L’antiracisme et le roman national
    , Paul Yonnet, 349 p. ↩︎
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000272458 ↩︎
  3. https://www.palais-portedoree.fr/le-projet-scientifique-et-culturel. ↩︎
  4. Op. cit., page 9. ↩︎
  5. Lire à ce propos le chapitre 6 de mon livre (Immigration, idéologie et souci de la vérité,
    L’Artilleur, 2021), consacré à la naturalisation du phénomène migratoire. ↩︎
  6. Projet MNHI op. cit., p. 9. ↩︎
  7. On trouvera mes critiques sur mon site : https://micheletribalat.fr/ et dans mon livre op. cit. ↩︎
  8. https://www.dailymotion.com/video/x8pf0m7. ↩︎
  9. Voir à ce sujet : https://micheletribalat.fr/435108953/mieux-appr-hender-les-flux-
    migratoires-en-france
    . ↩︎
  10. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/26/francois-heran-l-ideologie-du-confinement-
    national-n-est-qu-un-ruineux-cauchemar_6037821_3232.html
    ↩︎
  11. https://www.histoire-immigration.fr/programmation/le-musee-part-en-live/migrations-et-
    covid-19-le-grand-retour-des-frontieres
    . ↩︎
  12. Avec l’immigration, Mesure, débattre, agir, La Découverte, 2017. ↩︎
  13. Immigration : le grand déni, Seuil, 2023. ↩︎
  14. Pour son livre La ruée vers l’Europe, Grasset, 2018. ↩︎
  15. Population & Sociétés n°558, 12 septembre 2018.
    https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/28441/558.population.societes.migration.subsaharienn
    e.europe.fr.pdf
    . ↩︎
  16. https://groupedhistoiresociale.com/2018/11/02/immigration-un-debat-biaise-benoit-
    breville/
    . ↩︎
  17. https://www.palais-portedoree.fr/le-projet-scientifique-et-culturel p. 71. ↩︎

Glucksmann: tremble, Amérique!

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Le député européen Raphaël Glucksmann, co-président de Place Publique, a réuni les militants du parti le 16 mars 2025 à l’Espace Charenton, à Paris, lors d’un congrès visant à définir leurs orientations politiques et stratégiques pour les deux prochaines années et les élections à venir © ISA HARSIN/SIPA

Relations internationales. En exigeant des Américains qu’ils restituent la statue de la Liberté, le chef de la gauche molle française espérait frapper un grand coup médiatique et faire le buzz. Malheureusement, on ne s’improvise pas leader populiste du jour au lendemain, et hormis sur France Inter, son coup d’éclat est passé inaperçu. Ah, si ! Une vulgaire petite porte-parole de la Maison Blanche a fini par réagir à ses menaces hier soir…


Le charismatique Raphaël Glucksmann s’attaque aux États-Unis d’Amérique : le monde tremble. Dimanche, au discours de clôture de son grand parti (Place Publique, si vous l’ignoriez), il a crié « Rendez-nous la statue de la liberté ! » — de sa voix terrible digne de Jean Jaurès. « Vous la méprisez ! », a-t-il rugi tel un lion devant la foule énorme, gigantesque, monstrueuse de ses mille cinq cents militants ; partout dans les rangs, ça défaillait, ça perdait connaissance ; les gens s’écroulaient comme des dominos, congestionnés, ivres de l’ambiance (c’est que les partisans de Glucksmann ne sont plus tout jeunes). Trump n’a qu’à bien se tenir ; quel dommage que six mille kilomètres et vingt-cinq milliards de dollars de PIB séparent Paris de Washington ! — sinon, à coup sûr, le président américain eût entendu les jérémiades (pardon, les menaces) du leader le plus magnétique de l’Hexagone, du nouveau Napoléon français, du Don Quichotte de la bobo-écologie.

Coup d’éclat

Le chef, faisant montre d’une stratégie héritée des préceptes de Sun Tzu, aura cherché à lancer sa campagne par un grand coup d’éclat. Balzac entrait dans la société « comme un boulet de canon » ; Glucksmann entrera dans la politique (au fait, n’y est-il pas déjà entré depuis plusieurs années… ?) comme une fusée électrique — éco-responsable. Raté ! le dandy des beaux quartiers, semble-t-il, est moins versé dans l’art suprême de la provocation que ses ennemis les populistes : la fusée a piqué du nez ; elle s’est échouée lamentablement à quelques encablures de l’Espace Charenton, dans la Seine (elle n’allait quand même pas quitter Paris). Toute la journée, on a guetté anxieusement les médias, les annonces, les communiqués de la Maison Blanche ; en vain ! Donald Trump a préféré rester silencieux. Aurait-il peur ?… on est en droit de se poser la question.

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Il faut dire aussi que Raphaël Glucksmann a sorti le grand jeu. Le paon a exhibé la traîne ; le ouistiti, gonflé la poitrine ; l’éléphanteau barri puissamment. De son ton plein d’assurance, gaullien (à peu de choses près), il a d’abord fustigé ces « Américains qui ont choisi de basculer du côté des tyrans » (si, si, il l’a dit), avant de se lancer dans une diatribe pas très claire au sujet des « scientifiques ». L’émotion dans la salle était palpable ; les vieux (pardon, les militants), essoufflés, hurlaient en chœur : Liberté ! Liberté ! On se serait presque cru avec les soldats de la grande armée lorsqu’ils entonnaient Le Chant du départ, et puis s’en allaient à l’assaut du monde — bien sûr, c’était plutôt la vieille armée ; puis les bourgeois affadis, les secrétaires de mairie, les artistes au chômage ont remplacé les grognards héroïques ; mais enfin, l’esprit était là.

