Après le livre lacrymal, l’ex-première dame de France Valérie Trierweiler s’essaie au tweet pleurnichard. Remerciée de Paris Match après tente ans de service, elle confie son « état de choc et de sidération » à la planète entière ».
Il y a des jours où on se dit en lisant un tweet : « pas vous, pas ça ». Où dans un second temps on sourit en pensant : « c’est le coup de pied de l’âne » pour finir en ayant la certitude que Bossuet avait raison quand il écrivait : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».
Ainsi, ce tweet de Valérie Trierweiler qui en dit long sur la déconnexion des élites : « j’ai appris en plein cœur de l’été et pendant mes congés de façon extrêmement brutale mon licenciement de Paris Match où je travaillais depuis trente ans. Ce licenciement sans aucun motif valable me laisse en état de choc et de sidération ».
j’ai appris en plein cœur de l’été et pendant mes congés de façon extrêmement brutale mon licenciement de Paris Match où je travaillais depuis trente ans. Ce licenciement sans aucun motif valable me laisse en état de choc et de sidération. #parismatch
L’ex-première Dame de France vient donc d’apprendre à ses dépens qu’on pouvait en France se faire virer du jour au lendemain et que cela n’était pas très agréable. Pourtant, après trente ans de journalisme à Paris Match, n’avait-elle jamais entendu parler des dernières mines qui fermaient dans le Pas-de-Calais ou en Lorraine , d’usines devenues des symboles qui mettaient la clef sous la porte comme Arcelor-Mittal à Gandrange, les manufactures d’armes à Saint Etienne, Tulle ou encore Le Mans ou encore toutes nos usines textiles ou presque suite à l’ouverture du marché européen aux produits chinois ?
Les merveilles de la casse sociale
Des mineurs, des métallos, des câbleuses ou des couturières qui se retrouvaient sur le carreau après trente ans de boite et qui, inemployables et n’ayant pas le carnet d’adresse de Valérie Trierweiler, ont fini au RSA avant de toucher une retraite de misère pour cause de carrière incomplète quand ils n’ont pas parfois mis fin à leurs jours. Une situation parfaitement résumée par la chanson de Bernard Lavilliers « Les mains d’or ». Des cas qui n’ont a priori pas ému tant que ça Valérie Trierweiler qui encensait l’Europe, une Europe en grande partie responsable de cette désindustrialisation massive. Mais il est vrai que ce n’étaient que des sans-dents…
Et cet été, Valérie Trierweiler vient de découvrir les merveilles de la casse sociale, de la dérégulation du marché du travail, de la plus grande facilité pour les entreprises de virer les gens en leur payant moins d’indemnités et en ne risquant pratiquement plus rien aux prud’hommes. Elle peut dans ce domaine remercier son ex, un certain François Hollande, pour la Loi Travail, alias Loi El Khomri, qui avait mis des milliers de français dans la rue en 2016.
Gauche antisociale perd son sang-froid
Elle peut aussi remercier le fils prodigue de son ex, un certain Emmanuel Macron, ancien ministre et collaborateur à l’Elysée pour les ordonnances travail. Bref, toute cette gauche qui a abandonné le combat social pour le combat sociétal et la lutte des classes pour la lutte des races. Une gauche tant vantée par cette même Valérie Trierweiler qui déclarait dans Le Parisien le 1er septembre 2013 : « Je suis une femme de gauche, vraiment ancrée à gauche »,une phrase qui sonne sept ans plus tard comme le remake d’une chanson de Serge Lama dans laquelle le refrain se concluait par « Je suis cocu mais content ».
On imagine que Valérie Trierweiler va bien négocier son départ avec ses avocats et que les Restaurants du cœur ne la verront pas débarquer de sitôt mais ce tweet tombé de nulle part au milieu de l’été ne mérite qu’un commentaire : « Merci pour ce moment ! »
Avec le portrait de son père, Roland Jaccard a fait des émules. Dans un tout autre style, Pierre Cretin lui emboîte le pas, croquant un père amateur de football et de plaisirs simples.
Mon père ne prononçait pas de maximes définitives. Il ne citait pas Marc Aurèle. Il n’avait pas un regard désabusé ni tragiquement pessimiste sur la vie et sur les hommes. Mon père ne m’enseignait rien, ne me murmurait pas à l’oreille des conseils philosophiques sur la façon de gérer la vie et la mort.
Mon père était comme bien des pères. Il essayait de vivre et de faire vivre sa famille, bon an mal an. Il prenait chaque matin le bus et le métro pour se rendre au travail. Et il était content quand le samedi arrivait.
Avec lui, j’ai partagé des match de foot au Parc des Princes où nous soutenions le Racing. Parfois nous allions au stade de Colombes pour les rencontres internationales, il contrôlait les billets à l’entrée pour arrondir les fins de mois. Cela me permettait d’entrer gratuitement dans le stade.
Il m’a aussi souvent emmené à la pêche, et appris à jouer à la belote. Mon père fumait des gitanes, et aussi la pipe. Il aimait faire des mots croisés, écouter la famille Duraton à la radio, se balader sur les grands boulevards comme un vrai badaud qu’il était, pour regarder les vitrines et me montrer les bonimenteurs de trottoirs, les avaleurs de sabre ou de grenouilles… petits métiers disparus. Il aimait aussi regarder les jolies femmes qui passaient sur ces boulevards.
Mon père lisait Franc-tireur, puis ce fut Le Parisien, ou Paris-Jour, je ne sais plus. Mais il aimait aussi les livres. Il me récitait de mémoire « Waterloo morne plaine » ou « Lorsque le pélican lassé d’un long voyage… », et bien d’autres encore. J’entends encore sa voix me lisant, quand j’étais petit, chaque soir à ma demande, « La chèvre de Monsieur Seguin », j’espérais tellement qu’un soir elle puisse ne pas mourir au petit matin…
Mon père n’était pas un héros mais il avait un doux sourire. Et ce sourire, et cette douceur, c’est tout ce qu’il m’a enseigné. Et tous les textes de Marc Aurèle, de Baltasar Gracián
ou de George Orwell réunis n’offriront jamais plus beau viatique pour vivre qu’un seul de ces sourires. C’est peut-être pour cela que je ne suis pas suicidaire…
Israël et la France ont constitué un véritable couple au vrai sens du terme, avec ses dérives et ses turbulences. Ils sont passés par toutes les phases : le flirt, l’idylle, l’amour fou, la passion, la querelle, la haine, l’indifférence, la séparation, la réconciliation et le divorce. L’histoire de ce couple a progressivement pris l’allure d’un véritable thriller. Voici la première partie de cette longue histoire.
L’idylle
Israël doit sa création à l’affaire Dreyfus qui joua le rôle de déclic salutaire en suscitant l’éveil juif. Le journaliste autrichien Theodor Herzl, sensibilisé et révolté par l’accusation, exposa son rêve d’un État juif qui fut concrétisé par David Ben Gourion le 14 mai 1948. La France avait apporté sa contribution minimum à la création de cet État.
En ce temps, l’allié principal d’Israël était l’URSS qui apporta son soutien psychologique et moral, ses dogmes et son idéologie et qui a confié aux pays de l’Est le soin de fournir des armes et des munitions. L’URSS était alors impressionnée par la vivacité du socialisme israélien qui avait trouvé une application concrète sur le terrain. Les pionniers de l’époque, tous issus des pays de l’Est, étaient imprégnés de l’idéologie marxiste.
C’est ce qui avait poussé Andreï Gromyko à déclamer son discours, en 1948, à la tribune de l’ONU avec un magnifique vibrato : «Pour ce qui concerne l’État juif, son existence est un fait, que cela plaise ou non. La délégation soviétique ne peut s’empêcher d’exprimer son étonnement devant la mise en avant par les États arabes de la question palestinienne. Nous sommes particulièrement surpris de voir que ces États, ou tout au moins certains d’entre eux, ont décidé de prendre des mesures d’intervention armée dans le but d’anéantir le mouvement de libération juif. Nous ne pouvons pas considérer que les intérêts vitaux du Proche-Orient se confondent avec les explications de certains politiciens arabes et de gouvernements arabes auxquelles nous assistons aujourd’hui».
La France a eu du mal à digérer l’indépendance d’Israël au point de mettre plusieurs mois avant de reconnaître le nouvel État. Les États-Unis et la Russie l’ont fait, le 15 mai 1948, dès le lendemain de la résolution de l’ONU. Le président Truman avait signé lui-même cette reconnaissance dans une courte lettre où les États-Unis reconnaissaient, de jure (de droit) et non de facto (de fait), le gouvernement provisoire.
En revanche, les relations diplomatiques avec la France ne furent établies que le 24 janvier 1949, sept mois plus tard, par une lettre conditionnelle, signée par un fonctionnaire du Ministère des affaires étrangères : «J’ai l’honneur de vous faire connaître que le gouvernement de la République française a décidé de reconnaître le Gouvernement provisoire d’Israël comme gouvernement de fait. Cette décision ne préjuge pas de la délimitation définitive par les Nations-Unis du territoire sur lequel il exercera son autorité».
Déjà à ce moment, le Quai d’Orsay, dont certains membres étaient prêts à voter contre la résolution, refusait la création d’un État juif. Dans une position médiane, il proposa que la France s’abstienne lors du vote historique du 29 novembre 1947 à l’ONU. Le ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, sensible aux arguments de son administration, tenait à préserver les relations avec la Syrie et le Liban. Mais les pressions conjointes du nouveau président du Conseil, Robert Schuman, et de l’ancien chef du gouvernement provisoire, le très influent Léon Blum, avaient fait basculer le vote de la France, en dernière minute, au grand dam de certains diplomates du Quai d’Orsay, dont certains n’avaient pas hésité à qualifier leur propre pays de «république bananière».
Certes l’hésitation de la France pouvait se justifier alors car elle jugeait d’un mauvais œil les liens privilégiés d’Israël avec le bloc communiste qui fournissait alors la majorité des armes utilisées contre le mandataire britannique, l’allié qui avait permis la libération de la France. Par ailleurs, l’État juif était pratiquement considéré, par son idéologie communiste, comme un satellite de l’URSS. Le danger d’être catalogué comme un pays du rideau de fer n’avait pas échappé au visionnaire David Ben Gourion. Il opéra un changement stratégique brutal en appuyant les États-Unis contre la Corée (1950-1953) soutenue par l’Urss. Ce soutien sonna le glas des relations avec les pays de l’Est et mit Israël dans une situation d’isolement dramatique au moment où les besoins en armement devenaient vitaux face aux raids meurtriers menés par les fédayins palestiniens.
Les jeunots Peres et Dayan
Le problème algérien et Nasser vinrent à point nommé pour orienter une frange politique française, pas forcément socialiste, vers le soutien au sionisme. Vincent Auriol, premier président de la IV° République, fut l’instigateur en 1954 de la signature d’un important contrat d’armement entre le jeune Shimon Peres et le ministre Catroux, préfigurant ainsi une alliance tacite contre Nasser. Le président justifia ainsi sa décision : «En ce qui concerne la question palestinienne, la donnée fondamentale pour nous est que nous ne pouvions pas admettre la défaite d’Israël. Une victoire arabe se serait traduite par un accroissement de l’agitation en Afrique du Nord. Un État juif au centre du monde arabe était pour nous une garantie de sécurité et d’équilibre».
Le colonel Nasser avait fait son coup d’État le 23 juillet 1952 avec l’idée de devenir le champion du panarabisme. Depuis 1954, les Français étaient embourbés dans la guerre d’Algérie. Guy Mollet, président du Conseil, et Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense, étaient persuadés que le cœur du FLN était au Caire et qu’en abattant Nasser, ils pouvaient mater la révolte algérienne. La nationalisation du canal de Suez, un véritable camouflet, persuada les Anglais et les Français que des mesures militaires étaient inéluctables. Ils se tournèrent alors vers Israël car ils savaient que le jeune et bouillant chef d’État-Major de 41 ans, Moshé Dayan, rêvait d’en découdre avec les fédayins qui traversaient la frontière en apportant avec eux la mort dans les kibboutzim des frontières.
Ainsi, bien avant la crise de Suez, du 11 avril à la mi-mai 1956, des contrats avaient été signés à l’insu du ministère français des affaires étrangères. De cette période idyllique date le début de l’animosité avec le Quai d’Orsay qui abritait des diplomates issus d’une vieille aristocratie catholique, profondément pro-arabe, parfois antisémite. Le ministre de la Défense Bourgès-Maunoury avait ainsi rapporté qu’en «raison de nos litiges et nos chicanes avec le Quai d’Orsay, il fut convenu que, dans la politique relative à Israël, l’administration du Quai n’y serait en aucun cas mêlée». Cette mise à l’écart avait été mal ressentie par le Quai d’Orsay qui n’eut de cesse que d’obtenir sa revanche.
Le 28 septembre 1956, un bombardier français conduisit en France une délégation secrète composée de Moshé Dayan, Shimon Peres, Golda Meir et Moshe Carmel, le ministre des transports. Le 1er octobre 1956, ils furent reçus dans l’appartement de Louis Mangin, conseiller de Bourgès-Maunoury, parce que le chef d’état-major français craignait que le secret soit éventé : «je ne peux pas recevoir dans mon bureau le général Dayan, grand mutilé de guerre; il porte un bandeau noir sur l’œil gauche et il n’est pas facile à camoufler». Tandis que Peres, Dayan et même Begin, de passage «par hasard» à Paris, s’affichaient dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, le Général Beaufre, aidé de l’amiral Barjot, planifiait la campagne de Suez de 1956 qui pris le nom de code «Kadesh». Le général Challe, qui se distingua plus tard en Algérie, raccompagna Dayan en Israël, ce qui leur permit de tisser, durant le voyage de retour, des liens étroits professionnels.
Mais les dirigeants français étaient décontenancés par l’équipe de «jeunots» israéliens conduite par Moshé Dayan, 41 ans, et le gamin Shimon Peres, 33 ans, alors que l’état-major français comptait des vieux militaires illustres qui s’étaient distingués sur les champs de bataille de la Seconde Guerre Mondiale. Ils exigèrent donc d’avoir la caution personnelle du premier ministre israélien qui se rendit secrètement à Sèvres, le 21 octobre 1956, avec Moshe Dayan, «le borgne qui fait peur aux arabes», Golda Meir et Shimon Peres pour rencontrer Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense. Guy Mollet, le chef du gouvernement, les rejoignit un peu plus tard pour finaliser l’expédition militaire de Suez.
Le nucléaire israélien
Dans une atmosphère pesante, Ben Gourion, qui n’était pas un va t’en guerre, estimait à juste titre que le conflit avec Nasser concernait d’abord la France et la Grande-Bretagne. Il hésita à entrer en guerre sauf s’il recevait des garanties et des contreparties. Dans le dos du chef de la diplomatie française qui avait été écarté, Ben Gourion s’était laissé persuader, le 21 octobre, de lancer les paras de Dayan dans le Sinaï en échange d’un engagement de la France de donner la bombe nucléaire à Israël. Les Israéliens obtinrent aussi une couverture navale et aérienne de leur territoire grâce à plusieurs avions français, peints aux couleurs israéliennes, mais pilotés par des aviateurs français jusqu’en Israël.
C’est à cette occasion qu’une étroite coopération franco-israélienne s’amorça grâce aux efforts de Shimon Peres qui réussit à acquérir, auprès de la France, le premier réacteur nucléaire de Dimona et, auprès de l’avionneur français Dassault, le Mirage III, un avion de combat à réaction le plus évolué de l’époque. Ben Gourion accepta de donner sa caution personnelle à l’expédition éclair qui devait mener les troupes israéliennes, le 29 octobre, sous la conduite du général Dayan et d’un jeune colonel de 28 ans, Ariel Sharon, jusqu’au Canal de Suez avec la protection aérienne franco-anglaise. L’opération n’ira pas à son terme car le président Eisenhower, à peine élu et soumis à la menace nucléaire russe, préféra faire plier les alliés en les obligeant à évacuer l’Égypte.
Fin de l’idylle
L’idylle franco-israélienne dura dix ans dans l’intérêt des deux pays, alors dirigés par des socialistes, à la fois pour le développement des échanges commerciaux et pour la collaboration des industries de haute technologie. L’entente se poursuivit pour atteindre son apogée à l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle qui décida d’y mettre fin.
Les relations d’Israël avec la France durant les septennats du général de Gaulle, de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing sont faciles à analyser, il n’y en eu pas. Dès son arrivée en 1958, le général de Gaulle donna l’ordre à son ministre des Affaires étrangères, Couve de Murville, de vider le Quai d’Orsay de ses éléments socialistes et pro-Algérie française. Il décréta un embargo sur les armes en pleine guerre de Six-Jours. Son successeur Georges Pompidou le prolongea. L’incident de la fuite des cinq vedettes de Cherbourg, commandées et payées par Israël, donna le coup de grâce aux relations idylliques. Le président Giscard s’était rapproché de l’Iran en acceptant sur le sol français, en octobre 1978, l’ennemi du Shah, l’ayatollah Khomeiny, avec l’espoir d’être payé en retour en pétrole devenu rare après la guerre du Kippour de 1973.
Les mandats de François Mitterrand puis de Jacques Chirac avaient permis un rééquilibrage de la politique française vis-à-vis d’Israël. D’ailleurs François Mitterrand avait consacré sa première visite officielle en Israël. Selon les sondeurs, la défaite de Giscard en 1981 avait été due au vote massif des amis d’Israël bien que le vote juif, contrairement aux États-Unis, n’existe pas en France. François Mitterrand s’était entouré de nombreux ministres juifs. Il avait des relations particulières et personnelles avec le premier ministre de droite, Menahem Begin. Si François Mitterrand avait beaucoup insisté sur l’attachement de la France à la reconnaissance et à la sécurité d’Israël, sa politique était cependant empreinte de grande continuité. Le gouvernement avait les yeux fixés sur la ligne de la balance commerciale extérieure, axée sur la diversification des échanges. Son ministre des Affaires étrangères pro-arabe Claude Cheysson avait favorisé des contrats avec les pays arabes et un rapprochement avec la Syrie et l’OLP (Organisation de libération de la Palestine).