Ce n’était qu’un rêve

Qu’on se le dise : Raphaël Glucksmann, candidat pour l’Ukraine (pardon, pour la France) ne sera jamais à la botte des États-Unis d’Amérique. Il va… il va… au fait, quel est son programme ? — nous verrons cela plus tard. Les grands ambitieux ne s’arrêtent pas aux détails bassement matériels, surtout quand de leur appartement ils ont vue sur la tour Eiffel. La tête dans les nuages, le rassembleur des gauches nous avait déjà fait rêver lors de sa précédente campagne avec ses masses de granit, les inoubliables « ticket climat », « pacte bleu pour les océans », « Europe du train ». Personne n’a oublié le courage dont il fit preuve, l’abnégation, les sacrifices qui furent les siens au moment de la croisade courageuse qu’il mena pour cette vaste idée, non pas la République, non pas la Liberté, non pas la Grandeur de la France, mais l’écologie sociale. Votre cœur s’emballe ? — ce n’est pas normal, allez consulter. Allons ! soyons sérieux : le héraut de l’intérêt général, qui chante la bien-pensance comme Florence Foster Jenkins chantait l’opéra, propose la taxation automatique des profits, la fin des écarts de salaire supérieurs à vingt dans les entreprises, la création de nouvelles autorités européennes (il n’y en a pas assez), et voudrait donner des leçons de liberté aux États-Unis ; trouve-t-il que Trump est ridicule ?…

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On lisait dans un portrait de L’Express publié en 2019 (déjà !), à propos de Glucksmann, ces lignes prophétiques : « il est un essayeur professionnel, il tente tout ; passe son temps à s’extraire de sa zone de confort, se rétame, se relance, essaie, essaie encore : « C’est pour ça que j’aime le mot ‘essayiste’. Il faut essayer en politique, en journalisme, sur le terrain des idées… » » Hélas ! six ans ont passé, et apparemment, le fils du nouveau philosophe ne connaît toujours pas le mot « succès » ; pendant ce temps-là, Elon Musk est devenu l’homme le plus riche du monde, haut conseiller du président des États-Unis, a racheté X et fondé xAI. Glucksmann ferait mieux d’aller prendre des leçons à la Maison Blanche, plutôt que de proférer des inepties sur la statue de Bartholdi ; l’idéalisme est poétique dans un État fort, quand il sort de la bouche de Victor Hugo ; il est bête quand l’État s’affaiblit, abruti de socialisme ignare ; du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas. Interrogé par le journaliste dans le même portrait, le « pirate » (sic) confiait ceci : « Soit on regardait sans réagir ce paysage figé, désespéré, et l’on devenait un think tank d’intellectuels dont le monde se fout. Soit, au contraire, on essayait tout. On tentait tout pour faire bouger les choses ! » Eh bien, voilà, il l’aura lancé, son parti : mais ça aussi, tout le monde s’en fout.


PS : La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a qualifié hier soir (heure française) Raphaël Glucksmann de « petit homme politique français inconnu », et rappelé que les Américains ont été le phare de la liberté mondiale…

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Christophe Kerrero, l’ex-Recteur qui dit « Non » à la Caste

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Christophe Kerrero © Astrid di Crollalanza

Dans un monde où les hauts fonctionnaires rivalisent de servilité, Christophe Kerrero, en envoyant sa démission de Recteur de Paris au visage d’Amélie Oudéa-Castéra, ministre par le fait du Prince, a montré que dans les plus hautes sphères subsistaient des hommes ­intègres et capables, affirme notre chroniqueur, d’une pensée cohérente sur l’Ecole.


Début février 2024, j’avais expliqué pourquoi Christophe Kerrero avait choisi d’abandonner son beau logement de fonction de la Sorbonne, où le portrait en pied de Richelieu par Philippe de Champaigne le contemplait. Et comment, dans le même temps, Amélie Oudéa-Castéra, l’une des ministres les plus incompétentes jamais entrées rue de Grenelle (et la concurrence est rude) était, elle, restée en place : c’est tout simple, elle est sortie en 2004 de l’ENA, promotion Senghor, la même qu’Emmanuel Macron. Tout comme Hollande a favorisé la Promotion Voltaire — celle de Ségolène Royal et de sa « bravitude », celle aussi de Dominique de Villepin, l’homme qui aime Gaza, déjà dans les starters-blocks pour 2027.

Ainsi se forme et se recrute la Caste, en France : copinage sans souci de compétence. Dis-moi de quelle école tu sors, et je te nomme à l’Educ-Nat’ — ou aux Sports, eu égard à ta connaissance de la raquette de Gustavo Kuerten.

C’est pour avoir voulu mettre un peu d’air dans le vivier resserré des élites auto-proclamées que Kerrero s’est fait taper sur les doigts. Et lui qui avait imposé dans les écoles parisiennes une méthode alpha-syllabique, qui avait le projet de monter des prépas pour former les futurs professeurs des écoles — afin de leur épargner des formations annexées par les pédagos —, et qui avec la réforme Affelnet avait infiltré les grands lycées parisiens, cénacles de l’entre-soi, avec des élèves méritants issus des classes les moins favorisées, s’est senti désavoué par cette grande bourgeoise qui, comme ses semblables, pense que l’excellence académique est réservée aux enfants de ses amis (elle appartient à la tribu des Duhamel), aussi nuls soient-ils.

(Parenthèse : c’est avec le même raisonnement que les Anglais ont laissé Kim Philby, espion soviétique, monter pendant 25 ans dans la hiérarchie du MI6 — juste parce qu’il était le fils d’un ex-espion passé lui aussi par le Trinity College de Cambridge. Nous, nous avons l’ENA, nid de grandes incompétences qui n’ont pas pour l’état de la France le respect que l’on pourrait attendre).

Kerrero est né loin de la Caste. Il s’est même payé le luxe, raconte-t-il avec humour, d’être un cancre indécrottable — jusqu’à ce qu’il passe l’agrégation de Lettres. Il s’est dès lors mis au service de cette République à qui il devait tout, sans vouloir se mettre aux ordres des intérêts politiques et financiers auxquels nos Excellences sont dévouées.

A lire aussi, Jean-Michel Blanquer et Barbara Lefebvre: Ni godilleur ni godillot

Son livre, L’École n’a pas dit son dernier mot, est le récit de ce combat. Ex-directeur de Cabinet de Blanquer, il connaît de l’intérieur les adversaires de l’École — et de la République. Il est significatif que le pouvoir laisse sur la touche les vraies compétences, en se repliant, comme disait jadis Michel Poniatowski, sur les copains et les coquins. On ne devient pas ministre avec l’intention de pantoufler rue de Grenelle. On ne reste pas recteur quand la Caste vous a repéré comme un trublion capable d’égratigner Stanislas ou Henri-IV, ces pépinières de l’excellence morne.

Ce livre est un hymne à la méritocratie républicaine, au besoin d’amener chacun au plus haut de ses capacités (et non à son point d’incompétence) et à la sélection des meilleurs. Que de résistances, à droite et à gauche ! Interviewé il y a quelques jours par Christine Kelly, Kerrero, tout en mesure, a dû expliquer à des journalistes de droite anxieux de l’apprendre, qu’il y a des gosses intelligents qui ne sont pas nés avec une cuiller en argent dans la bouche (c’est là, à la 39ème minute) : avec des débatteurs pareils, nous ne sommes pas sortis de gouffre où leurs pareils, de droite et de gauche, nous ont entraînés, à force de préserver les droits des plus nuls de leurs rejetons. Nous ne pouvons pas nous passer des talents réels, méprisés aujourd’hui par la Caste qui méprise 70 millions de Français.

Christophe Kerrero, L’Ecole n’a pas dit son dernier mot, Robert Laffont, mars 2025, 358 p.

Dominique Besnehard dépose les armes aux pieds de la juge Rousseau

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Camille Cottin et Dominique Besnehard, Cannes, octobre 2020 © Laurent VU/SIPA

Après un coup de sang devant l’effrayante et inquisitrice Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma  – « Si c’est mon procès, je me taille » – , le célèbre agent de stars du cinéma français a été contraint de gentiment rentrer dans le rang. Récit.


Dans les mois qui suivirent l’affaire Weinstein et l’apparition des hashtags #MeeToo et #Balancetonporc, la philosophe féministe Geneviève Fraisse décréta sur la radio publique : « En France, il faut que des têtes tombent »[1]. Message reçu 5 sur 5 par les néo-féministes ayant des prédispositions pour la justice médiatico-révolutionnaire. Confites de religiosité malsaine, caressant des rêves de pureté absolue, ces néo-féministes ont décidé de nettoyer l’humanité au gant de crin et à la toile émeri. Elles entendent débarrasser le monde des quelques scories historiques qui entravent encore sa marche vers la transparence absolue et la codification politique et totalitaire des relations humaines. Le producteur, ancien agent artistique et directeur de casting Dominique Besnehard travaille depuis cinquante ans dans le milieu cinématographique. L’heure du grand nettoyage ayant sonné, il a dernièrement été mis sur la sellette,  obligé de rendre des comptes sur les turpitudes et les vices de ce milieu. Face à lui, un tribunal révolutionnaire appelé “Commission parlementaire relative aux violences commises dans le milieu du cinéma” et présidé par Sandrine Rousseau, s’est évertué à lui extorquer aveux, dénonciations et repentances. Le prévenu a montré quelques signes de nervosité. Mais, à la fin, tout est rentré dans l’ordre.

https://twitter.com/BFMTV/status/1900217154923852077

Déroulé de l’interrogatoire

« Quel est votre regard sur le mouvement MeeToo ? », interroge d’emblée le député Erwan Balanant, rapporteur dudit tribunal. La question n’est pas anodine : il s’agit de savoir si l’inculpé est dans les meilleurs dispositions, s’il adhère au principe même du nettoyage en cours, s’il n’est pas un de ces récalcitrants qui, sous couvert de nuancer les débats, cherchent à justifier les débordements libidineux des hommes en général, des réalisateurs et producteurs de cinéma en particulier. Dominique Besnehard montre pattes blanches : il affirme qu’il est féministe et qu’il a été parmi les premiers à mettre en garde de jeunes actrices contre le comportement de certains réalisateurs. Il s’est éloigné, dit-il, des éléments les plus sulfureux du milieu. Mais Sarah Legrain (LFI), membre inflexible de la commission, ne s’en laisse pas conter. Elle exhume d’anciens messages dans lesquels Dominique Besnehard prenait la défense de Gérard Depardieu lorsqu’il était accusé de s’être mal conduit avec une actrice en herbe désirant absolument prendre des cours à son domicile. L’agent artistique rappelle que, à l’époque, il s’étonnait déjà de l’attitude de certaines jeunes femmes visiblement soucieuses de réussir par tous les moyens possibles dans le monde du cinéma : « Généralement, les cours de théâtre, on les fait dans un cours de théâtre, on ne va pas à domicile, chez un acteur. » Et d’enfoncer le clou : « Quand j’étais agent, j’ai vu des actrices dépasser les bornes. Excusez-moi, Weinstein à Cannes, certaines actrices allaient dans sa chambre pour peut-être faire une carrière américaine. Je l’ai vu ça ! J’ai même des actrices dont je m’occupais qui y sont allées ! » Léger malaise dans la salle – mais rien ne peut ébranler les convictions idéologiques du tribunal…

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Après que Dominique Besnehard a expliqué pour quelles raisons il avait cessé de travailler avec le réalisateur Jean-Claude Brisseau, condamné en 2005 pour harcèlement sexuel sur deux actrices, les juges reviennent à la charge : « Vous avez pris vos distances avec Brisseau mais vous avez continué à soutenir Gérard Depardieu. Pourquoi cette différence ? » Il est rappelé à l’impénitent qu’il a signé une tribune en faveur de ce dernier. Dominique Besnehard explique : il n’a signé cette tribune que parce que Depardieu était un ami qu’il a vu partir « en vrille » après la mort de son fils Guillaume, parce sa fille Julie le lui a demandé, parce que des actrices comme Nathalie Baye et Carole Bouquet, pour lesquelles il a la plus grande estime, l’avaient également paraphée, parce qu’il ne voulait pas faire partie de la horde moutonnière, etc. Ces justifications ne satisfont pas la présidente du tribunal qui, s’essayant à une technique de manipulation psychologique assez basique, brosse d’abord M. Besnehard dans le sens du poil – il est un homme important dans le milieu cinématographique, il est écouté, il est reconnu, sa voix compte, etc. – puis lui reproche tout à coup d’avoir eu « des propos dénigrants sur les personnes qui parlent ». Le producteur se rebiffe – « Si c’est mon procès, je me taille ! » – mais la juge révolutionnaire lui rappelle sèchement qu’il n’a pas le choix : il est obligé de répondre à ses questions, que cela lui plaise ou non. Dominique Besnehard a enfin compris qu’il n’aurait aucun répit. Inutile de finasser pour tenter d’obtenir un non-lieu hypothétique : « Non mais, arrêtez ! C’est quoi des propos dénigrants ? Vous racontez des histoires que vous voyez dans la presse. Vous n’êtes pas là pour faire la morale. Arrêtez de faire la morale à tout le monde. Tout ça commence à bien faire. » Après ce coup de sang, Dominique Besnehard rentrera gentiment dans le rang. Il reconnaîtra que les temps ont changé – et que c’est pour le mieux. La preuve : il y a maintenant des « coordinateurs d’intimité » sur les plateaux, quel progrès ! L’interrogatoire, qui a duré plus d’une heure et demie, tire à sa fin ; M. Balanant, le rapporteur, veut être certain qu’il a porté ses fruits : « En tant que co-producteur de la série Dix pour cent, est-ce que vous vous engagez à avoir un discours sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? » Dominique Besnehard, qui commence à montrer des signes de fatigue, rend définitivement les armes : il assure de son allégeance le tribunal et rappelle que cette série a évoqué le problème des « comportements inappropriés » avant même que MeeToo n’existe et qu’elle a été parmi les premières à mettre en avant « une héroïne lesbienne ». La présidente soupire d’aise : enfin, tout rentre dans l’ordre, le nouvel ordre moral qu’elle appelle de ses vœux.