Arafat et l’OLP
Les Israéliens, qui attendaient beaucoup de François Mitterrand, furent déçus du soutien de Paris aux revendications nationalistes palestiniennes. Il soutenait en effet le droit des Palestiniens à un État et s’était posé en protecteur de l’OLP, lors de l’opération Paix en Galilée lancée par Israël contre le Liban en 1982. Pendant l’opération, grâce à la médiation française, Yasser Arafat et les dirigeants de l’OLP avaient pu s’exiler en Tunisie. Mitterrand entreprit un resserrement des relations avec l’organisation en invitant notamment Yasser Arafat à Paris en mai 1989 lui donnant ainsi une véritable légitimité. Mais cette proximité avec l’OLP ne lui a pas permis de jouer un rôle central dans le processus de paix d’Oslo commencé en 1993, durant lequel la France est restée exclue par la volonté israélienne.
La révélation du passé trouble du président sous le gouvernement de Vichy provoqua de nouvelles tensions non seulement avec Israël mais également avec la communauté juive de France.
Souvent cité mais peu lu, Alexandre Douguine apparait comme un penseur obscur et fantasmé. Ni éminence grise du Kremlin, ni marginal sans influence, le chantre de l’eurasisme est une personnalité qui intrigue. La lecture de son Appel de l’Eurasie (2013) permet de mieux saisir sa pensée et sa personne.
Fièrement francophone et profondément francophile, Alexandre Douguine a développé une relation intellectuelle et humaine avec Alain de Benoist. C’est l’un de leurs entretiens qui est transposé dans ce livre, dans lequel les grands thèmes de l’Eurasie sont évoqués. Leur dialogue débute par une discussion sur l’origine de l’eurasisme, doctrine née dans l’émigration russe blanche des années 1920. Le courant de pensée eurasiste est l’héritage du débat entre occidentalistes et slavophiles qui, comme l’a prouvé Michel Heller, traverse toute l’histoire de la Russie.
L’eurasisme, une pensée originale
L’eurasisme est une doctrine de l’espace et d’un espace en particulier : l’Eurasie. La définition de ce mot n’est pas chose aisée. L’Eurasie, c’est à la fois une plaque continentale et le royaume de la steppe. C’est l’Europe et l’Asie qui fusionnent, mais également l’ancien Empire des Romanov. Ou serait-ce les anciens territoires de l’URSS ? Ou simplement la Russie actuelle ? Quoi qu’il en soit, les eurasistes se mettent d’accord sur un point, comme le rappelle la chercheuse Marlène Laruelle : « l’Empire est pour eux la construction naturelle de l’espace eurasien. » Pour Alexandre Douguine, le point essentiel de l’eurasisme, c’est l’affirmation de la Russie non pas comme un pays européen, ni comme un pays du tout, mais comme une civilisation à part entière, distincte à la fois de l’Europe et de l’Asie. Cette proposition, déconcertante il est vrai, est à l’origine de la pensée de l’auteur russe et du rôle messianique qu’il attribue à son pays.
L’eurasisme est obsédé par les grandes idées et en particulier par le « destin » de l’Eurasie. Cette obsession fait de cette école de pensée un laboratoire d’idées neuves et ambitieuses. Le concept de « démotie » par exemple, du penseur Nicolaï Alexeiev, est inventé pour remplacer celui de démocratie. La démotie est comprise comme un régime où le peuple n’est pas seulement représenté par des élections, mais où il participe activement à son destin. Cette définition dénote bien-sûr une vision pessimiste de la démocratie libérale, qui aurait manqué à ses promesses de « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Toutefois, Douguine souligne que c’est un terme nécessaire pour définir les aspirations de certaines nations qui n’ont plus confiance dans le modèle politique occidental. Il aspire à fonder en Eurasie une véritable démotie et nous invite à repenser le lien implicite qu’on tisse inconsciemment entre démocratie libérale représentative et participation populaire à la destinée de la nation.
Un autre penseur exploré durant l’entretien est Lev Goumilev (1912-1992), qui fit revivre les thèses eurasistes dans les années 1950. Cet historien met notamment l’accent sur l’aspect tellurique de la nation, développant la notion de « lieu-développement », dans une espèce d’hyper déterminisme où « le lieu décide de tout : l’espace comme destin ». Goumilev fonde également le terme de « passionarité », pulsion qui traverse les ethnies et les individus, et qui les pousse à accomplir des « exploits dépassant l’horizon de la vie quotidienne ». Douguine reprend à son compte ces idées pour décrire l’évolution du monde moderne d’une manière quasi biologique, mettant en avant la diminution de la passionarité chez certains peuples, notamment les russes, entrainant leur déchéance politique et morale.
Cette partie de l’ouvrage pourrait être balayée d’un revers de la main, considérée comme une lubie grand-russienne permettant de justifier une domination sur ses voisins. Toutefois ces idées, et surtout leur réactualisation, témoignent du malaise qui persiste chez certains russes face aux idées européennes dominantes de démocratie, de libéralisme et même de positivisme, considérées comme insuffisantes ou manquant d’élévation. L’eurasisme répond par une doctrine plus spirituelle qui donne un poids considérable à l’espace, à la terre et aux racines. Mais l’eurasisme ne s’arrête pas à des abstractions. Douguine milite également pour une certaine organisation du monde moderne.
L’Eurasie contre l’Occident
L’eurasisme c’est aussi une certaine vision du monde et de l’équilibre international. Concernant cet aspect, le point central de la doctrine concerne l’Occident. Douguine considère que ce dernier a cessé depuis longtemps d’être une réalité géographique pour devenir un concept géopolitique et civilisationnel. Le penseur russe souhaite donc que l’Eurasie connaisse la même évolution pour devenir le « concept antithétique de celui d’Occident ». Le rejet de la démocratie libérale illustre cette ambition. Cette opposition, Douguine la perçoit comme violente et inévitable : l’Eurasie doit unir les civilisations contre celle qui prétend être La Civilisation. On sent en filigrane une proximité avec les théories de Samuel Huntington, telles que développées dans Le Choc des civilisations. La dichotomie entre « civilisations » et « Civilisation », ainsi que la tension qui naît inévitablement de la rencontre de ces deux concepts, occupent un rôle clé dans le maître-ouvrage du professeur de Harvard. (…)
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Mettre toutes les « radicalités identitaires » dans le même sac, comme le fait le sociologue Manuel Boucher dans un ouvrage collectif, n’a pas de sens.
Interviewé par Marianne à l’occasion de la parution du livre qu’il a coordonné Radicalités identitaires : la démocratie face à la radicalisation islamiste, indigéniste et nationaliste, Manuel Boucher me semble, malgré quelques analyses intéressantes, faire des confusions dangereuses.
Leur universalisme et le nôtre
Je suis un universaliste. Je sais par expérience que si certaines cultures, certaines éducations sont de toute évidence plus propices que d’autres à l’épanouissement de ces qualités qui font la grandeur de l’Homme, celle-ci n’est l’apanage d’aucune couleur de peau, d’aucune ethnie, d’aucun sexe, d’aucune orientation sexuelle, d’aucun milieu social. Je sais de même qu’il n’est nulle turpitude humaine dont quiconque serait miraculeusement préservé, ou à laquelle quiconque serait irrémédiablement condamné, en raison de sa couleur de peau, de son ethnie, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son milieu social.
Mais je sais également qu’il n’y a, en pratique, aucun universalisme hors sol. Mon privilège n’est pas d’avoir telle ou telle couleur de peau, mais de vivre dans une société où l’on considère encore qu’il est légitime d’admirer à la fois Plutarque et Meng Tseu, Jeanne d’Arc et le général Yue Fei, les symphonies de Beethoven et les mélodies de Yokoyama Seiji. L’universalisme ne peut s’épanouir que dans une culture, une civilisation, qui le considère comme faisant partie de son identité.
Je suis donc aussi un identitaire. Tout privilège impose des devoirs : j’ai le devoir et l’honneur de défendre l’identité de la civilisation occidentale. Non qu’elle soit la seule bonne. Je pleurerais si le Japon renonçait à son identité. Je célébrerai le jour où la dictature des Mollahs tombera et où l’Iran renouera avec sa véritable identité, celle du Shahnameh, de ses héros magnifiques et de ses héroïnes admirables, dont les héritières se battent pour enlever leurs voiles. Mais ici et maintenant, j’observe que l’identité occidentale est la seule à pouvoir garantir concrètement la pérennité de ce qu’il y a de meilleur dans notre société, y compris sa dimension universaliste.
Le multiculturalisme, ce lâche renoncement
Et je m’oppose fermement à ce multiculturalisme qui n’est qu’un lâche renoncement aux exigences du sens moral et de la raison, puisqu’il met sur le même plan cultures universalistes et cultures tribales, cultures soucieuses de la dignité et de la liberté de l’Homme et cultures qui rêvent d’un asservissement du monde à des règles arbitraires, cultures attachées à l’égalité des droits civiques entre femmes et hommes et cultures réifiant les femmes pour en faire les possessions des hommes, ou les enfermant dans une minorité juridique perpétuelle.
En affirmant que « salafo-jihadisme », « indigénisme » et « extrême droite identitaire » seraient fondamentalement semblables, Manuel Boucher fait une erreur dramatique.
Je pourrais rappeler que seuls les deux premières de ces idéologies prétendent détruire notre civilisation, la troisième n’incarnant peut-être pas ce qu’elle a de meilleur mais (en dehors éventuellement de quelques groupuscules marginaux) ne menaçant ni son existence, ni son essence.
Je pourrais souligner que seules les deux premières sont expansionnistes et conquérantes, alors que la troisième ne vise qu’à préserver une tradition sur son territoire.
Je pourrais montrer que seules ces deux-là se veulent messianiques et aspirent à faire table rase du passé pour instaurer le règne d’un « homme nouveau », et qu’en cela c’est de la Gauche qu’elles se rapprochent, ce que confirment d’ailleurs leurs alliances électorales, notamment avec EELV et LFI.
Toutes les identités ne se valent pas
Je pourrais évoquer le fait que parmi ces « radicalités identitaires » il en est qui rassemblent des milliers de personnes dans des manifestations illégales sans être inquiétées, alors qu’une autre se contente de déployer une banderole.
Je pourrais parler du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et des travaux de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, droits qu’il est parfaitement légitime que les peuples occidentaux revendiquent pour eux-mêmes.
Mais je préfère insister sur une chose encore plus importante : toutes les identités ne sont pas équivalentes. Dès lors, observer que quelqu’un défend une identité, fut-ce en radicalisant cette défense, ne doit pas faire oublier une question bien plus cruciale : de quelle identité s’agit-il ?
Or, dans son interview, Manuel Boucher parle d’identité et d’identitaires en général, comme si l’attachement à une identité culturelle était de même nature que l’obsession pour une identité raciale. Il y a pourtant entre les deux des différences fondamentales, différences politiques, philosophiques, éthiques, même métaphysiques !
Nationalisme = suprémacisme ?!
Lorsqu’on lui pose comme première question « En quoi le djihadisme, l’indigénisme et le nationalisme sont des « radicalités identitaires » ? » (et je ne doute pas que cette formulation soit inspirée par le propos général du livre) Manuel Boucher répond sans introduire la moindre nuance entre « nationalisme » et « suprémacisme racial ». Les deux ne sont pourtant absolument pas la même chose, et s’opposent au moins aussi souvent qu’ils s’unissent : en France comme ailleurs, l’action de nombreux nationalistes dans les résistances contre l’abomination nazie en témoigne.
Plus loin, il est question en vrac d’extrême droite et de « nationaux populistes », sans faire la différence pourtant essentielle entre extrême droite et ultra-droite. Et tous ces « nationaux populistes » auraient en commun de parler de « mondialisme » plutôt que seulement de « mondialisation » : est-ce à dire que Michel Onfray et toute l’équipe de Front Populaire seraient d’extrême droite ?
Lui-même utilise l’expression « particulièrement raciste à l’encontre de la civilisation arabo-musulmane » : là encore, aucune distinction entre la notion de rejet d’une « race » et celle de rejet d’une civilisation (ou en réalité, ici, d’opposition à ses volontés hégémoniques).
Paul Valéry et Marc Bloch identitaires
« Cette nébuleuse identitaire est obnubilée par un sentiment de décadence de la « civilisation occidentale » perçue comme en danger de mort et exprime une hantise du mélange des « races » et des cultures. » Ce qui est mélangé, ce sont les notions d’identité, de sentiment de décadence, de hantise du mélange des « races » et de hantise du mélange des cultures ! Bien sûr, certains groupes « cochent toutes ces cases », mais de là à considérer que ceux que n’en cocheraient qu’une partie ne seraient inévitablement que des versions édulcorées de ceux qui les cochent toutes…. Paul Valéry parlant de la mortalité des civilisations, ou Marc Bloch déplorant que nous ayons perdu le sens des « antiques péans », étaient-ils donc des précurseurs de la « nébuleuse identitaire » ?
Je me dois enfin de relever les guillemets mis à « civilisation occidentale », tout comme je note que Manuel Boucher semble considérer comme acquis que notre société est multiculturelle, que c’est ainsi, que s’y opposer suffirait à faire de vous un membre de cette « nébuleuse identitaire » et, puisque vous auriez alors nécessairement la hantise du mélange des « races », un raciste.
Je n’ignore pas qu’il y a, parmi ceux qu’il est convenu d’appeler les « identitaires de droite », quelques véritables racistes. C’est d’ailleurs une imposture qu’il est plus que temps de dénoncer.
L’identité occidentale repose sur trois piliers : l’Antiquité, la Chrétienté et les Lumières, et ce sont trois universalismes. Dire que toutes les civilisations, toutes les cultures, toutes les religions ne se valent pas relève du bon sens : l’abolition de l’esclavage est supérieure à sa réinstauration, la condamnation des sacrifices humains est supérieure à leur apologie, l’interdiction de l’excision est supérieure à sa pratique. Mais juger un individu selon sa couleur de peau, ou croire que sa couleur de peau suffirait à lui interdire de faire sien notre héritage, de s’enraciner dans nos racines et d’appartenir pleinement à notre peuple, sont des non-sens qui contredisent radicalement tout ce qui fait de nous ce que nous sommes : notre identité.
Défense de l’Occident
Nous sommes les héritiers de l’idéal médiéval des Neuf Preux : trois héros païens, trois héros juifs, trois héros chrétiens, et des Neuf Preuses. Les héritiers de Wolfram von Eschenbach, pour qui le métis Feirefiz était bien évidemment un chevalier à part entière, avec toutes les obligations et toute la dignité que cela implique. Les héritiers d’Isocrate, qui affirmait que « nous avons fait du nom de Grecs celui de la culture, et non de la race. » Les héritiers de Sénèque, qui enseignait que « tous ces grands hommes sont tes ancêtres, si tu te rends digne d’eux » et que « tous les hommes, si l’on remonte à l’origine première, sont enfants des Dieux. »
Il est fondamental de proclamer que l’on ne peut pas à la fois accepter le racisme et défendre sérieusement l’identité occidentale. Mais il est tout aussi fondamental d’affirmer haut et fort que, n’en déplaise à une certaine Gauche, la défense de cette identité n’est en aucun cas à mettre sur le même plan que la promotion d’un projet théocratique totalitaire ou d’un suprémacisme racial.
Ancien militant du RPR, le PDG de Sud Radio Didier Maïsto revendique sa fibre populaire. Ce soutien inconditionnel des Gilets jaunes dénonce la trahison des élites politico-médiatiques. Chroniqueuse sur son antenne, Elisabeth Lévy lui apporte la contradiction.
Causeur. Je dois préciser que vous êtes mon employeur puisque j’officie sur Sud Radio, la station dont vous êtes PDG. Votre livre tient de l’autobiographie, de la profession de foi politique et de l’investigation, car vous y relatez notamment le scandale de la chaîne Numéro 23. Pour un « passager clandestin », vous n’avez pas mal réussi.
Didier Maïsto. Je suis entré par effraction dans un certain nombre de milieux. Dans ma famille, c’était déjà compliqué. Mes parents étaient divorcés, et j’ai vécu avec mes grands-parents. Je n’ai certes pas manqué d’amour, mais j’ai dû devenir autonome très vite. À 18 ans, j’étais en hypokhâgne à Toulon, mais j’avais un peu le démon de l’aventure, je suis parti sillonner les routes d’Europe pour des courses de moto avec un cousin. Ensuite j’ai repris des études de droit et de lettres. Et j’ai intégré la rédaction du Figaro Magazine.
Et vous vous êtes retrouvé au RPR…
Si, trente ans avant les Gilets jaunes, j’ai rejoint le RPR, c’était par admiration pour les idées sociales et souverainistes de Philippe Séguin. Etant le fruit d’une immigration italienne complètement assimilée qui a pu prendre l’ascenseur social, je suis attaché à la nation française. J’adore la France avec ses excès, ses manques, ses frustrations, ses affrontements spectaculaires. J’ai travaillé pour quatre députés, avec des ministres, des hauts fonctionnaires, créé le Club du 4 novembre pour soutenir la candidature de Jacques Chirac, alors que toute la classe politique et les médias étaient sous le charme d’Édouard Balladur. Comme ils le seront sous celui d’Emmanuel Macron en 2017…
L’élection de Chirac a été un vaste malentendu, pour ne pas dire une arnaque…
Sans doute : on avait fait campagne sur la fracture sociale, la France pour tous, bref les idées de Séguin, et on s’est retrouvé avec Juppé à Matignon !
Tout ce que vous avez vu dans le monde politique vous indigne, des accointances libyennes de Patrick Ollier aux réseaux d’intérêts sur le mode « passe-moi la rhubarbe, je te file le séné ». Ce n’est pas très nouveau dans les collectivités humaines.