Tout est politique

Retour en arrière. Le 19 septembre 2022, sur France 5, Sandrine Rousseau affirmait avoir vu une ex-compagne de Julien Bayou – alors secrétaire national d’EELV – dans un état « très déprimé ». Elle accusait ce dernier de « comportements de nature à briser la santé morale des femmes ». Allégations floues mais suffisantes pour que Julien Bayou soit contraint de démissionner de ses fonctions de chef de parti et de quitter son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Bien qu’il ait été blanchi à la fois par une enquête interne diligentée par EELV et par le parquet de Paris qui a classé cette affaire sans suite pour « absence d’infraction », la commissaire politique Rousseau traduirait volontiers le citoyen Bayou à la barre d’un tribunal politique qu’elle présiderait : « Ce qui a manqué dans l’affaire Bayou, depuis le début, c’est une analyse politique de la situation », déplore-t-elle sur France Inter (26 février), avant d’ajouter : « La justice a ses critères. Maintenant, il reste la question politique. » Car pour Mme Rousseau, tout est politique, tout doit être politique, aucun espace ne doit échapper à l’emprise politique, aucune relation humaine ne doit pouvoir se soustraire au regard politique. Pour ce qui concerne les relations entre les hommes et les femmes, il n’est pas seulement question de punir des comportements inappropriés, il est surtout prévu de définir très exactement ces comportements, et d’en élargir le champ jusqu’à rendre la vie invivable, et tous les hommes, suspects. Principe totalitaire que Mme Rousseau aimerait pouvoir appliquer en toutes circonstances : « le privé est politique », assène-t-elle en préconisant « l’instauration d’un délit de non-partage des tâches domestiques » et en dénonçant la « structure sociale » et le « rapport de domination » qu’elle subodore dans le fait de « se prendre en photo derrière un barbecue ». Gardons toujours à l’esprit que la politique totalitaire de Sandrine Rousseau et de ses soutiens « féministes » de type haasien repose sur un programme de surveillance permanente débouchant inévitablement sur l’abolition de tous les rapports entre les hommes et les femmes, sur l’indifférenciation sexuelle, sur l’avènement d’un monde woke débarrassé des dernières traces d’histoire et d’humanité, un monde affranchi des mystérieux tourments de l’âme humaine, elle-même délestée à tout jamais de ses pulsions de vie, de désir et de mort – un monde terrifiant dans lequel les hommes « sont dans une sereine ignorance de la passion […] ne sont encombrés de nuls pères ni mères et n’ont pas d’épouses, pas d’enfants, pas d’amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes […] n’ont pas le droit ni de raisons d’être malheureux »[2], c’est-à-dire le plus cauchemardesque et le plus inhumain des mondes.  

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[1] France Culture, émission “Tout un monde”, 22 novembre 2019.

[2] Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, 1932.

Pardon mais Emmanuel Macron n’a pas toujours tort !

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Emmanuel Macron à Bruxelles lors du sommet de la défense de l'Union européenne à Bruxelles dans le cadre d'une campagne visant à renforcer le soutien à l'Ukraine après que le président américain Donald Trump a interrompu l'aide militaire et le partage de renseignements des États-Unis, 6 mars 2025 © EPN/Newscom/SIPA

Même sur l’international, Emmanuel Macron voit sa politique étrillée par les oppositions et de nombreux médias. La vigilance dont fait preuve le président français sur le dossier ukrainien est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial, estime notre contributeur.


Certes il y a eu l’absurde dissolution mais, la France et le monde continuant à vivre, à surprendre et à inquiéter, on va bien finir par oublier ses déplorables effets. En tentant, parfois, de rendre justice au président de la République. Tout, il est vrai, n’est pas forcément de notre faute. Emmanuel Macron n’a pas une personnalité qui appelle une approbation sans réserve. Irréprochable dans son soutien à l’Ukraine et dans sa volonté de réarmer la France et de renforcer l’esprit et la résistance de l’Union européenne, il a été également convaincant dans son attitude à l’égard de l’Algérie. Son accord avec Bruno Retailleau sur la progressivité des mesures de rétorsion laisse espérer enfin une fermeté après tant d’humiliations subies par notre pays.

Le débat public monopolisé par l’Ukraine

Que le président retrouve de l’importance grâce à cette vie internationale chaotique et à son incidence sur le plan national est une évidence. On ne peut guère lui reprocher cette évolution dans la mesure où il est naturel qu’il profite d’une situation, d’une crise dont il n’a jamais été responsable sauf à continuer ce jeu malsain qui consiste à inverser les culpabilités.

Le fait qu’Emmanuel Macron ne se représentera pas en 2027 devrait, en bonne logique, nous inciter à faire preuve à son égard de plus d’indulgence que de sévérité, à supposer que Marine Le Pen ne soit pas élue en 2027 – Jordan Bardella la remplaçant n’aurait aucune chance ! -, ce qui, de l’aveu même du président, signerait son échec le plus éclatant.

Face aux accusations systématiques à l’encontre d’Emmanuel Macron même pour le meilleur de son rôle international, notamment à cause de sa prétendue obsession de faire peur à ses concitoyens avec une dramatisation jugée excessive, on peut souligner que sur l’Ukraine, « l’axe Trump-Poutine inquiète les Français et monopolise le débat public1 ».

À lire aussi : Chef de guerre, chef de la diplomatie? Calmez-vous, ça va bien se passer!

Il me semble qu’il est injuste, dans ces conditions, de déclarer, comme Philippe de Villiers, que « nous sommes devenus des va-t-en-guerre2». Comme si en réalité tout ce qu’il fallait accomplir non pas pour préparer la guerre mais pour la prévenir était une posture belliqueuse adoptée par notre nation.

On ne peut pas en même temps alléguer qu’il y aurait contradiction entre le souci de faire exister l’Europe et de la défendre – sur ce plan, le respect de la doctrine nucléaire française – et la paix qui se discuterait sans elle en Arabie saoudite. Il me semble qu’au contraire il y aurait là deux fers au feu, cumul d’autant plus souhaitable que les illusions sur Poutine, malgré les initiatives de Donald Trump, continuent à se dissiper. Le voir accepter la trêve « avec des nuances », qui ne tiennent à rien de moins qu’un abandon total aux exigences russes, démontre à quel point la vigilance du président français est plus que jamais nécessaire à l’équilibre mondial. Dont on ne saurait laisser l’administration au seul duo Trump-Poutine, le premier erratique et fluctuant, le second d’un cynisme et d’un mépris confondants.

Péché mortel

Mon étonnement vient aussi du fait que les valeurs conservatrices souvent invoquées – honneur, dignité, courage, résistance et liberté – paraissent être oubliées quand on juge l’action du président pour porter haut une certaine idée de la morale internationale. Alors qu’elles devraient au contraire la légitimer.

Je ne peux pas m’empêcher, devant cette partialité constante à l’égard du président, de me demander qui, en France, confronté au même désordre, à la même incertitude internationale, serait capable de faire mieux, de représenter notre pays avec plus de constance et de fermeté.

À lire aussi : L’ivresse du chef de guerre

À l’exception de l’attitude responsable d’un Bruno Retailleau : « Tant que je suis utile, je reste et j’avance »3, on ne peut pas soutenir que nos débats politiques internes, avec un Laurent Wauquiez précipitant son ambition présidentielle, un parti socialiste multipliant ses rivalités et LFI se spécialisant dans l’odieux au point de troubler certains de ses députés, rassurent au regard du bruit, de la fureur et des rares embellies du monde.

Dans une démocratie apaisée, je n’aurais même pas besoin de m’excuser de concéder à Emmanuel Macron une approche partiellement positive. Mais dans la France telle qu’elle est, je n’ai pas le choix. Je ne voudrais pas que ce billet fût considéré comme un péché politique mortel.

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  1. Le Figaro, édition du 14 mars 2025 https://kiosque.lefigaro.fr/catalog/le-figaro/le-figaro/2025-03-14 ↩︎
  2. JDNews, édition du 11 mars 2025 : Philippe de Villiers : «La France est devenue le dernier va-t-en-guerre d’un monde qui veut la paix» ↩︎
  3. Le Figaro : 13 mars 2025 : «Tant que je suis utile, je reste et j’avance» : Bruno Retailleau, un ministre en campagne ↩︎

Bardella en Israël: se rendre à Jérusalem n’est pas un blanc-seing

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Jordan Bardella, Paris, 16 janvier 2025 © Tom Nicholson/Shutterstock/SIPA

Le gouvernement israélien a invité le président du Rassemblement national à une conférence donnée sur l’antisémitisme à la fin du mois en Israël. Bien qu’elle symbolise le changement du parti, cette visite ne doit pas se transformer en justificatif.


Depuis quelques années, l’image du Rassemblement national a changé en Israël. Un temps tenu en horreur par l’État hébreu lorsque dirigé par Jean-Marie Le Pen, les gouvernements israéliens successifs ont progressivement accepté d’envisager des relations avec le RN. En 2006, il était prévu que Marine Le Pen soit membre d’une délégation de députés européens en visite dans le pays. Mais à l’époque, elle avait subi le même sort que Rima Hassan il y a un mois : le gouvernement israélien avait signifié au Parlement européen qu’il refuserait à ses frontières une députée dont le parti est « raciste et négationniste », rappelant en outre les moult propos antisémites du fondateur du FN.

Stratégies politiques

Moins de vingt ans plus tard, pourtant, le ministre israélien de la Diaspora a choisi de convier non seulement la direction de l’ex-Front national, mais également la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal. Il est indéniable que cette décision témoigne de l’aggiornamento idéologique opéré par le parti depuis sa reprise par Marine Le Pen. Le discours a été vidé de sa substance antisémite et l’essentiel des figures extrémistes a été remercié. Les accusations en électoralisme, visant à faire de cette « dédiabolisation » une simple stratégie dépourvue de sincérité, sont en outre sérieusement affaiblies par le renouvellement des effectifs du RN. Les membres du bureau national du parti, par exemple, ainsi que l’essentiel de ses élus, n’appartenaient pas au FN lorsque sa ligne rappelait l’extrême droite au sens traditionnel.

A lire aussi: Ce que ne dit pas le voyage de Rima Hassan en Israël

En outre, depuis le 7-Octobre, le soutien de Marine Le Pen à Israël s’est fait plutôt vocal, quitte à nuancer la position historique du parti réclamant corps et âme une solution à deux États. Cette invitation à une conférence sur l’antisémitisme à Jérusalem représente néanmoins un problème stratégique pour le parti : peut-elle devenir en tant que telle un argument vérifiant la dédiabolisation du parti ? Israël fait preuve d’une vigilance évidente dans sa relation avec les grands partis de ses alliés diplomatiques ; y être convié à un événement politique constitue un signal qu’il serait ridicule d’ignorer.

Le parti se présente comme un rempart

Pour autant, cette décision ne saurait représenter notre seul phare moral. Surtout, le RN ne doit pas la déployer à ce titre d’un point de vue rhétorique. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche mi-mars, le président du parti estimait que l’envoi de l’invitation au RN signait la place qu’il avait prise à l’échelle internationale. Un élément de langage allant en ce sens a d’ailleurs été déployé par le mouvement, nombre de ses élus ayant publié sur X un message évoquant une « reconnaissance diplomatique ». Mais certains sont allés plus loin, à l’image du député du Pas-de-Calais, Bruno Bilde, qui a vu en cette visite la confirmation que le Rassemblement national constituait « le seul rempart contre l’antisémitisme ».