Que des individus ou des groupes humains perdent de vue l’intérêt général, tant qu’ils ne sont pas financés par l’argent public, et tant qu’ils prennent leurs responsabilités dans leurs entreprises ou clubs sportifs, même si c’est contestable sur le plan moral, ça reste leur affaire. La politique, c’est autre chose…À l’issue des années Mitterrand (une autre belle arnaque !), l’opposition prétendait incarner une volonté populaire. J’étais tout jeune, ma déception a donc été à la mesure de mes attentes. J’ai compris que le pire endroit pour faire avancer des idées, c’était un parti politique !
Tout de même, vous avez bien dû rencontrer des gens intègres, soucieux de respecter leurs promesses ?
J’ai rencontré des gens intègres, qui respectaient leurs promesses… jusqu’à un certain point. Mais vous devez suivre la ligne du parti. Sinon, vous êtes broyé. D’abord parce que les investitures sont données par les partis politiques. Ensuite parce que la Ve République n’est pas du tout une démocratie parlementaire, mais une monarchie républicaine…
Peut-être, mais elle a la faveur des Français…
En êtes-vous sûre ? Aujourd’hui, nous assistons à un mouvement mondial de protestation des citoyens – désigné comme populiste –, qui exprime surtout une demande forte de participation à la vie publique. Seulement, la politique est devenue un métier et même le métier de ceux qui n’en ont pas ! Et quand vous êtes payé, forcément vous n’allez pas scier la branche sur laquelle vous êtes assis…
Ce n’est pas dans la politique que l’on fait fortune de nos jours !
Je ne suis pas inspecteur des impôts, mais dès qu’on s’intéresse au sujet, on découvre des patrimoines immobiliers sans commune mesure avec l’argent déclaré !
Vous évoquez une corruption endémique et généralisée. A supposer que cela ait existé à ce point, il n’est pas sûr que cela perdure, alors qu’on se demande parfois qui, du politique ou du juge, gouverne le pays.
Je ne suis pas non plus pour la République des juges ou l’inquisition. Mais tous les citoyens doivent être jugés de la même façon. Or, les dernières affaires démontrent à quel point la Justice obéit au pouvoir politique. Pour les campagnes présidentielles, les dépenses sont plafonnées à 22 millions, mais une campagne coûte cinq fois plus cher. Tout le monde le sait et pourtant la Commission des comptes de campagne et le Conseil constitutionnel valident tout. Au bout du bout, les élus sont rarement inquiétés. Et on peut découvrir des années plus tard que des gens qu’on pensait être parangons de vertu cachaient des choses. Pensez aux comptes en Suisse de Raymond Barre…
Les comptes en Suisse, c’est une chose, les finances de campagne une autre. Et puis, trouvez-vous que Nicolas Sarkozy n’est jamais inquiété ? On a écouté ses conversations avec son avocat, espionné d’autres avocats, Mediapart ne le lâche pas d’une semelle et il n’y a pas de condamnation. Alors, si la justice est aux ordres, c’est à ceux de l’opinion et des médias, pas du pouvoir.
La justice est aux ordres… et les ordres changent en fonction des majorités. En dépit du retentissement médiatique, on s’intéresse à des détails. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, l’histoire du juge de Monaco est croquignolesque, mais dérisoire. Ce qui est beaucoup plus important, ce sont les rapports qu’il a eus avec Mouammar Kadhafi, les possibles potentiels financements, l’accueil qu’on lui a réservé, alors que c’était un terroriste international.
On a négocié l’accueil contre un arrêt de son soutien au terrorisme. C’était peut-être une mauvaise décision politique (quoique), pas une faute pénale.
Mais Kadhafi a été assassiné – je pèse mes mots – et les mêmes qui allaient se prosterner sous sa tente gardée par ses fameuses Amazones – en réalité ses esclaves sexuelles dont certaines avaient à peine 14 ans – ont applaudi au nom des droits de l’homme. Quant au terrorisme, il se développe partout. On a eu la défaite, plus le déshonneur.
Kadhafi n’était pour rien dans les attentats de l’EI. Cela dit, voulez-vous vraiment être gouvernés par des gens exemplaires et ternes ?
Que nous ayons des dirigeants hauts en couleur, dotés d’une faconde mode Balkany, impolis comme peut l’être Sarkozy, très bien. Les comportements et les paroles à la Audiard, c’est truculent, c’est la France, on aime ça, on préfère des élus qui nous ressemblent, et qui ne soient pas tout gris. Mais on peut aussi être tout cela, tout en restant honnête.
La plupart des gens ne sont pas malhonnêtes, sans être honnêtes à 100 %. Vous confondez les petits manquements et la corruption de haut vol, le financement politique et les comptes en Suisse. Du coup, le monde est divisé entre les voleurs et les volés. Cette conception est très largement partagée par les Gilets jaunes. Dès le début du mouvement, vous êtes, racontez-vous, redevenu journaliste. Téléphone portable en main, vous avez relaté tout ce que vous voyiez. Et vous écrivez : « J’aime les Gilets jaunes, sans restriction. » Aucun rédacteur en chef ne demanderait à un journaliste un reportage sur la femme qu’il aime. L’amour rend aveugle…
Ne soyez pas manichéenne avec moi comme l’ont été les médias mainstream avec les Gilets jaunes ! Je ne sais pas si je suis aveugle, mais la répression a quand même fait 25 borgnes. Ça, c’est la réalité.
Ne soyez pas manichéens avec les médias. Comme souvent, ils ont commencé par adorer, puis ils se sont lassés. Comme beaucoup de Français…
Les médias mainstream n’ont jamais « adoré ». Leurs principaux animateurs, de Patrick Cohen à Jean-Michel Aphatie, ont eu des propos terribles dès le début, sans jamais aller sur le terrain. Le service public n’a pas été en reste. Renaud Dély (France Info) a parlé de « vermine » et Roselyne Febvre, cheffe du service politique de France 24 a évoqué « une espèce d’écurie de branquignols », avec « un goût pour la violence, l’antisémitisme, le racisme, le complotisme, bref tout ce qu’il y a de pire chez l’homme ». Je ne l’ai pas inventé.
Ça, ce n’était pas au début. Mais revenons à votre engagement.
Il y a eu un acte déclencheur. J’étais sur la route nationale 12, je me suis arrêté à un rond-point pour parler avec les Gilets jaunes. En rentrant, incapable de dormir j’ai écrit un texte : « Je suis vulgaire comme un Gilet jaune ». Je parlais de la France laborieuse, la France de ceux qui fument des clopes et roulent au diesel, des ouvriers et des petits patrons. La France des troquets, du tiercé et des plats du dimanche. La France, qui n’est ni de droite ni de gauche – ou un peu des deux. La France des illettrés, des harkis, des légionnaires, la France des prostituées et des poissonnières, la France de ceux qui ont choisi la France pour y vivre, y travailler et y mourir. Bref, la France de ceux qui ne sont rien, mais pas personne.
Ce texte a eu un fort retentissement chez les Gilets jaunes. Mais quand je me suis retrouvé dans l’émission de Pascal Praud, vous étiez la seule à me défendre, Maurice Szafran vitupérait et avait la bave aux lèvres. Gérard Leclerc était révulsé.
Eh bien, il y a des gens que vos idées révulsent. Mais quand vous parlez d’un « système basculant vers le totalitarisme avec l’aide de l’écrasante majorité des éditocrates », vous charriez grave. Dans un régime totalitaire, les gens seraient-ils sortis sur les ronds-points ?
Très vite les cabanes des ronds-points ont été détruites et les gens fortement verbalisés. Ensuite ils ont été mutilés. Avant la présidentielle, j’avais dit que si Emmanuel Macron était élu, nous basculerions dans le chaos et le soft-fascisme. Les médias mainstream s’en étaient offusqués. Et aujourd’hui ? C’est le syndrome de la grenouille plongée dans la casserole d’eau froide. Elle finit cuite.
Je ne vois toujours pas de fascisme, même soft… Mais je vois chez les Gilets jaunes la tentation de la violence et la propension à transformer le désaccord politique en haine personnelle.
Au départ, les Gilets jaunes étaient pacifiques. Je reconnais que ceux qui ont eu le courage de continuer à manifester se sont radicalisés. Le pouvoir politique a fait faire le sale boulot aux forces de l’ordre. Emmanuel Macron a choisi la manière forte et le théâtre avec son « Grand Débat ». On voit le résultat. Même les policiers se retournent désormais contre ce pouvoir, qui pourtant ne tient plus que par… la police. Nous sommes dans une séquence prérévolutionnaire, plus aucune parole n’est perçue comme légitime.
Seulement, il n’y a pas le moindre projet révolutionnaire. Les manifestations se sont soldées par un nombre anormal de blessés graves, parmi les manifestants, mais aussi les policiers et gendarmes. Vous livrez à ce sujet un certain nombre d’observations troublantes.
Je suis loin d’être anti-flic. J’ai beaucoup de policiers et de gendarmes dans ma famille. Mais à l’acte X, le 19 janvier 2019, j’ai vu des jeunes gens, intimider, provoquer, insulter les policiers, puis franchir les cordons très tranquillement. C’est facile de lancer un slogan dans une foule, et de le faire reprendre par les plus excités. « C’est ta première manif, me disait-on, maintenant c’est comme ça ». À l’époque, il y avait encore beaucoup de familles, le mouvement ne s’était pas radicalisé.
Des policiers en civil dans une manif, c’est vieux comme le monde et c’est nécessaire, pour le maintien de l’ordre et pour le renseignement. Peut-être y a-t-il eu des manipulations. Mais vous avez tort de conforter les Gilets jaunes dans la conviction que leur colère leur donne tous les droits. Beaucoup ont participé aux saccages et empêché d’honnêtes commerçants de travailler. Fallait-il leur laisser l’espace public ?
Au début, les Gilets jaunes espéraient que les policiers allaient baisser les boucliers et que ça allait aboutir… Que le pouvoir allait se mettre autour d’une table et trouver une réponse politique.
Mais aboutir à quoi ? Se mettre autour d’une table avec qui ?
De toute façon, ça ne risquait pas d’arriver, alors que le pouvoir leur a livré une guerre.
Le président a débloqué 10 milliards et ceux qui avaient hurlé pour les cinq euros d’APL ont dit que c’étaient des miettes. Peut-on occuper la rue pendant un an sans proposer de solution politique ?
Si vous me demandez s’il était pertinent de manifester autant, la réponse est non ! Les Gilets jaunes ne sont pas une force politique, ni apolitique : ils sont transpolitiques. Ils remettent en cause le système dit représentatif et demandent plus de participation…
Eh bien, après la Convention citoyenne pour le climat, j’aime encore plus la démocratie représentative, même imparfaite…
C’est encore une forme de représentation viciée, car cette convention a été encadrée par des militants verts radicaux, ce n’est pas très clair ce tirage au sort ! Mais je suis favorable à un recours accru au référendum. Bien sûr, il faut le réserver à des questions qui sont vraiment d’intérêt général, la relocalisation, l’industrie ou le système de santé sinon cela tournera forcément à une vaste réunion de copropriété ou chacun défendra son bout de trottoir !
Le système politique ne parvient plus à fabriquer de légitimité, et les élites sont décriées. Cela ne signifie pas que les Gilets jaunes soient légitimes pour imposer leurs points de vue.
En tout cas, les Gilets jaunes ont mis le doigt sur les vrais problèmes. Cependant, peut-être que le problème essentiel ne tient pas aux institutions, aux entités, aux fonctions, mais aux personnes qui les représentent ou les occupent. Donnez-nous de bons gouvernants, de bons juges, un bon président du CSA, un bon président de la République et vous aurez de bons gouvernés. Les Français ne sont pas si bornés. Rien n’est inéluctable, Sodome et Gomorrhe ont fini par être détruites.
Jusqu’au 21 août, une rétrospective parisienne permet de découvrir une œuvre cinématographique trop souvent présentée comme élitiste alors que sa simplicité parle à tous : celle du réalisateur japonais Ozu.
SI vous aimez le cinéma qui touche au cœur, si vous n’avez jamais vu de film du grand maître japonais, ce peut être pour vous l’occasion d’une révélation, un bonheur rare et stimulant en matière artistique.
Less films d’Ozu, proposent une expérience cinématographique d’une incroyable richesse émotionnelle et esthétique. Et pourtant il ne s’agit généralement que de simples histoires familiales, presque banales, à l’image de ce que nous vivons tous : les relations parents-enfants, les séparations, les retrouvailles, la vieillesse et la mort, le temps qui passe inexorable…Le cinéma d’Ozu est un miroir magique qui nous donne à voir notre humanité en ce qu’elle a de plus essentiel.
Une esthétique de la douceur
Mais son style tout en douceur invite à aller au-delà de l’attitude du spectateur passif. En réalité, l’envoûtement est tel que les films d’Ozu sont davantage une expérience de la contemplation, de la méditation sur le mystère, de la banalité et la grandeur du destin des hommes. Bien sûr la conception bouddhiste de la vacuité des choses, et de leur impermanence, n’est pas étrangère à son œuvre. Et pourtant, ce qui nous touche au plus profond, c’est la vibration des choses, la densité des êtres, la force expressive de chaque plan.
Chez Ozu, quand deux personnages dialoguent en champ-contre champ, chacun d’eux est face caméra, comme s’il s’adressait au spectateur. Nous sommes en quelque sorte immergés dans la situation. Puis d’autres plans ne filmeront qu’une pièce ou un couloir vide que les personnages viennent de traverser. Ou un immeuble, un train qui passe, une cheminée qui fume… Et ce vide est tout vibrant d’humanité. Exactement comme dans le jardin Zen du Ryoanji à Kyoto (quelques rochers sur une cour de graviers) on peut sentir vibrer l’univers dans toute son étendue spatiale et temporelle.
Ozu, une leçon de cinéma
Pour qui voudrait apprendre ce qu’est le cinéma, les films d’Ozu sont une leçon. On y comprend comment chaque plan éclaire celui qui le précède et celui qui le suit, on saisit toute l’importance du rythme et de la durée, on comprend le rôle des absences et des silences.
Ici le respect est total. Pas de suspens, pas de violence, pas de sexe, pas de numéro d’acteur, pas de mouvements de caméra, aucune ficelle pour tirer à soi le spectateur. Juste le partage d’un regard et une tension émotionnelle qui court tout au long de l’histoire.
Comme Ozu ne triche pas nous le suivons avec confiance et la poésie émerge, l’humanité se fait évidence et nous sommes cueillis par l’émotion, émotion parfois proche d’une illumination et que transmet si puissamment le regard d’une infinie douceur de son actrice fétiche Setsuko hara.
Le seul problème avec Ozu c’est que, s’il vous touche, vous voudrez voir tous ses films, il y aura peut-être même une période où vous ne supporterez rien d’autre, et dans tous les cas il fera de vous un spectateur plus exigeant.
Le cinéma d’Ozu nous apprend à voir le cinéma, mais aussi le monde et les êtres qui nous entourent.
La mort à soixante ans
A noter que sur les cinq films proposés il en est un qu’il est moins nécessaire de voir pour une découverte d’Ozu, qui est une pure et savoureuse comédie: Bonjour.
Les quatre autres sont tous d’indispensables chefs d’œuvre, dont sa dernière et inoubliable création, Le goût du saké, sortie en 1963 un mois avant son décès le jour de ses 60 ans.
L’histoire partagée de la France et l’Afrique s’étend sur plus de cinq siècles. À la fois source de tensions, de partage, de développement et de rivalités, c’est avant tout une histoire complexe qui nécessite d’être appréhendée de façon dépassionnée.
Chaque année, outre thèses et mémoires, sortent en France et en Afrique une dizaine d’ouvrages touchant de près l’histoire de la colonisation française en Afrique : traite des Noirs, esclavage, racisme, travail forcé, travail des enfants…. L’auteur en a recensé plus de 500 parus en langue française depuis 1960. Pourtant il n’a trouvé nulle part une lecture transversale d’une histoire de la présence française en Afrique qui commence dès le XVe siècle, au moment où les premiers navires marchands français se présentent dans le golfe de Guinée et qui n’est pas close aujourd’hui où les interventions militaires, les pressions politiques et les relations économiques continuent à peser sur le destin des peuples.
Traquer dans la relation des faits la désinformation dont cette histoire a été victime
Jean Paul Gourévitch, spécialiste des migrations et de l’Afrique, où il a travaillé comme consultant international pendant 25 ans, a enseigné à l’Université Paris XII et est l’auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages. Il a été commissaire de cinq expositions internationales. Il ne traite que de l’Afrique noire subsaharienne c’est à dire des 14 colonies et protectorats devenus les pays du « pré carré » de l’influence française : Mauritanie, Sénégal, Guinée, Mali, Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, Congo, Gabon, République centrafricaine, Cameroun, Tchad, plus Madagascar. Ainsi que la Réunion et l’Île Maurice qui ne peuvent être dissociées de l’histoire de la colonisation française. C‘est déjà un champ immense puisqu’il couvre cinq siècles d’histoire ! Précisons que parmi les pays colonisateurs c’est la France qui a exercé la tutelle la plus longue et sur l’espace le plus large. Cette présence française, qui s’entend dans ses dimensions économique et politique, mais aussi touristique, médicale, et culturelle, est le fait aussi bien d’initiatives personnelles que de l’intervention de l’État, tant il est vrai que c’est souvent l’État qui a ratifié des opérations conduites de façon individuelle et parfois illégale par des explorateurs, des aventuriers, des scientifiques, des militaires ou des marchands.
La tragédie africaine
La tragédie africaine fait partie des mises en scène que l’actualité réveille à chaque épisode. De calamités naturelles en faillites industrielles et de crise des matières premières en années blanches, le continent africain vivrait aujourd’hui en marge du développement. Il s’enfoncerait dans la misère, la pauvreté, et la corruption. Les campagnes sont vouées à la désertification, dévastées par les criquets ou les luttes tribales. Les taches brunes des génocides se multiplient sur les cartes : RDC, Rwanda, Libéria, Nigeria, Sierra Leone, Somalie… Depuis les indépendances, aucun pays africain n’a connu une totale paix civile. Les combats politiques, les persécutions religieuses et ethniques, ont ensanglanté le Congo-Brazzaville, Madagascar, le Tchad, la Casamance, la Côte d’Ivoire, la République centrafricaine, les confins du Mali et du Niger. Le terrorisme islamiste omniprésent au Nigeria et au Sahel pousse ses tentacules du Burkina Faso jusqu’au Cameroun.
L’afro-optimisme
Il ne convient nullement de nier ces faits ; mais de les replacer dans le contexte d’une histoire longue et comparative. Car aucun continent, pas même l’Europe, ce foyer d’humanisme et de civilisation qui a éclairé le monde, n’a été à l’abri des calamités et destructions ! Il convient de prendre de la hauteur, nous invite Jean-Paul Gourevitch. Après tout, nous montre t-il, depuis soixante ans qu’on prédit la faillite du continent, l’Africain continue à survivre et certains font fortune ! Regardez les sportifs, les musiciens, les artisans d’art, les bijoutiers, les créateurs de mode ! La musique africaine fait danser aujourd’hui la jeunesse du monde entier. Il existe un cinéma africain, un théâtre africain, un art africain qui ne sont plus confisqués par les Occidentaux parce que l’Afrique a appris à préserver son patrimoine. Se découvrent des îlots de réussite incontestable du côté des infrastructures routières, portuaires, ferroviaires et aériennes, des coopératives artisanales, de la formation des cadres, de la prise de conscience par les femmes de leur pouvoir. On sait vivre en Afrique, accueillir l’étranger, prendre le temps d’observer et d’écouter, réconcilier tradition et modernité. (…)
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Pour l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la capture et le stockage du CO2 présentent un intérêt «limité». Une thèse contredite, entre autres, par l’Agence internationale de l’énergie, le World Economic Forum, l’Académie des sciences américaine ou l’Imperial College de Londres. Pour eux, ces technologies sont même indispensables à la transition. Cherchez l’erreur…
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et notamment de CO2, liées à l’énergie, il n’existe que deux moyens. Le premier consiste à en émettre moins, en en consommant moins et en utilisant des énergies dites décarbonées pour les substituer aux énergies fossiles. Ce processus est en cours, mais comme toutes les transitions énergétiques de l’histoire, il est lent et difficile. Et plus encore au XXIème siècle compte tenu de l’échelle de la transformation à faire et parce que dans des domaines clés grands consommateurs d’énergie comme les transports, le chauffage, l’industrie et l’agriculture, il existe peu ou pas d’énergies de substitution aux carburants fossiles. Cela signifie qu’il faudra impérativement utiliser le second moyen pour réduire les émissions de CO2, empêcher qu’elles se répandent dans l’atmosphère en les capturant et en les stockant ensuite, notamment dans le sous-sol. Il s’agit certainement d’un pis-aller, d’une technologie à usage limité pendant quelques décennies, mais nous n’avons pas vraiment le choix.
Le jugement moral de l’Ademe
Au-delà des discours automatiques, faciles et moralisateurs sur le fait que nous devons nous passer immédiatement des énergies fossiles, peu de personnes prennent la mesure de l’échelle des transformations à mener. Nous (l’humanité) brûlons chaque année 10 gigatonnes de carburants fossiles pour nous déplacer, nous chauffer, nous nourrir, nous soigner, nous éduquer, communiquer, nous divertir… Il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui sans énergies fossiles. Comment chauffer en hiver des centaines de millions de logements? Comment produire 1,6 milliard de tonnes d’acier, 4,6 milliards de tonnes de ciment et 180 millions de tonnes d’ammoniac par an? L’industrie n’a pas aujourd’hui de solutions réalistes, viables et à grande échelle et n’en aura pas, au mieux, avant quinze à vingt ans.
Alors bien sûr, la capture et le stockage du CO2 sont des technologies naissantes et très perfectibles. Elles sont contestées, voire rejetées par les adeptes de la décroissance et bon nombre d’écologistes qui y voient un moyen d’échapper aux efforts de réduction de consommation et même pour l’industrie de ne pas changer ces méthodes de production. Il y a une part de vérité dans cette thèse. Mais il s’agit aussi d’une vision moralisatrice et certainement pas pragmatique d’un problème à résoudre. Elle se refuse à voir la réalité telle qu’elle est, à savoir que 80% de l’énergie consommée dans le monde est d’origine fossile et que 90% de l’humanité n’a aucune intention de réduire sa consommation d’énergie et a même l’ambition de l’augmenter. Sans réelle surprise, l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) est sur cette ligne idéologique. Cette agence gouvernementale a une tendance grandissante à défendre des thèses plutôt qu’à faire des évaluations objectives. L’Ademe donc, dans une étude publiée fin juillet, souligne que la capture et le stockage de COE a un «potentiel limité» et qu’il s’agit d’une technologie «anecdotique au niveau mondial». Il faut donc «l’envisager en tant que dernière étape dans une stratégie de décarbonation commençant par les actions plus matures et performantes (l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables)», parce qu’elle «reste un pari risqué». Le problème fondamental pour l’Ademe est que «le CSC [Capture Stockage géologique du CO2] permet de réduire les émissions d’une source fortement émettrice de CO2 à grande échelle sans en changer fondamentalement le moyen de production…». La méthode pose un problème moral…
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À seulement 26 ans, Stella Kamnga démonte les discours victimaires d’Assa Traoré, Rokhaya Diallo ou autres encenseurs du ressentiment anti France. Après la publication d’une vidéo publiée sur Youtube devenue virale, elle est la nouvelle cible des professionnels la victimisation. Entretien.
Alexis Brunet. Vous venez du Cameroun. Le ressentiment contre les Français y est-il fort ?
Stella Kamnga. Pas au Cameroun en particulier, mais venant de la diaspora oui. Il y a une partie qui s’est bien implantée, qui a fait de bonnes études et qui a réussi socialement, ceux-là on ne les entend pas. L’autre partie qui n’a pas réussi est très bruyante sur les réseaux sociaux. Ce sont eux qui distillent un sentiment anti France et anti-blanc.
En arrivant en France il y a trois ans, avez-vous eu des problèmes d’intégration ?
Non pas du tout. Je n’ai jamais ressenti de racisme à mon égard, ni petite phrase, ni racisme « systémique ».
La vidéo qui vous a fait connaître a déjà été vue plus de 140 000 fois sur Youtube. Pourquoi l’avez-vous faite ?
J’ai décidé de faire cette vidéo à la suite de l’échange entre le leader de la LDNA et Jean Messiha. Mais avant cela, il y a eu le déboulonnage de statues, le mouvement pour le « Black Lives Matter » qui est monté en puissance, le mouvement « Justice pour Adama » et enfin la LDNA, sans compter tout ce qu’on a pu lire sur les réseaux sociaux. Là c’était trop. Ça m’a énervé et j’ai décidé qu’il fallait rétablir la vérité : n’importe qui voulant réussir en France, qu’il soit étranger ou natif, a vraiment la possibilité de faire ce qu’il veut, contrairement à d’autres pays, notamment d’Afrique.
Vous attendiez-vous à ce qu’elle ait autant de succès ?
Non pas du tout, je n’imaginais pas que ça allait prendre une telle ampleur avec son lot de détracteurs. Mes principaux détracteurs viennent de la diaspora en France mais j’ai des soutiens venant d’Africains vivant en Afrique. Ceux-là comprennent mon discours. Il y a un problème de cohérence. Il y a des personnes qui expliquent que la France est raciste et il y a des Africains qui sont quand même prêts à risquer leur vie pour arriver en France. J’ai fait cette vidéo pour rétablir les faits, pour expliquer pourquoi ces Africains veulent venir en France, et pourquoi ceux qui disent que la France est raciste ne veulent pas du tout retourner en Afrique.
On a l’impression qu’il y a une minorité très active qui parle au nom des Noirs de France sans être représentative. Les gens d’origine africaine qui sont heureux en France ont-ils peur de s’exprimer publiquement ?
Oui, il y a un peu de peur car tout le monde n’a pas un mental d’acier pour subir les insultes et l’opprobre sur les réseaux sociaux. Les Africains qui sont arrivés ici et qui ont bien réussi ne veulent pas se mêler de ça. Je pense d’ailleurs que c’est un sentiment typiquement français. C’est comme ça qu’il y a des nombreuses agressions physiques sans que personne ne réagisse. J’en ai été témoin dernièrement dans le métro parisien. Un Blanc s’est fait agressé par des Noirs. Il y avait deux Blancs jeunes d’apparence musclée qui pouvaient intervenir, ils ne l’ont pas fait. J’ai reçu de nombreux témoignages du même genre. Les Africains qui ont réussi ont pris ce même pli, tant qu’il ne se sentent pas concernés directement, tant que l’on ne s’attaque pas à eux personnellement ou à leur famille, ils estiment qu’ils n’ont pas à prendre position. Moi je prends position parce que la montée du communautarisme veut faire croire que les Français sont racistes alors que ce n’est pas le cas et veut faire croire qu’il existe un délit de faciès, ce qui est faux. Quand des policiers vont dans un quartier et se font caillasser par des personnes majoritairement d’origine maghrébine ou africaine, c’est un peu normal que quand ils vont dans ces quartiers ils se protègent, et qu’ils soient plus méfiants et plus vigilants.
Les immigrés qui se comportent mal en France font du mal à ceux qui se comportent bien. Moi par exemple, j’ai voulu demander un prêt étudiant pour m’acquitter de mes frais de scolarité. La banque m’a clairement fait comprendre qu’elle n’accorderait plus de prêts aux étudiants étrangers parce que certains avaient pris des prêts et sont rentrés dans leurs pays respectifs sans les rembourser. Cette banque que je ne citerai pas n’accorde donc plus de prêts aux étudiants étrangers. Ce n’est pas du racisme, je comprends parfaitement la situation, c’est de la méfiance. À cause de ces immigrés qui ont mis un sacré bazar et qui mettent les gens mal à l’aise, ceux qui viennent d’arriver comme moi sont obligés de redoubler, même de tripler d’efforts pour s’affirmer et montrer que nous sommes différents de ces personnes-là. Ceux-là sont quasiment inexistants dans le débat public. On n’entend pas leur voix.
A la suite de vos prises de position publiques, vous avez reçu beaucoup de soutiens. N’avez-vous pas peur d’être récupérée politiquement ?
Je ne suis pas une politicienne et je ne souhaite pas entrer dans un mouvement politique. Je ne peux pas être responsable de ce que des politiciens peuvent faire de mes paroles. Je suis responsable de ce que je dis, pas de la façon dont ça peut être interprété. Ce que je dis relève simplement des positions d’une citoyenne qui en a marre. Cette position-là n’est pas propre à un parti politique ou à une idéologie. Si je sors dans la rue et que j’en ai marre de voir un groupe de personnes qui fout le bazar, qui met le désordre partout et qui met les gens mal à l’aise, je pense que si je le dis ça ne relève pas d’un discours politique, je pense que tout le monde en a marre. Si j’habite dans un lotissement et que je dis qu’il y a des personnes en particulier qui font du bruit, le dire ne relève pas d’un bord politique, ça relève d’un voisin qui en a marre comme tous les autres, tout simplement.
Je ne fais que communiquer ce que je constate et je souhaite aussi rétablir la balance par rapport aux médias qui font exprès, j’ai envie de dire, de mettre de l’huile sur le feu. Les médias donnent toujours la parole aux mêmes personnes. Ils valorisent toujours les même. Le comité « Justice pour Adama » a été encensé par Le Monde, Le Figaro ou BFM TV alors qu’à la base, ce mouvement ne devait pas être encensé. Quand Assa Traoré prend la parole pour parler au nom des Noirs je ne me sens pas représentée. Moi je veux être représentée par quelqu’un qui a fait des études et surtout, qui pose les problèmes réels de la société. Le crack, la prostitution et le délit de faciès, je ne me sens pas concernée. Je ne deale pas de crack. Si c’est une réalité dans des quartiers de Seine-Saint-Denis, j’aimerais qu’elle le spécifie au lieu de généraliser pour en faire la cause d’une communauté tout entière. Je refuse d’être représentée par ces personnes-là.
Justement, avez-vous eu des contacts avec des personnes comme Assia Traoré ou Rokhaya Diallo ?
Non mais je ne suis pas contre. Si elles veulent échanger ou avoir un débat je n’ai aucun problème avec ça. Contrairement à ceux qui me détestent, j’estime que tout le monde à le droit à la parole. D’ailleurs, j’ai quand même une petite dent contre vous, Causeur, c’est par rapport à la tribune que vous avez offerte à Rokhaya Diallo (rires). J’en ai marre d’écouter ou de lire cette femme qui passe son temps à se plaindre. Je résumerai son discours en une formule : chialerie + ingratitude = minorité dite victime. Rokhaya Diallo estime que les gens comme moi qui sont reconnaissants envers la France ne devraient pas l’être. Selon son discours, des chose que j’ai ici devraient aller de soi. La liberté d’expression, la liberté de travailler ou d’aller à l’école sont des droits qui, selon elle, devraient aller de soi et je ne devrait donc pas être reconnaissante envers la France. Je suis contre cette façon de penser. Pourquoi ? Parce que je viens d’un pays où il n’y a pas de liberté d’expression, où si tu tiens un discours qui va l’encontre de l’État, ta vie peut être en danger, pas forcément de la part de l’État mais de la part de personnes qui sont zélées. Quand on tient un discours qui va à l’encontre du discours populaire, ceux qui n’ont pas d’argument préfèrent t’agresser ou même te supprimer. Je viens d’un pays comme ça où de plus, l’éducation est très chère et n’est pas à la portée de tout le monde, d’un pays où pour avoir un travail décent, il faut souvent avoir du piston. En France, je suis rentrée sans piston dans des entreprises que je n’aurais jamais pu intégrer au Cameroun. Oui, je suis reconnaissante à la France de m’avoir montré que si on veut on peut. Je suis reconnaissante à la France car elle a un éventail de possibilités. Il suffit juste de choisir et d’être déterminé, ce qui n’est pas le cas dans mon pays d’origine. Je viens d’un pays où les gens n’ont pas le luxe de pouvoir se plaindre en permanence.
Vous parlez justement dans une de vos vidéos des Africains qui se plaignent de la police française alors qu’ils pourraient être tués par un policier pour une broutille dans leur pays d’origine. Par ailleurs, vous démontez bien le discours du suprémaciste noir Kemi Seba. Comment expliquez-vous que son discours ait autant de succès, du moins sur les réseaux sociaux ?
Beaucoup d’Africains sont réfractaires à la vérité. J’en parlerai plus en détails dans mon livre quand il sortira. Je mets en lumière ce que beaucoup veulent cacher. Les Africains veulent qu’on les caresse dans le sens du poil, ils veulent qu’on leur dise qu’ils ont raison tout le temps. Mon discours aime beaucoup l’Afrique, ne vous y méprenez pas, sauf que moi, j’aime l’Afrique d’une manière différente. Ma manière, c’est de pousser l’Afrique à se lever par elle-même et d’arrêter d’attendre à chaque fois l’aide des pays étrangers. Soixante ans après leur indépendance, l’Afrique demeure le continent qui a besoin d’aide, je trouve que c’est malheureux ! C’est pathétique de vivre éternellement comme ça ! Un homme comme Kemi Seba va distribuer des masques pour le coronavirus et ça y est, il est le héro de l’Afrique. Pour aider les Africains, il faut leur apprendre à cultiver eux-mêmes, il faut leur offrir l’accès à la connaissance, pas leur offrir l’amour de Dieu.
Les discours comme ceux de Kemi Seba ou Rokhaya Diallo sont des discours victimaires qui à chaque fois encouragent les Africains à se reposer sur leurs lauriers et à penser que le coupable c’est la France. Le problème des Africains ce n’est pas la France, c’est leur mentalité et leurs dirigeants. Quand il y a un coup d’État, ils savent très bien que le seul pays qui est capable des les aider c’est la France. Ceux qui disent qu’il faut sortir du franc CFA sans proposer de véritable solution alternative le font car ils savent très bien que c’est ce que les Africains veulent entendre. Les Africains aiment entendre ce discours qui dit que tous leurs malheurs viennent de la France. Aujourd’hui pourtant, qui détient la dette africaine ? La Chine. La Chine détient 70 % de la dette africaine ! Les Africains restent aveuglés par ce discours qui rend la France responsable de leurs malheurs alors qu’aujourd’hui le véritable colon en Afrique ce n’est pas la France mais la Chine.
Après la diffusion de vos vidéos, avez-vous reçu des menaces ?
Évidemment. Un grand nombre d’Africains de la diaspora est réfractaire à la vérité. Pour eux, dès qu’on dit une idée qui est contraire à leur croyance, beaucoup sombrent dans les menaces de mort, dans les menaces de viol et tout ce qui va avec. Mais je continuerai. Tant qu’ils ne s’arrêteront pas, je ne m’arrêterai pas. Tout dépend d’eux. J’estime que les gens qui pensent comme moi devraient aussi prendre la parole. Cela est très important pour qu’on marque la différence entre-nous et ces personnes-là. Moi je suis pour envoyer ses enfants à l’école et leur faire faire leurs devoirs. Je suis pour les personnes qui veulent vraiment réussir et qui ne portent pas un discours victimaire à chaque fois. La vie ne fait de cadeaux à personnes. Je préférerais entendre des personnes qui portent un discours de volonté d’aller de l’avant que d’entendre à chaque fois des gens qui veulent des aides, qui pensent qu’on ne les apprécie pas ou qu’on veut même les tuer. Cela est un discours de paranoïa et on ne peut pas vivre dans un monde en étant paranoïaque.
Valérie Trierweiler. SIPA/BALETEL. Numéro de reportage : 00871322_000012
Après le livre lacrymal, l’ex-première dame de France Valérie Trierweiler s’essaie au tweet pleurnichard. Remerciée de Paris Match après tente ans de service, elle confie son « état de choc et de sidération » à la planète entière ».
Il y a des jours où on se dit en lisant un tweet : « pas vous, pas ça ». Où dans un second temps on sourit en pensant : « c’est le coup de pied de l’âne » pour finir en ayant la certitude que Bossuet avait raison quand il écrivait : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».