A relire : Jordan Bardella: «Je suis l’enfant de la génération 2005-2015»

On ne peut que comprendre la tentation d’y repérer un adoubement. Or cette position est insatisfaisante. Si le RN souhaite éradiquer tout soupçon d’antisémitisme, il lui faut continuer à suivre une ligne claire sur le sujet et à se distancer des formations politiques sur lesquelles planent toujours un légitime doute dans le monde. Se servir d’une visite éclair dans un État juif pour témoigner de sa bonne entente avec les Juifs, en revanche, ne saurait composer une réponse convenable. Le contraste avec les relations entretenues entre LFI et les Français de confession juive vient intuitivement, mais arguer de ses interactions avec Israël ou de ses désaccords avec des élus antisémites ne constitue pas en soi un programme.

Un certain regard

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Les réalisateurs Luc et Jean-Pierre Dardenne et leur actrice Emilie Dequenne, Palme d'Or à Cannes 1999 © MARY EVANS/SIPA

Émilie Dequenne, l’actrice belge découverte dans Rosetta, le film des frères Dardenne en 1999, est décédée à l’âge de 43 ans. On la savait malade et en rechute de son cancer. Elle était et restera un visage puissamment émouvant du cinéma de ces 25 dernières années


Je regrette. J’ai été bête. Je n’ai pas osé. Nous étions en vacances, elle aussi. Elle promenait son chien en famille à l’Île-Rousse, à la pointe de la Pietra, entre l’embarcadère des ferrys et les tours génoises à l’horizon. Devant nous, la Méditerranée béate, dangereusement inerte et le vent qui se lève, loin du rideau de pluie, de son Hainaut natal. Un soleil sec et un parfum d’été envahissaient les cœurs. Mais, en Corse, tout peut tourner, basculer d’une minute à l’autre, l’île est aussi belle que tempétueuse. Instable. Changeante. Naturellement indomptable. Le répit n’est que provisoire. Il aurait été inconvenant de la déranger, de l’importuner, pour lui dire quoi au juste ? Un bégaiement de fan. Une banalité de journaliste.

A lire aussi, Jean Chauvet: Action !

La timidité est parfois bonne conseillère. Publiquement, elle avait annoncé sa maladie, on souffrait pour elle. Dans ces moments-là, on espère naïvement qu’un geste, une parole, un encouragement, un simple merci lui donneront un peu de force. Puis, on a peur du ridicule, de l’indécence, du timing imparfait, de l’intrusion du spectateur dans le cercle de l’acteur. Nous ne nous connaissions pas. Alors, je me suis tu. Á l’instant précis où nos regards se sont croisés, par reflexe, j’ai légèrement incliné la tête pour la saluer, elle m’a rendu un sourire doux et franc. Nous en sommes restés là. Rien de plus, rien de moins. Chacun a repris sa route. Et c’est tant mieux, finalement. J’aurais voulu mettre des mots sur son talent d’actrice, je n’y serais pas parvenu. J’aurais voulu lui dire qu’elle faisait partie des rares élues, celles capables de donner une vérité instantanée et non bricolée à un personnage ; sans filtre, sans ficelle du métier trop apparente, directement, charnellement, émotionnellement, elle incarnait une vérité quand d’autres jouent seulement. Dans les arts, cette sincérité extra-lucide ne ment pas. Bien sûr qu’il existe d’excellents faiseurs, d’habiles manipulateurs qui masquent les raccommodages grossiers ; avec elle, tout se matérialisait, sans fard, sans effort, comme si la vie courante, le côté ménager au sens noble de ses rôles se superposait parfaitement à l’imaginaire cinématographique. Aucune coulure, un duplicata exact des émotions et des élans, de la tristesse à la sauvagerie, du désir à la colère. Le spectateur est saisi, troublé, envoûté par cette connexion-là. Elle ne lui échappe pas. Il la reçoit comme une offrande sacrée.

A lire aussi, du même auteur: La Bretagne au soleil-levant

Émilie Dequenne, sans tricher, sans se victimiser, sans se consumer à la lumière des médias, donnait de la grâce et de l’éclat à des personnages populaires. Je crois bien qu’elle révélait la dignité, la haute dignité, des femmes ordinaires ou accidentées. Elle ne trahissait, ni ne salissait ses héroïnes de larmes superfétatoires. Cette captation du réel est un don du ciel. J’aurais voulu lui dire que l’on se souviendrait longtemps d’elle, par sa filmographie qui a oscillé entre cinéma d’auteurs et quelques films plus commerciaux, et surtout par son empreinte. Émilie Dequenne marquait de son empreinte indélébile un long-métrage, qu’elle en soit la vedette, et je dirais même encore plus, dans un second rôle. Récemment, en 2020, elle avait obtenu le César de la meilleure actrice dans un second rôle pour « Les Choses qu’on dit, les Choses qu’on fait » d’Emmanuel Mouret. A vrai dire, cette romance entrecroisée ne m’a laissé que quelques vagues souvenirs et pourtant je n’ai pas oublié l’interprétation d’Émilie. Je ne pourrais vous dire précisément la teneur de son rôle, par contre, j’en ressens encore son onde, son écho m’assaille à cinq ans d’intervalle. C’est ça que j’aurais voulu lui dire dans cette station balnéaire de Haute-Corse, la différence fondamentale entre une grande actrice et une professionnelle qui fait consciencieusement son travail ; au fond de ma mémoire, ces quelques minutes à l’écran reviennent me bercer. Je sais intimement, sans avoir besoin de revoir ce film, qu’elle était au diapason de ses sentiments, dans une justesse et une forme de beauté ébréchée, dans une incandescence qui était lumineuse.

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Donald Trump ou la « destinée manifeste » américaine

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Le Premier ministre canadien Mark Carney rencontre le président français Emmanuel Macron. Mark Carney entame une tournée européenne afin de renforcer les liens avec l'Europe pour faire face aux relations tendues avec Donald Trump. Paris, 17 mars 2025 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Le feuilleton entre Trump et le Canada ne fait que commencer… La menace étasunienne pousse donc son voisin à demander de l’aide auprès des Européens…


Alors, Josué ordonna aux scribes du peuple : « Parcourez le camp, donnez cet ordre au peuple : “Préparez des provisions, car dans trois jours vous passerez le Jourdain que voici, pour aller prendre possession de la terre que le Seigneur votre Dieu vous donne en héritage.” 
Josué : 10-11.