Ainsi, ce tweet de Valérie Trierweiler qui en dit long sur la déconnexion des élites : « j’ai appris en plein cœur de l’été et pendant mes congés de façon extrêmement brutale mon licenciement de Paris Match où je travaillais depuis trente ans. Ce licenciement sans aucun motif valable me laisse en état de choc et de sidération ».
j’ai appris en plein cœur de l’été et pendant mes congés de façon extrêmement brutale mon licenciement de Paris Match où je travaillais depuis trente ans. Ce licenciement sans aucun motif valable me laisse en état de choc et de sidération. #parismatch
L’ex-première Dame de France vient donc d’apprendre à ses dépens qu’on pouvait en France se faire virer du jour au lendemain et que cela n’était pas très agréable. Pourtant, après trente ans de journalisme à Paris Match, n’avait-elle jamais entendu parler des dernières mines qui fermaient dans le Pas-de-Calais ou en Lorraine , d’usines devenues des symboles qui mettaient la clef sous la porte comme Arcelor-Mittal à Gandrange, les manufactures d’armes à Saint Etienne, Tulle ou encore Le Mans ou encore toutes nos usines textiles ou presque suite à l’ouverture du marché européen aux produits chinois ?
Les merveilles de la casse sociale
Des mineurs, des métallos, des câbleuses ou des couturières qui se retrouvaient sur le carreau après trente ans de boite et qui, inemployables et n’ayant pas le carnet d’adresse de Valérie Trierweiler, ont fini au RSA avant de toucher une retraite de misère pour cause de carrière incomplète quand ils n’ont pas parfois mis fin à leurs jours. Une situation parfaitement résumée par la chanson de Bernard Lavilliers « Les mains d’or ». Des cas qui n’ont a priori pas ému tant que ça Valérie Trierweiler qui encensait l’Europe, une Europe en grande partie responsable de cette désindustrialisation massive. Mais il est vrai que ce n’étaient que des sans-dents…
Et cet été, Valérie Trierweiler vient de découvrir les merveilles de la casse sociale, de la dérégulation du marché du travail, de la plus grande facilité pour les entreprises de virer les gens en leur payant moins d’indemnités et en ne risquant pratiquement plus rien aux prud’hommes. Elle peut dans ce domaine remercier son ex, un certain François Hollande, pour la Loi Travail, alias Loi El Khomri, qui avait mis des milliers de français dans la rue en 2016.
Gauche antisociale perd son sang-froid
Elle peut aussi remercier le fils prodigue de son ex, un certain Emmanuel Macron, ancien ministre et collaborateur à l’Elysée pour les ordonnances travail. Bref, toute cette gauche qui a abandonné le combat social pour le combat sociétal et la lutte des classes pour la lutte des races. Une gauche tant vantée par cette même Valérie Trierweiler qui déclarait dans Le Parisien le 1er septembre 2013 : « Je suis une femme de gauche, vraiment ancrée à gauche »,une phrase qui sonne sept ans plus tard comme le remake d’une chanson de Serge Lama dans laquelle le refrain se concluait par « Je suis cocu mais content ».
On imagine que Valérie Trierweiler va bien négocier son départ avec ses avocats et que les Restaurants du cœur ne la verront pas débarquer de sitôt mais ce tweet tombé de nulle part au milieu de l’été ne mérite qu’un commentaire : « Merci pour ce moment ! »
Film "Le fils à Jo". Auteurs : NANA PRODUCTIONS/SIPA; Numéro de reportage : 00629036_000002
Avec le portrait de son père, Roland Jaccard a fait des émules. Dans un tout autre style, Pierre Cretin lui emboîte le pas, croquant un père amateur de football et de plaisirs simples.
Mon père ne prononçait pas de maximes définitives. Il ne citait pas Marc Aurèle. Il n’avait pas un regard désabusé ni tragiquement pessimiste sur la vie et sur les hommes. Mon père ne m’enseignait rien, ne me murmurait pas à l’oreille des conseils philosophiques sur la façon de gérer la vie et la mort.
Mon père était comme bien des pères. Il essayait de vivre et de faire vivre sa famille, bon an mal an. Il prenait chaque matin le bus et le métro pour se rendre au travail. Et il était content quand le samedi arrivait.
Avec lui, j’ai partagé des match de foot au Parc des Princes où nous soutenions le Racing. Parfois nous allions au stade de Colombes pour les rencontres internationales, il contrôlait les billets à l’entrée pour arrondir les fins de mois. Cela me permettait d’entrer gratuitement dans le stade.
Il m’a aussi souvent emmené à la pêche, et appris à jouer à la belote. Mon père fumait des gitanes, et aussi la pipe. Il aimait faire des mots croisés, écouter la famille Duraton à la radio, se balader sur les grands boulevards comme un vrai badaud qu’il était, pour regarder les vitrines et me montrer les bonimenteurs de trottoirs, les avaleurs de sabre ou de grenouilles… petits métiers disparus. Il aimait aussi regarder les jolies femmes qui passaient sur ces boulevards.
Mon père lisait Franc-tireur, puis ce fut Le Parisien, ou Paris-Jour, je ne sais plus. Mais il aimait aussi les livres. Il me récitait de mémoire « Waterloo morne plaine » ou « Lorsque le pélican lassé d’un long voyage… », et bien d’autres encore. J’entends encore sa voix me lisant, quand j’étais petit, chaque soir à ma demande, « La chèvre de Monsieur Seguin », j’espérais tellement qu’un soir elle puisse ne pas mourir au petit matin…
Mon père n’était pas un héros mais il avait un doux sourire. Et ce sourire, et cette douceur, c’est tout ce qu’il m’a enseigné. Et tous les textes de Marc Aurèle, de Baltasar Gracián
ou de George Orwell réunis n’offriront jamais plus beau viatique pour vivre qu’un seul de ces sourires. C’est peut-être pour cela que je ne suis pas suicidaire…
Ytzhak Rabin et Shimon Peres rencontrent François Mitterrand à l'Elysée, 1994. Auteurs : Remy De La Mauviniere/AP/SIPA. Numéro de reportage : AP21950942_000137
Israël et la France ont constitué un véritable couple au vrai sens du terme, avec ses dérives et ses turbulences. Ils sont passés par toutes les phases : le flirt, l’idylle, l’amour fou, la passion, la querelle, la haine, l’indifférence, la séparation, la réconciliation et le divorce. L’histoire de ce couple a progressivement pris l’allure d’un véritable thriller. Voici la première partie de cette longue histoire.
L’idylle
Israël doit sa création à l’affaire Dreyfus qui joua le rôle de déclic salutaire en suscitant l’éveil juif. Le journaliste autrichien Theodor Herzl, sensibilisé et révolté par l’accusation, exposa son rêve d’un État juif qui fut concrétisé par David Ben Gourion le 14 mai 1948. La France avait apporté sa contribution minimum à la création de cet État.
En ce temps, l’allié principal d’Israël était l’URSS qui apporta son soutien psychologique et moral, ses dogmes et son idéologie et qui a confié aux pays de l’Est le soin de fournir des armes et des munitions. L’URSS était alors impressionnée par la vivacité du socialisme israélien qui avait trouvé une application concrète sur le terrain. Les pionniers de l’époque, tous issus des pays de l’Est, étaient imprégnés de l’idéologie marxiste.
C’est ce qui avait poussé Andreï Gromyko à déclamer son discours, en 1948, à la tribune de l’ONU avec un magnifique vibrato : «Pour ce qui concerne l’État juif, son existence est un fait, que cela plaise ou non. La délégation soviétique ne peut s’empêcher d’exprimer son étonnement devant la mise en avant par les États arabes de la question palestinienne. Nous sommes particulièrement surpris de voir que ces États, ou tout au moins certains d’entre eux, ont décidé de prendre des mesures d’intervention armée dans le but d’anéantir le mouvement de libération juif. Nous ne pouvons pas considérer que les intérêts vitaux du Proche-Orient se confondent avec les explications de certains politiciens arabes et de gouvernements arabes auxquelles nous assistons aujourd’hui».
La France a eu du mal à digérer l’indépendance d’Israël au point de mettre plusieurs mois avant de reconnaître le nouvel État. Les États-Unis et la Russie l’ont fait, le 15 mai 1948, dès le lendemain de la résolution de l’ONU. Le président Truman avait signé lui-même cette reconnaissance dans une courte lettre où les États-Unis reconnaissaient, de jure (de droit) et non de facto (de fait), le gouvernement provisoire.
En revanche, les relations diplomatiques avec la France ne furent établies que le 24 janvier 1949, sept mois plus tard, par une lettre conditionnelle, signée par un fonctionnaire du Ministère des affaires étrangères : «J’ai l’honneur de vous faire connaître que le gouvernement de la République française a décidé de reconnaître le Gouvernement provisoire d’Israël comme gouvernement de fait. Cette décision ne préjuge pas de la délimitation définitive par les Nations-Unis du territoire sur lequel il exercera son autorité».
Déjà à ce moment, le Quai d’Orsay, dont certains membres étaient prêts à voter contre la résolution, refusait la création d’un État juif. Dans une position médiane, il proposa que la France s’abstienne lors du vote historique du 29 novembre 1947 à l’ONU. Le ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, sensible aux arguments de son administration, tenait à préserver les relations avec la Syrie et le Liban. Mais les pressions conjointes du nouveau président du Conseil, Robert Schuman, et de l’ancien chef du gouvernement provisoire, le très influent Léon Blum, avaient fait basculer le vote de la France, en dernière minute, au grand dam de certains diplomates du Quai d’Orsay, dont certains n’avaient pas hésité à qualifier leur propre pays de «république bananière».
Certes l’hésitation de la France pouvait se justifier alors car elle jugeait d’un mauvais œil les liens privilégiés d’Israël avec le bloc communiste qui fournissait alors la majorité des armes utilisées contre le mandataire britannique, l’allié qui avait permis la libération de la France. Par ailleurs, l’État juif était pratiquement considéré, par son idéologie communiste, comme un satellite de l’URSS. Le danger d’être catalogué comme un pays du rideau de fer n’avait pas échappé au visionnaire David Ben Gourion. Il opéra un changement stratégique brutal en appuyant les États-Unis contre la Corée (1950-1953) soutenue par l’Urss. Ce soutien sonna le glas des relations avec les pays de l’Est et mit Israël dans une situation d’isolement dramatique au moment où les besoins en armement devenaient vitaux face aux raids meurtriers menés par les fédayins palestiniens.
Les jeunots Peres et Dayan
Le problème algérien et Nasser vinrent à point nommé pour orienter une frange politique française, pas forcément socialiste, vers le soutien au sionisme. Vincent Auriol, premier président de la IV° République, fut l’instigateur en 1954 de la signature d’un important contrat d’armement entre le jeune Shimon Peres et le ministre Catroux, préfigurant ainsi une alliance tacite contre Nasser. Le président justifia ainsi sa décision : «En ce qui concerne la question palestinienne, la donnée fondamentale pour nous est que nous ne pouvions pas admettre la défaite d’Israël. Une victoire arabe se serait traduite par un accroissement de l’agitation en Afrique du Nord. Un État juif au centre du monde arabe était pour nous une garantie de sécurité et d’équilibre».
Le colonel Nasser avait fait son coup d’État le 23 juillet 1952 avec l’idée de devenir le champion du panarabisme. Depuis 1954, les Français étaient embourbés dans la guerre d’Algérie. Guy Mollet, président du Conseil, et Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense, étaient persuadés que le cœur du FLN était au Caire et qu’en abattant Nasser, ils pouvaient mater la révolte algérienne. La nationalisation du canal de Suez, un véritable camouflet, persuada les Anglais et les Français que des mesures militaires étaient inéluctables. Ils se tournèrent alors vers Israël car ils savaient que le jeune et bouillant chef d’État-Major de 41 ans, Moshé Dayan, rêvait d’en découdre avec les fédayins qui traversaient la frontière en apportant avec eux la mort dans les kibboutzim des frontières.
Ainsi, bien avant la crise de Suez, du 11 avril à la mi-mai 1956, des contrats avaient été signés à l’insu du ministère français des affaires étrangères. De cette période idyllique date le début de l’animosité avec le Quai d’Orsay qui abritait des diplomates issus d’une vieille aristocratie catholique, profondément pro-arabe, parfois antisémite. Le ministre de la Défense Bourgès-Maunoury avait ainsi rapporté qu’en «raison de nos litiges et nos chicanes avec le Quai d’Orsay, il fut convenu que, dans la politique relative à Israël, l’administration du Quai n’y serait en aucun cas mêlée». Cette mise à l’écart avait été mal ressentie par le Quai d’Orsay qui n’eut de cesse que d’obtenir sa revanche.
Le 28 septembre 1956, un bombardier français conduisit en France une délégation secrète composée de Moshé Dayan, Shimon Peres, Golda Meir et Moshe Carmel, le ministre des transports. Le 1er octobre 1956, ils furent reçus dans l’appartement de Louis Mangin, conseiller de Bourgès-Maunoury, parce que le chef d’état-major français craignait que le secret soit éventé : «je ne peux pas recevoir dans mon bureau le général Dayan, grand mutilé de guerre; il porte un bandeau noir sur l’œil gauche et il n’est pas facile à camoufler». Tandis que Peres, Dayan et même Begin, de passage «par hasard» à Paris, s’affichaient dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, le Général Beaufre, aidé de l’amiral Barjot, planifiait la campagne de Suez de 1956 qui pris le nom de code «Kadesh». Le général Challe, qui se distingua plus tard en Algérie, raccompagna Dayan en Israël, ce qui leur permit de tisser, durant le voyage de retour, des liens étroits professionnels.
Mais les dirigeants français étaient décontenancés par l’équipe de «jeunots» israéliens conduite par Moshé Dayan, 41 ans, et le gamin Shimon Peres, 33 ans, alors que l’état-major français comptait des vieux militaires illustres qui s’étaient distingués sur les champs de bataille de la Seconde Guerre Mondiale. Ils exigèrent donc d’avoir la caution personnelle du premier ministre israélien qui se rendit secrètement à Sèvres, le 21 octobre 1956, avec Moshe Dayan, «le borgne qui fait peur aux arabes», Golda Meir et Shimon Peres pour rencontrer Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense. Guy Mollet, le chef du gouvernement, les rejoignit un peu plus tard pour finaliser l’expédition militaire de Suez.
Le nucléaire israélien
Dans une atmosphère pesante, Ben Gourion, qui n’était pas un va t’en guerre, estimait à juste titre que le conflit avec Nasser concernait d’abord la France et la Grande-Bretagne. Il hésita à entrer en guerre sauf s’il recevait des garanties et des contreparties. Dans le dos du chef de la diplomatie française qui avait été écarté, Ben Gourion s’était laissé persuader, le 21 octobre, de lancer les paras de Dayan dans le Sinaï en échange d’un engagement de la France de donner la bombe nucléaire à Israël. Les Israéliens obtinrent aussi une couverture navale et aérienne de leur territoire grâce à plusieurs avions français, peints aux couleurs israéliennes, mais pilotés par des aviateurs français jusqu’en Israël.
C’est à cette occasion qu’une étroite coopération franco-israélienne s’amorça grâce aux efforts de Shimon Peres qui réussit à acquérir, auprès de la France, le premier réacteur nucléaire de Dimona et, auprès de l’avionneur français Dassault, le Mirage III, un avion de combat à réaction le plus évolué de l’époque. Ben Gourion accepta de donner sa caution personnelle à l’expédition éclair qui devait mener les troupes israéliennes, le 29 octobre, sous la conduite du général Dayan et d’un jeune colonel de 28 ans, Ariel Sharon, jusqu’au Canal de Suez avec la protection aérienne franco-anglaise. L’opération n’ira pas à son terme car le président Eisenhower, à peine élu et soumis à la menace nucléaire russe, préféra faire plier les alliés en les obligeant à évacuer l’Égypte.
Fin de l’idylle
L’idylle franco-israélienne dura dix ans dans l’intérêt des deux pays, alors dirigés par des socialistes, à la fois pour le développement des échanges commerciaux et pour la collaboration des industries de haute technologie. L’entente se poursuivit pour atteindre son apogée à l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle qui décida d’y mettre fin.
Les relations d’Israël avec la France durant les septennats du général de Gaulle, de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing sont faciles à analyser, il n’y en eu pas. Dès son arrivée en 1958, le général de Gaulle donna l’ordre à son ministre des Affaires étrangères, Couve de Murville, de vider le Quai d’Orsay de ses éléments socialistes et pro-Algérie française. Il décréta un embargo sur les armes en pleine guerre de Six-Jours. Son successeur Georges Pompidou le prolongea. L’incident de la fuite des cinq vedettes de Cherbourg, commandées et payées par Israël, donna le coup de grâce aux relations idylliques. Le président Giscard s’était rapproché de l’Iran en acceptant sur le sol français, en octobre 1978, l’ennemi du Shah, l’ayatollah Khomeiny, avec l’espoir d’être payé en retour en pétrole devenu rare après la guerre du Kippour de 1973.
Les mandats de François Mitterrand puis de Jacques Chirac avaient permis un rééquilibrage de la politique française vis-à-vis d’Israël. D’ailleurs François Mitterrand avait consacré sa première visite officielle en Israël. Selon les sondeurs, la défaite de Giscard en 1981 avait été due au vote massif des amis d’Israël bien que le vote juif, contrairement aux États-Unis, n’existe pas en France. François Mitterrand s’était entouré de nombreux ministres juifs. Il avait des relations particulières et personnelles avec le premier ministre de droite, Menahem Begin. Si François Mitterrand avait beaucoup insisté sur l’attachement de la France à la reconnaissance et à la sécurité d’Israël, sa politique était cependant empreinte de grande continuité. Le gouvernement avait les yeux fixés sur la ligne de la balance commerciale extérieure, axée sur la diversification des échanges. Son ministre des Affaires étrangères pro-arabe Claude Cheysson avait favorisé des contrats avec les pays arabes et un rapprochement avec la Syrie et l’OLP (Organisation de libération de la Palestine).
Arafat et l’OLP
Les Israéliens, qui attendaient beaucoup de François Mitterrand, furent déçus du soutien de Paris aux revendications nationalistes palestiniennes. Il soutenait en effet le droit des Palestiniens à un État et s’était posé en protecteur de l’OLP, lors de l’opération Paix en Galilée lancée par Israël contre le Liban en 1982. Pendant l’opération, grâce à la médiation française, Yasser Arafat et les dirigeants de l’OLP avaient pu s’exiler en Tunisie. Mitterrand entreprit un resserrement des relations avec l’organisation en invitant notamment Yasser Arafat à Paris en mai 1989 lui donnant ainsi une véritable légitimité. Mais cette proximité avec l’OLP ne lui a pas permis de jouer un rôle central dans le processus de paix d’Oslo commencé en 1993, durant lequel la France est restée exclue par la volonté israélienne.
La révélation du passé trouble du président sous le gouvernement de Vichy provoqua de nouvelles tensions non seulement avec Israël mais également avec la communauté juive de France.
Alexandre Dougine en 2016 (c) AP Photo/Francesca Ebel)/MOSB508/16254370676378
Souvent cité mais peu lu, Alexandre Douguine apparait comme un penseur obscur et fantasmé. Ni éminence grise du Kremlin, ni marginal sans influence, le chantre de l’eurasisme est une personnalité qui intrigue. La lecture de son Appel de l’Eurasie (2013) permet de mieux saisir sa pensée et sa personne.
Fièrement francophone et profondément francophile, Alexandre Douguine a développé une relation intellectuelle et humaine avec Alain de Benoist. C’est l’un de leurs entretiens qui est transposé dans ce livre, dans lequel les grands thèmes de l’Eurasie sont évoqués. Leur dialogue débute par une discussion sur l’origine de l’eurasisme, doctrine née dans l’émigration russe blanche des années 1920. Le courant de pensée eurasiste est l’héritage du débat entre occidentalistes et slavophiles qui, comme l’a prouvé Michel Heller, traverse toute l’histoire de la Russie.
L’eurasisme, une pensée originale
L’eurasisme est une doctrine de l’espace et d’un espace en particulier : l’Eurasie. La définition de ce mot n’est pas chose aisée. L’Eurasie, c’est à la fois une plaque continentale et le royaume de la steppe. C’est l’Europe et l’Asie qui fusionnent, mais également l’ancien Empire des Romanov. Ou serait-ce les anciens territoires de l’URSS ? Ou simplement la Russie actuelle ? Quoi qu’il en soit, les eurasistes se mettent d’accord sur un point, comme le rappelle la chercheuse Marlène Laruelle : « l’Empire est pour eux la construction naturelle de l’espace eurasien. » Pour Alexandre Douguine, le point essentiel de l’eurasisme, c’est l’affirmation de la Russie non pas comme un pays européen, ni comme un pays du tout, mais comme une civilisation à part entière, distincte à la fois de l’Europe et de l’Asie. Cette proposition, déconcertante il est vrai, est à l’origine de la pensée de l’auteur russe et du rôle messianique qu’il attribue à son pays.
L’eurasisme est obsédé par les grandes idées et en particulier par le « destin » de l’Eurasie. Cette obsession fait de cette école de pensée un laboratoire d’idées neuves et ambitieuses. Le concept de « démotie » par exemple, du penseur Nicolaï Alexeiev, est inventé pour remplacer celui de démocratie. La démotie est comprise comme un régime où le peuple n’est pas seulement représenté par des élections, mais où il participe activement à son destin. Cette définition dénote bien-sûr une vision pessimiste de la démocratie libérale, qui aurait manqué à ses promesses de « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Toutefois, Douguine souligne que c’est un terme nécessaire pour définir les aspirations de certaines nations qui n’ont plus confiance dans le modèle politique occidental. Il aspire à fonder en Eurasie une véritable démotie et nous invite à repenser le lien implicite qu’on tisse inconsciemment entre démocratie libérale représentative et participation populaire à la destinée de la nation.
Un autre penseur exploré durant l’entretien est Lev Goumilev (1912-1992), qui fit revivre les thèses eurasistes dans les années 1950. Cet historien met notamment l’accent sur l’aspect tellurique de la nation, développant la notion de « lieu-développement », dans une espèce d’hyper déterminisme où « le lieu décide de tout : l’espace comme destin ». Goumilev fonde également le terme de « passionarité », pulsion qui traverse les ethnies et les individus, et qui les pousse à accomplir des « exploits dépassant l’horizon de la vie quotidienne ». Douguine reprend à son compte ces idées pour décrire l’évolution du monde moderne d’une manière quasi biologique, mettant en avant la diminution de la passionarité chez certains peuples, notamment les russes, entrainant leur déchéance politique et morale.
Cette partie de l’ouvrage pourrait être balayée d’un revers de la main, considérée comme une lubie grand-russienne permettant de justifier une domination sur ses voisins. Toutefois ces idées, et surtout leur réactualisation, témoignent du malaise qui persiste chez certains russes face aux idées européennes dominantes de démocratie, de libéralisme et même de positivisme, considérées comme insuffisantes ou manquant d’élévation. L’eurasisme répond par une doctrine plus spirituelle qui donne un poids considérable à l’espace, à la terre et aux racines. Mais l’eurasisme ne s’arrête pas à des abstractions. Douguine milite également pour une certaine organisation du monde moderne.
L’Eurasie contre l’Occident
L’eurasisme c’est aussi une certaine vision du monde et de l’équilibre international. Concernant cet aspect, le point central de la doctrine concerne l’Occident. Douguine considère que ce dernier a cessé depuis longtemps d’être une réalité géographique pour devenir un concept géopolitique et civilisationnel. Le penseur russe souhaite donc que l’Eurasie connaisse la même évolution pour devenir le « concept antithétique de celui d’Occident ». Le rejet de la démocratie libérale illustre cette ambition. Cette opposition, Douguine la perçoit comme violente et inévitable : l’Eurasie doit unir les civilisations contre celle qui prétend être La Civilisation. On sent en filigrane une proximité avec les théories de Samuel Huntington, telles que développées dans Le Choc des civilisations. La dichotomie entre « civilisations » et « Civilisation », ainsi que la tension qui naît inévitablement de la rencontre de ces deux concepts, occupent un rôle clé dans le maître-ouvrage du professeur de Harvard. (…)
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Manifestation de Génération identitaire, Paris, mai 2016. Auteurs : ZIHNIOGLU KAMIL/SIPA. Numéro de reportage : 00757960_000003
Mettre toutes les « radicalités identitaires » dans le même sac, comme le fait le sociologue Manuel Boucher dans un ouvrage collectif, n’a pas de sens.
Interviewé par Marianne à l’occasion de la parution du livre qu’il a coordonné Radicalités identitaires : la démocratie face à la radicalisation islamiste, indigéniste et nationaliste, Manuel Boucher me semble, malgré quelques analyses intéressantes, faire des confusions dangereuses.
Leur universalisme et le nôtre
Je suis un universaliste. Je sais par expérience que si certaines cultures, certaines éducations sont de toute évidence plus propices que d’autres à l’épanouissement de ces qualités qui font la grandeur de l’Homme, celle-ci n’est l’apanage d’aucune couleur de peau, d’aucune ethnie, d’aucun sexe, d’aucune orientation sexuelle, d’aucun milieu social. Je sais de même qu’il n’est nulle turpitude humaine dont quiconque serait miraculeusement préservé, ou à laquelle quiconque serait irrémédiablement condamné, en raison de sa couleur de peau, de son ethnie, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son milieu social.
Mais je sais également qu’il n’y a, en pratique, aucun universalisme hors sol. Mon privilège n’est pas d’avoir telle ou telle couleur de peau, mais de vivre dans une société où l’on considère encore qu’il est légitime d’admirer à la fois Plutarque et Meng Tseu, Jeanne d’Arc et le général Yue Fei, les symphonies de Beethoven et les mélodies de Yokoyama Seiji. L’universalisme ne peut s’épanouir que dans une culture, une civilisation, qui le considère comme faisant partie de son identité.
Je suis donc aussi un identitaire. Tout privilège impose des devoirs : j’ai le devoir et l’honneur de défendre l’identité de la civilisation occidentale. Non qu’elle soit la seule bonne. Je pleurerais si le Japon renonçait à son identité. Je célébrerai le jour où la dictature des Mollahs tombera et où l’Iran renouera avec sa véritable identité, celle du Shahnameh, de ses héros magnifiques et de ses héroïnes admirables, dont les héritières se battent pour enlever leurs voiles. Mais ici et maintenant, j’observe que l’identité occidentale est la seule à pouvoir garantir concrètement la pérennité de ce qu’il y a de meilleur dans notre société, y compris sa dimension universaliste.
Le multiculturalisme, ce lâche renoncement
Et je m’oppose fermement à ce multiculturalisme qui n’est qu’un lâche renoncement aux exigences du sens moral et de la raison, puisqu’il met sur le même plan cultures universalistes et cultures tribales, cultures soucieuses de la dignité et de la liberté de l’Homme et cultures qui rêvent d’un asservissement du monde à des règles arbitraires, cultures attachées à l’égalité des droits civiques entre femmes et hommes et cultures réifiant les femmes pour en faire les possessions des hommes, ou les enfermant dans une minorité juridique perpétuelle.
En affirmant que « salafo-jihadisme », « indigénisme » et « extrême droite identitaire » seraient fondamentalement semblables, Manuel Boucher fait une erreur dramatique.
Je pourrais rappeler que seuls les deux premières de ces idéologies prétendent détruire notre civilisation, la troisième n’incarnant peut-être pas ce qu’elle a de meilleur mais (en dehors éventuellement de quelques groupuscules marginaux) ne menaçant ni son existence, ni son essence.
Je pourrais souligner que seules les deux premières sont expansionnistes et conquérantes, alors que la troisième ne vise qu’à préserver une tradition sur son territoire.
Je pourrais montrer que seules ces deux-là se veulent messianiques et aspirent à faire table rase du passé pour instaurer le règne d’un « homme nouveau », et qu’en cela c’est de la Gauche qu’elles se rapprochent, ce que confirment d’ailleurs leurs alliances électorales, notamment avec EELV et LFI.
Toutes les identités ne se valent pas
Je pourrais évoquer le fait que parmi ces « radicalités identitaires » il en est qui rassemblent des milliers de personnes dans des manifestations illégales sans être inquiétées, alors qu’une autre se contente de déployer une banderole.
Je pourrais parler du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et des travaux de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, droits qu’il est parfaitement légitime que les peuples occidentaux revendiquent pour eux-mêmes.
Mais je préfère insister sur une chose encore plus importante : toutes les identités ne sont pas équivalentes. Dès lors, observer que quelqu’un défend une identité, fut-ce en radicalisant cette défense, ne doit pas faire oublier une question bien plus cruciale : de quelle identité s’agit-il ?
Or, dans son interview, Manuel Boucher parle d’identité et d’identitaires en général, comme si l’attachement à une identité culturelle était de même nature que l’obsession pour une identité raciale. Il y a pourtant entre les deux des différences fondamentales, différences politiques, philosophiques, éthiques, même métaphysiques !
Nationalisme = suprémacisme ?!
Lorsqu’on lui pose comme première question « En quoi le djihadisme, l’indigénisme et le nationalisme sont des « radicalités identitaires » ? » (et je ne doute pas que cette formulation soit inspirée par le propos général du livre) Manuel Boucher répond sans introduire la moindre nuance entre « nationalisme » et « suprémacisme racial ». Les deux ne sont pourtant absolument pas la même chose, et s’opposent au moins aussi souvent qu’ils s’unissent : en France comme ailleurs, l’action de nombreux nationalistes dans les résistances contre l’abomination nazie en témoigne.
Plus loin, il est question en vrac d’extrême droite et de « nationaux populistes », sans faire la différence pourtant essentielle entre extrême droite et ultra-droite. Et tous ces « nationaux populistes » auraient en commun de parler de « mondialisme » plutôt que seulement de « mondialisation » : est-ce à dire que Michel Onfray et toute l’équipe de Front Populaire seraient d’extrême droite ?
Lui-même utilise l’expression « particulièrement raciste à l’encontre de la civilisation arabo-musulmane » : là encore, aucune distinction entre la notion de rejet d’une « race » et celle de rejet d’une civilisation (ou en réalité, ici, d’opposition à ses volontés hégémoniques).
Paul Valéry et Marc Bloch identitaires
« Cette nébuleuse identitaire est obnubilée par un sentiment de décadence de la « civilisation occidentale » perçue comme en danger de mort et exprime une hantise du mélange des « races » et des cultures. » Ce qui est mélangé, ce sont les notions d’identité, de sentiment de décadence, de hantise du mélange des « races » et de hantise du mélange des cultures ! Bien sûr, certains groupes « cochent toutes ces cases », mais de là à considérer que ceux que n’en cocheraient qu’une partie ne seraient inévitablement que des versions édulcorées de ceux qui les cochent toutes…. Paul Valéry parlant de la mortalité des civilisations, ou Marc Bloch déplorant que nous ayons perdu le sens des « antiques péans », étaient-ils donc des précurseurs de la « nébuleuse identitaire » ?
Je me dois enfin de relever les guillemets mis à « civilisation occidentale », tout comme je note que Manuel Boucher semble considérer comme acquis que notre société est multiculturelle, que c’est ainsi, que s’y opposer suffirait à faire de vous un membre de cette « nébuleuse identitaire » et, puisque vous auriez alors nécessairement la hantise du mélange des « races », un raciste.
Je n’ignore pas qu’il y a, parmi ceux qu’il est convenu d’appeler les « identitaires de droite », quelques véritables racistes. C’est d’ailleurs une imposture qu’il est plus que temps de dénoncer.
L’identité occidentale repose sur trois piliers : l’Antiquité, la Chrétienté et les Lumières, et ce sont trois universalismes. Dire que toutes les civilisations, toutes les cultures, toutes les religions ne se valent pas relève du bon sens : l’abolition de l’esclavage est supérieure à sa réinstauration, la condamnation des sacrifices humains est supérieure à leur apologie, l’interdiction de l’excision est supérieure à sa pratique. Mais juger un individu selon sa couleur de peau, ou croire que sa couleur de peau suffirait à lui interdire de faire sien notre héritage, de s’enraciner dans nos racines et d’appartenir pleinement à notre peuple, sont des non-sens qui contredisent radicalement tout ce qui fait de nous ce que nous sommes : notre identité.
Défense de l’Occident
Nous sommes les héritiers de l’idéal médiéval des Neuf Preux : trois héros païens, trois héros juifs, trois héros chrétiens, et des Neuf Preuses. Les héritiers de Wolfram von Eschenbach, pour qui le métis Feirefiz était bien évidemment un chevalier à part entière, avec toutes les obligations et toute la dignité que cela implique. Les héritiers d’Isocrate, qui affirmait que « nous avons fait du nom de Grecs celui de la culture, et non de la race. » Les héritiers de Sénèque, qui enseignait que « tous ces grands hommes sont tes ancêtres, si tu te rends digne d’eux » et que « tous les hommes, si l’on remonte à l’origine première, sont enfants des Dieux. »
Il est fondamental de proclamer que l’on ne peut pas à la fois accepter le racisme et défendre sérieusement l’identité occidentale. Mais il est tout aussi fondamental d’affirmer haut et fort que, n’en déplaise à une certaine Gauche, la défense de cette identité n’est en aucun cas à mettre sur le même plan que la promotion d’un projet théocratique totalitaire ou d’un suprémacisme racial.
Ancien militant du RPR, le PDG de Sud Radio Didier Maïsto revendique sa fibre populaire. Ce soutien inconditionnel des Gilets jaunes dénonce la trahison des élites politico-médiatiques. Chroniqueuse sur son antenne, Elisabeth Lévy lui apporte la contradiction.
Causeur. Je dois préciser que vous êtes mon employeur puisque j’officie sur Sud Radio, la station dont vous êtes PDG. Votre livre tient de l’autobiographie, de la profession de foi politique et de l’investigation, car vous y relatez notamment le scandale de la chaîne Numéro 23. Pour un « passager clandestin », vous n’avez pas mal réussi.
Didier Maïsto. Je suis entré par effraction dans un certain nombre de milieux. Dans ma famille, c’était déjà compliqué. Mes parents étaient divorcés, et j’ai vécu avec mes grands-parents. Je n’ai certes pas manqué d’amour, mais j’ai dû devenir autonome très vite. À 18 ans, j’étais en hypokhâgne à Toulon, mais j’avais un peu le démon de l’aventure, je suis parti sillonner les routes d’Europe pour des courses de moto avec un cousin. Ensuite j’ai repris des études de droit et de lettres. Et j’ai intégré la rédaction du Figaro Magazine.
Et vous vous êtes retrouvé au RPR…
Si, trente ans avant les Gilets jaunes, j’ai rejoint le RPR, c’était par admiration pour les idées sociales et souverainistes de Philippe Séguin. Etant le fruit d’une immigration italienne complètement assimilée qui a pu prendre l’ascenseur social, je suis attaché à la nation française. J’adore la France avec ses excès, ses manques, ses frustrations, ses affrontements spectaculaires. J’ai travaillé pour quatre députés, avec des ministres, des hauts fonctionnaires, créé le Club du 4 novembre pour soutenir la candidature de Jacques Chirac, alors que toute la classe politique et les médias étaient sous le charme d’Édouard Balladur. Comme ils le seront sous celui d’Emmanuel Macron en 2017…
L’élection de Chirac a été un vaste malentendu, pour ne pas dire une arnaque…
Sans doute : on avait fait campagne sur la fracture sociale, la France pour tous, bref les idées de Séguin, et on s’est retrouvé avec Juppé à Matignon !
Tout ce que vous avez vu dans le monde politique vous indigne, des accointances libyennes de Patrick Ollier aux réseaux d’intérêts sur le mode « passe-moi la rhubarbe, je te file le séné ». Ce n’est pas très nouveau dans les collectivités humaines.