Sa Majesté orange propose d’intégrer aux États-Unis le canal de Panama, le Groenland et, pièce de résistance, le Canada. Rien de moins (1).

Esprit fripon

Ces idées furent d’abord accueillies par l’opinion internationale comme de simples boutades émanant d’une personnalité bien connue pour son esprit fripon, mais force est de constater qu’elles ne doivent pas être prises à la légère. En fait, l’offensive a déjà commencé contre l’éventuel futur 51e État par l’arme économique. Une façon d’« attendrir la viande », qui rappelle, mutatis mutandis, l’agression économique diligentée par le président Nixon en 1970 contre le Chili de Salvador Allende et les récentes offres faites à l’Ukraine, qu’elle ne peut pas refuser.

Cette agressivité étonne de prime abord car il semblait, surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, que le monde était entré dans une ère post-coloniale, où la notion de conquête de territoires était devenue obsolète. Mais puisque l’aspirant Imperator Caligula Trumpus a pour ambition de ressusciter un passé glorieux, ce n’aura peut-être été qu’un hiatus. Ce retour aux sources est-il étonnant si l’on se met dans une perspective historique ?

À lire aussi : Le Canado-Irlando-Royaumunien Mark Carney consacré messie du Canada

Le Canada est, en effet, le fruit congelé d’un hasard de l’histoire. Cette colonie fut cédée par la France en 1763 à l’Angleterre et les États-Unis ne purent s’en emparer ni en 1775, ni lors de la guerre anglo-américaine de 1812.

L’expression Manifest destiny (en v.o.) née en 1845, puisée dans la doctrine Monroe de 1823, fut le slogan justifiant la conquête de l’Amérique du Nord par les États-Unis, arguments bibliques à l’appui. S’ils finirent par se résigner à mettre de côté les colonies anglaises septentrionales, ils se rabattirent sur l’ouest du continent, mais… pour lequel ils durent faire concurrence avec l’Angleterre, surtout à partir de 1867, lorsque naquit le dominion du Canada. Si les quatre provinces d’origine (Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse) formaient un ensemble géographique pas trop incohérent, il en résulta une frontière rectiligne suivant le 49e parallèle nord, que Trump qualifie, à juste titre, de purement « artificielle », d’autant plus que de nombreux Canadiens des quatre provinces de l’ouest concernées sont les descendants d’agriculteurs américains à qui le gouvernement offrait des terres (s’ils étaient blancs, bien entendu); un partage de territoire on ne peut plus colonial, digne de ce qui fut effectué sur une carte de l’Afrique lors de la conférence de Berlin de 1885, même si, au nord, le décalage culturel actuel se traduit de nos jours par de moins nombreuses églises pentecôtistes et armureries; pour Justin « Blackface » Trudeau, c’est ça ne pas être américain. Et ce n’est pas faux.

Le réel dépassera-t-il la fiction ?

À noter que le chemin de fer Canadien Pacifique, mièvre élément du roman national du Canada anglais (on a les mythes fondateurs qu’on peut), gouffre financier perpétuel, créant une unité économique non américaine est-ouest factice, fut entaché dès sa conception, donc bien avant le premier coup de sifflet, de scandales financiers impliquant le premier Premier ministre fédéral, le poivrot Sir John A. Macdonald, préfigurant le scandale de Panama.

Les Américains, pratiquant leur nouveau sport national, la chasse à l’Autochtone et au bison, mirent le grappin sur le Texas, l’Oregon, même Hawaii … ; l’Amérique latine leur fournit aussi un butin : Porto-Rico, le canal de Panama (État fantoche arraché à la Colombie par la force des armes américaines), et des zones d’influence sans annexion formelle : Cuba, Haïti, Nicaragua…

Même sans le Canada, il y avait de quoi faire.

Mais aujourd’hui, le Caudillo Trump conteste les frontières canado-américaines consacrées notamment par le traité de 1908, comme il conteste le droit du sol constitutionnel, manifestant de manière générale une grande liberté d’esprit en ce qui concerne les textes juridiques.

À lire aussi : Canada: (re)naissance du patriotisme?

Le Canada est une terre promise vu sa richesse en minéraux, mais surtout en eau, plus précieuse encore que le lait et le miel, qui suscite la convoitise des États du sud-ouest des États-Unis, cruellement assoiffés par l’enfer climatique; cependant, le Canada rejette l’idée que l’eau est une simple « marchandise » au sens de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). L’annexion rendrait la question caduque.

Mais il serait injuste de ne pas tenir compte de l’attachement sentimental de Donald Trump pour la contrée où bon-papa fit ses débuts dans le monde des affaires. La gestion des maisons closes est très formatrice et ouvre beaucoup de portes, surtout dans l’immobilier.

Il est encore trop tôt pour dire si le Canada fera l’objet d’une invasion militaire en bonne (si l’on ose dire…) et due (si l’on ose dire) forme. Une telle promenade prendrait une journée : on n’est plus en 1812. Rectification : elle prendrait une matinée et, pour faire bonne mesure, sur cette lancée, un largage de quelques paras assurerait la maîtrise du Groenland voisin en une ou deux heures supplémentaires.

Alors, comment l’Ontario (qui est, en pratique, le Canada) peut-il éviter de devenir le 51e État, d’une manière ou d’une autre?

Le magazine The Economist avance la solution de l’adhésion du Canada à l’Union européenne. Le Québec lui, pourrait songer à opter pour l’annexion par la France (2).


1 Relire l’analyse de Gerald Olivier NDLR : Panama, Groenland, Canada: quand Donald Trump ravive la Doctrine Monroe

2 Lire Gaetan Langlois, Journal de Montréal, L’annexion du Québec à la France

Universités américaines: Trump siffle la fin de la récréation

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Des étudiants et des partisans pro-palestiniens se sont rassemblés et ont prié devant l’université de Columbia pour protester contre l’arrestation et la détention, par les services de l’immigration, de Mahmoud Khalil, étudiant et organisateur pro-palestinien à Columbia. New York, le 14 mars 2025 © Laura Brett/Sipa USA/SIPA

Une pétition monstre réclame aux États-Unis la libération de l’étudiant étranger Mahmoud Khalil. La carte verte de ce militant pro-palestinien a été révoquée par l’administration Trump, et il devrait être expulsé. Ses soutiens invoquent sa liberté d’expression et le premier amendement de la Constitution pour le défendre.