Que des individus ou des groupes humains perdent de vue l’intérêt général, tant qu’ils ne sont pas financés par l’argent public, et tant qu’ils prennent leurs responsabilités dans leurs entreprises ou clubs sportifs, même si c’est contestable sur le plan moral, ça reste leur affaire. La politique, c’est autre chose…À l’issue des années Mitterrand (une autre belle arnaque !), l’opposition prétendait incarner une volonté populaire. J’étais tout jeune, ma déception a donc été à la mesure de mes attentes. J’ai compris que le pire endroit pour faire avancer des idées, c’était un parti politique !
Tout de même, vous avez bien dû rencontrer des gens intègres, soucieux de respecter leurs promesses ?
J’ai rencontré des gens intègres, qui respectaient leurs promesses… jusqu’à un certain point. Mais vous devez suivre la ligne du parti. Sinon, vous êtes broyé. D’abord parce que les investitures sont données par les partis politiques. Ensuite parce que la Ve République n’est pas du tout une démocratie parlementaire, mais une monarchie républicaine…
Peut-être, mais elle a la faveur des Français…
En êtes-vous sûre ? Aujourd’hui, nous assistons à un mouvement mondial de protestation des citoyens – désigné comme populiste –, qui exprime surtout une demande forte de participation à la vie publique. Seulement, la politique est devenue un métier et même le métier de ceux qui n’en ont pas ! Et quand vous êtes payé, forcément vous n’allez pas scier la branche sur laquelle vous êtes assis…
Ce n’est pas dans la politique que l’on fait fortune de nos jours !
Je ne suis pas inspecteur des impôts, mais dès qu’on s’intéresse au sujet, on découvre des patrimoines immobiliers sans commune mesure avec l’argent déclaré !
Vous évoquez une corruption endémique et généralisée. A supposer que cela ait existé à ce point, il n’est pas sûr que cela perdure, alors qu’on se demande parfois qui, du politique ou du juge, gouverne le pays.
Je ne suis pas non plus pour la République des juges ou l’inquisition. Mais tous les citoyens doivent être jugés de la même façon. Or, les dernières affaires démontrent à quel point la Justice obéit au pouvoir politique. Pour les campagnes présidentielles, les dépenses sont plafonnées à 22 millions, mais une campagne coûte cinq fois plus cher. Tout le monde le sait et pourtant la Commission des comptes de campagne et le Conseil constitutionnel valident tout. Au bout du bout, les élus sont rarement inquiétés. Et on peut découvrir des années plus tard que des gens qu’on pensait être parangons de vertu cachaient des choses. Pensez aux comptes en Suisse de Raymond Barre…
Les comptes en Suisse, c’est une chose, les finances de campagne une autre. Et puis, trouvez-vous que Nicolas Sarkozy n’est jamais inquiété ? On a écouté ses conversations avec son avocat, espionné d’autres avocats, Mediapart ne le lâche pas d’une semelle et il n’y a pas de condamnation. Alors, si la justice est aux ordres, c’est à ceux de l’opinion et des médias, pas du pouvoir.
La justice est aux ordres… et les ordres changent en fonction des majorités. En dépit du retentissement médiatique, on s’intéresse à des détails. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, l’histoire du juge de Monaco est croquignolesque, mais dérisoire. Ce qui est beaucoup plus important, ce sont les rapports qu’il a eus avec Mouammar Kadhafi, les possibles potentiels financements, l’accueil qu’on lui a réservé, alors que c’était un terroriste international.
On a négocié l’accueil contre un arrêt de son soutien au terrorisme. C’était peut-être une mauvaise décision politique (quoique), pas une faute pénale.
Mais Kadhafi a été assassiné – je pèse mes mots – et les mêmes qui allaient se prosterner sous sa tente gardée par ses fameuses Amazones – en réalité ses esclaves sexuelles dont certaines avaient à peine 14 ans – ont applaudi au nom des droits de l’homme. Quant au terrorisme, il se développe partout. On a eu la défaite, plus le déshonneur.
Kadhafi n’était pour rien dans les attentats de l’EI. Cela dit, voulez-vous vraiment être gouvernés par des gens exemplaires et ternes ?
Que nous ayons des dirigeants hauts en couleur, dotés d’une faconde mode Balkany, impolis comme peut l’être Sarkozy, très bien. Les comportements et les paroles à la Audiard, c’est truculent, c’est la France, on aime ça, on préfère des élus qui nous ressemblent, et qui ne soient pas tout gris. Mais on peut aussi être tout cela, tout en restant honnête.
La plupart des gens ne sont pas malhonnêtes, sans être honnêtes à 100 %. Vous confondez les petits manquements et la corruption de haut vol, le financement politique et les comptes en Suisse. Du coup, le monde est divisé entre les voleurs et les volés. Cette conception est très largement partagée par les Gilets jaunes. Dès le début du mouvement, vous êtes, racontez-vous, redevenu journaliste. Téléphone portable en main, vous avez relaté tout ce que vous voyiez. Et vous écrivez : « J’aime les Gilets jaunes, sans restriction. » Aucun rédacteur en chef ne demanderait à un journaliste un reportage sur la femme qu’il aime. L’amour rend aveugle…
Ne soyez pas manichéenne avec moi comme l’ont été les médias mainstream avec les Gilets jaunes ! Je ne sais pas si je suis aveugle, mais la répression a quand même fait 25 borgnes. Ça, c’est la réalité.
Ne soyez pas manichéens avec les médias. Comme souvent, ils ont commencé par adorer, puis ils se sont lassés. Comme beaucoup de Français…
Les médias mainstream n’ont jamais « adoré ». Leurs principaux animateurs, de Patrick Cohen à Jean-Michel Aphatie, ont eu des propos terribles dès le début, sans jamais aller sur le terrain. Le service public n’a pas été en reste. Renaud Dély (France Info) a parlé de « vermine » et Roselyne Febvre, cheffe du service politique de France 24 a évoqué « une espèce d’écurie de branquignols », avec « un goût pour la violence, l’antisémitisme, le racisme, le complotisme, bref tout ce qu’il y a de pire chez l’homme ». Je ne l’ai pas inventé.
Ça, ce n’était pas au début. Mais revenons à votre engagement.
Il y a eu un acte déclencheur. J’étais sur la route nationale 12, je me suis arrêté à un rond-point pour parler avec les Gilets jaunes. En rentrant, incapable de dormir j’ai écrit un texte : « Je suis vulgaire comme un Gilet jaune ». Je parlais de la France laborieuse, la France de ceux qui fument des clopes et roulent au diesel, des ouvriers et des petits patrons. La France des troquets, du tiercé et des plats du dimanche. La France, qui n’est ni de droite ni de gauche – ou un peu des deux. La France des illettrés, des harkis, des légionnaires, la France des prostituées et des poissonnières, la France de ceux qui ont choisi la France pour y vivre, y travailler et y mourir. Bref, la France de ceux qui ne sont rien, mais pas personne.
Ce texte a eu un fort retentissement chez les Gilets jaunes. Mais quand je me suis retrouvé dans l’émission de Pascal Praud, vous étiez la seule à me défendre, Maurice Szafran vitupérait et avait la bave aux lèvres. Gérard Leclerc était révulsé.
Eh bien, il y a des gens que vos idées révulsent. Mais quand vous parlez d’un « système basculant vers le totalitarisme avec l’aide de l’écrasante majorité des éditocrates », vous charriez grave. Dans un régime totalitaire, les gens seraient-ils sortis sur les ronds-points ?
Très vite les cabanes des ronds-points ont été détruites et les gens fortement verbalisés. Ensuite ils ont été mutilés. Avant la présidentielle, j’avais dit que si Emmanuel Macron était élu, nous basculerions dans le chaos et le soft-fascisme. Les médias mainstream s’en étaient offusqués. Et aujourd’hui ? C’est le syndrome de la grenouille plongée dans la casserole d’eau froide. Elle finit cuite.
Je ne vois toujours pas de fascisme, même soft… Mais je vois chez les Gilets jaunes la tentation de la violence et la propension à transformer le désaccord politique en haine personnelle.
Au départ, les Gilets jaunes étaient pacifiques. Je reconnais que ceux qui ont eu le courage de continuer à manifester se sont radicalisés. Le pouvoir politique a fait faire le sale boulot aux forces de l’ordre. Emmanuel Macron a choisi la manière forte et le théâtre avec son « Grand Débat ». On voit le résultat. Même les policiers se retournent désormais contre ce pouvoir, qui pourtant ne tient plus que par… la police. Nous sommes dans une séquence prérévolutionnaire, plus aucune parole n’est perçue comme légitime.
Seulement, il n’y a pas le moindre projet révolutionnaire. Les manifestations se sont soldées par un nombre anormal de blessés graves, parmi les manifestants, mais aussi les policiers et gendarmes. Vous livrez à ce sujet un certain nombre d’observations troublantes.
Je suis loin d’être anti-flic. J’ai beaucoup de policiers et de gendarmes dans ma famille. Mais à l’acte X, le 19 janvier 2019, j’ai vu des jeunes gens, intimider, provoquer, insulter les policiers, puis franchir les cordons très tranquillement. C’est facile de lancer un slogan dans une foule, et de le faire reprendre par les plus excités. « C’est ta première manif, me disait-on, maintenant c’est comme ça ». À l’époque, il y avait encore beaucoup de familles, le mouvement ne s’était pas radicalisé.
Des policiers en civil dans une manif, c’est vieux comme le monde et c’est nécessaire, pour le maintien de l’ordre et pour le renseignement. Peut-être y a-t-il eu des manipulations. Mais vous avez tort de conforter les Gilets jaunes dans la conviction que leur colère leur donne tous les droits. Beaucoup ont participé aux saccages et empêché d’honnêtes commerçants de travailler. Fallait-il leur laisser l’espace public ?
Au début, les Gilets jaunes espéraient que les policiers allaient baisser les boucliers et que ça allait aboutir… Que le pouvoir allait se mettre autour d’une table et trouver une réponse politique.
Mais aboutir à quoi ? Se mettre autour d’une table avec qui ?
De toute façon, ça ne risquait pas d’arriver, alors que le pouvoir leur a livré une guerre.
Le président a débloqué 10 milliards et ceux qui avaient hurlé pour les cinq euros d’APL ont dit que c’étaient des miettes. Peut-on occuper la rue pendant un an sans proposer de solution politique ?
Si vous me demandez s’il était pertinent de manifester autant, la réponse est non ! Les Gilets jaunes ne sont pas une force politique, ni apolitique : ils sont transpolitiques. Ils remettent en cause le système dit représentatif et demandent plus de participation…
Eh bien, après la Convention citoyenne pour le climat, j’aime encore plus la démocratie représentative, même imparfaite…
C’est encore une forme de représentation viciée, car cette convention a été encadrée par des militants verts radicaux, ce n’est pas très clair ce tirage au sort ! Mais je suis favorable à un recours accru au référendum. Bien sûr, il faut le réserver à des questions qui sont vraiment d’intérêt général, la relocalisation, l’industrie ou le système de santé sinon cela tournera forcément à une vaste réunion de copropriété ou chacun défendra son bout de trottoir !
Le système politique ne parvient plus à fabriquer de légitimité, et les élites sont décriées. Cela ne signifie pas que les Gilets jaunes soient légitimes pour imposer leurs points de vue.
En tout cas, les Gilets jaunes ont mis le doigt sur les vrais problèmes. Cependant, peut-être que le problème essentiel ne tient pas aux institutions, aux entités, aux fonctions, mais aux personnes qui les représentent ou les occupent. Donnez-nous de bons gouvernants, de bons juges, un bon président du CSA, un bon président de la République et vous aurez de bons gouvernés. Les Français ne sont pas si bornés. Rien n’est inéluctable, Sodome et Gomorrhe ont fini par être détruites.
"Bonjou", d'Ozu. SHÔCHIKU EIGA / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP
Jusqu’au 21 août, une rétrospective parisienne permet de découvrir une œuvre cinématographique trop souvent présentée comme élitiste alors que sa simplicité parle à tous : celle du réalisateur japonais Ozu.
SI vous aimez le cinéma qui touche au cœur, si vous n’avez jamais vu de film du grand maître japonais, ce peut être pour vous l’occasion d’une révélation, un bonheur rare et stimulant en matière artistique.
Less films d’Ozu, proposent une expérience cinématographique d’une incroyable richesse émotionnelle et esthétique. Et pourtant il ne s’agit généralement que de simples histoires familiales, presque banales, à l’image de ce que nous vivons tous : les relations parents-enfants, les séparations, les retrouvailles, la vieillesse et la mort, le temps qui passe inexorable…Le cinéma d’Ozu est un miroir magique qui nous donne à voir notre humanité en ce qu’elle a de plus essentiel.
Une esthétique de la douceur
Mais son style tout en douceur invite à aller au-delà de l’attitude du spectateur passif. En réalité, l’envoûtement est tel que les films d’Ozu sont davantage une expérience de la contemplation, de la méditation sur le mystère, de la banalité et la grandeur du destin des hommes. Bien sûr la conception bouddhiste de la vacuité des choses, et de leur impermanence, n’est pas étrangère à son œuvre. Et pourtant, ce qui nous touche au plus profond, c’est la vibration des choses, la densité des êtres, la force expressive de chaque plan.
Chez Ozu, quand deux personnages dialoguent en champ-contre champ, chacun d’eux est face caméra, comme s’il s’adressait au spectateur. Nous sommes en quelque sorte immergés dans la situation. Puis d’autres plans ne filmeront qu’une pièce ou un couloir vide que les personnages viennent de traverser. Ou un immeuble, un train qui passe, une cheminée qui fume… Et ce vide est tout vibrant d’humanité. Exactement comme dans le jardin Zen du Ryoanji à Kyoto (quelques rochers sur une cour de graviers) on peut sentir vibrer l’univers dans toute son étendue spatiale et temporelle.
Ozu, une leçon de cinéma
Pour qui voudrait apprendre ce qu’est le cinéma, les films d’Ozu sont une leçon. On y comprend comment chaque plan éclaire celui qui le précède et celui qui le suit, on saisit toute l’importance du rythme et de la durée, on comprend le rôle des absences et des silences.
Ici le respect est total. Pas de suspens, pas de violence, pas de sexe, pas de numéro d’acteur, pas de mouvements de caméra, aucune ficelle pour tirer à soi le spectateur. Juste le partage d’un regard et une tension émotionnelle qui court tout au long de l’histoire.
Comme Ozu ne triche pas nous le suivons avec confiance et la poésie émerge, l’humanité se fait évidence et nous sommes cueillis par l’émotion, émotion parfois proche d’une illumination et que transmet si puissamment le regard d’une infinie douceur de son actrice fétiche Setsuko hara.
Le seul problème avec Ozu c’est que, s’il vous touche, vous voudrez voir tous ses films, il y aura peut-être même une période où vous ne supporterez rien d’autre, et dans tous les cas il fera de vous un spectateur plus exigeant.
Le cinéma d’Ozu nous apprend à voir le cinéma, mais aussi le monde et les êtres qui nous entourent.
La mort à soixante ans
A noter que sur les cinq films proposés il en est un qu’il est moins nécessaire de voir pour une découverte d’Ozu, qui est une pure et savoureuse comédie: Bonjour.
Les quatre autres sont tous d’indispensables chefs d’œuvre, dont sa dernière et inoubliable création, Le goût du saké, sortie en 1963 un mois avant son décès le jour de ses 60 ans.
Monument aux morts du 1er régiment étranger – Sidi-bel-Abbès (déplacé) (c) Mary Evans / Pharcide/SIPA - 1801121626
L’histoire partagée de la France et l’Afrique s’étend sur plus de cinq siècles. À la fois source de tensions, de partage, de développement et de rivalités, c’est avant tout une histoire complexe qui nécessite d’être appréhendée de façon dépassionnée.
Chaque année, outre thèses et mémoires, sortent en France et en Afrique une dizaine d’ouvrages touchant de près l’histoire de la colonisation française en Afrique : traite des Noirs, esclavage, racisme, travail forcé, travail des enfants…. L’auteur en a recensé plus de 500 parus en langue française depuis 1960. Pourtant il n’a trouvé nulle part une lecture transversale d’une histoire de la présence française en Afrique qui commence dès le XVe siècle, au moment où les premiers navires marchands français se présentent dans le golfe de Guinée et qui n’est pas close aujourd’hui où les interventions militaires, les pressions politiques et les relations économiques continuent à peser sur le destin des peuples.
Traquer dans la relation des faits la désinformation dont cette histoire a été victime
Jean Paul Gourévitch, spécialiste des migrations et de l’Afrique, où il a travaillé comme consultant international pendant 25 ans, a enseigné à l’Université Paris XII et est l’auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages. Il a été commissaire de cinq expositions internationales. Il ne traite que de l’Afrique noire subsaharienne c’est à dire des 14 colonies et protectorats devenus les pays du « pré carré » de l’influence française : Mauritanie, Sénégal, Guinée, Mali, Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, Congo, Gabon, République centrafricaine, Cameroun, Tchad, plus Madagascar. Ainsi que la Réunion et l’Île Maurice qui ne peuvent être dissociées de l’histoire de la colonisation française. C‘est déjà un champ immense puisqu’il couvre cinq siècles d’histoire ! Précisons que parmi les pays colonisateurs c’est la France qui a exercé la tutelle la plus longue et sur l’espace le plus large. Cette présence française, qui s’entend dans ses dimensions économique et politique, mais aussi touristique, médicale, et culturelle, est le fait aussi bien d’initiatives personnelles que de l’intervention de l’État, tant il est vrai que c’est souvent l’État qui a ratifié des opérations conduites de façon individuelle et parfois illégale par des explorateurs, des aventuriers, des scientifiques, des militaires ou des marchands.
La tragédie africaine
La tragédie africaine fait partie des mises en scène que l’actualité réveille à chaque épisode. De calamités naturelles en faillites industrielles et de crise des matières premières en années blanches, le continent africain vivrait aujourd’hui en marge du développement. Il s’enfoncerait dans la misère, la pauvreté, et la corruption. Les campagnes sont vouées à la désertification, dévastées par les criquets ou les luttes tribales. Les taches brunes des génocides se multiplient sur les cartes : RDC, Rwanda, Libéria, Nigeria, Sierra Leone, Somalie… Depuis les indépendances, aucun pays africain n’a connu une totale paix civile. Les combats politiques, les persécutions religieuses et ethniques, ont ensanglanté le Congo-Brazzaville, Madagascar, le Tchad, la Casamance, la Côte d’Ivoire, la République centrafricaine, les confins du Mali et du Niger. Le terrorisme islamiste omniprésent au Nigeria et au Sahel pousse ses tentacules du Burkina Faso jusqu’au Cameroun.
L’afro-optimisme
Il ne convient nullement de nier ces faits ; mais de les replacer dans le contexte d’une histoire longue et comparative. Car aucun continent, pas même l’Europe, ce foyer d’humanisme et de civilisation qui a éclairé le monde, n’a été à l’abri des calamités et destructions ! Il convient de prendre de la hauteur, nous invite Jean-Paul Gourevitch. Après tout, nous montre t-il, depuis soixante ans qu’on prédit la faillite du continent, l’Africain continue à survivre et certains font fortune ! Regardez les sportifs, les musiciens, les artisans d’art, les bijoutiers, les créateurs de mode ! La musique africaine fait danser aujourd’hui la jeunesse du monde entier. Il existe un cinéma africain, un théâtre africain, un art africain qui ne sont plus confisqués par les Occidentaux parce que l’Afrique a appris à préserver son patrimoine. Se découvrent des îlots de réussite incontestable du côté des infrastructures routières, portuaires, ferroviaires et aériennes, des coopératives artisanales, de la formation des cadres, de la prise de conscience par les femmes de leur pouvoir. On sait vivre en Afrique, accueillir l’étranger, prendre le temps d’observer et d’écouter, réconcilier tradition et modernité. (…)
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Emissions de CO2 sur le site d'une usine a Marseille (c) ZEPPELIN/SIPA - 00592549_000010
Pour l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la capture et le stockage du CO2 présentent un intérêt «limité». Une thèse contredite, entre autres, par l’Agence internationale de l’énergie, le World Economic Forum, l’Académie des sciences américaine ou l’Imperial College de Londres. Pour eux, ces technologies sont même indispensables à la transition. Cherchez l’erreur…
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et notamment de CO2, liées à l’énergie, il n’existe que deux moyens. Le premier consiste à en émettre moins, en en consommant moins et en utilisant des énergies dites décarbonées pour les substituer aux énergies fossiles. Ce processus est en cours, mais comme toutes les transitions énergétiques de l’histoire, il est lent et difficile. Et plus encore au XXIème siècle compte tenu de l’échelle de la transformation à faire et parce que dans des domaines clés grands consommateurs d’énergie comme les transports, le chauffage, l’industrie et l’agriculture, il existe peu ou pas d’énergies de substitution aux carburants fossiles. Cela signifie qu’il faudra impérativement utiliser le second moyen pour réduire les émissions de CO2, empêcher qu’elles se répandent dans l’atmosphère en les capturant et en les stockant ensuite, notamment dans le sous-sol. Il s’agit certainement d’un pis-aller, d’une technologie à usage limité pendant quelques décennies, mais nous n’avons pas vraiment le choix.
Le jugement moral de l’Ademe
Au-delà des discours automatiques, faciles et moralisateurs sur le fait que nous devons nous passer immédiatement des énergies fossiles, peu de personnes prennent la mesure de l’échelle des transformations à mener. Nous (l’humanité) brûlons chaque année 10 gigatonnes de carburants fossiles pour nous déplacer, nous chauffer, nous nourrir, nous soigner, nous éduquer, communiquer, nous divertir… Il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui sans énergies fossiles. Comment chauffer en hiver des centaines de millions de logements? Comment produire 1,6 milliard de tonnes d’acier, 4,6 milliards de tonnes de ciment et 180 millions de tonnes d’ammoniac par an? L’industrie n’a pas aujourd’hui de solutions réalistes, viables et à grande échelle et n’en aura pas, au mieux, avant quinze à vingt ans.
Alors bien sûr, la capture et le stockage du CO2 sont des technologies naissantes et très perfectibles. Elles sont contestées, voire rejetées par les adeptes de la décroissance et bon nombre d’écologistes qui y voient un moyen d’échapper aux efforts de réduction de consommation et même pour l’industrie de ne pas changer ces méthodes de production. Il y a une part de vérité dans cette thèse. Mais il s’agit aussi d’une vision moralisatrice et certainement pas pragmatique d’un problème à résoudre. Elle se refuse à voir la réalité telle qu’elle est, à savoir que 80% de l’énergie consommée dans le monde est d’origine fossile et que 90% de l’humanité n’a aucune intention de réduire sa consommation d’énergie et a même l’ambition de l’augmenter. Sans réelle surprise, l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) est sur cette ligne idéologique. Cette agence gouvernementale a une tendance grandissante à défendre des thèses plutôt qu’à faire des évaluations objectives. L’Ademe donc, dans une étude publiée fin juillet, souligne que la capture et le stockage de COE a un «potentiel limité» et qu’il s’agit d’une technologie «anecdotique au niveau mondial». Il faut donc «l’envisager en tant que dernière étape dans une stratégie de décarbonation commençant par les actions plus matures et performantes (l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables)», parce qu’elle «reste un pari risqué». Le problème fondamental pour l’Ademe est que «le CSC [Capture Stockage géologique du CO2] permet de réduire les émissions d’une source fortement émettrice de CO2 à grande échelle sans en changer fondamentalement le moyen de production…». La méthode pose un problème moral…
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À seulement 26 ans, Stella Kamnga démonte les discours victimaires d’Assa Traoré, Rokhaya Diallo ou autres encenseurs du ressentiment anti France. Après la publication d’une vidéo publiée sur Youtube devenue virale, elle est la nouvelle cible des professionnels la victimisation. Entretien.
Alexis Brunet. Vous venez du Cameroun. Le ressentiment contre les Français y est-il fort ?
Stella Kamnga. Pas au Cameroun en particulier, mais venant de la diaspora oui. Il y a une partie qui s’est bien implantée, qui a fait de bonnes études et qui a réussi socialement, ceux-là on ne les entend pas. L’autre partie qui n’a pas réussi est très bruyante sur les réseaux sociaux. Ce sont eux qui distillent un sentiment anti France et anti-blanc.
En arrivant en France il y a trois ans, avez-vous eu des problèmes d’intégration ?
Non pas du tout. Je n’ai jamais ressenti de racisme à mon égard, ni petite phrase, ni racisme « systémique ».
La vidéo qui vous a fait connaître a déjà été vue plus de 140 000 fois sur Youtube. Pourquoi l’avez-vous faite ?
J’ai décidé de faire cette vidéo à la suite de l’échange entre le leader de la LDNA et Jean Messiha. Mais avant cela, il y a eu le déboulonnage de statues, le mouvement pour le « Black Lives Matter » qui est monté en puissance, le mouvement « Justice pour Adama » et enfin la LDNA, sans compter tout ce qu’on a pu lire sur les réseaux sociaux. Là c’était trop. Ça m’a énervé et j’ai décidé qu’il fallait rétablir la vérité : n’importe qui voulant réussir en France, qu’il soit étranger ou natif, a vraiment la possibilité de faire ce qu’il veut, contrairement à d’autres pays, notamment d’Afrique.
Vous attendiez-vous à ce qu’elle ait autant de succès ?
Non pas du tout, je n’imaginais pas que ça allait prendre une telle ampleur avec son lot de détracteurs. Mes principaux détracteurs viennent de la diaspora en France mais j’ai des soutiens venant d’Africains vivant en Afrique. Ceux-là comprennent mon discours. Il y a un problème de cohérence. Il y a des personnes qui expliquent que la France est raciste et il y a des Africains qui sont quand même prêts à risquer leur vie pour arriver en France. J’ai fait cette vidéo pour rétablir les faits, pour expliquer pourquoi ces Africains veulent venir en France, et pourquoi ceux qui disent que la France est raciste ne veulent pas du tout retourner en Afrique.
On a l’impression qu’il y a une minorité très active qui parle au nom des Noirs de France sans être représentative. Les gens d’origine africaine qui sont heureux en France ont-ils peur de s’exprimer publiquement ?
Oui, il y a un peu de peur car tout le monde n’a pas un mental d’acier pour subir les insultes et l’opprobre sur les réseaux sociaux. Les Africains qui sont arrivés ici et qui ont bien réussi ne veulent pas se mêler de ça. Je pense d’ailleurs que c’est un sentiment typiquement français. C’est comme ça qu’il y a des nombreuses agressions physiques sans que personne ne réagisse. J’en ai été témoin dernièrement dans le métro parisien. Un Blanc s’est fait agressé par des Noirs. Il y avait deux Blancs jeunes d’apparence musclée qui pouvaient intervenir, ils ne l’ont pas fait. J’ai reçu de nombreux témoignages du même genre. Les Africains qui ont réussi ont pris ce même pli, tant qu’il ne se sentent pas concernés directement, tant que l’on ne s’attaque pas à eux personnellement ou à leur famille, ils estiment qu’ils n’ont pas à prendre position. Moi je prends position parce que la montée du communautarisme veut faire croire que les Français sont racistes alors que ce n’est pas le cas et veut faire croire qu’il existe un délit de faciès, ce qui est faux. Quand des policiers vont dans un quartier et se font caillasser par des personnes majoritairement d’origine maghrébine ou africaine, c’est un peu normal que quand ils vont dans ces quartiers ils se protègent, et qu’ils soient plus méfiants et plus vigilants.
Les immigrés qui se comportent mal en France font du mal à ceux qui se comportent bien. Moi par exemple, j’ai voulu demander un prêt étudiant pour m’acquitter de mes frais de scolarité. La banque m’a clairement fait comprendre qu’elle n’accorderait plus de prêts aux étudiants étrangers parce que certains avaient pris des prêts et sont rentrés dans leurs pays respectifs sans les rembourser. Cette banque que je ne citerai pas n’accorde donc plus de prêts aux étudiants étrangers. Ce n’est pas du racisme, je comprends parfaitement la situation, c’est de la méfiance. À cause de ces immigrés qui ont mis un sacré bazar et qui mettent les gens mal à l’aise, ceux qui viennent d’arriver comme moi sont obligés de redoubler, même de tripler d’efforts pour s’affirmer et montrer que nous sommes différents de ces personnes-là. Ceux-là sont quasiment inexistants dans le débat public. On n’entend pas leur voix.
A la suite de vos prises de position publiques, vous avez reçu beaucoup de soutiens. N’avez-vous pas peur d’être récupérée politiquement ?
Je ne suis pas une politicienne et je ne souhaite pas entrer dans un mouvement politique. Je ne peux pas être responsable de ce que des politiciens peuvent faire de mes paroles. Je suis responsable de ce que je dis, pas de la façon dont ça peut être interprété. Ce que je dis relève simplement des positions d’une citoyenne qui en a marre. Cette position-là n’est pas propre à un parti politique ou à une idéologie. Si je sors dans la rue et que j’en ai marre de voir un groupe de personnes qui fout le bazar, qui met le désordre partout et qui met les gens mal à l’aise, je pense que si je le dis ça ne relève pas d’un discours politique, je pense que tout le monde en a marre. Si j’habite dans un lotissement et que je dis qu’il y a des personnes en particulier qui font du bruit, le dire ne relève pas d’un bord politique, ça relève d’un voisin qui en a marre comme tous les autres, tout simplement.
Je ne fais que communiquer ce que je constate et je souhaite aussi rétablir la balance par rapport aux médias qui font exprès, j’ai envie de dire, de mettre de l’huile sur le feu. Les médias donnent toujours la parole aux mêmes personnes. Ils valorisent toujours les même. Le comité « Justice pour Adama » a été encensé par Le Monde, Le Figaro ou BFM TV alors qu’à la base, ce mouvement ne devait pas être encensé. Quand Assa Traoré prend la parole pour parler au nom des Noirs je ne me sens pas représentée. Moi je veux être représentée par quelqu’un qui a fait des études et surtout, qui pose les problèmes réels de la société. Le crack, la prostitution et le délit de faciès, je ne me sens pas concernée. Je ne deale pas de crack. Si c’est une réalité dans des quartiers de Seine-Saint-Denis, j’aimerais qu’elle le spécifie au lieu de généraliser pour en faire la cause d’une communauté tout entière. Je refuse d’être représentée par ces personnes-là.
Justement, avez-vous eu des contacts avec des personnes comme Assia Traoré ou Rokhaya Diallo ?
Non mais je ne suis pas contre. Si elles veulent échanger ou avoir un débat je n’ai aucun problème avec ça. Contrairement à ceux qui me détestent, j’estime que tout le monde à le droit à la parole. D’ailleurs, j’ai quand même une petite dent contre vous, Causeur, c’est par rapport à la tribune que vous avez offerte à Rokhaya Diallo (rires). J’en ai marre d’écouter ou de lire cette femme qui passe son temps à se plaindre. Je résumerai son discours en une formule : chialerie + ingratitude = minorité dite victime. Rokhaya Diallo estime que les gens comme moi qui sont reconnaissants envers la France ne devraient pas l’être. Selon son discours, des chose que j’ai ici devraient aller de soi. La liberté d’expression, la liberté de travailler ou d’aller à l’école sont des droits qui, selon elle, devraient aller de soi et je ne devrait donc pas être reconnaissante envers la France. Je suis contre cette façon de penser. Pourquoi ? Parce que je viens d’un pays où il n’y a pas de liberté d’expression, où si tu tiens un discours qui va l’encontre de l’État, ta vie peut être en danger, pas forcément de la part de l’État mais de la part de personnes qui sont zélées. Quand on tient un discours qui va à l’encontre du discours populaire, ceux qui n’ont pas d’argument préfèrent t’agresser ou même te supprimer. Je viens d’un pays comme ça où de plus, l’éducation est très chère et n’est pas à la portée de tout le monde, d’un pays où pour avoir un travail décent, il faut souvent avoir du piston. En France, je suis rentrée sans piston dans des entreprises que je n’aurais jamais pu intégrer au Cameroun. Oui, je suis reconnaissante à la France de m’avoir montré que si on veut on peut. Je suis reconnaissante à la France car elle a un éventail de possibilités. Il suffit juste de choisir et d’être déterminé, ce qui n’est pas le cas dans mon pays d’origine. Je viens d’un pays où les gens n’ont pas le luxe de pouvoir se plaindre en permanence.
Vous parlez justement dans une de vos vidéos des Africains qui se plaignent de la police française alors qu’ils pourraient être tués par un policier pour une broutille dans leur pays d’origine. Par ailleurs, vous démontez bien le discours du suprémaciste noir Kemi Seba. Comment expliquez-vous que son discours ait autant de succès, du moins sur les réseaux sociaux ?
Beaucoup d’Africains sont réfractaires à la vérité. J’en parlerai plus en détails dans mon livre quand il sortira. Je mets en lumière ce que beaucoup veulent cacher. Les Africains veulent qu’on les caresse dans le sens du poil, ils veulent qu’on leur dise qu’ils ont raison tout le temps. Mon discours aime beaucoup l’Afrique, ne vous y méprenez pas, sauf que moi, j’aime l’Afrique d’une manière différente. Ma manière, c’est de pousser l’Afrique à se lever par elle-même et d’arrêter d’attendre à chaque fois l’aide des pays étrangers. Soixante ans après leur indépendance, l’Afrique demeure le continent qui a besoin d’aide, je trouve que c’est malheureux ! C’est pathétique de vivre éternellement comme ça ! Un homme comme Kemi Seba va distribuer des masques pour le coronavirus et ça y est, il est le héro de l’Afrique. Pour aider les Africains, il faut leur apprendre à cultiver eux-mêmes, il faut leur offrir l’accès à la connaissance, pas leur offrir l’amour de Dieu.
Les discours comme ceux de Kemi Seba ou Rokhaya Diallo sont des discours victimaires qui à chaque fois encouragent les Africains à se reposer sur leurs lauriers et à penser que le coupable c’est la France. Le problème des Africains ce n’est pas la France, c’est leur mentalité et leurs dirigeants. Quand il y a un coup d’État, ils savent très bien que le seul pays qui est capable des les aider c’est la France. Ceux qui disent qu’il faut sortir du franc CFA sans proposer de véritable solution alternative le font car ils savent très bien que c’est ce que les Africains veulent entendre. Les Africains aiment entendre ce discours qui dit que tous leurs malheurs viennent de la France. Aujourd’hui pourtant, qui détient la dette africaine ? La Chine. La Chine détient 70 % de la dette africaine ! Les Africains restent aveuglés par ce discours qui rend la France responsable de leurs malheurs alors qu’aujourd’hui le véritable colon en Afrique ce n’est pas la France mais la Chine.
Après la diffusion de vos vidéos, avez-vous reçu des menaces ?
Évidemment. Un grand nombre d’Africains de la diaspora est réfractaire à la vérité. Pour eux, dès qu’on dit une idée qui est contraire à leur croyance, beaucoup sombrent dans les menaces de mort, dans les menaces de viol et tout ce qui va avec. Mais je continuerai. Tant qu’ils ne s’arrêteront pas, je ne m’arrêterai pas. Tout dépend d’eux. J’estime que les gens qui pensent comme moi devraient aussi prendre la parole. Cela est très important pour qu’on marque la différence entre-nous et ces personnes-là. Moi je suis pour envoyer ses enfants à l’école et leur faire faire leurs devoirs. Je suis pour les personnes qui veulent vraiment réussir et qui ne portent pas un discours victimaire à chaque fois. La vie ne fait de cadeaux à personnes. Je préférerais entendre des personnes qui portent un discours de volonté d’aller de l’avant que d’entendre à chaque fois des gens qui veulent des aides, qui pensent qu’on ne les apprécie pas ou qu’on veut même les tuer. Cela est un discours de paranoïa et on ne peut pas vivre dans un monde en étant paranoïaque.