À la suite des attaques terroristes du 7-Octobre, le chaos s’était emparé de nombreuses grandes facultés américaines, bastions de la jeunesse démocrate et largement acquises à la cause palestinienne. Manifestations de soutien aux terroristes du Hamas, violences à l’encontre d’étudiants de confession juive… Tout cela n’avait suscité ni indignation ni réaction suffisante de la part des directeurs des établissements débordés concernés. L’arrestation de l’activiste propalestinien Mahmoud Khalil, étudiant à Columbia, et son expulsion annoncée du territoire américain marquent la fin de cette impunité, comme l’avait promis Donald Trump.

La première arrestation d’une longue série

Le 9 mars, des agents de l’immigration ont effectivement arrêté l’étudiant né en Syrie, détenteur d’une carte verte et revendiquant des origines palestiniennes, pour son implication dans les manifestations propalestiniennes qui ont secoué le campus de Columbia. Selon une déclaration de Donald Trump sur son réseau Truth Social, l’arrestation de cet « étudiant pro-Hamas est la première d’une longue série à venir ».

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Columbia, Sciences-Po: les étudiants, les idiots utiles du Hamas

Durant ces manifestations, le Wall Street Journal[1] rapporte que Mahmoud Khalil occupait la fonction de négociateur en chef pour le compte de la Columbia University Apartheid Divest (CUAD), une coalition anti-israélienne. De son côté, le National Review[2], célèbre mensuel conservateur, révèle que M. Khalil était également correspondant aux affaires politiques auprès de l’UNRWA, une organisation dont les liens avec le Hamas ont été fréquemment dénoncés ces derniers mois. Certains de ses défenseurs mettent en avant son rôle de « négociateur » comme preuve de son pacifisme. Pourtant, des éléments récents viennent contredire cet argument déjà fragile. Le National Review souligne que Khalil était notoirement connu comme l’un des leaders des nombreuses manifestations pro-Hamas. La secrétaire de presse de la Maison Blanche affirme qu’il ne se contentait pas d’organiser des rassemblements visant à « harceler les étudiants juifs américains », mais qu’il diffusait également de la propagande pro-Hamas. Le magazine Newsweek[3] révèle de son côté que Khalil a été accusé d’avoir carrément organisé un événement glorifiant les attaques du 7-Octobre. Difficile, dans ces conditions, de dresser le portrait d’un étudiant pacifiste aux airs de gentil hippie inoffensif. Mais les soutiens de l’étudiant étranger arrêté crient à l’injustice et demandent au gouvernement américain de fournir des preuves de ces accusations. Les Démocrates, soucieux de rester dans la course politique et prêts à tout pour ne pas tomber dans un oubli qui leur tend les bras, n’ont pas hésité à prendre la défense de cet étudiant qu’ils présentent comme une victime de l’administration Trump.

Il fallait s’y attendre, selon certaines représentants démocrates, Trump embastillerait un gentil étudiant en bafouant son droit à la liberté d’expression (« free speech »). Mais, cette liberté connaît des limites : soutenir un groupe terroriste et stigmatiser une population en raison de sa confession ne devraient pas en faire partie. Or, c’est précisément ce que faisait le CUAD, selon le Wall Street Journal, qui rappelle que cette organisation a déclaré en octobre 2024 son soutien à « la libération, par tous moyens nécessaires, y compris la résistance armée ».

Aveuglement idéologique

Est-ce ainsi que la gauche conçoit la liberté d’expression ? 14 élus démocrates ont adressé une lettre ouverte à la secrétaire d’Etat pour la sécurité intérieure, Kristi Noem, demandant la libération immédiate de Khalil, qu’ils considèrent comme un prisonnier politique. Parmi les signataires figure la représentante démocrate du Michigan, Rashida Tlaib, connue pour avoir accusé Joe Biden de « soutenir le génocide du peuple palestinien » dans un tweet publié en juillet 2023 et supprimé depuis.

A lire aussi, Jean-Michel Blanquer: Penser le 7-Octobre en exorciste

Si Mahmoud Khalil s’était contenté d’agiter pacifiquement un drapeau palestinien, il ne se serait évidemment pas retrouvé dans cette situation. Donald Trump, qui a promis d’être le président de tous les Américains, entend protéger également les étudiants juifs, leur garantissant un environnement universitaire sûr. Les Démocrates sont-ils à ce point aveuglés qu’ils ne voient pas que, dans cette affaire, c’est bien Trump qui défend la véritable liberté d’expression ? Les étudiants juifs ne devraient-ils pas, eux aussi, pouvoir jouir de cette liberté sur les campus, sans craindre pour leur intégrité physique ? On frissonnerait presque en imaginant ce qu’il serait advenu si la « camarade Kamala », comme l’appellent ironiquement les trumpistes, avait accédé au Bureau Ovale…

Une mobilisation opportuniste

Par aveuglement idéologique ou par pur calcul électoral, les Démocrates ont appelé à manifester pour la libération de Mahmoud Khalil. L’impayable Alexandria Ocasio-Cortez a dénoncé le « traitement inhumain »[4] infligé à Khalil, en faisant une nouvelle cause politique pour un parti en pleine crise. Ainsi, selon les estimations du Wall Street Journal, plus de 300 manifestants se sont rassemblés jeudi 13 mars devant… la Trump Tower, pour exprimer leur indignation. Outre l’absurdité du choix du lieu – Trump résidant évidemment à la Maison Blanche et non à New York – cette manifestation illustre une fois de plus que les Démocrates ne reculeront devant rien pour cimenter leur électorat sur des bases intersectionnelles. Quitte à fracturer encore davantage la société américaine.

https://twitter.com/SecRubio/status/1899892869332173133

[1] https://www.wsj.com/opinion/mahmoud-khalil-green-card-trump-administration-cuad-columbia-israel-hamas-ecdc4424?mod=Searchresults_pos2&page=1

[2] https://www.nationalreview.com/news/ice-detains-palestinian-activist-who-led-anti-israel-encampments-at-columba-university/

[3] https://www.newsweek.com/who-mahmoud-khalil-columbia-university-grad-detained-ice-2041925

[4] https://www.washingtontimes.com/news/2025/mar/12/free-mahmoud-khalil-democrats-rally-stop-deportation-anti-israel/